LE COUSIN PONS Du Même Auteur Dans La Même Collection
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LE COUSIN PONS Du même auteur dans la même collection ANNETTE ET LE CRIMINEL. BALZAC JOURNALISTE. BÉATRIX. CÉSAR BIROTTEAU. LE CHEF-D'ŒUVRE INCONNU — GAMBARA — MASSIMILLA BONI. LES CHOUANS. LE COLONEL CHABERT. LE COLONEL CHABERT suivi de L'INTERDICTION. LA COUSINE BETTE. LA DUCHESSE DE LANGEAIS. EUGÉNIE GRANDET. LE FAISEUR. LA FEMME DE TRENTE ANS. FERRAGUS — LA FILLE AUX YEUX D'OR. GOBSECK — UNE DOUBLE FAMILLE. ILLUSIONS PERDUES. LE LYS DANS LA VALLÉE. LA MAISON DU CHAT-QUI-PELOTE — LE BAL DE SCEAUX — LA VENDETTA — LA BOURSE. MÉMOIRES DE DEUX JEUNES MARIÉES. NOUVELLES. LA PEAU DE CHAGRIN. PEINES DE CŒUR D'UNE CHATTE ANGLAISE ET AUTRES SCÈNES DE LA VIE PRIVÉE ET PUBLIQUE DES ANIMAUX. LE PÈRE GORIOT. LA RABOUILLEUSE. LA RECHERCHE DE L'ABSOLU. SARRASINE. SPLENDEURS ET MISÈRES DES COURTISANES. UN DÉBUT DANS LA VIE. UNE FILLE D'EVE. URSULE MIROUËT. LA VIEILLE FILLE — LE CABINET DES ANTIQUES. BALZAC LE COUSIN PONS Préface, notes, annexes, chronologie et bibliographie mise à jour en 2015 par Gérard GENGEMBRE GF Flammarion www.centrenationaldulivre.fr © Flammarion, Paris, 1993. IN: 978-2-0813-3183-9 PRÉFACE « Qui n'a pas rencontré sur les boulevards de Paris [...] un être à l'aspect duquel mille pensées confuses naissent en l'esprit ! [.. J Nous sommes tentés d'inter- roger cet inconnu, et de lui dire — Qui êtes-vous? Pourquoi flânez-vous, de quel droit avez-vous un col plissé, une canne à pomme d'ivoire, un gilet passé ? [...] pourquoi conservez-vous la cravate des musca- dins ? » : citant ces lignes extraites de la conclusion de Ferragus (1833), Jeannine Guichardet montre juste- ment le rapport qu'elles entretiennent avec le début du Cousin Pons1. Véritable spectacle, vestige archéolo- gique, le personnage anonyme nous apparaît comme un survivant, une butte-témoin de l'Empire, et rap- pelle le colonel Chabert, qui, lui aussi, ressemblait à « ces grotesques qui nous viennent d'Allemagne ». Au crépuscule de sa propre vie, Balzac oppose à la gloire des années héroïques ce débris. Et l'on se prend à penser à ces autres moments de La Comédie humaine, où le soleil impérial illuminait encore la scène pari- sienne ou fascinait les personnages : La Paix du ménage (1830), La Femme de trente ans (1831-1842), Une ténébreuse affaire (1841), La Rabouilleuse (1841- 1842). Ce contraste caractérise à lui seul les années grises, pour ne pas dire noires, de la monarchie de 1. Balzac « archéologue de Paris », SEDES, 1986, p. 341. 8 LE COUSIN PONS Juillet. Notons que dans La Cousine Bette, le maréchal Hulot est lui aussi un « homme de PEmpire », « habitué au genre Empire ». La faillite de la gloire, la retombée du siècle dans les eaux troubles de l'intérêt, la prosaïsation des rapports entre les individus : tel se définit le contexte historique de Cousin Pons. La créature humaine y exhibe ses traits les moins ragoûtants. De là une répartition simple mais efficace entre les prédateurs et les proies innocentes. Sylvain Pons prend rang parmi ces martyrs ignorés dont La Comédie humaine met en scène les souffrances inconnues, dues aux tortures infligées « aux âmes douces par les âmes dures, sup- plices auxquels succombent tant d'innocentes créa- tures » (Les Martyrs ignorés, 1836-1837). Comme Pier- rette, héroïne éponyme du roman (1840) dont un chapitre s'intitule « Histoire des cousines pauvres chez leurs parents riches », comme l'abbé Birotteau dans Le Curé de Tours (1832), le héros sera victime d'un lent assassinat impuni perpétré par de sournois tortion- naires. Et Balzac de reprendre le thème de la capta- tion d'héritage, déjà utilisé dans Gobseck (1830), La Rabouilleuse ou Ursule Mirouët (1841). Un héros condamné à mort Homme du passé, Pons se rapproche du père Grandet, du vieux Séchard (Illusions perdues), qui imposent à leurs familles une vie de pauvre, mais sur- tout du père Goriot, avec qui il partage l'excentricité du vêtement et celle — géographique — du logement. Vaincus, victimes de l'Histoire, ils finissent malades et ruinés. S'établit ainsi une communauté de destin. Une différence notable cependant. Si Goriot et Pons ont en commun la passion (celle de l'art, celle de la pater- nité), ils ne meurent pas de la même façon, en dépit de leur égal dépouillement. Goriot meurt d'aimer, et de l'ingratitude de ses filles. Pons évoque plutôt d'au- tres agneaux ou d'autres brebis de La Comédie PRÉFACE 9 humaine, telle madame Grandet, et fait de sa mort un moment édifiant. Il a pourtant découvert lui aussi la noirceur du monde. Au terme de son chemin de croix, dont la première station est l'échec du mariage de Cécile qui lui ferme la table des Camusot, Sylvain Pons, cet amant du Beau, accomplit l'inéluctable destin des êtres faibles détenteurs d'un trésor conver- tible en or. Dès le moment où il passe pour riche aux yeux de la société qui ne voyait en lui qu'un pauvre ennuyeux, Pons est perdu. Il a éveillé l'implacable cupidité des gens positifs. Ces voraces ont tous la même médiocrité et la même mesquinerie. Les flibus- tiers en gants jaunes à la Maxime de Trailles qui sil- lonnent le boulevard des Italiens font place à des petites gens ou à des bourgeois sans moralité. Nous retrouvons un processus de grignotage analogue à celui qu'illustrent Les Petits Bourgeois (inachevé et pos- thume, 1854) ou Les Paysans (inachevé, 1844 et 1855). On a souvent souligné le côté sordide, ignoble de cette concierge qui rêve d'être couchée sur un tes- tament, de ce brocanteur qui ambitionne une bou- tique sur les boulevards, de ce médecin qui veut sortir de son misérable quartier, de cet homme de loi véreux qui louche vers une justice de paix. Tous composent une galerie de monstres, un catalogue des espèces sociales de l'ombre, qui redupliquent dans leurs pro- fondeurs les bourgeois envieux. Maintes fois défini comme ouvrage pessimiste, comme roman noir, où se déploient dans leur hideur un univers cruel, une jungle hantée par ces fauves inquiétants que sont la Cibot au regard de tigre ou le Fraisier au regard de vipère, par toute cette faune venimeuse pleine de fiel et tous ces suppôts de l'enfer, Le Cousin Pons, « roman de la cruauté » selon André Lorant1, nous présente un monde criminel, « en haut » comme « en bas », du salon à la loge de concierge. La fiction construit un univers de mort. La métaphore de la gravelle qui se file tout au long 1. Voir sa préface à l'édition de la Pléiade, La Comédie humaine, tome X, p. 480. 10 LE COUSIN PONS du roman exploite cette veine sinistre. Maurice Ménard en a bien dégagé la signification1. Gravelle, gravier, grain de sable : il s'agit d'une maladie réelle et symbolique à la fois. Frottement douloureux, lèpre, obstruction : tout dit le mal d'un siècle sordide et le supplice des faibles ou des idéalistes. Le Cousin Pons se fait alors roman nosologique. Son héros lui- même se voit qualifié de « gravier », antithèse du grain semé et promis à la germination ou du grain de sel qui relève un peu la médiocrité ambiante. Là sans doute serions-nous fondés à parler de « réa- lisme » noir. Ce serait oublier la contrainte générique dont Balzac joue en maître, celle du roman- feuilleton. Un roman-feuilleton ou un roman grotesque ? On peut suivre Ruth Amossy2 dans son analyse du grotesque dans le roman. Signalé d'emblée à propos du visage, le grotesque imprime sa marque sur le texte. La laideur cocasse du héros se dissémine dans de nombreux personnages et affecte « tous les détails de l'intrigue ». Cette coloration générale doit être mise en rapport avec l'utilisation systématique des procédés du feuilleton. Selon René Guise3, l'année 1846 voit le « retour enfin triomphant [de Balzac] dans le domaine du roman-feuilleton ». Paradoxalement, il semble béné- ficier d'une certaine lassitude du public gavé de feuil- letons historiques et de l'effacement d'Eugène Sue. Sa production tranche sur les stéréotypes des feuilleto- nistes. Encouragé par Véron, Balzac adopte le rythme du feuilleton et écrit au jour le jour. Le succès de La Cousine Bette contraint les directeurs de journaux à se rapprocher de Balzac, qui jubile : « II y a une immense 1. Préface à l'édition du Livre de Poche, p. XIV. 2. « L'esthétique du grotesque », dans Balzac et « Les Parents pauvres », SEDES, 1981. 3. « Balzac et le roman-feuilleton », L'Année balzacienne, 1964. PRÉFACE 11 réaction en ma faveur. J'ai vaincu », écrit-il à Mme Hanska le 18 octobre. Au début de 1847, il fournit simultanément de la copie à trois journaux : Le Constitutionnel (Le Cousin Pons), La Presse (La Der- nière Incarnation de Vautrin, 17 feuilletons du 13 avril au 4 mai), L'Union monarchique (Le Député d'Arcis, 16 feuilletons du 7 avril au 2 mai). Mieux encore, les quotidiens rééditent en feuilleton des œuvres anté- rieures. Incontestablement, cène victoire balzacienne rend en partie compte de la composition du Cousin Pons. Rythme, changements d'éclairage, agencement de l'intrigue : l'écriture feuilletonesque conditionne ces paramétres. A commencer par les titres des cha- pitres, dont le fonctionnement est en partie paro- dique, on relèverait sans peine bien des éléments appartenant à l'esthétique du feuilleton : péripéties, rebondissements, captation de l'intérêt du lecteur grâce aux prédictions, persécution des justes ou complot des traîtres. L'on pourrait également ana- lyser la psychologie des personnages en fonction des simplifications et des schématisations imposées par le genre. Il s'agit d'opposer les bons aux méchants : la naïveté des deux amis tranche sur la noirceur de leurs ennemis. On tracerait ainsi un véritable orga- nigramme de stéréotypes, agencé selon une dicho- tomie simple.