La vallée de l’

Les étaient originairement en friche et sans valeur, couvertes de forêts immenses dont les bois périssaient sur place à défaut de consommateurs et pour la restauration desquelles il a été nécessaire de faire venir des colons pour défricher ces terres qui allaient par la suite amener de la richesse. Cette forêt se présentait alors comme une région très sauvage et à peu près totalement impraticable. Pour attirer ces populations dans ces contrées presqu’inhabitées, les princes et les prieurs des couvents ont concédé aux familles qui venaient se fixer sur les terres placées sous leur dépendance le droit de prendre gratuitement dans leurs forêts les bois nécessaires à leur chauffage, leurs constructions et leur industrie.

Implantation des verreries

La Charte aux Verriers de 1448 décide que les produits des verreries circuleront en toute liberté sans paiement de droits, que le bois pour les fours sera délivré en toute discrétion et que le verrier pourra récolter le fougère dont les cendres fournissent la soude ainsi que les autres herbes propres et convenables. Les verriers jouiront du droit de chasse et du droit de pêche dans les forêts et les ruisseaux du voisinage des usines.

Les premiers verriers n’hésitèrent pas à s’installer au cœur des forêts les plus hostiles à condition que ces forêts puissent fournir un bois riche en pouvoir calorifique : le hêtre et le chêne étaient ce qui convenait le mieux. De fait la forêt de était amplement pourvue de ces essences.

A cette époque, la propriété forestière était à peu près sans valeur. Ces concessions étaient donc généralement considérables.

Le verrier vit dans la dépendance de la forêt. Le bois est nécessaire pour chauffer les nombreux fours : four de fusion, de séchage des bois, de préparation de ka « fritte » vitrifiable, de séchage des creusets, de recuisson des verres… Il en faut aussi pour le chauffage domestique.

Les verreries du XVIème au 18ème siècle

Au XVIème siècle, 23 verreries se sont installées dans la forêt de Darney : la forêt fut alors mise au pillage. Les usines, construites en maçonnerie, étaient fixées de façon stable. Leur personnel de plus en plus nombreux nécessita que l’on déboise autour de l’usine pour donner aux ouvriers les champs et les prés nécessaires à leurs besoins. En même temps, des étangs et des retenues d’eau furent crées pour assurer le ravitaillement en poisson d’une population ouvrière qui suivait strictement les rites religieux.

D’autres corps de métier : bûcherons, sabotiers, forges, charbonniers, saliniers… contribuèrent aussi à la dévastation comme on peut le lire sur un compte-rendu de visite de 1703 qui constate que « tout ce qui est autour des verrières est dégradé, jardiné à volonté et sans ordre, sautant de place en place. »

En 1580, le gruyer de Nancy décrit ainsi les ravages causés par une exploitation abusive : «les verriers font couper bois sans tenir ordre ni règle et coupent en toute saison le bois pour la fourniture de la verrerie, de sorte que les tailles qu’ils font, les estocqs, sont de trois à quatre pieds de hauteur… afin que les estocqs puissent rejeter furons et recrus, ils coupent ordinairement le bois à vert et laissent pourrir le bois qui est tombé des vents et tempêtes pour autant qu’il leur semble qu’ils auraient trop de peine à descendre ledit bois tombé. »

En 1723, suite à une plainte des verriers, le duc de Lorraine établit des règles bien précises : le bois d’affouage, au lieu d’être gratuit devra être payé et les bois nécessaires aux forges et aux verreries ne furent plus coupés que dans certains cantons suivant des concessions dûment établies. La forêt de Darney fut divisée en enclaves ayant chacune une superficie en fonction de leur importance. Toutes les enclaves formaient une seule communauté, celle de Verrières et Granges ». Elle perdura jusqu’à la Révolution et elle fut scindée en deux communes – et - tandis que les acensés qui n’étaient que locataires se virent attribué la pleine propriété de leurs acensements.

L’eau : élément indispensable

Une source d’eau vive à proximité a suffi pour déterminer la construction d’une maison ou d’une verrerie. L’eau servait d’abord aux besoins domestiques et plus tard actionnait les tours : elle était souvent accumulée dans des étangs artificiels. La a également joué un important rôle commercial : le verre était transporté dans des chariots jusqu’à Corre ou quand les eaux de la Saône étaient basses jusqu’à Gray et de là circulait sur la Saône puis le Rhône. Peu à peu des hameaux se sont formés, ensuite des communes entières.

Le salin ,source de conflit

La qualité du verre a toujours surtout dépendu du choix du sable. Dans la forêt de Darney, le sol est principalement constitué par du grès bigarré et en certains lieux affleure un grès dur et de couleur quasiment blanche. Pour faciliter la fusion du sable, il est nécessaire d’ajouter des bases : potasse, soude, chaux. Ne possédant jadis ni potasse, ni soude, on utilisait le salins ou sel que les ouvriers extrayaient des « fouchières et toutes aultres herbes propice et convenable pour le fait de leur mestier ».

Le salin provient des cendres d’herbes et de bois. Vers 1730, les verreries produisaient elles-mêmes leur salin en établissant leurs propres ouvriers à quelques kilomètres autour d’elles. Le nombre de verreries augmentant , la quantité de salin augmente en proportion et les verreries ne peuvent plus en rester au stade artisanal , elles sont obligées d’en acheter à des particuliers qui le convertissent en potasse à l’usage des verriers.

Ce salin était d’autant plus recherché que les femme des montagnes avaient soin d’en augmenter la force en arrosant de leurs urines les tas de fougères et de bruyères qu’elles faisaient près de la maison. . Extrait de registres paroissiaux 1761: « Joseph Paris, salinier demeurant à , est réputé pour travailler servilement et scandaleusement tous les jours de dimanche et fêtes, au mépris de la loi divine. Le jour de Saint Jean 1761, le curé se transporte à son domicile, à l’issue de la messe paroissiale : il y trouve deux chaudières de fonte remplies de salin cuisant sur le feu et un cuveau aux deux tiers de cendres lavées. Devant cette infraction à la loi divine, la justice humaine réagit et l’amende sera lourde.»

HENNEZEL

Hennezel est né au cœur de la forêt de Darney vers 1450 quand les verriers ont défriché le bois pour installer leur four, leurs habitations et les engrangements. Son nom lui a été donné par une famille de verriers, les d’Hennezel.

Si aujourd’hui les verreries ont disparu, la commune compte un vaste territoire de 2652 ha occupé à 87% par la forêt. Le village et ses 14 hameaux forment des clairières trouant l’une des plus belle forêt de feuillus de .Elle abrite de magnifiques futaies de hêtres et de chênes. Le sapin pectiné et l’épicéa sont aussi très abondants en particulier sur les coteaux de la vallée. L’Ourche affluent de la Saône dont la source est située à Vioménil,se faufile d’étangs en étangs au travers des hameaux de Hennezel formant la vallée de l’Ourche.

Cette vallée accueille plusieurs hameaux : Clairey, la Frison, la Hutte, la Forge Neuve et l’Abbaye de Droiteval.

Au nord, c’est la Saône naissante qui sépare Hennezel de Vioménil. Le centre est situé sur un plateau d’où s’échappe le ruisseau de la Gorge Le Loup. D’autres hameaux complètent la commune, séparés par les bois de la forêt de Darney et les nombreux étangs : Brise-Verre, la Planchotte, le Torchon, Clairefontaine, la Verrerie de .

1764 – Hennezel devient une paroisse

La communauté des « Verreries et des Granges » composée de granges et de verreries répandues dans toute la forêt de Darney et qui pouvait compter 200 feux n’avait pas de paroisse propre. Les actes religieux tels que baptêmes, mariages et décès étaient enregistrés dans des paroisses d’emprunt entrainant des traités entre les différents diocèses pour les dîmes. Autour d’Hennezel, ce furent les paroisses de Belrupt et Attigny qui furent concernées, parfois même celle de .

L’éloignement amenait toutes sortes de difficultés. Pour les baptêmes par exemple les enfants étaient présentés au baptême aussitôt leur naissance ce qui supposait un aller et retours de dix à douze kilomètres ce que beaucoup de nouveaux nés supportaient difficilement. Les enterrements en mauvaise saison étaient aussi pénibles. On devait transporter le corps par tous les temps.

Le roi de Pologne, Stanislas autorisa la construction de deux paroisses nouvelles et permit la construction de l’église avec presbytère et maison d’école à Claudon et Hennezel. Pour ce faire, il accorda une généreuse subvention, les habitants étant très pauvres ne pouvant pas ériger cette église à leurs frais. Au sud de l’église d’Hennezel, il y avait le cimetière là où actuellement se trouve la place communale. Devenu trop petit, il fut désaffecté en 1866. La nouvelle église était modeste et son clocher en bois donc sa construction fut menée rapidement.

L’Ourche – poème d’Henri Poirier - mon grand-oncle

C’est un petit ruisseau, Pas même une rivière Et qui a son berceau Au fond de la Grosière

Il sourd tout doucement, Un filet d’eau à peine Entre un bouleau d’argent Et un rustique chêne

A travers la prairie, Comme un enfant musard, L’âme folle et ravie, Il s’en va au hasard

Et tout en serpentant Il arrive au hameau Où dans le sombre étang Meurt le petit ruisseau

La Saône à sa naissance paraît si frêle que l’on peut à peine imaginer que ce filet qui court dans la rigole aménagée pour lui se transformera en une voie fluviale impressionnante. Au cœur de l’été le débit à la source est de quelques gouttes par seconde.

La forêt de Darney

Quand on sillonne la forêt de Darney par ses routes et ses chemins, on traverse des hameaux désertés semblables à La Planchotte, à demi ruinés, on peut difficilement imaginer à quel point ces espaces furent , tout au long du XIXème siècle, une fourmilière humaine aux activités diverses, animés jusque dans les coupes de bois les moins accessibles, parcourus par les charrettes et les multiples travailleurs du bois ; voituriers, marchands de sabots, bûcherons, charbonniers, verriers de retour de leur travail. Le bruit des marteaux, le grincement des chariots, les encouragements des bouviers, les coups des cognées, la chute des arbres abattus interrompaient seuls le silence des bois. Difficile cependant de connaître leur mentalité, leurs habitudes, leur vie affective et matérielle car l’homme de la grande forêt ne révèle pas grand-chose : il garde tout pour lui, peu d’écrits et la transmission orale peu existante.

Petite, je suis allée souvent aux champignons avec pépère dans cette forêt de Darney : sous les chênes et les hêtres, on trouvait des pieds de mouton et des jaunottes (girolles) . On partait avec un panier d’osier, un bâton pour soulever les feuilles sans se baisser et un couteau pour couper les champignons à leur base. En rentrant sur la route entre Hennezel et Darney, on ne manquait pas de s’arrêter au lieu dit les « trois chênes » pour encercler de nos bras les célèbres chênes vieux de 350 ans pour essayer d’en calculer la circonférence qui pouvait être de 1,70 mètre.

Le grand chêne : 37 m de hauteur – 300 ans Le petit chêne : 34 m de hauteur – 300 ans Le gros chêne : 30m de hauteur - 350 ans

11 Juillet 1984

En quinze minutes tout au plus, une gigantesque tempête s’est abattue sur les Vosges le long d’un couloir de 5 à 10 km de large sur 50 de long. Des vents de l’ordre de 250km/heure soufflent dans la même direction : il n’y a pas eu de phénomène tourbillonnaire mais 12000 hectares de forêt sont dévastés. On y voit des arbres blessés à mort, réduits sur le haut à des sortes d’allumettes. Il faut 100 ans au minimum pour refaire une telle forêt. Hennezel se trouve au cœur de la tourmente. Les trois chênes tricentenaires sont à terre.