Document generated on 10/01/2021 8:51 p.m.

Séquences La revue de cinéma

Festival Keaton Patrick Schupp

Number 69, April 1972

URI: https://id.erudit.org/iderudit/51477ac

See table of contents

Publisher(s) La revue Séquences Inc.

ISSN 0037-2412 (print) 1923-5100 (digital)

Explore this journal

Cite this review Schupp, P. (1972). Review of [Festival Keaton]. Séquences, (69), 29–30.

Tous droits réservés © La revue Séquences Inc., 1972 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/

This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ . '

The General, de FESTIVAL KEATON

Patrick Schupp

Pendant deux mois, au cinéma Verdi, de­ du metteur en scène aussi bien que du co­ vant une assistance enthousiaste, sont re­ médien qui, par exemple, trouvant dans son passés en un festival beaucoup plus com­ arsenal de jeunesse un gag remarquable (un plet que celui présenté à l'université Sir décor, ou une façade de maison tombe sur George Williams, il y a deux ans, les meil­ le héros qui, par miracle, s'en tire sans une leurs courts métrages et les longs métra­ égratignure, car une ouverture providentielle, ges de l'un des pionniers et des grands gé­ fenêtre ou autre, l'encadre exactement et nies du cinéma : Buster Keaton. A côté de le laisse passer), le poursuit de film en film lui, on doit avouer que tous les autres, Cha­ sans jamais le rééditer deux fois de la mê­ plin y compris, Ben Turpin, Harold Lloyd, me façon. Laurel et Hardy etc., font souvent modeste Le Festival suivait un ordre chronologique figure ! Autre avantage de ce festival : don­ qui a découpé des séquences bien précises ner une vue d'ensemble relativement com­ dans l'oeuvre de Keaton : tout d'abord les plète sur cette oeuvre méconnue parce que courts métrages (15) qu'il fit de 1917 à 1920 morcelée. On a pu enfin suivre l'évolution avec et pour le compte de Roscoe (Fatty)

AVRIL 19» 29 Arbuckle : Butcher Boy, Coney Island, Out du geste juste, de la situation exploitée dans West, Goodnight Nuge, et surtout l'étonnant des proportions idéales, ce dont feraient Backstage. Puis, en 1920, il crée sa propre bien de s'inspirer certains metteurs en scè­ compagnie et ses chefs-d'oeuvre : High Sign, ne d'aujourd'hui... Sens du montage égale­ One Week, le fantastique Neighbor, peut- ment, qui procède du minutage précis acquis être son chefs-d'oeuvre, The Playhouse, The dans les vaudevilles et les revues de sa jeu­ Boat, le célèbre Cops etc. Cette seconde nesse. Enfin, il est honnête, et montre exac­ période se termine en 1923, qui voit la nais­ tement ce qu'il veut qu'on voie, n'utilisant sance de son premier long métrage, The des mannequins qu'en de très rares occasions . Suivront, avec un succès tou­ Toutes les acrobaties les plus invraisembla­ jours grandissant : , Sherlock bles qu'on lui voit faire sur l'écran sont réel­ Junior, le très célèbre Navigator (qui n'est lement faites par lui, et sans trucages. Par pas finalement le meilleur), , exemple, les dernières images (quarante se­ Go West, Battling Butler (d'un ton doux-amer condes) de Sherlock Jr. sont comprises dans un peu inhabituel), The General, le meilleur un seul plan, sans coupe ni raccord. D'ail­ de ses longs métrages avec Steamboat Bill Jr, leurs, il a cent fois failli se casser le cou, le plus achevé, le plus épuré de tous, en tous se noyer.se faire écraser etc.. au cours de cas le plus irrésistible. Il fera encore, pour certaines scènes. Et ces scènes, que l'on le compte de la M.G.M., Cameraman et Spite voit aujourd'hui avec autant d'admiration que Marriage, mais la grande veine est tarie. Il d'attendrissement, ne semblent jamais ridi­ perd, à trente-trois ans, la merveilleuse in­ cules ou trop poussées, parce qu'on ne peut dépendance qu'il avait eue chez R.K.O., doit pas lui reprocher le moindre trucage et parce faire face à des problèmes personnels de que c'est toujours lui qui est en cause et toutes sortes (il boit, est mal marié). L'avè­ non pas une doublure. nement du son ne lui vaut rien. Enfin, il a u- ne très violente altercation avec Louis B. Ma­ I! recrée, enfin, le cadre dans lequel il yer, ce qui décide de son retrait des studios. évolue avec un luxe de détails et de recher­ Il y retournera beaucoup plus tard avec une ches visant toujours à l'authenticité la plus triste parodie de sa vie, The Buster Keaton parfaite. Si, dans Our Hospitality, il utilise un Story, quelques insignifiances, pour enfin se vélocipède, on peut être assuré qu'il en exis­ voir confier l'un des rôles principaux de A tait à l'époque, et dans les conditions qu'il Funny Thing Happened on the Way to the décrit. C'est un poète, un observateur caus­ Forum, de Richard Lester. Ce sera son der­ tique et amateur de "gadgets" (il y en a dans nier film. Il meurt au matin du 1er février presque tous ses films) qui témoigne d'une 1966, d'une crise cardiaque. invention en perpétuelle effervescence, re­ marquablement coordonnée, qui ne se laisse Pourquoi l'art de Keaton demeure-t-il si abattre ni par l'adversité, ni par les hommes, grand ? Il partage, seul avec Chaplin, mais ni par les éléments, aussi déchaînés soient- à un degré supérieur, le don de se renouve­ ils. Qu'il soit aux prises avec un paquebot ler, de constamment innover, d'améliorer vide à la dérive, une locomotive volée, une ce qui a été fait. Il possède également, à un tornade, une motocyclette emballée ou un rare degré, la science de la mise en scène, glissement de terrain, qu'il soit riche, pau­ qu'il s'agisse de la descente dans la chute vre, cowboy, maçon, épicier, électricien, dan­ d'eau de Our Hospitality, des multi-facettes seur, comédien, tout en restant impassible, de Batling Butler, ou de la découverte qu'il Buster Keaton sait admirablement d'un ges­ fait de la virago à laquelle on l'a marié par te, d'un regard, faire passer les situations les erreur (My Wife's Relations), ou encore de plus incongrues, les plus folles. C'est la mar­ l'extraordinaire enchaînement d'événements que unique d'un très grand comédien. dans Neighbors. Il a toujours le sens inné

SÉQUENCES 69