MISE EN ŒUVRE HISTOIRE DES ARTS LYCÉE ENSEIGNEMENT DE SPÉCIALITÉ CLASSE DE 1e CLAIRE LINGENHEIM _1

ÉTUDE DE CAS LE THÉÂTRE DES CHAMPS-ELYSÉES : ET SYNTHÈSE DES ARTS

LYCÉE Classe de première

PROGRAMME Enseignement de spécialité série L

THÉMATIQUE Les arts et leur public

ENTRÉE Enjeux esthétiques et avant-gardes

PROBLÉMATIQUE Dans quelles mesures le théâtre des Champs-Élysées est-il l’expression d’une esthétique à la fois traditionnelle et moderne ?

OBJECTIFS • étudier le programme d’un bâtiment à fonction culturelle • analyser les enjeux de la modernité

MOTS-CLEFS Synthèse des Arts, modernité, archaisme

1. UNE ŒUVRE D’ART TOTALE une utopie La Gesamtskunstwerk est présente dès le milieu du XIXe siècle dans les textes de Wagner. Produire l’œuvre d’art totale équivalait selon la conception wagnérienne à rétablir le lien unissant les arts. Cette recherche repose sur une référence esthétique, le théâtre de l’Antiquité grecque, où l’union des arts participe d’une unité entre La façade principale du théâtre dramaturgie et public.

tradition et modernité Peinture, sculpture et architecture s’ordonnent selon un schéma confirmé par la tradition. Cette unité est problématique dans une œuvre rationaliste comme celle du Théâtre des Champs-Élysées des frères Perret. L’historien de l’architecture Joseph Abram formule l’hypothèse d’un chant du cygne d’une grécité nostalgique qui apparaît juste avant l’éclatement culturel du au cubisme.

2. UN PROGRAMME AUDACIEUX la commande d’un équipement culturel Cette commande va faire la célébrité des frères Perret et les introduire dans un Dessin des frères Perret cercle d’artistes. Il s’agit d’une maîtrise d’ouvrage privée initiée par l’impresario pour la façade principale Gabriel Astruc, pour remédier à l’insuffisance des salles de concert dans la capitale. Le programme qui devait à l’origine réunir trois salles en une même enceinte sur le Rond-Point des Champs Elysées est finalement réalisé avenue Montaigne. La richesse MISE EN ŒUVRE HISTOIRE DES ARTS LYCÉE ENSEIGNEMENT DE SPÉCIALITÉ CLASSE DE 1e CLAIRE LINGENHEIM _2

du programme artistique s’explique par la diversité des intervenants, le sculpteur Bourdelle, les peintres Vuillard et . un projet, des vissicitudes Les frères Perret, sont contactés par l’impresario Gabriel Astruc qui souhaite édifier un nouveau théâtre et pour l’aider à concrétiser un projet d’. Van de Velde, croyant s’adresser à des entrepeneurs spécialisés dans la mise en œuvre, d’un matériau nouveau, se trouve placé en réalité devant des architectes rationalistes qui, s’appuyant sur les possibilités du béton armé, ont élaboré un parti architectural constructif d’une telle force qui laissse entrevoir l’expression du théâtre achevé.

la victoire du rationalisme structurel sur l’aventure de l’ Partant des courbes expressives caractéristiques du vocabulaire Modern Style, Bourdelle, la Danse Auguste Perret se livre à un travail d’épuration, de stylisation visant à exprimer le Métope, bas-relief, système d’ossature qu’il a mis au point et qui devient dans cette nouvelle traduction théâtre des Champs-Élysées architecturale la clef de la composition. En effet, pour Perret, l’ossature est la base du projet, et le reste du bâtiment, la façade et le plan, doivent en être l’aboutissement logique. La simplicité dépouillée de l’ossature en béton est un exemple de l’idéal classique de Perret. Ce bâtiment abrite trois salles de spectacle : une grande salle à l’italienne de 1 250 places, dédiée à l’opéra et à la musique ; la Comédie, salle de 500 places et le studio des Champs-Elysées, qui peut accueillir 150 personnes, dédiés au théâtre.

3. UN TEMPLE MODERNE la beauté du béton Cet édifice est capital, à la fois moderne dans son matériau, le béton, et classique dans sa rigueur et son élégance formelle. La symétrie du bâtiment, le marbre des revêtements extérieur et intérieur, la corniche de la frise, les métopes sculptées tout évoque un temple d’Apollon. Seulement, Perret a pris le parti de la suppression de tout détail inutile comme les bases ou les chapiteaux de colonnes. Son attachement au béton provient de l’idée que ce dernier pouvait être l’intermédiaire entre le passé et ses traditions et le présent : on peut le traiter d’une manière qui à la fois évoquait les temples de l’antiquité et témoignait des avancées techniques du XXe siècle.

Bourdelle et le retour à l’antique Dessin représentant Isadora Duncan, La sculpture doit être cohérente avec son support , « il faut que ce soit le mur lui-même vers 1910 qui, par endroits désignés, en bon ordre, semble s’émouvoir en figures humaines, tout en gardant sa surface, sa lumière de mur ». Bourdelle n’hésite pas à proposer pour la façade ses propres solutions. A cet effet, il adapte les reliefs au cadre, à la manière romane, et joue de différences d’échelle entre la frise centrale (Apollon et les Muses) et les panneaux des dessus de portes des corps de bâtiment latéraux (La Musique, l’Architecture et la Sculpture, la Tragédie, la Comédie et la Danse). Une sensation de monde sauvage et archaïque domestiqué se dégage des lignes vibrantes des plissés et des drapés, des corps désarticulés et dont la gestuelle dynamique se souvient des Maurice Denis danses d’Isadora Duncan et semblent annoncer la gestuelle sauvage du Sacre du Frise pour le théâtre des Champs-Élysées Printemps. A l’intérieur, Bourdelle est également chargé des fresques du péristyle et du 1910 pourtour des loges de première.

l’abondance du décor Le théâtre des Champs Elysées est abondamment décoré et la prétendue nudité qu’ont admirée ou dénoncée les critiques n’est qu’une illusion compte tenu de la richesse du programme confiée aux artistes. Maurice Denis réalise une frise circulaire consacrée à l’histoire de la Musique pour la coupole. En 1910, les 370 mètres carrés de la coupole du théâtre des Champs-Élysées à lui permettent, en accord avec l’architecte Auguste Perret, d’orchestrer une « synthèse de l’histoire de la musique », depuis Orphée et Apollon jusqu’aux temps modernes. Théoricien du groupe Nabis, il s’est illustré en publiant à vingt ans, en 1890, Maurice Denis, Les Muses, 1893 son premier article, Définition du néo-traditionnisme, qui passe rapidement pour le Musée d’Orsay, Paris manifeste du groupe des nabis (« prophètes » en hébreu) créé en 1888 par le peintre Paul Ranson avec, entre autres, Sérusier, Bonnard, Vuillard et Roussel. Leur but est de MISE EN ŒUVRE HISTOIRE DES ARTS LYCÉE ENSEIGNEMENT DE SPÉCIALITÉ CLASSE DE 1e CLAIRE LINGENHEIM _3

rompre avec l’esthétique de l’impressionnisme, de promouvoir une peinture nouvelle fondée sur les grands modèles des primitifs et d’affirmer surtout une véritable ambition spirituelle : se rappeler qu’un tableau, avant d’être un cheval de bataille, une femme nue, ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblés.

Ker-Xavier Roussel réalise le rideau du théâtre des Champs Elysées

Edouard Vuillard réalise sa première décoration pour un bâtiment public. Pour le théâtre de la Comédie des Champs-Élysées à Paris, il exécute pour le foyer un ensemble de compositions liées à la scène, évocation de son ancienne activité de décorateur de théâtre au cours de sa période nabie.

Édouard Vuillard Foyer du Théâtre des Champs-Élysées le décor monumental La question du décor monumental, ou du moins d’une esthétique picturale conceptuellement liée à la notion d’architecture, est l’une des préoccupations centrales du symbolisme. C’est entre 1900 et les années précédant immédiatement la Première Guerre mondiale qu’aboutit dans le domaine de la peinture murale l’œuvre de symbolistes majeurs comme Redon, Hodler ou Maurice Denis. Les rêves du mur ou de la fresque ne cesse de hanter les esprits dans les années 1890, s’avère fondateur chez les Nabis. Maurice Denis a pour ambition de redonner à la peinture sa place dans l’architecture : La raison d’être de la peinture dans l’édifice, écrit-il, est [...] d’illuminer les murs, puis de rendre sensible au public le sens spirituel du monument [...]. En sorte que le retour à la fonction monumentale est en même temps le retour à la Nature et au Sujet.

l’aménagement intérieur Dans l’architecture théâtrale, le clos domine traditionnellement avec comme expression, les loges. Ici aucun pilier, aucun obstacle empêche de bien voir. Ouverture encore dans les lieux de rencontre. Le remplacement du foyer par un espace déambulatoire témoigne de ce désir de mobilité. Seulement la scène, toujours à l’italienne, la salle en fer à cheval restent autant de références au passé, symbole d’un ordre social, stratification de classes et hiérarchies des prix. La technologie rencontre l’art : utilisation de l’électricité, chauffage et ventilation, des couloirs aménagés pour les pompiers.

conclusion Jugé trop austère, le théâtre des Champs Elysées est une œuvre classique où peinture, sculpture et architecture s’ordonnent selon un schéma confirmé par la tradition, une unité des arts dans l’idéal classique réactualisé.

> Références _ J. ABRAM, Le théâtre des Champs-Élysées ; la magie du béton armé, Nouvelles Éditions jm Place, Paris, 2004.