Exemplaire de OB [Email:[email protected] - IP:90.8.200.118] 446206 Le PAUC défie le La passe de quatre Plus rien n’arrête championdeFrance pour le PARC? les filles du PABA

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DIMANCHE 12 OCTOBRE 2014 AIX - PAYS D'AIX laprovence.com / 1,10¤ Campdes Milles la mémoire vivante Le mémorial installé dans l’ancien camp d’internement aixois est aussi un lieu de réflexion sur les mécanismes génocidaires et les moyens d’y faire face 8 pages spéciales "LIGNES DE FORCE" Le nouveau SalondutatouageàAix: la passion dansla peau rendez-vous avec Olivier Mazerolle P.V L’ENTRETIEN Olivier Roy décrypte l’État islamique P.VI

INTEMPÉRIES91652 Gard: un département désemparé P.I

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’:HIMKNA=ZUVVUY:?b@k@l@c@a" Le "Cézanne Tattoo Ink", ses 150 artistes tatoueurs de tous pays, ses stands de bijoux ou vêtements associés et ses animations type concert ou défilé de pin-up vintage, ont rempli l’étage du Pasino, hier. Le salon y continue aujourd’hui. / PHOTO EDOUARD COULOT P.3 CAHIER 1 - No 6329 *Journal respectueux de l'environnement, -- 25619 100% papier recyclé

260404 Exemplaire de OB [Email:[email protected] - IP:90.8.200.118] SOMMAIRE L’ENTRETIEN

De l’internement à la déportation De 1939 à 1942, la France a transformé la Jeanne, survivante du Rwanda P.7 tuilerie des Milles en camp P.2 & 3 Un mémorial unique en France Les Milles abritent un double dispositif de témoignage et de réflexion P.4 & 5 Appréhender le phénomènegénocidaire Arménie, Shoah, Rwanda : le mémorial scrute les mécanismes du pire P.6 & 7 Un outil pour aujourd’hui CAHIER 2 / Nº 6329 De l’accueil des scolaires à la sensibilisation DIMANCHE 12 OCTOBRE 2014 aux racismes et à la xénophobie P.8 EDITION SPECIALE NE PEUT ETRE VENDU SEPAREMENT AAuuxx MMiilllleess,, llaa mméémmooiirree ssee ttoouurrnnee vveerrss ddeemmaaiinn

L’ÉDITO Tirer les leçons du passé et grandir Par Guénaël LEMOUÉE Dans le dernier camp d’internement français conservé en l’état, la mémoire pourrait être fi- gée. En créant son mémorial, la Fondation camp des Milles, mémoire et éducation a fait un choix radicalement différent : celui de s’appuyer sur les leçons du passé pour se tourner vers l’avenir. De l’ancienne tuilerie aixoise qui, de 1939 à 1942, servit de camp d’internement d’abord, puis de rouage de la déportation, l’association a fait un musée. Mais aussi un lieu de réflexion. Sur les mécaniques à l’œuvre dans tous les génocides du XX e siècle. Sur les moyens de résister, au niveau d’une société entière comme sur un plan person- nel, à la montée des haines et à la violence institu- tionnalisée. Évidemment, on ne ressort pas indemne de la visite des lieux d’internement, quasi inchangés depuis les années40, de ces centaines de témoi- gnages de vies brisées par la guerre et la Shoah. Le camp des Milles, c’est d’abord une claque que l’histoire vous envoie au visage. Mais c’est aussi l’occasion d’avancer et de grandir. Une visite au camp des Milles vaut toutes les leçons magistrales sur l’éducation à la citoyenne- té et les vertus de la démocratie. Et si le mémo- rial ne fait jamais de lien entre l’actualité immé- diate, la situation internationale et ses exposi- tions, rien n’empêche le visiteur de mener ses propres réflexions sur ce thème.

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Entre 1939 et 1942, la France avait converti la tuilerie désaffectée des Milles, à Aix-en-Provence, en camp d’internement d’abord, puis de déportation durant l’été42. Des Milles, deux mille juifs ont été envoyés vers les camps de la mort de la Solution finale. Après soixante-dix ans de quasi-oubli, un mémorial a ouvert ses portes au public en 2012 sur les lieux mêmes de l’internement. Avec une ambition revendiquée: tirer les leçons du passé pour éviter que le pire se reproduise. Exemplaire de OB [Email:[email protected] - IP:90.8.200.118] Dimanche 12 Octobre 2014 2 www.laprovence.com Fondation du camp des Milles Les Milles, un témoignage unique de l’engrenage vers la Shoah C’est le dernier camp d’internement et de déportation conservé en l’état sur le territoire. Dans l’ancienne tuilerie des Milles, de 1939 à 1942, la France a interné ses "indésirables", apatrides, juifs étrangers… C’est aujourd’hui un mémorial

’est un morceau de déporter deux mille juifs raflés l’histoire récente que la en Provence vers Drancy puis C France a longtemps lais- Auschwitz. Toujours sous sé dormir sous la poussière l’autorité de la France puisque, d’argile qui hante toujours le jamais, l’occupant allemand lieu. Aux Milles, dans une tuile- n’a géré directement le camp. rie désaffectée, entre 1939 et Cette mémoire longtemps 1942, la III e République oubliée, on doit à quelques as- d’abord puis le gouvernement sociations d’anciens déportés de Vichy ont parqué les indési- et résistants de l’avoir vu renaî- rables: ressortissants autri- tre en septembre 2012, avec chiens ou allemands fuyant le l’inauguration officielle du Si- III e Reich, apatrides, républi- te-mémorial du camp des Mil- cains espagnols réfugiés en les. L’aboutissement d’un com- France… Dans un ironique re- bat de vingt ans pour sauver tournement de l’histoire, les d’abord la Salle des peintures opposants aux régimes fascis- -l’ancien réfectoire des gar- tes, qui avaient la mainmise diens du camp, décoré par des sur toute une partie de artistes internés- de la destruc- l’Europe, se retrouvaient soup- tion. Pour installer ensuite un çonnés de collusion avec les Wagon du souvenir le long de ennemis de la République, le la voie ferrée, à quelques dizai- III e Reich et l’Italie mussoli- nes de mètres de l’ancienne nienne. La naissance du Les opposants e mémorial, un combat au III Reich internés de vingt années. de force en France...

tuilerie. Pour imposer, enfin, En 1939, les premiers inter- l’idée d’un espace de mémoire nés des Milles sont donc le dans le bâtiment principal qui plus souvent Allemands ou n’avait pas bougé depuis les an- Autrichiens. Alors que la Fran- nées40. Parfois contre vents et ce vient de déclarer la guerre à marées, tant la résurgence de l’Allemagne nazie, tous les res- cette incontournable mémoire sortissants du Reich sont consi- a longtemps semblé gêner aux dérés comme des ennemis en entournures. puissance. Les opposants poli- "Les préventions de toute na- tiques allemands ou les juifs De 1939 à 1942, la tuilerie des Milles a servi de camp d’internement puis de déportation. Un mémorial témoigne aujourd’hui de cette histoire. ture contre ce projet, qui ont ayant fui les persécutions na- existé, ont, pour l’essentiel, été zies n’y échappent pas. Mar- Les anonymes broyés par la dysenterie fait des ravages. Millois. Mais à partir de 1940, 1941) et le piège se referme sur surmontées avant l’ouverture seille, son port et ses réseaux l’histoire s’entassent dans la De 1939 à 1940, c’est l’armée Pétain obtient les pleins pou- les prisonniers. du mémorial, confiait toute- d’exfiltration vers les tuilerie, où règne la poussière, française qui gère directement voirs du Parlement et après De l’absurde de fois Alain Chouraqui, prési- États-Unis - notamment celui les puces et les poux, le froid le camp. "Les conditions l’armistice, c’est Vichy et la po- l’enfermement arbitraire, dent de la Fondation du camp de l’Américain Varian Fry - venteux l’hiver dans les dor- étaient moins strictes, à ce qu’il lice qui prennent les rênes des LesMilles glissent vers le pire. des Milles quelques mois font alors figure de dernière toirs (en fait d’anciens fours et semblait. On pouvait voir des Milles. Les internés y sont bou- À la fin de l’été42, le camp après l’inauguration. Et de- chance pour des hommes qui aires de séchage pour les tui- internés juifs passer dans le vil- clés sans possibilité de sortie. d’internement devient rouage puis, la réalité du mémorial et voient le péril hitlérien grigno- les) ou, l’été, le soleil de plomb lage, certains musiciens ve- À Marseille, le robinet des vi- de la Solution finale. Cinq de ce qu’il y a à l’intérieur a lar- ter le continent. L’Europe per- dans la cour sans point d’eau naient donner des concerts à la sas pour l’Amérique ne va pas convois ferroviaires de wagons gement effacé la plupart des ré- sécutée afflue en masse vers ou presque. Les conditions salle Sainte-Madeleine", se sou- tarder à se fermer (Fry est ex- à bestiaux quittent alors la peti- serves, en particulier chez ceux l’aire marseillaise. d’hygiène sont déplorables et viennent encore certains vieux pulsé de France en septembre te gare de triage milloise pour qui sortent de la visite." L’union des résistants et déportés LES 3 QUESTIONS à Alain Chouraqui, sociologue et président de la Fondation du camp des Milles Sur la photo, ils paraissent chenus. Le poids des années est pas- sé par là. Mais qu’on ne s’y trompe pas, ces trois-là étaient déjà "Les obstacles nous ont renforcés dans l’idée du mémorial" des esprits libres dans leur jeunesse des années 40. Et ils le sont Comment expliquer les décennies d’oubli cés dans l’idée qu’il fallait absolument faire ce toujours soixante-dix ans après. 1 de l’histoire du camp des Milles? mémorial et, petit à petit, dans l’idée qu’il fal- Denise Toros-Marter, rescapée d’Auschwitz, Sydney Chouraqui, "Il faut déjà distinguer deux périodes. D’abord, lait que nous le fassions nous-mêmes." 91652 ancien de la 2e DB de Leclerc (et père de l’actuel président de la les quarante années entre 1942 et 1982, une Fondation du camp des Milles) et Louis Monguilan, résistant gar- période où l’oubli, ou l’occultation, était quasi Et dans l’idée qu’il fallait dépasser dois déporté à Mauthausen sont trois des consciences qui ont total, en dehors des gens qui étaient passés 3 l’aspect mémoriel pour aller vers la com- pesé de tout leur poids pour que naisse le Site-mémorial des par le camp et de quelques très rares spécialis- préhension des mécanismes génocidaires? Milles. tes qui travaillaient sur ces questions. Je pense "C’était et c’est toujours pour nous absolu- Cette union des mouvements de résistants et de déportés par exemple à qui, dès les an- ment essentiel. Le petit groupe d’anciens et autour du projet a été l’un des leviers les plus efficaces pour nées50, a commencé à creuser la question des moi-même qui portions le projet avons tout de faire aboutir le projet. Le lieutenant-colonel Monguilan la résu- archives de la déportation (lire en page7) et suite été certains que ce travail de mémoire de- me simplement: "En tant qu’ancien déporté, je me sentais soli- puis, à partir de 1979, l’équipe de Jacques Gran- vait être utile pour aujourd’hui et que, du daire de l’histoire du camp des Milles et je refusais qu’elle dispa- djon (professeur de littérature allemande qui, coup, il ne suffisait pas de sauver le lieu et de raisse." parmi les premiers, exhuma l’histoire du lieu, l’ouvrir au public, mais qu’il fallait faire parler Ça tombe bien, le sens du refus (de la compromission, de la bêti- Ndlr). cette histoire et mettre en lumière ce qu’elle se de groupe, de l’inique…), c’est l’un des piliers du Mémorial des Milles qui, au-delà du témoignage sur l’histoire du camp, entend aussi réfléchir aux mécanismes sociaux et humains des "En 82, nous avons commencé Alain Chouraqui, président de la "Il ne suffisait pas de sauver génocides et aux processus qui permettent de résister à cet en- Fondation du camp des Milles, dans la grenage du pire. à nous mobiliser en apprenant, Salle des peintures du mémorial. ce lieu, mais de faire parler cette presque par hasard, l’existence histoire et mettre en lumière des déportés à s’intéresser puis à faire vivre du camp des Milles." cette histoire des Milles. ce qu’elle dit de l’humanité." Et enfin troisièmement, le temps nécessaire pour que les différents partenaires possibles La deuxième partie, ce sont les trente ans à par- de cette mémoire prennent conscience qu’elle dit de l’humanité, des capacités des hommes à tir de 82 où nous avons commencé à nous mobi- pouvait être porteuse de leçons, qu’elle pou- aller vers le pire et leur aptitude aussi à le com- liser en apprenant presque par hasard à la fois vait être éclairante et pas uniquement une mé- battre, à l’éviter. Je dis parfois que l’histoire se que ce camp avait existé et qu’une partie, la moire sombre." répète probablement parce que l’homme ne Salle des peintures, risquait d’être détruite. change pas fondamentalement, ni pour le Comment expliquer ces trente ans-là? Plu- Finalement, la lenteur du processus ne meilleur ni pour le pire. Mais nous avons main- sieurs choses qui relèvent de notre mémoire 2 vous a-t-il pas renforcé dans l’idée de la tenant, depuis la Deuxième guerre mondiale, nationale: la difficulté à sortir de l’image nécessité du mémorial ? ce choc dans la civilisation qui est intervenu d’une France uniquement résistante (grâce, no- "Mais oui, effectivement. C’est vrai que dans avec la Shoah et qui peut être une sorte tamment, aux travaux de l’historien américain un premier temps, les anciens résistants et dé- d’électrochoc pour essayer d’éviter la répéti- dans les années70, Ndlr), pour portés et leurs héritiers, dont je suis moi-mê- tion des horreurs et des souffrances. Nous regarder de manière plus lucide la part me, ont considéré qu’ils avaient surtout, voire étions donc tout à fait convaincus qu’il fallait d’ombre de certains Français. même exclusivement, un rôle d’alerte des pou- aussi regarder les mécanismes humains indivi- Il y a aussi eu la prise de conscience d’anciens voirs publics sur l’importance de ce lieu. Lors- duels et collectifs qui peuvent mener au pire et déportés, dans les années80, que des proces- que nous avons réalisé à quel point les difficul- évidemment les processus qui permettent d’y Denise Toros-Marter (à g.), Sydney Chouraqui et son épouse et sus dangereux pouvaient recommencer avec la tés et les obstacles étaient nombreux et ce que résister (ce qui est l’essence même du volet ré- Louis Monguilan lors de l’inauguration du mémorial en 2012. montée de l’extrémisme. Ça aussi, ça a conduit cela signifiait, ça nous a complètement renfor- flexif du mémorial, lire en pages 6 et 7)." Exemplaire de OB [Email:[email protected] - IP:90.8.200.118] Dimanche 12 Octobre 2014 Fondation du camp des Milles www.laprovence.com 3

LES DATES CLEFS Septembre 1939 Le gou- Le jour de 42 où la petite Eve vernement français réquisi- tionne la tuilerie désaffec- tée des Milles pour y inter- ner les ressortissants du IIIe Reich. s’est réveillée toute seule Juillet 1940 Le Régime de Vichy élargit l'internement aux "indésirables", juifs Juiveautrichienne raflée avec safamille, Eve Nussbaum avait 6 ans quand elle a étéinternée auxMilles apatrides, anciens des Bri- hérapie du choc ? Néces- l’Afrique du nord et la métropo- gades internationales en saire recollage des mor- le, Eve et son époux Joseph Fer- Espagne... T ceaux d’une enfance en rera, sont partis vivre en Israël. miettes ? Hommage à ceux qui Ils y résident toujours, avec le Août et septembre 1942 n’en ont pas réchappé ? Eve Fer- sentiment d’avoir trouvé leur Cinq convois ferroviaires rera (Nussbaum de son nom de terre promise. "Mais chez nous, partent des Milles : 2 000 jeune fille) ne sait trop le dire. en Galilée, on reçoit aussi la télé juifs, hommes, femmes et Un peu de tout ça sans doute. française, raconte Eve. Alors enfants, sont envoyés, via Ce que cette dame de 76 ans, quand j’ai vu un petit reportage Drancy, jusqu'au camp de mince comme une brindille, sur l’inauguration du mémorial la mort d'Auschwitz, en Po- sait en revanche avec certitude, des Milles (en septembre 2012, logne. Le camp est fermé c’est qu’évoquer ces années de Ndlr), j’ai tout de suite dit à en décembre 1942. guerre "est de plus en plus dou- mon mari, il faut qu’on y retour- loureux, alors qu’avant, sans en ne." Fin 1983 Le sous-préfet faire étalage, je pouvais en par- En 2000, les Ferrera avait déjà alerte sur la destruction im- ler assez librement". emmené leurs enfants en Euro- minente de l'ancienne tuile- Eve Nussbaum est née à Vien- pe, sur les traces de la Shoah et rie et notamment de la sal- ne, la capitale autrichienne, des années de guerre. "Mais on le des peintures. Sydney et trois ans apr ès l’arrivée au pou- n’avait vu le camp que depuis Alain Chouraqui avec Pas- voir du chancelier Adolf Hitler ; l’extérieur." Mardi dernier, Eve cal Fieschi obtiennent du deux ans avant que le III e Reich a pu visiter l’intégralité du site gouvernement Mauroy n’avale l’Autriche lors de qu'elle soit inscrite provisoi- l’Anschluss. "En juin 38, mes pa- rement à l'inventaire des rents ont décidé de quitter Sauvée de la monuments historiques. Le l’Autriche. À l’occasion d’un projet de mémorial est lan- voyage d’affaires, mon père déportation par une cé. nous a fait venir à Paris", racon- famille de commerçants te-t-elle. Après Paris, les Nuss- Novembre 2002 La créa- baum gagnent Marseille : En 2012, Eve Nussbaum-Ferrera (ici avec son époux) est revenue au camp des Milles pour affronter marseillais. tion d'un mémorial est offi- L’Estaque d’abord, puis le quar- son passé et faire visiter le mémorial à ses enfants. ciellement annoncée. tier de La Plaine, avant l’installation dans un petit ap- les. "J’avais 6 ans, je garde peu femmes et aux enfants, Ndlr), me chrétien pour assurer la eta retrouvé quasi intact le dor- Janvier 2009 Les travaux partement d’Endoume, qu’ils de souvenirs des Milles", avoue j’étais toute seule !" En fait, les couverture… "Les Bartoloni ont toir où elle s’était réveillée seule débutent sur le site. partagent avec une autre fa- Eve. Les longues parties de ca- parents d’Eve sont déjà dans les même eu ce geste incroyable de un matin de septembre 1942. mille de réfugiés, berlinoise cel- che-cache avec la centaine de wagons qui vont les conduire à me faire donner des cours "C’était exactement comme les 10 septembre 2012 Le le-là. gosses internés avec elle, la Auschwitz. Mais quelques jours d’allemand par une religieuse images que je gardais en tête, mémorial du camp des Mil- La vie de discrète souris com- grande cour écrasée de soleil de- avant d’être déportés, ils ont germanophone pour que je puis- tout m’est revenu", assure-t-el- les est inauguré par mence alors. Eve ne parle pas vant la tuilerie, "la corvée d’eau réussi à rencontrer Nelly et Ed- se garder le contact avec ma fa- le. Le bon comme le mauvais, Jean-Marc Ayrault, alors un mot de français ; l’allemand que j’aimais bien, quand on al- mond Bartoloni (reconnus Jus- mille après la guerre", se sou- les moments sombres comme Premier ministre. n’est pas la langue la plus popu- lait jusqu’à la rivière à côté tes parmi les Nations en 1991), vient Eve qui, en 1945, retrouve- les gestes courageux de ceux laire du moment dans (l’Arc, Ndlr)". Comme tous les leurs employeurs marseillais, ra effectivement son père, survi- qui l’ont protégée "C’est bien l’Hexagone. Les réfugiés autri- internés, la minotte mange qui ont essayé, sans succès, de vant d’Auschwitz et de la triste- qu’un lieu comme ça existe et je chiens font profil bas. Pour sub- sans doute mal et peu, vit dans les extraire du camp. Ce qu’ils ment célèbre marche de 1944 trouve que la dimension pédago- sister, la mère, Elizabeth, vend des conditions d’hygiène déplo- n’ont pas réussi à faire pour les vers Dachau. Ses grands-pa- gique, les visites pour les jeunes, les gâteaux qu’elle confection- rables mais "quand on a 6 ans, adultes, ils l’obtiennent pour la rents aussi, qui ont passé c’est le plus important." Eve re- Les artistes ne ; le père, Kurt, est employé ces choses-là, on s’y adapte, sans fillette et parviennent à la re- l’occupation cloîtrés dans un grette, elle, de ne pas avoir as- de Bes, célèbre fourreur de la doute". Pourtant, début septem- cueillir chez eux. Elle y passera appartement marseillais, proté- sez parlé de ces années-là avec piégés par rue Saint-Ferréol. Mais le bre42, l’impensable, pour une toute la guerre. Internat catholi- gés par des voisins. Elizabeth, son père aujourd’hui décédé. 25août42, tout bascule. À petite fille, se produit : "Je me que à Notre-Dame-de-Sion, pé- la mère, n’est pas revenue des D’où l’importance encore plus la montée des l’aube, les Nussbaum sont ra- suis réveillée un matin et il n’y riode sans école cachée dans la camps de la mort, gazée dès vive d’un outil comme le mémo- fascismes flés par la police française et avait plus personne dans le dor- villa familiale d’Éguilles quand son arrivée à Auschwitz. rial, alors que les témoins di- transférés au camp toir (l’immense 2e étage de la la pression allemande se fait En 1963, après plusieurs an- rects de la Shoah disparaissent Qu’on soit plombier-zin- d’internement régional des Mil- tuilerie des Milles, réservé aux trop forte, certificat de baptê- nées à vadrouiller entre les uns après les autres. gueur, artisan fourreur ou peintre reconnu, l’absurdité de l’internement au camp des Milles était la même. Il n’empêche, entre 1939 et Herbert, celui qui ne voulait pas baisser les bras 1942, la tuilerie aurait pu prétendre à être l’une des universités les mieux pour- Pendant longtemps comme Gurs (Pyrénées-Atlantiques), fois encore œuvre de pédago- nous pensions, nous réfugiés, Herbert sera de toutes les cam- vus d’Europe en fins esprits. tant d’autres, il n’a pas évoqué son père gazé à Auschwitz. Cet- gie. que l’on était en droit d’espérer pagnes : en Tunisie d’abord, De nombreux intellectuels son histoire, il a fait sa vie, com- te frange intime de l’orphelin Dans ce même lieu, où Her- d’elle un soutien", dit-il, le re- lors du débarquement en Pro- -artistes, chercheurs, méde- me il a "pu". Avec la tentation qu’il est toujours, il ne le racon- bert Traub a connu "les poux, les gard dur. Et se radoucit pour di- vence sous les ordres du général cins...- étaient devenus les impossible d’oublier, de te pas aujourd’hui. Mais il té- puces et les odeurs abjectes", re comment il s’était fait porter de Lattre de Tassigny - "Je ne cibles priviliégiés de s’arranger avec cette culpabilité moigne désormais, devant les c’était en août 1942. Il n’avait pâle, avait "mangé des piments voulais pas subir ce qui arrivait. l’Allemagne nazie, soit qui colle à la peau des survi- plus jeunes, comme hier, sur le que 17 ans, avait déjà fui pour faire croire à une angine". J’ai appris plus tard qu’il disait qu’ils s’étaient ouvertement 91652 vants, ce "Pourquoi moi et pas site du Mémorial des camps des l’Anschluss dans sa Vienne nata- Herbert répète avec un air ma- pareil". Le 8 mai 1945, il était de positionnés contre le régime un autre ?". Herbert Traub, juif Milles. le en passant par la Belgique et licieux, comme si c’était hier, retour en Autriche : "Là enfin, je hitlérien, soit qu’ils étaient autrichien, dit qu’à 23 ans, il ne Haut lieu de mémoire et de s’était réfugié à Marseille où il ses stratagèmes pour ne pas n’étais plus un être de la race in- persécutés pour le simple savait "rien faire à part tenir un dénonciation de tous les engre- faisait partie d’un "petit réseau" être embarqué dans ses trains férieure mais un soldat, fusil à la fait d’être juifs. fusil et tirer si besoin". nages qui mènent à la barbarie, de la résistance. "C’est la police qui menaient, au final, vers la main, vainqueur." Sa mère était morte et qui, lors de la dernière jour- française qui nous a amenés au mort. "J’ai évité deux transports Herbert honorera son engage- d’épuisement dans le camp de née de la Résistance faisait une camp des Milles. À l’époque, vers Drancy et puis on nous a ment dans la Légion jusqu’en In- dochine. Puis fera sa vie, com- me il pouvait, en France, jetant "Je n’étais plus un être un voile pudique sur ses années noires. "Je ne savais rien faire de la race inférieure mais j’ai travaillé, j’ai élevé mes mais un soldat, fusil enfants." Il sera ingénieur. Et Nombre d’entre eux avaient puis un jour, aussi, grand-père. pensé trouver un refuge sûr à la main, vainqueur." L’arrivée d’une nouvelle généra- en France, alors ennemi qua- tion lui donnera envie de témoi- si héréditaire de gner au-delà du cercle familial. l’Allemagne. Beaucoup aus- mis dans des wagons à bestiaux. "Je veux raconter ce qui s’est si gagnent Marseille pour Il faisait une chaleur suffocan- passé mais de façon optimiste. tenter d’y embarquer et de te." Il raconte dans les détails, Dire aux jeunes, qu’il faut savoir fuir vers le continent améri- l’entassement, les deux bar- saisir sa chance, avoir de la vo- cain. Mais la France en guer- reaux du wagon au travers des- lonté et surtout ne jamais bais- re voit d’abord ces hommes quels il passa la tête et cette ré- ser les bras, faire toujours ce et femmes fuyant les Nazis flexion d’un homme plus âgé: qu’on peut. Pour que jamais cela comme des ressortissants "Si la tête passe, tout le corps pas- ne se reproduise. Il ne s’agit pas du Reich et les interne... Les se." Il sautera du train, longera de parler que des juifs mais de Milles verront ainsi passer de nuit la voie de chemin de fer tous les génocides. Je n’oublie ni les peintres Max Ernst (pho- avant d’arriver en gare de Mont- les homosexuels des camps, ni to), Hans Bellmer ou Ferdi- pellier, en prendra une autre di- les Tziganes, ni le Rwanda…" nand Springer, les écrivains rection Marseille et sautera en- À 90 ans, Herbert Traub livre Lion Feuchtwanger ou enco- core en marche, non loin de un témoignage brut et ne veut re Franz Hessel (le père de L’Estaque. pas commenter publiquement Stéphane et premier traduc- "Quand j’ai retrouvé le chef de l’actualité récente. Il ne veut pas teur allemand de Proust, qui mon petit réseau, il m’a dit qu’il "faire de politique". inspira le personnage de Ju- était risqué de rester à Marseille. Libre à ceux qui le veulent de les dans Jules et Jim ), des Que l’issue, c’était la Légion se rappeler comment Hitler a sommités de la médecine, étrangère ; ça ne m’enchantait pris le pouvoir. Par la voie la des médias ou du monde ju- Juif autrichien, Herbert Traube fut interné aux Milles à l’âge de 17 ans. Après s’être échappé d’un train pas, pour moi, c’était tous des vo- plus démocratique qu’il soit. diciaire... pour Drancy, il rejoindre les troupes de De Lattre de Tassigny et retrouvera l’Autriche en vainqueur. leurs ou des violeurs." Le jeune Alexandra DUCAMP Exemplaire de OB [Email:[email protected] - IP:90.8.200.118]

Dimanche 12 Octobre 2014 Dimanche 12 Octobre 2014 4 www.laprovence.com Fondation du camp des Milles www.laprovence.com 5 DES SÉMINAIRES DE SENSIBILISATION "Interroger son rapport à l ’autorité Contexte, mémoire et réflexion au service de l’avenir et aux ordres illégitimes" Le Mémorial s’organise en trois parties. D’abord une VOLET RÉFLEXIF** L’un des soucis constants des Milles, c’est de ti- contextualisation historique de l’Europe de l’entre-deux COMPRENDRE : Ce volet, unique sur un lieu de mémoire, présente des analyses scientifiques et des expériences qui permettent de mieux comprendre comment des rer les leçons du passé pour s’inscrire dans le pré- fonctionnements humains peuvent aboutir au pire et comment mieux les prévenir ou y résister. Films, archives sonores, dispositifs interactifs. accompagnent ainsi ce v olet sent. Dans cette optique, le Site-mémorial avait la guerres. Ensuite les vestiges du camp d’internement pour afin que le visiteur puisse identifier les barbaries à leurs commencements. Le Volet Réflexif prend fin devant un "Mur des Actes justes" qui montre la variété des actes de volonté de mettre en place des séminaires de sen- toucher du doigt les drames humains qui s’y sont noués. résistance et de sauvetage possibles et la grande diversité des hommes et des femmes qui nous ressemblent et qui ont su réagir efficacement, chacun à s a manière. sibilisation aux mécanismes pyscho-sociaux qui amènent au pire. Et pour le porter, la fondation a Enfin, un volet d’analyse des mécanismes à l’œuvre dans Mur des Actes Justes Trois étapes du racisme au génocide (film immersif) fait appel à un profil particulier: le vice-amiral Jean-Louis Kérignard, fraîchement retraité de la tous les génocides et les moyens d’y résister Marine nationale et qui, de sa propre initiative, Exposition nationale sur les enfants déportés était venu visiter le chantier du futur mémorial un peu avant son ouverture. (Serge Klarsfeld) Pourquoi un ancien haut gradé? "Sans doute parce que ce camp était administré par la France Film introductif et notamment par l’armée française", analyse VOLET MÉMORIEL* Jean-Louis Kérignard. Les séminaires de deux Dessin du cœur : jours qu’il a mis en place à destination d’abord «la Liberté, la Vie, la Paix». VOIR : Plusieurs points des agents de la fonction publique, mais aussi, à majeurs sont proposés, terme, des entreprises du privé, il les a c onçus Montée des périls comme les lieux où "avec d’anciens magistrats et des universitaires Sauvetage des enfants dormaient les internés, où spécialistes des questions d’éthique". en Europe certains se cachaient et Après une vie professionnelle passée à la fois à ont pu être sauvés, ou recevoir des ordres et à commander, le vice-ami- Dortoirs des hommes encore des dessins et ral Kérignard a dû commencer par interroger son Le vice-amiral Kérignard anime des séminaires peintures laissés sur les propre "rapport à l’autorité, aux ordres légitimes sur l’obéissance et la résistance. internés murs par les internés, ou pas et à la légalité", confie-t-il. "Lors de nos témoignages fragiles Les deux premières périodes soigneusement mis au jour séminaires, poursuit l’ancien militaire, on aborde ordres, il existe des moyens de manœuvrer dans «Die Katakombe» : refuge par des archéologues. donc les questions d’abus d’autorité, ou, autre le statut même des fonctionnaires, mettre en lu- du Camp des Milles versant de la même question, de l’obéissance mière les mécanismes dont on peut être acteur ou de la vie culturelle au camp aveugle à l’autorité ." Pas question pour victime". Jean-Louis Kérignard, légaliste dans l’âme, Et c’est évidemment en s’appuyant sur les "d’apprendre aux gens à désobéir systématique- outils disponibles au sein du mémorial -le volet Dortoirs des femmes ment ou à voir en chaque chef un petit chef illégiti- réflexif, le Mur des actes justes- que les séminai- La «Solution finale» et enfants internés me. Mais il s’agit de rappeler que, face à certains res de sensibilisation s’organisent. et la troisième période du Camp Fenêtre des suicides VOLET HISTORIQUE* Cyprien Fonvielle, directeur du Mémorial du camp des Milles, ici dans les anciens dortoirs des internés. Cône de vision sur le lieu de départ des convois de déportation e camp des Milles, cela va te d’un groupuscule au sensible et à l’humain."Cette SAVOIR : L'évocation de la sans dire, n’est pas une île insignifiant… En bonne partie zone mémorielle, c’est en fait "Montée des périls" en isolée au milieu de nulle soutenu par une droite tradi- l’ancienne tuilerie elle-même, Europe, entre 1919 et 1939, L restée quasi en l’état depuis la précède une présentation de part. Il fait partie d’un archipel tionnelle allemande, "qui pen- qui a mené au pire: sait pouvoir le maîtriser par le période du camp l'histoire collective du camp Salle des Peintures Murales l’extermination des juifs et des jeu des outils de la démocratie d’internement. Les dortoirs, les illustrée par des destins parlementaire", Hitler zones de vie, le cabaret improvi- individuels pris dans cette Tsiganes par les Nazis pour le tourmente. Des espaces simple fait d’être ce qu’ils s’empresse de tuer ladite démo- sé par les prisonniers… Aux Mil- les, l’histoire s’incarne. Et boule- complémentaires permettent étaient. Autour de cet axe, le Mé- cratie parlementaire après d'approfondir l'histoire de Chemin des Déportés vers les convois morial a voulu accompagner le l’incendie du Reichstag, monté verse. Dans un troisième temps, les Vichy, des camps d'interne- visiteur pour lui faire mieux de toute pièce par ses sbires. Et, ment et de la Shoah, et de comprendre les mécanismes à sans plus de contrepoids, dérou- visiteurs entrent dans la partie découvrir les oeuvres d'art l’œuvre dans cette rapide escala- réflexive. "Quand on a décidé de réalisées pendant les deux travailler sur la mémoire de ce de vers l’inconcevable. premières périodes du camp Wagon du Souvenir sur les lieux mêmes du départ C’est donc par l’année 1919 et "On est persuadé qu’on lieu, c’est parce qu’on était aussi le Traité de Versailles (qui orga- persuadé qu’on peut apprendre des convois de déportation, stèle commémorative nise les contreparties liées à peut apprendre de de l’histoire, confie le directeur du mémorial. Mais on a aussi l’armistice de 1918 et cristallise- l’histoire." CYPRIEN FONVIELLE ra les rancœurs allemandes) considéré que l’histoire, nécessai- AUTRES DISPOSITIFS DU PARCOURS DE VISITE que commence la visite. "On re, n’était pas suffisante et on in- évoque ensuite la crise économi- le son terrible programme. En vite le visiteur à prendre du que des années 20 et 30 qui, pro- septembre1939, la France entre recul, on lui offre des clefs de compréhension sur les mécanis- gressivement, va détourner en guerre et ouvre le camp d’internement des Milles. En mes qui font qu’une société dé- l’électeur allemand des tradition- mocratique s’écroule et décide août 1942, deux mille juifs, dont *Le Commissariat de l’exposition des volets nels partis de gouvernement", ex- d’exterminer une partie de sa po- REZ DE CHAUSSÉE une centaine d’enfants, en par- historique et mémoriel a été confié au Mémorial de plique Cyprien Fonvielle, direc- pulation et sur comment réagit teur de la Fondation camp des tent pour les camps de la mort. ER la Shoah "Cette première partie contex- le reste de cette population." 1 ÉTAGE Milles, mémoire et éducation. On parle ici de la Shoah, bien En France, les ligues tuelle nous a paru indispensable E sûr, mais aussi des autres géno- 2 ÉTAGE **En partenariat avec l’IFEP (Aix-Marseille d’extrême-droite manifestent à pour comprendre cette mécani- que qui s’emballe, poursuit Cy- cides ou actes génocidaires re- Université)parcours museo Paris. L’Allemagne propulse à la connus par l’ONU: Arméniens, EXTÉRIEUR chancellerie Adolf Hitler, qui prien Fonvielle. La deuxième partie, avec la visite des zones Tsiganes, Rwandais tutsis (lire n’était encore, quelques années aussi en page 6). TRACES ACCESSIBLES avant 1933, qu’un excité à la tê- mémorielles, permet de toucher 91652

SisteronSisteron Le Mémorial des Milles en pratique Les Milles, tête de pont Château-Arnoux Ouverture : Monument Historique, chaire Unesco, un des neuf Le Chaffaut hauts lieux de mémoire français, le Site-mémorial est ouvert tous Saint-Auban er er d’un réseau régional les jours (sauf les 25décembre, 1 janvier et 1 mai), de 10h à 19h PeyruisPeyruis (dernière entrée à 18h). Visites guidées à 10h30, 14h30 et Les Mées 16h 30. Musée, expositions permanentes et temporaires, films, Quand la guerre éclate entre la Fran- alors tisser une véritable toile de débats, programmation culturelle jeune public et tous publics, fo- ForcalquierForcalquier ce et l’Allemagne, en septembre 1939, camps d’internement, centres rums, ateliers pédagogiques, séminaires, colloques, formations… peu de Français doutent de la victoire. d’hébergement (dont des hôtels mar- Services:restauration sur place, parking gratuit. Exposition bilin- L’armée française est réputée solide et seillais réquisitionnés) ou de rassem- Volx gue français et anglais. Audioguide à l’accueil. Espace librairie. bien armée. Elle tiendra et gagnera. blement, groupes de travail sous Reillanne Ce qui pourrait faire mentir ce pronos- contrôle répartis dans tout le Sud-Est. ¤ ¤ ManosqueManosque Tarifs: 9,50 ; réduit 7,50 (gratuités et pass familles). Accès li- tic optimiste, considère-t-on, c’est no- La vaste tuilerie des Milles et sa com- e bre sur une partie du site (exposition Serge Klarsfeld, Salle des Saint-RémySaint-Rémy tamment la fameuse 5 Colonne, enne- mode gare de triage deviennent alors peintures, chemin des Déportés et Wagon du souvenir). Gréoux mis infiltrés sur le territoire national les maillons essentiels de cette chaîne ➔Site-mémorial du camp des Milles, 40 chemin de la Badesse à Aix, ¬0442391711 ou et à la solde des Nazis et de leurs alliés. d’internement régional. Centre www.campdesmilles.org; visites de groupes et scolaires sur réservation préalable. Dans un ubuesque et dramatique re- d’hébergement de Gréoux, de Reilla- e Photo Jérôme Rey tournement de l’histoire, la III Répu- ne (Alpes-de-Haute-Provence) ou de Arles blique s’en prend alors à tous les mili- Saint-Nicolas (Gard), groupes de tra- tants antifascistes étrangers réfugiés vailleurs des chantiers de La Ciotat, Photo collection Albert Veissid en France. Ressortissants du des Salins-de-Giraud ou du bassin mi- III e Reich, allemands, autrichiens, nier de Gardanne… Toute cette vie Miramas mais aussi leurs alliés hongrois, ita- concentrationnaire gravite autour Aix-en-ProvAix-en-Provenceence liens, roumains, ou encore les Républi- d’Aix. "Le camp d’internement des Mil- cains espagnols, Franco, sans être en les a vu passer trente-huit nationalités guerre, soutenant implicitement les différentes et jusqu’à 3 500 internés en Bassin minier forces de l’Axe. Mais pour interner même temps. C’était le camp principal Centre d’hébergement GardanneGardanne - Fuveau tous ces indésirables, il faut une orga- du Midi", précise Cyprien Fonvielle. Infographie Sébastien BAGNIS nisation. C’est sans doute encore plus Les internés, au moins dans la premiè- Martigues Centre de séjour surveillé Salins Lavera vrai dans le Midi: Marseille est alors la re période, celle de l’administration de Giraud Document collection des enfants des républicains espagnols de Meyreuil porte du monde et les Européens qui par l’armée française, ne cherchaient Trois hôtels marseillais MMarseillearseille Le Camp des Milles (Hôtel du Levant, Terminus des Ports, Bompard) fuient l’Allemagne et ses satellites y af- pas forcément à s’enfuir. Ce qu’ils vou- où sont internés les femmes et les enfants étrangers AubagneAubagne fluent en masse dans l’espoir laient avant tout, c’était un visa pour d’embarquer pour l’Asie, l’Amérique quitter l’Europe." Et pour avoir un vi- La visite (ici avec des lycéens) commence par un volet de contextualisation sur "la montée des périls", Principaux Groupes de Centres de rassemblement et Travailleurs Étrangers (GTE) d’internement pour les étrangers (1939-1941) ou encore l’Afrique du nord. sa, il fallait une adresse fixe, même entre 1919 et 1939. Cet engrenage qui va bouleverser les équilibres européens, mener le continent La Ciotat La III e République, puis Vichy vont dans un camp. à la guerre et à la Solution finale. Il est enrichi de nombreux témoignages audios et vidéos. Exemplaire de OB [Email:[email protected] - IP:90.8.200.118] Dimanche 12 Octobre 2014 6 www.laprovence.com Fondation du camp des Milles

Les deux premières pierres de l’édifice La mécanique qui mène aupire Le Wagon du souvenir: avant que le Mémorial ne voie le jour, des associations de résistants et de déportés n’est pas forcémentimplacable ont fait installer un wagon à bestiaux, du même modèle que ceux qui ont servi, en S’appuyant sur un lieu témoin, le Mémorial du camp des Milles se veut aussi août1942, à la déportation un outil de réflexion à la disposition du grand public comme des scolaires des juifs depuis les Milles, sur un délaissé de voie, à une centaine de mètres de la tuilerie. Il s’y visite tou- jours.

La Salle des peintures: C’est là que tout à vraiment commencé pour le Mémo- rial, dans l’ancien réfectoire des gardiens décoré par des artistes internés. Cette Salle des peintures est ô combien ironique: des peintres mal nourris et en proie à la folie du temps y dessinent des fresques à la gloire de la soli- darité entre les peuples et des agapes gargantuesques. En 1983, la Salle des peintu- res était promise à la démoli- tion. Classée depuis, elle a fi- nalement été la première pierre de l’édifice mémoriel des Milles.

Le volet réflexif du mémorial permet de mieux comprendre les mécanismes personnels et sociologiques à l’œuvre dans tous les génocides du XX e siècle.

’est le 3e et dernier volet nus comme tels par l’ONU : le comprennent l’intérêt même ne utile au présent. "Pour parences, sont toujours les mê- du parcours muséal des massacre systématique des Ar- du mémorial." nous, ce qui est important, c’est mes: "Les stéréotypes, les préju- 200000 C Milles. Et c’est en bonne méniens par la Turquie, en Sociologue au CNRS, Alain apprendre du passé pour gés, les racismes, l’effet de grou- partie celui qui donne à la fois 1915-1917, les actes génocidai- Chouraqui, le président de la aujourd’hui, explique Alain pe, de bande, la passivité de Le nombre de visiteurs sa spécificité, sa raison d’être res dirigés contre les Tziganes Fondation camp des Milles mé- Chouraqui. Bien entendu, le beaucoup, la soumission aveu- au mémorial et qui nous laisse, durant la Deuxième guerre moire et éducation a intégré ce premier plan mis en avant, gle à des autorités du Site-mémorial nous visiteurs, devant cette mondiale, le génocide des Tut- volet réflexif dès l’origine du c’est l’histoire particulière de ce illégitimes…", poursuit-il. du camp des Milles question entêtante et inévita- sis dans le Rwanda de 1994. À projet. Quitte à parfois froisser lieu. Mais il est essentiel pour Cette leçon terrible, cette im- ble: qu’aurais-je fait, moi, face un endroit, les hommes, fem- quelques tenants d’une stricte nous que cette histoire parle de pression d’une histoire qui, tra- depuis son ouverture à l’engrenage de la Shoah? mes et enfants à abattre sont l’homme en général. Et la giquement, bégaye pourrait au public, Que ferais-je demain si le pire, des rats; à un autre des cancre- meilleure manière de le mon- amener à baisser les bras. "No- sous une forme ou sous une lats. Balle de fusil, gaz ou ma- "Stéréotypes, racisme, trer, c’est d’ouvrir notre ré- tre posture est différente, expli- en septembre2012 autre, redevenait d’actualité? chette. Le vocabulaire et les flexion aux autres génocides que Alain Chouraqui. Elle est La partie conclusive du par- moyens changent, le phénomè- effet de bande avérés." de dire que le potentiel tragique cours s’intéresse donc aux mé- ne profond reste le même: nier et passivité." Cette convergence des mé- et méchant dans l’homme est, canismes génocidaires. Pas l’humanité d’un groupe pour moires permet d’aborder "les de toute évidence, important. seulement ceux de la Shoah, rendre acceptable son extermi- mécanismes humains, indivi- Mais il y a un autre potentiel, le Pour aller même si, de par l’histoire mê- nation systématique. orthodoxie de la mémoire. duels, collectifs et institution- potentiel du meilleur dans 91652 me des lieux, le massacre des "Ce volet réflexif donne tout Mais pour l’équipe des Milles, nels qui ont pu, dans tous ces l’homme avec les actes justes. plus loin juifs d’Europe reste évidem- son relief à la visite, considère l’expérience éminement morti- cas, conduire au pire", poursuit Et ce potentiel-là, on peut faire "M émoire du camp des ment central. Mais aussi de Cyprien Fonvielle, le directeur fère de la Shoah doit, certes, Alain Chouraqui. Des mécanis- en sorte qu’il s’exprime tôt. Milles, 1939-1942". Initié tous les autres génocides per- du site. C’est après avoir visité être traitée comme telle mais mes qui, à chaque fois, pour C’est tout l’objectif du camp des par le photrographe Yves pétrés au XX e siècle et recon- cette partie-là que nos visiteurs aussi comme une leçon humai- peu qu’on aille au-delà des ap- Milles." Jeanmougin (qui en assure le portfolio central), en col- laboration avec le camp des Milles, l’ouvrage collectif Le Mur des actes justes: des raisons d’espérer Mémoire du camp des Mil- C’est l’un des symboles du Mémorial l e s retrace à la fois des Milles. Sur la photo d’un grand mee- l’histoire du camp ting du Parti nazi, une foule bras levés sa- d’internement et la genèse lue le chancelier Hitler. Isolé au milieu du mémorial ouvert en sep- de cette multitude, un homme, le regard tembre 2012. droit devant, garde les bras croisés. Cette ➔ Aux éditions Métamorphoses- photographie des années30 accueille le Le Bec en l’air, 29 ¤, 340 pages. visiteur à l’entrée de la salle qui abrite le Mur des actes justes. Justes, comme le titre de Juste parmi les nations, décerné à des non-juifs par le Mémorial Yad Vashem de Jérusalem à ceux qui ont aidé des juifs en péril du- rant la Deuxième guerre mondiale. Sur un vaste pan de salle, de petits textes rap- pellent ces actes du courage quotidien: l’histoire du curé de Meyrargues ou d’un "Les Milles, le train de la policier lorrain qui ont caché des juifs liberté". Avec Philippe Noi- pour les protéger des rafles, de la fermeté ret, Jean-Pierre Marielle et du prêtre hutu Jean-Marie Vianney Gisa- François Berléand dans les gara qui, en 1994, protège les Tutsis de sa rôles principaux, le film de paroisse des interahamwe et le Sébastien Grall (1995) retra- payera de sa vie… Le Mur des actes jus- ce l’odyssée du convoi tes, qui conclut le volet réflexif de la visi- d’internés que le comman- te, "montre la variété des actes de résistan- dant militaire du camp ten- ce et de sauvetage possibles et la grande ta, sans succès, d’exfiltrer diversité des hommes et des femmes qui vers l’Espagne. nous ressemblent et qui ont su réagir effi- ➔ Disponible en DVD. cacement, chacun à sa manière", expli- Des gestes, grands ou petits, qui ont protégé des vies au cours des différents génocides: le Mur des actes justes conclut la visite du que le Mémorial du camp des Milles. Mémorial du camp des Milles en rappelant que dire non à la violence est possible. Exemplaire de OB [Email:[email protected] - IP:90.8.200.118] Dimanche 12 Octobre 2014 Fondation du camp des Milles www.laprovence.com 7

Sur les traces "Il faut être extrêmement des enfants courageux pour s’opposer" déportés Jeanne Uwimbabazi est tutsie. En94, durant le génocide au Rwanda, elle avait 16ans et avu safamille assassinée. Elle s’en est elle-même sauvée de justesse. Elle se bat depuis pour la mémoire des victimes n mars dernier, pour le et ça commence comme ça. encore, on partageait quelque Dans une grande salle un colloque "Femmes de- Mais c’est très progressif, il y a chose allait, tout à coup, se pe u à l’écart du parcours E bout-femmes en résistan- une petite musique qui transformer en monstre, non, principal, trois cents pan- ces" organisé aux Milles, Jean- s’installe, et petit à petit, on de- ça n’est pas possible à imagi- neaux attendent le visiteur. ne Uwimbabazi avait raconté vient étranger dans son propre ner. On se dit qu’au bout d’un Au fil des allées, les noms ré- son histoire. Celle d’une jeune pays. Jusqu’à ce qu’on en arrive moment, ils vont forcément re- pondent au nom, les photos Tutsie de 16ans en 1994 qui a à dire que les Tutsis ne sont pas trouver la raison, qu’ils savent aux photos. Quelques lettres vu quasiment toute sa famille des êtres humains mais des ser- bien qu’on n’a pas d’armes ca- d’enfants ou de parents sépa- massacrée par les Hutus. El- pents ou des cancrelats." chées, qu’on n’est pas en guer- rés disent le désarroi de ces le-même s’en est sortie, finale- re contre eux. familles prises dans ment exfiltrée par le FPR tutsi et ❚ Et une fois cette déshumani- Mais pour les Hutus, et c’était l’engrenage de la Shoah. Et une ONG française. sation opérée, le massacre systé- relayé par les médias, on était égrènent des lignes de vie matique peut vraiment commen- tous des espions du FPR (1). On qui, toutes, se sont termi- ❚ Qu’avez-vous pensé du tra- cer? créait la peur pour pousser les nées dans les camps de la vail sur les génocides réalisé aux "Oui, les gens sont alors prêts à Hutus à agir. Ce qui a démarré mort. C’est l’exposition na- Milles tuer ceux qui, pour eux, ne sont quand l’avion du président (Ha- tionale des Fils et filles de dé- "J’ai été totalement impression- de toute façon plus des hu- byarimana, hutu, Ndlr) a été portés juifs de France, née par le travail minutieux et mains, mais des choses dont on abattu. Mais ça n’était qu’un l’association présidée par rigoureux sur toutes les commu- peut faire ce qu’on veut. Il y a prétexte, tout était prêt, les Serge Klarsfeld (photo). "Co- nautés qui, malheureusement, alors une barrière qui saute stocks de machettes étaient dé- lette-Corinne Revah était ont été touchées par les génoci- dans l’âme humaine. On ne re- jà préparés." née le 22juillet 1929 à Mar- des. Il me semble que c’est un connaît plus son semblable, on seille où elle habitait le des rares sites qui est aussi com- voit juste un nuisible." ❚ Reste qu’embrigadement ou 52cours Julien. Elle a été dé- plet et pédagogique." pas, il faut trouver les bras ar- portée par le convoi nº 71 du ❚ Pourtant, on a du mal à més du génocide. 13avril 1944." "Monique concevoir que le génocidaire "Et voilà. Même si, à l’époque Houlli a été déportée par le puisse être ce voisin auprès du- au Rwanda, la parole d’un convoi nº74 du 20mai 1944. quel on vit depuis des années, le bourgmestre (maire), d’un insti- Elle était née le 13juin 1942 800000 médecin que l’on connaît, le pa- tuteur, avait beaucoup de poids à Avignon, où la famille habi- roissien qu’on croise sur les dans une société peu éduquée, tait 1, rue de la Barre." Le nombre de Tutsis bancs de l’église le dimanche… les Hutus ne peuvent pas sim- Ni fioriture ni mise en scène "Mais oui et c’est d’ailleurs plement se retrancher derrière dans cette terrible proces- tués par les Hutus pour ça que beaucoup de gens un ’J’ai obéi aux ordres’. On sion de fiches administrati- entre avril et juin 1994 de la diaspora nous ont deman- peut aussi dire non. On a tou- ves. Le tragique, ici, se passe Jeanne Uwimbabazi en mars aux Milles./ MÉMORIAL DU CAMP DES MILLES dé après coup: mais pourquoi jours le choix, même si, évidem- d’effet de manche et retrace vous n’êtes pas partis avant, ment, il faut être extrêmement le patient travail de recher- ❚ Partagez-vous leur postulat, pays, il fallait commencer par va commencer par s’occuper pourquoi vous n’avez rien courageux pour aller à che des Fils et filles de dépor- à savoir que dans tout génocide, régler le problème tutsi. C’est de leurs cous. Il faut se méfier faitalors que vous sentiez la contre-courant de la masse, tés pour conserver la trace ce sont les mêmes mécanismes d’abord passé par la stigmatisa- de leurs femmes et de leur beau- montée des violences? Oui, on pour s’opposer au massacre." des11000 enfantset adoles- qui sont à l’œuvre? tion de l’autre, en partant des té, dont les Tutsis se serviraient savait qu’il y avait des quotas cents juifs déportés depuis "Oui, totalement. Au Rwanda, critères physiques. Ces critères, pour connaître les secrets des de Tutsis dans les classes, qu’il (1) Le Front patriotique rwandais, d’abord la France et nous obliger, col- c’était le Tutsi qui était le pro- il faut bien les connaître: les Hutus. En plus, ils viennent y avait une pression dans la so- mouvement armé d’exilés tutsis en Ougan- lectivement, à regarder blème du pays, donc si on vou- Tutsis ont les traits fins, le nez d’ailleurs, soit-disant ciété. Mais au point de se dire da. Au pouvoir à Kigali depuis la fin du l’histoire en face. Celle lait régler les problèmes du long, le cou aussi, d’ailleurs on d’Éthiopie… C’est très malsain que le voisin avec qui, la veille génocide. "d’une police d’État qui a traité des enfants comme des criminels de droit com- mun" , explique Serge Klars- Une rescapée du massacre de Nyanza feld, satisfait de voir Le 7 avril 1994, des miliciens (inte- raît sûr car casernement des soldats de Casques bleus), femmes et enfants, aux liciens et gravement blessée au crâne et l’exposition de son associa- rhamwe) et militaires hutus se présen- l’ONU. Séparée de sa famille dans la fui- mains des interhamwe et de l’armée ré- aux deux jambes à coups de machette. tion présentée "aux Milles, tent à la porte de la maison familiale, à te, elle parvient à rejoindre l’ETO où se gulière hutue. Regroupés dans un grand Laissée pour morte, elle est finalement dans un endroit de réflexion Kigali, et abattent le père de Jeanne sont entassés quelque deux milles Tut- terrain d’un quartier voisin, Nyanza, les récupérée par des éléments isolés du qui n’existe nulle part Uwimbabazi d’une balle dans la tête. Ca- sis. Mais le 11avril, l’impensable se pro- Tutsis sont alors pris sous le feu des mi- Front patriotique rwandais (tutsi), puis ailleurs". chées à l’arrière de la maison, sa mère et duit. Les Casques bleus et les militaires traillettes et de grenades, puis achevés à évacuée par Médecins du monde pour ses sœurs s’enfuient par le jardin et déci- français évacuent le personnel occiden- la machette. Jeanne Uwimbabazi réussit être hospitalisée en France. dent de se réfugier dans l’École techni- tal de l’école et laissent les Tutsis, hom- à se cacher sous les corps. Elle profite de Aujourd’hui, Jeanne Uwimbabazi est in- que officielle (ETO) de Kigali, lieu qui pa- mes (préalablement désarmés par les la nuit pour fuir, est rattrapée par des mi- firmière et vit à Toulouse. L’histoire: la patiente quête Henri Manen, la résistance au bord de l’abîme des philatélistes

nés, afin d’en sauver au moins tout devient flou. Le pasteur "Mais ce n’est pas trahir la mé- autorités." Cet effort de résistan- Entre91652 1941 et 1942, quelques-uns d’un sort qu’il de- s’engouffre dans les brèches et moire de mes parents que de dire ce à la barbarie montante"a été Henri Manen est l’aumônier vine funeste. C’est précisément tente l’impossible, cache des qu’ils ne se voyaient pas en hé- très dur pour mon père et ma mè- protestant du camp des cette période d’août 1942 que re- fuyards, leur fournit de faux pa- ros, nous confiait l’an dernier re, aussi bien physiquement que Milles. Il sauvera plusieurs trace Au fond de l’abîme, jour- piers, s’appuie sur le réseau leur fils, Bertrand. Pour eux, ils moralement". Une immense dé- nal du camp des Milles . Henri clandestin d’accueil du pasteur avaient juste agi normalement : tresse, une totale incompréhen- internés Manen y écrit depuis une "four- Donadille, en Lozère. Cette ac- si vous voyez quelqu’un tomber sion et un grand sentiment naise de douleur" qui le boule- tion, aussi désespérée que réso- à terre, vous ne l’aideriez pas à se d’injustice sourdent d’ailleurs C’est d’une plume cruelle- verse. Mais à laquelle il doit ré- lue, du couple Manen sera re- relever ? C’était ça, l’état d’esprit de chaque ligne d’ Au fond de Ils s’étaient lancés dans ment simple et quotidienne sister pour poursuivre son mi- connue bien plus tard, en 1986, de mon père." l’abîme. une drôle d’aventure, les qu’au mois d’août 1942, Henri nistère, coûte que coûte. Le pas- par Yad Vashem qui les fera "Mon père s’est engagé à fond philatélistes du pays d’Aix : Manen, pasteur d’Aix-en-Pro- teur voit les vies brisées net, les tous deux Justes parmi les Na- à l’époque. Certains de ses prê- pendant près de trente ans, vence et aumônier protestant enfants et les parents séparés, tions. Le Mémorial du camp des ches du dimanche au temple de Un journal du mois ils ont sillonné les bourses du camp des Milles, dresse cha- comme cet adolescent se tenant Milles leur rend aussi hommage la rue des Bernardines lui ont va- de collectionneurs, couru que soir le bilan de sa journée entre son père et sa mère à sur son Mur des actes justes. lu plusieurs avertissements des d’a oût1942 écrit les enchères et écumé le auprès des internés. Tous les l’heure du départ et qui frotte "depuis une fournaise net à la recherche de tous jours, les dossiers des internés "son visage contre le leur, lente- les courriers, cartes de cor- sont épluchés par ment et doucement, avec toute de douleur". respondance et même des- l’administration. Tous les jours, la tendresse du monde". sins des internés du camp de plus en plus d’hommes, de Au-delà du soutien moral, Ma- des Milles. Ils y ont glané un femmes, puis d’enfants, sont nen - aidée de son épouse Alice Jusqu’à cette "terrible nuit du incroyable fonds documen- chargés dans des wagons à bes- - conteste les décisions adminis- 1er au 2 septembre (1942)", note taire, poignant témoignage tiaux et prennent la route de tratives, argumente, voire, ergo- Henri Manen dans son journal. de la vie quotidienne dans Drancy puis Auschwitz. te, pour ralentir la machine in- La nuit où un convoi familial, le camp, de l’angoisse des Pris dans la tourmente, le pas- fernale, sauver un enfant, une tous âges confondus, s’ébranle internés et de leurs pro- teur s’agite en tous sens, se bat personne âgée, toute une fa- pour Drancy. "Ce qui était parti- ches, de la course éperdue contre l’autorité, pour les inter- mille. Dans un monde troublé, culièrement douloureux à voir, au visa pour fuir une Euro- écrit le pasteur Manen, c’était le pe devenue folle. Cette col- spectacle des petits enfants (…) lection a été officiellement Des enfants tout petits trébu- cédée au Mémorial des Mil- Le "Journal du camp des Milles" chant de fatigue dans la nuit et les en 2012. Ce long travail Le pasteur Manen a tenu un jour- dans le froid, pleurant de faim, a également fait l’objet nal du mois d’août 42 aux Milles. s’accrochant lamentablement à d’un livre, Lettres des inter- Un témoignage précieux et boule- leurs parents pour se faire porter nés du camp des Milles, versant compilé dans un livre, Au ; de pauvres petits bonshommes 1939-1942, écrit par Guy fond de l’abîme, journal du camp de 5 ou 6 ans essayant de porter Marchot (photo) et disponi- des Milles réédité l’an dernier vaillamment un baluchon à ble dans les librairies aixoi- par une maison d’édition protes- leur taille, puis tombant de som- ses et à la librairie du mé- tante, Ampelos. En 1986, le pasteur Manen et son épouse Alice ont été déclarés meil et roulant par terre, eux et morial. Justes parmi les Nations par le Mémorial Yad Vashem. / PHOTO DR leurs paquets..." Exemplaire de OB [Email:[email protected] - IP:90.8.200.118] Fondation du camp des Milles

SURL’AGENDA Ils ont visité le camp des Milles Unecicatricedans ◗ MOHAMED MAGHRAOUI, ÉDUCATEUR Unoutildeluttecontre l’histoire:Rwanda1994 Boxeur et éducateur à la municipalité de Témoignages et photos de survi- Toulon, Mohamed Maghraoui intervient vants du génocide des Tutsis. aussi bien en milieu carcéral qu’auprès ➔ Exposition à voir jusqu’au 1er novembre. des jeunes des quartiers sensibles. Il est lesdiscriminations venu visiter le camp des Milles il y a quel- Zooshumains, ques mois. Un peu à reculons au départ, l’inventiondusauvage admet-il sans fard: "Je suis musulman L’État s’appuie sur le mémorial dans le cadre de la Politique pratiquant et, pour parler franchement, Pendant plus d’un siècle, les ex- j’avais un peu l’impression qu’on n’allait de la ville. Une convention va formaliser ce partenariat hibitions humaines ont visé à m’y parler que des juifs, de leur histoire tracer une frontière et une hié- rarchie entre prétendus civili- et pas de ce qui me concernait moi." Diffi- epuis le début de sés et prétendus sauvages. cile, sans doute, de songer que la Shoah l’année, dans le cadre du Conservateurs : Pascal Blan- pourrait n’être qu’une histoire juive. Mais l’actualité de ces der- D dispositif Politique de la chard et Lilian Thuram. nières années, ça n’est un secret pour personne, a largement ten- ville, plusieurs centres sociaux ➔ Du 17novembre au 12 décembre. du les relations entre les deux communautés. Mohamed Ma- de quartiers sensibles des Bou- ghraoui, lui, a donc finalement décidé de passer outre et de venir ches-du-Rhône ont organisé Cinémaetexil au mémorial. "Et là, j’ai compris, assure-t-il aujourd’hui. J’ai com- des visites au Mémorial du Deux jours de projections et dé- pris que ce dont on parle ici concerne tout le monde et peut ser- camp des Milles. Une initiative soutenue par l’État, qui prépare bats. vir à tout le monde. Je pense par exemple à la photo de l’homme ➔ Les 20 et 21 novembre, de 9h à 17h. aux bras croisés dans un meeting des Nazis. C’est très fort pour d’ici la fin de l’année la signatu- des jeunes de cités où l’on fonctionne beaucoup sur des phéno- re d’une convention pour struc- Spectacle :"N° 187" mènes de groupes, de suivisme de la bande de copains. Aux Mil- turer et financer le dispositif. Marie Lajus, préfète déléguée Une adapta- les, on voit que l’on peut se désolidariser du groupe et avancer tion libre et de son côté. Ça n’est pas parce que les potes font un braquage pour l’égalité des chances dé- taille le projet de partenariat. pluridiscipli- qu’on91652 est obligé de les suivre. Ce message présenté aux Milles ne naire du Dia- marchera jamais avec tous les jeunes, mais si dans un groupe, il ble en France , y en a un qui comprend, on a déjà gagné." "Utiliser l’outil de Lion ◗ Feuchtwan- MAGALI VIENS, PROF D’HISTOIRE AU LYCÉE formidable que constitue ger (photo), Professeur d’histoire-géo au lycée Célony, à Aix, Magali Viens a le Mémorial des Milles." auteur juif allemand interné au emmené plusieurs fois ses classes de seconde,première ou termi- camp des Milles. Direction artis- nale en visite au Mémorial des Milles. "En tant que professeur, je tique: Yan Gilg et la compagnie trouve que c’est un vrai plus de pouvoir associer les cours ❚ Quel est l’objet de la conven- strasbourgeoise Mémoires vi- d’histoire avec un lieu de mémoire", confie-t-elle. tion en préparation? ves. / PHOTO DR ➔ Comme le reste de la société, ses élèves arrivent avec leurs pro- "L’idée est d’utiliser l’outil for- Marie Lajus, préfète déléguée pour l’égalité des chances. Le 3 décembre (horaire à préciser). pres schémas, leurs propres idées, façonnées notamment par midable que constitue le Mémo- l’actualité récente. "Mais on arrive assez vite à dépasser ces rial des Milles comme un levier munautaires ou de difficultés d’animation dans les quartiers, HommageàMandela idées préconçues, ces images glanées sur les réseaux sociaux, de diffusion de messages dans de cohabitation entre groupes par le biais des structures asso- Conférence et projection en notamment quand on visite la partie mémorielle, avec le dortoir la lutte contre les discrimina- humains, avec parfois des ciatives des quartiers, et notam- présence d’un de ses proches des femmes et des enfants, ou encore avec l’expo Klarsfeld, pour- tions, considérant que le camp connotations religieuses ou rela- ment les centres sociaux, et camarades de lutte. suit le professeur. Pour mes élèves, la déportation d’enfants jus- des Milles donne la possibilité tives aux origines géographi- avec le personnel du mémorial, ➔ Le 5 décembre (horaire à préciser). te parce qu’ils n’étaient pas de la bonne confession, c’est quel- de faire passer des messages pé- ques ou ethniques des person- comme intervenants et experts que chose d’incompréhensible et qui les touche vraiment." Cette dagogiques, à la fois sur nes. Il s’agira de faire passer ces sur ces questions." Concert LéoMarschutz approche humaine et sensible de la réalité de la Shoah permet l’histoire du camp, mais aussi messages sur l’histoire des déri- En parallèle de l’exposition Léo surtout "de les bousculer et d’ouvrir le dialogue qu’on mène en- sur la problématique générale ves liées à la discrimination eth- ❚ Quels sont les engagements Marschutz (avril-mai 2015). suite quand on visite la partie réflexive", précise Magali Viens. des discriminations, y compris nique à un nombre le plus im- concrets de l’état pour mettre en L’année 2015 marquera aussi la dans son actualité la plus quoti- portant possible de publics is- œuvre ce programme? commémoration du génocide "J’espère qu’un jeune qui entrera dans ce mémorial dienne. sus de ces quartiers, pour mieux "La préfecture s’engage à orien- des Arméniens au travers d’une Nous nous proposons donc de prévenir les périls qui peuvent ter des financements d’État de grande expo temporaire qui de- n’en sortira pas de la même façon. En considérant formaliser une collaboration exister, dans ces quartiers et la Politique de la ville pour finan- vra démarrer au mois de juin. qu’il est entré sans rien savoir, il faudra qu’à la sortie qui est déjà engagée depuis une dans la communauté nationale cer ces actions-là (coût des ➔ Concert le 22 janvier 2015 (horaire à année à peu près entre la préfec- en générale. transports, de la visite…, Ndlr). préciser). il sache ce qu’il s’est passé, d’un point de vue ture des Bouches-du-Rhône, L’idée, c’est donc d’organiser On va également travailler à la ➔ Pour plus de précisions sur les tarifs et historique, mais qu’il puisse aussi s’interroger sur dans son action de cohésion so- des visites du mémorial pour mise à disposition d’un emploi horaires: ¬0442391711 ou ciale et d’animation de la Politi- des groupes de personnes is- adulte-relais (emploi aidé où www.campdesmilles.org l’être humain et comment l’être humain peut avoir ce que de la ville, et le camp des sues des quartiers prioritaires plus de la moitié du salaire est Milles." de la Politique de la ville des pris en charge par l’État, Ndlr) double côté. Le côté où il peut devenir lui-même le Un supplément du journal Bouches-du-Rhône, ce qui peut dont la fonction sera, au sein de LaProvence . bourreau et comment on peut avoir, de l’autre côté, ❚ Comment sera traduite cette concerner à la fois les jeunes gé- l’équipe du Mémorial du camp Textes: Guénaël LEMOUÉE. volonté? nérations mais aussi les adultes des Milles, d’être dédié à la mé- des Justes." Photos: Serge MERCIER, Patrick "Dans les quartiers prioritaires et les personnes plus âgées. Le diation auprès des publics issus PASCAL CHAMASSIAN, SECRÉTAIRE NATIONAL DU CONSEIL NOSETTO, Sophie SPITÉRI, Nico- de la Politique de la ville, il exis- projet, c’est aussi que les visites des quartiers de la Politique de DE COORDINATION DES ORGANISATIONS ARMÉNIENNES DE FRANCE las VALLAURI et G.L. te des risques de dérives com- soient suivie par un travail la ville."