L'o.M. Que J'aime. Radioscopie D'une Équipe De Football
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
L'O.M. QUE J'AIME DU MEME AUTEUR Histoire LE DÉBARQUEMENT DE PROVENCE (Robert Laffont). JOUR J EN AFRIQUE (Robert Laffont). L'AFFAIRE DE BERLIN (Gallimard). EXTRAORDINAIRES HISTOIRES VRAIES (Librairie Académique Perrin). LES GRANDS DOSSIERS DU TROISIÈME REICH (Librairie Aca- démique Perrin). Romans LA MISE A MORT (Julliard). POUSSIÈRE DE L'ÉTÉ (Julliard). LES FAUBOURGS DE LA VILLE (Julliard). LES FLAMMES DE LA NUIT (Julliard). LES CARTES DU DIABLE (Julliard). Littérature MAURIAC (Ed. Universitaires). LE ROMAN DES CHEFS-D'ŒUVRE (Librairie Académique Perrin). LE DÉFI DES GONCOURT (Denoël). JACQUES ROBICHON L'O.M. QUE J'AIME Radioscopie d'une équipe de football JULLIARD 8, rue Garancière PARIS La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou par- tielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa premier de l'article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et sui- vants du Code pénal. © Julliard, 1975. Marseille, « porte du soleil », seconde ville de France, 894 000 habitants, c'est la Canebière, le mistral et la bouil- labaisse, Pagnol, Marius et Fanny, le Vieux-Port et la Bonne- Mère, les Catalans et le Vallon des Auffes, le Château-d'If. Et puis, l'O.M. L'Ohème — c'est-à-dire l'Olympique de Marseille — l'enfant terrible du football français, près de quatre-vingts ans d'âge, quatre fois champion de France, recordman des victoires en Coupe : l'équipe qui, légendairement dans l'Hexagone et jusqu'à Bastia et Ajaccio, exaspère le plus de passions antagonistes, et fort probablement aussi, la seule où le limogeage d'un entraîneur motive un titre à la une de France-Soir. Cet O.M. à nul autre pareil, assurent les uns, où rien ne se fait comme ailleurs, prétendent les autres, et où il se passe toujours « quelque chose » : sur la pelouse du bou- levard Michelet, sur les gradins du stade, dans le bureau des dirigeants. L'O.M. à l'image de ce Midi paroxystique et brûlant, capable du meilleur comme du pire, défrayant indéfiniment la chronique : ce club qui, après avoir caracolé sur les sommets, entama la saison 1973 en disputant une rencontre européenne pour finir, en 74, sous la menace d'une relé- gation en deuxième Division. L'O.M. à l'histoire folklorique et tumultueuse, l'O.M. adoré, l'O.M. haï, l'O.M. redouté, vilipendé, l'O.M. ambi- tieux et furieusement controversé, contesté souvent à la limite de la mauvaise foi par ceux qu'irrite ou feint d'indi- gner sa « politique » de vedettes, son recrutement de stars — et de super-stars — étrangères de préférence, acquises à prix d'or, et ses joueurs pensionnés à coups de millions pour être laissés sur la touche. L'O.M. enfin, grand rapace des bords de la Méditerranée, représenté comme l'Ogre du ballon rond, se nourrissant de transferts à sensation obtenus à coups de contrats mirifiques, marchant de rapt en rapt et débauchant les footballeurs inter- nationaux partout où il s'en trouve. Cet O.M. qui ne peut se passer de faire parler de lui, fût-ce en perdant des mat- ches, et jusque dans un feuilleton télévisé : même les cou- ches de la population les plus étrangères au jeu de « ballon à pied », ne peuvent ignorer son existence et ses tribulations, là-bas, tout à fait au sud de la France, au bord de la mer légendaire, à l'ombre de la colline de la Garde et des hauts platanes mouchetés, parmi les parties de pétanque. Rien que pour les cinq premiers mois de la saison 74-75, toute la France a retenti de la mise à l'écart de Bernard Bos- quier, des débuts de Paulo Cezar, de la fracassante arrivée de Jaïrzinho sur la Canebière, du retrait anticipé de Josip Skoblar, des frasques et des fugues des deux étoiles brési- liennes, de l'achat — dans la tempête — à Saint-Etienne, pourtant le plus constant de tous ses rivaux, de Georges Bereta. En dépit — ou à cause — de cela, tel qu'il est, outran- cier et tonitruant, l'O.M. si décrié et envié, qui bat à Mar- seille aussi bien que dans le reste de la France les records nationaux d'affluence, demeure un de ces clubs sans lequel, à l'estimation de ses plus irréductibles adversaires, le foot- ball français ne serait pas tout à fait ce qu'il est, auquel sans lui — il manquerait sûrement quelque chose. Les « 434 ». Ils étaient 434, pas un de plus, par une fraîche soirée de printemps, 434 Marseillais perdus dans l'immense Stade- Vélodrome de 40 000 places, pour assister à un match de deuxième Division où l'Olympique de Marseille rencontrait l'Union Sportive de Forbach. Ce jour-là — vendredi 23 avril 1965 — devait compter parmi les plus sombres de toute l'histoire de l'O.M. Les Marseillais avaient perdu le chemin de leur stade et, depuis quelques saisons déjà, lui préféraient le cinéma en noc- turne, les bains de mer au soleil et les parties de pêche ou de pétanque, le « cabanon » du dimanche. Pour tout dire, l'O.M. s'apprêtait à toucher le fond de l'abîme. Et Marseille, le cœur gros et désenchanté, le laissait couler, aller à sa perte. Marseille avait fini par oublier l'O.M. et le football. Où étaient-elles, ces clameurs de frénésie et d'extase, et qu'étaient-ils devenus, ces longs cris d'exaltation et d'amour, le chant immense du stade, les « orgues » rugissantes d'allé- gresse, de bonheur, d'orgueil, déferlant des gradins vers la pelouse ? Où étaient-elles, les grandes foules de naguère, drai- nées de tous les quartiers et des plus lointaines banlieues vers le long boulevard rectiligne bordé de platanes, qui va de Castellane à Mazargues et mène des faubourgs au centre de la ville, vers ce rond-point du Prado où, depuis 1937, s'éri- geait le temple de béton muré d'ocre délavé, rendez-vous de toutes les fêtes et de tous les fastes du football ? Qu'était devenue la gloire passée : de Gunnar Anderson, le premier Suédois à jouer sous les couleurs olympiennes et qui avait, sans tirer un seul penalty, « planté » trente-cinq des soixante-deux buts marqués en 1953 par son équipe, à Larbi Ben Barek, la première de toutes les « perles noires » de Marseille, et à « Manu » Aznar et Johansson, Roger Scotti, Jean Robin, héritiers de celle des Crut, Boyer, Kohut, Joseph « Pepito » Alcazar, Di Lorto, l'inoubliable gardien brésilien Vasconcellos « El Jaguar », Félix Pironti ? Où était-il, le passé de gloire ? où était le temps passé, quand — affluence record pour l'époque — 42 000 specta- teurs survoltés saturaient et faisaient exploser ce même « Stade-Vél », à l'occasion d'une rencontre de Marseille contre Lille ? Mario Zatelli dira, un jour : — Le public marseillais réveillerait un mort, si besoin était... Mais, en 1965, ce mort, c'était l'O.M. Aujourd'hui, le grand vaisseau à l'amarre du boulevard Michelet, à un jet de pierre de la Cité Radieuse de Le Corbu- sier, ne figurait plus qu'une épave abandonnée, partant à la dérive. Qu'était-il donc advenu au vieil Ohème — glorieux, pres- tigieux, légendaire ; et comment avait-il pu en arriver là ? Jusqu'en 1959 encore, il avait tenu bon et, même, assez fréquemment, le haut du pavé, jusqu'à devenir un des bas- tions et jusqu'à faire, de Marseille, une des capitales du football français. Cependant, cinq sur six des Coupes de France rempor- tées par l'O.M. remontaient, maintenant, à l'avant-guerre, et la dernière — contre Bordeaux — en 1943, jour entre tous mémorable où Manu Aznar qui mourra sur un stade, un dimanche matin, balle au pied, avait fusillé le gardien giron- din en transperçant ses filets... Mais, déjà, le vieux club fondé en 1898, grimpant à l'assaut du Championnat pour y culmi- ner en 1948, accusait des hauts et des bas, montrant parfois d'inquiétants signes d'essoufflement, épuisant jusqu'à sept entraîneurs en quatorze années, et par un soir d'été 1959, terminant bon dernier pour se retrouver, la saison suivante, en seconde Division. Le grand « purgatoire » de l'O.M. déchu, meurtri, dura trois ans. Il y avait bien eu, en 54, une nouvelle aventure olym- pienne en Coupe où, parvenu en finale sur la pelouse de Colombes, l'O.M. s'était mesuré à Nice, le rival azuréen, qui l'avait battu. C'est alors qu'était apparu sur la Canebière celui qui, l'espace d'une saison, devait être bien plus que l'enfant chéri des Marseillais, quoiqu'il ne fût pas un joueur, le nouveau « Messie » de l'O.M. et son sauveur : l'entraîneur brésilien Otto Gloria, neuvième directeur technique de l'équipe phocéenne depuis la fin de la guerre. Ceci se passait en 1961. De la dernière place du classe- ment en deuxième Division, Otto Gloria — le bien nommé — fit remonter l'O.M. à la quatrième, derrière Grenoble, Valenciennes et Bordeaux, permettant à Marseille de retrou- ver la Division nationale, tandis que Saint-Etienne, Sochaux, Metz et Le Havre, eux, la quittaient. Mais « les miracles n'ont lieu qu'une fois » : Gloria, re- parti pour le Brésil pendant les vacances, n'en revint pas.