note n°04/11

Philippe Gros Chargé de recherche à la Fondation pour la Recherche Stratégique

De Odyssey Dawn à Unified Protector : bilan transitoire, perspectives et premiers enseigne- ments de l’engagement en Libye (Cette note couvre les événements jusqu’au 21 avril 2011)

Après un mois de campagne aérienne dirigée par L’engagement militaire est-il dans l’impasse ? l’OTAN, en application de la résolution 1973, d’a- Difficile à dire. Il est probable que les forces aé- bord dans le cadre de l’ Odyssey Dawn (OOD), riennes, notamment américaines, françaises et puis de l’ Unified Protector (OUP), cette note britanniques, ont usé de façon déjà importante propose une réflexion sur le bilan transitoire et l’appareil militaire du maître de Tripoli, détrui- les perspectives de l’engagement en Libye. sant notamment son système de défense antiaé- Bien qu’aucun pays ne s’accorde clairement sur rienne intégrée et surtout plusieurs centaines l’« état final recherché » de l’action militaire, cet- d’armes lourdes. Cela étant, de nombreux fac- te dernière répond théoriquement à un objectif teurs limitent les perspectives de dislocation du coercitif, l’obtention d’un cessez-le-feu, lequel a système de force de Kadhafi : le retrait des peu de sens dans le contexte d’une confrontation moyens de combat américains fin mars, et le fait à but absolu entre le pouvoir de Tripoli et les in- que seuls six pays, aux moyens limités, partici- surgés. L’action militaire suit trois axes : l’em- pent aux frappes, les difficultés de l’OTAN à or- bargo maritime sur les armes, la mise en œuvre ganiser un contrôle opérationnel efficace, la fai- d’une zone d’interdiction de survol et enfin la blesse militaire de l’insurrection au sol et l’adap- protection des civils, c’est cet objectif qui s’avère tation tactique des forces libyennes aux actions le plus problématique, car passant par la des- de la puissance aérienne. truction des moyens offensifs de Kadhafi. Si cette situation n’incite pas à l’optimisme, le

brouillard de la guerre rend toutefois vaine tou- raux de l’UE et de l’OTAN comme instrument de te prédiction à quelques semaines ou mois. Au gestion de crise internationale. plan stratégique, il est trop tôt pour connaître l’issue du bras de fer entre un régime fragilisé mais non isolé et une insurrection décidée mais Un impressionnant déploiement de encore faible, soutenue de facto mais de façon force non assumée par une coalition divisée, hétéro- Les moyens engagés clite et handicapée par un défaut de leadership Sans atteindre les volumes de force engagés dans américain. les grandes campagnes aériennes comme celles En revanche, cette affaire libyenne montre d’o- de 1999 et de 2003, le dispositif mis en place res et déjà, que l’Europe peine à exister sur le contre le colonel Kadhafi n’en est pas moins im- plan stratégique. La combinaison d’intérêts di- posant. Il comptait jusqu’à environ 350 appareils vergents et de cultures stratégiques peu conci- à la fin de l’opération Odyssey Dawn. Le tableau liables ne permet que des consensus a minima ci-après en présente les principales caractéristi- sur des « engagements de protection » refusant ques 1. Il ne prend cependant pas en compte les explicitement d’appuyer un changement de appareils de soutien ou contribuant aux missions donne dans la situation géopolitique locale. Le d’embargo maritime (comme les avions de pa- risque est donc grand que cet engagement trouille maritime). achève de décrédibiliser les cadres multilaté-

De Odyssey Dawn à Unified Protector : bilan transitoire, perspectives et premiers enseignement de l’engagement en Libye

Pays Moyens Base de déploiement Etats-Unis Appareils de combat 10 F-15E Strike Eagle (interdiction) Aviano

employés dans le 12 F-16 CJ (suppression des défenses antiaé- cadre Odyssey riennes ennemies, SEAD) Dawn 42 F-16 CG (interdiction) 5 EA-18G de la Navy (SEAD ) 6 A-10 6 Harriers AV-8B (interdiction) 26th Marine Expeditionary Unit Porte-aéronefs d’assaut USS Kear- sarge 3 Bombardiers B2 Missions de global strike depuis 2 Bombardiers B1 leurs bases américaines

2 AC-130U (appui-feu) Sigonella Appareils opérant 2 EC-130 Compass Call (brouillage communi- La Sude (Crète) en appui de l’opéra- cation) tion Unified Protec- RC-135 Rivet Joint (ISR - ROEM) tor RQ-4B UAV Global hawk (ISR) Sigonella

EC-130 Commando Solo (PSYOP)

KC-135 (ravitaillement en vol) Moron (Espagne) Mildenhall (GB) France 6 Rafale (polyvalent) Solenzara Opération Harmat- 6 Mirage 2000D (interdiction) Solenzara puis La Sude tan 3 Mirage 2000-5 (supériorité aérienne) La Sude C-135 (ravitaillement) Istres

2

3 Mirage F1 CR (ISR) Solenzara E-3F AWACS Avord 8 Rafale M (polyvalent) PA Charles de Gaulle

6 Super Etendard Modernisés (interdiction)

2 E-2 Hawkeye Grande-Bretagne 10 Typhoon (supériorité aérienne, interdiction Gioia del Colle Opération Ellamy 8 et maintenant 12 Tornado GR4 (interdiction) E-3D AWACS Akrotiri (Chypre) R1 Sentinel (ISR) VC-10 (ravitaillement) Italie AV-8B PA Guiseppe Garibaldi 4 Tornado ECR (SEAD) Trapani 4 Typhoon (supériorité aérienne) Espagne 4 F-18 (supériorité aérienne) Decimomannu (Sicile) 1 707 (ravitaillement) Norvège 6 F-16 (interdiction) La Sude Danemark 6 F-16 (interdiction) Sigonella Canada 6 CF-188 (supériorité aérienne et interdiction) Trapani Belgique 6 F-16 MLU (supériorité aérienne et interdic- Araxos (Grèce) tion) Pays-Bas 6 F-16 MLU (supériorité aérienne) Decimomannu 1 KC-10 (ravitaillement) Suède 8 JAS-39 Gripen (supériorité aérienne) Sigonella Uniquement engagé dans le cadre d’OUP EAU 6 Mirage 2000-9 (supériorité aérienne) Decimomannu 6 F-16 E/F (supériorité aérienne) Qatar 2 Mirage 2000-5 (supériorité aérienne) La Sude

Avec le lancement de l’opération Unified Pro- • la Marine nationale avec le GAN (groupe tector de l’OTAN, la majeure partie des appa- aéronaval). reils d’interdiction américains a été placée en réserve (carte 1). Le commandement et le contrôle Le dispositif naval (carte 2) est lui aussi assez des opérations important : deux douzaines de navires de com- Odyssey Dawn, dirigée sur le plan politique par bat. Les plus gros moyens étaient fournis, à la les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne et fin de OOD, il comprend : l’Italie, a été sur le plan opérationnel la première • l’US Navy avec notamment l ’Expeditio- grande opération combinée de USAFRICOM (US nary Strike Group 5 centré sur l’USS Africa Command), lequel aura utilisé en la cir- Kearsarge, 2 destroyers (les DDG Barry & constance les capacités du USEUCOM (US Euro- Stout de classe Arleigh Burke) et 2 SNA pean Command) dont il partage les commande- (les SSN Scranton & Providence de classe ments de composantes aérienne et navale 2. Ain- Los Angeles), qui tirent les missiles To- si, le 617th Air Operations Center (AOC) a utilisé mahawk et le navire de commandement les structures du 603rd AOC de EUCOM 3 à USS Mount Whitney, Ramstein. Il est aussi probable qu’OOD a large- • la Marine italienne avec une demi- ment exploité les ressources du Joint Intelligen- douzaine de bâtiments dont le porte- ce Operations Center de Molesworth, le vaste aéronefs Garibaldi, centre de renseignement de USEUCOM pour les dossiers d’objectifs, le Battle Damage Assess- 3

Carte 1 -Carte du dispositif de la coalition au début de l’engagement – source : Jolly Janner sur wikipedia

source : Jolly Janner sur wikipedia, http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Coalition_action_against_Libya_text_fr.svg ment de niveau 3 (la synthèse renseignement de air et la « déconfliction » spatiale et temporelle l’évaluation des dommages), la manœuvre des entre les opérations (Odyssey Dawn, Harmattan, capteurs, l’appui au ciblage d’opportunité. Ellamy) dont les missions, les objectifs et L’urgence, la précipitation de la solution diplo- moyens dédiés restaient fixés par chaque nation 4 matique permettant l’engagement ont amené les participante . Après 48 à 72 heures de travail structures de commandement à monter l’opéra- acharné, les états-majors de la Joint Task Force tion d’une façon improvisée, comparable à celle sur le Mount Whitney et du JFACC sont parve- qui prévaut dans une opération de secours d’ur- nus à intégrer les approches des différentes na- gence. Dans les premiers jours, le JFACC de tions notamment leurs caveats en matière de 5 Ramstein assurait la simple tenue de situation règles d’engagement . La coalition a alors repris

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Carte 2 - Le dispositif naval de la coalition

Source: « DOD News Briefing with Vice Adm Gortney from the Pentagon on Operation Odyssey Dawn », March 24 2011

un mode de fonctionnement plus classique avec grand commandement de l’Alliance 7. L’opération un JFACC plus directif : hiérarchisation des ob- Unified Protector doit durer 90 jours. jectifs, répartition des missions, génération de l’Air Tasking Order (ATO) l’ordre de mission air Les grandes lignes de l’activité opé- quotidien, orchestrant l’ensemble des opéra- rationnelle tions, mise en place d’un dispositif de ciblage L’activité opérationnelle des forces aériennes d’opportunité, etc 6. durant l’opération Odyssey Dawn, telle que pré- Après une semaine de tractations diplomatiques sentée par le Pentagone, est clairement articulée qu’on qualifiera, d’un euphémisme comme hou- en deux phases : leuses, Odyssey Dawn a laissé la place à l’opéra- • tion Unified Protector de l’OTAN, qui a pris en une phase initiale des trois premiers jours, avec un volume de 60-70 sorties, principa- charge, de façon progressive, l’embargo, puis l’application de la zone d’interdiction de survol lement assurées par les Américains, les et enfin la protection des civils à partir du Français (qui en exécutent 55, soit plus du 31 mars 2011. Cette opération dont la direction quart) et les Britanniques ; politique est assurée par le Conseil de l’Atlanti- • un accroissement important de l’activité à que Nord, et dont le commandement opération- partir du mardi 22 mars 2011, au fur et à nel échoit au Lt-Gen Bouchard (canadien), l’ad- mesure de la montée en puissance du dis- joint de l’amiral Locklear, utilise logiquement positif pour atteindre environ 180 sorties toute l’infrastructure de C² du JFC Naples, le quotidiennes.

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Chaînes de commandement et de contrôle opérationnel

Odyssey Dawn Unified Protector

General Ham Coalition AFRICOM CDR Stavridis Commandant de l’opératon Supreme Allied Commander Odyssey Dawn (OOD) Europe Stuttgart Mons

Admiral Locklear Allied Joint Force Commander – Lt-Gen Bouchard Naples & US Naval Force CDR Adj Joint Force Europe & Africa Commander Naples commande la Joint Task Force commande la Odyssey Dawn Combined Joint Task USS Mount Whitney Force Unified Protector Naples

Major-Gen Woodward Vice Admiral Harris Lt-Gen Jodice II Vice Admiral Veri 17th Air Force CDR VIth Fleet CDR Allied Air Allied Maritime commande la Commande la Component Command Command composante aérienne composante navale commande la commande la de la JTF OOD de la JTF OOD composante aérienne composante navale de Unified Protector de Unified Protector Izmir (Turquie) 617th Air Operations Center USS Mount Whitney Ramstein Combined Air Operations Center Naples Poggio Renatico (It)

Contrôle les opérations Contrôle les opérations Contrôle les opérations Contrôle les opérations aériennes de la coalition navales de la coalition aériennes navales

Graphiques des sorties aériennes de la coalition

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Source: « DOD News Briefing with Vice Adm Gortney from the Pentagon on Libya Operation Odyssey Dawn », March 25 & 28, 2011

Les sorties offensives du dernier week-end d’OOD

Source: « DOD News Briefing with Vice Adm Gortney from the Pentagon on Libya Operation Odyssey Dawn », March 28, 2011

Entre le jeudi 24 et le vendredi 25 mars 2011, le blissait de la façon suivante : nombre de sorties offensives (de frappes) quoti- • les avions avaient utilisé environ 600 mu- diennes est passé de 49 à 96 et dépassant même nitions guidées de précision, soit 455 pour la centaine lors des derniers jours d’OOD. Cela les Américains, 147 pour le reste de la coa- signifie que, dans sa dernière phase, la coalition lition ; réalisait lors de chaque cycle opérationnel quoti- dien presqu’autant de sorties offensives que du- • 199 Land Attack Missile rant les quatre premiers jours de l’engagement (TLAM) avaient été tirés depuis des des- (108 décomptés au mardi 22 mars midi) 8. troyers et sous-marins (dont 7 par les Bri- tanniques). Après 10 jours de bombardement, le bilan s’éta-

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Comparaison du nombre de sorties quotidiennes exécutées à la fin de OOD et durant les 2 premières semaines de OUP

200

180

160

140

120

100 nombre total de sorties 80 nombre de sorties offensives

60

40

20

0

Source: « DOD News Briefing with Vice Adm Gortney from the Pentagon on Libya Operation Odyssey Dawn », March 28, 2011 & les Media Operational Updates de l’OTAN, http://www.nato.int/cps/en/natolive/news_71994.htm

Dans le cadre de Unified Protector , les patrouil- ration début juin. Les forces aériennes de les de combat aérien représentent la principale l’Alliance utilisèrent durant cette campa- activité opérationnelle des forces de l’OTAN, gne entre 23 et 25 000 munitions dont c’est la seule qui soit en réalité menée par l’en- 8 500 guidées 10 ; semble des pays contributeurs. • Entre le 7 octobre et le 23 décembre 2001, En revanche, le retrait des appareils de combat durant la phase initiale d’ Enduring Free- américains, le nombre de sorties offensives chute dom (Afghanistan), l’activité opérationnel- ont fortement diminué pour se stabiliser à une le de la coalition ne dépassa pas 200 sor- soixantaine par jour. Pour expliquer cette relati- ties par jour mais les appareils de l’Air For- ve décroissance du nombre de frappes, les auto- ce et la Navy (principalement les bombar- rités de l’OTAN ont également mis en avant leur diers B ‑1 et B ‑52) larguèrent 17 500 muni- aptitude restreinte à identifier les cibles en rai- tions dont 57 % guidées sur 120 sites fixes son, d’une part, des mauvaises conditions mé- et 400 armes lourdes Taliban 11 . téorologiques dans les premiers jours (ce qui laisse dubitatifs certains observateurs tel David Cenciotti 9), d’autre part, des modes d’action des Harmattan, Ellamy et l’indispensa- forces libyennes. ble contribution américaine A l’appui de ce dispositif, on compte enfin les L’opération Harmattan représente la plus impor- capteurs de renseignement et bien entendu un tante contribution européenne à l’engagement déploiement permanent d’une demi-douzaine de de la coalition puis de l’OTAN. ravitailleurs volant en hippodrome au-dessus de Elle a été planifiée, semble-t-il, dans la dizaine la Méditerranée. de jours précédant l’engagement 12 . A titre de comparaison : • Au niveau stratégique : avec l’appui de la • Durant le premier mois de l’opération Al- DRM qui a fourni le renseignement de si- lied Force, en mars-avril 1999, l’OTAN ré- tuation et son appréciation des capacités alisait une moyenne de 130 sorties offensi- libyennes, le CPCO a proposé les options ves quotidiennes contre les infrastructures d’intervention au CEMA (incluant sans stratégiques et militaires de la Serbie ainsi doute des options de frappes de la cellule que contre l’armée yougoslave au Kosovo, ciblage), qui les a présentées au chef de chiffre qui dépassa les 300 à la fin de l’opé- l’Etat. La décision d’engagement est prise lors du conseil restreint du 18 mars. 8

• Au niveau opérationnel : là encore, l’appui A partir du milieu de la première semaine, Har- renseignement est primordial. On notera mattan s’articulait autour d’un dispositif de trois en la matière le rôle primordial du Centre bases de déploiement des moyens de combat : de renseignement air (CRA) de Metz. Le • La BA 116 de Solenzara devient la principa- CRA a assuré le traitement de l’informa- le base opérationnelle avancée avec le dé- tion recueillie par les capteurs de l’armée ploiement de 6 Rafale, 6 Mirage 2000D et de l’Air (F1CR par exemple) et l’a fusionné plusieurs F1CR de reconnaissance ; avec les informations et renseignements • fournis par la DRM, ainsi que ses centres Trois M 2000-5 déployés sur la base de la spécialisés, le centre de formation et d’in- Sude afin d’exécuter des missions de DCA terprétation interarmées de l’imagerie conjointement avec leurs homologues qa- (CFIII) et le centre de formation et d'em- tari ; ploi relatif aux émissions électromagnéti- • La Marine déploie le porte-avions Charles ques (CFEEE). Ces renseignements d’origi- de Gaulle avec son groupe aéronaval de 14 ne image, et l’ordre de bataille électronique Rafale et SEM et 2 E-2 Hawkeye, permet- élaborés à partir des informations recueil- tant ainsi un doublement du nombre po- lies par les capteurs (satellite Hélios, C- tentiel de sorties. 160G Gabriel, etc.) ont permis de mettre à Récemment, les 6 M2000D ont été redéployés à jour la situation ennemie et d’habiller les la Sude qui se trouve à 900 km de contre « dossiers de sites » existant en « dossiers plus de 1 200 km pour Solenzara. Ce rapproche- d’objectifs » traitables. L’ensemble a ainsi ment permet de réduire le temps de transit, peut œuvré au profit du Centre national des -être de se passer d’un ravitaillement en vol, d’a- opérations aériennes de l’armée de l’Air et méliorer la réactivité du dispositif en accroissant de son JFACC sur la BA 942 de Lyon-Mont le temps de présence sur le théâtre. Verdun, qui a contrôlé la mise en œuvre opérationnelle : sélection des appareils, L’ensemble du dispositif permet d’effectuer quo- planification des missions, etc. tidiennement entre 15 et 20 sorties d’interdic- tion, le plus souvent des patrouilles mixtes Rafa- Il convient de noter par ailleurs que le JFACC le/M2000D ou Rafale/SEM, plus 3 sorties des français aurait tout à fait pu assurer le contrôle M2000-5 de la Sude, appuyées par une dizaine opérationnel de l’ensemble de l’opération aérien- de sorties de ravitaillement, de détection et de ne en Libye dans le cadre de l’OTAN. Il avait fait contrôle (réalisées par les AWACS ou les E-2) et la démonstration de ses capacités l’an dernier de reconnaissance (F1 CR, Rafale avec pod reco dans le cadre de l’exercice Austere Challenge de NG). USEUCOM, lors duquel les Américains avaient confié au Français le commandement de la com- Nos forces étrennent à l’occasion de cet engage- posante aérienne multinationale. Plus de 500 ment plusieurs systèmes : la nacelle Reco-NG du personnels de l’armée de l’Air y avaient contri- Rafale, le missile SCALP-EG dont 11 exemplaires bué 13 . En outre, il était en cours de re- ont été tirés en deux salves de 7 & 4 tirs, l’arme- certification pour assurer le commandement de ment air-sol modulaire (A2SM), une bombe gui- la composante aérienne de la Nato Response dée dont un exemplaire a été tiré par un Rafale le Force 17 pour le second semestre 2011 et se pré- premier jour à près de 50 km sur l’un des chars à parait pour ce faire à exécuter en avril l’exercice proximité de . Noble Ardent 2011 14 . Un JFACC de NRF doit être Le bilan des frappes, très approximatif, que l’on en mesure de contrôler l’exécution d’environ peut tirer du cumul des communications de la 200 sorties pour 120 appareils déployés 15 soit un Dicod, à la date du 14 avril, est d’environ 50 ar- volume d’activités équivalent à Unified Protec- mes lourdes, 8 aéronefs basés à Misrata, 4 sites tor . SAM, 2 sites de commandement et de contrôle et Quoiqu’il en soit, cette planification a permis à 3 dépôts de munitions. Il est cependant sujet à l’armée de l’Air d’engager les hostilités contre les caution. Ainsi, lorsque la communication du mi- forces du colonel Kadhafi le samedi 19. Elle réali- nistère annonçait, en début d’engagement, 5 se ainsi la performance tout à fait impression- chars libyens détruits, le ministre de la Défense, nante de projeter 5 patrouilles à 3 000 km de M Longuet, parlait de 10 blindés détruits. La leurs bases. Environ 20 appareils de l’armée de communication française a aussi mentionné tar- l’Air ont été ainsi engagés dans cette première divement la frappe SCALP sur l’aérodrome Al mission : 8 Rafale, 2 Mirage 2000 ‑5 (supériorité Jaffra probablement pour des raisons de confi- aérienne), 2 Mirage 2000D (interdiction), 6 C- dentialité. Elle reste évasive sur certaines frap- 135R (Ravitaillement en vol), 1 E ‑3 F (Awacs-C² pes de blindés. On peut ainsi raisonnablement tactique). postuler que ce bilan sous-évalue les opérations 9

effectivement réalisées. d’Ellamy, le couple Tornado GR4 – missile La seconde contribution majeure à l’activité de la Brimstone, un missile antichar léger et véloce, coalition est Ellamy, l’opération britannique. dérivé sophistiqué de l’AGM 114 Hellfire utilisé C’est dans ce cadre, qu’un SNA de classe Trafal- par les hélicoptères Apache, représente l’instru- gar a tiré 10 missiles TLAM durant les premiers ment le plus efficace de l’OTAN contre les blin- jours. La Royal Air Force a quant à elle visé en- dés libyens. Il permet effectivement de minimi- core plus haut que les Français le premier jour ser le risque de dommages collatéraux. Au 13 avec le raid initial mené par des Tornado GR4 avril, la RAF revendique la destruction d’une équipés de missiles de croisière Storm Shadow, centaine de chars, blindés, pièces d’artillerie et 20 depuis leur base de Marham. Ce raid est présen- systèmes sol-air soit un bilan supérieur à celui té par les autorités britanniques comme le plus des forces françaises dans le domaine des armes long mené par la RAF depuis la guerre des Fal- lourdes, mais qu’il convient de prendre avec pré- kland 16 . Quelques jours plus tard, elle déploie 8 caution. Tornado GR4 et 10 Typhoon sur la base de Gioia Si l’armée de l’Air, la Marine nationale et leurs del Colle (Italie), appuyés par des E-3, des ravi- homologues britanniques font une nouvelle fois tailleurs VC-10 et un nouvel appareil multi- la démonstration de leur excellence tactique, il capteurs, le R1 Sentinel. Il s’agit donc d’un dis- n’en reste pas moins que l’engagement démontre positif fonctionnellement aussi complet que celui une nouvelle fois le fossé capacitaire entre les d’Harmattan, dévolu aux mêmes missions, mais Etats-Unis et leurs partenaires. OOD a été claire- avec deux fois moins d’appareils de combat. La ment une opération américaine et, a contrario , RAF effectue de fait 15 % des sorties du disposi- Unified Protector met en lumière les lacunes des tif, un nombre équivalent à celui des forces ita- alliés. liennes. Les sorties de ces appareils seraient ce- En particulier, ces deux opérations montrent pendant plus longues, totalisant 25 % des heures que : de vol effectuées par l’OTAN 17 . • La neutralisation effective d’un système de Londres joignant le geste au verbe, la RAF fait défense antiaérien requiert, on le sait, de un effort conséquent à partir du lancement de frapper simultanément plusieurs catégo- l’Opération Unified Protector (OUP) pour ren- ries d’objectifs (C², batteries SAM, aéro- forcer ses capacités de frappes. Elle déploie 4 dromes, etc.) qui plus est avec des moyens Tornado supplémentaires et décide d’employer présentant une faible vulnérabilité à ces quelques-uns de ses Typhoons pour des missions systèmes. Seule la prodigieuse puissance de frappes, en patrouille mixte avec les Tornado de feu de précision à distance de sécurité pour l’éclairage des cibles. Cette mesure n’est pas offerte par les missiles de croisière de l’US simple à prendre car les pilotes qualifiés man- Navy et les bombardiers de l’USAF, com- quent. Même si la RAF a pour objectif de former plétés par leur capacité exclusive en matiè- la totalité de ses pilotes de Typhoon à l’ensemble re de guerre électronique offensive, permet des missions de l’appareil en 2018, l’aveu par le actuellement « d’enfoncer la porte » ( kick MoD à la Chambre des communes de cette lacu- down the door ) d’un théâtre, d’exécuter ne capacitaire a défrayé la chronique. La réduc- cette phase d’établissement de la supériori- tion des capacités de formation des pilotes, déci- té aérienne contre un appareil de défense dée par la Strategic Defence and Security Re- étatique un tant soit peu organisé ; view (SDSR de 2010), se combine à d’importants • problèmes de disponibilité de pièces détachées Seules les bases siciliennes et le porte- et de maintenance limitant les heures de vol de- avions sont suffisamment proches du théâ- puis l’an dernier. Résultat, sur les 48 pilotes de tre pour que la zone d’opération se trouve Typhoon, cinq ne sont plus qualifiés, faute du dans le rayon d’action des appareils de nombre d’heures de vol requis et seuls huit sont combat. Un Rafale en mission offensive, certifiés air-sol 18 . avec transit à haute altitude, est ainsi cré- dité d’environ 1 000 km de rayon d’ac- Quant au Tornado, il est régulièrement décrié tion 21 . Pour donner l’indispensable allonge par les partisans des Harriers, victimes des déci- à l’ensemble de la coalition, il est donc de sions de la SDSR, comme affichant un coût d’o- coutume de faire voler en permanence plu- pération exorbitant. De fait l’appareil, conçu sieurs ravitailleurs en vol, tournant en hip- dans les années 1970, n’est pas aisé à entrete- podrome à bonne distance de la zone d’o- 19 nir . Celui qui fut le fer de lance des opérations pération. Les sorties de ravitaillement aériennes de l’OTAN dans les années 1980 n’en comptent dans les campagnes récentes reste pas moins un des appareils d’interdiction pour 15 à 20 % du total de sorties d’une les plus efficaces sur le plan tactique, grâce à son campagne aérienne 22 . Or, les Européens allonge et ses capacités d’emport. Dans le cadre 10

sont pauvres dans ce domaine. Les Fran- cideurs leur en demandent toujours plus. çais et les Britanniques, les mieux dotés, sont à peine autosuffisants. Pour réaliser ses premiers raids, l’armée de l’Air a ainsi Une stratégie … à nulle autre pa- dû engager six des onze ravitailleurs de son reille inventaire. Les KC-135 américains exécu- Cette vaste activité sert des objectifs et une stra- tent ainsi 80 % des heures de vol effectuées tégie qui restent pour le moins ambigus. 23 par les ravitailleurs de la coalition . Quel est l’Etat Final Recherché (EFR) ? • Les Américains assurent environ 75 % des Les principaux responsables des pays participant heures de vol en matière ISR 24 . Bien sûr, à l’engagement, les présidents Sarkozy et Obama nos forces disposent d’appareils ou de na- en tête, ne cessent d’exprimer leur souhait que celles de reconnaissance de grande qualité les Libyens chassent Mouammar Kadhafi du dont les productions servent à merveille la pouvoir. Les mêmes décideurs s’empressent tou- planification des frappes et l’évaluation des tefois systématiquement de rajouter qu’il ne s’a- dommages. Ces moyens permettent toute- git en aucun cas de la finalité propre de l’engage- fois difficilement le ciblage d’opportunité ment militaire. De surcroît, les incertitudes sur qui nécessite de vaste capacité de surveil- le régime qui succèdera à celui du colonel Kad- lance et une exploitation en quelques mi- hafi mènent, au sein même de la coalition, à des nutes des informations recueillies, d’où le attitudes pour le moins variées quant à la nature déploiement d’un détachement Global et l’importance du soutien à accorder au Conseil Hawk, de RC-135 et d’E-8 Joint Stars. On national de transition, incarnation politique de rappellera qu’en 2003, lors d’OIF, l’unique l’insurrection. En bref, il n’y a pas d’EFR partagé RQ-4 Global Hawk utilisé par l’Air Force a entre les Alliés. fourni 55 % des données de ciblage sur le Loin de la rationalité prêtée aux décideurs dans système de défense antiaérien irakien ainsi la théorie, cette situation est en fait la règle plus que du ROIM sur 38 % des chars enne- que l’exception dans notre environnement d’a- 25 mis . près-Guerre froide. En 1999, l’OTAN s’était en- • Enfin, avec 80 % des munitions utilisées, gagée dans Allied Force contre la Serbie sans que les Américains ont réalisé la plus grosse les Alliés ne partagent, ni n’expriment une vision part des destructions occasionnées aux in- commune quant à l’avenir du Kosovo. frastructures et aux troupes libyennes lors Quels sont les objectifs stratégiques de cet d’OOD, notamment sur la route de Beng- engagement ? hazi ou encore à Ajdabiya. Les unités de La résolution 1973 ne présente à proprement Rafale et Mirage 2000D français ou encore parler qu’un seul objectif stratégique clair 26 : le de Tornado britanniques démontrent cer- « cessez-le-feu immédiat et la cessation totale tes, une fois encore, qu’elles ont peu à en- des violences et de toutes les attaques et exac- vier à leurs homologues américains en ter- tions contre la population civile ». La déclara- mes de performances tactiques et techni- tion du président de la République en clôture du ques mais la puissance de feu des Améri- sommet de soutien du peuple libyen, justifiait le cains reste inégalée. recours à la force « en l'absence d'un cessez-le- La poursuite de Unified Protector n’est en défi- feu immédiat et d'un retrait des forces qui ont nitive possible qu’avec les capacités américaines attaqué les populations civiles au cours des der- de ravitaillement en vol. En revanche, cette dé- nières semaines »27 . Il s’agit donc d’un objectif pendance vis-à-vis des moyens américains est de nature coercitif à l’encontre du maître de Tri- probablement moindre en matière d’ISR. En ef- poli. fet, si les capteurs américains sont encore em- Quels sont les axes de la stratégie ? ployés en appui de l’Alliance, on a peine à imagi- Là encore, c’est la résolution qui donne les axes ner, connaissant les limites structurelles du par- de cette stratégie : tage de l’information, que les renseignements • d’un Global Hawk ou d’un Rivet Joint, exploités Elle autorise la mise en œuvre de « toutes comme il se doit par une chaîne US-Only , soient les mesures nécessaires pour protéger les tous diffusés en boucle courte au sein de la struc- populations et zones civiles menacées d’at- ture multilatérale. taque en Jamahiriya arabe libyenne, y compris Benghazi, tout en excluant le dé- Cette situation démontre de façon générale que ploiement d’une force d’occupation étran- nos outils de défense, « élagués » par les RGPP gère sous quelque forme que ce soit » ; et autre SDSR sont à la limite de leurs ressources • capacitaires disponibles alors même que les dé- Elle décide également « d’interdire tous vols dans l’espace aérien de la Jamahiriya 11

arabe libyenne afin d’aider à protéger les fondée sur une stratégie opérationnelle commu- civils » ; ne, précisant les objectifs opérationnels et les • Elle comprend également l’interdiction des phases de l’engagement, etc. Comme nous l’a- vols de tout appareil libyen et le gel des vons vu, les états-majors des principales nations avoirs des autorités libyennes. à l’origine de l’engagement (Etats-Unis, France, Grande-Bretagne) ont planifié leurs opérations C’est, bien sûr, sur la nature de ces « mesures d’abord au niveau national, ce qui n’a pas été le nécessaires » pour protéger les populations que cas de la plupart des nations qui se sont jointes à réside toute l’ambigüité de l’engagement en Li- l’effort en cours de semaine (Danemark, Norvè- bye. Cette stratégie reste en effet formellement ge, etc.). Ceci a conduit à la décision des autori- « protectrice » tout en étant finalement de natu- tés norvégiennes dans les premiers jours de l’o- re offensive. Elle ne contribue qu’indirectement pération, de conditionner leur participation à la à l’objectif coercitif fixé mais apporte un soutien précision des arrangements en matière de C², à de facto à l’insurrection. Chacun apprécie donc à l’approbation d’un plan d’opération, au contrôle sa façon cette improbable décoction stratégique, par la Norvège de l’utilisation de ses forces, à des qui aboutit à une variété d’attitudes au sein mê- règles d’engagement satisfaisantes, etc. 28 . Ces me de la coalition d’Etats participant à cette éléments-ci ont finalement été obtenus avec la campagne, jusqu’au refus chez beaucoup de mise en place d’Unified Protector. s’impliquer dans ce volet de l’engagement. Bien que privé d’objectifs clairs et d’une stratégie La coalition s’est finalement lancée dans une cohérente, l’opération Odyssey Dawn, tout com- aventure militaire qui, si elle répond à une vision me Unified Protector poursuit trois principales géostratégique cohérente chez ses plus ardents missions : promoteurs, n’en souffre pas moins, en raison du • consensus diplomatique nécessaire à son exis- L’application d’un embargo naval sur les tence, d’une absence de critères de sortie d’enga- armes, sur lequel nous ne reviendrons pas gement, d’Etat Final Recherché commun. ici ; • Les grandes missions et les lignes La mise en place et le maintien d’une zone d’interdiction de survol ; d’opérations concomitantes de l’o- • pération Odyssey Dawn La protection des civils contre les forces de Kadhafi. Conséquence logique du point précédent, il n’y a pas eu de planification multinationale intégrée de l’engagement de la coalition, qui aurait été

Odyssey Dawn / Unified Protector - Lignes d’opérations correspondant aux deux missions principales de la puissance aérienne

Defensive Counterair Zone Frappes sur sites fixes IADS (C², d’interdiction aérodromes, etc.) de survol

SEAD Ciblage d’opportunité

Frappes tactiques Protection des civils Interdiction soutiens

Opérations d’information Décapitation fonctionnelle (C²)

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Précisons en premier lieu que ces missions ex- Les alliés continuent depuis de réduire les capa- cluent bien évidemment l’usage de « frappes cités résiduelles adverses : bombardements sur stratégiques », c’est-à-dire : d’autres sites fixes (aérodromes, sites C²) – no- • la « décapitation physique » du leadership tamment avec des TLAM ou des SCALP – et libyen comparable à ce que les Américains frappes d’opportunité sur les batteries fixes et avaient tenté contre Saddam Hussein en mobiles. Ces opérations représentaient encore la 1991 et 2003 ; priorité en matière de ciblage quelques jours avant la fin d’ Odyssey Dawn . C’est dans ce cadre • les frappes sur des systèmes d’objectifs que par exemple, les appareils français ont dé- stratégiques qui contribueraient à saper truit 7 aéronefs sur l’aérodrome de Misrata le l’assise du régime, selon des logiques coer- samedi 26 mars. Bien entendu, la menace sol-air citives d’escalade ou de représailles comme très courte portée (notamment les missiles por- celles qui furent pratiquées lors de la Se- tables et les canons antiaériens) reste présente, conde Guerre mondiale ou plus récem- tout particulièrement au-dessus de Tripoli. ment lors de l’Allied Force en 1999. Dès la fin d’OOD, ces missions de respect de la L’établissement et le maintien d’une zone NFZ étaient exclusivement effectuées par les d’interdiction de survol partenaires des Américains. Malgré la quasi- L’application de la No-Fly Zone découle de la destruction de l’aviation libyenne, elles représen- ligne d’opération initiale classique de toute cam- tent toujours actuellement la principale voire pagne aérienne consistant à acquérir la supério- l’unique contribution d’une majorité des pays rité aérienne : impliqués dans OUP. • par des opérations d’ offensive counterair : La protection des civils des frappes destinées à détruire le système Les forces offensives terrestres dont il faut proté- intégré de défense antiaérienne (IADS) ger les civils, étaient constituées au début de libyen comprenant notamment les opéra- l’engagement un ensemble disparate. Les effec- tions de suppression des défenses antiaé- tifs combattant des unités de protection du régi- riennes ennemies (brouillage et destruc- me étaient estimés à environ 10 000 hommes tion des radars et des sites de batteries répartis entre 4 brigades. Leur centre de gravité antiaériennes) et des frappes sur les aéro- est la 32 ème brigade mécanisée, commandée par dromes et les centres de commandement Khamis Kadhafi, fils de Mouammar, qui compte- et de contrôle de cet IADS ; rait 4 à 5 000 hommes ainsi que la 9 ème brigade. • par des opérations de defensive counte- Ces deux unités sont bien équipées en chars, vé- rair , des patrouilles prêtes à engager les hicules blindés de transport de troupes, automo- appareils ennemis en vol. teurs d’artillerie. Cette petite garde prétorienne La majeure partie des capacités du système de recruterait principalement parmi les Kadhafa, la défense antiaérienne libyen a été rapidement tribu du colonel, et d’autres tribus alliées 31 . Les neutralisée dans les premières 24 heures de l’en- forces de Kadhafi comptent également plusieurs gagement. L’amiral Clapper, Director of Natio- milliers de mercenaires (voir plus loin). nal Intelligence américain, avait présenté, avant Ces forces étaient dispersées sur plusieurs zones l’engagement 29 , les principales caractéristiques d’opérations pour reprendre les villes tombées de ce système de génération des années 1970, entre les mains des insurgés : Zentan, Misrata, relativement comparable en nature à celui de Ajdabyia, Benghazi, etc. l’Irak en 1991 : environ 30 sites SAM couvrant la Afin d’assurer la protection des civils et d’obtenir côte (maillage SA-2, SA-3, SA-5A, SA-6) ; théori- le retrait de ces forces, la coalition suit plus ou quement environ 370 appareils de combat, dont moins formellement quatre lignes d’opérations : au grand maximum 80 appareils opérationnels • (chasseurs Mig-21 /-23/-25, appareils d’assaut La décapitation fonctionnelle du lea- Mig-23BN, SU-20). dership , c’est la neutralisation des capaci- tés de C² de l’armée libyenne illustrées par La première salve de 110 TLAM, complétée par les frappes qui se poursuivent sur les PC de une seconde série de 12 missiles tirés le premier Tripoli, de Syrte et ailleurs. week-end des opérations, a neutralisé 22 des ob- • jectifs initialement visés. Les bombardiers amé- La destruction du soutien logistique ricains (B1 et B2) opérant depuis les Etats-Unis des forces libyennes, par des frappes ont détruit plusieurs aérodromes tel celui de d’interdiction sur les dépôts de munition, Ghardabyia. Dès le dimanche 20, la zone d’inter- les sites de maintenance, etc. diction de survol est effectivement établie 30 . • Les frappes tactiques sur les unités engagées . Ces frappes visent l’ensemble

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Principales frappes effectuées par la coalition, de gauche à droite, 23 au 24, du 24 au 25, et dessous du 27 au 28

Sources : « DOD News Briefing with Vice Adm Gortney from the Pentagon on Libya Operation Odyssey Dawn », March 24, 25,& 28, 2011 des forces libyennes engagées. Le général menées par l’OTAN s’inscrivent également Ham, commandant opérationnel de la coa- dans cette logique. lition, rappelait ainsi que « nous ne four- Les opérations d’information . Le vice- nissons pas d’appui aérien rapproché aux amiral Gortney estimait que « nous utilisons forces d’oppositions. Nous protégeons les tout ce que nous avons dans notre boîte à ou- civils »32 . Le Rear Admiral Hueber préci- tils ». Cette boîte à outils comprend notamment sait deux jours plus tard que les forces li- les capacités de guerre électronique et celles des byennes devaient se replier des villes d’Aj- opérations militaires d’influence (des Psycholo- dabiya, Misrata et Zawiyah 33 . Pressé de gical Operations , PSYOP) pour convaincre les questions sur ce point jeudi 24, le vice- forces libyennes de refuser d’exécuter les ordres amiral Bill Gortney confirmait que « les du régime ou d’abandonner le combat. Comme forces déployées que nous pouvons positi- c’est maintenant l’habitude, les messages radio vement identifier comme un char, un véhi- véhiculés notamment par l’EC-130 Commando cule blindé de transport de troupes, un Solo étaient très probablement utilisés en lance-roquettes, sont attaquées dès lors conjonction avec les frappes tactiques américai- que l’évaluation des dommages collaté- nes, le brouillage radio entrepris par l’EC-130 raux révèlent que cette attaque ne fait pas Compass Call. Il s’agit au demeurant du cadre courir de risques aux personnes que nous d’emploi le plus efficace des PSYOP 35 . tentons de protéger »34 . Les opérations

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Dispositif d’application de la zone d’interdiction de survol

Sources : « DOD News Briefing with Vice Adm Gortney from the Pentagon on Libya Operation Odyssey Dawn », March 24 th, 2011

Comme lors de l’opération Enduring Freedom re l’insurrection. En témoigne, la retraite des for- (Afghanistan – 2002), la campagne aérienne a ces libyennes engagées vers Benghazi dès le pre- donc consisté en première phase à neutraliser mier jour, la reconfiguration du dispositif tacti- des objectifs fixes (IADS, C², infrastructure de que autour de Misrata, puis après une semaine soutien des forces, etc.), s’inscrivant dans le pro- de frappes la levée du siège d’Ajdabiya et la re- cessus de ciblage classique, sur la base de listes traite des forces fidèles au colonel vers Syrte. Ce- d’objectifs planifiés. C’est le cadre d’emploi clas- pendant, la contre-offensive tactique orchestrée sique des missiles de croisière. La majorité de par les troupes de Tripoli après leur retraite ini- ces objectifs a été traitée en quelques jours du- tiale, montre que le régime est toujours en mesu- rant OOD. L’effort a donc progressivement porté re de contrôler un appareil de force efficace. sur la neutralisation de cibles mobiles ou de sites Par ailleurs, il est manifeste que les frappes ne fixes non reconnus dans le cadre d’un dispositif parviennent pas à stopper les bombardements plus vaste de ciblage d’opportunité : l’informa- des troupes de Kadhafi sur les villes ou les par- tion des capteurs permettent aux appareils de ties de villes tenues par l’insurrection, en pre- contrôle tactique ou au centre des opérations mier lieu Misrata. aériennes de guider dans un laps de temps très court les appareils d’interdiction en patrouille Toute la question est donc de savoir si ces frap- sur les objectifs dans leur zone. pes sont susceptibles finalement de contraindre les forces libyennes à abandonner le combat et Ce type de dispositif, testé lors d’ Allied Force en surtout d’amener le cessez-le-feu voulu ou une 1999 et appliqué à grande échelle dans le cadre victoire de la partie adverse qui satisferait l’EFR. des campagnes d’Irak et d’Afghanistan représen- te désormais une norme de l’exercice de la puis- Les « mécanismes de défaite » de l’armée sance aérienne. libyenne sont-ils à l’œuvre ? Une coercition par déni de capacité militaire,

c’est-à-dire lorsque la force contraint le régime Des effets coercitifs incertains au adverse à renoncer à ses objectifs en réduisant à plan opérationnel néant son aptitude opérationnelle, nécessite la Les frappes ont eu pour premier effet de mettre mise en œuvre de « mécanismes de défaite » de en échec l’offensive de Tripoli menée pour rédui- la force adverse 36 : selon ce schéma maintes fois

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utilisé au cours du XX ème siècle, notamment lors vendiqués comme détruits par les Français d’ Enduring Freedom et Iraqi Freedom , la dislo- entre les 1 er et 7 avril 42 ; cation du dispositif ennemi est obtenue par plu- • 49 chars et 9 véhicules blindés, entre au- sieurs effets se renforçant mutuellement : tre, détruits principalement dans les ré- • l’usure (au sens attrition ) de ses forces : gions de Misrata et d’Ajdabiya, entre le 8 et concentrations des forces ennemies et de le 11 avril 43 , dont plusieurs par les Britan- leur matériel lourd : blindés, artillerie et niques 44 ; transports de troupes ; • 40 autres armes lourdes neutralisées du 12 • la démoralisation des troupes engagées ; au 17 avril 45 . • l’isolement physique de ces forces par l’in- Soit environ 250 armes lourdes présumées dé- terruption de leur soutien logistique truites (le matériel d’une à deux brigades méca- (munitions, carburant, etc.) et la rupture nisées bien dotées). Le Military Balance de de leur chaîne de commandement. l’IISS créditait les forces libyennes d’un inventai- Les différentes composantes d’une stratégie aé- re de 800 chars, 1000 véhicules blindés de com- rienne de coercition sont bien présentes mais les bat d’infanterie, autant de véhicules blindés effets semblent à l’heure actuelle pour le moins transport de troupe et 2400 pièces d’artillerie. mitigés. Les 30 % de dommages estimés par l’OTAN concernent donc les capacités matérielles des On peut toutefois considérer que le potentiel mi- seules unités de protection du régime. litaire libyen commence certainement à être usé de façon significative. L’amiral Mullen a ainsi Cela étant, il convient de rester prudent sur ce estimé, devant le Comité des forces armées de la type de revendications . En premier lieu, malgré chambre des Représentants, qu’OOD avait abou- les progrès faits dans le domaine de l’évaluation ti à un niveau d’usure de 20-25% de ce poten- des dommages depuis l’époque de Desert Storm tiel 37 c'est-à-dire probablement des matériels (1992) ou d’ Allied Force (1999), même si cer- lourds. Le général Bouchard estimait quelques tains pays ont probablement déjà déployé quel- jours plus tard ce degré d’usure à 30 %38 . ques équipes de forces spéciales ou de reconnais- sance dans la profondeur, l’OTAN ne dispose Cela étant, il n’est pas précisé si cela correspond probablement pas d’un renseignement de terrain à l’inventaire total estimé des troupes de Kadhafi exhaustif permettant de compléter les comptes- ou uniquement de celui des unités de protection rendus de mission et l’imagerie. du régime. La seconde option est la plus proba- ble. En effet, en se référant aux communiqués En second lieu, ces niveaux de succès peuvent des ministères de la Défense des différents pays être surévalués en ce moment par l’Alliance en engagés et de l’OTAN, les frappes auraient per- butte aux critiques sur son manque d’efficacité. mis d’occasionner les dommages suivants : Inversement, elles ne tiennent vraisemblable- ment pas compte des dommages résultant d’au- • durant les premières 12 heures de l’enga- tres frappes tactiques, annoncées sans que le gement, les 4 chars libyens présents dans nombre de matériels touchés soit spécifié, dans les faubourgs de Benghazi détruits par les le cas des Américains lors d’OOD ou n’ait fait Français. Mais surtout la colonne de 50 l’objet de communication particulière, sans dou- chars, blindés et automoteurs d’artillerie te le cas français. entièrement détruite par les F-15, F-16 et AV-8B américains le 19 mars 2010 39 ; En d’autres termes, il s’agit d’un ordre de gran- deur, lequel ne tient en outre pas compte des ef- • Au moins 20 chars, plusieurs blindés et fets des très nombreuses frappes d’interdiction 40 une batterie d’artillerie détruits à Ajda- sur les bases et dépôts des troupes de Tripoli, biya les 24 & 25 mars 2010 par les Améri- exécutées notamment par les F-16 danois. Ces cains, les Britanniques et les Français ; dernières limitent probablement la capacité de • 22 chars, blindés et pièces d’artillerie neu- Kadhafi à combler ses pertes, d’autant qu’une tralisés par les Britanniques durant le week large partie des matériels n’est pas opérationnel- -end du 27-28 mars 2010, auxquels s’ajou- le ou disponible. tent plusieurs blindés détruits par les Il est encore moins possible d’évaluer les pertes Français. humaines subies par les troupes fidèles au régi- • 25 chars, blindés et pièces d’artillerie me. On sait d’expérience qu’elles sont réduites considérés comme détruits par le MoD bri- dans ce type de frappes tant les troupes au sol tannique à l’occasion de diverses frappes, ont tendance à fuir leurs engins dès les premiè- les 4 et 6 avril 41 ; res bombes. Lors d’Iraqi Freedom (2003), les • 8 chars, blindés, véhicules militaires re- pertes des unités mécanisées de la Garde répu-

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blicaine, pourtant ravagées par les frappes d’in- core Zentan distants de plusieurs centaines de terdiction américaines, étaient restées assez fai- kilomètres. Il faut également noter que plusieurs bles. Ainsi, seuls 20 % des unités irakiennes de ces appareils en restent à des frappes sur des avaient subi plus de 1 % de pertes humaines du sites fixes (bunkers, dépôts, etc.). C’est par fait des frappes, les divisions Bagdad ou Medina exemple le cas des F-16 danois, qui forment le déplorant la plus grande partie des 1 700 à 2 200 plus actif des « modestes » contingents de 6 ap- pertes irakiennes 46 . pareils dans la frappe air-sol puisqu’au 19 avril, Sur le plan des effets psychologiques, il est à no- il avait réalisé 106 missions air-sol pour 224 48 ter qu’aucun média présent sur zone n’a semblé bombes larguées . Au final, bien peu de moyens relever de désertions au sein des forces libyen- sont engagés pour garantir un dispositif de cibla- nes, même au moment où ces dernières décro- ge d’opportunité efficace. Leur efficacité est en chaient de Benghazi ou d’Ajdabiya. Dans la me- outre entravée par le grand nombre d’appareils sure où les troupes de protection du régime sont menant des missions de DCA dans le cadre de la recrutées dans les tribus fidèles au colonel, les zone d’interdiction de survol, absorbant ainsi liens d’allégeance doivent renforcer leur cohé- une part non négligeable des capacités de ravi- sion. taillement en vol. Enfin, on sait historiquement (voir Desert Storm Ensuite, la transition entre OOD et OUP s’est par exemple) que la décapitation fonctionnelle manifestement traduite par une baisse d’efficaci- du C² adverse ne conduit généralement pas aux té dans le contrôle des opérations aériennes. Un effets escomptés, car le dirigeant parvient tou- CAOC de l’Alliance ne monte pas en puissance jours à trouver des moyens de communications en quelques jours sur une opération non- avec ses troupes engagées. En témoignent au de- anticipée et à laquelle plusieurs de ses membres meurant les manœuvres tactiques de repli et de refusent de participer. Lors d’ Allied Force en contre-offensive des séides de Kadhafi. 1999, le CAOC de Vicenza – pour sa partie ota- nienne – n’a été pleinement opérationnel, en ter- L’OTAN, les forces insurgées, l’adaptation mes de stratégie et de processus de ciblage, qu’à des modes d’action ennemis : les facteurs la fin du mois d’avril, soit un mois après le début entravant la dislocation des troupes de de l’engagement 49 . Tripoli L’AC Izmir a été logiquement sélectionné au sein Les résultats sont donc, en l’état, incertains. Plu- de l’Alliance car il est le JFACC de la NRF 16, à sieurs facteurs limitent non seulement la protec- laquelle contribue également le CAOC de Poggio tion effective des civils, toujours soumis aux ac- Renatico. Ce dernier est, depuis 2010, pleine- tions des troupes libyennes, mais aussi les pers- ment opérationnel dans sa fonction de centre de pectives de dislocation de l’appareil de force du contrôle du système de défense aérienne de la régime. façade méditerranéenne de l’Alliance 50 . Ce cen- Le premier facteur réside dans la prise en comp- tre ne peut cependant d’emblée prétendre à une te par l’OTAN du commandement et du contrôle efficacité équivalente à celle de son homologue de l’ensemble de l’opération. La campagne s’en de Ramstein pour coordonner une grande opéra- est ressentie sur le plan tant quantitatif que qua- tion à missions multiples. Dans leur configura- litatif. tion de temps de veille, le JFACC d’Izmir comp- Tout d’abord, comme on l’a vu précédemment, le tait 200 personnes et le CAOC de Poggio Renati- retrait des moyens de combat américains du dis- co 150 personnes au début de l’engagement, un positif allié signifie mécaniquement un nombre effectif limite pour coordonner une opération de de sorties offensives moins élevé, d’autant que ce type 51 . L’US Air Force préconise en effet plus seuls six pays participent aux missions de frap- de 440 personnes pour un centre d’opérations pes : la France, la Grande-Bretagne, le Dane- dans sa version la plus réduite 52 . Or les nécessai- mark, la Norvège, le Canada et la Belgique 47 soit res renforts sont retardés pour des raisons politi- environ soixante-dix appareils (une vingtaine de ques. Il y a en effet tout lieu de penser que les F-16, 6 F-18, 12 Tornado GR-4 et la trentaine de Allemands, qui ont retiré leurs équipages des E- Rafale, M 2000D et SEM français). Ces appareils 3 AWACS de l’Alliance, dès le 23 mars dans la effectuent en moyenne, une sortie par jour avec perspective d’un engagement de l’OTAN 53 , ont une présence sur le théâtre devant avoisiner les probablement fait de même avec les personnels deux heures. Si tel est effectivement le cas, cela engagés au CAOC. Il en vas sans doute de même signifie que seule une demi-douzaine à une di- pour d’autres nations ne participant pas à l’enga- zaine d’appareils d’interdiction est présent à un gement. Le type de reconfiguration qu’imposent moment donné sur le théâtre. Ces trois ou quatre ces limitations prend du temps, quand bien mê- patrouilles doivent en outre se disperser sur les me il est correctement mené. « fronts » de Misrata, d’Ajdabiya, Tripoli ou en- Ensuite, le CAOC doit mettre sur pied l’ensemble 17

des éléments nécessaires pour contrôler les frap- puissants que ceux menés actuellement, n’a- pes terrestres et pas uniquement la zone d’inter- vaient permis d’obtenir aucun effet opérationnel diction de survol. En la matière, les procédures et stratégique, faute de forces terrestres capables d’autorisation de tir ont été, semble-t-il, durant d’obliger les unités serbes à se concentrer pour les dix premiers jours, totalement centralisées au être à la merci de la puissance aérienne. Ce sont niveau du CAOC, avec une faible marge de man- bien les frappes stratégiques qui ont contribué œuvre/décision pour les appareils engagés. au renoncement de Milosevic 54 . Afin de gagner en efficacité, l’appareil militaire Nous sommes actuellement, toute proportion otanien pourrait : gardée, dans une situation opérationnelle simi- • Diminuer l’effort dévolu au maintien de la laire. Les insurgés, par leur simple présence, ont zone d’interdiction de survol, ce d’autant permis aux appareils de la coalition de frapper que l’aviation de Kadhafi est désormais les forces libyennes qui s’opposaient à eux. Ce- quasi-inexistante. Cela permettrait de dé- pendant, malgré un courage qui leur fait hon- gager quelques capacités de soutien et de neur, ils ne sont pas capables de manœuvres tac- C² au profit des opérations de protection tiques compliquées et ne représentent pas enco- des civils. Cette mesure se heurte cepen- re cette force terrestre décisive en mesure de dant à la volonté d’affichage de bon nom- s’imposer aux troupes de Kadhafi. Yves Debay, bre de participants ; rédacteur en chef de la revue Assaut , qui a passé deux semaines dans les rangs de l’insurrection, • Renforcer la capacité de frappe au sol sur évalue à environ 30 % le nombre de militaires le théâtre. Le renforcement du dispositif formés au sein de ces forces 55 . Ainsi, en l’état, la britannique et le rapprochement des Mira- puissance aérienne représente le facteur déter- ge 2000 D vont clairement dans ce sens. minant expliquant les replis ou les avancées tac- Des contributions additionnelles se heurte- tiques de ces dernières. Les choses évoluent sans raient bien évidemment aux limites capaci- doute. Le tir « fratricide » du 7 avril de l’OTAN taires des pays participants. Même sans sur les insurgés démontre en tout cas que ces cela, la nature des objectifs traités par l’u- derniers montent en puissance puisqu’il s’agis- nité danoise, pourtant volontaire pour sait d’une première colonne de 17 chars et blin- frapper, laisse interrogatif sur l’aptitude de dés 56 . l’OTAN à exploiter à fond les capacités dé- diées existantes ; Cette aptitude des insurgés à s’imposer aux for- ces de sécurité libyennes ne pose pas nécessaire- • Déployer plusieurs Tactical Air Control ment le problème de leur équipement, car il Parties ou les unités alliées équivalentes, semble contrôler plusieurs des dépôts d’armes des équipes de forces spéciales en mesure que le colonel Kadhafi avaient installé en Cyré- de guider les frappes avec plus d’efficacité, naïque comme ailleurs. Le principal défi réside comme celles des commandos parachutis- dans l’entraînement de ces combattants, auquel tes de l’air (CPA). Se pose cependant sans contribueraient déjà certaines équipes de la doute le problème de la disponibilité de ces CIA 57 . Cependant, ce type de développement ca- équipes, déjà largement consommées par pacitaire nécessite des semaines sinon des mois. la contre-insurrection en Afghanistan. En outre, les mécanismes de défaite nécessitent L’absence de forces terrestres crédibles repré- bien entendu une synergie de la manœuvre ter- sente le second facteur limitant les perspectives restre et de l’action aérienne – c’est l’essence de de dislocation de l’ennemi. Cette force terrestre l’art opératif – de même qu’une étroite coopéra- devrait être capable : tion au niveau tactique. Officiellement, les Amé- • par la menace qu’elle représente ou l’objec- ricains comme l’OTAN, se sont défendus de tou- tif qu’elle constitue, d’obliger les forces ad- te coopération de la sorte qui signifierait une pri- verses à se concentrer et manœuvrer, ces se de position dépassant le cadre de la résolu- dernières devenant ainsi « lisibles », vul- tion. Les déclarations des insurgés, si elles attes- nérables aux coups de la puissance aérien- tent de contacts entre le mouvement rebelle et ne ; l’OTAN, démontrent également que cette coordi- • par sa manœuvre de « révéler » l’effondre- nation est des plus ténues dans la pratique. L’Al- ment de l’adversaire affaibli par les frappes liance en effet ne prend pas, selon eux, suffisam- d’interdiction, de précipiter sa dislocation, ment en compte les informations qu’ils lui four- puis de ternir le terrain. nissent 58 . Sautant le pas devant le manque de progrès sur le terrain, les gouvernements fran- Lors d’ Allied Force contre le régime de Milosevic çais, britanniques et Italiens ont décidé finale- ème en 1999, les bombardements contre la III ar- ment de déployer plusieurs équipes de conseil- mée serbe au Kosovo, autrement plus longs et lers militaires auprès du CNT 59 . 18

Enfin, les succès de la coalition ont été obtenus La confrontation stratégique : un face à des forces mécanisées, à l’offensive contre régime fragilisé contre une coali- les insurgés qui s’étaient emparés des localités, tion divisée et privée de leadership soit le cas de figure où le rendement de la puis- sance aérienne est optimal. Il en va tout autre- américain ment dès lors que les forces fidèles au régime, Au plan stratégique, la coercition intervient lors- fort de leur supériorité tactique sur les insurgés, que le dirigeant adverse est amené à mettre en adaptent leur mode opératoire à la puissance balance le maintien de sa résistance avec son aérienne, comme le martèle l’OTAN depuis plu- coût, le plus souvent la survie de son régime. sieurs jours 60 : Que la décision du leader adverse procède d’un calcul rationnel, tel qu’exposé par Robert Pape, • en utilisant sur la zone de combat des ou irrationnel, comme le suggèrent le major moyens légers (pick-up notamment) plus Kimminau ou le colonel Engelbrecht de l’U- difficiles à identifier positivement par les SAF 62 , la coercition ne fonctionne que si l’enjeu appareils de surveillance ; est limité et offre à ce leader une porte de sortie. • en plaçant en second échelon et en dissi- Saddam Hussein en 1991 et Slobodan Milosevic mulant leur armement lourd trop vulnéra- en 1999 ont finalement accepté les termes de ble, le transit sur les rocades vers la zone l’ultimatum de la communauté internationale, de combat s’effectuant alors de nuit ; autrement dit, ont lâché respectivement le Ko- • en se retranchant, le cas échéant, dans des weït et le Kosovo, pour éviter une trop grande zones urbaines, afin d’accroître le risque de fragilisation voire une destruction à terme de dommages collatéraux, comme lors des leur régime. combats de Misrata 61 . Dès lors que l’insurrection affiche le but absolu Au demeurant, des unités d’infanterie décidées, de renverser le régime, le maître de Tripoli n’a disposant de quelque appui-feu – mortiers, lance rien à négocier, rendant totalement illusoire la -roquettes –, des équipes de snipers, sont pleine- perspective d’un cessez-le-feu sauf en tant que ment en mesure de tenir des zones urbaines et composante d’une manœuvre dilatoire. Que les d’y opérer des carnages sans que la puissance partenaires de l’OTAN l’assument ou pas, ils se aérienne ne soit en mesure de les réduire retrouvent donc engagés dans une confrontation « proprement » au silence. qui aura pour résultat ultime la destruction de l’insurrection ou le renversement du régime de L’histoire démontre enfin que ce type de disloca- Kadhafi, même si l’impasse opérationnelle re- tion peut difficilement être anticipé. En prenant doutée par certains débouche à court terme sur par exemple l’Irak : une partition de facto du pays. • Lors de Desert Storm , la coalition a été to- L’issue de ce bras de fer, comme dans toute guer- talement surprise au lancement de l’offen- re depuis la nuit des temps, dépend avant tout de sive terrestre par l’état de déliquescence la solidité et de la détermination des acteurs en moral des forces irakiennes alors qu’elle présence. avait surestimé l’usure de leur potentiel physique ; Le système de pouvoir de Kadhafi fragili- sé ? • Lors d’ Iraqi Freedom , contrairement aux Il dépend donc en premier lieu de la résilience espoirs des Américains, les forces irakien- du régime. Selon les connaisseurs de la Libye, le nes se sont initialement bien battues car pouvoir du colonel Kadhafi représente un systè- les Irakiens n’imaginaient pas que, contrai- me complexe d’allégeance. A un premier niveau, rement à Desert Storm, les GI’s ne stoppe- « Mouammar Kadhafi prend alternativement raient leur marche qu’à Bagdad. La dislo- appui sur trois institutions : le Congrès général cation du dispositif irakien s’effectua alors du peuple, les comités révolutionnaires et l'ar- en quelques jours, fin mars, début avril, mée. La continuité du pouvoir repose sur cette lorsque le 3rd Infantry Division et la 1st alternance imprévisible de trois pôles concur- MEF atteignirent la région de Kerbala, une rents »63 . A un second niveau, interviennent les semaine avant la prise de Bagdad. alliances tribales. Comme le souligne une étude de STRATFOR, étant donné la taille moyenne de la tribu des Kadhafa, implantée dans la région de Syrte, « la fondation de la structure de pouvoir de Kadhafi a largement reposé pendant ces 40 dernières années, sur l’alliance avec les deux plus grandes tribus du pays, les Warfallah et les Magari- 19

ha »64 . Or, en février, lorsque le soulèvement centre de gravité ami. Le moins que l’on puisse marquait ses premiers points, les Warfallah, la dire est qu’il est en danger depuis le début de plus importante tribu de Tripolitaine, qui comp- l’engagement. te pour 15 % de la population du pays, a fait dé- Cette coalition – terme en l’occurrence encore fection, fragilisant ainsi considérablement l’assi- valable malgré l’implication otanienne – présen- se du pouvoir du colonel. Les nombreuses défec- te un visage inédit. La grande différence avec les tions qui frappent le régime, notamment le corps engagements passés est le défaut de leadership diplomatique à commencer par son chef de file américain. En fait, les positions au sein de l’ad- 65 , accrédite cette fragilisation . ministration Obama apparaissent s’inscrire dans Inversement, le régime de Tripoli est activement la tradition des divergences entre Pentagone et soutenu par les nombreux débiteurs, notamment département d’Etat qui ont émaillé les années au Sahara, qui ont disposé dans le passé de ses 1990. Pour schématiser à l’extrême, et en atten- soutiens politiques, financiers et militaires. C’est dant d’en savoir un peu plus, disons ici qu’Hilla- tout particulièrement le cas des Touaregs que ry Clinton, activement appuyée par Susan Rice à Kadhafi a activement protégé et financé durant l’ONU, a largement poussé à l’intervention, dans la répression de leur mouvement par le Mali un cadre multilatéral, estimant que la passivité dans les années 1990. Des centaines de combat- américaine serait la pire des options. Le Penta- tants désœuvrés provenant du Niger et du Mali gone, de son côté, s’est dès le début montré ex- seraient ainsi venus via Sabbah gonfler les effec- trêmement réservé, pour ne pas dire hostile à tifs des troupes de Kadhafi 66 . De nombreux au- l’engagement. Non seulement les militaires amé- tres combattants viendraient du Tchad, de Mau- ricains s’estiment déjà largement « engagés » en ritanie, du Soudan, du Zimbabwe, d’Ethiopie, du Afghanistan, mais plus important, ils sont rétifs Burkina Faso, etc. Début mars, certaines organi- à s’engager dans une opération aux visées straté- sations de protection des droits de l’Homme giques peu claires et n’engageant pas les intérêts chiffraient – difficilement – de 6 000 à 30 000 vitaux des Etats-Unis. 67 le nombre de ces mercenaires étrangers . Tripo- Le Secrétaire à la défense n’a ainsi li aurait peut-être même le soutien d’Alger, accu- eu de cesse de souligner que les frappes néces- sé par la rébellion de fournir des appareils de saires à la mise en place d’une zone d’interdic- transport pour transférer ces mercenaires. tion de survol signifiaient entrer en guerre avec Toute prédiction quant au devenir du système de la Libye. Il ajoutait devant les médias au premier pouvoir ennemi s’avère d’autant plus hasardeu- week-end de l’opération que les incertitudes qui se que l’issue de l’engagement dépend largement entourent son issue et ses effets « n’ont pas été de la perception qu’entretiennent le dirigeant et discutés en profondeur dans la phase qui a me- ses séides sur leur situation présente et leurs né au lancement de l’opération »69 mettant en perspectives. Cette perception est changeante en garde contre une extension des objectifs de la fonction de l’information disponible, de la coalition. Le président du Comité des chefs d’é- confiance accordée aux personnes prodiguant tat-major, l’amiral Mullen, pour sa part, n’ex- leurs conseils, etc. Saisir cette perception, com- cluait pas publiquement que l’engagement se prendre sa rationalité, représente le plus grand trouve dans une impasse stratégique 70 . défi de tout appareil de renseignement. Rappe- Le secrétaire Gates s’inscrit dans une posture qui lons qu’en la matière, les calculs stratégiques de sonne comme une réminiscence des doctrines Saddam Hussein ou de Slobodan Milosevic n’ont Weinberger et Powell qui entendaient condition- été compris par les Occidentaux qu’après la fin ner l’interventionnisme militaire américain à des de l’engagement de coercition ou de changement buts politiques clairs, un soutien incontestable de régime. En 1999, c’est bien la crainte, chez les de l’opinion et du Congrès et l’obtention d’une dirigeants de Belgrade, d’insupportables des- carte blanche sur le plan opérationnel. tructions futures, motivées tant par les frappes stratégiques que par l’isolement diplomatique Le président Obama, désireux, notamment dans total dans laquelle ils se trouvaient, qui a alors la perspective de 2012, de ne pas engager lourde- amené la décision de Milosevic 68 . Ce calcul stra- ment les forces américaines, encore traumatisés tégique n’avait absolument pas été anticipé par par l’affaire irakienne et pris au piège en Afgha- l’OTAN. nistan, décide d’un compromis : une fois obtenus la neutralisation de l’IADS libyen et l’arrêt de Une coalition handicapée par un défaut l’offensive des troupes de Kadhafi sur Benghazi, de leadership américain les Etats-Unis passent le flambeau à l’OTAN, ré- La coalition d’Etats s’opposant à Kadhafi se trou- duisent leur engagement aux indispensables ca- ve dans un état tout aussi problématique. Il est pacités de soutien évoquées plus haut. Ils sont de coutume dans les exercices multinationaux de alors rejoints dans leur volonté de transférer le désigner « la cohésion de la coalition » comme le 20

commandement à l’OTAN par les Italiens, les pays de l’Est, enfin les réticences politiques Britanniques, les Norvégiens et bon nombre de et sociétales, certes bien compréhensibles, participants inquiets du vide de leadership stra- de l’Allemagne à s’engager dans des opéra- tégique de la campagne induit à terme par le re- tions de combat, semblent difficilement trait américain. Le secrétaire Gates peut annon- réconciliables pour permettre une stratégie cer, le mardi 22 mars 2011, la réduction dans les commune reposant sur l’emploi de la force jours suivants de l’engagement américain 71 . comme solution à une gestion de crise ex- 73 Mais avec cette transition, les Américains ou- térieure . vrent une véritable « boîte de pandore » qui va En réalité, ces divergences d’intérêt et d’appro- défrayer la chronique pendant toute une semai- che stratégique limitent le spectre des engage- ne. Devant cet imbroglio diplomatique, la Mai- ments possibles au niveau européen aux opéra- son-Blanche décide de maintenir les moyens tions de secours d’urgence, aux campagnes de américains engagés et même vraisemblablement stabilisation et de reconstruction post-conflit, de renforcer substantiellement son effort contre enfin aux « opérations de protection ». De fait, les troupes libyennes afin d’engranger au plus EUFOR Tchad, la lutte contre la piraterie, main- vite des succès sur le terrain, sans doute pour tenant la Libye, (dans la lecture la plus restricti- calmer l’hostilité croissante de l’opinion et du ve de la résolution 1973) représentent une nou- Congrès, mais peut-être aussi par défiance pour velle catégorie d’engagements a minima, qui l’aptitude de l’OTAN à mener l’engagement dans sont limités à la protection des non combattants le sens de leur EFR… par le faible niveau de consensus politique entre Les divergences d’intérêts et de cultures ses acteurs. Enfants du multilatéralisme qu’im- stratégiques entre Européens limitent pose une vision européenne très légaliste des re- l’aptitude à opérer dans le champ straté- lations internationales, ces engagements sont « a gique -stratégiques » au sens où ils excluent la recher- che d’effets stratégiques qui seraient exercés di- En effet, cette crise démontre une fois encore rectement contre un adversaire désigné et ne que l’Europe, si elle émerge péniblement sur le visent pas un état final recherché dans la situa- plan diplomatique et sur certaines problémati- tion géopolitique locale comme les opérations de ques sécuritaires, n’existe pas sur le plan straté- guerre classique, régulière ou irrégulière, ou mê- gique stricto-sensu . Plusieurs niveaux de dissen- me celles de stabilisation. sion s’entremêlent dans le vif débat qui a agité les chancelleries européennes : Des perspectives incertaines La posture opérationnelle de l’OTAN découlant • les divergences d’intérêts géostratégiques de ce cadre ne lui a pas encore permis de peser sur la question libyenne, notamment entre suffisamment sur la résolution du conflit, pro- les principaux membres de la coalition et longeant ainsi l’engagement tout en réduisant des pays comme l’Allemagne, la Pologne son utilité. Pour autant, cette confusion perma- ou encore la Turquie, fondamentalement nente entre « état final souhaité » et réalité de hostiles à un engagement de force, voire l’engagement de protection ne fait pas taire les même au soutien des insurgés. Ankara se soupçons et les critiques de Moscou, Pékin et des positionne ainsi explicitement comme un capitales arabes. Pire, chez les insurgés, qui ju- médiateur entre les parties au conflit alors gent l’action de leurs « alliés » à l’aune de leur qu’elle appartient à une alliance employant propre prisme stratégique, l’espoir et la gratitude 72 la force contre l’un des belligérants ; laissent place à l’incompréhension voire la fran- • les divergences sur l’opportunité d’em- che critique 74 . Au final, le risque est grand que ployer l’OTAN, entre l’ensemble des parte- l’affaire débouche sur une situation stratégique naires de la coalition et la France, inquiète exactement inverse à celle recherchée. du caractère purement occidental de l’en- La messe n’est pas dite pour autant. Les capita- gagement qui risquait selon elle d’attiser les les plus interventionnistes, au premier chef l’antagonisme avec bon nombre de pays Paris et Londres, tentent de contourner cette im- arabes ; passe par un soutien à l’insurrection plus cohé- • mais aussi les divergences entre les cultu- rent avec leur EFR : conseil à l’insurrection, etc. res stratégiques des pays européens, déjà En outre, il reste possible d’envisager une évolu- mises en exergue lors d’ Allied Force il y a tion de l’OTAN, dont la crédibilité est à nouveau 12 ans ou par les caveats qui contraignent engagée, vers une politique plus coercitive, mê- la campagne d’Afghanistan. En clair, les me dans le cadre stratégique que nous évoquons. cultures interventionnistes françaises ou Souvenons-nous qu’au printemps 1999, devant britanniques, celles plus défensives et réti- l’impasse des frappes tactiques sur les forces ser- ves à l’aventurisme expéditionnaire des bes, les Américains étaient finalement parvenus 21

à faire évoluer le consensus au sein de l’OTAN vers des frappes stratégiques plus lourdes contre les dirigeants de Belgrade dès lors que se dessi- nait le spectre de la défaite ou de l’intervention terrestre. S’il n’est pas question dans le cas pré- sent de telles options, il n’en reste pas moins qu’un renforcement sensible des moyens, un meilleur « rendement » du dispositif de l’Allian- ce et son adaptation aux modes d’action des troupes de Tripoli, le cas échéant une meilleure coordination avec les insurgés, combinés à une Les opinions exprimées ici montée en puissance des capacités de ces der- n’engagent que la responsabilité niers, seraient susceptibles de retourner à nou- veau le sort des armes tant les forces de Kadhafi de leur auteur . ne sont pas impressionnantes non plus. Ce n’est pas cependant le plus probable, justement en raison du défaut de leadership américain. Dès lors, tous les scénarios restent possibles, al- lant d’une rupture interne dans le régime qui amènera Kadhafi à abandonner le pouvoir, à une Philippe Gros victoire de ce dernier marquée par un arrêt de l’engagement militaire de l’OTAN avant que les [email protected] insurgés disposent des capacités suffisantes pour s’imposer. Reste le risque de l’ « impasse insta- ble » pour reprendre le terme d’Anthony Cordes- man 75 , envisagée par beaucoup et caractérisée par un conflit long dans lequel ni les forces de Tripoli ni celles des insurgés ne sont en mesure de l’emporter, aboutissant à une partition de fait du pays. Sur ce plan la fluidité des opérations sur le terrain laisse penser qu’elle pourrait représen- ter d’abord une étape transitoire, éventuellement prolongée, entre la victoire de l’un ou de l’autre camp. A plus long terme, il est à craindre que cette crise achève de placer au grand jour les limites de l’u- tilisation des cadres multilatéraux de l’OTAN et de l’UE, et qu’elle laisse des traces indélébiles sur la politique de sécurité et de défense commune et par ricochet sur le couple franco-allemand. Le dernier discours du président de la République, qui assimile l’Europe de la défense à la relation franco-britannique et tourne ostensiblement le dos au Rhin 76 , en représente une première mani- festation. ◊◊◊

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Management of the Typhoon project , Thirtieth Report of Notes Session 2010–12, printed Monday 4 April 2011, http:// www.publications.parliament.uk/pa/cm201011/cmselect/ 1. La meilleure synthèse ouverte sur les capacités enga- cmpubacc/860/860.pdf gées et les activités opérationnelles est probablement celle fournie par David Cenciotti, journaliste spécialisé italien, 19. Steven Jermy, « Sharkey Ward & Michael Clapp, Brit- qui rédige des posts quotidiens « Operation Odyssey ain’s fast jet forces – national interest versus Dawn explained » / « operation Unfied Protector explai- vested interest », The Phoenix Think Tank , October 14, ned » sur son blog, http://cencio4.wordpress.com/ 2010 http://thephoenixthinktank.wordpress.com/ 2010/10/14/britain’s-fast-jet-forces-–-national-interest- 2. 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