Théâtral magazine

L’actualité de la création théâtrale sept. - oct. 2015

Gaspard ULLIEL face à ses Démons

EXCLUSIF Catherine Frot Rachida Brakni Stéphane Braunschweig Michel Aumont Thomas Jolly Marie-Anne Chazel Guy Bedos Arnaud Desplechin Marc Lavoine Sébastien Thiéry Jean-Jacques Beineix ZOOM n Acteurs en couple n Directeurs et confidences créateurs de théâtre

E DOSSIER le festival mondial des MARIONNETTES M 02434 - 55 - F: 4,60 - RD Théâtral magazine n 55 www.theatral-magazine.com ° ’:HIKMOD=YUY[UV:?k@k@f@f@a"

Théâtral magazine

015 trale sept. - oct. 2 L’actualité de la création théâ ommaire

S Théâtral magazine Gaspard ULLIEL N° 55 - SEPTEMBRE / OCTOBRE 2015 face à ses Démons

i Stéphane Braunschweig EXCLUSIF Catherine Frot Rachida Brakn Marie-Anne Chazel 04 Septembre - Octobre 2015 Michel Aumont Thomas Jolly AGENDA Arnaud Desplechin Pierre Arditi Guy Bedos ry Jean-Jacques Beineix 06. Têtes d’affiches Marc Lavoine Sébastien Thié

M irecteurs et ZOO I Acteurs en couple I D eurs de théâtre confidences créat 08 ACTUALITÉS

E NNETTES - 55 - 4,60 - RD 09. Edito de Gilles Costaz DOSSIER le festival mondial des MARIO M 02434 F: eatral-magazine.com www.th " 55 f@a n @ f e @ n k i @ z k ga ? a V: m U al [ r Y Théât ’:HIKMOD=YU 10. 10 pièces à ne pas manquer cette année ° 12 LA UNE Théâtral magazine est édité par Coulisses Editions 12. Gaspard Ulliel 7 rue de l’Eperon 75006 Paris Tél : + 33 1 43 27 07 03 16 A L’AFFICHE Email : [email protected] 16 . Julie Debazac, Jean-Jacques Beineix Site Internet : www.theatral-magazine.com 18 . Sébastien Thiéry, Rachida Brakni Directeur de la publication : Hélène Chevrier 20 . Stéphane Braunschweig Directeur de la rédaction : Enric Dausset 22 . Pierre Arditi et Evelyne Bouix, Marc Paquien Rédactrice en chef : Hélène Chevrier 24 . Thomas Le Douarec, François Morel [email protected] 26 . Sébastien Azzopardi et Sacha Danino, Michel Aumont 28 . Philippe Adrien, Axelle Laffont Rédaction : Hélène Chevrier 30. Lorànt Deutsch et Marie-Julie Baup, Marie Rémond Gilles Costaz 32 . Ingrid Chauvin, Arnaud Desplechin Enric Dausset 34 . Grand Magasin, Norah Krief Jacques Nerson 36 . Guy Bedos, Laurent Sauvage Nathalie Simon François Varlin 38 . Marie-Anne Chazel, Marc Lavoine Hadrien Volle 40 . Maxime d’Aboville, Julie Deliquet 42 . Catherine Frot Direction artistique et maquette : Coulisses Editions : + 33 1 43 27 07 03 44 . Christian Hecq et Valérie Lesort, Macha Makeïeff 46 . Philippe Berling, Gabriel Dufay Fabrication impression : 48 . Thomas Jolly, Maëlle Poésy SIB Imprimerie - Imprimé en France 50 . Les frères Bogdanoff, Catherine Marnas Tirage : 10 000 exemplaires 52 . Ivo Van Hove, Laurent Gutmann Distribution : Presstalis 54 . Kaori Ito, Gérard Desarthe Dépôt légal : date de parution Com mission paritaire du journal : 0319 G 89789 56 DOSSIER : MARIONNETTES Commission paritaire du site : 1117 W 90648 à la recherche de la vie avec les Anges au Plafond, Gisèle Publicité : Vienne, Frédéric Hocké, Cécile Briand, Jean-Paul Ouvrard, Bar - Coulisses Editions : + 33 1 43 27 07 03 bara Mélois et Melina Milanova Gestion Flashcodes Arnaud Lacaze : + 33 1 42 18 00 00 64 ZOOM : directeurs - créateurs de théâtre www.infotronique.fr Carole Thibaut, Gwénaël Morin, Jean Lambert-Wild Photo couverture Gaspard Ulliel © Nicolas Valois / H and K 68 CONFIDENCES : Acteurs en couple Le prochain numéro sortira en kiosques le 31 octobre 2015 70 PORTRAITS : Sylvie Violan, Eric Vigner, Christophe Rauck 74 PAGES CRITIQUES ABONNEMENT 82 LE GRAIN DE SEL 1 an = 25 € p.81 de Jacques Nerson

www.theatral-magazine.com Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 3 genda Spectacles à ne pas manquer

A Les Voeux du cœur , mise en scène Anne Bourgeois, avec Julie 26-août p.16 Debazac, Davy Sardou... La Bruyère, Paris, 01 48 74 76 99 Kiki de Montparnasse , mise en scène Jean-Jacques Beineix, 29-août p.17 Lucernaire, Paris, 01 42 22 66 87, jusqu’au 18/10 Momo , de Sébastien Thiéry, avec Muriel Robin, François Ber - 1-sept p.18 léand... Théâtre de Paris, 01 48 74 25 37, jusqu’au 3/01 Victor , mise en scène Rachida Brakni, avec Eric Cantona, Gré - 2-sept p.19 gory Gadebois... Théâtre Hébertot, Paris, 01 43 87 23 23 Les Géants de la montagne , mise en scène S. Braunschweig, 2-sept p.20 Colline, Paris, 01 44 62 52 52, du 2/09 au 16/10 Le mensonge , de Florian Zeller, avec Pierre Arditi, Evelyne 4-sept p.22 Bouix, Théâtre Edouard VII, Paris, 01 47 42 59 92 @

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r Les Voisins, de Michel Vinaver, mise en scène Marc Paquien, 4-sept p.23 Théâtre de Poche-Montparnasse, Paris, 01 45 44 50 21 Les Ambitieux de Jean-Pierre About, mise en scène Thomas 8-sept p.24 Le Douarec, Théâtre 14, Paris, 01 45 45 49 77, jsq 24/10 Hyacinthe et Rose , avec François Morel et Antoine Sahler 8-sept p.25 au piano, Théâtre de l’Atelier, Paris, 01 46 06 49 24 Le réformateur , de T. Bernhard, mise en scène André Engel, 8-sept

avec Serge Merlin. L’Oeuvre, Paris, 01 44 53 88 88, jsq 11/10 t

Démons de L. Norén, mise en scène M. di Fonzo Bo, avec R. a r

9-sept p.12 u M

Duris, M. Foïs, G. Ulliel, A. Demoustier, Rond-Point, jsq 11/10

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887 , solo de Robert Lepage. Théâtre de la Ville, Paris, a

9-sept m

01 42 74 22 77, jusqu’au 17/09 m

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La dame blanche , de S. Azzopardi et S.Danino, avec Arthur @ 10-sept p.26 Jugnot,Théâtre du Palais-Royal, Paris, 01 42 97 40 00 Le Roi Lear , mise en scène de Jean-Luc Revol, avec Michel Au - 11-sept p.27 mont... Théâtre de la Madeleine, Paris, 01 42 65 07 09 Le Bizarre incident... , mise en scène Philippe Adrien. Théâtre 11-sept p.28 de la Tempête, Vincennes, 01 43 28 36 36, jusqu’au 18/10 Hypersensible Axelle laffont , mise en scène Charles Templon, 15-sept p.29 Théâtre du Petit Saint-Martin, 01 42 08 00 32 Irma la douce , mise en scène N. Briançon, avec Lorànt Deutsch, 15-sept p.30 Marie-Julie Baup... Porte St-Martin, Paris, 01 42 08 00 32 Comme une pierre qui.. ., mise en scène Marie Rémond et S. 15-sept p.31 Pouderoux, Comédie-française, 01 44 58 98 58, jsq 25/10 Avanti ! mise en scène S. Suissa, avec Ingrid Chauvin, Francis 17-sept p.32 Huster... Bouffes Parisiens, Paris, 01 42 96 92 42, jsq 03/01

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Life in Progress , de et par Sylvie Guillem. Théâtre des g

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17-sept a

M Champs-Elysées, Paris, 01 49 52 50 00. Jusqu’au 20/09

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E De l’autre côté de la route , mise en scène de Didier Caron, 17-sept @ avec Maaïke Jansen. Théâtre Michel, Paris, 01 42 65 35 02 Ne me regardez pas comme ça, avec Sylvie Vartan et Isa - 18-sept belle Mergault. Théâtre des Variétés, Paris, 01 42 33 11 41 Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes, Charle - 18-sept p.56 ville-Mézières, 03 24 59 94 94, du 18 au 27/09

4 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 S e p t . - O c t .

Père, de Strindberg, mise en scène Arnaud Desplechin 19-sept p.33 Comédie-Française, Paris, 0825 10 16 80, à partir du 19/09 Les Exposés de Grand magasin, les 19/09, 19/02, 12/03, 19-sept p.34 2/04, 9/04, Théâtre des Amandiers, Nanterre, 01 46 14 70 70 Les Sonnets de Shakespeare, avec Norah Krief au chant, 21-sept p.35

Théâtre de la Bastille, Paris, 01 43 57 42 14, jsq. 9/10 z

t Moins deux, mise en scène Samuel Benchetrit,

o 22-sept p.36 o

V avec Guy Bedos... Théâtre Hébertot, Paris, 01 43 87 23 23

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o Ne me touchez pas, mise en scène d’Anne Théron, avec

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i 22-sept p.37 r

h Laurent Sauvage... TNS, Strasbourg, jsq 9/10 et tournée

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@ Représailles, mise en scène A. Bourgeois, avec Michel Sardou, 22-sept p.38 Marie-Anne Chazel, La Michodière, Paris, 01 47 42 95 22 Le poisson belge, de Léonore Confino, avec Marc Lavoine et 23-sept p.39 Géraldine Martineau. Pépinière Théâtre, Paris, 0142 61 44 16 Un certain Charles Spencer Chaplin, avec Maxime d'Abo- 23-sept p.40 ville, Théâtre Montparnasse, Paris, 01 43 22 77 30 Catherine et Christian, fin de partie, mise en scène Julie Deli- 24-sept p.41 quet, TGP Saint-Denis, 01 48 13 70 00, du 24/09 au 16/10 Fleur de cactus, avec Catherine Frot, ... 25-sept p.42 Théâtre Antoine, Paris, 01 42 08 77 71 20 000 lieues sous les mers, mise en scène C. Hecq et V. Le- 26-sept p.44 sort, Vieux-Colombier, Paris, 01 44 39 87 00, jsq 8/11 Trissotin ou Les Femmes savantes, mise en scène Macha 29-sept p.45 Makeïeff, CDN Orléans du 29/09 au 2/10 et tournée Meursaults, mise en scène Philippe Berling, avec Ahmed Be- 1-oct p.46 naïssa, Théâtre Liberté, Toulon, 04 98 00 56 76, jsq 17/10

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M Journal d'une apparition, d’après Robert Desnos, mise en scène G 2-oct p.47 Gabriel Dufay, Chaillot, Paris, 01 53 65 30 00, jsq 17/10 Richard III, de Shakespeare, mise en scène Thomas Jolly 2-oct p.48 TNB Rennes, du 2 au 14/10, Odéon Paris, du 6/01 au 13/02 Candide Si c’est ça le meilleur de mondes..., d’après Vol- 2-oct p.49 taire, mise en scène de Maëlle Poésy, tournée 2015-2016 L’Avare, de Molière, mise en scène J-LMartinelli, avec Jacques 2-oct Weber. Théâtre Dejazet, Paris, 01 48 87 52 55 jsq 2/01 Big Bang, des frères Bogdanoff, Théâtre du Gymnase, Paris, 5-oct p.50 01 42 46 79 79, à partir du 5/10 les lundis à 19h Lorenzaccio, de Musset, mise en scène Catherine Marnas, avec 7-oct p.51 Vincent Dissez... TNBA, Bordeaux , 05 56 33 36 80, jsq 22/10

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P Vu du pont, d’Arthur Miller, mise en scène Ivo Van Hove, avec r a e 10-oct p.52

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Charles Berling, Odéon, Paris, 01 44 85 40 00, jsq 21/11 u c

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u Zohar ou la carte mémoire, de Laurent Gutmann,

@ G 14-oct p.53

@ Théâtre Paris-Villette, Paris, 01 40 03 72 23, jsq 01/11 Je danse parce que je me méfie des mots, de Kaori Ito 14-oct p.54 Théâtre Saint-Quentin en Yvelines, 01 30 96 99 00, 14-15/10 Home, avec Carole Bouquet, Gérard Desarthe, Pierre 20-oct p.55 Palmade... Théâtre de l’œuvre, Paris, 01 44 53 88 88

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 5 ffiche T êtes d’a

Muriel Robin et François Berléand jouent dans Momo de Sébastien Thiéry au Jean-Jacques Beineix met en scène Kiki de Théâtre de Paris -> p. 18 Montparnasse au Lucernaire -> p. 17

Eric Cantona est dirigé par sa femme Rachida Brakni dans Victor au Théâtre François Morel joue dans Hyacinthe et Pierre Arditi et Evelyne Bouix jouent dans Le Mensonge Hébertot -> p. 19 Rose au Théâtre de l’Atelier -> p. 25 de Florian Zeller au Théâtre Edouard VII -> p. 22

Romain Duris, Marina Foïs, Gaspard Ulliel, Anaïs Demoustier jouent dans Démons Michel Aumont joue Le Roi Lear au au Théâtre du Rond-Point -> p. 12 théâtre de la Madeleine -> p. 27

Lorànt Deutsch joue dans Irma la Ingrid Chauvin et Francis Huster jouent joue dans Retour à Berratham d’Angelin Douce à la Porte Saint-Martin -> p. 30 Avanti ! aux Bouffes Parisiens -> p. 32 Preljocaj en tournée -> p. 78 ffiche êtes d’a Sylvie Guillem fait sa tournée d’Adieu avec Life in progress au théâtre des Champs-Elysées (01 49 52 50 00)

Sylvie Vartan et Isabelle Mergault jouent Arnaud Desplechin met en scène dans Ne me regardez pas comme ça Père à la Comédie-Française -> p. 33 au Théâtre des Variétés (01 42 33 11 41)

Michel Sardou et Marie-Anne Chazel jouent Guy Bedos joue Moins deux au Théâtre dans Représailles au Théâtre de la Marc Lavoine joue dans Le Poisson Belge Hébertot -> p. 36 Michodière -> p. 38 au théâtre de la Pépinière -> p. 39

Jacques Weber joue dans L’Avare de Les frères Bogdanoff parlent du Big Bang au Molière au Théâtre Dejazet théâtre du Gymnase -> p. 50 (01 48 87 52 55)

Carole Bouquet et Pierre Palmade jouent dans Home mis en scène par Luc Bondy reprend sa mise en scène d’ Iva - Gérard Desarthe au Théâ - nov avec Marina Hands à l’Odéon -> p. 80 tre de l’Oeuvre -> p. 55 Actualités

OLIVIER MANTEI en 2010 Au nom du fils d’Alain letdoux. Et à la Comédie-Fran - DIRECTEUR DE L’OPÉRA Cauchy et joué son dernier rôle à çaise, elle jouera dans Les Rus - COMIQUE 92 ans dans Ivanov au théâtre de tres de Carlo Goldoni mis en C’est officiel depuis le 24 juin : la Tempête dirigé par Philippe scène par Jean-Louis Benoit, au Olivier Mantei succède à Jérôme Adrien. Etienne Bierry eu une autre Théâtre du Vieux-Colombier à Deschamps à la direction de vie avant le Poche. Né en 1918, il a partir du 25 novembre. l’Opéra Comique. Une maison fait la guerre, a été prisonnier et qu’il connaît bien puisqu’il en s’est évadé. Un exploit raconté par était déjà le directeur adjoint de - Jacques Antoine dans le roman La LES DAMNÉS DANS LA puis 2009. Egalement co-direc - vache et le prisonnier en 1957 et COUR D’HONNEUR teur des Bouffes du Nord avec dans le film du même nom avec La nouvelle est tombée à la fin du Olivier Poubelle, il quitte ses Fernandel. festival d’Avignon un peu comme fonctions, l’Opéra Comique re - une promesse alléchante : Ivo quérant toute son énergie. En Van Hove ouvrira la 70e édition effet, il commence son mandat du In avec la création des Dam - par la rénovation du bâtiment nés d’après le film mythique de dont l’ampleur exige la ferme - Luchino Visconti sorti en 1969. ture totale pendant dix-huit Pour le billant metteur en scène mois. Une période pendant la - belge, ce sera la deuxième créa - quelle, il va devoir quand même tion en France après Vu du pont entretenir le lien avec le public. d’Arthur Miller qu’il met en scène Pour compenser l’impossibilité à l’Odéon du 10 octobre au 21

de programmer des spectacles, il t novembre. Il montera Les Dam -

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nés avec les comédiens de la Co - prévoit un certain nombre d’évé - @ nements hors les murs… médie-Française. Un projet né à l’initiative du nouvel administra - teur général du Français Eric Ruf, ADIEU À ETIENNE BIERRY REBECCA MARDER Etienne Bierry nous a quittés le 4 POUSSINE DE LA juillet à près de 96 ans. Ce comé - COMÉDIE-FRANÇAISE dien et metteur en scène très actif A tout juste vingt ans, cette était aussi connu pour avoir bril - jeune comédienne devient la lamment créé et dirigé le théâtre plus jeune pensionnaire de la de Poche Montparnasse avec son troupe de la Comédie-Française. épouse Renée Delmas de 1958 à Mais elle a déjà une longue car -

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2011. Ce découvreur de talents (on rièe puisqu’elle tourne depuis e

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lui doit quand même Roland Dubil - l’âge de cinq ans. Au théâtre, elle w

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V lard et François Billetdoux) a signé était dans Entrez et fermez les

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J sa dernière mise en scène à 91 ans portes , de Marie (Raphaëlle) Bil -

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qui souhaitait invi - FLASHCODES Dans ce numéro de THÉÂTRAL MAGAZINE , vous trouverez un certain nombre de flash codes que vous pouvez scanner avec votre smart - ter Ivo Van Hove à travailler avec phone. Ils vous renvoient via internet vers les bandes-annonces des pièces la troupe. Après sa création en dont nous parlons dans le journal et réalisées par la société Visioscène. Avignon, la pièce sera reprise à Ce sont aussi des liens vers les billetteries des spectacles. Paris Salle Richelieu dès septem - bre 2016.

8 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 L’ÉDIT de Gilles COSOTAZ

DU RETARD RODOLPHE DANA AU vention et le refus de reconduire le À L’ALLUMAGE ! THÉÂTRE DE LORIENT directeur Olivier Meyer plus d’un Après vingt ans de bons et loyaux an, celui-ci a jeté l’éponge entraî - e théâtre n'est vraiment pas services, Eric Vigner quitte le nant la fermeture définitive ( ?) du un art où l'actualité se reflète théâtre de Lorient. C’est Ro - lieu. Concernant l’Aquarium à la L sans attendre. Sur nos af - dolphe Dana, le cofondateur du Cartoucherie, on a appris au début fiches, rien qui parle des migrants, collectif les Possédés avec Katja de l’été qu’il serait mis fin au man - rien qui évoque la crise grecque, rien Hunsinger qui lui succèdera le 1er dat de François Rancillac en juin qui reproduise un conseil des minis - janvier prochain. Adepte d’un 2016 au motif qu’il n’aurait pas tres sous François Hollande. Notre théâtre très humain fabriqué en trouvé le bon modèle économique. théâtre a toujours un temps de re - collectif, Rodolphe Dana a pro - Aucune info ne filtre sur l’avenir ré - tard à l'allumage. On relève quand duit ces dernières années avec servé au lieu. Le Vingtième Théâ - même deux exceptions, sur les - ses amis des spectacles qui ont tre est aussi sur la sellette. Ce quelles il faudra avoir un œil : à la marqué les esprits : Merlin ou la théâtre municipal dirigé par Pa - Comédie italienne, Attilio Maggiulli, terre dévastée, Loin d’eux, Bufflet trice Martinet intéresse la mairie qui fut arrêté pour avoir lancé sa voi - Park, Tout mon amour et dernière - qui aimerait le reprendre pour en ture contre les grilles de l'Elysée, s'en ment Platonov avec Emmanuelle faire un lieu dédié au hip-hop. A prend à Le Pen, et sans doute à Hol - Devos. Il retrouve ainsi le Centre suivre. Quant au théâtre de la Cité lande, dans Symphonie barbare ou National Dramatique de Lorient où Internationale, il connaît aussi une Du rififi à Sainte-Anne ; au Soleil, il a débuté dans Marion de Lorme mauvaise passe avec un budget ré - Ariane Mnouchkine accueille le de Victor Hugo en 1998 mis en duit considérablement et un poste feuilleton politique de Yann Reu - scène par… Eric Vigner. de direction vacant depuis le dé - zeau, Chute d'une nation . Mais, par - part de l’ancienne directrice Pas - tout ailleurs, on ne touche pas à cale Henrot. En attendant, la l'actualité brûlante. Les chanson - directrice administrative, Virginie niers sont des gens bien démodés Girard, et le directeur artistique, mais ils vont plus vite que les au - Olivier Bertrand, assurent l’intérim teurs de théâtre. La télévision, quant avec une programmation originale à elle, est imbattable pour le théâtre qui fait la part belle à la jeune et le show politiques. Et puis le sys - création. tème du spectacle vivant français fa - vorise la distance avec l'événement. Le théâtre privé, fonc-

LE THÉÂTRE 9 tionnant sur ses recettes, n'a aucun

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d intérêt à raconter les malheurs du r DU BLANC-MESNIL Voici une bonne nouvelle. On monde. Le théâtre public, program - croyait le Forum du Blanc-Mesnil mant ses spectacles avec de longs THÉÂTRES EN DIFFICULTÉ fermé pour d’obscures raisons poli - délais, n'est presque jamais dans Il y a les théâtres qui ferment pour tiques et économiques. Pas du l'immédiateté. Les uns et les autres travaux comme l’Athénée, l’Opéra- tout. La scène Conventionnée a pourraient quand même faire un ef - Comique, le Théâtre de la Ville, ou seulement fait place à un théâtre fort, tout en sachant qu'Eschyle écri - le théâtre du Châtelet et il y a ceux municipal, le Théâtre 9, qui a ou - vit Les Perses huit ans après la qui ferment pour d’autres raisons. Il vert ses portes en Janvier 2015. A bataille de Salamine et Shakespeare y a d’abord le TOP à Boulogne. sa tête une nouvelle directrice, ses tragédies un siècle après les faits C’est acté depuis quelques mois. Pauline Sulak, qui vient de pré sen - dont il parle. Nous restons aussi peu Après la décision de baisser la sub - ter sa saison 2015-2016. pressés qu'Eschyle et Shakespeare !

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 9 pièces à ne pas manquer 10 saison 2015 - 2016

RICHARD III court . La femme la plus riche de Dans Un Tramway, déjà mis en scène de Shakespeare, mise en scène de France depuis des lustres a tellement par Warlikowski, Isabelle Huppert Thomas Jolly. Création à Rennes au défrayé la chronique ces dernières était saisissante en Blanche Du Bois. Théâtre National de Bretagne, années, son "roman d’amour" avec Alors dans Phèdre, figure de la my - 02 99 31 55 33, du 2 au 14 octobre François-Marie Banier tellement hal - thologie grecque malade d’amour et en tournée. luciné et sa générosité tellement ré - pour son beau-fils, elle devrait nous Thomas Jolly a trente ans. Sa mise volté qu’elle mérite d’être bouleverser. en scène d’ Henry VI de Shakespeare redécouverte. en 18 heures a fait un carton dans FICELLE toute la France. Il est logique qu’il JE SUIS FASSBINDER de James Thierrée. Création à Lyon monte la suite de l’histoire, Richard de Falk Richter, mise en scène de Falk aux Célestins, 04 72 77 40 00, du 24 III , et logique d’aller la voir ! Richter et Stanislas Nordey, avec Em - mai au 5 juin 2016. manuelle Béart, Stanislas Nordey, Depuis son premier spectacle, La DÉMONS Laurent Sauvage. Création à Stras - Symphonie du Hanneton , James de Lars Norén, mise en scène de bourg au TNS, 03 88 24 88 24, du 4 Thierrée a réenchanté l’univers du Marcial Di Fonzo Bo , avec Anaïs au 19 mars. cirque. Depuis il a su intelligemment Demoustier, , Marina La collaboration entre Stanislas se renouveler en mêlant acrobaties, Foïs, Gaspard Ulliel. Création à Paris Nordey et Falk Richter a toujours poésie, danse et théâtre. On aime au Rond-Point, 01 44 95 98 21, du 9 été fructueuse. Après Das System et tout de James Thierrée. septembre au 11 octobre et tournée My secret garden , il faut voir ce Je On pense tout de suite à La guerre suis fassbinder , Falk Richter étant fan 2666 des Rose , tant la vision du couple par de Fassbinder. d’après le roman de Roberto Bolaño, Lars Norén est torturée. Mais quel mise en scène de Julien Gosselin . auteur, quel metteur en scène et OTHELLO Création à Valenciennes au Phénix, quels acteurs ! de William Shakespeare, mise en 03 27 32 32 32, les 18 et 19 juin scène de Luc Bondy, avec Marina 2016. LE MENSONGE Hands, Micha Lescot, Philippe Torre - Son adaptation des Particules élé - de Florian Zeller, mise en scène de ton. Création à Paris aux Ateliers Ber - mentaires était étonnante. Non Bernard Murat, avec Pierre Arditi thier, 01 44 85 40 40, du 28 janvier seulement elle transposait habile - et Evelyne Bouix. Création à Paris au au 23 avril 2016. ment le roman sur scène, mais elle théâtre Edouard VII, 01 47 42 59 Cette tragédie explore les ressorts de montrait le théâtre sous un autre 92, à partir du 4 septembre la jalousie avec une justesse et une jour. On attend donc beaucoup de la Après La vérité, Le mensonge . Flo - puissance des sentiments qui la font prochaine mise en scène adaptée du rian Zeller a écrit les deux pièces toujours résonner sans avoir besoin roman "qui parle de tout" de l’auteur pour Pierre Arditi. La première a eté de l’actualiser. Avec des acteurs pro - chilien Roberto Bolaño . un succès. La deuxième, qu’il joue digieux comme Micha Lescot, Phi - avec sa femme Evelyne Bouix, ré - lippe Torreton et Marina Hands, on LES DAMNÉS serve encore bien des surprises. On se devrait assister à un grand moment d’après le film de Luchino Visconti, régale d’avance. de théâtre. mise en scène d’ Ivo Van Hove , avec la troupe de la Comédie-Française. BETTENCOURT PHÈDRE(S) Création en ouverture du festival BOULEVARD à partir de L’Amour de Phèdre de d’Avignon 2016. ou une histoire de France , de Michel Sarah Kane, les textes d’Euripide, de Ivo Van Hove est sans doute actuel - Vinaver, mise en scène de Christian Sénèque, de J. M. Coetzee, mise en lement le plus grand metteur en Schiaretti. Création à Villeurbanne scène de Krzysztof Warlikowski , scène. Il monte des classiques qu’il au Tnp, 04 78 03 30 00, du 19 no - avec Isabelle Huppert. Création à réactualise dans la forme avec brio. vembre au 19 décembre. Paris à l’Odéon, 01 44 85 40 40, du C’est toujours intelligent, subtil et L’histoire de la vraie Liliane Betten - 17 mars au 13 mai. violent. On n’en sort jamais indemne.

10 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015

U 1 2 T h é â G t r a l m a g ne a z i n e S a e p t e m b r e

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© Nicolas Valois DÉ MONS

émons . Le titre est à la mesure de la crise que vont es - suyer deux couples au cours d’une nuit mémorable. La pièce de Lars Norén est terrifiante. Ses démons sont un homme et une femme qui s’aiment et qui luttent de toutes leurs forces pour entretenir la flamme. A coups de disputes, de bagarres, de per - versions qui alimentent tous les jours leur vision fantasmée de Dl’amour. Parce que chaque crise donne lieu à une renaissance. Mais au prix de dommages collatéraux. Car ceux qui les côtoient n’en sortent pas indemnes. Comme leurs voisins, fraîchement parents, et dont la relation ne va pas résister à la rencontre de ces démons. Gaspard Ulliel joue celui qui y perd toutes ses plumes, Tomas, qui s’était construit une vie de famille modèle et qui va tout re - considérer au regard de cette nuit cauchemardesque. Un rôle complexe pour un jeune acteur qui ne compte qu’une expérience théâtrale il y a trois ans avec Mi - chel Fau mais dont le talent lui a permis à tout juste trente ans d’enchaîner déjà des films cultes : Les égarés, Un long dimanche de fiançailles, Hannibal, ou der - nièrement Saint-Laurent . Il devra tenir tête chaque soir pendant 1h50 à Romain Duris, Marina Foïs et Anaïs Demoustier. Avec Marcial di Fonzo Bo à la mise en scène, la pièce devrait faire date.

Théâtral magazine : Au départ, tant, contrairement à beaucoup sus, des personnages qui ne se ré - vous n’étiez pas prévu dans la dis - d'acteurs de cinéma, je ne suis pas pondent plus vraiment, des phrases tribution de la pièce. Le rôle de passé par là, je n’ai même pas reçu qui perdent un peu de leur sens et Tomas devait être joué par l’ac - de formation classique ; je n’ai eu une arythmie permanente entre les teur allemand Stefan Konarske. jusqu’à présent qu'une expérience uns et les autres. Ça correspond à ce Gaspard Ulliel : J’ai été contacté fin théâtrale. C’était il y a trois ans avec que je cherche au théâtre. Pour moi, juin par Marcial (di Fonzo Bo) pour Michel Fau dans Que faire de Mister le spectateur n'a pas forcément be - reprendre le rôle de Tomas. Marcial Sloane ? de . Et j’ai bien soin de s'identifier au personnage. Il a déjà tourné un téléfilm, com - aimé ça, cette idée de se mettre en faut surtout qu’il y trouve de quoi ré - mandé par Arte adapté de Démons , danger. Ça nous aide à avancer et à fléchir. Comme en plus tous les ac - et maintenant il monte la pièce avec nous découvrir. Et c'est très complé - teurs de la pièce viennent du les mêmes acteurs. Mais Stefan Ko - mentaire du travail que je fais sur les cinéma, je pense que cela donnera narske qui jouait Tomas dans le té - plateaux. C'est une approche tota - peut-être une résonance un peu dif - léfilm, ne pouvait pas aussi jouer lement différente. férente. dans la pièce et il a fallu trouver un Surtout avec ce texte-là. Connaissiez-vous la pièce avant autre acteur. Oui cela commence comme quelque que Marcial ne vous la propose ? Qu'est-ce qui vous a fait accepter chose de très quotidien, qui très vite, Je connaissais d'autres pièces de ce rôle ? dérive. On frôle une tonalité un peu Norén, comme Catégorie 3.1 , mais Le théâtre me plaît. A chaque fois surréaliste, une sorte de vertige, pas celle-ci. C'est un auteur passion - que j'y vais, je suis heureux. Pour - avec une opacité qui prend le des - nant et surtout pour l'acteur. C'est

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une espèce de huis-clos qui pour moi Et en même temps, il y a une quête fil de la pièce, on le voit se trans - raconte beaucoup sur le monde d’absolu. Chez Frank et Katarina, il former, tomber le masque et re - d'aujourd'hui, sur le couple, sur les y a ça ; on a l'impression qu’ils tes - mettre en cause tout son modèle relations avec les autres et sur la dif - tent les limites de leur relation. de vie. ficulté de s'aimer. Aujourd’hui, il y a la peur de l'ennui On suit en direct sa métamorphose, C'est quelque chose qui parle à comme une angoisse permanente. et il n'en sort pas indemne. A la lec - votre génération ? Et une façon de lutter contre, c’est ture, il m’a touché ; j'ai des idées qui C’est surtout qu'aujourd'hui il y a de toujours chercher plus et mieux. me sont venues tout de suite en moins de tabous et les sentiments Et effectivement dans le couple de tête. C'est rassurant en tant qu'ac - s’expriment plus clairement et plus Katarina et Frank, il y a cette idée- teur. Ce ne sont pas des idées que je durement. De sorte que les relations là ; ils invitent leurs voisins, Tomas pourrais énoncer ; c’est de l’ordre de sont de plus en plus complexes pour et Jenna parce qu'ils ne peuvent pas l'imagerie personnelle. Mais selon les nouvelles générations. Ce qui rester seuls. J'ai vu le téléfilm que les rôles l’approche est différente ; il m'effraie, c'est cette image de soi Marcial a fait pour Arte. Ça devient n’y a pas toujours une résonance qu'on galvanise sans arrêt à travers beaucoup plus plausible dans un re - les réseaux sociaux, ou les sites de gistre cinéma ; il y a quelque chose rencontres. Je crois que c’est une des d'un peu moins halluciné que dans grandes dérives des relations hu - la pièce. Je ne sais pas ce qu'il veut Extrait maines parce qu’elle favorise des en faire sur scène mais ce n'est pas rencontres totalement artificielles pour me déplaire si ça reste dans KATARINA. Qu’est-ce qui est merveil - et des relations désincarnées. Et quelque chose d'un peu plus retenu. leux ? c'est en train de devenir la norme Tomas, votre personnage semble FRANK. Une femme avec des seins qui chez les jeunes. au début un peu en retrait mais au coulent, tout ça. Qu’est-ce que t’en dis, Tomas ? TOMAS. Ça prend du temps. FRANK. Quoi ? TOMAS. Pour qu’ils redeviennent beaux. KATARINA. Beaux ?... Qu’est-ce que tu veux dire ? TOMAS. Pour qu’ils redeviennent en état, qu’ils se remettent et que le corps fonctionne comme d’habitude, je ne sais pas comment dire. Maintenant on ne veut plus d’enfant. Il suffit que je me mette au lit pour qu’elle tombe enceinte. Ce n’est pas une pensée désagréable. JENNA. Aïe ! TOMAS, comme un enfant. Qu’est-ce qu’elle fout, bordel ? FRANK veut se lever. Oh merde, il y a un tas d’éclats de verre là-bas. Katarina est devenue folle furieuse. s

i KATARINA. Ta gueule l o g r a M c i

Marina Fois (Katarina) et Romain Duris (Frank) r E ©

14 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 DÉ MONS

Chez Norén, il y a toujours cette version morbide. Ça vire à la danse verrait la coupe latérale comme un macabre à la fin entre les couples grand triangle, qui nous enverrait perversion morbide. mais aussi entre Frank et sa mère vers le haut dans un envol vertigi - Ça vire à la danse défunte dont il balade les cendres neux avant de nous laisser très vite macabre à la fin pendant toute la soirée. retomber dans le gouffre. entre les couples. Au début de l’entretien, vous par - Propos recueillis par liez d’une situation qui devient Hélène Chevrier presque surréaliste. Qu’est-ce que cela devrait apporter aux specta - teurs ? entre soi-même et le personnage J’espère que cela les amènera à ré - qu'on est en train de découvrir. Là, fléchir différemment sur les rela - des images me sont venues en tête, tions humaines. En tout cas, c’est ce je me suis imaginé dans la peau de que je recherche lorsque je vais au ce personnage. C’est quelque chose théâtre. n Démons de Lars Norén, mise en d'assez évident pour moi. Au départ vous vouliez être réali - scène de Marcial di Fonzo Bo Qu’est-ce qui vous a touché chez sateur. avec Romain Duris, Marina Foïs, Tomas ? J’ai commencé ce métier tout à fait Gaspard Ulliel, Anaïs Demoustier Sa fragilité. C’est quelqu’un d’un peu par hasard : j'ai été repéré à 11 ou Théâtre du Rond-Point, 2bis avenue plus trouble que Frank. On sent qu’il 12 ans par une amie de ma mère qui Franklin Roosevelt 75008 Paris, est moins affirmé, moins accompli était agent et très rapidement j'ai 01 44 95 98 21, du 9/09 au 11/10 que lui. Il se cherche énormément. obtenu des petits rôles dans des té - n Le film Démons réalisé par Marcial Sans doute aussi parce qu’il ne vient léfilms. Je tournais pendant les va - di Fonzo Bo avec les mêmes acteurs pas forcément du même milieu et cances scolaires et petit à petit j’y ai sera diffusé sur Arte le 2/10 qu’il en éprouve une sorte de com - pris goût et je savais que j'avais à 22h40 plexe qui l'exclut un peu des autres. envie de travailler sur un plateau de Il travaille toute la journée pour cinéma. L’idée d’être réalisateur est faire vivre sa famille et en oublie venue naturellement parce que j’ai de penser à lui. regardé beaucoup de vieux films. Repères artistiques Oui et puis c'est un couple qui Et vous avez même étudié pour n’existe pas forcément pour les ça… Cinéma bonnes raisons. Il dit lui-même que Après le bac, j'ai fait une fac de ci - leur dernier bébé est un accident. Fi - néma dans cette optique là. Ça m'a 2001 Le Pacte des loups, de Christophe Gans nalement, il subit son quotidien. permis d’apprendre énormément de 2003 Les Égarés, d’André Téchiné Alors que Katarina et Frank ont plus choses en peu de temps. Mais c’était 2004 Un long dimanche de fiançailles, de de place pour se remettre en ques - trop théorique et comme ma car - Jean-Pierre Jeunet (César du meilleur espoir tion, pour vivre et explorer leurs re - rière s’accélérait avec la sortie des masculin) lations différemment. Ils sont à Egarés de Téchiné, j’ai choisi d’être 2007 Hannibal Lecter : Les Origines du Mal, l’opposé les uns des autres dans leur acteur. Cela aurait été idiot de refu - de approche amoureuse. ser toutes ces offres. Aujourd’hui, j’ai 2010 La Princesse de Montpensier, de Sauf que Tomas réalise qu’il en a toujours cette idée à l’esprit. Sur un Bertrand Tavernier assez de cette vie. A un moment, il plateau, j'aime bien prendre en 2014 Saint Laurent, de Bertrand Bonello se lâche et on apprend qu’il fan - compte tous les postes. (Prix Lumière du Meilleur acteur) tasme depuis toujours sur Kata - Si vous deviez faire un dessin qui rina. Ça trahit une insatisfaction... représenterait la pièce, qu'est-ce Théâtre Une perversion aussi. Parce que que ce serait ? chez Norén, il y a toujours cette per - Une sorte de grande spirale, dont on 2012 Que Faire de Mr Sloane ? de Joe Orton

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 15 depuis le 26 LES VOEUX DU COEUR Août La Bruyère - Paris

Julie D ebazac Sur le fil

Double retour en scène de Julie Debazac. Elle crée une nouvelle pièce de Bill C. Davis au La Bruyère et va jouer quelques jours, au Grand Palais, un texte jamais joué du romancier Nicolas Bréal trop tôt disparu, La Légèreté française .

Théâtral magazine : La pièce de Comment travaille- Bill C. Davis reprend la thématique t-on avec Anne

de L'Affrontement sur le retard de Bourgeois ? e r d n

l'Eglise catholique face à la so - C'est un metteur en e g e L

ciété moderne. Quel est votre per - scène très investi, e i n a l ́

sonnage ? avec une grande in - e M

Julie Debazac : Le sujet est celui de telligence des comé - @ l'acceptation ou de la non-accepta - diens. Elle est très tion de l'homosexualité par l'Eglise “cash”. Elle est juste et entière. Elle liaison avec l'exposition Vigée Le catholique. Les deux personnages donne son point de vue au bon mo - Brun au Grand Palais. Chantal Bron - masculins, Tom et Brian, que jouent ment. Elle vous met en confiance et ner nous met en scène, Emmeline Davy Sardou (que j'avais adoré dans l'on s'intègre à son imaginaire dès Bayart dans le rôle de Marie-Antoi - L'Affrontement ) et Julien Allu - les premiers jours. nette, moi dans celui de la portrai - guette, demandent à être reconnus Comment jugeriez-vous votre par - tiste. Nicolas Bréal avait écrit ce par la religion, mais on leur de - cours théâtral d'hier à aujourd'hui ? beau texte où les deux femmes se mande de rester chastes. Je joue Je suis heureuse d'avoir maintenu le parlent pendant une séance de Irène, la sœur de Brian, une pianiste, théâtre dans ma vie. J'ai fait ce mé - pose. une femme qui souffre de la douleur tier grâce au théâtre et pour lui. Je Propos recueillis par éprouvée par son frère et qui tente n'ai jamais lâché la transmission du Gilles Costaz de faire bouger les lignes par son texte et cet art si vivant, sur le fil, sur franc parler. l'instant. J'ai aussi porté la poésie, Pourquoi ce rôle inattendu dans que je défends souvent. J'ai besoin n Les Voeux du cœur, de Bill C. Davis, votre carrière ? de la dynamique du tournage mais adaptation de Dominique Hollier, Le personnage est très mordant, j'aime au théâtre qu'on porte long - mise en scène d'Anne Bourgeois, avec avec une belle liberté de pensée et temps un personnage. La recherche Julie Debazac, Davy Sardou, Bruno d'expression. Il est très agréable à d'un personnage me plaît autant Madinier, Julien Alluguette. jouer, et je rejoins une équipe de ta - que de le jouer. La Bruyère 5 rue La Bruyère 75009 lent, où il y a aussi Bruno Madinier. Vous allez parallèlement incarner, Paris, 01 48 74 76 99 Anne Bourgeois souhaitait travailler pour peu de temps, la femme pein - n La Légèreté française de Nicolas avec moi et je souhaitais travailler tre du XVIIIe siècle, Elisabeth Bréal, Grand Palais, 19 h les 24/09, avec elle. Mais j'ai suivi la voie des Louise Vigée Le Brun. 21/10, 6/01 auditions, et l'on m'a retenue. Ces trois représentations sont en

16 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 depuis le KIKI DE MONTPARNASSE 29 Lucernaire – Paris Août

La femme aux mille portraits

Kiki de Montparnasse , égérie du siècle dernier, connaît un regain de notoriété. La muse de Man Ray et de bien d’autres artistes des années folles inspire la scène théâtrale parisienne. Barbara Schulz a écrit un texte sur Kiki qu’elle rêve de jouer, Hervé Devolder a monté un spectacle sur elle avant l’été, et aujourd’hui c’est au tour du réalisateur de 37,2 , Jean-Jacques Beineix, de se pencher aussi sur le phénomène.

Théâtral magazine : Pourquoi tant sur des gens intéressés par l'immé - d’intérêt subitement pour Kiki ? diateté mais pas beaucoup d'aven - Jean-Jacques Beineix : Elle corres - turiers. Et comme depuis très pond à énormément des critères longtemps j'ai envie de refaire du d'un féminisme positif de notre théâtre, puisque dans les années 70, Jean-Jacques époque : c'est une affranchie. Elle j’étais assistant à la mise en scène, vient de la campagne, elle monte à j'ai choisi de monter ce spectacle. Paris, elle pose pour tous les pein - Est-ce très différent de ce que vous Beineix tres de l’époque et elle devient une faisiez au cinéma ? des reines des années folles des Ça se rejoint dans la mise en scène, Thomas qui en a écrit les chansons. quartiers Montparnasse et Mont - les lumières, le dispositif scénique. Ils ont passé ça à Héloïse qui est martre, les deux endroits où on vit Je suis un peu comme un scaphan - venue me voir avec et j'ai ajouté une ce que Charles Aznavour a appelé la drier dont on a enlevé le scaphan - touche un peu plus personnelle. J'ai Bohême. Elle y rencontre les artistes dre. À part quelques exceptions, je demandé une chanson supplémen - du monde entier qui se retrouvent pense qu'au théâtre il y a plus de taire sur la cocaïne parce cela fait tous dans ce mouchoir de poche, culture qu’au cinéma qui est devenu partie de son identité. Kiki, c'est une surtout les américains. Aux États- beaucoup plus événementiel, tapa - délurée, elle picole et elle se brûle Unis, c’est l’époque du puritanisme, geur. Et justement, j'ai plutôt envie les ailes. Donc, on survole sa vie en de la prohibition. Donc on ne danse d'intériorité, de pauses, d'imagina - 13 chansons et 12 tableaux, dans pas le tango à New-York, mais à tion… un décor un peu japonisant. Paris, on ne se dénude pas à New- Kiki c’est un seul en scène avec Propos recueillis par HC York, mais à Paris… et les grands ar - une comédienne, qui joue, chante tistes du siècle sont à Paris : et danse… Modigliani, Foujita, Hemingway, Héloïse Wagner cumule ces trois n Kiki de Montparnasse, mise en Desnos, Man Ray… compétences. C’est la fille d’une ex- scène de Jean-Jacques Beineix, chan - Pourquoi avoir choisi le théâtre plu - comédienne du Français, Tania Tor - sons Frank Thomas, musique Rein - tôt que le cinéma pour parler d’elle ? rens et du compositeur de musique, hardt Wagner, avec Héloïse Wagner Peut-être que le cinéma n'a plus tel - Reinhardt Wagner… C’est lui qui a Lucernaire, 53 rue Notre-Dame des lement envie de moi en ce moment. créé ce projet, d’après Souvenirs re - Champs 75006 Paris, 01 42 22 66 J'ai proposé plusieurs choses il n'y a trouvés de Kiki de Montparnasse pu - 87, jusqu’au 18/10 pas très longtemps et je suis tombé bliés aux éditions Cortis avec Frank

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 17 à partir du 1er MOMO Sept. Théâtre de Paris

quelque chose de plus émouvant. D’habitude, j'écris pour des hommes. Sébastien Thiéry En écrivant pour une femme, j’ai eu l’impression d’être moins réservé, de En fils de Muriel Robin dire plus de choses de moi. Vous pensez à quels passages de la pièce ? Des passages sur l’amour qu'on peut porter à un enfant, la douleur de ne pas en avoir, la vacuité de la vie. Des choses comme ça. Vous jouez aussi dans la pièce le rôle du prétendu fils. C’est une per - formance : il est sourd et quand il g

r parle, on ne comprend rien… e b s r C'est quelque chose de très person - o F

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t nel puisque mon frère est né sourd. Il t o l r

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@ s’exprime toujours de façon défor - mée. Et même s’il se fait comprendre, Depuis quelques années, Sébastien Thiéry connaît une ascension il y a un temps d'adaptation. Cela fai - fulgurante. Il y a dix ans, il jouait Dieu habite Düsseldorf dans la sait longtemps que j'avais envie de micro salle du sous-sol des Mathurins et aujourd’hui il démarre la sai - mettre en scène le personnage de son dans l’immense salle du théâtre de Paris. Sa recette ? Des pièces mon frère, sa difficulté à s'exprimer, sur le quotidien de bourgeois bien installés dont la vie est boulever - et ça m'a paru évident de le faire là. Depuis quelques années, vous écri - sée par un événement absurde. C’est encore le cas dans Momo où vez à peu près une pièce par an. cette fois Muriel Robin découvre à 60 ans qu’elle est la mère C’est une volonté ? d’un fils qu’elle a toujours rêvé d’avoir, ou presque… Oui, j'essaie de tenir le rythme. Je suis demandé, donc j'en profite parce que Théâtral magazine : Momo , on ne qu'un enfant est le vôtre, si l’amour je ne suis pas sûr que ça dure toute s'attend pas du tout à ce que cela est automatique… ma vie. Pour l'instant, le succès m’em - veut dire. Avez-vous écrit la pièce pour Mu - pêche de me poser des questions et Sébastien Thiéry : C'est fait exprès. riel Robin ? de me remettre en cause. Alors j’y C'est un titre un peu énigmatique qui Je l'ai écrite en pensant à elle mais vais par petites touches. J’essaie un sonne bien parce qu'il est court et sans lui demander son avis. Je me suis peu d’évoluer. Comme dans Momo où n'explique rien. Et en même temps dit que je la verrai bien jouer ça. Et ça il y a un peu plus d’émotion que d’ha - quand on a vu la pièce, il prend toute m'a motivé pour écrire. Quand je lui bitude . sa signification. ai envoyé la pièce, elle ne savait pas Propos recueillis par HC Comment est venue l’idée de la du tout que je l’avais écrite pour elle. pièce ? Mais je ne suis pas tombé trop loin n Momo, de Sébastien Thiéry, mise en Il y a le thème de la mère qui revient puisque finalement le rôle lui plaît scène de Ladislas Chollat, avec Muriel souvent chez moi. Déjà dans L'origine beaucoup. Et puis je me suis servi de Robin, François Berléand, Sébastien du monde , je racontais l’histoire d'un sa nature d'actrice. Au début c’est la Thiéry, Nini Lavallée type qui doit prendre en photo le Muriel Robin qu'on imagine dans un Théâtre de Paris, 15 rue Blanche 75009 sexe de sa mère. Mais c'est aussi un rôle un peu caricatural de femme pas Paris, 01 48 74 25 37, sujet de société sur la filiation, sur la commode, qui envoie tout le monde du 01/09 au 3/01/2016 question de savoir ce qui définit promener. Et après ça bascule dans

18 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 à partir du VICTOR 2 Théâtre Hébertot - Paris Sept.

Rachida Brakni Et ses “acteurs intemporels”...

Henri Bernstein fait partie de ces auteurs du début du XXe siècle un peu oubliés. Leur théâtre est pourtant de grande qualité, et la comédienne metteure en scène Rachida Brakni ne s’est pas fait prier pour mon - ter ce Victor au Théâtre Hébertot. Elle y dirige, entre autres, Caroline Silhol, Grégory Gade - bois, et son mari Eric Cantona.

Théâtral magazine : D’où vous est connu au Conservatoire et qui, pour venue cette idée de monter une moi, fait partie des plus beaux ac - pièce d’Henri Bernstein ? teurs de sa génération, et mettre en Rachida Brakni : C’est une idée de scène me fait une grande joie. notre producteur Jean-Louis Livi, à Quant à Caroline Silhol, nous avions qui Eric Cantona et moi devons tournés ensemble. C’est une actrice notre rencontre. J’ai découvert cet incroyable. Elle est une véritable fi - auteur complexe et sa vie tumul - gure du théâtre de Bernstein avec tueuse. Il était beaucoup joué après- son coté évanescent, son phrasé, sa t

guerre, avant de tomber aux façon de se mouvoir. Avec Grégory o L

oubliettes comme un André Rous - et Eric, ce sont des acteurs de leur @ Caroline Silhol et Eric Cantona sin. La première lecture de la pièce temps, mais qui sont aussi par leur m’a un peu perturbée, mais plus je physique, leur personnalité faits la relisais, plus je trouvais qu’elle pour ce théâtre-là. Ils font penser méthode à laquelle je crois. Actrice, était à multiples tiroirs. Les thèmes aux acteurs d’après-guerre comme j’ai toujours été au service d’un met - abordés, comme l’amitié très virile Jean Gabin, Michel Constantin... Des teur en scène. J’ai beaucoup appris entre hommes ou la figure féminine acteurs intemporels. de Catherine Hiegel ou Coline Ser - et son émancipation, m’ont intéres - Quelle joie trouvez-vous dans la rault par exemple. De vrais direc - sée. C’est une pièce de Boulevard au mise en scène ? teurs d’acteurs, je n’en ai pas sens noble du thème. C’est beau - J’aime la direction d’acteurs. Le plai - rencontrés tant que ça. coup plus complexe que l’amant sir que je tire c’est de pouvoir les di - Propos recueillis par dans le placard ; il y a une psycholo - riger, leur proposer des choses, François Varlin gie incroyable, une comédie très rebondir sur leurs propositions, les subtile. Berstein a une perception emmener. Inconsciemment, il y a de la nature humaine que je trouve peut-être une forme de projection n Victor, de Henri Bernstein, mise en très intéressante. La situation y est pour les accompagner s’il y a une dif - scène Rachida Brakni, avec Caroline Si - beaucoup plus complexe qu’il n’y pa - ficulté, puisque je suis moi-même co - lhol, Eric Cantona, Grégory Gadebois, rait. médienne. De toutes les Serge Biavan et Marion Malenfant. Parlez-moi des comédiens que expériences que j’ai vécues avec les Théâtre Hébertot, 78bis boulevard des vous dirigez… metteurs en scène, j’ai pris le bon Batignolles, 75017 Paris, Travailler avec Eric Cantona, retrou - comme le mauvais, analysé, tiré des 01 43 87 23 23, à partir du 02/09 ver Grégory Gadebois, que j’avais conséquences. J’en ai recueilli ma

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 19 à partir du 2 LES GÉANTS DE LA MONTAGNE Sept. La Colline - Paris

Stéphane Braunschweig Résister face à la menace Après Vêtir ceux qui sont nus et Six personnages en quête d’auteur , Stéphane Braunschweig poursuit son exploration de l’œuvre de Pirandello en mon - tant sa pièce inachevée Les Géants de la montagne .

Théâtral magazine : Les Géants de jeu est de savoir si la poésie im - la montagne , c’est encore une plique un retrait du monde ou si elle pièce de Pirandello sur le théâtre. a encore un rôle à y jouer. La pièce Stéphane Braunschweig : C’est sa s'arrête au moment où on entend la

dernière grande pièce où se mani - cavalcade des géants en train de o

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festent ses vues sur l'art. Il l’a d'ail - descendre de la montagne. Ça m'in - e

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l E dans la brutalité du monde mo - menace. derne. C'est une pièce qui m'a tou - Et comment ? @ jours fasciné et pas seulement parce En continuant à faire du théâtre et pièce qui s’appelle La fable de l’en - qu'elle est restée inachevée. Quand en montrant que nos salles sont fant échangé. C'est clairement une on fait de la mise en scène de théâ - pleines. Ça prouve bien qu’il y a un référence à Mussolini et à la démo - tre, on est en prise quotidienne avec désir de pensée, de culture. Mais ce cratie italienne qui a mis ce mons - la question de l'efficience de l'art n'est pas parce qu'on a foi dans la tre au pouvoir. dans le monde. Or cette question est capacité en l’art à faire bouger les C’est une fable que Pirandello a au centre des Géants de la mon - choses, qu'on ne passe pas par des écrite pour servir de matériau aux tagne et du monde dans lequel on moments de doute et parfois de dés - Géants . Et c’est vrai qu’on peut pen - vit aujourd’hui. espoir. Parce que l’art se construit ser qu’il y a une allusion à Mussolini. La pièce, écrite en 1936, est clai - aussi sur le doute. D’ailleurs, l’opéra tiré de cette pièce rement une critique du régime fa - Comment montez-vous la pièce ? avait été interdit par Mussolini. Il ciste de Mussolini. Normalement elle se joue sur le per - avait des relations compliquées Les géants, ce sont des grands indus - ron d'une villa délabrée au milieu de avec Pirandello qui avait adhéré au triels qui font des travaux tita - la montagne. Sur un plateau de facisme puis s’était désengagé. nesques dans la montagne, ce sont théâtre, ça fait moins rêver que dans Propos recueillis par HC aussi des fascistes. C'est l'histoire un décor naturel. Alors, j'ai plutôt d’un magicien, Cotrone, qui s'isole opté pour un dispositif plus abstrait dans la montagne dans une espèce qui représente la maison complète - de rejet du monde politique, social, ment enfermée dans une boîte en n Les Géants de la montagne, de Pi - économique. Il va recevoir la visite tulle, comme pour la protéger de la randello, mise en scène de Stéphane d'une troupe d'acteurs, dirigés par la brutalité environnante. Encore faut- Braunschweig Comtesse Isle, au bout du rouleau. il savoir si on reste à l'intérieur de la Théâtre de la Colline, 15 rue Malte- C'est la rencontre entre des gens qui maison ou si on en sort (rires). Brun 75020 Paris, 01 44 62 52 52, du ont choisi leur marginalité avec des La troupe d’acteurs que dirige la 2 au 17/09 et du 29/09 au 16/10 gens qui ont été marginalisés. L'en - Comtesse Isle cherche à jouer une

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@ à partir du 4 LE MENSONGE Sept. Théâtre Edouard VII - Paris Pierre Arditi Evelyne Bouix

Evelyne : On y est très bien, valori - sés, protégés, aimés. C’est un cocon pour travailler. Bernard Murat nous a mis en scène ensemble dans Lune de Miel (2004) et Le Mari, la femme et l’amant (1997). Pierre : Bernard et moi nous connaissons depuis 50 ans ! Une collaboration qui est un mélange des hommes que nous sommes, de ce que nous avons fait de nos vies, avec ce que nous avons choisi de t

a créer. Frère de sang, il est mon ami r u M

l le plus ancien et le plus précieux. e u n

a Jouer avec la personne que l’on m

m Leur Mensonge à eux aime sur scène, est-ce difficile ? E

@ Pierre : Les acteurs ont droit à l’im - pudeur. Ils se servent d’une partie Le théâtre Edouard VII est, cette rentrée, le lieu des re - d’eux-mêmes pour la mettre au ser - vice d’un autre. Il faut être capable trouvailles à la scène d’un couple à la ville. Evelyne Bouix d’incarner ce que l’on n’est pas. Il y a et Pierre Arditi jouent la dernière pièce de Florian Zeller, toujours dans ce que l’on n’est pas, Le Mensonge . 11 ans qu’ils n’avaient pas joué ensemble… ce que l’on est ! C’est ça le boulot. Et le public est au rendez-vous ! Est-ce plus difficile si on se connait très bien ? Non, c’est un avantage. Ce qui est plus délicat, c’est d’arriver Théâtral magazine : Quel est votre comme Sébastien Thiéry aussi, re - à se surprendre. C'est excitant regard sur ce texte que Florian Zel - vient à ce que faisaient leurs ainés : quand on y arrive. C’est dans le bon - ler a écrit pour vous ? ils écrivent pour les acteurs. Ce heur d’avoir à surprendre l’autre que Evelyne : Il voulait faire une pièce n’était plus vrai, même au cinéma. la relation peut s’enrichir. Ce n’est ni de couple sur un couple. Il l’a écrite Les grands seconds rôles ont dis - plus dur, ni moins dur. C’est autre - pour nous deux. C’est un de mes plus paru ! Florian Zeller a une palette ment. Une manière de continuer de beaux rôles. Son écriture a l’air très large, il passe de la comédie à des vivre. simple, très naturaliste, mais c’est choses plus graves, mystérieuses. Propos recueillis par très construit. Très difficile à appren - Yasmina Reza a engendré une gé - François Varlin dre aussi, car il y a beaucoup de nération qui, sans la copier, a été in - méandres. Ce sont des rapports de fluencée par son écriture. Une couple merveilleux, diaboliques... La langue à la fois très ciselée, très im - base est une comédie très drôle médiate, mais fantastiquement mais, en même temps, il y a une complexe. Il y a ça chez Zeller. Il est noirceur sous-jacente, le mensonge, un “bébé Reza” ! Ca ressemble à la la manipulation. Plusieurs strates et facilité de la vie, mais c’est plus com - n Le mensonge, de Florian Zeller, mise donc plusieurs pistes de jeu à explo - pliqué. Une langue qui dit le monde en scène Bernard Murat, rer. mais n’explique rien. Un point de avec Pierre Arditi, Evelyne Bouix Pierre : J’avais joué La Vérité , nous vue que l’on laisse aux autres. Théâtre Edouard VII, 10 place jouons Le Mensonge ; Florian Zeller Vous vous retrouvez mis en scène Édouard VII 75009 Paris, décline le concept ! Curieusement par, et dans le théâtre de Bernard 01 47 42 59 92, à partir du 4/09 cette jeune génération d’auteurs, Murat.

22 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 à partir du LES VOISINS 4 Poche-Montparnasse - Paris Sept.

metteur en scène est toujours tenté d’en faire trop, de surenchérir, de Marc Paquien s’imposer lui-même contre le texte, de créer une distance entre la mise Laisser l’écriture surgir en scène et le texte. Je suis très texto-centré dans mon travail, et cette notion de “mise en trop” me Il savait que cela arriverait ! Pour la première fois parle ! J’adore les inventions de mise Marc Paquien monte un texte de Michel Vinaver. en scène, mais lorsque l’on oublie le Les Voisins sont plus qu’une comédie. Un mythe, texte au profit d’un autre imagi - un conte pour notre temps, avec Lionel Abelanski naire, c’est trop ! et Patrick Catalifo qu’il met en scène au Théâtre de Dans ce Théâtre de Poche, de quoi a-t-on besoin pour créer, pour ra - Poche Montparnasse. conter un conte aux enfants ? L’espace sera comme un dessin à main levée des deux maisons. Il n’en faut pas plus pour se mettre à la place de Vinaver et scruter l’humain. On peut le dessiner. Cela oblige à un travail débarrassé de tout ; c’est une somme de travail inouïe ! On peut être tenté de rajouter des choses, mais il faut laisser l’écriture surgir et e

h la comprendre. c i a l l Ce sera donc très simple ? e B

e l Mon souci de mise en scène est d’en o r a C enlever plus, de réduire les gestes, @ les décors, de concentrer au risque d’être un peu austère. Peut-être par Théâtral magazine : Pour quelle vent avec leurs enfants qui s’aiment esprit de résistance contre ce qui se raison Michel Vinaver est-il, selon depuis l’enfance. Un des deux pères fait souvent ! On ne peut se permet - vous, un “auteur déjà classique” ? enterre des lingots d’or dans le jar - tre cela que si on a une confiance to - Marc Paquien : Il ne cesse de nous din et l’on découvre qu’ils ont été tale dans le texte. Quand on en parler de notre histoire. Avec un peu volés. La tempête du monde va en - arrive à ce point-là parce que l’on a de recul, lorsque qu’on le relit, on a trer dans cette maison si protégée, travaillé les fondements, que l’on est l’impression de parcourir l’histoire ils vont être dévastés et se faire la clair sur le texte et que l’on sait l’im - du XXe siècle et de nous lire nous- guerre. L’or est venu les pourrir. Ils pact que cela va avoir sur le public, mêmes. Un miroir. Il regarde l’hu - en réchapperont, découvriront un je trouve cela joyeux ! main à la manière d’un nouveau rapport à la vie… jusqu’à Propos recueillis par entomologiste. C’est un théâtre du ce que de l’or ressurgisse ! C’est une François Varlin quotidien qui parle de la grande his - comédie qui doit nous amuser, une toire, qui regarde le petit pour parler histoire initiatique aussi, magni - du grand. Un théâtre qui scrute, qui fique. Un conte du XXe siècle. n Les Voisins, de Michel Vinaver, mise met en réseau. C’est la première fois Quels sont les écueils à éviter pour en scène Marc Paquien, Théâtre de que j’ai affaire à une langue si éla - mettre en scène ce texte ? Poche-Montparnasse, 75 bd du Mont - borée. Vinaver parle souvent de “mise en parnasse 75006 Paris, Qui sont ces voisins ? trop”, de ces mises en scènes qui 01 45 44 50 21, à partir du 04/09 Ce sont deux pères, voisins, qui vi - viennent raconter un surtexte. Le

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 23 à partir du 8 LES AMBITIEUX Sept. Théâtre 14 - Paris

Thomas Le Douarec L'indépendant

scène. J'ai pu monter la un enfer. Mais toutes les comédies deuxième, et cela fait huit sont ainsi faites. ans que j'essayais de mettre Vous avez fait de nombreux spec - en scène ce texte des Ambi - tacles, du Cid flamenco aux pièces tieux . J'aime quand Jean- d'Obaldia. Vous êtes isolé ou vous

Pierre About est cruel. Et il appartenez à un clan ? s

a l'est dans cette comédie. En Je suis très indépendant. Parfois j'en

t

s a

M gros, c'est Anne qui aime souffre. J'ai abordé beaucoup de do -

e

p p

i Daniel qui aime Bérénice qui maines : le théâtre, le one-man-

l

i

h P aime Philippe qui aime le show, le cirque, la danse... On peut @ pouvoir. C'est une sorte de vous en vouloir d'être éclectique. Je tragédie à l'envers, féroce suis étonné d'être encore là ! comme le monde où l'on vit. Qu'est-ce qui a changé dans votre About est un auteur très approche du métier ? économe de mots. Il va à Quand on commence, on se préci - l'essentiel, on ne peut pas le pite, on vide son sac. Après, on se couper. Il n'y a pas de psy - nourrit des autres. Ce sont deux plai - chologie. C'est à l'acteur de sirs différents. l'amener. Vos projets ? Comment avez-vous réuni Je ne suis pas un véritable auteur, votre distribution ? mais j'aide à la naissance de pièces N'est-il pas un peu boulimique ? J'ai fait beaucoup de lectures du et de spectacles, j'accompagne texte. Emmanuel Dechartre s'est in - beaucoup d'auteurs. Je prépare Acteur, metteur en scène, auteur, téressé au rôle du directeur général. Happy Birthday , sur le développe - chef de compagnie, Thomas Le Je travaille avec lui pour la première ment personnel, avec Florence Ser - Douarec est à tous les échelons du fois, comme avec Gautier About qui van-Schreiber, Audrey Akoun et théâtre. Après le succès de Le Jour est à la fois cinéaste et acteur. Les Isabelle Pailleau, un spectacle sur autres, Nathalie Blanc, Marie Le l'hypnose et la création de ma nou - où je suis devenu chanteuse black Cam, Julien Cafaro, sont tous des co - velle adaptation du Portrait de Do - avec Caroline Devismes, il met en médiens qui ont fait partie de mes rian Gray d'Oscar Wilde. scène une comédie sur le pouvoir. spectacles, à un moment ou à un Propos recueillis par autre. Ce mélange d'acteurs qui me Gilles Costaz sont familiers et de sang neuf prend Théâtral magazine : Vous revenez bien. n Les Ambitieux de Jean-Pierre au théâtre de Jean-Pierre About Quelles sont les difficultés de la About, mise en scène de Thomas Le dont vous avez déjà monté Le Ma - mise en scène ? Douarec, avec Emmanuel Dechartre, nège du pouvoir . Tous les jeux doubles. Les relations Nathalie Blanc. Théâtre 14, 20 ave - Thomas Le Douarec : J'avais adoré amoureuses cachent la frénésie du nue Marc Sangnier 75014, sa première pièce, Transfert , qu'il pouvoir. C'est difficile d'être drôle 01 45 45 49 77, du 8/09 au 24/10 avait confiée à un autre metteur en tout le temps alors qu'on représente

24 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 à partir du HYACINTHE ET ROSE 8 Théâtre de l’Atelier - Paris Sept.

La petite musique de gens. Au départ, je ne pensais pas le jouer beaucoup, mais j’ai adoré ce François Morel qu’il suscitait auprès d’eux et de moi quand je le disais. J’ai eu envie de le reprendre. Dans La fin du monde est pour dimanche , il y avait un peu plus de mise en scène et c’était compli - qué à monter… Je suis comme un o i

h musicien, parfois je joue dans un c e r r

a grand orchestre, d’autres fois j’inter - C

h t prète le Bourgeois gentilhomme , et e b a i l d’autres encore,je suis prof de violon E

@ ou je joue seulement avec un co - pain. Metteur en scène, comédien et chanteur à ses heures, Est-ce que la transposition du livre François Morel s’illustre dans des spectacles personnels et de Martin Jarry à la scène a donné lieu à de grands changements ? poétiques. Dans Hyacinthe et Rose , il est le narrateur Pas tellement. J’ai fait des coupes et d’une histoire touchante construite autour du quotidien gardé le côté un peu “littéraire”. Ça d’un couple marié depuis 45 ans. Lui est , adepte de reste une lecture. J’avais en tête la bicyclette, de pêche à la ligne et de vin rouge. Elle, pré - vision du petit garçon qui fait des phrases accompagné d’Antoine Sah - fère prier Dieu, les mots croisés et le trico. Le chroniqueur ler qui joue plusieurs instruments. Il de France Inter avait étrenné ce joli spectacle lors d’une fait aussi le cousin, le vétérinaire... carte blanche à la Pépinière théâtre en 2013. Il se réjouit N’y a-t-il pas beaucoup de nostal - de rejouer sa “petite musique” à lui. gie et d’humour dans votre specta - cle ? Oui, Antoine Salher m’a dit : il y a un Théâtral magazine : Comment est fleurs pour la sacristie. Hyacinthe côté “Pagnol de l’Orne”. C’est aussi né ce spectacle ? est communiste, aime le vin rouge une évocation de l’enfance, c’est un François Morel : Le peintre Martin et passer du temps avec ses copains. spectacle heureux. J’ai envie de Jarry m’a convié dans son atelier où Ce qui les réunit, c’est l’amour du jar - jouer ma petite musique à moi. Je il avait dessiné des portraits de din et des fleurs. On pense qu’ils se vais d’ailleurs refaire un spectacle de fleurs, il m’a proposé d’écrire des sont aimés, à la fin on en est sûr. chansons de nouveau avec Antoine textes pour les accompagner. J’ai es - Vous-même vous avez passé votre Sahler à partir de janvier prochain à sayé d’inventer un souvenir d’en - jeunesse à la campagne ? la Coursive, à la Rochelle. Je n’en ai fance pour chacune d’elle. L’idée Oui, mais je n’étais pas un campa - pas fini avec La fin du monde est était de raconter une histoire autour gnard, plutôt un petit provincial de pour dimanche parce qu’on me le re - d’un petit garçon qui bat la cam - Basse Normandie, je suis né à Flers, demande. pagne pour se refaire une santé et dans l’Orne. Propos recueillis par un grand-père communiste et une Sur Internet un commentaire dit Nathalie Simon grand-mère catholique. Rose est que ce spectacle est très bien, une grosse dame qui aime les mots mais un peu “trop léger pour les n Hyacinthe et Rose de et avec Fran - croisés, l’eau de mélisse, qui prépare fans” , qu’en pensez-vous ? çois Morel et Antoine Sahler au piano, beaucoup à manger et est inquiète Oui, c’est un spectacle léger, apéritif, Théâtre de l’Atelier 1 place Charles quand les petits-enfants ne font pas qui dure 1h05 et qu’on jouera à 19 Dullin 75018 Paris, 01 46 06 49 24, honneur à ses plats. Elle se rend à la heures. Entre spectacle et lecture, il à partir du 8/09 messe le dimanche et apporte des a la vocation de faire plaisir aux

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 25 à partir du 10 LA DAME BLANCHE Sept. Théâtre du Palais-Royal - Paris

Sacha Danino Qu’est-ce qu’une dame blanche ? Sébastien : Ce n’est pas qu’un des - & Sébastien Azzopardi sert ! C’est une légende que tout le monde rattache à sa région… Une nous foutent la trouille femme qui se tient au bord de la route et provoque des accidents. Nous ne traitons pas de cette légende, mais Il y a eu Le Tour du monde en 80 jours, Mission Florimont, Der - notre histoire nous y ramène. nier coup de ciseaux, On est tous portés sur la question, Coup de Comment cela va-t-il faire peur ? théâtre(s), Sans rancune … La Dame blanche sera leur hui - Sébastien : Un homme tue acciden - tième spectacle écrit ensemble , avec Arthur Jugnot en tête tellement et prend une mauvaise dé - d’affiche au Théâtre du Palais-Royal. cision. Il va être hanté par cet accident. Nous allons intégrer le pu - blic dans la psyché du personnage, faire vivre au public cette même han - tise, cet inconfort. Nous allons jouer à la fois dans la salle et sur scène. Nous ne déversons pas de l’hémoglobine, il n’y a pas une fin à la Scoubidou ! Mais il y aura de la magie, un suspens, des effets visuels forts, du son qui arrivera de partout. L’interactivité sera aussi forte que celle du rire. Le Grand Gui - gnol entre les deux guerres a exploré cela. Si les gens rient d’avoir peur au théâtre, c’est un rire de défense. Nous m t jouons sur les tensions psycholo - @ giques en jouant sur les silences. Sacha : Cela ne fait pas peur comme un manège d’attraction, cela fait Théâtral magazine : Pourquoi que nous voulions écrire un specta - appel à ce que nous avons de plus écrire ensemble ? cle sur la peur et nous attaquer à animal. Comme lorsque l’on est petit Sébastien : Quelque chose se crée une histoire contemporaine. Nous et que l’on raconte une histoire de lorsque nous sommes tous les deux. étions frais sur ce nouveau style, grand méchant loup. C’est excitant, Comment cela arrive ? C’est mysté - après une sorte de saturation sur les plus que des effets à sensations. En rieux, une alchimie. Il y a un plaisir comédies. fait nous travaillons avec nos propres du ping-pong, qui correspond bien à Sacha : C’est une pièce fantastique, peurs. Une soirée originale, unique, l’art oral du théâtre, que l’on ne re - très humaine, ancrée dans le réel. Ce une expérience inédite de frissons. trouve pas lorsque nous écrivons n’est pas un spectacle de zombie, Propos recueillis par seuls. Se voir, se parler, échanger, mais l’histoire d’un homme avec François Varlin cela va bien avec l’oralité du théâtre. toute sa culpabilité, les choix mo - Devoir convaincre l’autre lorsque l’on raux que l’on peut faire dans la vie explore une piste évite de partir qui nous entrainent parfois dans n La Dame blanche, de Sébastien Az - dans des impasses. L’autre est aussi une spirale infernale. Faire peur ne zopardi et Sacha Danino, avec Arthur un censeur, un filet de sécurité. sera pas un prétexte, le but est d’en - Jugnot ... Théâtre du Palais-Royal, 38 La Dame Blanche n’est pas une co - gager les gens dans une histoire rue de Montpensier 75001 Paris, médie. Un genre nouveau ? avec tout ce qu’elle a de passion - 01 42 97 40 00, à partir du 10/09 Sébastien : Cela faisait longtemps nant, de dense, d’haletant.

26 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 à partir du LE ROI LEAR 11 Théâtre de la Madeleine - Paris Sept.

Michel Aumont En pleine folie

Après Le Roi Lear vu par Olivier Py, voilà la vision de Jean-Luc Revol : Lear est un nabab du cinéma qui, en 1929, renonce à son empire et le transmet à ses filles. Le rôle-titre a été confié à l'un de nos plus grands acteurs : Michel Aumont.

Théâtral magazine : Beaucoup l'ampleur de la tâche, peut d'acteurs rêvent de jouer Le Roi m'aider à mesurer la dimension Lear quand ils s'approchent de du personnage. C'est énorme, l'âge du rôle. Est-ce votre cas ? et j'éprouve une certaine peur Michel Aumont : Non. Mais, si face à ce rôle. j'étais resté à la Comédie-Française, Avec Revol sera-t-on très près on aurait fini par me le proposer ! de Shakespeare ou dans une Dans Shakespeare, je préfère Ri - grande liberté par rapport au chard III . Jean-Luc Revol était venu texte ? me voir il y a quelques années, C'est transposé en 1929 mais r

quand je jouais au théâtre de l'Oeu - le texte de Shakespeare conti - d

vre, pour me parler de son projet de nue de parler de 1606 ! Un @ monter la pièce avec moi. On avait décor souple et mobile intro - décidé d'attendre. Entre-temps j'ai duira le monde du cinéma, avec ainsi, amoindri, dans un état bizarre. vu sa mise en scène d' Hamlet , que des extraits de films de Chaplin et Vous êtes sociétaire honoraire du j'ai bien aimée. Nous faisons main - d'autres. Mais ce qui intéresse Revol, Français. On ne vous a jamais pro - tenant Lear , avec une équipe très c'est l'idée de crise, et la chute d'un posé de revenir le temps d'un nou - agréable où je ne connaissais, en ar - homme dans cette crise. veau rôle ? rivant, que Marianne Basler. Comment voyez-vous ce roi Lear ? Honoraire et honorable ! Non, on ne Vous êtes-vous intéressé aux ac - C'est un homme dur, qui le reste m'a jamais proposé de revenir sur la teurs qui ont joué le rôle ? longtemps tout au long de son dé - scène du Français. J'ai pu voir un certain nombre de clin et ne l'est plus quand il est enfin Propos recueillis par DVD : Le Roi Lear avec Paul Scofield vaincu et désarmé. C'est passion - Gilles Costaz dans la mise en scène de Brook, avec nant à jouer. Mais Lear est toujours Michel Piccoli dirigé par André en colère, ce qui n'est pas simple n Le Roi Lear de Shakespeare, adap - Engel, avec Serge Merlin mis en pour un acteur. L'idée de Revol, à tation et mise en scène de Jean-Luc scène par Schiaretti. J'ai regardé à partir de laquelle je travaille, est que Revol, avec Michel Aumont, Marianne la télévision celui qu'a monté Olivier Lear est un homme âgé qui est en Basler, Bruno Abraham-Kremer, Py. Py a beaucoup de talent, mais je train de devenir fou. Il est déjà at - Théâtre de la Madeleine, 19 rue de n'aime pas la nudité, l'obscénité. teint de sénilité quand il décide de Surène 75008 Paris, 01 42 65 07 09, Tout cela n'est pas pour moi une lâcher le pouvoir et de le donner à à partir du 11/09 source d'inspiration mais me montre ses filles. Je le jouerai dès le début

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 27 à partir du 11 LE BIZARRE INCIDENT... Sept. Théâtre de la Tempête - Vincennes

mode épique, du récit. Une per - sonne qui prend en charge le récit, Philippe Adrien ce n’était pas nouveau… Les procé - dures, les couleurs s’accumulent et se répètent depuis que je fais du J’ai pour devoir d’être curieux théâtre – assez longtemps ! J’étais réticent ; cette sorte de chœur me Avec plus de 95 spectacles à son actif, Philipe Adrien est semblait un peu trop fait et pas à re - faire. Or je me suis senti rafraîchi par cartouchier – il dirige un des théâtres de la Cartoucherie de ce texte ; c’est un théâtre drama - Vincennes – depuis 30 ans ! Son best of ? Ivanov, Yvonne prin - tique où les sentiments sont forts cesse de Bourgogne, Roi Lear, Hamlet, Le Dindon … Faire des entre les personnages. D’ordinaire, spectacles aussi beaux avec des moyens humbles, c’est ce qui l’action s’engage, les rapports de force entre les personnages s’accu - fait sa fierté. “On fait, je crois, ce que l’on doit faire. Ça veut dire mulent, se dénouent en une sorte de qu’il faut continuer !”. Cette rentrée, il monte un texte archi crise. Mais la maladie du jeune héros primé et récompensé : Le est comme un filtre à tout ce pathos. Bizarre incident du chien Est-ce une pièce sur l’autisme ? C’est l’histoire d’un jeune garçon pendant la nuit d’après le avec des spécificités marquées. Un roman de Mark Haddon. handicapé qui se révèle avoir des forces inconnues de lui-même pour aller au bout de son enquête. L’au - teur veut que l’on soit dans la tête Théâtral magazine : Vous ouvrez du personnage. L’histoire magni - toujours la saison de votre théâtre fique d’un gosse empêché qui est par votre création ? tellement intelligent qu’il franchit Philippe Adrien : Disons que c’est une tous les obstacles et gagne son pari. tradition. Elle n’est d’ailleurs pas très C’est aussi une pièce sur les rapports avantageuse, mais lance la saison. entre les parents et les enfants, ce C’est moi qui ouvre le bal et je pense garçon étant le type même de l’en - que cela a une fonction. Cela m’em - fant qui pose problème. Une pièce bêterai de laisser ça à tel ou tel ! sur la parentalité. Quelles qualités vous ont séduites Comment rendre cela sur le pla - dans ce nouveau texte ? teau ? J’ai pour devoir d’être curieux. Je ne Nous arrivons dans une époque où suis pas là pour répéter ce que d’au - les scénographies, les décors : c’est tres ont fait. J’essaie que, toujours, fini. Les dramaturges ont pris le pas ; quelque chose de neuf apparaisse ils écrivent des pièces où l’on com - n Le Bizarre incident du chien pendant dans le champ que j’ai à piocher. prend instantanément que la situa - la nuit d’après le roman de Mark Had - Une amie comédienne m’a fait part tion change de lieu, en un mot, un don, mise en scène Philippe Adrien de son intérêt pour cette pièce : l’his - regard. Cette gymnastique est assi - Théâtre de la Tempête - Cartoucherie, toire d’une enquête menée par un milée par le spectateur. Cela permet route du Champ-de-Manœuvre, 75012 enfant autiste sur la mort d’un chien aussi d’entrer dans la complexité retrouvé planté avec une fourche mentale de la personne. Paris, 01 43 28 36 36, e r v

b Propos recueillis par e dans le corps… Un roman pour

du 11/09 au 18/10 f e L jeunes adapté pour la scène sous le François Varlin @

28 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 à partir du HYPERSENSIBLE AXELLE LAFFONT 15 Théâtre du Petit Saint-Martin - Paris Sept.

tous les textes que j’écris. Le spectacle aurait pu aussi s’appeler para - Axelle Laffont noïaque. Etre hypersensible, c’est tout prendre au même niveau, la joie et la Douceur et détermination sont les deux tristesse. J’aime me moquer de moi. sentiments que l’on ressent au contact d’Axelle Laffont. Avez-vous toujours voulu être ac - trice ? La jeune quadragénaire n’est pas du genre à se prendre Non, j’ai d’abord pensé à être footbal - au sérieux. Elle va de nouveau faire parler d’elle : dix leuse pour plaire à mon père (Patrice ans après son premier one-woman-show, La folie du Laffont NDLR). Puis photographe, ma mère était la première assistante spectacle , elle revient avec un nouveau “bébé” baptisé : d’Edouard Molinaro, et enfin actrice Hypersensible Axelle Laffont mis en scène par son com - à l’âge de 23 ans. Le vrai bonheur est plice Charles Templon. L’ex-animatrice s’est offert des d’exercer le métier qui nous plaît et si supers pouvoirs pour séduire le spectateur, partager on peut gagner sa vie avec, c’est en - core mieux. avec lui un spectacle à la fois drôle et grave. Propos recueillis par Nathalie Simon Théâtral magazine : Vous avez les standards anglo-saxons, trois pilotes yeux cernés de noir sur l’affiche, de programmes courts. Je reste rare - vous cachez-vous ? ment à attendre qu’on me propose Axelle Laffont : non, je suis déguisée un projet. A l’époque du premier en superwoman. J’ai un super pou - spectacle, il y avait encore peu de voir, une surefficience mentale qui femmes humoristes. Je sortais de me rend hypersensible. C’est en écri - Canal+ et ai bénéficié de ma noto - vant que j’ai trouvé ce fil conducteur. riété. Là, ce sera plus dur, mais j’ai J’écris comme ça vient, sans réfléchir, déjà tourné en province et les trois des réflexions que je développe sans quarts des gens trouvent que je les aucune barrière. Mon spectacle est fais à la fois rire et réfléchir, qu’il y de un ovni, moitié stand-up, moitié la légèreté et de la profondeur. super pouvoir avec pas mal d’impro - J’adore les rencontrer, être sur scène visation et d’interaction avec le pu - même s’il faut aussi prendre en blic. La base, c’est moi, j’entends tout, compte la solitude. On se retrouve je vois tout. seule le soir avec deux régisseurs. Pourquoi l’avoir interdit aux moins Avec le stress j’ai maigri mais j’aurai de 12 ans ? repris du poids avant de commencer. Je parle de sexe, il y a des mimes J’ai aussi dix ans de plus et j’appré - assez grossiers, des choses outran - hende le spectacle différemment. cières, j’écris comme je parle, mais je Avec des thèmes plus sérieux ne cherche pas à être spécialement peut-être… trash et ne suis pas vulgaire. Dans la Je parle de la douleur de la séparation vie, je suis plutôt calme, quelqu’un de -j’assume cette profondeur-, du deuil positif, pas dans la souffrance. dans l’amour, de l’infidélité, des ré - Hypersensible Axelle Laffont, mise Pourquoi avoir attendu dix ans seaux sociaux, des soirées entre n en scène Charles Templon, Théâtre du é avant de revenir ? hommes, de celles entre filles. Je me h t a Petit Saint-Martin, 17 rue René Bou - P -

J’ai fait plein d’autres choses, un transforme en homme, je m’adresse à e r i

a langer, 75010 Paris, du 15/09 à fin l C

bébé, un scénario, une bande dessi - toutes les générations. Oui, il y a un

@ décembre, 01 42 08 00 32 née, un album où je revisitais les côté catharsis, mais cela vaut pour

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 29 à partir du 15 IRMA LA DOUCE Sept. Théâtre de la Porte St-Martin Paris

Lorànt Deutsch Marie-Julie Baup r r d d

Enchantés ! @ @

pas, l’un et l’autre, des chan - On avait un peu oublié l’œuvre. La der - teurs… nière version d’ Irma la douce datait d’il y a quinze ans à Lorànt : Chanter c’est une thérapie. Chaillot. Et voici que ses affiches ont refleuri dans La projection de soi vers l’autre. C’est Paris. Un projet d’ampleur, avec une vingtaine d’ar - très intime ; on chante sous sa tistes sur scène, comme le Théâtre de la Porte Saint- douche, quand on est tout seul car c’est le reflet de l’âme, les pulsations Martin sait les faire. Avec Lorànt Deutsch et du cœur. Ce n’est pas évident de Marie-Julie Baup en tête de projet. chanter pour les autres, or chanter s’adresse à l’autre, c’est destiné à Théâtral magazine : Est-ce une les films de Gabin et d’Audiard où être reçu. Pour un acteur c’est une vraie comédie musicale à la fran - l’on finit par aimer les truands. Ils autre chose. Ce qui va l’emporter, çaise ? sont attachants. c’est l’incarnation et l’émotion au- Marie-Julie : Oui, elle a même été Marie Julie, vous êtes le rôle-titre. delà de la technique. reprise par les américains pour le C’est un poids sur vos épaules ? Marie-Julie : Chanter, c’est ce qui théâtre et pour le cinéma ! Le côté Lorànt : Je le lui rappelle tous les touche le plus à la pudeur. Se mettre musical est excitant et très nouveau. jours, je lui dis : “La pièce ne tient pas à chanter est vertigineux ! Je ne me J’avais fait une comédie musicale sur moi : il faut que tu assures !” considère pas comme une chan - avec Jérôme Savary et Michel Gala - (rires). Moi je suis décontracté ! teuse, mais Nicolas Briançon a bru pour la télévision, Tartarin de Marie-Julie : C’est la première fois choisi de monter ce spectacle avec Tarascon, et j’avais adoré l’expé - que je suis le rôle-titre dans un aussi des acteurs qui chantent. Pas avec rience. joli théâtre avec autant de places. des chanteurs, sauf Andy Cocq et Ni - Lorànt : La pièce est géniale, jouée Ça met la pression ! Ça nous évoque cole Croisille qui, eux, en sont de dans le monde entier. Comme aussi Colette Renard, qui l’a créé et vrais ! toutes les choses géniales, ça ne dis - magnifiquement chanté. Propos recueillis par paraît jamais, cela vient à bout des Lorànt : L’histoire d’ Irma la douce est François Varlin époques, des modes, des épiphéno - incroyable. D’une beauté, d’une drô - mènes. C’est un imaginaire parisien lerie, d’une poésie… Cela va au-delà qui me parle bien ; le Paris de la fin du boulevard, c’est beaucoup plus n Irma la douce, une comédie musicale des années 50, assez béni. On a romanesque. On connaît tous le d’Alexandre Breffort, mise en scène Ni - quitté l’enfer de la guerre et de titre, mais on ne sait pas très bien de colas Briançon, avec Lorant Deutsch, l’épuration et le pays se redresse, quoi ça parle. Le titre fait partie du Marie-Julie Baup, Nicole Croisille… tout devient enchanté. On va de patrimoine de la culture parisienne. Théâtre de la Porte St-Martin, 18 bou - bonheur en liberté, de plaisirs en C’est un peu la Fanny de Pagnol… à levard Saint-Martin 75010 Paris, plaisirs. On est à Montmartre, à Pi - Paris ! 01 42 08 00 32, à partir du 15/09 galle, les voyous sont comme dans Chanter… Vous n’êtes pourtant

30 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 à partir du COMME UNE PIERRE QUI... 15 Comédie-Française Studio-Théâtre - Paris Sept.

Vous la mettez en scène avec Sé - bastien Pouderoux qui jouait déjà Marie Rémond dans André et Wanda et est entré depuis au Français. Fan de Bob Dylan Ça lui faisait plaisir de jouer Dylan. C’est assez drôle parce qu’il lui res - semble un peu. Et puis je lui ai de - mandé de cosigner la mise en scène avec moi parce qu’il connaît bien les acteurs de la troupe. Comment avez-vous conçu la scé - nographie ? J’aimerais que les spectateurs aient l’impression d’assister à la séance, d’être dans le studio d’enregistre - ment. Pour cela, il ne faut pas qu’il y ait de vraie rupture entre le plateau r d et la salle. Sur scène il y aura une mo - @ quette couleur orangée qui rappelle Après André Agassi, Barbara Loden, Marie Rémond celle des murs du Studio-Théâtre. Il s’intéresse à une autre légende : Bob Dylan. Plus n’y aura pas d’autre décor que les ins - truments qui prennent beaucoup de particulièrement à l’enregistrement de sa chanson my - place et juste une machine à café et thique Like a Rolling Stone dont la séance a été retrans - un fauteuil pour esquisser le lieu des crite dans le livre de Greil Marcus, Like a Rolling Stone pauses et des confidences. Bob Dylan à la croisée des chemins . Avez-vous choisi des comédiens qui jouent de la musique ? J’ai rassemblé une équipe un peu hé - Théâtral magazine : Est-ce une la séance d'enregistrement. A ce mo - téroclite. Il y a Stéphane Varupenne commande de la Comédie-Fran - ment là, personne n’a conscience que qui est très musicien, Gilles David qui çaise ? cela va devenir un tube mythique : joue le producteur, Christophe Mon - Marie Rémond : Non, il devait y avoir Bob Dylan a écrit un long poème de tenez qui n'est pas du tout musicien un autre projet qui n’a pas pu se faire 20 pages alors qu’il traversait une qui sera Al Kooper celui qui juste - et Éric Ruf, qui avait vu André et crise où il n’arrivait plus à écrire. Ce ment joue de l’orgue sans savoir en Wanda , m'a envoyé un mail un peu sont les 15 prises avec les dialogues jouer ! Et pour les rôles du batteur et comme une bouteille à la mer : "est- des musiciens qui sont retracées. du pianiste, on a pris deux élèves co - ce que tu aurais une idée, une envie ?" Comment expliquez-vous le succès médiens. Or depuis longtemps, j’avais envie de de cette chanson ? Propos recueillis par HC faire quelque chose sur Bob Dylan. Musicalement il y a un mélange com - J'ai été abreuvée dès ma naissance plètement improbable de piano, de sa musique avec un père qui a d'orgue, de guitare, de tambourin. n Comme une pierre qui... de Greil écrit deux bouquins sur lui. Mais j’ai Elle dure six minutes ce qui était une Marcus, mise en scène de Marie Ré - aussi toujours pensé que ce serait première à l'époque : ils ont été obli - mond et Sébastien Pouderoux compliqué d’en faire un biopic. Et en gés de la couper en deux sur les 45 Comédie-Française Studio-Théâtre, 99 relisant le livre de Greil Marcus, je tours ; il fallait retourner le disque rue de Rivoli Carrousel du Louvre suis arrivée à l’épilogue entièrement pour l’écouter en entier. C'est très 75001 Paris, 01 44 58 98 58, consacrée à la chanson Like a Rolling lent et pourtant c’est devenu la chan - du 15/09 au 25/10 Stone avec la retranscription de toute son mythique du rock 'n' roll.

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 31 à partir du 17 AVANTI ! Sept. Bouffes Parisiens - Paris

Ingrid Chauvin Deuxième retour

Vedette de nombreuses séries télévisées, elle est revenue au théâtre l'hiver dernier, après 17 ans d'absence sur scène ! Elle jouait Hi - bernatus sous la direction de Steve

Suissa et c'est toujours sous sa férule

r d

qu' elle interprète Avanti ! avec @ Francis Huster.

Théâtral magazine : Vous vous êtes mais d'abord une pièce de Samuel dans le voyeurisme. Donner l'im - formée, il y a vingt ans, à l'école de Taylor. Que raconte-t-elle ? pression au public que l'on ne joue Robert Cordier, un cours tourné C'est une comédie romantique, un pas. Steve Suissa est un metteur en vers certaines méthodes améri - bijou. Le film de Wilder est très très scène très humain, plein d'une émo - caines ? long. Notre version allège le texte et tion à laquelle toute l'équipe Ingrid Chauvin : Comme j'étais très lui donne un ton plus moderne. Cela s'abandonne. Avec son style très timide, ce fut au départ assez dou - se passe à Rome. Un homme et une moderne, il nous fait faire du cinéma loureux mais le cours était très mo - femme viennent l'un et l'autre pour au théâtre, dans un rapport d'inti - derne et m'a permis de dépasser récupérer le corps d'un être cher ac - mité. Beaucoup de silences, beau - mes peurs et de créer des person - cidenté. Tout se met à avoir des to - coup de regards. Le public doit nous nages. Je n'ai pas suivi d'autres nalités comiques avec des gags très regarder comme à travers le trou cours car j'ai tout de suite plongé italiens. Et ces deux personnes vont d'une serrure. Le public, c'est la ca - dans le grand bain en jouant avec passer de la tragédie au droit au méra. Michel Roux Tromper n'est pas jouer bonheur. C'est également une ini - Propos recueillis par puis Sylvia où je tenais le rôle d'un tiation au désir. Il y a une très Gilles Costaz chien ! Ensuite, j'ai été happée par grande palette d'émotions et de la télévision et je redoutais de reve - couleurs, qui va du rire aux larmes. nir à la scène. L'an dernier, Jean-Luc Mon personnage, c'est un bouton de Reichmann m'a appelée pour le rôle fleur qui s'épanouit. féminin d' Hibernatus . J'ai pensé que Comment joue-t-on avec Francis cela me ferait du bien. En effet. J'ai Huster ? n Avanti ! de Samuel Taylor, adaptation retrouvé le plaisir du théâtre, décou - Je n'aurais jamais imaginé jouer de Dominique Piat, mise en scène de Steve vert les qualités de Steve Suissa et avec lui. Il est d'une bienveillance Suissa, avec Ingrid Chauvin, Francis Hus - créé un nouveau rapport avec le pu - totale, il nous met en avant, sans ter, Thierry Lopez blic, puisque beaucoup de mes spec - ego. Et il est dans l'analyse tout le Bouffes Parisiens 4 rue Monsigny 75002 tateurs venaient au théâtre pour la temps : il analyse le texte, et nous. Paris, 01 42 96 92 42, première fois. Qu'est-ce qui est le plus difficile ? du 17/09 au 03/01 Avanti ! est un film de Billy Wilder Etre dans la vérité absolue, sans être

32 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 à partir du PÈRE 19 Comédie-Française - Paris Sept.

Arnaud s

n Desplechin o i t c u d o r p

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y

h Le grand saut w

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Strindberg n’était pas misogyne. Arnaud Desplechin s’était bien juré de ne jamais tou - Qu’est-ce qui fait qu’ils passent cher au théâtre. Trop sacré pour le réalisateur. Il faut leur temps à se disputer ?

dire qu’il sait de quoi il parle : avant de commencer Ils ne savent pas s’aimer. Laura et

r Adolphe se déchirent mais ils s'ai - d chaque scénario, il se relit Strindberg, Ibsen, O’Neill @ ment encore. Il est en train de som - pour se mettre en inspiration. Voilà pourquoi il a cédé brer dans la folie et à plusieurs à la proposition d’Eric Ruf de mettre en scène les ac - reprises, elle l’essaie de le sauver. Et teurs du Français. si à un moment donné elle le laisse couler, c’est parce qu’elle n’y arrive Théâtral magazine : Comment Eric une pièce qui aurait influencé énor - plus et qu’elle essaie de sauver sa Ruf vous a-t-il convaincu ? mément l'écriture de Bergman et tête. C'est une tragédie parce qu'il Arnaud Desplechin : Il m'a de - cela me semblait intéressant pour n'y a pas de coupable. C'est ça qui mandé ce qui m'intéresserait. J'ai les acteurs. J'en ai parlé à Éric. Ce m'a intéressé. été très touché par sa proposition et n'est pas une création puisque Pa - Comment se passent les répéti - je n'imaginais pas lui dire non . Je ne trice Kerbrat l’avait remarquable - tions ? sais pas pourquoi parce que je ment mis en scène au Français il y a C'est un peu l'inconnu. Mais j’ai bien m’étais toujours promis de ne jamais 24 ans. J’ai eu envie de la redonner fait mon travail de classe. J'ai de - faire une chose pareille. L'histoire du à entendre avec une nouvelle distri - mandé aux acteurs qui jouent le cinéma est jalonnée de gens de bution et j'espère une inscription couple, Anne Kessler et Michel Vuil - théâtre. C’est moins évident dans le plus féministe autour du person - lermoz, de travailler sur deux textes sens inverse. Christophe Honoré, lui, nage de Laura. de Bergman pour essayer de trouver a très bien réussi. Moi je ne sais pas Pourquoi ? la contemporanéité du texte. C'est si je saurais faire le grand saut. Mais On en fait beaucoup une pièce mi - très différent du cinéma. Il faut que Eric Ruf a su me séduire par sa gen - sogyne, Laura serait une manipula - les choses viennent des acteurs. J’ai tillesse, sa manière d’être, son savoir trice… Mais on est à la fin du XIXe l’impression de travailler sur du d'homme de théâtre. Et j’ai cherché siècle et la femme est encore très sable, que chaque jour la mer passe une pièce où il me semblait que je opprimée. Laura n'a pas d'argent, et efface notre travail. Et cela me pourrais apporter quelque chose elle dépend de son mari. Et quand rend profondément heureux. aux acteurs. elle lui dit "notre sort à nous les Propos recueillis par HC Et vous avez choisi Père de Strind - femmes est déjà réglé" , il lui répond berg. "oui mais est-ce que cela nous empê - n Père, de Strindberg, mise en scène Depuis plus de 30 ans, c'est un écri - cherait de vous combattre ?" Il sait d’Arnaud Desplechin vain, avec Ibsen et O'Neill, que je que sa femme est une victime et Comédie-Française, salle Richelieu, relis avant chaque film pour trouver pourtant il la combat. Il est très op - 1 place Colette 75001 Paris, l'inspiration. Et je suis vraiment pressant avec elle. Donc, ce n’est pas 0825 10 16 80, à partir du 19/09 amoureux du texte de Père . C’est une pièce misogyne. D’ailleurs,

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 33 à partir du 19 LES EXPOSÉS DE GRAND MAGASIN Sept. Théâtre des Amandiers - Nanterre

tant de questions illustrées par leur propre histoire : Pascale et François Tout Grand magasin s’étaient jusque là toujours interdit de prononcer le mot travail ... Pour le se - cond rendez-vous, il faudra attendre aux Amandiers cinq mois : en février, on pourra réen - tendre leur toute première confé - Leur style, c’est la conférence . Sur tout et n’importe quoi. rence présentée en 2003, Voyez-vous ce que je vois ? qu’ils avaient donnée Mais surtout sur des sujets improbables. Thèse, antithèse, syn - avec leur complice de l’époque Bet - thèse, nourries d’un bagout intarissable, incontestablement ils tina Atala qui depuis mène une car - excellent dans l’exercice. Bonne nouvelle, Pascale Murtin et rière en solo. "Le sujet est précisément François Hiffler, les deux complices de Grand Magasin distille - décrit par le titre ; ça consiste à se ront leur pensée sur le monde toute l’année aux Amandiers. poser la question de la nature de la perception de l'autre personne. Je vois cette table verte, la voyez-vous de la même couleur ? Et quand bien même vous la voyez verte, éprouvez-vous la même sensation que moi ? " C’est le même principe pour Le sentiment de compréhension , qu’ils présenteront un mois plus tard. Un même principe qui pourrait bien tourner à la routine selon Pascale Murtin, crainte qu’ils

i ont d’ailleurs abordée dans Eloge et

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i défense de la routine. "C’est pourquoi

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t on a décidé d’en faire un cinquième et

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n dernier, actuellement en chantier, qui

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o s’appellera Festival du cinéma sans

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a image ". Celui-ci demandera plus de

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@ scénographie et surtout un écran de cinéma. Pour l’occasion, ils seront ls connaissent Philippe Quesne, quelques allègements quoique la dans la grande salle, au milieu des le nouveau directeur du théâtre forme originale de leurs spectacles spectateurs, micros en main, pour re - I des Amandiers depuis pas mal soit déjà très légère rappelle avec garder et discuter ensemble des ex - de temps. Fan de leur spectacle In - humour François Hiffler : "Ça néces - traits de films étudiés... venter de nouvelles erreurs , il ima - site encore moins de scénographie HC gine une collaboration originale que d'habitude, c’est-à-dire zéro scé - avec eux et au long cours, sous la nographie. Il suffit d'avoir quelques n Les Exposés de Grand magasin forme d’une présentation de leur personnes qui nous écoutent." 19/09 D’orfèvre et de cochon travail en épisodes répartis sur toute Ils commencent par D'orfèvre et de co - 19/02 Voyez-vous ce que je vois ? la saison. "Ce sont des exposés qu’on chon , une commande du théâtre du 12/03 Le sentiment de compréhension a en chantier. Ce ne sont pas des Rond-Point sur leur vision du travail. 2/04 Festival du cinéma sans image commandes" . Cinq exposés sont Un exposé presque philosophique : 9/04 Eloge et défense de la routine ainsi programmés jusqu’en juin peut-on parler de travail quand on Théâtre des Amandiers, 7 avenue 2016 le samedi à 18h avant le spec - prend plaisir à ce qu’on fait ? Les ar - Pablo Picasso 92000 Nanterre, tacle du soir. Une sorte de lever de tistes travaillent-ils ? Le travail doit-il 01 46 14 70 70 rideau. Le format nécessite forcément être rémunérateur ?... Au -

34 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 à partir du LES SONNETS DE SHAKESPEARE 21 Théâtre de la Bastille - Paris Sept.

Norah Krief Chanter Shakespeare Norah Krief aime chanter. On l’a vue dans La tête ail - leurs de François Morel, dans Irrégulière d’après les sonnets de Louise Labbé et encore dans Revue rouge , un récital de chants révolutionnaires dirigé par Eric Lacascade. C’est d’ailleurs lui qui l’avait mise en scène dans Les Sonnets de Shakespeare il y a quinze ans. Un spectacle qu’elle reprend avec Richard Brunel.

Théâtral magazine : Est-ce une re - faisant en sorte qu’ils racontent une prise ou une re-création ? histoire. C'est un peu chronologique, Norah Krief : C'est une re-création. ça raconte son amour et son désir Cela fait assez longtemps que je fous pour un jeune homme dont on voulais reprendre ce concert avec le ne connaît pas le nom, sa crainte trio de musiciens que j'avais et qu’il ait une maîtresse. J’ai gardé ce comme je suis artiste associée à la qui me plaisait comme aussi ce qui Comédie de Valence, j’ai demandé à a trait à la politique et qui résonne Richard Brunel, le directeur, de avec l’actualité d’aujourd’hui. m’apporter un nouveau regard. À la Comment interprétez-vous les son - création, c'était Éric Lacascade. nets ? Quinze ans ont passé. Est-ce que C’est toujours directement adressé cela change beaucoup de choses ? aux spectateurs. Mais j’ai été dirigée Mes interprétations ont changé par des gens comme Sivadier et La - n Les Sonnets de Shakespeare, textes de Shakes - parce que je ne suis plus dans les cascade qui travaillent sur un jeu peare, traduction et adaptation de Pascal Collin, mêmes conditions et le même état très frontal, où la parole est donnée direction artistique de Richard Brunel, avec Norah d'esprit. Les sonnets me parlent dif - aux spectateurs qui sont face à vous

Krief au chant, Philippe Floris, Frédéric Fresson, et z e féremment et j'ai envie de les trans - au moment où vous jouez. Ce qui d Philippe Thibault à la musique n a n r

mettre aussi différemment. Mon correspond à ce que je fais avec le e

Théâtre de la Bastille, 76 rue de la Roquette 75011 F

s i chant a évolué, puisque j'ai travaillé chant. J'ai toujours adoré les inter - u

Paris, 01 43 57 42 14, du 21/09 au 9/10 o L

beaucoup de tonalités. Et mon jeu prètes comme Barbara, qui écrivait n a e J aussi. J’ai quand même joué le fou et sur elle, sur sa vie, la solitude, les @ Cordélia dans Le Roi Lear mis en deuils, les insomnies. Après, j'inter - scène par Jean-François Sivadier. Le prète aussi les choses avec mes cou - Chanter c’est plus fort que de fou m'a apporté une espèce de li - leurs, en fonction de ce que je jouer ? berté qui m'a donné envie de re - ressens. J'ai peur de répondre parce que je prendre les sonnets. Qu’est-ce que Richard Brunel a ne vais plus avoir de rôles (rires). Le spectacle est-il une succession changé dans la scénographie ? C'est un horizon d'interprétations de chansons ou raconte-t-il une C’est un peu théâtralisé par rapport différentes. Le chant, ça procure histoire ? à la version d’Eric Lacascade qui énormément de bonheur. C’est puis - Shakespeare a écrit 854 sonnets. On était plus aride. Mais j’aimais bien sant dans le corps. en a choisi 15 qu’on a agencés en aussi. Propos recueillis par HC

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 35 à partir du 22 MOINS DEUX Sept. Théâtre Hébertot – Paris

ils vont tout faire pour aider une jeune femme sur le point d’accou - Guy Bedos cher à retrouver l’amour. C'est un hymne à la vie. C’est drôle et il y a Faire du drôle avec du triste des choses très touchantes parce qu’ils sont tous les deux à l'heure du bilan. D'une certaine manière, je me Après ses adieux au one-man-show, Guy Bedos revient au retrouve dans certains aspects du théâtre dans une pièce de Samuel Benchetrit : Moins deux. Il personnage de Paul. joue Paul, un homme malade, qui va consacrer ses derniers Par exemple dans son rapport à la jours de vie à secourir une jeune femme en mal d’amour. mort ? Oui, je le raconte dans le livre que je Théâtral magazine : Cela faisait pièce de Samuel Benchetrit ? publie à la rentrée ; je suis depuis longtemps que vous n'aviez pas J'ai beaucoup aimé l’histoire et mon très longtemps entre la vie et la joué de pièce de théâtre... personnage, Paul. J’y ai retrouvé ce mort. J'ai établi une sorte de vaude - Guy Bedos : La dernière, c'était il y qui caractérise ma vie depuis tou - ville avec la mort. J'ai pensé au sui - a six ans, Le voyage de Victor , une jours, faire du drôle avec du triste. cide pour la première fois à l'âge de pièce de mon fils, au théâtre de la Elle a été créée il y a une dizaine 12 ans quand même. Et ça ne m'a ja - Madeleine, avec Macha Méril. Je n’ai d'années par Jean-Louis Trintignant mais totalement quitté dans les pas arrêté depuis, je tourne avec et Roger Dumas. Je reprends le rôle épreuves de ma vie, les séparations mes one-man-shows, j’écris, j’ai un de Trintignant, alors je m'attends à douloureuses… Je suis en train de livre qui sort en septembre. Mais je ce que certains de vos collègues de faire de la psychanalyse ! Mais viens du théâtre. J'ai fait mes études la police culturelle disent qu’il était quand la vie n'est pas toujours très à l'école de la rue Blanche et j’ai meilleur que moi. gentille, l’éventualité de la mort joué Marivaux, Molière, Shakes - Rappelez-nous le sujet de la pièce. peut être un secours. Ce qui veut peare... C’est le même métier. Sauf Deux hommes gravement malades dire que j'aime la vie formidable - que j’ai choisi de le faire en solo. se rencontrent et, alors qu’ils n’ont ment, mais à condition qu'elle res - Qu’est-ce qui vous a plu dans la plus qu’une semaine ou deux à vivre, semble à la vie que j'aime. Et vous vous donnez les moyens pour qu’elle ressemble à la vie dont vous avez rêvé. Voilà. J'aurais tout fait dans ma vie pour ne pas sombrer dans une es - pèce de déception. J'ai bossé pour ça, j’ai choisi l’humour dans mon mé - tier. Et sur le plan personnel, j'ai la chance d'avoir rencontré une femme que j'adore avec laquelle je suis marié depuis 36 ans… Avez-vous d’autres projets ? Oui, je vais jouer dans un film que ma fille est en train d'écrire. J'aurais

n Moins deux, texte et mise en scène de Samuel pour partenaire Catherine Deneuve x Benchetrit, avec Guy Bedos, Philippe Magnan… i

e que j'ai connue toute jeune.

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Théâtre Hébertot, 78 bis boulevard des Batignolles o

R Propos recueillis par HC

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75017 Paris, 01 43 87 23 23, à partir du 22/09 r

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36 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 à partir du NE ME TOUCHEZ PAS 22 En tournée Sept.

Laurent Sauvage Un Valmont contemporain

Laurent Sauvage a inspiré Anne Théron. La romancière et metteure en scène a écrit pour lui un avatar des Liaisons dangereuses dans lequel la marquise de Merteuil retrouve Valmont pour un ultime duel amoureux. z e d n a n Théâtral magazine : Ne me touchez r e F

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pas , peut-on dire que c’est une u o L

suite des Liaisons dangereuses ? n a e J Laurent Sauvage : Anne Théron a @ juste repris du roman les person - nages et l'intrigue entre Valmont et raine... ans et m’a dit qu’elle voulait écrire Merteuil. La pièce raconte le retour C’est l’écriture d’Anne Théron, très pour moi un Valmont, et qu’elle ne le de Valmont chez Merteuil. Ils ne se littéraire et truffée d’exclamations ferait qu’à la condition que je joue. sont pas vus depuis un bout de temps en anglais, comme fuck , et de J’ai trouvé ça super qu’elle veuille et ils essaient de raviver la flamme termes de cinéma "Gros plan sur sa écrire pour moi. Et puis je retrouve entre eux une dernière fois en se ra - gorge, plan large, plongée sugges - dans la pièce Marie-Laure Crochant, contant encore leurs conquêtes réci - tive" . C'est un peu comme si Val - une ancienne élève de l’école du TNB proques. On a à faire à une espèce de mont racontait le scénario qu'il de Rennes ; j'étais jury au concours vieux couple libertin qui se connaît imaginait pour conquérir La Tourvel. d'entrée et j'ai suivi son parcours. très bien et qui se revoit dans l’inti - Et Merteuil intervient dedans pour lui Propos recueillis par HC mité d’une grande salle de bain. dire ce qui est envisageable ou pas. Y a–t-il d’autres personnages ? Anne est très attachée au texte et on Il n'y a que Valmont et Merteuil et a commencé par travailler à la table n Ne me touchez pas, texte et mise en un autre personnage qu’Anne Thé - comme sur une partition. Et ce qui est scène d’Anne Théron, avec Laurent ron appelle La Voix. Mais au cours de un peu nouveau pour moi, c’est Sauvage, Marie-Sohna Condé, Marie- la pièce, Merteuil endosse le rôle de qu’elle est très précise dans ses indi - Laure Crochant la Tourvel que Valmont est en train cations. On a commencé les répéti - 22/09 au 9/10 au Théâtre National de de conquérir. C'est une manière de tions avec les décors, la musique et Strasbourg ressusciter le désir entre eux à tra - les costumes. Et elle va rajouter de la 13 et 14/10 à La Filature de Mulhouse vers l’image d’une autre femme plus vidéo. C’est une façon de travailler un 4 et 5/11 à La Passerelle de Saint-Brieuc jeune. Au moment où la marquise peu cinéma. 9 au 13/11 au TU-Nantes craque pour Valmont, ils décident Qu'est-ce qui vous a donné envie 6/01 à La Halle aux grains à Blois d'arrêter de jouer : "On s'échauffe. On de jouer ce texte ? 12/01 au Gallia Théâtre de Saintes a cru que c'était possible mais vous J’avais rencontré Anne il y a une 15/01 aux Théâtres en Dracénie de n'êtes que Merteuil et je suis Valmont quinzaine d’années au TGP que diri - Draguignan et on est trop vieux pour ça. Cessons geait à l’époque Stanislas Nordey. 19 au 23/01 à la MC2 de Grenoble marquise, fuck je m'échauffe" . Elle était venue faire une création. Et 26 au 29/01 au TNBA de Bordeaux C’est une écriture assez contempo - puis, elle m’a vu à Avignon il y a deux

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 37 à partir du 22 REPRÉSAILLES Sept. Théâtre de la Michodière - Paris

dre, même s’il ne me ressemble pas. Il m’est rarement arrivé de jouer de Marie-Anne Chazel vraies garces antipathiques. J’ai sou - vent campé des bécasses… Je n’irai pas vers un personnage que je ne Après le tournage des Visiteurs 3 comprends pas. et du premier film de Jérôme Commandeur, Ma famille t’adore Vous connaissez bien l’univers déjà, Marie-Anne Chazel retrouve le théâtre avec un plaisir re - d’Eric Assous, en 2012, vous aviez Représailles déjà joué une autre de ses pièces, nouvelé. Dans , la nouvelle pièce d’Eric Assous, l ’ex Le Bonheur avec Sam Karmann. membre de la troupe du Splendid joue Rosalie mariée à Son ton est volontairement très drôle Michel Sardou . Le soir du mariage de leur fille, elle découvre avec en filigrane une patte caustique les infidélités de son époux. et grinçante. Il y a des rebondisse - ments dans Représailles . Vous verrez, elle exactement à son époux ? quand on s’attend à une réconcilia - Avec Michel (Sardou), nous formons tion, on va vers le pire. Quand on s’at - un couple qui a de la bouteille. Nous tend au pire, on va vers une sommes des bourgeois plutôt nantis réconciliation. Son écriture est jubila - pour lesquels la vie est confortable. toire à jouer. Il a une facilité pour in - C’est le jour du mariage de leur fille jecter de la gravité et de la de 25 ans, dans une chambre d’un re - profondeur dans la comédie. lais château que je me rends compte Avant les répétitions en août, vous que mon mari me trompe de façon avez fait des lectures. éhontée. L’impact de cette décou - Je n’ai jamais travaillé avec Anne verte chez l’un et l’autre avec tou - Bourgeois, mais elle connaît bien jours la particularité d’Eric Assous de l’univers d’Eric, elle avait déjà mis en décrire des hommes immatures et scène La femme du Michel Ange , qu’il lâches ne les laissera pas indemnes. avait écrit pour Véronique Boulanger. Rosalie est une femme au foyer, à la Elle sait tirer le meilleur de sa pièce. fois vulnérable et déterminée qui se Eric est ouvert, à l’écoute, sensible aux remet en doute. Elle fait partie de mots qui sont dits. Il est resté avec cette génération de femmes dépen - nous pendant les répétitions. C’est dantes de leur mari qui ont beaucoup rassurant. Il a une langue extrême - fait pour leur famille avec le confort ment précise et tient vraiment à ce r d

@ que cela représente mais aussi de la qu’elle soit restituée. Elle est à la fois solitude quand la situation se dété - composée par du langage parlé et Théâtral magazine : Le titre de la riore . Donner la réplique à Michel, des formulations littéraires élaborées. pièce, Représailles , et au pluriel, en c’est un régal. Il endosse la personna - Sa musicalité est très pensée. dit déjà beaucoup. lité de cet homme assez bourru, ma - Propos recueillis par Marie-Anne Chazel (En riant) : Oui. ladroit, très égoïste. Rosalie va se faire Nathalie Simon Eric Assous continue son étude des un plaisir fou à le découper en petits rapports amoureux dans le couple, il morceaux. Elle a des valeurs qu’il ne n Représailles, une pièce d’Eric Assous, a une imagination et une finesse faut pas transgresser. Une femme tra - mise en scène Anne Bourgeois, avec Mi - d’analyse formidables. Il traite la si - hie peut devenir très féroce. chel Sardou et Marie-Anne Chazel, tuation comme une vraie comédie Avez-vous besoin d’aimer un per - Théâtre de la Michodière, 4 bis rue de la avec des personnages extrêmes, en - sonnage pour l’interpréter ? Michodière 75002 Paris, tiers sur le mariage et la fidélité. Oui, j’ai besoin d’y adhérer, de lui 01 47 42 95 22, à partir du 22/09 Qui est Rosalie et que reproche-t- trouver des qualités, de le compren -

38 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 à partir du LE POISSON BELGE 23 Pépinière Théâtre - Paris Sept. z t o o V

e h p o t s i r h C Marc Lavoine @ Grande figure de la chanson registres différents, touche toujours et du cinéma, romancier, Marc Lavoine n'avait jamais juste. Elle m'aidera à ne pas avoir trop peur. fait le grand saut sur une scène de théâtre. Le voilà Quel est votre moteur, qu'est-ce qui crée la nouvelle pièce de Léonore Confino, Le Pois - qui vous fait faire tant de choses ? son belge : un duo sur l'âge adulte et l'enfance qu'il Ce qui me plaît, c'est le mouvement joue avec Géraldine Martineau. du travail. Répéter, c'est une joie. On avance d'un côté, d'un autre, plus Théâtral magazine : Ce ne sont pas tière humble et ambitieuse. Mais le loin. Cela vous amène à comprendre tout à fait vos débuts au théâtre. théâtre, c'est toujours une rencontre ce que vous n'avez pas compris. De toute façon, vous avez une avec un texte et des personnes. J'ai Avant de commencer, l'on est en grande pratique de la scène. trouvé en Léonore Confino et Cathe - face d'un lac, sans mouvement. Puis Marc Lavoine : Quand j'ai voulu être rine Schaub une gentillesse, une on commence. Le lac frémit, bouge, acteur, à 16 ans je jouais des scènes, confiance qui sont nécessaires pour révèle ses secrets. C'est comme de la des extraits. Le théâtre était et reste aller plus loin, vers la pureté, la musique en live : on trouve des che - pour moi le sommet de la rencontre clarté, l'humanité. Monter cette mins qu'on ne pensait pas connaître. d'un collectif, d'un texte, de la poé - pièce, c'est d'une certaine façon, Dans toutes les disciplines, ce que sie et de la vie. C'est sacré ! Mais une petite chose. On parle peu des j'aime, c'est ne pas arrêter le temps c'est le système du casting qui m'a petites choses. Mais c'est une petite mais le ralentir, le suspendre. Attraper éloigné des aventures collectives. chose essentielle, avec la proximité ce temps qui ne nous sera pas volé. J'ai quand même participé à Caba - entre nous et le public. Propos recueillis par ret quand Savary l'a monté une Ce personnage de Grande Mon - Gilles Costaz deuxième fois à Mogador, avec Dee sieur qui rencontre Petit Fille, vous Dee Bridgewater. ressemble-t-il ? Qu'aimez-vous dans Le Poisson Tous les personnages sont proches n Le Poisson belge, de Léonore belge ? de nous et loin de nous. Il faut avoir Confino, mise en scène de Catherine C'est une pièce sur l'identité, l'ami - la capacité sentimentale, émotion - Schaub, avec Marc Lavoine et Géral - tié, nos chagrins, l'enfance, l'adoles - nelle de se mettre à la place pour at - dine Martineau. cence, les crises de conscience. C'est teindre à la vérité. Dans Petit Fille, Pépinière Théâtre 7 rue Louis le une caisse de résonance sur les ma partenaire, Géraldine Marti - Grand 75002 Paris, aventures qu'on vous impose et neau, est impressionnante de ri - 01 42 61 44 16, à partir du 23/09. celles qu'on choisit. C'est une ma - chesse, elle joue toujours sur des

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 39 à partir du 23 UN CERTAIN CHARLES SPENCER CHAPLIN Sept. Théâtre Montparnasse - Paris

Maxime d’Aboville De Napoléon à Charlot

En moins de trois ans, Maxime d’Aboville s’est fait une place dans le théâtre. Depuis la pièce de Jean d’Ormes - son, La Conversation , il ne cesse d’enchaîner les succès et les éloges jusqu’au Molière du comé - dien cette année pour The Servant. Son talent, son phy - sique lui valent des rôles de personnages illustres. Après Napoléon, il va incarner Charlie Chaplin.

Théâtral magazine : Cela vous a t- son film The immigrant , jugé très cri - était déjà lui-même un homme d'af - il étonné que Daniel Colas vous tique sur la politique des US et mo - faires redoutable. C’était un gamin propose le rôle de Charlie Chaplin ? ralement on estimait aussi qu'il des rues qui voulait réussir peu im - Maxime d’Aboville : Pas vraiment, avait une vie dissolue à cause de sa porte dans quoi. Daniel Colas le puisqu’il avait commencé l’écriture tendance à tomber amoureux de montre tel qu’il était, dur, maniaco- de la pièce pendant qu'on jouait très jeunes femmes. dépressif. C’est un portrait assez Henri IV . Il avait déjà en tête de me Ce qui est remarquable chez Cha - juste. faire jouer dedans mais pas forcé - plin, c’est qu’il était une star du ci - C'est un artiste qui vous fascinait ? ment le rôle principal. L'idée était néma muet et qu’il a su prendre le Pas du tout. Je le connaissais assez d'avoir deux acteurs pour jouer Cha - virage du parlant avec des films mal en fait. Je suis né en 1980, et plin, un jusqu'à 40 ans et l'autre au- cultes comme Les Temps modernes, quand j’étais petit, je regardais sur - delà. C'était en suspens depuis Le dictateur, Les lumières de la ville... tout Laurel et Hardy à la télé. Mais parce que c'est une pièce lourde et Oui et pourtant, il a retardé son pas - maintenant je l’adore. comme j'ai eu le Molière du comé - sage au cinéma parlant parce que Est-ce difficile d’incarner un per - dien cette année, Myriam de Co - ce qui rendait universel son person - sonnage aussi connu ? lombi a pris la pièce dans son nage de Charlot, c'est qu’il s'expri - Non parce qu’on parle surtout de théâtre. Finalement, je joue Chaplin mait uniquement par la pantomime. l’homme et les gens connaissent sur - à tous les âges de sa vie. Au théâtre, Les Temps modernes est encore un tout Charlot. Et puis pour moi, il on peut se permettre beaucoup de film quasiment muet alors qu’il sorti s’agit de jouer mon Charlie Chaplin, libertés. en 1936. celui dont parle Daniel Colas dans La pièce raconte sa vie depuis son La pièce montre qu'il était très sa pièce. arrivée aux Etats-Unis. Diriez-vous conseillé en affaires par son frère Propos recueillis par HC que c’est un biopic ? Sydney. La pièce parle de l’homme, et pas de Ils étaient très liés du fait de leur en - Charlot son personnage, et de son fance misérable. Leur père était rapport passionnel avec les États- mort à cause de l'alcool, leur mère n Un certain Charles Spencer Chaplin, Unis. Comment ils lui ont permis de était folle et séjournait régulière - texte et mise en scène de Daniel Colas, devenir la plus grande star du ment à l'asile. Ensuite, leurs chemins avec Maxime d'Aboville monde et comment ils se sont re - se sont séparés jusqu’à ce que Syd - Théâtre Montparnasse, 31 rue de la Gaîté tournés contre lui, l’ont traqué et ney rejoigne Charlie aux États-Unis 75014 Paris, 01 43 22 77 30 chassé. Ça commence en 1919 avec et gère leurs affaires. Mais Charlie

40 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 à partir du CATHERINE ET CHRISTIAN, FIN DE PARTIE 24 TGP – Saint-Denis Sept.

Après Nous sommes seuls Julie maintenant , dernier volet du triptyque Des années Deliquet 70 à nos jours , Julie Deli - quet avait un sentiment d’inachevé. La saga de la famille qu’elle a in - ventée s’arrêtait au mi - lieu des années 90. Un peu ancien pour cette gé - nération née dans les an - nées 80. D’où la création d’une quatrième pièce Catherine et Christian, fin de partie . Le théâtre et la vraie vie

’idée lui trottait dans la tête noms dans le titre, Catherine et bien cette parenthèse entre la vie et depuis longtemps. C’est Christian. Ils ne seront pas sur scène, la mort. Il y a souvent de meilleures L d’ailleurs pour ça qu’elle a mais ils seront présents dans tout ce ambiances dans les enterrements changé la fin de Nous sommes seuls. qu'on aura écrit" . Autre innovation que dans les mariages. Tout le "Les personnages qui sont soixante- dans la technique de travail, cer - monde fait un effort, on se touche huitards devaient mourir. Mais au taines scènes délicates, en rapport facilement, c’est assez beau. Il y a cours des répétitions, j'ai décidé de avec la maladie ou la mort, ont été beaucoup de retrouvailles qui se font finir le spectacle sur un départ plutôt travaillées non pas en impro mais en dans les enterrements. Quand j'ai que sur un enterrement, ce qui re - visualisant des films comme La proposé le projet, je venais de vivre vient quand même à une mort sym - gueule ouverte de Pialat et Pater un enterrement. J'ai voulu aussi me bolique, celle d'enterrer cette d’Alain Cavalier. "Dans La gueule servir de ça" . De tout ce travail, que génération-là. C’est à ce moment-là ouverte , Maurice Pialat se confronte reste-t-il ? "On n’écrit rien du tout. que j’ai accepté l’idée qu’il faudrait à la mort de sa mère. Il a même été Rien ne sera jamais écrit, le texte peut-être réouvrir un nouveau cycle" . jusqu'à déterrer son cercueil pour n'est même pas fixé. Et on ne garde Sur la même base de travail que tourner le film. Je trouve ça plus sim - aucune trace écrite. Même pas un pour Nous sommes seuls : tout le col - ple de passer par un film plutôt que scénario. Le temps zéro de l'écriture lectif s’est immergé dans l’histoire de de parler tous de la maladie" . Alors c’est le jour de la première". cette famille, puisant dans son back - seulement, la pièce peut commen - HC ground personnel pour nourrir les cer. Après la scène d’enterrement, personnages, improvisant, vivant les survivants vont au restaurant. presque réellement les événements. "C’est un peu comme un refuge. Le n Catherine et Christian, fin de par - La pièce commence par un enterre - restaurant est vide et ils disent dès tie, une création du collectif In Vitro, ment, celui des parents. Julie Deli - qu'ils arrivent qu’ils ne vont pas res - mise en scène de Julie Deliquet quet a engagé deux comédiens issus ter. Et ils restent. Au début on parle TGP, 59 boulevard Jules-Guesde de l’Ecole du Théâtre National de beaucoup du mort et après on en 93207 Saint-Denis Cedex, Strasbourg dans les années 70 pour vient presque à oublier ce pourquoi 01 48 13 70 00, jouer les rôles des parents pendant on était là. La vie a repris le dessus. du 24/09 au 16/10 les répétitions. "J’ai gardé leurs pré - Il y a aussi une perte de temps. J'aime

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 41 à partir du 25 FLEUR DE CACTUS Sept. Théâtre Antoine - Paris

Catherine Frot L'inattendue

Elle passe d' Oh les beaux jours à Fleur de cactus : Catherine Frot aime surprendre. Son arrivée dans le théâtre vaudevillesque de Barillet et Grédy est pilotée par Michel Fau, qui joue son partenaire et assure la mise en scène. Une nouvelle jeunesse pour des auteurs un temps négligés et à présent réhabilités.

Théâtral magazine : C'est une sur - sonnage imaginaire pour satisfaire mencé par la mise en place du décor prise de vous voir dans F leur de la curiosité de sa maîtresse. D'où de son frère Bernard, tout en pers - cactus. une série d'accidents et de quipro - pective, très sixties. Catherine Frot : En fait, j'avais le quos. Passer de Beckett à Barillet-Grédy, texte chez moi depuis huit ou dix Barillet et Grédy, Roussin, dont Mi - c'est le grand écart ! ans. Pierre Mondy me l'avait pro - chel Fau vient de monter très bien J'ai toujours fait des expériences dif - posé. La pièce m'avait passionnée, Un amour qui ne finit pas , ce sont férentes. J'ai commencé avec le mais ça ne s'était pas fait. Nous en des auteurs, avec une vraie profon - Chapeau rouge de Pradinas, puis j'ai avons parlé avec Michel Fau, il y a deur d'écriture. Il y a des époques où travaillé avec Brook. J'ai joué Zeller deux ou trois ans. Michel m'a dit : on les pièces correspondent ou ne cor - pour Fagadau. J'ai joué avec Bondy y va. Et ce qui me plaît d'abord, c'est respondent pas au goût des gens. En et avec Yasmina Reza. Je trouve ma de travailler avec Michel Fau. Il pos - ce moment, les choses sortent enfin place dans l'éclectisme. Un peu sède à la fois une ancienneté et une de leur boîte fermée. Ça fait du bien. comme les comédiens anglais que modernité qui donnent aux textes On arrête avec les tabous. Avec Mi - j'aime beaucoup. J'adore les aven - leur valeur poétique. chel Fau, ce sera un nouveau regard. tures imprévues. J'ai peur de m'ins - Fleur de cactus, ce fut un succès de Comment joue-t-on avec Michel taller. Ce métier, ce n'est pas un Sophie Desmarets, puis un film Fau ? métier. Ce sont des aventures, un américain. Malgré le temps qui Au théâtre, je ne sais pas. On vient voyage. passe, cela reste une bonne pièce ? de commencer les répétitions. Mais Jouer Beckett, c'est une chose à la - C'est un peu une comédie roman - ce fut un très bon partenaire dans le quelle vous teniez beaucoup. tique à l'américaine, comme les film de Giannoli qui vient de sortir, Il y a cinq ans environ, j'avais le pro - Français ne savent pas le faire, d'ha - Marguerite . Il y joue le prof de chant jet de jouer Oh les beaux jours dans bitude. C'est très bien écrit et per - de la cantatrice qui chante faux – une mise en scène de Pierre Cha - met une grande liberté de jeu. Le mon personnage! Je suis contente bert, mais il est mort. Marc Paquien personnage est sensible, avec des de me confronter avec lui, avec son m'a proposé un Pinter qui ne me pointes d'émotion. C'est l'assistante équipe, avec Cyrille Eldin. Michel est plaisait pas. Je lui ai parlé d' Oh les d'un dentiste dans une sorte de dou - quelqu'un qui n'a rien de conven - beaux jours. On l'a fait. Je l'ai repris ble rôle : elle se sacrifie afin de pas - tionnel. Il est actif et précis sur tous au début de cette année à Montréal ser pour la femme du dentiste dont les tableaux. J'ai beaucoup apprécié et à Québec. Là, j'ai eu un public elle est amoureuse, car celui-ci a be - ses mises en scène du Misanthrope joyeux et libéré, avec des soirées au soin de donner une réalité à un per - et de la pièce de Roussin. On a com - bord du miracle. A Paris, l'accueil

42 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 avait été très bon mais, en tournée, en province, la perception était dif - ficile, le public parfois effrayé. Je connaissais un peu Roger Blin, qui fut le premier metteur en scène d' En attendant Godot . Il me conseil - lait dans mes lectures, me faisait lire Beckett, Audiberti. Il venait aux ré - pétitions du Chapeau rouge . J'ai aperçu Beckett aux obsèques de Roger Blin... Pour moi, jouer Oh les beaux jours a été un moment très important. Il y a, dans ma vie, un avant et un après Oh les beaux jours . Je me suis même demandé si j'allais continuer à être actrice. J'ai cherché ce que je pour - rais jouer avec Beckett. J'ai pris des notes pour essayer d'écrire ce que je pourrais raconter, mais je ne suis pas Gamblin ou Dussollier. Je ne sais pas composer. Le cinéma vous a-t-il empêché de faire du théâtre ? Il m'a dévorée ces dix dernières an - nées. Mais j'ai eu de très beaux rôles. Pour le théâtre, je me suis ac - crochée. Et il y a des films très théâ - traux, comme cette Marguerite . Avez-vous envie d'aborder un nou - veau répertoire, plus tard ? Je ne sais pas. Barillet me dit que je pourrais jouer Quarante Carats , que cette pièce m'irait bien. Pour le mo - ment, nous recréons Fleur de cactus . C'est très bien construit. Je com - prends que les Américains aient adapté les textes de Barillet-Grédy et s'y intéressent toujours. Propos recueillis par Gilles Costaz

n Fleur de cactus de Pierre Barillet et Jean-Claude Grédy, mise en scène de Michel Fau, avec Catherine Frot, Mi - chel Fau, Cyrille Eldin. Théâtre Antoine, 14 boulevard de Strasbourg 75010 Paris, 01 42 08 77 71, à partir du 25/09, Théâtre choisi de Barillet-Grédy r d chez Omnibus. @

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 43 à partir du 26 20.000 LIEUES SOUS LES MERS Sept. Théâtre du Vieux-Colombier – Paris

Christian Hecq Valérie Lesort Némo au plateau 20.000 lieues sous les mers joué par des comédiens et des marionnettes à la Comédie-Française , ça ne s’était jamais vu. Si la devise de l’illustre maison est Simul et singulis t

(ensemble et chacun en particulier), ce projet est, de l’aveu n a n r même de Christian Hecq, “plus simul que singulis”. Avec sa e V

a n i l

compagne Valérie Lesort, aux commandes de l’adaptation et la e M

création de ce spectacle, ils s’en expliquent. @

Théâtral magazine : Des marion - sommes rendus compte que le jeu beaucoup. nettes à la Comédie Française, une ne suffisait pas. Nous avions besoin C’est une œuvre dont l’iconogra - surprise ? d’images et de beauté. Il nous fallait phie est dans l’imaginaire collec - Christian : Il y a déjà eu des specta - donc un truchement, un système. tif… cles avec des marionnettes mais pas Comment s’investissent les comé - Valerie : Nous avons essayé de ra - selon le principe du théâtre noir. Le diens de la troupe dans ce projet ? jouter de l’humour, de faire des ma - contrat que nous avions avec Eric Valerie : C’est pour eux un retour à rionnettes très réalistes… A la Ruf était de ne pas engager de ma - la troupe de base : ils doivent ranger manière de Pixar ! Nous avons nipulateurs. Il voulait que nous en - leurs accessoires eux-mêmes, pren - rendu Némo un peu moins parfait, trainions les comédiens français à la dre soin de leur marionnette, ils ram - plus vulnérable. manipulation. pent dans le noir... C’est très créatif Christian : Moi cela continue à me Valerie : Nous avions envie d’ame - pour eux ! Ce qui est surprenant c’est faire rêver cet univers de vieille mé - ner cet univers au théâtre, mélanger que l’on reconnait le jeu des comé - canique qui marche ou pas, cette es - comédiens et marionnettes. Moitié diens lorsqu’ils manipulent ! thétique de boulons à la Gustave jeu, moitié marionnette. Christian : Dans cette maison, il y a Eiffel. Cela fait peur, et avoir peur, Christian : Il fallait garder les lettres des spectacles de danse, des specta - un frisson, c’est agréable ! de noblesse de la Comédie-Fran - cles où l’on fait de la musique – je ne Propos recueillis par çaise. Valérie est comédienne plas - chantais pas avant d’entrer à la Co - Frnaçois Varlin ticienne, elle fabriquait des médie Française, on me l’a appris – marionnettes et des costumes de on touche un peu à tous les arts de monstres marins des abysses. Elle a scène en parallèle. Pourquoi pas à la eu cette idée de 20.000 lieues sous manipulation ? Quand on manipule n 20.000 lieues sous les mers, de les mers et ça a été une fulgurance on est invisible, mais lorsque les ma - Jules Verne, adaptation et mise en pour moi. J’adorais Jules Verne rionnettes font rire, réagir ou pleu - scène de Christian Hecq et Valérie Le - lorsque j’étais jeune, cela m’a fait vi - rer, nous avons exactement le sort, Théâtre du Vieux-Colombier, 21 brer. C’est une œuvre parfaite pour même plaisir que lorsque l’on joue. rue du Vieux-Colombier 75006 Paris, intégrer la marionnette. Nous avons Il y a un contact charnel avec la ma - 01 44 39 87 00, du 26/09 au 8/11 fait l’adaptation du roman et nous rionnette à gaine auquel je tiens

44 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 à partir du TRISSOTIN OU LES FEMMES SAVANTES 29 En tournée Sept. Macha Makeïeff Elle revient d’Avignon avec beaucoup d’images en tête et un élan de bien - veillance. Son exposition sur l’Opéra comique et ses trésors s’est prolongée tout l’été au Centre national du cos - tume de scène, en raison du succès rencontré. Cet automne, son Trissotin ou Les Femmes savantes , créé aux Nuits de Fourvière en juin dernier, t o l l commence une grande tournée de i M

e t s plus de 80 dates. i t p a B - n a e J

Trissotin, ce Tartuffe aux petits pieds ! @

Théâtral magazine : Vous revenez une troupe de comédiens ayant vrai - des centaines d’alexandrins d’un de nouveau à Molière, 18 ans après ment des voix qui s’accordent, un sens côté, je fabrique le lieu où l’on va Les Précieuses ridicules ! de la métrique et un plaisir à dire ce jouer, je propose des costumes et des Macha Makeïeff : Ce qui me touche texte-là. Un très beau matériau poé - accessoires ; une direction d’acteurs dans cette pièce, c’est qu’elle est tique halluciné : parler en alexan - qui évite une forme oppressive. écrite par Molière à la fin de sa vie. drins, c’est un langage de la folie, un Lorsque je tends une pièce de cos - C’est le regard d’un homme fatigué et langage psychique. Ça me plait beau - tume à un acteur, c’est une forme de presque au bout du chemin sur les ef - coup car ça déraille complètement. se parler plus directe et plus en phase forts désespérés d’émancipation chez C’est une maison de fous ! avec cette forme de théâtre. De la di - les femmes et le désarroi des Dans quelle époque placez-vous la rection d’acteur à ma façon. hommes, le contrepoint à toute pièce ? Propos recueillis par Frnaçois Varlin forme d’émancipation féminine. C’est Je construis beaucoup avec les choses un sujet qui traverse la pièce et qu’il qui me hantent. J’ai été très impres - fait entendre. Moi qui aime le théâtre sionnée par la vague d’émancipation n Trissotin ou Les Femmes savantes sans texte, j’ai été extrêmement im - féminine de la fin des années 60 qui CDN Orléans du 29/09 au 2/10 pressionnée par son volume ! J’ai vu a bouleversé les hommes. De tout La Maison de la Culture d’Amiens les 6 et 7/10 la force poétique de ce langage orga - temps, l’infini féminin est terrorisant Théâtre Louis Aragon, Tremblay-en-France le 10/10 nique profondément théâtral. pour les hommes. Ces femmes dans Théâtre National de Nice du 15 au 18/10 Comme si Molière, ne pouvant plus la pièce ont un côté Bouvard et Pécu - La Comédie de Reims CDN du 3 au 6/11 bouger, mettait tout dans la méca - chet très drôle, mais leur revendica - TGP CDN de Saint-Denis du 11 au 29/11 nique de la langue. C’est aussi un des tion est touchante. Molière ne s’en MAC Scène Nationale de Créteil du 2 au 5/12 sujets de la pièce : le beau langage. moque pas du tout, sauf de la forme NTA Nouveau Théâtre d’Angers du 8 au 11/12 Comment avez-vous abordé cette par laquelle elle s’exprime. CDR de Tours du 20 au 29/01 masse d’alexandrins ? Quelle sera votre approche plas - Scène Nationale de Saint-Nazaire du 3 au 5/02 Il a fallu prendre le texte comme une tique de l’œuvre ? Scène Nationale Tarbes Pyrénées les 8 et 9/02 partition d’opéra. Je l’ai mis à plat. J’ai Mes grands maîtres sont souvent des Le Domaine d’O, Montpellier les 12 et 13/02 voulu chanter la musique telle qu’elle mutiques qui font entendre par Le Manège, Maubeuge les 23 et 24/02 était écrite, à la diérèse près. J’ai fait l’image et les sons les plus belles Théâtre Liberté, Toulon du 2 au 4/03 appel à une répétitrice, comme un choses. Le théâtre a une puissance Scène nationale Perpignan les 8 et 9/03 chef de chant à l’opéra, et j’ai choisi poétique à faire voir les choses. Il y a

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 45 à partir du 1er MEUR SAULTS Oct. Théâtre Liberté – Toulon

Le rôle d’Haroun est tenu par un acteur algérien. Philippe Berling C’était très important pour moi que ce soit un acteur algérien qui dise tout ça. Ahmed Benaïssa est très Le roman de Kamel Daoud , Meursault contre-en - connu en Algérie. Mais il a fait sa quête, connaît depuis sa sortie en 2013 un succès internatio - formation théâtrale chez nous et il nal. Traduit en 22 langues, c’est le récit d’un vieil algérien, avait très envie de jouer en France, Haroun, qui redonne une identité à son frère Moussa, tué sur surtout qu’en ce moment il est un une plage par Meursault le personnage de l’Etranger de peu mis au banc dans son pays pour des raisons politiques... Camus. Philippe Berling l’a adapté pour la scène. Créé au festi - Le livre de Kamel Daoud est une val d’Avignon où il n’a pas été bien reçu, ce spectacle qui lui forme de réhabilitation du person - est cher est repris au théâtre Liberté de Toulon qu’il dirige avec nage de Moussa tué par Meursault. son frère Charles. C'est le fait que ce crime soit resté impuni qui fait que le cercle vicieux continue à exister. Le seul moyen Théâtral magazine : La création a d’aller de l’avant, c’est d’en parler, de eu lieu au festival d'Avignon. Com - le reconnaître. C’est la même chose ment s’est-elle passée ? dans le rapport dominant dominé, Philippe Berling : C'était un peu colon colonisé, bourreau victime et tendu comme toutes les premières fils mère. C’est pourquoi j’ai voulu en général et en Avignon d'autant aussi qu’il parle à sa mère comme s’il plus. J’ai hâte que le spectacle lui disait tout ce qu'il avait sur le trouve son rythme au fil des repré - coeur. sentations. La pièce s’appelle Meursaults avec Qu’est-ce qui vous a donné envie un s. Pourquoi ? d’adapter ce roman à la scène ? Je ne voulais pas reprendre le titre Il y a deux ans, on a fait à Toulon du roman ni que ce soit Meursault toute une série de spectacles sur le au singulier en rapport avec ce que cinquantenaire de l'indépendance Daouad a dit : en Algérie il y a 38 de l'Algérie. Et Georges Perpès, le di - millions de Meursault. Parce qu’ils se recteur de la bibliothèque Armand sentent tous étrangers dans un pays Gatti de la Seyne-sur-Mer, qui reçoit qui n'a pas encore son identité. Il y des éditions algériennes, m'a pré - a cette notion de pas savoir où on senté ce texte. J'ai tout de suite eu est exactement, parce qu’on est envie de l'adapter parce que c'est un entre-deux. monologue et que l’écriture est ma - Propos recueillis par HC gnifique. Comment l’avez-vous adapté ? n Meursaults, d’après Meursault, contre- J'ai réduit le roman en choisissant ce enquête de Kamel Daoud, qui me paraissait le plus intéressant adaptation et mise en scène Philippe Ber - à jouer. Et pour ne pas que ce soit un ling, avec Ahmed Benaïssa et la chan - monologue face public, j'ai placé la teuse Anna Andreotti situation dans la cour de la maison Théâtre Liberté, place de la Liberté

L que Haroun et sa mère se sont ap - 83000 Toulon, 04 98 00 56 76, du 1er D R propriés en 1962. Ainsi, il parle à sa au 17/10 @ mère au lieu de parler au public.

46 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 v à partir du e s t a

V JOURNAL D'UNE APPARITION

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i 2 d

a Chaillot - Paris l V Oct. @

un dormeur debout, un rêveur éveillé ligoté par tous les liens du rêve". Une autre interprétation serait de dire qu’il poursuit la même femme. Et d'ailleurs il y a plein de correspon - dances entre Yvonne et Youki à commencer par l’initial de leurs pré - noms, Y. C'est pour ça que j'ai de - mandé à la même comédienne d’interpréter ces deux figures fémi - nines. Comment avez-vous construit le spectacle ? Gabriel Dufay Il y a trois parties : L’Etoile autour d’Yvonne et du Journal d’une appa - rition, La Sirène avec Yuki et la troi - L’amour d’un fantôme sième à partir de 1939 sur les années de Guerre et les camps de Comédien pour Denis Podalydès dans L’homme qui se concentration. Le journal a été le hait, Gabriel Dufay revient à Chaillot avec un projet point de départ. Je l’ai relié au très personnel autour de la poésie de Robert Desnos poème de La mystérieuse et à des billets inédits que j'ai trouvés dans qu’il aime passionnément. Son spectacle est une re - lesquels Yvonne George souffre du constitution de l’amour du poète pour un fantôme à manque de drogue. J'ai découvert partir du Journal d’une apparition , du recueil de aussi des lettres de Robert à Youki poèmes A la mystérieuse et de lettres. où il exprime aussi comme un manque. Il y a un dialogue entre la musique, la comédienne et moi dans Théâtral magazine : Journal d’une du fantôme. une chambre noir et blanc. apparition , c'est un projet que Desnos a aussi eu une véritable Pourquoi une chambre ? vous avez complètement conçu histoire avec la femme du peintre Le mot chambre revient souvent vous-même à partir de l'oeuvre de Foujita. dans l'adaptation que j'ai faite et Robert Desnos. En 1930, Yvonne George meurt et il puis il y a cette idée que Desnos rêve Gabriel Dufay : Cela fait des années rencontre Youki, la femme de Fou - de voyager et pourtant il reste dans que je me passionne pour Desnos. jita, qui va devenir sa compagne et sa chambre durant les 25 années de C'est un auteur que j'ai découvert avec laquelle il va vivre un amour son parcours artistique. Et puis la quand j'étais jeune adolescent par partagé. Il reproduit avec Youki chambre, c’est aussi le lieu des ap - le biais du recueil A la mystérieuse quelque chose qu'il n’a pas vécu paritions, des disparitions, des om - dans lequel il écrit des lettres à une avec Yvonne. bres. mystérieuse absente qui est en fait Parce que Youki lui a permis de Propos recueillis par HC Yvonne George une chanteuse de vivre véritablement l’histoire dont cabaret dont il est amoureux mais il a rêvée avec Yvonne. n Journal d'une apparition, d’après sans retour. J’avais l'idée d’en faire C'est une interprétation complète - Robert Desnos, conception et mise en un spectacle mais je ne savais pas ment juste d'autant qu'il y a ce com - scène de Gbriel Dufay trop comment prendre la chose. Et bat chez Desnos entre le rêve et la Chaillot, 1 place du Trocadéro 75116 puis c’est le Journal d'une appari - réalité "tout est rompu entre le rêve Paris, 01 53 65 30 00, tion , où Desnos retrace les visites et la réalité quoique celle-là soit tout du 2 au 17/10 d'un fantôme, qui m’a donné la piste le temps pénétrée par celui-ci. Je suis

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 47 à partir du 2 RICHARD III Oct. TNB - Rennes Thomas Jolly Rock star du théâtre

Après 18 heures d’ Henry VI plébiscitées par le public et la critique, Thomas Jolly monte la suite avec Richard III. Le jeune metteur en scène qui é i r P

crée l’hystérie autour de Shakespeare a bossé son e e m u a

sujet et fait des révélations sur le fameux mons - l l i u G tre qu’il interprète lui-même. @

Théâtral magazine : Richard III , serait un ange exterminateur. Pour Après il n’est pas question que je c'est pour vous la suite naturelle donner ces clés, je ne démarre pas le cherche à le réhabiliter. D’ailleurs, je de Henry VI ? spectacle au début de Richard III , l'interprète déjà dans Henry VI avec Thomas Jolly : Complètement. mais dans Henry VI. les attributs décrits par Shakes - Toute l'intrigue développée dans Ri - Cela vous importe-t-il de monter ces peare : la jambe plus courte, la bosse chard III démarre dans le dernier pièces précisément en ce moment ? et la main comme un arbuste flétri. quart d' Henri VI . En 2009, je voulais Je pense que j'arrive à mieux com - Mais je compose quand même un monter les trois parties d’ Henry VI et prendre l'époque dans laquelle je vis personnage différent, qui ne serait Richard III. Et j’ai mis Richard de depuis que j'ai découvert ces pièces. pas fait du même métal que les au - côté parce que Henri VI était trop C’est aussi une des rares oeuvres qui tres. Je veux montrer aussi des choses lourd… Mais le désir est revenu très nous montre comment une société qui ne sont pas dans la pièce et que fort en jouant. florissante se délite et fait asseoir j'ai relevées dans sa biographie. C'est vous qui interpréterez Ri - sur le trône un monstre. C'est impor - Comme par exemple ? chard. C'est jouissif de jouer un tel tant précisément en ce moment Sa relation avec Lady Anne. Per - personnage ? parce qu’on vit une période de crises sonne ne comprend cette femme C'est passionnant. D'abord parce qu'il politique, économique mais aussi de qui va épouser l’assassin de son fait parti des grandes figures qu’en bouleversements à d'autres ni - mari. Mais le père d’Anne, Edouard tant qu'acteur on rêve de traverser. Et veaux : Dieu, la technologie, Inter - VIII, était aussi un père de substitu - ensuite parce que Shakespeare laisse net ébranlent les rapports entre les tion pour Richard. De sorte qu’ils ont beaucoup d’interprétations possibles. gens. Mais à l’époque aussi, la so - grandi ensemble et étaient promis Du coup, c'est un personnage un peu ciété subissait des changements l’un à l’autre. Donc, Richard est son galvaudé par le fantasme qu'on s'en technologies avec la mécanisation, meilleur pote d'enfance dont elle fait. Mais il n’est pas si noir et pas si les relais postaux... était amoureuse et effectivement, il sophistiqué que ça. A la fin d’ Henry Allez-vous le jouer bossu comme le a tué son mari, mais auquel elle a VI , on a une nation de jeunes, dont les décrit Shakespeare ? été mariée de force. pères et grands-pères sont morts dans Shakespeare s'inspire des chro - Propos recueillis par HC cette fameuse guerre des Deux- niques historiques qui ont été com - Roses, et qui n’ont connu d’autre mandées par Elizabeth Iere, et où n Richard III, de Shakespeare, mise en chose que le sang et la barbarie. Ils se l'Histoire est un peu réécrite en sa scène de Thomas Jolly retrouvent aux commandes incapa - faveur. Or il semblerait, mais on a TNB, 1 rue Saint-Hélier 35040 Rennes, bles de discernement. Sauf un : Ri - très peu de documents, que Richard 02 99 31 55 33, du 2 au 14/10 chard. C'est parce que les autres sont III avait bien gouverné et d’après Odéon, 01 44 85 40 00, exsangues qu'il arrive à trouver le son squelette récemment découvert du 6/01 au 13/02/2016 chemin du pouvoir et pas parce qu'il à Lester, qu’il n'était ni bossu, ni laid.

48 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 à partir du CANDIDE, SI C’EST ÇA LE MEILLEUR DES MONDES… 2 En tournée Oct.

Créé à Dijon au festival Théâtre en mai en 2014, le Candide de Maëlle Maëlle Poésy Poésy entame cet au - Le monde tel qu’on voudrait qu’il soit tomne une belle tournée. Il faut dire que la jeune tre National de Strasbourg en 2010, ce qui à rapport au pouvoir, au dog - metteuse en scène a après deux premières mises en matisme religieux, à la construction largement revigoré scène, elle s’est mise à chercher un d’une pensée et à la désillusion. Parce l’œuvre de Voltaire. texte qui lui permettrait de travailler que Candide a comme présupposé le plus librement, "c'est-à-dire de passer fait que le mal n'existe pas mais ce par de la chorégraphie à certains mo - n’est pas un personnage niais" . Sur - out le monde connaît Can - ments ou par des scènes à d'autres tout qu’il parle peu sauf pour poser dide pour l’avoir étudié à moments." Ce sera Candide dont elle des questions. "Faire ce spectacle, T l’école. Son nom, son opti - confie l’adaptation au jeune auteur c'était partager le voyage de misme inaltérable, sa philosophie de Kevin Keiss. La réduction du roman quelqu'un et redonner une certaine vie résumée au constat qu’ "il faut à la durée d’un spectacle leur prend forme d'espoir" . La mise en scène y cultiver son jardin" sont inscrits dans des mois de travail. "Au final on contribue. Cinq comédiens jouent l’inconscient collectif. Le roman de donne à voir le monde de la West - tous les personnages du roman et Voltaire offre en plus de son carac - phalie en deux courtes scènes et la changent eux-mêmes les décors tère initiatique de formidables aven - partie sur l'Amérique latine en une dans un ballet virevoltant. "Voir des tures exotiques à lire puisque son chorégraphie. On ne pouvait pas tout gens oeuvrer de façon frénétique à personnage apprend la dureté de la montrer et il a fallu faire des choix" . raconter une histoire, je crois que vie au cours d’un vaste tour du Lesquels ont été guidés par l’univer - c'est touchant et que ça raconte aussi monde qui le mène de sa Westphalie salité du propos, "un voyage initia - quelque chose sur la solidarité. Et imaginaire en Europe, en Amérique tique et le passage de l'enfance à puis, échanger sur ces idées-là, c'est Latine, en Turquie... Comme tout le l'âge adulte. Après on a redécouvert un peu une façon de reproduire le monde, Maëlle Poésy a lu Candide à des thématiques dans le roman très monde tel qu'on voudrait qu'il soit" . l’école. A sa sortie de l’école du Théâ - intéressantes pour nous, comme tout HC

n Candide Si c’est ça le meilleur de mondes..., d’après Voltaire, mise en scène de Maëlle Poésy 2 et 3/10 Théâtre Chelles 6 au 8/10 Comédie de Valence 13/10 Espace Jean Legendre Compiègne 15 au 17/10 Théâtre Romain Rolland à Villejuif 3 et 4/11 Scène Nationale de Quimper 7/11 Scène Watteau à Nogent sur Marne 12 au 21/11 Théâtre Dijon Bourgogne 24/11 Scène du Jura à Dole 27/11 La Faiencerie à Creil 10 au 12/12 Théâtre Sorano à Toulouse 15 et 16/12 Scène Nationale de Sénart t e l

e 18/12 La Piscine à Châtenay Malabry b r A

t 7 au 24/01 Théâtre de la Cité Internationale n e c n

i 28 et 29/01 Théâtre de Privas V

@

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 49 à partir du 5 BIG BANG Oct. Théâtre du Gymnase - Paris

Igor et Grishka Bogdanoff Le Big Bang comme vous ne l’avez jamais vu !

Les frères Bogdanoff ont fait bien des choses ; de théâtre, jamais. Leur rencontre avec le metteur en scène Dominique Coubes a été décisive pour lancer un objet théâtral nou - veau au Théâtre du Gymnase, Big Bang . Une plongée dans une troisième di - mension, la scène .

Théâtral magazine : On ne s’atten - Une aventure hu - dait pas à vous voir sur une scène maine ! Les idéolo - de théâtre ! gies ont refusé la Grishka : C’est vrai. Nous proposons question de l’origine, un Objet Théâtral Non Identifié, un qui évitait de se poser OTNI ! Un point d’intersection entre la question du créa - trois composantes : le fond de notre teur ou d’une créa - traversée de la science qui touche au tion. Big Bang, une composante ludique Grishka : Certains l’ont payé de leur TF1, avons fait des thèses de docto - légère fondée sur des saynètes avec vie dans les régimes totalitaires. En rat sur l’avant Big Bang, un sujet que des happening musicaux et poé - Russie soviétique, l’idée marxiste personne n’avait abordé dans la tiques, enfin une création d’images que la matière est éternelle poussait communauté scientifique. Le fait projetées. Il y a là une aventure pas - à l’élimination des tenants de l’ori - d’avoir été les premiers a fait polé - sionnante à mettre en scène : l’his - gine du monde. Les Allemands mique car nous arrivions de la télé. toire de ces chercheurs qui se sont avaient condamné à mort Ein - Notre contribution à la théorie du trouvés confrontés au grand mystère stein… Si l’univers a une origine, elle Big Bang est très discutée. Tant de l’origine, de ce point zéro qui fas - n’est pas due au hasard, il y a donc mieux, s’il n’y a pas de courant cri - cine les scientifiques depuis 1922. une causalité transcendante à la ma - tique tout reste à plat. Comme disait On en ressort en ayant appris nifestation matérielle de cet univers. Sénèque : “Je mesure la validité de quelque chose qui n’a jamais été en - Comédiens, on vous attend au mes idées à la colère qu’elles susci - core montré à la télévision, au ci - tournant ? tent“ ! Sans compter le phénomène néma, au théâtre. Le sujet est Igor : Ceux qui vont venir viennent d’envie. On s’en accommode, cela universel, le mode de traitement est pour nous découvrir sur scène, par fait partie du folklore bogdanovien ! très léger, tout le monde peut venir. curiosité et pour voir comment les Propos recueillis par Allez-vous présenter des théories Bogdanoff mettent en scène leurs François Varlin ou une thèse précise ? idées – et celles des autres – sur les Igor : La théorie de l’origine de l’uni - origines de l’univers. vers est très connue et largement ré - Grishka : Les critiques viendront sur - n Big Bang, Théâtre du Gymnase, 38 pandue. Elle repose sur des hommes tout de ceux qui ne viendront pas, Boulevard de Bonne Nouvelle 75010 dont le génie et le courage consti - qui ont un a priori très fort. Igor et Paris, 01 42 46 79 79, à partir du 5/10 tuent le fond même de ce spectacle. moi, après avoir tourné la page de

50 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 à partir du LORENZACCIO 7 TNBA – Bordeaux Oct.

Catherine M arnas Contre l’immobilité

La directrice du Théâtre National de Bordeaux Aqui - Oui, mais l’action isolée de Loren - taine monte Lorenzaccio de Musset. Plus familière des zaccio ne sert à rien… Le fait que ça ne serve à rien doit textes contemporains, elle est allée puiser dans l’his - faire scandale et nous pousser à agir. toire de l’assassinat politique d’Alexandre de Médicis Effectivement il perd son pari mais il par Lorenzaccio les ressorts d’une révolte de nos me semble que quand on voit la sociétés amorphes face aux dérèglements de la pièce, on se dit qu’on ne peut pas res - démocratie. ter aussi inactifs. Vous avez choisi de confier le rôle Théâtral magazine : Lorenzaccio, à Vincent Dissez. Pourquoi lui ? c’est une pièce politique. Parle-t- Cela fait un moment qu’on se tourne elle aujourd’hui ? autour. Quand j’ai décidé de monter Catherine Marnas : Bien sûr. C'est Lorenzaccio , je me suis dit que c'était une pièce qui se réfère beaucoup l'occasion. Il a à la fois la désinvol - plus à l’époque de Musset qu’à celle ture et en même temps l’angélisme de la Renaissance italienne dont elle du personnage. parle. Et comme l'histoire a des re - Puisque la pièce résonne avec tours de balancier, l'époque de notre époque, la transposez-vous ? Louis-Philippe ressemble beaucoup Je ne touche pas au texte, mais il n’y à la nôtre avec la toute-puissance de a pas les manteaux de zibeline cités l'argent, les pères qui sont partis se dans la pièce et je fais une scénogra - battre, la révolution qui a été récu - phie plutôt contemporaine avec un pérée. C'est un moment de grande immense canapé surdimensionné amertume. D’où le romantisme et qui sert un peu à tout, une bannière une sorte de nihilisme. Et plus que le rouge un peu pourpre pour marquer

nihilisme total, il y a de la part de Lo - i l’idée du pouvoir et en fond de scène n a é renzaccio une amertume ; c'est la dé - r des lanières en plastique comme d A ception de quelqu'un qui était trop celles qu'on trouve devant les ré - @ angélique. Et il fait un pari "je jette à serves des supermarchés. Derrière, pile ou face le sort de l'humanité sur pas l’être quand on voit qu'un Berlus - on verra en transparence la dé - la tombe d'Alexandre" . Il décide de coni a été élu quatre fois de suite ? bauche et la corruption. tuer Alexandre pour provoquer En montant Lorenzaccio , vous avez Propos recueillis par HC quelque chose, pour rompre avec certainement envie de faire bou - l’immobilité ambiante. Je trouve ger les choses... qu'on est dans ce temps-là d'immo - Le théâtre met à distance et à proxi - n Lorenzaccio, de Musset, bilité. Les crises et les maladies sont mité nos propres interrogations. mise en scène de Catherine Marnas, chroniques et tout le monde a inté - Dans La voix , Edgar Morin parle de avec Vincent Dissez… gré une apocalypse à venir, nu - cette angoisse d'une fin de l'Huma - TNBA, place Renaudel BP 7 33032 cléaire ou écologique. On est des nité probable que nous avons et en Bordeaux Cedex, 05 56 33 36 80, indignés impuissants. On est blessé même temps de l'idée d'une méta - du 7 au 22/10 de la démocratie. Mais comment ne morphose par les petits chemins.

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 51 à partir du 10 VU DU PONT Oct. Odéon Berthier - Paris

Ivo Van Hove Première française Depuis quelques années, on a l’habitude de voir les pièces d’Ivo Van Hove tourner en France. Luc Bondy a réussi à convaincre le metteur en scène belge de faire sa première mise en scène française chez lui à l’Odéon. Ce sera Vu du pont d’Arthur Miller avec .

Théâtral magazine : Est-ce une parlent chaque jour transposition de la version que des problèmes d’im - vous avez montée à Londres ? migration. Ça pose la n Vu du pont, d’Arthur Miller, mise en scène d’Ivo Ivo Van Hove : Oui. Luc Bondy qui a question de savoir si d

Van Hove, avec Charles Berling… l e v

vu la pièce à Londres m'a demandé on peut demander y

Odéon, Ateliers Berthier, 1 rue André Suares e w s

de refaire une version française. aux immigrants de r 75017 Paris, 01 44 85 40 00, e V

C’est ma première mise en scène en s'adapter à notre so - n a

du 10/10 au 21/11 J

France et je préférais que ce soit ciété. Eddie, le per - © avec un spectacle que je connaissais sonnage principal déjà. C’est plus rassurant. Je le fais veut absolument être souvent, aussi bien aux États-Unis, considéré comme un qu'à Amsterdam ; le concept du homme respectable, une version en un acte. Puis il a réa - spectacle reste le même, mais cela il élève sa nièce comme sa fille. Mais lisé que cette histoire était aussi la implique quand même une nouvelle à un moment donné, il commet un sienne et il a réécrit la pièce en deux recherche avec d’autres acteurs : acte transgressif, inacceptable dans actes plus naturalistes avec un dé - Charles Berling, qui joue le rôle prin - cette société en ce temps-là. Je me veloppement émotionnel et psycho - cipal est très différent de l'acteur suis intéressé à cette pièce quand logique assez raffiné. C’est cette Mark Strong que j'ai eu à Londres. j’ai monté il y a quelques années deuxième version qu’on joue mais C’est l’histoire d’un immigré Ita - Rocco et ses frères , à partir du film de dans l’esprit d’une tragédie. lien, Eddie Carbone, qui dénonce Luchino Visconti qui parle aussi Vous allez faire le spectacle d'ou - des immigrés clandestins parce d'une famille, qui émigre de l'Italie verture du prochain festival d'Avi - que l’un d’eux lui vole l’amour de sa du sud, la région la plus pauvre du gnon dans la Cour d'honneur avec fille adoptive. pays, pour aller à Milan, la ville la Les Damnés également adaptés On parle d’une histoire privée, mais plus riche. J’avais envisagé de mon - d’un film de Visconti… aussi d’une famille d'immigrants ita - ter un diptyque avec les deux. Fina - Oui je connais très bien l'univers de liens aux États-Unis. Ils n’habitent lement, cela ne s’est pas fait. Visconti. De lui, j’ai adapté et mis en pas à Manhattan mais dans un coin Vous dites que vous montez la scène Rocco et ses frères et Ludwig de Brooklyn pas bien connecté avec pièce comme une tragédie II . Quand Eric Ruf m’a proposé en oc - la ville de New-York, où ils ont re - grecque. Pourquoi ? tobre dernier de monter un texte, on constitué une communauté entre Parce que c’était l’idée d’Arthur Mil - a choisi Les Damnés. Ce sera une eux. C’est un sujet d’autant plus im - ler. Il a d’abord voulu faire une tra - vraie création. portant aujourd’hui que les médias gédie grecque moderne et il a écrit Propos recueillis par HC

52 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 à partir du ZOHAR OU LA CARTE MÉMOIRE 14 Théâtre Paris-Villette Oct.

Laurent G utmann Une histoire de mémoire et d’oubli

Zohar signifie “clarté” . Un prénom mixte, juif, pour un personnage surchargé d’une mémoire col - lective, mémoire de sa famille et de son peuple. Créé au Granit, scène nationale de Belfort, en mai dernier par Laurent Gutmann, Zohar ou la carte mémoire sera cet automne au Paris-Villette, puis en tournée.

Théâtral magazine : Pourquoi une au départ et que, dans le travail pièce sur le thème de la mémoire ? avec les comédiens, émerge un fais - Laurent Gutmann : J’ai toujours été ceau de significations à partir d’une

d assez mal à l’aise avec la question de amorce d’intrigue. L’aspiration ma - l e v y

e la mémoire, le “devoir de mémoire”, joritaire chez les comédiens d’au - w s r e cette sorte de tarte à la crème. Mon jourd’hui est cette méthode où tout s V i

o n b a père étant juif, c’est chez les juifs arrive en même temps. C’est même s J

o r © G très central. Mais je n’ai jamais été la manière historique dont le théâ - e r r e élevé dans le culte de la mémoire… tre fonctionnait. Il faut être très vi - i P

L’éducation telle qu’elle est conçue gilant ; je donne le sens, je signe le @ en France repose sur la mémoire – texte, mais chacun contribue à on apprend par cœur –, l’art du théâ - l’émergence de la forme globale et qu’elles soient audibles par un pu - tre est l’art de la mémoire, j’ai beau - de la structure narrative. blic. Ici, pas besoin de les amener à coup de mémoire moi-même et Quelle mise en scène est apparue nous : elles partent de nous ! C’est j’aimerai en avoir beaucoup moins ! à la suite de ce travail ? très gratifiant. Dans ce processus, Je voulais donc raconter une histoire J’aime bien qu’il y ait une inquié - un acteur ne peut pas être mauvais. de mémoire et d’oubli : l’histoire tante étrangeté, que l’on ait l’im - Il faut qu’il soit prêt à cela, à tout d’une fille qui perd son père et dont pression de reconnaître des choses, changer tout le temps, être au ser - le fantôme vient la visiter pour lui et que petit à petit ces choses de - vice du collectif, à plus d’abnéga - demander d’entretenir sa mémoire viennent étranges, drôles ou non. Le tion. en restant au pays et en vivant spectacle, tel que je l’ai reçu, est un Propos recueillis par comme ses ancêtres. Cela rejoint un peu différent de ce que j’imaginais. François Varlin peu Hamlet... La légèreté est pour moi toujours Quelle a été votre méthode d’écri - très importante pour aborder des n Zohar ou la carte mémoire, texte et ture ? choses graves, je pensais donc faire mise en scène de Laurent Gutmann, Depuis quatre ans, je procède de la quelque chose de très léger, et fina - avec Elsa Bouchain, Fabien-Aïssa Bu - même façon. Je pars de rien, un saut lement les gens sont assez vite re - setta et Laureline Le Bris-Cep, dans le vide très périlleux pour une mués. Et moi aussi ! Lorsque l’on est Théâtre Paris-Villette, 211 avenue récompense plus grande. Je ne veux metteur en scène et que l’on monte Jean Jaurès, 75019 Paris, pas savoir ce que je vais raconter et un texte, a fortiori s’il est ancien, 01 40 03 72 23, du 14/10 au me demander comment je vais y ar - tout le travail réside dans le fait de 01/11 river. Je veux que ce soit nébuleux ramener les choses à nous pour

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 53 à partir du 14 JE DANSE PARCE QUE JE ME MÉFIE DES MOTS Oct. Théâtre de Saint-Quentin en Yvelines et tournée

Cherchez-vous à l'impressionner ? Au contraire, j’essaie d’être vulnéra - Kaori Ito ble sur scène, et de ne pas montrer tout ce que je sais faire. Danse avec son père Que raconte le spectacle ? Ce sont des jeux très simples et très pudiques. J'ai écrit des textes dans En retournant au Japon gret de ne pas avoir recréé un lien lesquels j'explique comment j'ai entre mon pays et moi ; je pense qu'il grandi, que mon père me faisait sau - au moment du drame de Fukus - y a quelque chose de ça entre mon ter sur ses genoux, puis qu’il m’a mise hima, Kaori Ito a retrouvé sa père et moi. à l'école de danse où j'ai appris le chambre intacte dans la maison Vous avez écrit un texte dans le - ballet classique… J'explique aussi familiale. Comme si ses parents quel vous racontez votre retour à pourquoi j'ai eu envie de danser avec avaient sacralisé leur fille. Un la maison, quand vous retrouvez lui. Il y a des scènes un peu co - choc qui lui a donné envie de se les choses exactement telles que miques. A un moment donné, je lui vous les aviez laissées et vous vous pose 200 questions comme : pour - rapprocher d’eux et surtout de son êtes sentie morte. quoi tu fumes, pourquoi tu bois du père sculpteur en écrivant une Je pense que c'est un peu pareil pour café, pourquoi tu mets tes fausses chorégraphie dans laquelle père tout le monde. Ça traduit un respect dents sur un lavabo quand on dort et fille dansent ensemble. de la famille pour la fille absente. ensemble ?… On a enregistré ses ré - Est-ce que ce n'est pas une antici - ponses en japonais et on les diffuse pation du sentiment qu'on peut à la fin. Théâtral magazine : Ce spectacle, avoir quand on perd ses parents ? Lui avez-vous laissé une part de li - c'est un acte d'amour vis-à-vis de C'est vrai. En commençant à travail - berté dans la création du spectacle ? votre père ? ler avec mon père, j'ai senti que les Oui, parce qu’il est un peu clown. Il Kaori Ito : Forcément. J’essaie de re - rôles étaient inversés, que j’étais faisait du théâtre il y a 50 ans mais créer un lien avec mon père. Un père, plus sa mère que sa fille. Il y a il a arrêté après qu’une actrice à qui c’est quelqu’un qui donne les règles, quelque chose de très enfantin chez il demandait de rejouer une scène qui a l’autorité. C’est presque un mon père qui apparaît. En même avec plus de poésie lui ait répondu pays. En mars 2011 quand j'étais au temps, comme il est lui-même sculp - qu'elle le faisait déjà. Il a pensé qu'il Japon au moment de la catastrophe, teur, j’ai aussi conscience d'être face avait atteint la limite des mots et est j’ai réalisé que j’aurais toujours le re - à un artiste. devenu sculpteur pour travailler sur de la matière concrète. C'est pour ça que le spectacle s'appelle Je danse n Je danse parce que je me parce que je me méfie des mots . Moi méfie des mots, de et par Kaori aussi je me méfie des mots ; c’est Ito et aussi Hiroshi Ito pour ça que je suis partie du Japon Théâtre de Saint-Quentin en et que je danse. Yvelines, Place Georges Pom - Qu'est-ce que cela vous apporté de pidou 78054 Saint Quentin faire ce spectacle ? Yvelines , 01 30 96 99 00, Plein d'émotions. C’était une nécessité 14 et 15/10. Puis en tournée pour comprendre pourquoi je suis là. Peut-être que ce n'est pas un specta - cle, mais un documentaire. J’ai voulu recréer un lien avec mon père et j’ai g n

o découvert que le lien était déjà là. W

l e i

r Propos recueillis par HC b a G

@

54 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 à partir du HOME 20 Théâtre de l’Oeuvre - Paris Oct.

Gérard Desarthe En plein absurde

Après Dispersion et Les estivants l’année dernière, Gé - rard Desarthe amorce la rentrée avec Home , la pièce de l’anglais David Storey qu’il monte avec Carole Bouquet, Pierre Palmade et Valérie Karsenti .

Théâtral magazine : Home est une La pièce se passe dans un asile… On pièce très peu montée… Pourquoi a à faire à deux hommes et deux d’après vous ? femmes, qui parlent de tout et de Gérard Desarthe : Elle a été montée rien. Ils se parlent mais ne s'écoutent l

il y a une dizaine d’années par Chantal pas. Ils sont dans une incommunica - u o T

Morel et elle avait été créée par bilité totale. Evidemment comme il e c i r B Claude Régy en 72 qui avait demandé n'y a pas de logique, on peut se dire à Marguerite Duras d’en faire la tra - que ce sont des fous. Mais si Storey @ duction. On n'en a pourtant pas en - avez voulu que ça se passe dans un question à M. Chéreau quand il a tra - tendu parler énormément. Mais à asile, il aurait appelé ça "asile" ou vaillé avec Madame Maillan ? Ou à l’époque, aucune pièce d’Edward Bond, "HP". Or, ça s’appelle Home . Pour moi M. Nordey quand il travaille avec de Pinter, dont le théâtre de Storey est c'est avant toute une pièce sur la so - Mme Béart ? Et qu'est-ce qu’il vous ré - très proche, ne marchaient en France. litude, qui parle de nous. pond ? Qu’il l’aime bien, et ceci cela… Jean-Jacques Gautier et tous les cri - Comment allez-vous monter la Moi c’est pareil, je fais des choses tiques de l'époque ne comprenaient pièce ? avec des gens qui me plaisent, avec pas ce théâtre là, pas plus que celui de Les didascalies de M. Storey men - qui je m'entends bien et qui ont envie Beckett ou de Ionesco d’ailleurs. Moi je tionnent un plateau nu, une table et de travailler avec moi. Si j’avais voulu connaissais la pièce depuis très long - deux chaises. Il a écrit dans les an - faire une carrière, ça se saurait. L'an - temps et elle m'avait amusé. Quand nées 70 au moment où le théâtre née dernière j’ai fait deux spectacles, ma camarade Carole Bouquet, qui bien anglais était extrêmement pauvre. Les estivants et Dispersion , et j'ai été évidemment ne veut plus se faire met - Donc, je vous préviens qu'il y aura nommé nulle part. C'est comme si tre en scène que par moi (rires) , m’a dit une table et deux chaises mais il n'y j'avais pissé dans un violon. Je peux que ce serait bien qu'on joue une co - aura pas que ça. vous dire que si Home est nommé médie, j’ai cherché une pièce drôle, Donc, vous transposez un peu... l’année prochaine, je n'irai pas aux tendre et intrigante dans le théâtre an - Oui. On s’attend à voir Carole Bou - Molières. Tout ça est grotesque. glais des années 70. Et je me suis sou - quet, Palmade, Desarthe et Valérie Propos recueillis par HC venu de Home . Karsenti jouer ce texte. Mais je peux Vous n’avez pas repris la traduction vous dire que ce ne sera pas eux. n Home de David Storey, mise en de Marguerite Duras. Pourquoi ? Vous allez un peu les transformer ? scène de Gérard Desarthe, avec Ca - Marguerite Duras avait beaucoup On peut dire ça. role Bouquet, Gérard Desarthe, Pierre coupé et beaucoup arrangé le texte. Carole Bouquet, Pierre Palmade, Palmade, Valérie Karsenti, Vincent Ce faisant, elle s’était éloignée du Valérie Karsenti et vous-même, Deniard théâtre de l’absurde. J’ai donc refait c’est une distribution un peu inat - Théâtre de l’œuvre, 55 rue de Clichy une traduction beaucoup plus tendue… 75009 Paris, 01 44 53 88 88 proche de la pièce de Storey. Est-ce que vous avez posé la même

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 55 Dossier

56 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 Marionnettes : à la recherche de la vie

a particularité de la marionnette c’est d’être un objet inanimé et articulé auquel un artiste essaie d’insuffler de la vie en le manipulant. Or, la tendance chez les marionnettistes au - jourd’hui, c’est d’aller plus loin : on travaille sur des matières vivantes, instables, ou mal connues pour redonner l’illusion de l’aléa de la vie : le cerveau, la glace, le papier, l’argile, ou encore l’eau offrent effectivement de nouvelles pistes de jeu aux marionnettistes. C’est la même quête de vitalité que traque Gisèle Vienne Lquand elle reconstitue une convention de ventriloquie avec tous les états d’âme des participants ou quand Ca - mille Trouvé et Brice Berthoud enquêtent sur la folie de Camille Claudel et l’illusion dans leur prochaine pièce. Si jouer de la marionnette prend des allures de perfor - mance aujourd’hui, il faut lui reconnaître cette prodi - gieuse créativité. Tous ces artistes sont à découvrir au Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes de Charleville-Mézières. Hélène Chevrier

Interviews : Camile Trouvé et Brice Berthoud (les Anges au Plafond), Gisèle Vienne, Frédéric Hocké, Cécile Briand, Jean-

a Paul Ouvrard, Barbara Mélois et Melina Milanova i n a n a H Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes, Charleville-Mézières, e l l e t

s 03 24 59 94 94, 18 et 27/09 E

@ www.festival-marionnette.com

<- The Ventriloquists Convention de Gisèle Vienne

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 57 DOSSIER Les anges au plafond La rage de s’exprimer Rétrospective des Anges

Artistes associés de cette édition Comme le prochain projet, RAGE , ne sera en s'inventant un double qui va lui per - du festival, Camille Trouvé et pas abouti pour septembre, on n’en joue mettre de renaître. C’est un personnage qu’un extrait et en plus on lui a proposé connu. Mais comme il a utilisé beaucoup Brice Berthoud, les deux co-fonda - de présenter notre répertoire. En particu - de pare-feux, on s'est amusé aussi à pré - teurs de la compagnie des Anges lier d’ouvrir le festival avec le diptyque server son identité. Au moins pendant la au plafond, présentent une rétros - Une Antigone de papier et Au fil d’Oedipe . première partie, puisqu’à la moitié du pective de leur travail à travers On reprend aussi Le cri quotidien, Les nuits spectacle on révèle son nom. Mais on va polaires qui se passe dans un igloo et Du donner des indices aux spectateurs. Le cinq de leurs créations. Et un ex - rêve que fut ma vie , une forme légère sur titre par exemple en est un. C’est une his - trait en avant-première de leur les correspondances de Camille Claudel. toire qui fait écho à celle des Mains de Ca - prochaine pièce au titre énigma - On a aussi ouvert un lieu en centre-ville mille . Avec Camille Claudel, on a une dans lequel on va organiser des temps de femme artiste qui ne peut pas exprimer tique, RAGE. rencontres. Pour le premier, on fera la pré - son art complètement parce qu’elle se sentation de RAGE. prend la censure de plein fouet. Dans Cette année, il n’y a pas de création des De quoi parle RAGE ? RAGE , on a quelqu’un qui ne peut s’expri - Anges au Plafond au festival. Quelles C’est un spectacle dans lequel on croise le mer qu’en contournant les règles par le pièces présentez-vous alors ? geste invisible de la magie et le geste vi - mensonge. Camille Trouvé : Anne-Françoise Caba - sible de la manipulation. Ça raconte l'his - La compagnie existe depuis quinze ans. nis, la directrice artistique du Festival, a toire d'un illusionniste de lui-même, RAGE sera seulement votre septième souhaité nous laisser carte blanche. quelqu’un qui joue avec sa propre identité spectacle. Oui parce qu’un spectacle nous demande au moins deux ans de travail. On réfléchit aux thèmes longtemps à l'avance et deux ans avant la première, on se lance dans l'écriture, la recherche de la scénographie et des formes sur lesquelles on va travailler. Propos recueillis par HC

n AAuu f ifli ld d’O’Oeeddipipe e, tentative de démêlage du mythe, 19 et 20/09 Salles du Mont-Olympe n UUnnee AAnnttiigonee ddee P Paappieie rr, 19 et 20/09 Salle de Nevers n RRAGE Chambre d'agriculture 20/09 n Du rêêvvee q quuee fu ftu mt ma vaie v, i e 21 au 26/09 Cham - bre d’Agriculture n LLeess N Nuuititss P Poollaaiirreess, 22 au 26/09 Chambre d’Agriculture n LLee C Crir iQ Quuootitdidieien n 24 au 26/09 Chambre é v

u d’Agriculture A

l a

c Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes, s a P Charleville-Mézières, 03 24 59 94 94 @

58 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 MARIONNETTES

Gisèle Vienne

Etonnante Gisèle Vienne. Cette ar - tiste inclassable ne cesse de sur - prendre dans ses créations. La Réhabilite les dernière en date, The Ventriloquists Convention met en scène un ensem - ble de comédiens marionnettistes, ventriloques en majeur partie allemands, dont métaphysiques et le grotesque. "La ques - composé toute la structure à partir de la - certains du Puppentheater de tion de l'humour est centrale parce que l’on quelle ils ont improvisé. Puis, il a écrit une Halle, dans une reconstitution fic - a à faire à des gens qui sont préoccupés par pièce composée de collages réalisés à partir tionnelle de la plus grande conven - l'idée de faire rire. Cette pièce très dense est des retranscriptions de leurs improvisations tion de ventriloquie au monde. Une composée de multiples histoires. 18 person - et de textes écrits intégralement. La pièce, galerie de portraits entre tragique nages dont 9 marionnettes se retrouvent sur très écrite, paraît être improvisée et génère et grotesque. scène". 18 profils très différents, "disharmo - un sentiment de réalisme trouble" . nieux presque et qui pourtant forment un HC C'est parti d'une invitation du Puppenthea - groupe. À la convention de ventriloquie, les ter de Halle, en Allemagne, en 2012. Cet gens sont très attentionnés les uns envers les n TThhee V Venentrtirlioloqquuisisttss C Coonnvveennttioionn , conception, ensemble sollicite Gisèle Vienne pour tra - autres. Cela s'explique peut-être par le fait mise en scène et scénographie Gisèle Vienne, texte vailler avec elle. La rencontre a lieu en juillet que c'est un art très déprécié et que la Dennis Cooper, en collaboration avec les inter - 2013 autour d’un sujet improbable : la convention est un des rares endroits où les prètes du Puppentheater Halle convention de ventriloquie. "J'ai rencontré ventriloques rencontrent des personnes qui 19 et 20/09 Salle Mme de Sévigné. Festival Mon - de très bons comédiens marionnettistes et le comprennent voire partagent leur passion" . dial des Théâtres de Marionnettes, Charleville-Mé - matériau sur lequel nous avons commencé C’est aussi ces préjugés qui l’ont intéressée. zières, 03 24 59 94 94 à travailler s'est révélé être très fort. D’un Bien que le ventriloque soit un marionnet - 7 au 11/10 Les Spectacles Vivants - Centre Pom - point de vue dramaturgique, il permet de dé - tiste qui parle sans remuer les lèvres, et de - pidou dans le cadre du festival d’Automne velopper un dialogue singulier où différentes puis la fin du XIXe siècle, souvent sous la 12 au 14 /11 Museum of Contemporary Art, Chi - strates de la pensée peuvent s’exprimer à tra - forme d’un duo ventriloque-marionnette, cago USA vers de multiples voix" . D’où la nécessité d’en cette forme semble très étrangère au théâ - 27/11 au 4/12 Amandiers à Nanterre faire une pièce. Elle en confie l’écriture à tre de marionnettes. Aujourd’hui, le métier 29 et 30/01 Kaaitheater, Bruxelles, Belgique Dennis Cooper avec lequel elle entretient de ventriloque se rapprocherait plutôt de 4 et 6/02 Kaserne, Bâle, Suisse un compagnonnage depuis plus de dix ans. celui d’un humoriste ou d’un magicien. 9 et 10/02 Bonlieu scène nationale d’Annecy Pour elle, il a écrit I Apologize (2004), Une La conception du texte s’est faite en colla - 23 au 26/02 Cdn d’Orléans belle enfant blonde (2005), Kindertotenlie - boration avec les comédiens. "Dennis Coo - 16 au 24/03 TJP à Strasbourg der (2007), Jerk (2008), This is how you will per a écrit un texte sur-mesure : il a d'abord 1er au 3/04 Les Subsistances à Lyon disappear (2010), LAST SPRING: A Prequel (2011), The Pyre (2013)… L’objectif est de s’inspirer de la convention qui a lieu chaque année dans le Kentucky, référence interna - tionale en matière de ventriloquie. "C’est une reconstitution fictionnelle avec les dis - cussions formelles et informelles, les présen - tations de numéros…" Et un focus sur un petit groupe de passionnés qui se connais - sent depuis très longtemps. "Ce qui est pas - a sionnant, c’est que j’ai retrouvé les grands i n a n thèmes qui traversent mon travail comme le a H

e l rapport à la mort, au désir, à la solitude" . La l e t s E pièce fait le grand écart entre ces questions @

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 59 DOSSIER Milena Milanova

Manipulatrice de glace Les personnages de Milena Mila - la vraie glace ; toutes les marionnettes nova subissent comme nous les sont fabriquées dans de la glace. La diffi - affres du temps. Faits de glace, ils culté c’est surtout d’accélérer la fonte à fondent au cours du spectacle, certains moments de l’histoire et de faire échappant au contrôle de leur en sorte que la glace ne soit pas trop blanche. J’utilise quelques techniques. J’ai manipulatrice. Un matériau in - eu la chance de croiser les deux personnes stable qui créé une émotion par - qui s’occupent de préparer la glace pour ticulière. le spectacle de Phia Ménard et elles m’ont donné beaucoup d’astuces. C'est la première fois que vous jouez Vos marionnettes disparaissent à avec de la glace ? chaque représentation. Vous êtes donc Milena Milanova : Oui. Mais j’ai l’habi - obligée d’en refabriquer à chaque fois...

tude de travailler avec des matériaux Oui cela implique d’avoir un congélateur 4 2

e r

bruts. Avant la glace, il y a eu l’eau. Avec sur place. C'est très acrobatique, surtout t â é avec tous les changements qu'il faut faire. h

chaque matériau, je découvre tout un T

r e i Propos recueillis par HC l

monde de possibilités. Je commence par e t expérimenter pour découvrir ce qu’il est A @ capable de faire. Une fois que j’ai fait connaissance avec mon matériau, je n Glace , projet de Milena Milanova, drama - cherche une idée. Pour Glace , ce sont les turgie et mise en scène Zdrava Kamenova, Au coeur du souvenirs. Le personnage, une sorcière, ne avec Milena Milanova veut plus rien ressentir et congèle ses sou - 18 et 19/09 Festival Mondial des Théâtres cerveau venirs pour les garder intacts. de Marionnettes, Charleville-Mézières, salle Faut-il tricher pour maîtriser la fonte de Mantova, 03 24 59 94 94 la glace ? 22/09 Centre Culturel de Nouzonville C’est en écoutant une émission de Non. Le défi c’est justement de réussir à 26 au 28/05 festival Marionnettons-nous ! France-Inter, La tête au carré que ne pas tricher du tout. Je travaille avec de théâtre des Mains nues à Paris Jean-Paul Ouvrard a l’idée de faire un spectacle sur le cerveau, Tête à Têtes , qui mêle marionnettes, son et vidéo.

"C’est parti de l’idée qu’on connaît de plus en plus de choses mais plus on avance dans la recherche scientifique, plus on se rend compte que c’est vertigineux. Je me suis dit qu'on pouvait tirer quelque chose de ce paradoxe visuellement. Par exemple en ouvrant des têtes, en sortant des choses de tous ces cerveaux qui sont absolument identiques, qui pèsent tous 1450 g préci - sément et qui pourtant mémorisent tant de choses différentes" . Il en fait un voyage onirique. "Cela pourrait presque être un R D spectacle de danse mais avec marion - @

60 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 Jean-Paul Ouvrard nettes et de la vidéo. Il a fallu créer une histoire en arrière-plan qui permettait de générer toutes ces images poétiques" : celle d'un jeune cher - cheur qui sort de l'école, pétri de certitudes et qui commence à travailler pour un laboratoire sur le cerveau. "Plus il cherche, plus il se perd, plus ses certitudes volent en éclats et plus il de - vient fou". Pour Jean-Paul Ouvrard, la marionnette permet de s’emparer de ces sujets impossibles à traiter au théâtre. "A un moment donné, j'avais le sen - timent qu’à part des gens comme Joël Pommerat ou Wajdi Mouawad, le théâtre tournait un peu en rond, il y avait peu d'innovations intéres - santes. Et parallèlement j'ai découvert les spec - tacles de Philippe Genty. J’ai senti qu'il y avait un ferment créatif dans la marionnette comme dans la danse il y a 40 ans et dans le cirque il y a 20 ans" . C'est pour ça que depuis 2009, le théâtre du Fon du Loup qu’il a créé en Dordogne est dédié presque complètement à la marion - nette. HC n TTêête à à t êtêtetes par la Cie Métaphores, mise en scène de Jean-Paul Ouvrard Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes, Charleville-Mézières, Salle du Château, 03 24 59 94 94, 22 et 23/09 4 2

e r t â é h T

r e i l e t A @ DOSSIER Barbara Mélois

L’argent déchiqueté

Barbara Mélois a fait les Beaux- Arts avant de devenir marionnet - tiste. Elle en a conservé un goût pour la matière dont elle explore les possibilités comme un cher - cheur pour l’amener ensuite vers la poésie. Après le papier toilette, elle s’est intéressée aux docu - ments comptables déchiquetés…

A force de voir des sacs plastique remplis de papiers déchiquetés près de chez elle, Barbara Mélois est allée faire les pou - belles. Une curiosité récompensée par une découverte inspirante : "sur les docu - ments récupérés, j’ai trouvé des écritures

comptables. Ce qui est découpé en tout s i o l petit a toujours un rapport avec l’argent." é M

a r

La matière l’intéresse. Elle en fait un spec - a b r a B tacle avec uniquement des documents comptables officiels en noir et blanc et dé - @ chiquetés. "Par moments je tombais sur une couver - ture en couleur mais la plupart du temps c'était très austère. Ça m'amuse d'amener ça sur scène, tout comme j'avais amené le papier toilette vers la poésie. J'expérimente le matériau et il m'emmène vers un sujet. J'essaye d’abord plusieurs esthétiques et ensuite je travaille par association d'idées". Cette fois son imagination l’a en - traînée vers les contes pour enfants. "J’ai eu envie d'aborder plusieurs personnages très connus sous l'éclairage du monde de la finance comme Les trois petits cochons, ou Le Petit Poucet … parce que notre monde ne parle que d’argent". HC

n Esquiisses, par Barbara Mélois Festival Mondial des Théâtres de Marion - nettes, Charleville-Mézières, Médiathèque Voyelles, 03 24 59 94 94, 18 et 19/09

62 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 MARIONNETTES

Cécile Briand

n Disparaître, par Cécile Briand Adoucir la mort Festival Mondial des Théâtres de Marion - Ses deux premiers spectacles Que se passe–t-il sur scène ? nettes, Charleville-Mézières, Salle Delvin - tournaient autour du vêtement J’ai essayé de mettre la vie et la mort sous court, 03 24 59 94 94, 26 et 27/09 (Tenir debout en 2006) et de la le même toit. Et de mettre de la douceur peau ( Tomber des nus en 2008). dans ce mot très mystérieux. C’est une Pour le troisième, intitulé Dispa - proposition très visuelle et poétique avec raître , Cécile Briand s’est intéres - des images et des symboles liés à la dispa - sée à la figure du squelette. rition. Dans la culture américaine, on trouve le squelette mais dans la nôtre, Derrière le squelette, la thématique de c’est le gisant. votre spectacle, c’est la mort. C’est une Sur scène, vous manipulez ces deux fi - question qui vous travaille ? gures justement du gisant et du sque - Cécile Briand : Dans Tomber des nus , lette. j’avais déjà commencé à aborder le travail Comme ils sont grandeur nature, ce sont sur le squelette et les os. Je suis allée au des partenaires. Il n'y a pas de rapport de Mexique et là j'ai découvert une autre cul - dominant a dominé avec l'objet. Dans le ture où le squelette est très présent partout. cas de ce spectacle, la manipulation est Alors que dans notre culture occidentale, très épurée. Le rôle du manipulateur c’est c’est un sujet très lourd à aborder, c'est le de faire vivre et il se trouve dans l’incapa - mystère absolu ; on cherche à tout prix à cité de le faire. donner un sens à la mort. Mais ce n’est pas Comment avez-vous fabriqué les ma - un spectacle-thérapie, ni un prétexte pour rionnettes ? traiter de la culture mexicaine. Tout le J’en ai confié la réalisation à un sculpteur,

monde est confronté à un moment ou à un Morgan, et j'ai fait le travail de finition. R D

autre à la mort. Propos recueillis par HC @ Frédéric Hocké Le monde merveilleux des enfants

Après Hamlet Machine et Peer Gynt , de romans. Il y est question d'une utopie le héros n’est pas forcément celui qu’on at - la compagnie Sans souci présente menée par des enfants ; "ça fait beaucoup tendait. "Celui qui va surgir est celui qu'on son troisième spectacle Il faudra référence à Sa Majesté des mouches ". Dans avait le moins remarqué au départ". bien un jour que le ciel s'éclaircisse , un pays dévasté par la crise économique et Les enfants sont joués par des marionnettes. un conte moderne dans lequel des la famine, un adolescent organise la fuite "C’est trop compliqué de faire jouer des en - enfants se battent pour mettre en d’autres enfants dans la forêt où ils vont fants. Alors on a enregistré leurs voix qu’on place une utopie de vie… trouver tout ce qu'il faut pour se nourrir, diffuse pour faire parler les personnages". s'abriter et vivre leur vie. "C’est une longue HC Le plasticien Frédéric Hocké qui porte ce fuite qui rappelle celle des migrants au - s e ̀ l a projet avec ses deux complices de la compa - jourd’hui. Ces enfants se battent pour mettre n IIll faudra biien un jjour que lle ciiell s''écllaiirciisse , V - e n gnie Sans Souci, le marionnettiste Max Le - en place une utopie. Il y a des discours, des par la Compagnie Sans-Souci, mise en scène n a e J goubé et le musicien Léopold Frey, a adapté attitudes. Parce que celui qui crée l'utopie a DE Frédéric Hocké n a t s i

r le roman graphique Les Enfants pâles de une position de comédien du fait qu’il doit Festival Mondial des Théâtres de Marion - T

@ Philippe Dupuy et Loo Hui Phang, qui mé - persuader les autres. C'est toute cette problé - nettes, Charleville-Mézières, Salles du Mont- lange dessins, planches de B.D. et passages matique-là qui m'intéresse" . De même que Olympe, 03 24 59 94 94, 19 et 20/09

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 63 Z oom dossier réalisé par Hélène Chevrier Carole Thibaut Le travail en immersion Le 1er janvier 2016, elle prendra ses fonc - tions à la tête du plus petit Centre drama - tique national de France à Montluçon. Autrice, metteuse en scène, comédienne, Ca - role Thibaut possède un style propre à elle fait tout autant de gravité, que d’humour et de fantaisie. Aussi sexy, qu’engagée et atta -

chante, cette artiste complète devrait mar - R D

quer le théâtre de sa personnalité. @

A quoi ressemblera le cdn de Montluçon lorsque vous y Est-ce pour favoriser ces expériences que vous avez pris serez ? la direction d’un théâtre ? Je crois qu’un centre dramatique national est lié à la couleur Je suis une femme qui a besoin d'être accrochée à des terri - de l'artiste qui le dirige. J’ai fait un projet qui porte sur les toires parce que ça me permet de rencontrer des gens très dif - écritures contemporaines, ce qui implique des formes d'écri - férents. Pour moi, le théâtre est un endroit de rencontre. tures d’aujourd’hui, numériques par exemple, mais aussi à Souvent les pièces que j'ai écrites sont liées à des temps de ré - partir de collectage ou des écritures de plateau. Cela sidences ou d'immersion dans des lieux. Il y a eu Confluences concerne des gens très différents comme Pierre Meunier, qui dans le 20e, l’Espace Germinal de Fosses, et au début, le théâ - écrit beaucoup à partir de la physique et de la mécanique, tre de Saint-Gratien… Et maintenant je vais aller à Montluçon ou Frédéric Ferrer qui travaille sur le mode des conférences. écrire ; c'est génial. Pour moi, c’est un lieu mythique, qui a par - La moitié des artistes associés sont écrivains : Rémi De Vos, ticipé à la grande aventure de la décentralisation. Le théâtre Marion Aubert... J’ai invité des créateurs dont la recherche a vraiment été imaginé pour la création. rentre en écho avec la mienne et qui sont en prise avec le Vous allez y faire les Journées du Matrimoine ! monde dans lequel on vit. (Rires) on doit le terme à Aurore Evain qui a déjà rétabli le Vous-même écrivez vos propres spectacles. terme autrice . J'ai tout de suite bondi dessus et on a déjà fait Mais pendant des années, j'ai monté les textes d'autres au - les premières journées du Matrimoine à Confluences cette teurs parce que je ne me sentais pas capable de mettre en année avant que j’en quitte la direction artistique. L'idée, c'est scène mes propres textes. Et cela m'intéressait d’explorer le que tous les ans au moment des journées du patrimoine, au - travail des autres. Aujourd’hui, ce n'est pas un jugement tour de l'héritage culturel de nos pères, on n’oublie pas l'héri - mais ça ne m'intéresse plus. Évidemment c'est plus risqué tage culturel de nos mères. Les deux se complètent. On ira de monter ce qu’on écrit parce que les gens ont moins de ré - chercher les oeuvres enfouies des autrices et compositrices de férent pour lire ce que vous faites. Mais ça me permet de ra - l'ancien temps pour les faire réentendre. J'aimerais qu'on conter le monde d'aujourd'hui tel que je le sens. puisse inscrire ça dans le patrimoine-matrimoine. Le problème Vous n’hésitez pas à tenter des expériences comme l’écri - des artistes femmes, ce n'est pas seulement qu'elles ont beau - ture d’une forme courte pour l’Observatoire de l’Espace. coup de mal à émerger, c’est surtout qu'elles n'ont pas d'exem - Rencontrer des astrophysiciens, ou travailler comme en ce ple ; l'héritage des artistes femmes est effacé. Les manuels moment avec le Commissariat à l'Energie Atomique pour d’histoire ne l’ont pas retenu... l'Atelier Arts Sciences de Meylan ça me dépasse. Je suis confrontée à des gens qui ont une autre logique que la n www.cdnlefracas.com mienne. Et j’aime ces rencontres. n www.compagniesambre.org (compagnie de Carole Thi baut)

64 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 Directeurs et créateurs de théâtre

Gwénaël Morin Créer la tempête

un moment donné il y a un côté fun d'aller voir du théâtre à cinq heures du matin. Les gens ne savent pas ce que c'est, ils ne l’ont jamais vécu. Et physiologiquement, ça opère, c’est puis - sant. Evidemment, tout porterait à croire que ça ne fonction - nera pas. C’est pour ça que c'est important d'être directeur de théâtre public financé par de l'argent public. Il s'agit de faire n i r

o des expériences auxquelles aucune étude de marché ne peut M

l

ë répondre. Je ne parle pas de vider les salles, au contraire. Parce a n é

w que s'il n'y a personne dans la salle, il ne peut pas y avoir de G

@ phénomène théâtral. Mais s’il y a du monde, c’est parce qu'il y a quelque chose qui nécessite la présence du public. Le public Gwénaël Morin n’est pas un artiste comme invente la possibilité de ce qui se passe. les autres. Son projet de Théâtre Perma - Comment envisagez-vous vous la direction du théâtre ? nent le singularise d’emblée dans une Je suis en pleine réflexion en ce moment sur ce que cela signifie. Quand on est soi-même metteur en scène, c’est compliqué de forme de performance avec trois objectifs programmer d’autres artistes. Je m'aperçois que l'attention que à priori épuisants : jouer tous les soirs, répé - je porte aux autres ne passe pas nécessairement par le fait de ter tous les jours et transmettre en continu. leur donner les moyens de faire leur travail en retour. Et puis le Sa joie à relever des défis impossibles le fait d'être directeur de théâtre me donne une position de pou - pousse à toujours réinventer le théâtre qu’il voir et de responsabilité. Potentiellement je suis celui qui peut dire oui ou non et qui peut mettre l'argent sur la table. Ça pose fait. Dernière expérience au début de l’été au des problèmes de conscience. théâtre du Point du Jour qu’il dirige : jouer Avez-vous des impératifs de programmation ? des tragédies grecques à cinq heures du Le Théâtre du Point du jour a cette particularité que l'argent matin. Pari réussi, le public était là. n'est pas alloué au lieu mais à l'équipe qui l'anime. Il y a très peu de contraintes en fait. Mais ça n’empêche pas la tradition. Pourquoi jouer des tragédies à cinq heures du matin ? Tout le monde fait la même chose partout. Et je lutte à mort Parce qu’il faut trouver et inventer des formes artistiques dont contre ça. Ici, j’ai planté les bases de mon théâtre permanent l'évidence et la clarté transforment le monde. En essayant de et je donne aux artistes que j'invite les conditions de travail que faire du théâtre tous les jours, je m'aperçois que ça rentre en j'ai revendiquées pour moi c'est-à-dire de longues périodes de contradiction avec un système de programmation convention - répétition et de représentation. Mais c’est à double tranchant. nelle : tous les théâtres présentent une espèce de panachage Certains ont peur de ne pas avoir de public et demandent à ce de spectacles tantôt orientés musique, tantôt performance, qu’il y ait plus de communication. tantôt cirque… Mais un théâtre n'est pas un lieu de diffusion ; Qu’est-ce qui vous plaît à vous homme de théâtre ? c'est un lieu d'expérimentation de la relation à l'autre par la C’est trouver comment réunir des gens pour que la tempête ait parole. On va au théâtre pour se réinventer soi-même. On doit lieu. Non pas pour leur montrer la tempête mais leur faire vivre donc offrir la possibilité aux gens d'interroger leur propre rela - la tempête. Je constate que j’éprouve une certaine joie dans la tion au monde. Si on a joué très tôt le matin des tragédies tempête, voire même la catastrophe, et dans la capacité que grecques, c’est parce que les Grecs le faisaient, mais aussi pour j'ai à en sortir. voir ce que ça donnait. Et on s'est retrouvé en plein mois de juil - let avec énormément de spectateurs. Simplement parce qu'à n www.lepointdujour.fr

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 65 Z oom Directeurs et créateurs de théâtre Jean Lambert-Wild Poète hyperactif

Né à La Réunion, Jean Lambert-Wild rêvait d’être marin. Il a fini par rejoindre la mé - tropole et poser les bases d’une œuvre théâtrale qui lui prendra toute sa vie. Il écrit, met en scène, joue ses textes et ceux d’autres auteurs, se dédouble et fait jouer à sa place son double-clownesque. Après la Co - R

médie de Caen, il vient de prendre la direc - D

tion du théâtre de l’Union à Limoges. @

Si on vous dit que vous êtes un poète, est-ce que cela cor - Splendeur et lassitude du Capitaine Marion Deperrier , per - respond à votre rapport à l’art ? sonne n'en voulait. Aujourd'hui c'est une pièce régulière - Cela me convient. J'ai toujours défendu la poésie avec ar - ment montée, même au Japon et qui va être réadaptée en deur. Les poètes croient au temps et à la logique de l'oeuvre, Côte d'Ivoire. L'obstination finit par faire diligence. là où parfois le théâtre est construit autour de besoin de re - Qu’est-ce qui vous a amené à la direction de théâtres, connaissance. Or mon oeuvre a des motifs d'identité et des d’abord à la Comédie de Caen puis aujourd’hui au théâtre récurrences ne serait-ce que mon clown que je travaille de - de l’Union à Limoges ? puis des années. A Caen, j’ai commencé comme apprenti pour me retrouver Comment s’est-il imposé à vous ? directeur quelques années plus tard. Le théâtre de l’Union Je ne l'attendais pas, il a surgi du fond de la nuit et il me faut réalise quant à lui beaucoup des utopies qui m’animent. La vivre avec. Mais je l'aime bien parce qu’il me permet de pas - première, c’est la coopérative puisque le théâtre doit son ser d'un état à un autre. Je n'en ai pas fait le tour, je continue nom à l'Union de Limoges, une coopérative ouvrière créée à l’explorer, à le faire évoluer. Un temps, il fut muet, main - en 1881. Il y a une école adossée au théâtre, l'Académie, ce tenant il parle, et je suis en train de le mettre au violon pour qui me permet de continuer à apprendre en transmettant. quelques numéros. Je pense qu'il va vieillir avec moi. C'est Et puis, Il y a d'autres choses très importantes qui m’ont fait lui qui joue Godot, on le retrouve dans Richard III , et je ré - choisir cette région. D’abord, Limoges est une ville dyna - fléchis à une nouvelle calenture pour lui, Les parapluies de mique qui profitera de la réorganisation territoriale autour Singapour. de l’immense région que sera Poitou-Charentes Aquitaine Vous avez à peine 40 ans et vous comptez déjà une Limousin. Et puis le Limousin organise le festival des Fran - œuvre considérable entre les pièces et les calentures que cophonies. Et moi qui suis créole, j’ai une appétence parti - vous écrivez. culière pour cela. Alors c’est vrai que c'est un petit théâtre. Grotowski disait qu’une vie de théâtre durait 15 ans au plus. Mais par temps de changement climatique, ce sont parfois Je dois être un vieux cabot parce que la mienne dure beau - les petites unités vigoureuses et rapides qui s'en sortent le coup plus. Cela fait 26 ans que je travaille du matin au soir. mieux parce qu’elles ont les moyens de réinventer. Mais tout n'est pas devenu sympathique au premier abord, mon écriture n'a pas toujours été considérée. Quand j’ai écrit n www.theatre-union.fr

66 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 Directeurs et créateurs de théâtre Ci onfidences dossier réalisé par François Varlin t a r u M R

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@ @ Inséparables ? Igor et Grishka Evelyne Bouix et Pierre Bogdanoff : heureux ! Arditi : se surprendre Ils sont frères, Ils jouent Big Bang Ils jouent Le Mensonge maris et femmes à au Théâtre du Gymnase au Théâtre Edouard VII Faites-vous partie de ces jumeaux qui font Quelle joie avez-vous à jouer ensemble ? la ville. Ils le sont toujours tout ensemble ? Evelyne : Si c’était une galère, nous ne le fe - Igor : Enfants nous partagions nos jeux. Nous rions pas ! C’est intense. Ce n’est jamais aussi à la scène. avons transposé cette aire de jeux dans l’es - calme et jamais triste. Mais chacun défend Qu’ils créent, pace des adultes. Nous écrivons, nous réali - sa partition, ce n’est plus un rapport de cou - sons des documents audiovisuels, ou encore ple. Pierre ne pose plus sur moi un regard de jouent ensemble, cette nouvelle pièce sous un signe ludique. mari mais d’acteur. Ce n’est pas plus facile Lorsque l’on est seul, on souffre davantage parce qu’il veut que ça file droit. La représen - ou se mettent en dans ce que l’on fait ; Grishka et moi parta - tation finie, on ne peut pas ne pas en parler. geons nos activités, nos actifs, nos trésors Ce n’est jamais fini. scène, leur histoire avec plaisir. Pierre : Cela va faire 30 ans que nous avons Etait-il pensable que l’un joue au théâtre choisi de vivre ensemble. Nous faisons le est belle, riche, sans l’autre ? même métier, c’est donc une manière de Grishka : Ce n’était pas impossible, mais cela continuer de vivre ensemble, de partager touchante. Cette aurait été incomplet. tout, de ne pas se quitter, de continuer de Vos recherches vous ont-elles toujours mis nous surprendre. Il y a la vie personnelle, pro - rentrée, les bi - en accord l’un avec l’autre ? fessionnelle, intime… Tout se mélange, s’en - Grishka : Nos recherches se ne sont jamais richit. On ne fait pas cela parce que l’on n’a nômes familiaux commuées en division. Au contraire elles se rien à se dire dans la vie. Au contraire nous sont nourries. Depuis notre enfance, nous avons encore beaucoup de choses à nous débarquent dans nous questionnons mutuellement. Il y a des dire, et c’est amusant de continuer de se les blocs d’idées que Igor est capable de franchir, dire en scène. nos théâtres mê - des pentes que je suis capable d’aborder. A Quelles sont les qualités de votre parte - deux nous fabriquons une synthèse dont naire en scène ? lant leur histoire chacun détient une partie. Evelyne : C’est un enfant : il y va pour s’amu - personnelle à leur Igor : A partir du moment où l’on invente rien ser. C’est comme une aire de jeux. Son envie en science mais on découvre, nous sommes de jouer quand il est sur scène est intacte, aventure artis - forcément d’accord. Pythagore n’a pas in - même après tant d’années. C’est magique. venté son théorème, il l’a formalisé. Nous dé - Pierre : Elle est à la fois d’une grande virgi - tique. Une force, couvrons des vérités qui s’imposent à nous nité, ne se protège pas, tout en étant prête au-dessus de nos opinions personnelles. à rebondir sur ce qui lui est proposé. Evelyne un atout ? Plus que Quels mots poser sur votre aventure com - continue de vivre en scène. Et son grand in - mune ? convénient (rire) si je navigue dans des eaux jamais, les deux Grishka : La joie intellectuelle. plus troubles que prévues, elle m’engueule ! Igor : La réussite heureuse de passage du Ce n’est pas désagréable du tout. Un couple font la paire. stade du miroir freudien. Un miroir inverse avec ce que cela comporte d’excitation, de toujours ; pas pour nous. Ce passage nous a palpitations… c’est une richesse ! rendus très heureux.

68 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 Les inséparables é u o v a L . S z

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Rachida Brakni Lorànt Deutsch et Christian Hecq et et Eric Cantona : Marie-Julie Baup : Valérie Lesort : bienveillance fidélité délicatesse Elle le met en scène dans Ils jouent Irma la douce Victor au Théâtre Hébertot. au Théâtre de la Porte Saint- Ils créent 20.000 lieues sous Martin. les mers au Théâtre du Vieux- Est-ce une difficulté de diriger au pla - Colombier. teau celui que l’on aime ? Jouer ensemble impacte-t-il votre cou - Rachida : Ma façon de travailler ne diffère ple ? Est-ce la première fois que le plateau pas du tout avec Eric. Que ce soit lui ou un Lorànt : Nous nous sommes rencontrés vous réunit ? autre, je me comporte exactement de la sur scène dans Amadeus , puis L’Impor - Christian : Nous n’avions fait que de la même manière. Je fais abstraction de tance d’être constant . A chaque fois nous télé ensemble. C’est donc une première notre relation. Je ne veux pas, vis-à-vis des étions fiancés ! Nous avons dû nous ma - collaboration pour du spectacle vivant. autres, avoir un comportement différent rier puisque le théâtre nous était infi - Valérie : Ça se passe bien ! On s’engueule parce qu’il est mon mari. Il découvre ma dèle… Huit ans après nous retrouvons moins dans les répétitions que dans la vie proposition sur le plateau, comme les au - cette fidélité de couple sur scène. (rires) . Nous avons chacun nos domaines : tres ! On dit l’amour rend aveugle ; je dis Marie-Julie : Nous sommes dans un quo - je suis plus littéraire, Christian est plus qu’il rend ultra lucide. On est encore plus tidien de parents, et tout d’un coup nous dans l’instinct, dans l’image. Ce projet de intransigeant avec celui dont on partage jouons des amoureux qui se découvrent. 20.000 lieues sous les mers, nous avons la vie pour ne pas laisser de place à l’am - J’ai l’impression de revivre nos débuts ! chacun nos raisons de l’aimer. J’aime l’idée biguïté dans le jeu. Inconsciemment, je se - Lorànt : On se rappelle le pourquoi de de vivre sous l’eau, Christian va être plus rais plus intransigeante avec lui qu’avec cette évidence d’être ensemble : parce sensible à l’idée scientifique du Capitaine un autre. que l’on s’aime ! Némo. Quelle est sa qualité dans le travail ? Que pensez-vous de l’autre en scène ? Que découvrez-vous de l’autre dans ce Rachida : Un sérieux et une rigueur que Lorànt : Elle sait tout faire. Jolie et drôle travail commun ? j’aime et que j’admire, car je suis comme ce n’est pas donné à tout le monde ! Son Christian : On sait bien ce que l’autre fait. ça aussi. Je ne peux travailler qu’avec des défaut, qui est d’ailleurs une qualité, c’est Nous avons des forces différentes, mais gens comme ça. Eric est très à l’écoute et qu’elle est extrêmement pudique et l’on respecte celles de l’autre. On prête très au service, ouvert à toutes les propo - qu’elle ne se rend pas compte de toutes vraiment attention à comprendre ce que sitions. ses qualités ! l’autre dit. Comment jugez-vous votre binôme pro - Marie-Julie : Il est virtuose, un petit génie Valérie : Il y a une délicatesse, une atten - fessionnel ? du théâtre. Comme un élastique, on peut tion à ce que dit l’autre dans le travail qu’il Rachida : Nous nous disons tout avec lui faire faire ce que l’on veut. Son défaut, faudrait appliquer tout le temps. Et exac - bienveillance sur notre travail. Nous il est dur de capter son attention long - tement comme devant des enfants, nous sommes des gens bienveillants dans notre temps. savons très bien qu’un désaccord nous re - rapport aux autres et notre rapport à tirera toute crédibilité devant les autres. nous-même.

Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 69 Portrait Sylvie Violan Découvreuse de talents Le festival Novart à Bordeaux s’est choisi pour nouvelle programmatrice Sylvie Violan. Déjà di - rectrice de la scène conventionnée Le Carré-Les Colonnes à Saint-Médard en Jalles, elle connaît bien l’exercice. C’est elle qui a fondé Des souris

des hommes, temps fort de la vie culturelle bor -

r d delaise qui présente le travail d’artistes innovants et internationaux depuis sept ans. Evénement @ qu’elle arrête pour consacrer toute son énergie à sa nouvelle mission.

L’objectif est-il de mixer les deux évé - cent la personne spectatrice au centre vart cette année ? nements pour n’en faire qu’un qui s’ap - du dispositif. On s’adresse aux habitants C’est une édition de transition avant de pellera toujours Novart ? d'une ville, on va à leur rencontre. Dans changer de ligne éditoriale. Mais déjà Cette année, le départ de la personne la forme mais aussi en traitant dans les cette année on affirme la ligne régio - qui était en charge de la coordination propositions artistiques de probléma - nale et internationale. Il y a 20 specta - de Novart et le passage de la commu - tiques qui résonnent avec le monde cles internationaux et 10 spectacles nauté urbaine de Bordeaux à Bordeaux d'aujourd'hui. C’est à dire tout ce qui régionaux. Je tiens beaucoup à mettre métropole ont fait ressortir ces deux fes - concerne la place de l'homme au sein en valeur les compagnies régionales. Il tivals qui marquent le paysage culturel de la société. y a beaucoup de créativité chez les de Bordeaux mais de façon très diffé - On a découvert au festival Des souris jeunes, notamment ceux qui sortent de rente. Des souris des hommes que j’ai des hommes des artistes très originaux l’école du TNBA. Du coup, on organise créé en 2008 est un festival de taille comme Pamina de Coulon ou Ivana les banquets de la jeune création avec modeste sur une dizaine de lieux mais Müller. Comment les détectez-vous ? des compagnies émergentes. Et puis qui a une reconnaissance au niveau na - Je me déplace, j’ai beaucoup j’avance le festival au mois d'octobre tional et européen. Novart est étendu d’échanges avec les structures du terri - pour investir l’espace public. On a un dans une vingtaine de lieux mais n’a toire et avec un réseau français et euro - gros projet qui s'appelle Redball Bor - pas réussi à trouver sa ligne artistique péen de directeurs et directrices de deaux par l'artiste Kurt Perschke. C'est et un public. Mon projet a été de marier théâtre. Je suis très à l’écoute et à l'af - une balle rouge qui chaque jour vient les atouts des deux : reprendre le festi - fût. Et je fais confiance aux artistes, je s'insérer dans un lieu architectural. On val Novart qui est bien implanté et lui suis leur travail et ils me tiennent au peut toucher la balle. C’est une idée très donner une véritable impulsion artis - courant de leur création. Par exemple, simple et très visuelle qui fait circuler tique qui puisse faire vibrer un peu la pour Pamina de Coulon, j'ai eu un coup beaucoup de photos sur les réseaux so - ville différemment. La première édition de cœur pour son premier spectacle Si ciaux. aura lieu en 2016. 2015 est une année j’apprends à pêcher je mangerai toute Propos recueillis par HC de transition. ma vie que j’ai découvert au Festival Ac - Quelle sera cette impulsion artistique ? toral et ensuite on s'est rencontrées. Ça n Novart, Bordeaux Métropole, du 3 au Pluridisciplinaire et profondément hu - demande aussi beaucoup d’intuition. 23/10, www.novartbordeaux.com maniste. Avec des installations qui pla - Quels sont les artistes invités par No -

70 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015

Portrait Eric Vigner Dernière saison à Lorient Il quitte fin décembre le théâtre de Lorient après vingt ans passés aux commandes du théâtre. Eric Vigner cède la place à son successeur Rodolphe Dana, le chef de file s s i

des Possédés. Mais il peut être fier. 87 e W

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créations ont vu le jour chez lui, et nombre n n a h o J d’artistes ont fait leurs armes à Lorient : a t t u J Arthur Nauzyciel, Ludovic Lagarde, Rémi de Vos, Olivier Cadiot… @

Est-ce vous qui avez choisi de partir ? époque ? une aventure dans un autre théâtre, je La politique sur le renouvellement des S'il y avait un événement, il était repéré pense que je ne suis pas du tout fait générations et la parité m’obligent à et identifié avec une très grande force. pour être en compagnie (rires). lever le camp. Je ne me suis pas repré - Ma première mise en scène, La Maison Si on vous redonne un lieu à diriger senté mais je serais bien resté (rires) . Il d'os , a été repérée tout de suite et six demain, que ferez-vous ? y a vingt ans, c’était un petit centre dra - mois plus tard on me proposait le Festi - Je pense qu’il faut redonner sa place matique régional avec 150.000 euros val d'Automne. Une page dans Libéra - au théâtre. On a beaucoup mélangé de budget à l'époque. Et puis on a tion créait un mouvement incroyable. les choses ces dix dernières années, construit le théâtre étape par étape et Mais il y avait une vraie volonté d'ou - mais le théâtre est dédié à l'art ora - aujourd'hui c’est devenu un centre dra - verture politique. Jack Lang avait com - toire, à l’art de l’acteur. Ce sont les ac - matique national avec une grande salle pris ça. Tous les metteurs en scène qui teurs qui font le théâtre. On l’a bien vu de 1.000 places, une autre de 350, un sont connus aujourd'hui sont apparus à avec le spectacle Richard III à Avignon. studio de 100 et puis il y a du public sur - cette époque. Après ça s'est refermé. L’esthétique était finalement assez tout : 50.000 spectateurs par an. Pour Aujourd'hui ce qui compte, c'est surtout classique. Ce qui a fasciné les gens c’est moi, c'était clair, il fallait partager l'outil la capacité des gens à faire de la poli - le génie de cet acteur, Lars Eidinger. En avec des jeunes artistes, travailler au re - tique culturelle. Or les théâtres ont be - France, il y a très peu de gens qui sont nouvellement des générations. Il y a 20 soin d’artistes. Pascal Rambert à des acteurs de cette trempe, très peu ans ils commençaient tous : Arthur Nau - Gennevilliers n’a pas lâché là-dessus. qui ont cette grâce. A part Micha Les - zyciel, Rémi de Vos, Olivier Cadiot, Lu - Mais c’est aussi parce que c’est cot. Parmi les acteurs français c'est dovic Lagarde... On a élargi le champ à quelqu’un qui a une esthétique très quelqu'un de très rare. la littérature. Cela nous a ouvert des ho - forte. Vitez, Vassiliev, Régy, Chéreau... Propos recueillis par HC rizons et permis de découvrir des ar - n'étaient pas tranquilles dans l'inven - tistes. L'institution est aussi un endroit tion de leur art, ils remettaient toujours où on peut inventer des choses et ima - tout en mouvement. n L’Illusion comique du 9 au 14/12 giner l’avenir. Surtout qu’on était loin de Qu’allez-vous faire à partir de janvier Tristan le 11/12 Paris sur un territoire un peu vierge prochain ? Théâtre de Lorient, 02 97 83 01 01 pour tenter ce type d'expérience. J'ai des projets de mise en scène. Mais www.letheatredelorient.fr Comment définiriez-vous cette je souhaiterais vraiment recommencer

72 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 @ Jutta Johanna Weiss Portrait Christophe Rauck Une école d’art Au Théâtre du Nord, Christophe Rauck a développé un projet pour faire de l’école du Nord une école d’art. Pour la promotion 2015-2018, il a recruté treize élèves comé - diens et deux élèves auteurs.

Dans votre projet pour l’école, vous s'opposer et en même temps se accordez une place particulière à la compléter. Certains voulaient formation d’auteurs dramatiques. être acteurs, d’autres ne La classe dure trois ans, avec des connaissaient rien au plateau. O N

élèves qui restent toujours ensemble. On a eu tous les profils possi - I N S

Je trouve intéressant de mettre en face bles. Et c’est assez représentatif O M L E

d’eux d'autres jeunes gens qui ne sont de la réalité : on peut tous com - e i h

pas au même endroit pour qu’ils se mencer à écrire dans un coin de p o S

bousculent mutuellement. sa chambre une histoire dialo - @ C’est d’autant plus remarquable que guée. C’est pourquoi j’ai de - la tendance est plutôt en ce moment mandé à des auteurs très de former des élèves metteurs en différents de les encadrer comme avait plus de candidats aux auditions. scène. Christophe Pellet, Rémi de Vos, Natha - On essaye surtout de donner un hori - Oui je sais. Dans notre monde libéral, lie Fillion, Sonia Chiambretto, et deux zon plus large en ouvrant à d’autres le metteur en scène représente la fi - dramaturges dont André Markowicz. arts de la scène, à la danse, au cirque. gure de l’entrepreneur. Et c'est tou - Quel sera le programme des deux Sans parler de transdisciplinarité. Ce jours plus facile de pointer la réussite élèves-auteurs ? qui m’importe, c’est de donner aux ou l’échec sur une personne que sur un Dès la première année, Christophe Pel - élèves le plus d'outils possibles pour les collectif. Je crois qu’il faut laisser émer - let va les faire travailler sur leur pièce rendre autonomes. Si on part du prin - ger et s’affirmer le metteur en scène au martyre, c’est à dire la pièce qui cipe que l'inné est là, il ne faut pas sein du collectif et pas mettre les n’aboutira pas mais va leur servir à avoir peur de chercher l'acquis. élèves tout de suite dans une idée de construire leur personnalité d’auteur. Comme les compagnons apprennent à concurrence. Mon idée, c’est plutôt de Rémi va travailler sur Audureau, Na - forger et à monter des charpentes. leur donner à tous les moyens de se thalie expérimentera avec eux l'écri - Mon exemple, c'est celui-là. Ici c’est faire un point de vue sur une pièce, sur ture de Novarina et de Rabelais et une école d’art. un rôle ou sur un parcours. D’où l’inté - Sonia construira avec eux une fiction. Propos recueillis par HC rêt de mettre face à face des acteurs et La préoccupation de toutes les des auteurs pour qu’ils puissent échan - écoles en ce moment, c’est l’insertion ger. des jeunes comédiens au moment de Quels profils avaient les auteurs que leur sortie. vous avez auditionnés ? L'école n'avait pas de système d'inser - L'idée était de trouver des jeunes gens tion et je me suis bagarré pour en met - n Théâtre du Nord, 03 20 14 24 24, qui avaient du talent et qui soient dif - tre en place un. Et ça a l’air de plaire, www.theatredunord.fr férents. Dans la différence, on peut puisqu’on s’est rendu compte qu’il y

74 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 @ Sophie ELMOSNINO a u

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Monsieur Fraize Andreas Journal de ma nouvelle oreille [ Il a tout d'un grand ] [ Rigueur nordique ] [ A nos corps entendant ] de et avec Marc Fraize Andreas, d’après Strindberg, adaptation et d’Isabelle Fruchart, mise en scène Zabou Les feux de la rampe, 2 rue Saulnier 75009 mise en scène de Jonathan Châtel. Avec Breitman Paris, 01 42 46 26 19, du 29/09 au 11/11 Pierre Beaux, Nathalie Richard, Pauline Ac - Studio Hébertot, 78 bis bd des Batignolles Marc Fraize nous fait le coup de l’entrée en quart, Thierry Raynaud. 750017 Paris, du 17/09 au 25/11 scène ratée, du spectacle qui démarre sur la du 25/09 au 15/10 La Commune Auber - Isabelle Fruchart a 14 ans lorsqu’elle perd mauvaise musique. Et qui ne démarre pas villiers, du 04 au 06/11 Douai, le 10/11 l’ouïe après une sinusite. De cette expé - du tout ! A voix basse, il appelle son régis - Maubeuge, du 18 au 19/11 Comédie de rience personnelle et sa reconquête de seur. Archi-timide, archi-stressé, il cherche Caen, du 09 au 10/12 Pau, du 12 au l’audition, elle compose un texte humain. ses mots, répond à celui qui lui parle dans 16/01 Tours, du 20 au 21/01 Brives, du Nous poursuivons l’épopée d’une jeune l’oreillette, se rassemble… et sort en courant 03 au 04/02 Valenciennes, du 26 au femme sortie du monde, et comment elle de la salle, laissant son public médusé ! Un 27/02 Aix-en-Provence y entre à nouveau. problème sur scène en chasse un autre, Jonathan Châtel adapte librement la pre - La mise en scène de Zabou Breitman est Monsieur Fraize joue les paumés, les don - mière partie du Chemin de Damas de Strind - variée, faisant s’entrelacer intimité et neurs de leçons, teste son micro HF, s’abîme berg. Huit personnages passent ou se monstration vis-à-vis du public. Autour dans la lecture d’un catalogue de supermar - rencontrent, avec des relations d’incompré - d’elle, un mur de lierre, symbole d’une exis - ché, le commente, danse… Et le public béat hension, d’amour et de solitude. Au centre tence envahie par la surdité ; un mur sur d’admiration pour celui qui joue très bien surtout, la figure de l’écrivain qui est le dou - lequel apparaîtront des étoiles puis des avec le temps, les silences, les répétitions, ble de l’auteur : un poète en rupture avec la fleurs, images d’une vie qui percera de se tord de rire. Un personnage original, pour société et les relations sociales tradition - nouveau. un spectacle qui n’a ni début ni fin, mais qui nelles. La scène est dépouillée ; elle n’utilise Cette histoire est profondément ancrée fait preuve d’une maîtrise des spectateurs que quelques éléments presque abstraits. dans la réalité. On vit avec elle ses efforts pour ne jamais les lâcher, tout en semblant Le jeu des acteurs tout à fait coupant, Pierre pour comprendre les autres. On subit les les tenir en équilibre au-dessus du vide Beaux et Thierry Raynaud s’adaptant mieux regards et l’on combat pour paraître "nor - béant. Parfois à deux doigts de lasser l’au - au lieu (le difficile cloître des Célestins à maux". Les mauvais diagnostics, restant ditoire, il rebondit de plus belle pour mieux Avignon où le spectacle a été créé) que Na - sourds au vrai problème, la culpabilité. nous extorquer des rires. Dans son pantalon thalie Richard et Pauline Acquart, à la belle Mais aussi, et c’est le plus important, on trop court, Marc Fraize a un peu l’air d’un sensibilité. Tout respire la rigueur et le se - partage sa reconquête lorsqu’elle se fait ado en pleine croissance. C’est parce que cret, sans pour autant nous toucher autant enfin "appareiller". La délectation pour le c’est un grand, tout simplement. que la précédente mise en scène de Châtel bruit, ce sentiment sensuel d’être "péné - François Varlin (Petit Eyolf d’Ibsen). Le spectacle devrait trée par les oreilles". Fruchart est particu - trouver sa vraie densité, dans une salle fer - lièrement expressive et, de nouveau, on mée. entend avec elle. Sa vie prend corps avec Gilles Costaz l’ouïe. Les quelques longueurs sont estom - pés par le réel plaisir que semble prendre l’actrice. Hadrien Volle

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PAGES CRITIQUES Chaque semaine de nouvelles critiques sur www.theatral-magazine.com L L L D D D R

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Le Roi Lear Le vivier des noms Retour à Berratham

[ Apocalyptique ] [ Cirque métaphysique ] [ La collision des mondes ] de Shakespeare, mise en scène d’Olivier Py, avec De et mis en scène par Valère Novarina, avec de Laurent Mauvignier, chorégraphie et mise Philippe Girard, Jean-Damien Barbin, Amira Agnès Sourdillon, Claire Sermonne, Manuel en scène d’Angelin Preljocaj Casar, Céline Chéenne, Mathieu Dessertine. Le Lièvre 17-19/09 Aix-en-Provence, 23/09 Arca - Gémeaux, Sceaux, du 1er au 18/10 Tournée du 15 octobre au 29 avril chon), 29/09 au 23/10 Chaillot-Paris, les 29 Pour Olivier Py, Shakespeare a eu, dans Le Défilé de noms, défilé de personnages ima - et 30/10 Luxembourg et tournée 2016 Roi Lear , la prescience du XXe siècle et des ginaires, défilé de dessins faussement Retour à Berratham illustre la sortie de la catastrophes qui ont frappé l’humanité ré - naïfs, défilé de chansons bourrues : Valère guerre, un épisode souvent sordide pour cemment : les guerres mondiales et le ter - Novarina continue sur sa voie qui n’appar - les sinistrés, une fois les armes et les sol - rorisme. C’est ce que vit son Lear qui voit tient qu’à lui, celle de la clownerie méta - dats partis. Celui d’une existence fragile au passer le diable en motocyclette et tomber physique, de l’invention langagière cœur d’un paysage détruit, la recherche du ciel, dans un fracas d’explosifs, des toujours renouvelée qui viennent interro - des disparus, les viols et l’anarchie. tueurs en treillis. Les hommes sont en frac ger le mystère de l’existence. Il y a vingt Le chorégraphe Angelin Preljocaj, tente ici quand ils ne sont pas nus, les filles du roi ans, on huait Novarina à Avignon. Au - de créer un lien entre deux mondes, le Lear en robe de soirée rose, sauf la pure jourd’hui, on lui fait fête. Tous les soirs, le théâtre et la danse. Comme la musique, la Cordelia qui est en tutu. Le sol se trans - public applaudissait debout. Obstiné, l’au - voix des acteurs marque les temps pour les forme en cloaque qui aspirera tout ce teur a gagné son combat contre le confor - danseurs, dont les chorégraphies post-apo - monde corrompu. La plume d’Olivier Py, misme, en sachant renouveler ses mises en calyptiques sont brillantes de force et de pour qui les temps modernes sont toujours scène, en trouvant de mieux en mieux le technicité. Les comédiens parlent et les ceux de l’Apocalypse, n’est pas au plus ton comique de ses parades mi-médiévales danseurs sont les spectres produits par les mauvais de sa forme. Il y a de belles for - mi-contemporaines. L’équipe d’acteurs mots. mules mais la mise en scène est si sacca - s’est beaucoup renouvelée : Claire Ser - Des mots qui sont trop nombreux. Sur la dée que les acteurs – même l’énergique monne a rejoint les Agnès Sourdillon, Do - durée du spectacle et de la part de Preljo - Philippe Girard – peinent à faire entendre minique Prêt, Nicolas Struve et bien caj, le public attend légitimement plus de un texte dans un déroulement nerveux d’autres. C’est du cirque, de la farce, de la danse que de théâtre ; les descriptions trop jusqu’à être chaotique. Les inconditionnels satire pénétrés de philosophie. Ou bien un longues et trop précises, ne laissent que aimeront le côté cabaret de la soirée, les théâtre de tréteau primitif où l’humanité peu de place à l’imagination. Malgré cela, spectateurs moins indulgents trouveront d’après la création du monde se pose des nous retiendrons quelques très belles la transposition audacieuse mais datée questions bouffonnes et essentielles. C’est images et les scories qui font trainer ce Re - dans sa façon de vouloir moderniser Sha - parodique, plein de références, follement tour à Berratham devraient, comme les kespeare à tout crin. savant mais vif comme les phrases de la marques de la guerre, s’estomper avec le Gilles Costaz rue. On n’aime ou on n’aime pas. De toute temps. façon, c’est génial ! Hadrien Volle Gilles Costaz

78 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 @ RDL PAGES CRITIQUES Chaque semaine de nouvelles critiques sur www.theatral-magazine.com e n g a p e D

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Le faiseur Ivanov Le Misanthrope

[ La dette pour tous, c'est maintenant ! ] [ La ronde des frustrations ] [ Sage et élégant ] de Balzac, mise en scène E. Demarcy-Mota de Tchekhov, mise en scène de Luc Bondy, de Molière, mise en scène de Clément Her - Théâtre des Abbesses, 31 rue des Ab - avec Micha Lescot, Marina Hands... vieu-Léger, avec Loïc Corbery... besses 75018 Paris, 01 42 74 22 77, du Odéon, Place de l’Odéon 75006 Paris, Comédie-Française, Place Colette 75001 25/09 au 10/10 01 44 85 40 40, du 2/10 au 1/11 Paris, 0825 10 1680, du 25/09 au 8/12 C’est en 1840 que Balzac écrit Le faiseur , La dernière pièce de Tchekhov accuse la dif - Le metteur en scène Clément Hervieu- une pièce qui nous parle des folies de la ficulté de vivre et d’aimer de ses héros. Iva - Léger nous propose une version élégante spéculation et des dérives de la finance. nov a renoncé à ses combats ; vieilli, il et moderne du Misanthrope , mais qui par Une pièce étonnante d’actualité, car de entoure d’une affection minimale son excès de tenue, finit par manquer de carac - krach en krach, finalement, les mécanismes épouse qui meurt, prend une nouvelle com - tère. sont toujours les mêmes : accroissement de pagne sans passion, se dérobe à maintes La transposition de la pièce dans une la dette, survalorisation des actifs, effon - obligations et pourrait même ne plus avoir époque récente soulève la question de ce drement et rebelote jusqu’à la prochaine le goût de la vie. Luc Bondy affectionne ce que serait, de nos jours, la figure d'un mi - crise. Le faiseur retrace les hauts et les bas type de pièce complexe et longue (trois santhrope. Celui d’Hervieu-Léger est peu de Mercadet, un débiteur pur sucre qui joue heures et demie !) et fait circuler autour du contrasté, ni trop violent ni trop passionné. avec l'argent et les placements, spécule, personnage principal la ronde lancinante Alceste, incarné par Loïc Corbery, est plu - vend, achète, se grise de cette comédie de des ambitions et des frustrations humaines. tôt intériorisé, dans un style nouvelle l’argent facile. Poursuivi par ses créanciers, L’élégant et vertical décor de Richard Pe - vague, un peu perdu dans son imper trop Marcadet invente mille ruses pour les tenir duzzi sait être concret et abstrait, vaste et grand, et trop "arty" pour vraiment mena - à distance. Pour sa mise en scène, Emma - resserré. Micha Lescot, avec la barbe bien cer l’ordre établi. nuel Demarcy-Mota a conçu un dispositif taillée des anciens révoltés rentrés dans le De même, Célimène, interprétée par Geor - scénique particulièrement original, un rang, campe un Ivanov désabusé, vraiment gia Scalliet, ne verse ni dans le cynisme plancher articulé qui monte et qui descend sombre, différent des êtres largement co - cruel ni dans la frivolité superficielle. Elle un peu comme une métaphore des cours miques qu’il incarne d’habitude. Autour de nous donne à voir une Célimène amou - qui chutent et les actions qui grimpent. lui, rien que des acteurs de premier plan au reuse, qui pardonne tout à son atrabilaire Dans cette mécanique acrobatique, on re - meilleur d’eux-mêmes : Marcel Bozonnet, et le couve de son regard attendri. tiendra surtout la gestuelle dansante de Ariel Garcia-Valdès, Laurent Grévill, Marina Le Misanthrope de Clément Hervieu-Léger, Serge Maggiani en Mercadet charlatan et Hands, Victoire Du Bois, Christiane Co - empreint d’élégance dans les sentiments la loufoquerie déjantée de Valérie Dash - hendy, Chantal Neuwirth… Chaque scène et de beauté dans sa composition, est wood qui incarne l’épouse mondaine de bénéficie d’un détail tricoté au petit point. somme toute très contemporain. Tout est Mercadet. La mise en scène abstraite, non La parole tchékhovienne – cette façon art, tout est amour et, au final, tout est pa - datée, mélangeant les codes vestimen - d’être désenchanté et d’aimer pourtant l’hu - reil. Tout le monde devient un peu Phi - taires et musicaux du XIXe et du XXe, rend manité - nous parvient pleinement, bien linthe, la sagesse et la modération parfaitement compte de la contempora - que Bondy n’ait pas trouvé tout à fait le finissent par gagner toutes les âmes… néité de cette fable drôle et brillante. La moyen d’insuffler un rythme soutenu à Enric Dausset dette pour tous, c’est maintenant ! cette soirée où se superposent tant d’ac - Enric Dausset tions et de personnalités multiples. Gilles Costaz

80 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015 BULLETIN D’ABONNEMENT

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par Jacques NERSON

Olivier Py : pas très fraternel

Toujours la même chanson : en fin de festival, il monte ses propres textes. S’il doit passer à la posté - c’est devenu un rite, le directeur d’Avignon dresse rité, ce n’est pas comme metteur en scène qu’il res - de l’édition qui s’achève un bilan globalement po - tera. sitif, comme on disait naguère à propos des pays de l’Est. Le 24 juillet dernier, Olivier Py a donc affiché En fait, j’ai l’impression qu’il ne s’intéresse pas profon - sa satisfaction pleine et entière. 156.000 entrées. dément aux acteurs. Un vieil habitué de sa troupe à Taux de fréquentation : 93,05 %. Fermez le ban. qui je demandais s’il ne craignait pas de se répéter en Quid de la déception manifestée par la plupart des jouant depuis des lustres avec lui, s’est récrié : “Je n’ai festivaliers ? Quid des critiques assassines de ses aucunement l’impression de me répéter d’un rôle à l’au - adaptation et mise en scène du Roi Lear ? “Qu’on tre !” (Preuve qu’on ne se voit pas comme on nous voit.) n’aime, qu’on n’aime pas, qu’on soit en colère, qu’on Un autre, qui a lui aussi souvent joué avec Py, m’a cer - soit ravi, c’est le jeu d’Avignon, et puis chacun a le tifié que ce berger laisse ses ouailles à l’abandon. Au droit d’aimer ou de ne pas aimer les spectacles du fes - vu de la longue scène du Roi Lear où le vieux souverain tival...“ En somme, tous les goûts sont dans la na - sans couronne bascule dans la folie, scène durant la - ture . quelle les machinistes démontaient le plancher au cen - tre du plateau, ce qui sabotait le travail des acteurs, Seul reproche auquel Py semble être sensible : avoir j’ai tendance à accorder plus de crédit au second té - tiré la couverture à lui en programmant deux spec - moignage... tacles de son propre cru, Le Roi Lear dans la Cour d’honneur du Palais des papes et Hacia la alegria Quoi qu’il en soit, ça arrive de rater un spectacle. Les (Vers la joie) à Vedène. Il promet d’être moins glou - ennemis d’Olivier Py ont tort de le traiter d’ has been . ton la prochaine fois. Que celui qui n’a jamais fait de bide lui jette la pre - mière tomate. Bizarre en revanche que personne ne Pour ma part, même si je trouve qu’il s’est imprudem - lui ait reproché l’absence presque totale de jeunes ment exposé aux critiques, je ne lui fais pas grief dramaturges français dans sa programmation - à l’ex - d’avoir présenté deux spectacles. Remettant les clefs ception d’Olivier Saccomano pour Soudain la nuit . On d’Avignon à un artiste plutôt qu’à un technocrate, pouvait penser que le festival leur serait désormais l’Etat et la Ville devaient bien s’attendre à ce qu’il ouvert. On dirait au contraire qu’Olivier Py n’a pas l’in - mette ses œuvres en vitrine. tention de leur ménager la moindre place à Avignon. Serait-il de ces oisillons qui balancent leurs frères hors Il est vrai que son Roi Lear n’était pas glorieux. Ni du nid pour boulotter seuls la pâture ? l’adaptation, ni la mise en scène. A vrai dire, aucun de ses spectacles ne m’a jamais emballé. Sauf quand

82 Théâtral magazine Septembre - Octobre 2015