E.T., l’extra-terrestre (, 1982) de Yoan Orszulik le 20/07/2015

FICHE FILM

RÉALISATEUR Steven Spielberg GENRE Science-fiction ACTEURS Dee WallaceDrew BarrymoreHenry ThomasPeter CoyoteRobert MacNaughton DATE DE SORTIE 1 décembre 1982 SCÉNARISTE MONTEUR Carol Littleton DIRECTEUR PHOTO Allen Daviau COMPOSITEUR John Williams DISTRIBUTEUR Universal Film SYNOPSIS Une soucoupe volante atterrit en pleine nuit près de Los Angeles. Quelques extraterrestres, envoyés sur Terre en mission d'exploration botanique, sortent de l'engin, mais un des leurs s'aventure au-delà de la clairière où se trouve la navette. Celui-ci se dirige alors vers la ville. C'est sa première découverte de la civilisation humaine. Bientôt traquée par des militaires et abandonnée par les siens, cette petite créature apeurée se nommant E.T. se réfugie dans une résidence de banlieue. Elliot, un garçon de dix ans, le découvre et lui construit un abri dans son armoire. Rapprochés par un échange télépathique, les deux êtres ne tardent pas à devenir amis. Aidé par sa soeur Gertie et son frère aîné Michael, Elliot va alors tenter de garder la présence d'E.T. secrète.

« Vous êtes si proche des enfants, vous devriez faire un film sur eux, car chaque film est une tranche de vie et la vie est courte. » disait François Truffaut à Steven Spielberg sur le plateau de Rencontres du troisième type. Cette anecdote est à l’origine d’un des plus grands classiques du cinéaste des Dents de la mer.

En 1978, souhaite donner une suite à Rencontres du troisième type. Après un premierer refus, Spielberg finit par accepter la proposition. Le réalisateur se souvient d’une anecdote rapportée par son consultant J. Allan Hynek, lors du tournage de son précédent film. Une supposée ferme assiégée par des extraterrestres, à Hopkinsville dans le Kentucky en 1955. Spielberg s’en inspire pour sa suite baptisée Night Skies, dont il confie l’écriture à (Piranhas, Hurlements). Ce film devait dépeindre l’affrontement d’une famille de fermiers avec onze extraterrestres, disposant d’un doigt rouge mortel. Les scientifiques de Rencontres du troisième type faisaient une apparition en tentant d’établir un contact télépathique avec du bétail possédé. Contact finalement établi par le petit garçon autiste de la famille, et Puck le plus jeune des extraterrestres. L’histoire se concluait par le départ des créatures ayant oublié leur progéniture sur terre, désormais seule au monde. Spielberg souhaite confier la réalisation à Ron Cobb, artiste ayant œuvré sur le défunt Dune d’Alejandro Jodorowsky et Alien, mais il doit y renoncer, obligeant le réalisateur de Duel à s’occuper de la réalisation. Rick Baker s’occupe des créatures. George Lucas est nommé consultant, tandis qu’ILM se chargera des effets visuels. Spielberg prévoit même d’embarquer dans la navette spatiale pour y filmer quelques images, qu’il souhaite incorporer à Night Skies. Columbia voit ce film comme une version extraterrestre des Chiens de paille , et annonce une sortie pour l’été 1982. Cependant la confection des onze extraterrestres, estimée à 3 millions de dollars, oblige Sayles à revoir son traitement. Sur le plateau des aventuriers de l’arche perdue, Spielberg fait la connaissance de la femme d’, la scénariste Melissa Mathison. Cette dernière estime que Night Skies devrait se recentrer sur l’amitié entre Puck et le petit garçon. Parallèlement à ce projet, le cinéaste développe After School. Une chronique quotidienne sur les pré adolescents, écrite par Robert Zemeckis et Bob Gale. Spielberg, se souvenant du conseil de François Truffaut, fusionne ses deux films en un. Columbia et Disney refusent ce nouveau projet qui ira à Universal. Spielberg propose la réalisation d’ E.T. l’extraterrestre à , mais ce dernier lui suggère le concept de Poltergeist . Rick Baker est à nouveau contacté, mais quitte la production en colère. Carlo Rambaldi le remplace en volant ses concepts. Le cinéaste souhaite confier la photographie à Vittorio Storaro, mais indisponible, il se rabat sur Allen Daviau, son chef opérateur sur Amblin’. La décoration est confiée à James D. Bissell, futur collaborateur de Joe Johnston et George Clooney. Tandis que Dennis Muren se charge des effets visuels.

Impressionné par sa performance dans Hurlements, Spielberg se tourne vers Dee Wallace pour le rôle de Mary. Juliette Lewis et Sarah Michelle Gellar sont pressenties pour Gertie, mais c’est Drew Barrymore , que le cinéaste a repérée lors du casting de Poltergeist qui est prise. Henry Thomas est choisi pour incarner Elliott, après avoir fondu en larmes lors d’une audition. Robert MacNaughton, Peter Coyote et C. Thomas Howell complètent la distribution. Un caméo d’Harrison Ford est prévu, mais il est coupé au montage. Le tournage a lieu entre septembre et décembre 1981 à Los Angeles. Spielberg décide de na pas utiliser de storyboard afin de garder une certaine spontanéité. Le prologue d’ E.T. , qui nous montre l’exploration forestière d’extraterrestres, joue sur le mystère quant à l’identité des créatures. Le cinéaste crée un sentiment de peur à l’égard de ses protagonistes, via une grammaire héritée du cinéma d’horreur. La vue subjective, les ombres, la respiration lancinante, l’utilisation de l’orgue par John Williams. Les adultes, à l’exception de Mary, auront le même traitement durant les 3/4 du métrage. Leurs visages n’étant jamais montrés. Un choix qui renvoie au dessin animé. L’ambiance évoque les peurs enfantines, pour mieux surprendre le spectateur.

La peur laissera place à l’émerveillement, uniquement lorsque Elliott et E.T. se rencontreront. Le film prend son temps pour créer une atmosphère et développer ses personnages. La grande force du long métrage réside notamment dans la caractérisation des principaux protagonistes. Des gens ordinaires confrontés à une situation extraordinaire. Une mère élevant seule trois enfants dans une banlieue californienne. Cette situation renvoie à l’enfance du cinéaste et lui confère une touche biographique, encore plus prégnante que dans Rencontres du troisième type. Spielberg n’élude jamais les tensions familiales et va jusqu’à isoler son jeune trio du monde des adultes, sans pour autant les idéaliser, ni les prendre de haut, comme d’autres productions. Considéré comme « tout public » le film aborde frontalement la question de l’abandon, la méfiance envers les autorités, l’exclusion de la société, la perte de l’innocence et l’acceptation de la mort. Cette dernière notion d’abord secondaire, finit par devenir omniprésente à l’écran. L’autre tour de force réside dans sa créature, à contre courant de l’époque. Spielberg propose un personnage innocent, dont la perception du monde est pour beaucoup dans son pouvoir de fascination. Le tout par l’image et une économie de mots, qui confère au personnage une dimension cinétique universelle. La relation qu’entretient Elliott avec E.T. traduit l’affection du cinéaste pour les histoires d’amour platoniques éphémères, que l’on retrouvera dans La couleur pourpre, Always ou encore Le terminal. Si l’introduction renvoie à l’exploration du vaisseau dans le météore de la nuit de Jack Arnold, E.T. peut se voir comme une relecture du Jour où la terre s’arrêta.

Du chef d’œuvre matriciel de Robert Wise, Spielberg reprend la caractérisation des personnages, ainsi que le parcours christique et messianique de son principal protagoniste. Le cinéaste cite également L’homme tranquille de John Ford, Bambi de , Miracle à Milan de Vittorio De Sica et La nuit du chasseur . Le classique de Charles Laughton fut revendiqué par Spielberg pour son travail sur les ombres et la représentation de l’enfance. Loin de se limiter à ses prestigieux modèles, le cinéaste démontre à nouveau sa grande maitrise du langage cinématographique. Caméra toujours à hauteur d’enfant, utilisation du clair obscur et du contre jour à des fins symboliques, gros plans expressionnistes, utilisation du travelling avant et compensé à des moments clés, raccords violents entre les différentes échelles de plans à des fins cathartiques. Le tout culminant lors d’un final, à double sens. Après des épreuves qui l’auront fait vivre le cycle de la vie, de la naissance à la mort, E.T. finira par retourner sur sa planète, mais ne reverra jamais Elliott. Une conclusion douce amère qui de manière très subtile touche à l’importance des rencontres éphémères.

Présenté en clôture du Festival de Cannes 1982, où il reçut une standing ovation, avant de sortir sur le territoire américain le 11 Juin, E.T. l’extraterrestre rapporta 792 millions de dollars dans le monde, pour un budget de 10,5. S’il éclipsa d’autres œuvres majeures comme Blade Runner ou The Thing, et engendra de nombreuses copies, plus ou moins inspirées, son succès permis à Amblin Entertainnement de lancer divers projets appelés à devenir des classiques. Souvent critiqué à tort pour son infantilisme, le film finit par être considéré au fil des ans comme un classique de l’histoire du cinéma, et une icône de la pop culture. Terry Jones le considère comme l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma. John McTiernan, Kevin Smith, Stephen Chow et Neill Blomkamp lui rendirent hommage respectivement dans Last Action Hero , Jay & Bob contre attaquent, C J7, District 9 et Chappie . Si on devait rapprocher E.T. d’œuvres plus contemporaines, il s’agirait de Mon voisin Totoro et Le géant de fer . Miyazaki et Bird évoquent avec une profondeur similaire, la solitude de l’enfance face au fantastique surgissant du quotidien. Quant à Night Skies de nombreuses idées furent récupérées pour Poltergeist, , Men In Black ou encore Signes. Si Rick Baker garda un très mauvais souvenir de l’expérience, John Sayles fut ravi que son scénario serve de base à de nombreux classiques. Plus de 33 ans après sa sortie en salles, E.T. l’extraterrestre reste un grand classique dont le statut dépasse le cadre cinématographique pour atteindre l’universel. Le film de Spielberg ayant touché tous types de publics par delà le monde, il fait désormais partie de l’inconscient collectif mondial.