Photographie de couverture : Le Cerisier. Plan général. En noir, l'industrie lithique. En grisé, les galets du pavage. LE PALÉOLITHIQUE SUPÉRIEUR DE PLEIN AIR EN PÉRIGORD IX. Abbé P. MOUTON et R. JOFFROY, Le gisement aurignacien des Rois à Mouthiers (Charente), 1958.

Déjà parus dans la même collection : I. G. CORDIER, Inventaire des mégalithes de la , 1. Indre-et-Loire, 132 p., 40 fig., 33 pl., 1963 (épuisé). M. GRUET, Inventaire des mégalithes de la France, 2. Maine-et-Loire, 348 p., 97 fig., 8 pl., 1967 (épuisé). J. DESPRIÉE et Cl. LEYMARIOS, Inventaire des mégalithes de la France, 3. Loir-et-Cher, 252 p., 147 fig., 19 pl., 1974. J. PEEK, Inventaire des mégalithes de la France, 4. Région parisienne, 410 p., 37 fig., dont 1 dépl., 1975. J. CLOTTES, Inventaire des mégalithes de la France, 5. Lot, 560 p., 185 fig., 22 tableaux, 9 pl., 1977. G. GERMOND, Inventaire des mégalithes de la France, 6. Deux-Sèvres, 290 p., 121 fig., 8 pl., 1980. II. G. BAILLOUD, Le Néolithique dans le Bassin parisien, 394 p., 52 fig., 7 pl., 1964 (réimpression, 1979). III. A. NIEDERLENDER, R. LACAM et J. ARNAL, Le gisement néolithique de Roucadour (Thémines-Lot), 226 p., 16 pl., 1966. IV. M-N. BRÉZILLON, La dénomination des objets de pierre taillée. Matériaux pour un vocabulaire des préhistoriens de langue française, 417 p., 227 pl. h.-t., 1968 (réimpression, 1977). V. H. de LUMLEY-WOODYEAR, Le Paléolithique inférieur et moyen du Midi méditerranéen dans son cadre géologique. Tome I, 1969, Ligurie-Provence, 476 p., 353 fig. au trait, 24 tableaux dont 6 dépliants h.-t. Tome II, 1971, Bas-Languedoc-Roussillon - Catalogne, 454 p., 300 fig. au trait dont 2 dépliants h.-t., 9 tableaux. VI. Béatrice SCHMIDER, Les industries lithiques du Paléolithique supérieur en Ile-de-France, 1971 224 p., 109 fig. au trait (épuisé). VII. A. LEROI-GOURHAN et M. BRÉZILLON, Fouilles de Pincevent. Essai d'analyse ethnographique d'un habitat magdalénien (La section 36), 1972. I. Texte, 334 p., 148 fig. au trait, 177 fig. en simili, 1 dépliant. II. Plan en 10 feuilles. VIII. B. CHERTIER, Les nécropoles de la civilisation des Champs d'Urnes dans les marais de Saint-Gond (Marne), 1976, 180 p., 38 fig., 10 pl. h.-t.. IX. Cl. et D. MORDANT, J.-Y. PRAMPART, avec la collaboration de J. BOURHIS, J. BRIARD et J.-P. MOHEN, Le dépôt de Bronze de Villethierry (Yonne), 1976, 240 p., 190 fig., 35 tableaux. X. J. TARRÊTE, Le Montmorencien, 1977, 224 p., 71 fig., 8 pl. XI. Catherine GIRARD, Les industries moustériennes de la grotte de l'Hyène à Arcy-sur-Cure (Yonne), 1978, 230 p., 77 fig., 7 pl. h.-t. XII. Arl. LEROI-GOURHAN, J. ALLAIN et L. BALOUT, C. BASSIER, R. BOUCHEZ, J. BOUCHUD, C. COURAUD, B. et G. DELLUC, J. EVIN, M. GIRARD, A. LAMING-EMPERAIRE, A. LEROI-GOURHAN, M. SARRADET, F. SCHWEINGRUBER, Y. TABORIN, D. VIALOU, J. VOUVÉ, inconnu (Dordogne), 1979, 384 p., 387 fig., 27 pl. dont 4 en coul., 24 × 30 rel. XIII. Danielle STORDEUR-YEDID, Les aiguilles à chas au Paléolithique, 1979, 234 p., 39 fig., 8 pl. h.-t. Sous presse : G. GAUCHER, Sites et cultures de l'Age du Bronze dans le Bassin parisien. En préparation : G. TASSÉ, Les pétroglyphes du Bassin parisien. Jean GAUSSEN

LE PALÉOLITHIQUE SUPÉRIEUR DE PLEIN AIR EN PÉRIGORD (INDUSTRIES ET STRUCTURES D'HABITAT) SECTEUR - SAINT-ASTIER MOYENNE VALLÉE DE L 'ISLE

XIV supplément à « GALLIA PRÉHISTOIRE »

Ouvrage publié avec le concours du Ministère de la Culture et de la Communication Service des Fouilles et Antiquités

ÉDITIONS DU CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE 15, quai Anatole-France – 75700 PARIS 1980 © Centre National de la Recherche Scientifique, Paris, 1980 ISBN 2-222-02630-X PRÉFACE

La préhistoire, en un siècle et demi, a vu évoluer et s'approfondir ses méthodes, mais elle a eu beaucoup d'effort à faire pour concilier les tendances de sa double nature. Elle tient par un côté aux sciences de la Terre, par l'autre côté aux sciences humaines. Sortie simultanément de la réflexion des philosophes et de celle des naturalistes du XVIII siècle, elle a été partagée dès ses premiers jours, dans la pensée même de ses créateurs, entre le témoignage de la stratigraphie des géologues et paléontologues et les grandes idées générales qui ne sont jamais tout à fait parvenues à une paléo-ethnologie. L'appel à la précision scientifique est normalement parvenu au stratigraphe, d'autant plus aisément que la stratigraphie est dispensatrice de noms de périodes classables en tableaux chronologiques, c'est-à-dire qu'elle est transformatrice du chaos originel en cadres prolongeant vers le passé les cadres historiques. L'objet, témoin éminemment culturel, promu symptomatiquement au rang de «fossile directeur », y a perdu une partie de sa valeur comme participant à l'élaboration d'un contexte culturel. Deux tendances caractérisent l'évolution des études de préhistoire: la « verticale » dans laquelle prime la stratigraphie, et l'« horizontale » sur laquelle règne la planigraphie. La verticale est adoptable à peu près en toute situation, alors que l'horizontale qui décape la surface des sols préhistoriques n'est applicable que lorsque les vestiges d'un même niveau ont entre eux des rapports de structure intelligibles. On peut, pour les temps antérieurs au Paléolithique moyen, penser que la plupart du temps, les témoins sont privés de tout lien anthropique dans leur situation. La stratigraphie peut alors jouer un rôle exclusif, quoiqu'il soit certain que, depuis les temps les plus anciens, les chances existent de retrouver des indices culturels encore organisés. Pour le Paléolithique moyen et supérieur et en site clos ou en plein air, les risques de dilapider de l'information la plus précieuse deviennent grands et la responsabilité du fouilleur d'autant plus lourde qu'il n'a aucune excuse à invoquer. Ces dernières années, les anthropologues ont jugé utile d'étendre le titre de Homo sapiens à l'homme de Néandertal. Cette initiative, pour louable qu'elle soit, est essentiellement fondée sur des données culturelles éparses, étiques, à peine suffisantes pour lui accorder un certain talent de fabricant d'outils, la connaissance de l'ocre et une sépulture décente. Sauf quelques généralités, que savons-nous de l'habitat de notre cousin Sapiens neandertalensis ? Des quelques centaines de sites couverts ou de plein air qui ont été fouillés, que reste-t-il au compte paléo-ethnologique qui n'ait été déjà dit depuis cinquante ans ? Il en a longtemps été de même pour le Paléolithique supérieur. En France, la richesse extraordinaire de quelques sites périgourdins ou pyrénéens en grotte ou sous abri a longtemps fait oublier que les sites de plein air existaient et qu'ils pouvaient donner des informations très intéressantes sur la société paléolithique, magdalénienne en particulier. Le présent ouvrage constitue une heureuse alliance des deux faces de la préhistoire : stratigra- phie et planigraphie s'y combinent dans une méthode d'observation et de traitement originale et parfaitement adaptée au caractère particulier des sites de la région de Mussidan dont le Dr J. Gaus- sen a révélé l'existence. La recherche des habitations est liée aux conditions locales de gisement, les unités d'habitation sont constituées par un pavage et recouverts de sédiments suffisamment meubles pour pouvoir être traversés par une tringle de forme appropriée. Ces sols pavés ont été découverts dans une dizaine de sites, généralement accompagnés d'une industrie du Paléolithique supérieur plus ou moins abondante et plus ou moins perturbée par l'agriculture. Il est intéressant de noter que ces revêtements de sol, constitués par des galets, sont fréquemment de contour quadrangulaire, ce qui suggère l'implantation de superstructures différentes du commode « tipi» de peau ou d'écorce. Très prudent et à juste titre, l'auteur ne s'engage pas dans des reconstitutions hasardeuses, mais il se limite à l'apport très substantiel des documents exceptionnels qu'il a découverts. Un solide exposé de méthode et une étude typologique très soignée des nombreux docu- ments lithiques recueillis complètent le remarquable ensemble ici présenté par le Dr Jean Gaussen. André LEROI-GOURHAN Membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres Professeur au Collège de France AVANT-PROPOS

L'ouvrage que je propose aujourd'hui à la critique du lecteur et pour lequel je réclame sa compréhensive indulgence, est celui d'un amateur que rien au départ ne destinait à ce genre de recherches. Des circonstances fortuites l'y ont amené. Ce fut tout d'abord la lecture d'une œuvre de vulgarisation que certains esprits chagrins hésiteront à qualifier de scientifique. Il s'agissait du livre de Herbert Wendt «A la recherche d'Adam ». Sa lecture n'était pas achevée que déjà la Préhistoire m'avait saisi. J'achetais d'autres ouvrages; l'un d'eux, «Eléments de Préhistoire» de Denis Peyrony, m'apprit que j'habitais non loin d'une grotte ornée, celle de Gabillou, dans la commune voisine de . Pour y pénétrer, je dus l'acquérir et ce fut le début d'une heureuse succession de chances et de hasards qui ne m'ont jamais aban- donné en matière d'archéologie préhistorique. Propriétaire de Gabillou, je voulus connaître ceux qui l'avaient déjà prospectée. Les uns avaient disparu, d'autres étaient très loin. J'invitais Pierre David; il vint et me permit de connaître François Bordes. Je le rencontrai à Marquay, et, de ce jour commença une amitié qui n'a fait que se renforcer avec le temps. C'est à lui que je dois tout ce que la Préhistoire a pu m'apporter de satisfactions d'amour propre. Je lui suis redevable de la parution de Gabillou dans la publication des annales de l'Insti- tut de Préhistoire de l'Université de Bordeaux. Je lui dois toutes les autorisations de fouilles qui m'ont été accordées; je lui dois ma nomination de correspondant des antiquités préhistoriques pour l'ouest du département; je lui dois enfin la chose la plus précieuse qu'un élève puisse espérer de ses maîtres, le sentiment d'une cer- taine estime. L'attention d'emblée bienveillante que voulut bien m'accorder le Professeur Leroi- Gourhan fut pour moi une autre circonstance extraordinaire. Mon amour propre lui est reconnaissant de l'honneur qu'il m'a fait en citant mes recherches dans son cours inaugural au Collège de France. Je le remercie infiniment de m'avoir, sans la moindre réticence, offert son aide pour la publication de mes travaux. La chance voulut encore que Jean-Pierre Texier entreprenne l'étude géologique de la vallée de l'Isle et me fasse part du résultat de ses travaux tout en m'enseignant quelques notions élémentaires en matière de géologie du Quaternaire. L'aide m'est venue parfois de très loin. Le professeur Hallam Movius de l'Uni- versité de Harvard, et le professeur James Sackett de l'Université de Californie m'ont apporté leur appui moral et matériel. Qu'ils en soient ici chaleureusement remerciés. Tous les préhistoriens et spécialistes de disciplines annexes auxquels j'ai souvent demandé des services ont toujours répondu avec une extrême gentillesse, et, dans ce monde que l'on dit parfois agressif et rancunier, je n'ai rencontré que des amis. Je voudrais plus particulièrement citer M de Sonneville-Bordes dont l'aide m'a été extrêmement précieuse; M. Jean-Philippe Rigaud, nouveau directeur des Antiquités et aussi bienveillant à mon égard que son prédécesseur; Henri Laville qui m'a fourni de nombreux renseignements sur la sédimentologie de Solvieux; Elie Peyrony dont l'hospitalité généreuse s'est manifestée pour moi dans tous les domaines et Paul Fitte qui a mis ses riches séries à mon entière disposition. Beaucoup de personnes du monde scientifique m'ont fait le plaisir de venir examiner mes fouilles ou mes récoltes. Pour un amateur, cela constitue le plus pré- cieux des encouragements et je n'oublierai jamais que ces visites ont été parfois l'aiguillon nécessaire au cours des périodes de lassitude et de découragement. Mes remerciements ne sauraient les atteindre tous. L'Abbé Breuil, L. Vertes, le Professeur Pittard, A. Cheynier ont disparu. J'ai eu le plaisir, et mes gisements l'honneur, d'avoir la visite de MM. Jean Piveteau, Lionel Balout, Max Escalon de Fonton, Eugène Boni- fay, Jacques Tixier, Gérard Bailloud, Gabriel Camps, Henri Lhote, Henri de Lumley, P. Boriskovski et de quelques autres personnalités dont l'omission est ici absolument involontaire. Je dois ouvrir un chapitre spécial pour Jean-Claude Moissat qui, inlassablement, a parcouru les terres et les bois à la recherche des silex paléolithiques. Un flair extraordinaire, véritable don de la découverte, lui a fait « inventer » plus de la moitié des sites magdaléniens qui sont étudiés dans cet ouvrage. Ses trouvailles ne se sont pas arrêtées là puisqu'il a, à son actif, la découverte de très nombreuses stations dont l'éventail s'étend du Paléolithique inférieur jusqu'à la civilisation gallo-romaine. L'administration des Ponts et Chaussées que j'ai largement mise à contribution pour toutes les précisions dont j'ai eu besoin en matière de topographie a droit à tous mes remerciements. Beaucoup de mes fouilles n'auraient pu être menées à bien si je n'avais béné- ficié de l'aide efficace et désintéressée de MM. Pierre Breau, Jean-Paul Choucherie, Michel Laporte, Philippe Prot et deux amis de longue date : les frères Coustillas de Beauronne. Je ne saurais oublier que tous les propriétaires de la région m'ont accordé la permission de parcourir leurs champs, voire même, de détruire quelques arpents de leurs récoltes. Qu'ils en soient remerciés ainsi que les propriétaires de gisements, et en particulier M. Spount pour Solvieux, M. Parrain pour le gisement auquel j'ai donné son nom, M. Salmon pour le Cerisier, M Décoly pour Le Mas-de-Sourzac, M. Tronche pour Le Breuil, M. Pinchaud pour Guillassou et enfin, M. et M Biret pour La Croix-de-Fer. Je voudrais enfin, bien simplement, remercier toute ma famille et en particulier mon épouse; sans elle cet ouvrage n'aurait jamais vu le jour. INTRODUCTION

Arrivé au terme de quinze années de recherches, il nous paraît opportun de publier nos travaux, et aussi de faire profiter le lecteur d'une certaine expérience que nous pensons avoir acquise en matière de sites de plein air du Paléolithique final. La découverte d'une quinzaine de lieux de campement, leur prospection systé- matique amenant la mise au jour de onze « fonds de cabane » avec pavages de sol parfois très bien conservés, nous autorisent sans doute cette prétention. Notre étude est donc axée sur les stations du Paléolithique supérieur de plein air. Ces gisements, appelés jadis avec un sens quelque peu péjoratif : stations de surface, sont depuis peu devenus les « vedettes de l'actualité préhistorique ». Jusqu'au lendemain de la dernière guerre, ils n'attiraient pas l'attention des chercheurs sérieux et paraissaient réservés aux amateurs locaux et aux collectionneurs de silex. Leur intérêt semblait être secondaire car ils étaient a priori considérés comme dépourvus de faune, d'industrie osseuse et surtout de stratigraphie. L'on connaissait certes, depuis longtemps, l'existence des grands campements de plein air des plaines de l'Europe centrale et de la Russie méridionale, mais il parais- sait s'agir là d'un phénomène local, à grande échelle sans doute, mais sans équivalent en Europe occidentale. Durant tout le Paléolithique supérieur, notre pays, pensait-on, était peuplé par les hommes des cavernes vivant au chaud dans les grottes ou les abris sous roche, cependant que de pauvres hères parcouraient les grands espaces et grelottaient de froid sous leurs tentes. Nous forçons un peu la note, mais dans l'ensemble les choses se présentaient bien ainsi et les préhistoriens des pays de l'Est faisaient un peu figure de parents pauvres. En France, il faudra attendre la décou- verte de Pincevent pour que le plein air acquière enfin droit de cité. Pour bien comprendre l'indifférence portée à ce type d'habitat, il nous faut remonter à plus d'un siècle en arrière, aux tous premiers débuts des études préhis- toriques. Alors la haute antiquité de l'homme commence à être admise mais encore avec beaucoup de réserve et de réticence. Ce sont les paléontologues qui vont démon- trer cette ancienneté en exhumant des vieux dépôts humains les restes d'une faune disparue depuis longtemps. Les restes d'hippopotames, de rhinocéros, de mammouths, de hyènes, d'ours des cavernes, démontrent à l'évidence que l'humanité existait bien avant les gaulois et les celtes, et pendant longtemps l'outillage ne sera préhistorique que dans la mesure où il sera associé à des restes d'animaux disparus. Que ce soit dans les ballastières ou dans les abris sous roche, la faune est indispensable aux chercheurs. Sa recherche est d'autant plus active que chacun caresse l'espoir de découvrir, mélangés aux ossements animaux, quelques débris qui permettront d'éta- blir enfin le portrait de cet inconnu qu'est encore l'homme préhistorique. En somme la recherche et l'étude des hommes anciens passe par la faune et l'on comprend que les recherches en plein air dans les terrains vierges de tous restes osseux n'inté- ressent guère les premiers archéologues en préhistoire. Les années passent, riches en découvertes, et nous arrivons dans la deuxième moitié du 19 siècle. L'antiquité de l'homme n'est plus contestée et la préhistoire repose désormais sur des bases solides. Le problème qui va maintenant dominer les recherches est celui de la succession des diverses étapes qui ont jalonné les débuts de l'humanité. La stratigraphie entre alors en scène et les géologues prennent le pas sur les naturalistes. Subdiviser et surtout établir les relations chronologiques entre les diver- ses cultures devient le principal problème de la préhistoire. Tout naturellement les recherches s'orientent vers les grottes et les abris sous roche. Là, les vestiges humains se superposent disposés en strates plus ou moins régulières et l'épaisseur de ces dépôts atteint parfois des dimensions considérables. L'étude de ces couches et de leur position relative va constituer pendant longtemps l'essentiel des recherches préhistoriques. Dès lors la fouille des gisements à occupations multiples est seule capable d'inté- resser les chercheurs et les stations de plein air supposées par principe sans strati- graphie sont systématiquement délaissées. Nous parlons ici du Paléolithique supé- rieur car pour le Paléolithique ancien les choses se présentent de manière un peu différente. La stratigraphie n'est pas la seule raison qui attire les préhistoriens vers les abris sous roche et les éloigne du plein air. Les habitats troglodytes souvent très riches apportent l'assurance d'une abondante moisson de documents. L'os y est fré- quemment conservé et sa présence ne fait qu'accroître l'intérêt du gisement. A toutes ces raisons vient s'en ajouter une autre qui nous fait rentrer dans le do- maine de la philosophie des recherches scientifiques. L'étude du Paléolithique supérieur a pris son essor sous les surplombs qui dominent la Vézère et dès lors le domaine de l'homme de Cro-Magnon va devenir l'Eldorado des préhistoriens du monde entier. Peu à peu se crée la notion que les études sérieuses ne peuvent se faire que dans les grands gisements sous roche. Tous ces travaux sont suivis avec intérêt par de nombreux profanes qui s'initient tant bien que mal à la préhistoire pour essayer de voler de leurs propres ailes. Avec l'ardeur qui caractérise les néophytes ils piochent, grattent, détruisent un peu mais découvrent beaucoup. Leur effort portant toujours sur la base des falaises c'est là, évidemment, que les trouvailles se produisent et la notion de l'homme troglodyte s'accrédite de plus en plus. Le plein air est délaissé. La trouvaille en plein champ de de quelques silex taillés du Paléolithique supérieur sera presque obligatoirement négligée : un hasard ou bien quelques outils perdus au cours d'une expédition de chasse, ou encore un ancien abri vidé. Si l'outillage n'est pas très caractéristique on l'attribuera selon les cas au Néolithique, au Campignien, au Moustérien, voire même à l'Acheuléen mais en aucun cas au Paléolithique supérieur « qui ne se trouve pas en plein air ». Nous en avons fait l'expérience lors de la découverte du gisement de Solvieux. Un amateur connu auquel nous avions fait part de notre trouvaille nous répondit textuellement : « en plein champ, cela m'étonne. D'ailleurs, il ne peut pas s'agir de Paléolithique supérieur puisqu'il n'y en a pas dans votre région... ». Un second nous affirma au vu de quelques gros éclats : « ... c'est du campignien... ». Un ancien prési- dent de la société préhistorique française aujourd'hui décédé, examina l'outillage, les couches en place, le site, puis avec comme un regret dans la voix : « Inconstablement c'est du Paléolithique supérieur, mais je m'explique mal la situation du gisement ». Bref, la station de plein air était considérée comme une exception, presque une anomalie dont l'étude ne présentait pas un grand intérêt scientifique. Il est vrai que les recherches y étaient le plus souvent décevantes et que les quelques sondages que l'on y pratiquait ne rencontraient jamais de couche en place (nous en expliquerons les raisons par la suite). Or les restes d'habitat de plein air sont sans doute innom- brables et de toute manière infiniment plus nombreux que les gisements sous abri. Supposons un instant que dans la vallée de l'Isle les hommes de l'âge du renne aient établi 2 ou 3 campements par an (ces chiffres hypothétiques ne nous paraissent pas exagérés) ; cela représente près de 50 000 stations qui n'ont pas toutes été détruites par le temps. Nos découvertes le prouvent à l'évidence. Que peuvent nous apporter les stations de plein air ? Si leur étude n'aboutissait qu'au simple apport de séries lithiques nouvelles, leur intérêt serait assez banal, mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit. La Préhistoire n'est pas seulement l'étude des paléo-techniques, c'est avant tout celle de l'homme, c'est-à-dire celle de son milieu et de toutes ses activités. Le plein air constitue une source d'enseignement très fécond à cet égard. Il peut en particulier nous apporter des précisions sur les habitats. Or, l'homme est inséparable de sa demeure. Il en choisit le site, l'emplacement et la façonne selon ses besoins et ses goûts. Elle est le reflet de son activité et de son rang social. Une excellente conservation des demeures nous apporterait des enseignements excessivement précieux. Les habitations du Paléolithique supérieur ont souvent marqué le sol de traces indélébiles qu'il suffit de savoir interpréter. A Pincevent, à Corbiac, au Pont-du-Gard, les fouilles actuelles mettent en évidence des traces d'ha- bitat particulièrement bien lisibles. Ces découvertes sont encore trop rares et trop clairsemées pour qu'on puisse les situer dans un cadre cyclo culturel, mais ce but devrait être atteint le jour où les stations de plein air auront enfin suscité l'intérêt qui doit logiquement leur revenir. L'importance des sites et le nombre des foyers devraient nous fournir les renseigne- ments démographiques que nous ne possédons pas encore. De vastes décapages mettant au jour tout un campement révéleraient peut-être l'existence de spécialisation dans le travail. Nous connaissons bien les outils, à condi- tion qu'ils soient en silex, mais nous ne savons guère comment ils étaient utilisés. Dans les abris sous roche, la plupart des déchets vont à la même « décharge publique ». En plein air, il est logique d'espérer un mélange moins intime des résidus industriels. S'il y a eu spécialisation dans le travail nous devons en retrouver les traces sous forme de concentration d'outils et de déchets. L'existence d'activités saisonnières ou locales peut également être démontrée. La pêche par exemple pourrait se traduire par une fréquence particulière de certains types industriels dans les sites de bord de rivière. Dans les terrains où l'os est bien conservé, les enseignements sont plus grands encore. L'étude de la faune peut fournir une foule de renseignements concernant les périodes de chasse, les techniques de dépeçage, le nombre, l'âge et le sexe des animaux abattus. Par déduction, on peut être renseigné sur la saison, la durée de l'habitat et l'importance numérique du groupe. Ce sont là des renseignements que les grands abris sous roche avec leurs riches vestiges ne fournissent qu'avec beaucoup de difficultés. Le système social, la démo- graphie, les activités saisonnières et les travaux spécialisés n'y apparaissent pas clairement. L'évolution générale d'une culture s'y manifeste avec netteté mais les diverses étapes sont difficiles à saisir. Sur ce point le plein air peut prendre le relais de la stratigraphie fine, et le plus remarquable dans ce genre d'études est que les gisements les plus pauvres peuvent être parfois les plus intéressants. Le qualificatif de pauvre perd ici tout son sens péjoratif puisqu'il signe le moment bref d'une civili- sation. Terme ultime de la stratigraphie fine l'étude des petites stations de plein air nous offre de riches perspectives dans le domaine des évolutions culturelles. Connaître l'homme, son milieu, ses activités, et cela au cours des années, des saisons et des jours, n'est-il pas le rêve du préhistorien ? PREMIÈRE PARTIE

GÉNÉRALITÉS

L'ESPACE ET LE TEMPS

Le cadre géographique

Notre étude n'a pas pour cadre une entité géographique bien précise. Elle corres- pond simplement à l'aire de recherche d'un préhistorien amateur. Cette aire est située à l'ouest du département de la Dordogne, de part et d'autre de l'Isle, dans la partie délimitée en amont par la ville de Saint-Astier et en aval par celle de Mussidan. Elle représente un secteur long de 15 km environ qui couvre tout ou partie des communes de Saint-Léon-sur-l'Isle, de Neuvic-sur-l'Isle, de Saint- Germain-du-Salembre, de Douzillac, de Saint-Front-de-Pradoux, de Saint-Louis-en- l'Isle, de Sourzac et de Mussidan. Il s'agit en somme de la partie terminale de la moyenne vallée de l'Isle (fig. 1). Ce cours d'eau (longueur : 235 km) né dans le Limousin aux environs de la ville de Nexon, peut être divisé en effet en 3 segments. Le cours supérieur correspond à la traversée des terrains cristallins. A partir de Corgnac, c'est la moyenne vallée qui s'étend entre les formations secondaires qu'elle abandonne à Mussidan. Après cette ville et jusqu'à son confluent avec la Dordogne à Libourne, elle n'est plus désormais environnée que par des sédiments quaternaires : c'est la basse vallée. Dans la partie qui nous intéresse, elle est rejointe sur sa rive gauche par les eaux du Vern 1 et de la Crempse, et sur la rive droite, par celles du Salembre et de la Beauronne. A propos de ce dernier ruisseau signalons que deux autres affluents de l'Isle portent ce même nom. Le plus en amont est bien connu des préhistoriens pour passer au pied du gisement de à Chancelade et se jeter dans l'Isle après avoir cotôyé le bord ouest du site de plein air de Gour-de-l'Arche. La troisième Beauronne, affluent de la rive gauche, rejoint la rivière à quelques kilomètres en aval de Saint-Médard-de-Mussidan. De Saint-Astier à Mussidan, l'Isle assez sinueuse chemine dans une vallée dont la largeur ne dépasse jamais 2 km. C'est là son dernier parcours étroit. La déclivité y est moyenne passant de 73 m à Saint-Astier à 42 m un peu au-dessous de Mussidan, soit 17 km à vol d'oiseau. Son cours, régularisé par dix barrages dont deux hydro- électriques n'est pas très rapide. Les crues, rares, ne sont jamais très importantes.

1. Cours d'eau qui offre cette particularité d'être souterrain sur 10 km environ, soit plus du tiers de son parcours. 2. Par un curieux hasard ces deux barrages, Coly et La Caillade, situés en amont et en aval de Saint-Louis-en-l'Isle, ont donné leur nom à un site préhistorique. Celle de 1944 a atteint à Neuvic (barrages de l'usine Marbot à Planèze) la cote de 4,20 m au-dessus du niveau moyen des eaux. Tout le fond de la vallée est occupé par des dépôts quaternaires représentés essentiellement par des terrasses fluviatiles. La carte géologique3 y distingue deux types d'alluvions : modernes et anciennes. Cette distinction mérite des nuances. J.-P. Texier répertorie au moins quatre niveaux d'étagement des terrasses : le premier à 2 ou 3 m au-dessus du niveau moyen de la rivière, le deuxième à 6 ou 8 m, le troisième à 12 ou 15 m et le quatrième à 22 ou 24 m. Il en existe peut-être un cin- quième par 55 m d'altitude relative. Ces diverses terrasses à surface d'ordinaire hori- zontale ou légèrement inclinée vers la rivière sont, par endroits, très nettes et séparées par des dénivellations bien marquées. Elles sont particulièrement visibles sur la rive gauche dans les terrains compris entre Neuvic et Sourzac. La plupart de ces terrasses sont recouvertes par des formations détritiques de type périglaciaire constituées par des dépôts limono-sableux développés parfois sur plusieurs mètres d'épaisseur. Les versants de la vallée généralement peu abrupts sont constitués par des dépôts de pente connus dans la région sous le nom de castines. Ils sont formés de fragments de roche calcaire empruntés aux étages campaniens et maestrichtiens, et inclus dans un contexte argilo-sableux mélange d'argiles de décalcification et de divers apports tertiaires venus des hauteurs voisines. Leur âge n'a pas encore été déterminé mais la plupart paraissent dater des premiers épisodes würmiens. Certains sont toutefois beaucoup plus récents 5 Le crétacé n'apparaît à nu qu'en de rares endroits. Le plus souvent, il est mis en évidence au niveau des coupures faites par les routes ou la voie de chemin de fer et dans les carrières de pierre à bâtir, abandonnées actuellement en raison de la mauvaise qualité de la roche. Les dernières exploitations se situeraient aux environs de 1860. Les collines qui bordent l'Isle ont leur sommet en forme de plateaux plus ou moins vallonnés. Elles dominent la rivière par des altitudes relatives qui dépassent rarement 100 m. Le point le plus haut est Guillassou avec 120 m de dénivellation. Tous ces plateaux possèdent un revêtement constitué par un épandage plus ou moins continu de formations détritiques continentales connues sous l'appellation géologique de « Sables du Périgord ». Des travaux récents les dateraient de l'Eocène moyen. L'existence d'un sidérolithique de base est encore sujet à controverse. Dans la partie ouest et sur la rive droite de l'Isle, ces dépôts tertiaires se développent sur de grandes épaisseurs, donnant à la région une physionomie très particulière. C'est la « Double du Périgord» ou « Sylva Edobola », contrée à sol imperméable caractérisée par ses terres ingrates, ses étangs, ses carrières de terres réfractaires et d'argiles, et ses maisons en torchis 6 3. Carte de Bergerac n° 182, 2 édition. 4. Figurent sous cette appellation, outre les dépôts récents, la terrasse würmienne et parfois aussi l'étage inférieur du Riss. 5. A proximité de Gabillou, un sondage effectué dans un dépôt de pente, a découvert à sa base un tesson attribuable à l'époque de La Tène (détermination : Dr Riquet). 6. Et aussi par le paludisme qui y régnait encore au début du siècle dernier. La Double fut l'un des derniers refuges de l'endémie paludéenne en France. FIG. 1. — Carte générale de la région étudiée. Un carré noir indique les principaux gisements du Paléolithique supérieur. Région traditionnellement agricole, la vallée de l'Isle voit ses terrains cultivés en nette régression depuis une trentaine d'années. Ils occupent les zones basses, à l'exclu- sion toutefois des terres inondables, domaine exclusif des pacages naturels. Les versants des coteaux jadis occupés par la vigne, sont de plus en plus incultes, et le début de cet abandon date de la grande invasion de phylloxera qui a ravagé le vignoble français à la fin du siècle dernier. Le sommet des coteaux qui eut son ère de prospérité à l'époque médiévale est de plus en plus le domaine des taillis de chênes et de chataîgniers que le pin maritime tend peu à peu à supplanter. Il faut noter cependant que certains de ces bois ont une haute antiquité et que leur sol n'a jamais été cultivé depuis l'époque néolithique Contrastant avec une agriculture plutôt décadante ou pour le moins stationnaire, l'industrie est en expansion depuis une vingtaine d'années. La présence à Mussidan, Neuvic, Saint-Astier, Saint-Germain de plusieurs usines dont l'une compte plus de 1 600 personnes a accru la population de façon très sensible. Cette poussée démogra- phique a pour corollaire un accroissement des constructions avec tous les risques que cela comporte pour les gisements préhistoriques et en particulier pour les stations de plein air 8

Historique des recherches

Dès le début des recherches préhistoriques du XIX siècle, la basse vallée de l'Isle va attirer l'attention des antiquaires. Dans un ouvrage monumental « Les Antiquités de Vésone» publié en 1821 Wlgrin de Taillefer fait un inventaire très complet de tous les vestiges anciens du département de la Dordogne. La région y figure en bonne place. Wlgrin de Taillefer note des vestiges gaulois (tous les vestiges préhistoriques sont encore datés de l'époque gauloise) en de nombreux endroits du secteur Mussidan - Saint-Astier.

7. C'est le cas de certains plateaux qui dominent la rive droite de l'Isle. A Puy-de-Pont près de Neuvic, au Tuquet près de Saint-Léon-sur-l'Isle, le Néolithique est parfois en place immédiatement sous l'humus. Il semble même qu'en quelques points il n'y ait eu aucun bouleversement géologique ou humain depuis le début du Würm. A Bois-Carré, entre Douzillac et Beauronne, le Moustérien se rencontre apparemment bien en place à quelque 10 à 15 cm de profondeur. 8. Presque tous nos gisements de plein air sont menacés. Solvieux a failli être partiellement détruit et scellé par la construction d'une route; une rapide et énergique intervention de la Direction des Antiquités préhistoriques et la compréhension bienveillante de l'administration des Ponts et Chaussées l'ont sauvé. Guillassou a vu construire un château d'eau qui par miracle a épargné les couches encore en place. La Côte a été l'objet de fouilles d'urgence motivées par une construction. D'autres maisons ont été bâties depuis et ont définitivement soustrait la station à la curiosité des préhistoriens. Le Breuil est menacé un peu plus tous les ans. A La Caillade, une maison construite l'an passé a peut-être atteint les couches en place qui existent certainement en cet emplacement. Le Mas-de-Sourzac n'a encore subi aucun dommage mais la menace ne saurait tarder. Seuls à ce jour, Le Plateau Parrain et Le Cerisier (tout au moins ce qu'il en reste) ne sont pas menacés par l'urbanisme. Dans la commune de Neuvic-sur-l'Isle où le plan de l'occupation des sols est en voie d'achèvement, la Direction des Antiquités préhistoriques a fait inclure les principaux sites archéologiques dans la zone non constructible, mais la plupart des autres communes n'ont encore aucune réglementation en matière d'urbanisme. 9. W. DE TAILLEFER, Les antiquités de Vésone, 1821. Il s'agit de recherches antérieures à la révolution française. Wlgrin de Taillefer, émigré en 1790, ne revint en France que sous l'Empire. Dolmens ou autels druidiques près de Talabot dans la commune de Sourzac; aux Béarnais entre Saint-Vincent-de-Connezac et Beauronne ; à Peyrebrune près de Saint- Aquilin; sur le chemin de Mussidan à Sourzac; dans la plaine de Mussidan. Peulvans ou obélisques gaulois près de Mussidan, près de Mauriac dans la commune de Douzillac, à Peyretou près de Grignols. Tombeaux gaulois ou monticules funéraires à Puy-de-Pont dans la commune de Neuvic, à Mauriac dans la commune de Douzillac, à Grignols, à La Vigerie près de Saint-Aquilin. D'autres vestiges enfin, plus ou moins bien conservés, dans la plupart des com- munes déjà citées. Nous ne reprendrons pas en détail les divers inventaires qui vont se succéder par la suite 10 La plupart ne font que recopier les précédents, lesquels sont puisés dans l'ouvrage de Taillefer. Ils y ajoutent quelques découvertes isolées et parfois aussi des erreurs 11 Les premières recherches actives débutent en 1872. En octobre de cette année-là, le comte de Mellet et M. de Gourcy, châtelain à Neuvic, entreprennent des fouilles dans une petite grotte qui s'ouvre sur la pente des coteaux surplombant l'Isle à 2 km environ du bourg de Saint-Léon. Leur but : y trouver un dépôt de l'âge du renne. Le résultat de leurs premières fouilles est publié dans une très courte note qui paraît dans le bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord 12 Ces travaux reprennent au mois de mai 1875. « Vingt-cinq journées sont employées à remuer le sol limoneux de la caverne ». Le produit de ces dernières fouilles est soumis à Gabriel de Mortillet qui résume ainsi ses conclusions : « caverne sépulcrale de l'âge de la pierre polie ». Déçu par son « espérance de remonter jusqu'à l'âge du. renne », M. de Mellet arrête les travaux 13 Entre temps, quelques membres de la Société historique et archéologique du Périgord nouvellement créée, fouillent le dolmen de Peyrebrune dans la commune de Saint-Aquilin, canton de Neuvic 14 En juin 1887, un agent des Ponts et Chaussées, M. Hautier, découvre dans la commune de Saint-Front-de-Pradoux, sur la rive droite de l'Isle, une grotte surplom- bant la rivière de 15 à 16 m. Un sondage est pratiqué. Il montre : « un sol constitué

10. Abbé AUDIERNE, Le Périgord illustre, 1851. De l'origine et de l'enfance des arts en Périgord et de l'âge de la pierre dans cette province avant la découverte des métaux, 1886. – Vicomte DE GOURGUES, Foyers divers de silex taillés en Périgord, 1866. – A. BERTRAND, Archéologie celtique et gauloise, 1876. Dictionnaire archéologique de la Gaule (époque celtique), 1876. — P. DE BOSREDON, Nomenclature des monuments et gisements de l'époque antéhistorique (âge de la pierre taillée et de la pierre polie), dans le département de la Dordogne, 1877. – D. MOURCIN, Notes de voyage. – E. GARRAUD, L'histoire généalogique et archéologique de Villamblard et Grignols, Périgueux, 1868. — D. POMMIER, Villamblard-Roussille, 1963. Grottes et cluseauds de Villamblard et des environs, 1937. 11. C'est ainsi que les «molettes d'éperons en fer» trouvées dans les ruines de Grignols deviendront par la suite « des mallettes en fer et des éperons ». 12. B.S.H.A.P., 1874. 13. B.S.H.A.P., 1876. 14. B.S.H.A.P., 1874. par une brèche solide de 0,45 à 0,50 m d'épaisseur... grattoirs, couteaux, nucleus » 15 La découverte fut sans lendemain car la grotte n'a jamais été retrouvée. Dès lors et pendant plus de cinquante ans, la basse vallée de l'Isle reste vierge de toute nouvelle découverte et n'attire plus les préhistoriens. La première mention officielle de la présence de Paléolithique supérieur est faite par L. Peyrille, qui, parcourant la rive droite de l'Isle, découvre au lieu-dit « Solvieux », dans la commune de Saint-Louis-en-l'Isle, une station de surface qu'il attribue au Magdalénien. Ceci se passe quelques années avant la dernière guerre 17 L. Peyrille récolte sur place un abondant matériel lithique qu'il présente en 1948 à la Société historique et archéologique du Périgord 18 Le directeur des Antiquités préhistoriques qui est alors M. Séverin Blanc est alerté en 1952. Il vient sur place étudier la station que L. Peyrille a, par erreur, baptisé « Beaufort ». Le lieu-dit Beaufort est situé non loin de là, mais sur la commune voisine, celle de Saint-Front-de-Pradoux. En près d'une heure, il recueille une centaine d'outils en bon état. Publication de la découverte est faite dans le bulletin de l'Association préhisto- rique des amis des Eyzies, sous la signature de L. Peyrille et de Séverin Blanc. Un ensemble lithique de près de 400 pièces y est étudié. Il s'y ajoute un petit bloc de calcaire gréseux dans lequel les auteurs voient les restes d'une sculpture anthropo- morphe 19 L'ensemble avait été montré auparavant à l'Abbé Breuil qui avait évoqué des analogies possibles avec le niveau inférieur de la grotte Lacoste, peut-être aussi avec « le niveau inférieur de Peyrony à Laugerie ». Dans sa conclusion, Séverin Blanc note qu'il a trouvé peu de points identiques et beaucoup de différences avec les niveaux cités par l'Abbé Breuil. Il pose la triple question : s'agit-il d'Aurignacien, de Périgordien ou d'un mélange des deux ? Chose étrange, la possibilité d'un ensemble magdalénien n'est pas évoquée alors que L. Peyrille l'avait au début présenté comme tel. Par ailleurs, il est noté la présence d'outils « en bon état, en si bon état, que la plupart ont l'apparence d'objets trouvés in situ ». La disposition des lieux et la répar- tition de l'outillage pour laquelle les auteurs avouent n'avoir pas d'explications plei- nement satisfaisantes, les amènent néanmoins à la seule conclusion valable : présence d'un véritable gisement de plein air peu profondément enfoui Le 9 août 1955, nous devenons propriétaire de la grotte de Gabillou. Le directeur des Antiquités préhistoriques, qui ne la connaît pas, vient la visiter au mois de juin 1956 et, à cette occasion, nous montre le site de Solvieux alias Beaufort, qui en est tout proche. Pendant plusieurs mois nous faisons en surface une abondante récolte d'outils, de lames et d'éclats.

15. HAUTIER, B.S.H.A.P., 1888, note de séance. 16. A l'exception toutefois des chercheurs de pierres figures et autres manifestations artistiques de la nature ou de l'imagination. 17. Le dernier dimanche du mois de mai 1936 (renseignement oral de l'inventeur). 18. Séance du jeudi 4 mars 1948. B.S.H.A.P., 1948, 1 livraison, p. 15. 19. La pierre en question n'est anthropomorphe qu'avec beaucoup de bonne volonté et mérite à peine le nom de pierre figure. 20. S. BLANC et L. PEYRILLE, Le gisement de Beaufort près de Saint-Louis-en-l'Isle (Dordogne). Bull. de l'Assoc. préhistorique des amis des Eyzies, 1952. La station occupe un champ en légère pente bordé au nord par une falaise rocheuse, ancienne exploitation de pierre à bâtir. La zone des trouvailles, située dans la partie basse du champ, affecte schématiquement la forme d'un rectangle long de 100 m et large de 20 m environ. La première idée qui vient à l'esprit est celle d'un ancien abri vidé lors de l'exploitation de la roche et répandu en contre-bas. Cette hypothèse n'est pas valable et ceci pour deux raisons : 1) nous sommes très loin de la carrière, 2) certaines pièces très fraîches portent des concrétions de manganèse inexplicables pour des objets en surface depuis plus d'un siècle Nous pensons alors à une couche archéologique horizontale mise au jour et bouleversée par la charrue dans la partie déclive du champ. Un sondage effectué immédiatement au-dessus de la limite nord des trouvailles rencontre effectivement une couche en place reposant sur un pavage de galets. Durant le mois d'octobre 1956, nous continuons les recherches et rencontrons toujours la même couche sauf aux endroits où l'outillage est abondant en surface. Le Professeur Bordes nommé récemment directeur des Antiquités préhistoriques vient sur place le 17 mars 1957, accompagné de Mme de Sonneville-Bordes. Quelques mois plus tard les premières fouilles ont lieu. Y participent : le Pr Bordes, Mme de Sonneville-Bordes, MM. Laurent, Prat, Mme Gaussen et nous même. Un pavage et une industrie magdalénienne sont mis au jour. Le produit de ces fouilles fera l'objet d'études au laboratoire de préhistoire de la Faculté des Sciences de Bordeaux. Cette découverte d'un gisement en place à partir d'objets en surface va nous inciter dès lors à multiplier ce genre de recherches. Nos premières trouvailles sont assez décevantes. Dans les premiers jours de janvier 1958, nous découvrons quelques silex du Paléolithique supérieur dans un jardin inculte, non loin de Gabillou. Hélas, il s'agit de déblais provenant de la cons- truction d'une maison voisine. L'abri que nous avons baptisé abri Jumeau, du nom de son propriétaire, est partiellement détruit et scellé pour longtemps. Nous avons la chance de récupérer un certain nombre d'outils, de la faune et l'extrémité supérieure d'un fémur humain paraissant appartenir à un sujet jeune du sexe féminin Entre temps, un sondage heureux à Gabillou nous fait découvrir l'entrée primi- tive de la grotte et le gisement du Magdalénien 3 qui l'occupe 23 Continuant nos prospections au cours de l'été 1958, nous trouvons quelques silex sur une plate-forme qui borde la rive droite de l'Isle dans la commune de Saint- Front-de-Pradoux. Ces silex, uniquement des lames et des éclats n'ont pas l'aspect physique de l'industrie néolithique que l'on rencontre aux alentours. Au troisième jour des recherches deux burins dièdres sont découverts.

21. Les dernières exploitations de pierre à bâtir datent de la construction de la voie ferrée Bordeaux- Limoges, soit les années antérieures à 1860. 22. J. GAUSSEN, Un gisement magdalénien dans la vallée de l'Isle. — L'abri Jumeau à Sourzac, B.S.P.F., 1954. Le fragment de fémur est en cours d'étude et doit faire l'objet d'une publication prochaine en colla- boration avec J. Sackett. Il rappelle assez étroitement son homologue de Chancelade. Une première datation effectuée à l'Université de Californie à Los Angelès aurait donné un chiffre voisin de 15 000 (renseignement oral). 23. J. GAUSSEN, La grotte ornée de Gabillou (près de Mussidan). Bordeaux, 1964. FIG. 2. — Carte des principaux gisements préhistoriques du secteur Mussidan - Neuvic-sur-l'Isle. 1 : abri Jumeau. 2 : grotte ornée de Gabillou. 3 : Les Pierres. 4 : La Caillade. 5 : grotte du Diable. 6 : Le Cerisier. 7. : Le Plateau Parrain. 8 : Faye. 9 : Solvieux. 10 : Coly. 11 : La Croix-du-Bost. 12 : Le Mas-de-Sourzac. 13 : Les Tares. 14 : Le Breuil. 15 : Villeverneix. 16 : La Côte. 17 : Puy-de-Pont. 18 : Planèze. 19 : La Croix- de-Fer. 20 : La Charlie. 21 : Le Cluzeau-de-l'Isle. 22 : La Fontaine-des-Demoiselles. 23 : Gimel. 24 : La Font-Saint-Pey. 25 : Guillassou. 26 : Puypinsou.

Voilà enfin l'occasion de vérifier l'hypothèse qui veut que les gisements complè- tement bouleversés soient rares. Les cinq premiers sondages ne sont guère encoura- geants et paraissent stériles, mais le sixième révèle à 60 cm de profondeur une industrie paléolithique reposant sur un pavage de galets. Les fouilles du Plateau Parrain commencent l'année suivante et vont se pour- suivre pendant trois ans jusqu'au jour où, la propriété étant mise en vente, le cabinet immobilier qui s'en occupe nous en interdit l'accès. Les recherches auxquelles le Pr. Bordes et ses élèves vont participer pendant quelques jours, découvrent un fond de tente magdalénien bien conservé, de forme rectangulaire, avec entrée au sud, petit pavage intérieur et emplacements extérieurs de taille de silex Dans la même année, nous remarquons non loin de Neuvic, au lieu-dit Le Breuil, sur une ancienne terrasse de la rivière, quelques éclats à patine rosée bien différents de ceux que l'on rencontre dans le Néolithique ou dans le Moustérien de la région. A force de recherches, un burin et une lamelle à dos sont découverts. Nous entrepre- nons alors des sondages à la cuillère-vrille. Le troisième coup d'instrument remonte, mélangé à un sédiment non charrué, un minuscule éclat de silex taillé. L'année suivante, utilisant un matériel mis au point pour la détection des pavages, (nous en reparlerons par la suite) nous butons sur un obstacle dont nous délimitons la forme générale : un carré de 2 m de côté. La fouille met à jour un fond de tente pavé, cinq outils et une lame. Par la même méthode, un deuxième puis un troisième fond de cabane sont détectés. Un quatrième est trouvé, toujours sur le même site, mais il est partiellement bouleversé et son emplacement dans une vigne interdit pour le moment toute fouille. En cette année, un jeune Neuvicois que nous avons initié aux recherches de plein air, Jean-Claude Moissat, nous signale la présence d'un galet rougi par le feu sur le sommet de la colline qui surplombe Le Plateau Parrain. Les racines d'un cerisier abattu l'ont arraché au sous-sol. L'expérience aidant, il nous suffit main- tenant de peu d'indices pour localiser un habitat de plein air, et c'est ainsi que la présence de ce galet rougi nous fait découvrir un fond de cabane avec son pavage admirablement conservé. Nous l'avons baptisé Le Cerisier en raison de l'arbre qui le surmontait et qui l'a fait découvrir. La fouille s'effectue très rapidement et va se terminer quelques jours après que nous ait frappé l'interdit dont nous avons parlé à propos du Plateau Parrain (Le Plateau Parrain et Le Cerisier font partie de la même propriété). En 1964, J.-C. Moissat nous montre tout un lot de silex néolithiques qu'il a récolté sur un plateau cultivé au lieu-dit Guillassou, dans la commune de Saint-Léon-sur-l'Isle. Parmi ces pièces, un objet fait figure d'intrus. Il s'agit d'un burin sur troncature latérale dont la patine bleu pommelé contraste avec le noir brillant et légèrement savonneux de tout l'ensemble. Sur place nous découvrons une vaste zone bouleversée très riche en matériel paléolithique. Nos recherches vont porter sur les zones marginales et, par la méthode du contact au stylet sonde, nous détectons un habitat avec pavage dont nous déter- minons les limites. La fouille confirme les indications données par les sondages. Il s'agit d'un fond de cabane rectangulaire, long de 4 m, large de 2 m, partiellement bouleversé, associé à une industrie lithique caractéristique du Magdalénien ancien (phase 0). Vers cette même époque, J.-C. Moissat parcourant les terrasses de la rive gauche de l'Isle, découvre quelques silex taillés, paléolithiques, dans la commune de Sourzac

24. F. BORDES et J. GAUSSEN, Un fond de tente magdalénien près de Mussidan, Fundamenta, 1970. entre les hameaux de La Gravette et du Mas. Les sondages par contact décèlent trois fonds de cabane dont l'un mal repéré sur le plan ne sera pas retrouvé. Les fouilles effectuées en 1966 font apparaître deux cabanes avec cordons exté- rieurs de galets, mais l'une d'elle (la cabane 2) a été bouleversée par les travaux aratoires et par l'arrachage d'une vigne. L'industrie appartient à un magdalénien qui présente de grandes analogies avec celui du Plateau Parrain et des couches supé- rieures de Solvieux. Au cours de ces dernières années, la prospection du secteur Neuvic-Mussidan a fait découvrir plusieurs indices d'habitats paléolithiques. Sur les renseignements de M. Demaison, horticulteur à Mussidan, nous découvrons quelques outils du Paléo- lithique supérieur à La Caillade près du bourg de Sourzac. La sécheresse ne se prêtant pas aux recherches par contact, des sondages sont effectués à la pelle-bèche. Le deuxième de ces sondages ayant montré la présence de quelques éclats dans une couche non remaniée, nous arrêtons là nos investigations. Au pied du village de La Côte dans la commune de Neuvic, la trouvaille d'un outil en surface amène la découverte de couches en place dans un terrain recoupé par l'élargissement de la route Neuvic-Douzillac. Une fouille d'urgence effectuée par J.-P. Texier en 1972, révèle l'existence au sein d'une formation du Würm 3, de trois horizons archéologiques dont l'un appartient au Périgordien inférieur type Chatel- perron. Aucune structure n'est découverte Autres trouvailles à Planèze près de Neuvic, dans les sédiments surmontant une terrasse fluviatile qui borde les terrains inondables de la Vallée de l'Isle : un burin dièdre et un outil busqué typique évoquant la possibilité d'une présence aurigna- cienne. Trouvailles encore à la garenne de Puy-de-Pont (commune de Neuvic) sur un éperon barré à forte occupation néolithique et médiévale. Indices d'habitat de plein air à proximité du cimetière de Neuvic, au moulin de Faye, au barrage de Coly dans la commune de Saint-Louis-en-l'Isle et en divers autres endroits. Toutes ces trouvailles se résument en général à très peu de choses : ici un ou deux burins, là un grattoir et des éclats de facture paléolithique, ailleurs encore, quelques galets cassés et rougis par le feu. Ces indices peuvent paraître pauvres et indignes d'attirer l'attention, mais la plupart de nos découvertes ont eu des bases de départ en apparence insignifiantes. Il ne faut pas les négliger et il faut toujours avoir à l'esprit cette notion que les riches récoltes de surface ne sont pas les plus intéressantes car synonymes de bouleversements étendus. L'historique des recherches ne serait pas complet s'il n'était fait mention des inévi- tables découvertes de pierres figures. Dans la séance de la S.H.A.P., le 1 décembre 1938, M. Cubelier de Beynac annonce la découverte faite par lui-même d'un gisement de pierres ornées à Manzac

25. J. GAUSSEN et J.-P. TEXIER, Le Périgordien ancien de La Côte et son contexte géologique, L'Anthro- pologie, 1974. dans la vallée du Vern. « Ces figures sont parfaitement et très finement taillées, et donnent parfois l'impression d'être des portraits d'après nature. A côté des hommes et des femmes j'ai découvert des têtes de lions, de tigres, de chiens, de chevaux, de poissons, un rhinocéros, deux éléphants ». « De plus, j'ai trouvé à quelque 200 m du Vern et en surface, une hache connue en préhistoire sous le nom de « limande acheuléenne ». Cette hache en parfait état de conservation, longue de 18 cm, large de 9 cm, pesant 730 g, présente une particu- larité vraiment extraordinaire : il y a deux figures d'animaux, une tête de bouquetin et une tête de bison gravées dans le silex ». En l'état actuel des recherches nous connaissons plus de vingt-cinq points d'occu- pation paléolithique (voir carte : fig. 2) sans compter les stations probables.

RECHERCHE ET PROSPECTION DES SITES DE PLEIN AIR

Découvrir un site de plein air, détecter les couches qu'il recèle ne présentent pas de difficultés insurmontables, si l'on a présent à l'esprit un certain nombre de notions, dont la principale est qu'il ne faut pas assimiler les recherches de plein air à celles des stations sous abris rocheux. Examinons en premier les diverses informations dont peut disposer le prospec- teur car, dans un premier temps, c'est bien d'un rôle de prospection qu'il s'agit. Il y a tout d'abord les renseignements que peuvent apporter les autochtones : agricul- teurs, terrassiers, conducteurs d'engins, et de manière générale tous ceux dont la profession a quelque rapport avec la terre. Ces informations sont le plus souvent sans grand intérêt hormis les cas, toujours très rares, où l'abondance de l'industrie va attirer l'attention des personnes même peu averties 26 Il nous est souvent offert des « vieilles pierres ». Dans l'ordre décroissant d'abondance il s'agit: de fossiles du secondaire (Hippurites dans la majorité des cas), de pierres figures, de bifaces, de haches polies (le plus souvent fragmentées), de minéraux (surtout des blocs de marcassite). Jamais un seul objet du Paléolithique supérieur ne nous a été apporté. Il est vrai que les industries de cette période ne sont pas celles qui attirent spontanément le regard du profane. Seules les grandes lames pourraient le faire, mais en surface elles sont presque toujours fragmentées. Les nucléus sont assimilés à de simples cailloux. Les grattoirs, les perçoirs et surtout les burins nécessitent une vision technique et passent donc inaperçus. Seules les grandes pièces bifaces du Solutréen peuvent attirer l'attention dans la mesure où elles sont intactes ce qui n'est pas souvent le cas en surface. Si le chercheur ne dispose pas de correspondants avertis, c'est à lui seul qu'in- combera le travail de première prospection. Il va disposer de deux champs d'explo- ration : les terres labourées et les coupes de terrain. Etant donné l'abondance actuelle des grands travaux, il semblerait que les recherches sur coupe de terrain soient les plus bénéfiques. Il n'en est rien. Ce fait en apparence assez paradoxal et qui suffit à lui seul à différencier recherches en plein air et recherches sous abri, s'explique aisément.

26. Solvieux était dans ce cas et n'a pourtant jamais attiré l'attention des divers agriculteurs qui s'y sont succédés. Il est cependant permis de supposer que le pavage qui n'était pas passé inaperçu est à l'origine du nom. Le dernier locataire de la ferme avait repéré le pavage qu'il interprétait comme l'em- pierrage d'un ancien chemin ou du sol d'une maison disparue depuis longtemps.

PLANCHES