L'anarchisme En Situation Coloniale, Le Cas De L'algérie
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Délivré par UNIVERSITE DE PERPIGNAN VIA DOMITIA UNIVERSITE D'ORAN ES-SENIA Préparée au sein de l’école doctorale 544 INTER-MED Et des unités de recherche CRHiSM EA 2984 / CRASC « Nous disons à nos dominateurs : l'Algérie nous Spécialité : Histoire appartient comme une terre doit appartenir logiquement à ceux qui la travaillent, qui peinent pour la faire produire. C'est notre sol natal, que de pères en fils nous fécondons de notre labeur : vous êtes venus nous déposséder, nous voler Présentée par M. Philippe BOUBA nos biens et, sous prétexte de civilisation vous nous obligez maintenant, pour ne pas mourir de faim, de trimer comme des forçats, pour votre profit, contre un salaire de famine. » Mohamed SAÏL, 1924 L'anarchisme en situation coloniale, le cas de l'Algérie Organisations, militants et presse, 1887-1962 Soutenue le 17 décembre 2014 devant le jury composé de Mme. Sylvie THENAULT, Directrice de recherche, CNRS Rapporteure M. Michel CADE, Professeur émérite des Universités, UPVD Co-directeur M. Nicolas MARTY, Professeur des Universités, UPVD Membre du jury M. Gilbert MEYNIER, Professeur des Universités honoraire, Nancy II Membre du jury M. Philippe PELLETIER, Professeur des Universités, Lyon II Rapporteur M. Hassan REMAOUN, Professeur, Université d'Oran Es-Sénia Co-directeur 2 En souvenir de Miguel Martinez, compagnon d’anarchie. 3 REMERCIEMENTS Tout d’abord, vis-à-vis de mes deux directeurs de recherche des deux rives de la Méditerranée pour leur conseil et leur aide : Michel Cadé (Université de Perpignan Via Domitia) et Hassan Remaoun (Université d’Oran Es-Sénia). Aux équipes du CRHiSM (Perpignan) et du CRASC (Oran) qui m’ont permis de préparer ma thèse dans de bonnes conditions. A toutes les personnes rencontrées durant ces cinq années et qui ont apporté une des pierres à l’édifice. Elles se reconnaitront toutes et tous. Aux membres du programme Averroès - Erasmus Mundus. A toutes les personnes rencontrées dans les différents centres de recherche. En France : CIRA de Marseille, CAOM d’Aix-en-Provence, Librairie « Infos » de Perpignan. En Algérie : Archives des Wilayas d'Alger et d'Oran, BNA du Hamma et du site Franz Fanon d’Alger. Sans oublier l'IIHS d’Amsterdam et la BNF de Paris. A ma famille des deux rives de la Méditerranée pour son appui inconditionnel. Et à Tassadite, « thanmirth ». A Martine Boury, pour toutes ses preuves de solidarité envers moi me permettant l’élaboration de ce doctorat. Enfin, à Edward Sarboni, de m’avoir tant appris pendant ces derniers mois. Du fond du cœur, je le remercie. Ses conseils ont été essentiels pour l’aboutissement de ma thèse. A toutes et à tous un grand merci, ce présent travail est le témoignage de ma profonde gratitude envers eux. 4 AVANT-PROPOS Le choix d’un sujet historique dans le cadre de travaux universitaires, et notamment pour un doctorat, peut relever d’explications diverses. Je souhaite préciser ici que je n’ai pas choisi ce sujet mais c’est plutôt lui qui m’a choisi. Attache familiale à coup sûr, car la branche maternelle de ma famille a été présente en Algérie de la fin du XIXème siècle au lendemain de l’Indépendance. Par ailleurs, ma proximité avec les idées anarchistes m’a conduit à considérer que ce sujet était une évidence pour moi. Mais ce présent doctorat répond aussi à des interrogations concernant l'historiographie du Mouvement ouvrier en Algérie. Quatre années avant que je ne débute celui-ci, l’historien Gilbert Meynier au sein d’une note de lecture du « Maitron Algérie »1 nous faisait part de son étonnement, quant à la quasi-inexistence de toutes références historiques relatives au Mouvement anarchiste en Algérie. Il déclarait « […] un peu troublé par la quasi-absence de notices sur des militants libertaires/anarchistes, alors même que le journal Le Flambeau est sur le sujet un document important à dépouiller ; et que le mouvement ouvrier, du moins le socialisme colonial, ne peuvent s’étudier sans lui. […] Et, avis aux jeunes chercheurs : on attend encore à ce jour la thèse qui fera le point sur l’anarchisme en Algérie et au Maghreb. »2 Vingt ans auparavant, Gilbert Meynier ainsi qu’Ahmed Koulakssis avaient déjà fait ce constat au sein d’un article rédigé pour la revue « Le Mouvement social », « […] hormis une très brève allusion de René Gallissot, rien n'a été dit ni fait sur l'anarchisme en Algérie : beau sujet qui devrait tenter des chercheurs. »3 Enfin, dans « l’Algérie révélée » ouvrage tiré de la thèse soutenue il y a trente-cinq ans (en 1979), Gilbert Meynier insistait déjà sur la nécessité de s’intéresser à ce courant de 1 René GALLISOT (dir.), Algérie : engagements sociaux et question nationale. De la colonisation à l’indépendance de 1830 à 1962. dictionnaire biographique du mouvement ouvrier. Maghreb, Paris, Les éditions de l’Atelier, Le Maitron, 2006, 605 p. 2 Gilbert MEYNIER, « Note de lecture, René Gallissot (dir.) Algérie : engagements sociaux et question nationale », in Insaniyat, n°39-40, janvier-juin 2008, p. 200. 3 Ahmed KOULAKSSIS and Gilbert MEYNIER, « Sur le mouvement ouvrier et les communistes d'Algérie au lendemain de la Première Guerre mondiale » in Le Mouvement social, n°130 (Jan. - Mar., 1985), p. 14. 5 pensée en affirmant qu’ « [i]l faudra faire l'histoire de l'anarchisme en Algérie pour y pleinement comprendre le mouvement ouvrier »4. L’utilité de ce travail n’est donc plus à démontrer, si on se réfère à ce manque constaté, même si les logiques personnelles évoquées plus haut restent des raisons que je ne renie pas. Il est indéniable que le militantisme libertaire dans cette colonie française représente un sujet historique d’une importance capitale. Ce sujet mérite que nous nous y attelions avec toute l’attention et l’objectivité requises. Au fil des pages, j’ai souhaité exercer le « métier » d’historien pour reprendre les mots de Claude Liauzu, c’est-à-dire « […] expliquer, non juger, définir les rapports entre le présent et le passé dans leur complexité, fournir des repères à ceux qui veulent comprendre leur monde »5. 4 Gilbert MEYNIER, L’Algérie révélée. La guerre de 1914-1918 et le premier quart du XXe siècle, Alger, Édition el Maarifa, 2000, p. 705. 5 Claude LIAUZU (dir.), Colonisation : droit d’inventaire, Paris, Armand Colin, 2004, p. 16. 6 INTRODUCTION « Je me demande pourquoi nous parlons des États-Unis d’Europe. Les Américains, les Chinois et les habitants des îles du Pacifique sont aussi nos frères et ce que nous voulons fonder c’est la République fédérale de la terre entière. Toutes ces frontières ne sont que des lignes artificielles imposées par la violence, la guerre, l’astuce des rois et sanctionnées par la couardise des peuples. Et je me demande si les habitants d’Alsace n’hésitent pas entre la France et l’Allemagne ; si les Basques du nord des Pyrénées ne pourraient pas s’unir aux Basques espagnols ? Au nom de quel droit voudriez-vous les en empêcher ? Si même la France voulait s’unir à la Suisse, ne pourrions-nous pas nous en féliciter ? […].Quant aux frontières dites naturelles, celles qui reposent sur le relief du sol, on les comprend à la rigueur : mais même elles n’ont pas plus que les précédentes le droit de former obstacle entre les populations, et n’ont pas non plus le droit de servir de fondement à l’organisation de la société. Il n’y a pas de frontière naturelle ; l’Océan même ne sépare plus les pays. »6 Cet extrait d’une conférence sur le fédéralisme par le géographe et anarchiste Elisée Reclus, au cours du 2ème Congrès de la Ligue pour Paix et la Liberté qui se tint à Berne en 1868, peut à lui seul résumer la pensée anarchiste : les frontières n’existent que pour de mauvaises raisons et l’objectif qu’ils s’assignent se résume à l’organisation d’une « République fédérale » débarrassée des frontières nationales. L’anarchisme, un courant socialiste D’après l’écrivain révolutionnaire Daniel Guérin, il faut chercher l’origine de l’anarchisme au sein du Mouvement socialiste car il « […] n'est pas autre chose qu'une des branches de [cette] pensée […] »7. Selon le russe Pierre Kropotkine, l’un des penseurs de l’anarchisme, « les idées socialistes furent développées [au milieu du XIXème siècle] par de nombreux penseurs ; nous devons citer Considérant, Pierre Leroux, Louis Blanc, Cabet, Vidal 6 D’après le compte-rendu sténographique du discours d’Élisée Reclus in Paul RECLUS, Les frères Élie et Élisée Reclus, ou du Protestantisme à l'Anarchisme, Paris, Les Amis d'Élisée Reclus, 1964, pp. 55-56. 7 Daniel GUERIN, L’anarchisme, Paris, Gallimard, 1965, p. 15. 7 et Pecqueur et, plus tard, Proudhon, parmi les Français, Karl Marx, Engels, Rodbertus et Schaeffe parmi les Allemands ; Bakounine, Tchernychevsky, Lawroff par les Russes, etc... »8 L’« idée-mère » de tous les socialistes a été « la nécessité d'abolir le salariat, d'abolir la propriété individuelle du sol, des maisons, des matières premières, des instruments de travail, du capital social en un mot »9. Cette lutte engagée contre le « Capital » va fournir à divers courants du Mouvement socialiste l’opportunité de proposer et défendre différentes conceptions et différents moyens à mettre en œuvre pour parvenir à une société socialiste débarrassée de l’exploitation capitaliste et de l’aliénation étatique. La lutte en vue d’éradiquer toute strate de pouvoir ou bien la lutte engagée pour y parvenir sont deux modes d’organisation et de lutte qui vont donner naissance à la première ligne de fracture entre deux courants du Mouvement ouvrier. D’un côté, les adeptes du refus de tout pouvoir qui vont prendre leur distance vis-à-vis des étatistes, pour aboutir toujours selon Kropotkine « […] à deux grands courants socialistes : le communisme autoritaire et le communisme anarchiste (antiautoritaire) »10.