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L’Histoire de Commelle-Vernay racontée par ceux qui l’ont vécue 2008 Ce livre est à mi-chemin entre le recueil de témoignages et le livre d’histoire. Il a mobilisé bon nombre d’anciens de Commelle-Vernay qui ont accepté de remonter le plus loin possi- ble dans leurs souvenirs, afin de témoigner de l’histoire de Commelle-Vernay au travers de leur propre vécu. Dans une première partie, il aborde la période mouvementée de la seconde guerre mondiale. L’Histoire Les témoignages sont distanciés ou émouvants, c’est selon.Puis il s’attarde sur les évolutions de la commune au cours des décennies suivantes. de Commelle-Vernay L’ouvrage se termine par une série de portraits des maires qui ont assuré le développement de racontée par ceux qui l’ont vécue Commelle-Vernay au cours de ces années-là : Francisque Lejon, René Mure et Henri Mottet.

Celles et ceux qui vivent à Commelle-Vernay de Commelle-Vernay - L’Histoire depuis toujours ne souhaitaient pas laisser per- dre leurs souvenirs. Ils ont été les témoins de l’Histoire de la commune et ils l’ont aussi façonnée. De Mémoire d’Hommes De Mémoire 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 1

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L’Histoire de

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3 Préface

ui pouvaient le mieux évoquer Commelle-Vernay si ce ne sont nos anciens, ceux qui ont passé toute leur vie dans notre commune,ceux qui l’ont connue pendant l’occupa- Qtion ou bien à une époque où les labours et les vendanges rythmaient la vie locale. Rencontres, échanges, moments propices à la transmission orale de ce qui faisait le quotidien, pèlerinage du 8 sep- tembre,dépassant largement les limites communales,ont marqué cette période d’après guerre. Cet ouvrage «De Mémoire d’hommes» initié par les élus en 2006,se veut être un recueil d’histoi- res vécues par les uns et les autres et racontées en toute simplicité. Le lecteur imaginera facilement les moments passés,au cours desquels chacun d’entre eux a pu raconter son histoire en tête à tête, ou en réunions où nos «anciens» se retrouvaient autour d’une table propice aux souvenirs mis en commun, table agrémentée de mets traditionnels et de bonnes bouteilles favorisant les échanges sans doute comme autrefois…

Nous autres lecteurs, nous sommes semblables à ces funambules marchant sur un fil,cherchant à tous instants notre équilibre à l’aide de ce balancier, reliant le passé qui nous est légué à un avenir à construire. L’équilibre est précaire et instable. La connais- sance de notre passé, la culture transmise par nos anciens devient alors facteur d’équilibre. Plus tard nous glisserons à notre tour sur un côté du balancier enrichissant ce qui nous a été transmis de nos acquis, pour l’offrir aux générations suivantes. Cet ouvrage a été l’occasion de s’arrêter, d’écouter, de prendre le temps,de sourire à telle anecdote,de passer de l’oral à l’écrit.Que tous ceux et celles qui ont participé à ce livre «De Mémoire d’Hommes» en soient remerciés, en particulier nos «anciens» qui ont livré leurs souve- nirs en toute simplicité et avec une grande humilité.

Jean-Louis DAVID Maire de Commelle-Vernay L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay Le 1° mai 2008 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 4 L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay

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5 En guise d’introduction… E qu’il y a d’étonnant, avec les souvenirs, c’est qu’ils s’échappent de nous-mêmes pour se réfugier, l’on ne sait où, dans l’attente de remonter à la mémoire, à la première C occasion. Encore que cela n’est pas systématique. Certains se nichent au fond du tréfonds, tellement loin dans notre mémoire, qu’il faut ruser pour les faire émerger. Il en revient de précis et de très vagues. D’autres se perdent à jamais pour des raisons obscures qu’il faut savoir respecter. C’est ce travail de collecte de la mémoire et de «traque» des souvenirs du temps jadis que nous avons amorcé patiemment, au cas par cas, au fil d’entretiens individuels, plus ou moins poussés, selon les disposi- tions de chacun.Faire ressurgir ce qui peut nourrir notre mémoire col- lective a été le fil conducteur de cet ouvrage, à mi-chemin entre le recueil de témoignages et la démarche de reconstitution historique.

Le projet initial visait à retracer l’histoire de Commelle-Vernay au travers des souvenirs de nos anciens.Au terme de l’en- quête menée auprès de ceux qui en ont accepté le prin- cipe, il apparaît évident que nos aînés ont beaucoup à dire et, qu’à tendre l’oreille, c’est notre regard qui change. Notre perception s’affine propor- tionnellement à notre capacité à nous posi- tionner aujourd’hui dans la continuité de ceux qui nous ont précédés. Ceux qui ont envie de s’implanter durablement, comme l’on prend racine, dans la com- mune où l’on a choisi de vivre et non pas seulement d’habiter, trouveront un intérêt supplémentaire à suivre les évocations et les réminiscences qui vont suivre. L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 6

«Commelle-Vernay n’a pas d’histoire» nous a dit un jour un ancien de la commune,au terme d’un entretien qui venait pourtant d’en retracer L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay quelques épisodes marquants. Cette incrédulité face à notre propre histoire mérite que nous lui apportions un démenti par la preuve,assu- rés que nous sommes, au terme de ce projet, que la petite histoire fait toujours écho à la Grande Histoire, en ce sens que nous sommes tous à la fois observateurs et acteurs d’évènements qui nous dépassent, et qu’à Commelle-Vernay comme ailleurs, l’Histoire s’écrit là où vivent les Hommes.

Savoir se retourner, chercher à comprendre comment la commune s’est transformée au gré des évènements, petits et grands, et des per- sonnalités qui ont été au centre de son évolution, c’est entrer dans le récit d’une époque révolue, mais qui laisse sa trace et éclaire l’avenir.

Merci à celles et à ceux qui, par leur contribution, ont nourri ces chro- niques qui sont autant de tranches de vie.

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7 D’aussi loin que je me souvienne Une commune rurale entourée de vignes

OS anciens ont en commun d’avoir été trop jeunes pour participer, en tant que soldats, à la seconde guerre mon- diale. Mais ils avaient déjà l’âge de raison. De sorte que Nleurs souvenirs, fixés sur quelques épisodes marquants en disent long sur la manière dont la population de Commelle-Vernay a traversé la période tragique de 1939-1945 et vécu les années de liesse qui ont suivi. C’est ce climat, cette atmosphère, que nous avons cher- ché à restituer. Au préalable, et afin d’aider le lecteur à prendre la mesure de la phy- sionomie générale de la commune, il apparaît important de rappeler qu’au début de la guerre, notre commune est dirigée par un habitant de Commelle, monsieur Méret, agriculteur de son état. Son successeur sera monsieur Seive, agriculteur également, mais résidant à Vernay. Cette profession fait écho à celle qui est majoritairement repré- sentée sur la commune. En effet, à cette époque, Commelle- Vernay qui ne compte que quelques centaines d’habi- tants, a une population essentiellement rurale, compo- sée de petits exploitants qui ne possèdent que quel- ques vaches. Les surfaces cultivées en céréales sont peu étendues, mais la plupart des proprié- taires disposent d’une vigne, ce qui s’avèrera un bien très précieux, en cette période de rationnement. Il se récolte, à partir du bourg jusqu’au hameau «Le village David»,plus de 500 pièces,soit environ cent mille litres de vin. Un vin d’une teneur alcoolique de 8° seulement, car les plants ne sont pas d’une grande qualité.

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«S’en sortir» L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay

Pierre et Irène Etaix se sont rencontrés dans l’immédiat après-guerre.

Pierre Etaix a 13 ans lorsqu’il vient habiter à Commelle-Vernay. Nous sommes en 1935. L’année suivante, il quitte l’école pour se mettre au travail, comme la plupart des jeunes gens de son âge. Il ne tarde pas à entrer, comme domestique, dans une ferme de la commune située dans le bourg de Commelle. Il est un peu l’homme à tout faire, celui qui rend mille et un services au gré des besoins et au rythme des sai- sons. Lorsque la guerre éclate,il n’a pas l’âge de partir au front.En revanche, il est apte à remplacer ceux qui ont été appelés pour cette «drôle de guerre». Lorsque les Chantiers de jeunesse sont décrétés*, Pierre Etaix est envoyé dans le Jura comme forestier.Huit mois durant,il passe ses jour- nées à couper du bois et à faire du charbon de bois. Puis il est envoyé, dans le cadre du Service du Travail obligatoire (S.T.O.)** en Allemagne et en Autriche. Il travaille dans des usines d’Etat qui confectionnent les chenilles qui équipent les chars de combat. L’encadrement est sévère. La Gestapo est présente dans l’usine du matin au soir. Pierre fait ses huit heures,puis il est conduit,avec ses camarades,dans le campement situé à 8 kilomètres de là. Un périple qu’ils font chaque jour à pied, quels que soient les aléas du climat. Parfois, les bombardements se rap- prochent et le pire est à craindre. «Il aurait été difficile de se sauver. Pour aller où ? Les Allemands avaient prévenu qu’ils n’hésiteraient pas à s’en prendre à nos familles. Alors j’ai pris mon mal en patience». En mai 1945, après deux ans de travail obligatoire, Pierre rentre chez lui.«Les gens ont été surpris de me revoir, car ils pensaient que j’étais mort», raconte-t-il. «En réalité, il s’agissait de mon cousin, mon homonyme, qui était tombé lors d’un bombardement».

*Le 30 juillet 1940, les Chantiers de Jeunesse sont créés dans le but de recueillir provisoirement les conscrits âgés de vingt à vingt-deux ans qui devraient être incorporés dans l’armée. A partir de janvier 1941, ils sont une obligation pour tout jeune Français âgé de vingt ans et physiquement apte. Il doit accomplir un stage de six mois, afin d’y acquérir « le sens de l’ordre, le goût de l’effort et une formation 8 virile ». 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 9

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Pierre reprend le cours de sa vie. Il trouve sans tarder du travail dans une petite ferme du coin.Au printemps suivant, il se marie avec Irène, une jeune fille qu’il a connue au son de l’accordéon, dans un bal musette. C’est Francisque Lejon, maire de l’époque, qui procède à la cérémonie. «En ce temps-là, les jeunes sortaient à vélo ou à pied, raconte-t-il. On allait quelquefois au cinéma à .On aimait surtout aller aux bals, dans les environs. Les garçons mettaient leur costume-cravate et les jeunes filles portaient leur plus belle robe. Sinon, nos sorties se résumaient aux fêtes patronales. On s’y rendait entre copains». Le jeune couple s’installe dans une petite ferme pour élever de la volaille et s’occuper de quelques chèvres et moutons. De quoi subsister et envisager l’avenir avec confiance.

De la difficulté à prendre racine

L’histoire d’Irène est moins linéaire que celle de son mari. Elle prend ses racines dans les Vosges. Son lien avec le Roannais date des années de guerre et s’appuie sur un malentendu. En effet, son père, ajusteur outilleur de profession, est envoyé d’au- torité à l’Arsenal de Roanne. À cause de la consonance de son nom luxembourgeois, et de sa pointe d’accent, il est parfois pris pour un Allemand. Irène se souvient de cette période comme étant une époque difficile au cours de laquelle elle s’est sentie déracinée. «On ne nous a pas fait de cadeaux», résume-t-elle. «Et puis il y avait le marché noir et les réquisitions. Les gens étaient repliés sur eux- mêmes. L’ambiance était tendue. Il fallait faire attention à ce que l’on disait. On savait que des oreilles ennemies traînaient un peu partout. Et puis, il y avait les Allemands qu’on croisait souvent. Ils passaient en voiture, à vélo ou à pied.Il ne fallait pas se faire remar- quer. C’est seulement après mon mariage que j’ai commencé à me sentir bien dans cette région. Je n’étais plus déracinée. J’étais entrée dans ma vie de femme». L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay

** Le 5 février 1943, sur proposition de Pierre Laval, un texte législatif institue le Service du Travail Obligatoire.Tous les jeunes gens nés entre le 1er janvier 1920 et le 30 novembre 1922 sont déclarés bons pour partir travailler en Allemagne.Dix jours plus tard,la loi fixe à deux ans la durée du STO.Ceux qui refu- sent de partir sont,selon la terminologie officielle,des réfractaires.La loi prévoit de punir ce nouveau délit. 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 10

Irène se souvient de l’épicerie du bourg de Commelle où elle allait à pied faire ses courses de dépannage. L’épicier et le boulanger ambu- L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay lants passaient aussi régulièrement. «Tant mieux, car il y avait encore très peu de voitures». Pierre se souvient d’avoir eu son premier véhi- cule en 1955. Une Citroën. Jusque-là, il se déplaçait à vélo, puis il acheta une mobylette. Ils attendront la fin des années 60, et un gain exceptionnel au tiercé,pour acquérir la télévision.L’écran était en noir et blanc. C’était une belle époque. Celle des jeunes années.

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11 Naissance de La Boule de la Grappe

En 1949, Pierre Delabre décide avec quelques copains de créer une société de boulistes. Il devient le secrétaire de « La Boule de la Grappe». Il évoque cette période avec nostalgie : «Il n’y avait rien comme activité sportive organisée. Le foot n’existait pas encore. Je me souviens que l’on jouait avec de grosses boules en bois, comme avaient fait les anciens avant nous.Notre association a marché tout de suite et bientôt on était une trentaine de sociétaires. Nos femmes nous accompagnaient et on passait ainsi une bonne journée. Puis la vie à Commelle-Vernay s’est peu à peu organisée. Le football Club est né. L’époque avait changé. Il y a eu quelques constructions, puis de plus en plus. Dans les années 50, il était facile d’obtenir un prêt bancaire pour améliorer son habitat. Dans les années 60, la recher- che du confort était la règle. Les maisons ont commencé à pousser comme des champignons. C’était à la fois mieux, car les nouvelles populations entraînaient la mise en place de nouveaux services et la création de nouvelles activités associatives, et moins bien car la mentalité de ceux de la ville n’était pas la même que la nôtre. Il a fallu nous adapter les uns aux autres».

Je me souviens que l’on jouait

avec de grosses boules en bois de L’Histoire Commelle-Vernay 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 12

Souvenirs d’enfant L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay

Jean Verrière a toujours eu la passion des trains. Il évoque le bombardement de la ligne de chemin de fer et l’organisation alors mise en place pour surveiller la voie ferrée.

Jean Verrière a dix ans lorsque la guerre éclate. Lorsqu’il évoque cette période, un souvenir émerge instantanément : le bombardement de la ligne de chemin de fer. Ce jour-là, trois bombes sont tombées. Elles visaient à empêcher un train de munitions de poursuivre son acheminement sur Saint-Etienne. Objectif atteint, indirectement, car, si le train n’a pas été touché, la ligne de chemin de fer a été suffisamment endommagée pour être hors service quelque temps. Une autre version tente d’expliquer ce bombardement. L’aviation italienne aurait voulu bombarder l’Arsenal de Roanne*, mais elle se serait trompée d’objectif. Quoi qu’il en soit, le bombardement a eu lieu et Jean Verrière en a été le témoin. «J’étais avec mon père ce jour-là, raconte-t-il. On n’était pas très loin. Je me souviens avoir entendu les bombes sif- fler en tombant et les grandes détonations.Comme on ne savait pas précisément où les bombes étaient tombées, mon père a eu tout de suite très peur pour le reste de la famille qui était resté à la maison. Finalement il a été rassuré sur le sort de sa femme et de ses enfants, mais comme il craignait un nouveau lâcher de bom- bes, il nous a envoyés coucher chez Thévenon, la ferme du coin qui avait une cave souterraine. Lui est resté à la maison, au cas où il arriverait quelque chose».

* L’Arsenal a été construit en 1918. Il est l’un des principaux lieux de production d’armement. 12 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 13

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Après cet épisode qui a marqué les esprits, le représentant local du gouvernement de Vichy demande que les voies soient dorénavant gar- dées, dès la tombée de la nuit. Les hommes s’organisent. Le principe adopté est le suivant : deux personnes étaient postées le long des voies, à intervalles réguliers d’un kilomètre. «La résistance voulait faire sauter les voies, rapporte Jean Verrière. Tout le monde savait que si elle y arrivait, ça allait chauffer dans le pays. D’où la garde qui était censée déjouer les attentats. Mais certaines sentinelles ne restaient pas toute la nuit à faire les cent pas. Elles finissaient tou- jours par se retrouver au milieu de la nuit pour «boire un canon». Au petit matin, elles n’étaient plus en état pour rentrer chez elles». L’enfant qu’il était à l’époque garde d’autres souvenirs liés à la ligne de chemin de fer. Il évoque le passage fréquent des wagons de charbon bondés de bestiaux dont il ne voyait que les cornes.Il se souvient aussi du mitraillage d’une locomotive. C’était un dimanche, mais il ne peut en dire davantage.

Je me souviens avoir entendu les bombes siffler en tombant L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 14

Plus précis, en revanche, est le souvenir de la venue «des boches», comme on disait à cette époque, à la ferme familiale. «Ils étaient cinq L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay ou six, armés.Le chef parlait avec mes parents, tandis que les autres ont vidé la cave et emporté tout ce qu’ils ont pu. Ils ne nous ont pas fait de mal. On n’avait pas intérêt à dire quoi que ce soit». De son propre aveu, Jean Verrière explique ne pas avoir souffert des restrictions.«Côté alimentation, on n’était pas trop malheureux pen- dant la guerre, car grâce à la ferme, on avait à peu près tout ce qu’il fallait pour composer les repas».

Le temps de vivre

Lorsque la guerre se termine, Certificat d’Etudes en poche, Jean Verrière arrête l’école pour travailler à la ferme familiale. Il prend la place du commis. Il aurait aimé entrer dans les chemins de fer, car il a toujours été attiré par l’univers des trains, mais à l’époque ses parents ont décidé pour lui. Il y avait du travail à la ferme et il était urgent de le faire. Jean Verrière s’est donc mis à l’ouvrage. Il a appris à labourer et s’est astreint à s’occuper des vaches. «On avait beaucoup plus de résistance physique que les jeunes de maintenant», dit-il non sans une certaine fierté. «Il faut dire qu’on avait plus l’habitude qu’au- jourd’hui de trimer très jeune. Mais paradoxalement, on prenait plus le temps de vivre.On s’arrêtait pour boire un coup ou pour dis- cuter. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que les gens sont plus à la galope». Jean Verrière est resté à la ferme familiale. Il était l’aîné. Il se devait de se préparer à prendre la suite de ses parents. C’est dans une ferme voisine qu’il rencontre sa future épouse, Anaïs. Il l’avait connue à l’école, quelques années auparavant, mais les deux enfants avaient été envoyés en pension, chacun de son côté, et ils s’étaient perdus de vue. Ils font donc à nouveau connaissance. «On se voyait à la sortie de la messe. Les bals, il n’y en avait pas souvent. On se voyait surtout les après-midi. Notre ménage a toujours vécu sur la ferme.On a commencé petit et puis on a évolué.Au départ, on avait six vaches et trois cochons.

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Ensuite, on s’est développé, mais sans commune mesure avec ce qu’il faudrait de nos jours pour faire vivre une exploitation : le travail n’est plus le même, il y a beaucoup plus de travail adminis- tratif à fournir et il est nécessaire d’avoir une grosse exploitation pour espérer en vivre.La mécanisation est également généralisée.De notre temps, elle commençait à peine. Quant à élever des animaux, là encore, c’est différent.Actuellement, on n’a plus le droit de tuer à la ferme un animal, il faut obligatoirement passer par l’abattoir.Le mode de vie de l’agriculteur a suivi : il a Internet chez lui et il s’or- ganise pour partir en vacances. Nous, on ne pouvait pas s’absenter, ou alors une journée, deux au maximum. Partir plus longtemps aurait nécessité de prendre quelqu’un pour faire le travail. Financièrement, ce n’était pas possible et puis ce n’était pas dans les habitudes de l’époque. Commelle-Vernay aussi a changé. Nous étions environ 700 habi- tants lorsque j’étais enfant, nous sommes aujourd’hui quatre fois plus. Je me souviens que nous avons eu l’eau courante en 1967, l’année de naissance de notre fille. Cela nous a rendu la vie plus facile, surtout pour la toilette. Jusque-là, on prenait l’eau du puits et on se lavait à la bassine.Dehors, lorsqu’il faisait beau, et dans l’écu- rie, avec les vaches, lorsqu’il faisait froid. Avec le recul, je me dis qu’on ne devait pas sentir bien bon ! Deux ans plus tard, le premier homme marchait sur la lune. Je me souviens que nous avons regardé ça à la télévision, en compagnie du père curé. On s’était dit que le monde avait bien changé». Reste que Jean Verrière ne regrette rien. «J’ai aimé mon métier», dit-il sereinement. «J’étais un homme de la terre et finalement, je le suis resté». J’étais un homme de la terre et finalement, je le suis resté L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 16

Vivre à la ferme L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay

Longtemps, la population de Commelle-Vernay a vécu à la ferme. Témoignage de Marie-Thérèse Verrière, épouse Rochard.

Marie-Thérèse Verrière a vécu les années de guerre dans la ferme de ses parents. Certaines images lui sont restées en mémoire, mais il lui faut du temps pour y faire allusion, comme si elles étaient autant de confidences à recueillir en tant que telles. Elle évoque notamment le chemin de fer, les trains chargés de bombes et la pré- sence des soldats allemands qui venaient parfois à la ferme de ses parents, comme dans les autres fermes de la commune, pour le réquisitionnement. «Ils s’introduisaient dans la maison et se servaient. Il était évident que certains avaient bu». Elle sait aussi que son père allait garder les voies. Les hom- mes passaient la nuit dans une cabane et ils ren- traient au petit matin.On n’en saura pas plus.«J’étais jeune» dit-elle simplement. En revanche, elle est plus prolixe sur le mode de vie qui était le sien durant ses jeunes années.

Une famille paysanne

«On était sept enfants à la maison. Les deux der- niers étaient des jumeaux. Grâce à la ferme, on n’a pas véritable- ment souffert de la guerre, car on avait l’essentiel : du lait et des pommes de terre. Papa faisait le pain, une fois tous les quinze jours. Comme on habitait à proximité de la voie ferrée, on avait peur des bombardements.

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Parfois on allait dormir chez des voisins qui avaient une cave, sous terre. On a enduré la guerre, mais moins que d’autres. Avant- guerre, mes parents avaient une voiture.Ils l’ont cachée pour qu’elle ne soit pas confisquée». Toute sa vie, Marie-Thérèse a «vécu sur la ferme». Elle a quitté l’école à 14 ans, comme cela était fréquent à l’époque. Ses journées, elle les passait à travailler.Les commodités étaient sommaires.«On n’avait pas l’eau courante. Il fallait tirer l’eau du puits. On accrochait le seau à une chaîne, on le descendait puis on le remontait. On faisait ça plu- sieurs fois par jour.On se lavait au creux, dehors. L’hiver, on se ser- vait d’une bassine, mais comme il n’y avait que la cuisine qui était chauffée, je me souviens qu’on ne traînait pas. Il fallait faire deux kilomètres à pied pour laver le linge.Trois fois par jour, quel que soit le temps, il fallait aussi traire les vaches. On s’éclairait à la lanterne, une lampe à pétrole que l’on pendait à proximité. A la ferme, il n’y avait rien de mécanique, aucune machine. La famille vivait de la vente de sa production. Mon père faisait du porte-à-porte, rue Casanova, à Roanne». A la question de savoir quel regard rétrospectif elle porte sur cette époque, elle répond que c’était un mode de vie, son quotidien, et qu’il ne venait à personne l’idée de se plaindre. «Le travail n’était pas une corvée. Nous étions motivés pour le faire et on se contentait de ce qu’on avait».

«Grâce à la ferme, on n’a pas

véritablement souffert de la guerre, de L’Histoire Commelle-Vernay car on avait l’essentiel...» 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 18

A l’âge d’entrer dans la vie L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay Marie-Thérèse Verrière se souvient d’être allée au bal pour la première fois à l’âge de 20 ans. Son père l’avait accompagnée, mais comme elle était rentrée plus tard que prévu, son retour lui avait valu une paire de claques. Il aurait fallu être rentrée pour la traite du soir. Son mari, elle l’a rencontré à la fête de la terre. «Il était du métier, nous avions les mêmes idées et il s’est bien adapté», dit-elle simplement. Jusqu’à son mariage, son futur époux était ouvrier agricole chez ses parents. Il tra- vaillait 365 jours par an. Il était le fils de la famille, mais devait travail- ler comme s’il était employé. Marie-Thérèse Verrière raconte cela sans reproches sous-jacents. Il fallait bien «traire les vaches et leur donner à manger». Elle-même a travaillé chez ses parents jusqu’à ce qu’une sœur plus jeune ne prenne sa place. Elle a pu alors travailler à Roanne dans une bonneterie. «Puis je suis restée à la maison pour élever ma gamine. Certains soirs, on allait chez les voisins. On discutait en mangeant des châtaignes». Au moment de clore son récit, Marie-Thérèse Verrière évoque un per- sonnage qui l’a marquée. Une femme qui venait chez elle une fois par semaine. Tout de noire vêtue, la vieille dame venait à pied de Saint- Vincent-de-Boisset. Elle tricotait en marchant, à l’aller comme au retour. Un personnage comme on n’en voit plus depuis longtemps.

Il était du métier, nous avions les mêmes idées et il s’est bien adapté

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19 Durant l’occupation…

Raymond Fontanne évoque deux épisodes tragiques qui sont restés dans la mémoire collective.

Raymond Fontanne habite Commelle-Vernay depuis août 1938. Le pre- mier hiver de la guerre, il l’a passé ici, dans la maison que ses parents ont fait construire et dans laquelle il réside encore actuellement. En 1940, il avait tout juste seize ans. «C’était l’occupation allemande et nous nous sentions en danger», raconte-t-il, en prenant le temps de la réflexion. «Durant cette période, nous étions tous sur nos gardes, nous ne sortions que par nécessité et il fallait respecter le couvre-feu. Nous essayions d’avoir quelques informations, en particulier grâce à Radio Londres que nous écoutions régulièrement, en baissant au maximum le son de notre petit poste de radio. On n’avait pas de voisins, ce qui nous assurait une certaine discrétion. Je me sou- viens que Philippe Pétain est venu à Roanne à deux reprises*. Il a été acclamé par une foule considérable, notamment par les élèves des éco- les, qui devaient agiter sur son passage de petits dra- peaux tricolores qu’on leur avait distribués. A trois reprises, j’ai participé à la surveillance des voies ferrées, sur un kilomètre environ, entre Roanne et Saint-Etienne. Mais cette garde, par petits groupes de deux personnes, était plutôt symboli- que, car nous n’étions pas armés. L’hiver était rude et nous essayions de lutter contre le froid, en nous abritant dans de minus- cules cabanes de fortune.

*Visite du maréchal Pétain, le samedi 1er mars 1941.Accueilli à sa descente du train par le sous-préfet et par Joseph Mehler, président de la délégation spéciale, qui remplit le rôle de maire de Roanne, le maré-

chal se rend place des Promenades où il prononce un bref discours. de L’Histoire Commelle-Vernay Aux Promenades, la foule est importante et les enfants, encadrés par leurs instituteurs, s’y sont rendus en masse. La seconde visite du maréchal à Roanne,le 21 juillet 1941,est moins spectaculaire que la première,car cette cérémonie est avant tout destinée à fêter l’arrivée en du premier train de prisonniers rapatriés. 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 20

A ma sortie du Collège Technique Carnot, je suis entré à la Compagnie Electrique de la et du Centre**, et je fus mobilisé L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay sur place, c’est-à-dire mis à disposition».

Episodes tragiques

Raymond Fontanne rapporte deux épisodes tragiques qu’il n’a pas directement vécus, mais que la mémoire collective garde en souvenir. Le premier tout particulièrement. Il se déroule dans la période trouble qui a précédé la débâcle. Les troupes allemandes avaient reçu pour consigne de protéger, ou en cas d’urgence, de faire sauter les ponts. Les Allemands tirèrent sur les deux Français qui gardaient le pont de et l’un d’eux perdit la vie.«Sans doute ces derniers n’avaient- t-ils pas été prévenus ou avaient-ils reçu une mauvaise information. On n’a jamais su exactement ce qui s’est passé». Le second concerne «le destin tragique de jeunes résistants, essentiel- lement Costellois, entrés dans la Résistance.Un jour, les malheureux furent surpris par une colonne de soldats allemands qui les a mas- sacrés sur la route de Lyon, peu avant la commune de Neaux. Cette tragédie a bouleversé notre village».

**aujourd’hui EDF 20 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 21

21 Braver l’interdit

L’insouciance est l’apanage de l’adolescence. Sauf en période de guerre. Témoignage de Louis Chaize.

En 1939, Louis Chaize avait huit ans. C’est cette année-là que la maison familiale a bénéficié de l’électricité. «On avait tendance à en abuser», raconte-t-il. «Avant d’aller se coucher, mon père passait donc dans toutes les pièces pour vérifier que les lumières étaient éteintes. Il craignait l’incendie». Mais cette année-là, un autre enjeu se jouait à l’extérieur. Le jeune Chaize n’en a eu conscience que progressivement.Preuve en est qu’il aimait bien bra- ver l’interdit, quel que soit le risque encouru. C’est ainsi qu’il se rendait,avec quelques cama- rades, sur les bords de Loire afin de se trem- per les pieds, profiter des jeux d’eau et sur- tout pour canarder, à l’aide de cailloux ramassés sur place, les barques qui passaient à intervalles réguliers. Des barges qui trans- portaient pour l’essentiel du sable ou du gra- vier provenant d’une exploitation installée à proximité. De son propre aveu, face aux Allemands qui passaient tous les jours, en chantant, dans la cour de la ferme pour se rendre sur leur terrain d’entraînement, toujours le même, le jeune Louis, tout juste âgé de 10 ans, ne faisait «pas le flambeur». Il se souvient des coups de fusil et des tirs de grenade qu’ils tiraient toute la journée. C’est ainsi qu’ils ont fait tomber, en deux ou trois coups de grenade, une vieille maison aban- donnée qui avait été jadis un bistrot, La Mataude, fréquenté par des pêcheurs.Le soir,tandis que les Allemands retournaient à leur cam- pement, toujours en colonne d’une centaine d’hommes, le petit Louis L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 22

allait parfois ramasser ce que «les boches» avaient laissé sur place. «Un jour, ils ont laissé une sentinelle qui nous a vus», raconte-t-il. L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay «Elle a fait les sommations d’usage.On est rentré à la maison à toute vitesse. Je me suis bien gardé d’en parler à la maison». Le père de Louis n’était pas homme à s’amuser des risques encourus par son fils. D’autant plus qu’il avait six autres enfants à la maison et qu’il devait travailler beaucoup pour assumer sa famille. «En ce temps- là, mon père livrait le lait, à l’aide d’une remorque qu’il avait ins- tallée à l’arrière de son vélo. Il était souvent contrôlé au Coteau. Grâce à la ferme, on avait des pommes de terre, des œufs, du lait et même des cerises et des asperges. Les Allemands venaient parfois à la maison pour nous prendre des œufs ou un litre de lait. Une fois, ils nous ont pris un cheval. Ils nous payaient un minimum». Le fameux bombardement est aussi resté gravé dans sa mémoire de jeune garçon. «Un avion est arrivé du sud. Il a piqué et a lâché trois bombes. Je les ai vu descendre et tomber sur la voie ferrée. Sous la force de l’explosion, les traverses ont été surélevées d’au moins vingt cinq mètres de haut. Dans l’instant, mon père est venu me chercher et m’a conduit chez mon oncle, un peu plus loin.Je me souviens que ma mère et ma tante étaient là et priaient. Plus tard, j’ai eu l’occasion de voir les trois cratères de cinq mètres de profondeur qu’avaient creusés les bombes sur le sol». A la question de savoir s’il avait connaissance de per- sonnes sur la commune qui étaient ouvertement du côté des Allemands, Louis Chaize répond qu’il se méfiait de ne pas trop parler. Il était prévenu que deux gamins de son école avaient cette réputation «d’enfants de collabos». Il n’en dira pas davantage. «A la Libération, on ne les a pas revus», ajoute-t-il en guise de synthèse et de conclusion.A l’époque, il était scolarisé à l’école du Coteau. Cette dernière était la plus proche de Bachelard où il habitait. Ses parents étaient fermiers au château.

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23 Traverser la guerre et vivre quand même

Quelques années plus tard, alors qu’il a une quinzaine d’années, Louis Chaize se tourne davantage sur Commelle-Vernay. Le dimanche, «son jour de libre», il se rend à la messe. Issu d’un milieu agricole paysan, il ne lui viendrait pas à l’idée de faire autrement. Il ne rate jamais non plus les représentations théâtrales organisées par le père Convert, «Un sacré bonhomme», s’exclame-t-il. «Un homme entier, profondément ancré dans le culte. Un curé comme on n’en fait plus». Sinon, ses loisirs consistent aussi à jouer aux boules et au billard ins- tallé au café du Nord*. «J’ai quitté l’école après le certificat d’études», poursuit-il.«A la ferme, on avait un domestique.Mon frère et moi, on l’a remplacé. On a pris le manche». Manière de rappeler qu’à l’épo- que, tout était manuel. Il fallait bêcher la terre et seconder les parents dans tous les travaux de la ferme. «Entre paysans, on s’entendait. On achetait à plusieurs le matériel que l’on ne pouvait pas acheter seul. C’est comme ça qu’on a utilisé notre première moissonneuse. On se donnait aussi la main, d’une ferme à l’autre, surtout à l’intérieur des familles». «Il m’arrivait d’aller au bal, mais toujours en cachette. Je sortais par la fenêtre, ce qui n’était pas si simple, car je logeais dans une chambre, au-des- sus de l’étable. On y allait en bottes et à pied. On courait à l’aller et au retour. L’orchestre était som- maire, puisqu’il y avait un accordéon, un saxo et une batterie, mais il y avait une bonne ambiance et c’était cela l’essentiel. Comme les filles rentraient de bonne heure, il ne nous restait que la castagne pour terminer la soirée, mais rien de jamais bien grave». Il m’arrivait d’aller au bal, mais toujours en cachette. L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay

*« La Béné », aujourd’hui Le Sarment. La Béné était un personnage unanimement apprécié au village. Le Comité des fêtes lui a organisé un anniversaire grandiose à l’occasion de son centième anniversaire. 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 24

Souvenirs d’un garnement L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay

Lorsqu’il était en culottes courtes, et plus tard, Francisque Chaize a beaucoup observé. Echos d’une restitution révélatrice d’une époque.

La guerre, encore elle. Pour Francisque Chaize qui a 10 ans lorsque l’histoire se déchaîne, le temps de l’insouciance s’estompe. Jusqu’ici, il était un gamin qui aimait jouer à la fronde avec son frère. Il lui arri- vait parfois d’atteindre un écureuil. Scolarisé à l’école libre du Coteau, il est l’aîné des garçons. Lorsque la période s’assombrit, sa mémoire se fixe sur les allées et venues des Allemands qu’il voyait passer,trois fois par semaine.«On les entendait de loin», explique-t-il. «Ils arrivaient à pied, en chantant. Il m’arrivait de les épier pour voir ce qu’ils faisaient. Un dimanche qu’ils étaient absents de leur terrain d’entraînement, j’ai ramassé un truc qui ne ressemblait à rien de ce que je connaissais. Peu de temps après, je l’ai jeté dans la cheminée de la mai- son. Cela a aussitôt explosé. Il y avait de la braise partout dans la pièce». On imagine aisément les réactions des parents, mais de cela,le garnement qui a mûri ne dit rien,préférant axer son récit sur un autre épisode signifiant. «Un jour, poursuit-il, les Allemands ont simulé, en guise d’entraînement, la prise du châ- teau de Bachelard.J’ai alors été très surpris de constater qu’il y avait parmi eux de jeunes basanés, type Mongols, qui, à la première occasion, s’arrêtaient pour ramasser des fleurs.

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Avec le recul, je me dis que ce contraste saisissant était la preuve que parmi les troupes d’occupation, il y avait des personnes qui semblaient embrigadées. A la manière qu’avaient les Allemands de leur parler en hurlant pour leur apprendre à faire la guerre, je pense ne pas être trop loin de la réalité». Des images de la guerre,Francisque en a d’autres en tête.Il les raconte, pêle-mêle, sans hiérarchie, à la manière sans doute dont il a vécu les faits à l’époque. Il commence par évoquer l’arrivée de l’ennemi à Roanne, en juin 40. Ce jour-là, sa maman était allée voir ses parents ori- ginaires de Parigny.Son père était en déplacement dans le secteur. Il a dû patienter cinq heures avant de pouvoir passer pour rejoindre son domicile.«On a eu de la chance qu’il ne se fasse pas arrêter pour être aussitôt envoyé en Allemagne comme cela est arrivé à d’autres», dit- il aujourd’hui, conscient que le destin de la famille aurait alors proba- blement basculé dans l’inconnu. Il poursuit son récit par l’épisode du bombardement. Le bruit de la détonation a laissé une empreinte. «Je me suis aussitôt plaqué contre un mur, dit-il. Je me suis ensuite approché de la fenêtre pour voir ce qui se passait et j’ai entendu deux autres bombes siffler en tombant. Les détonations ont été tellement violentes que ma tête a claqué contre la vitre. Peu de temps après, mes parents m’ont envoyé à Parigny. Mon frère était du voyage. Ils voulaient nous mettre à l’abri». A peine s’arrête-il sur l’épisode de l’ordre de réquisition, donné par la mairie. «Mon père a été obligé de donner un cheval et trois vaches», raconte-t-il,avant d’insister sur un détail qu’il a bien ancré en mémoire. Il concerne les restrictions. Francisque se souvient que, bizarrement, il n’a pas manqué de chocolat pendant la guerre, alors que des produits de première nécessité, comme le café ou l’huile, faisaient défaut. Le jeune Francisque garde encore en mémoire le spectacle attristant de la débâcle. Les gens qui s’en allaient, à pied pour l’essentiel, en tout cas par tous les moyens, sauf par le train.

Ils voulaient nous mettre à l’abri... de L’Histoire Commelle-Vernay 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 26

Beaucoup de travail et quelques loisirs L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay Les années de jeunesse de Francisque se sont déroulées, côté loisirs, autour de la vie paroissiale et des animations organisées par le père Convert. «C’était un homme sévère. Il nous guettait sur le parvis de l’église. Si on n’arrivait pas à l’heure ou si on n’entrait pas en rang, on se faisait engueuler». Le dimanche matin est consacré à la messe. «On mettait notre habit du dimanche pour s’y rendre. Celui-ci comprenait toujours une che- mise blanche et une cravate. Je chantais dans la Chorale qui avait alors une part active dans le déroulement de la cérémonie. L’après- midi, en revanche, on allait au café pour jouer au billard et boire des canons avec les copains». Parfois, lorsqu’il fait beau, il s’en va pêcher à la main et il revient tou- jours avec quelques poissons que sa mère prépare pour le dîner. En semaine, les loisirs sont exceptionnels. Il y a bien les réunions de la chorale ou quelques séances théâtrales, mais l’essentiel du temps se passe dans la ferme familiale, au travail. «Une vie de bagnard» résume- t-il aujourd’hui. «Il n’y a pas eu d’évolution jusque dans les années 50. J’ai appris à labourer, c’était très dur et j’en rêvais la nuit. J’ai appris mon métier sur le tas, mais je dirais aujourd’hui que je n’étais pas préparé à vivre une vie professionnelle aussi difficile. Heureusement, la modernité est arrivée, au fil du temps. A la mai- son, la vie n’était pas facile non plus.Lorsqu’il faisait froid, ma mère tirait un rideau derrière la porte. Il est arrivé que le rideau soit gelé et qu’il y ait du givre au-dessus des fenêtres. Enfant, j’y faisais alors de beaux dessins qui m’incitaient à rêver.Le froid était très pénible, surtout au moment de se coucher.Plusieurs fois, j’ai eu des engelu- res, mais on n’avait pas le choix et l’on endurait le froid». Devant le regard interloqué de l’interviewer, Francisque Chaize évo- que l’ancêtre de la bouillotte. La brique en céramique que ses parents plaçaient à l’intérieur du poêle avant de l’envelopper dans un journal et une couverture, et de la placer au fond du lit. Il s’agissait alors d’évi- ter de s’ébouillanter au moment de se glisser dans les draps.

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«Après mon mariage, je me suis installé à Parigny. Lorsque je suis revenu vivre ici, il y a vingt ans, j’ai constaté de grands bouleverse- ments dans la commune. Jusque dans les années 70, une famille pouvait vivre sur une ferme. A condition de beaucoup travailler et d’investir dans l’outil. Après, c’est devenu trop compliqué et de nom- breux paysans se sont mis à travailler à l’extérieur, la ferme ne deve- nant qu’un complément d’activité. De nouvelles populations sont arrivées à Commelle-Vernay et, pour les paysans, le lien social s’est concentré sur les populations avec lesquelles ils avaient partagé les préoccupations et les souvenirs du temps passé.On était plus réservé vis-à-vis de ceux qu’on ne connaissait pas». L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 28 L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay

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29 D’une époque à l’autre ’ARMÉE allemande recule et l’espoir renaît. A Commelle- Vernay on attendait, comme partout en France, que la guerre se termine et avec elle son lot d’angoisses. Lorsque la popu- lation entend enfin les cloches sonner au loin,elle comprend Laussitôt qu’elles sont annonciatrices d’une bonne nouvelle. Le cauche- mar vient de se terminer. Ce jour-là, les visages étaient détendus et il y a eu la fête au village. Dans les jours qui ont suivi, la vie quotidienne a repris son cours. Chacun n’attendait que cela. Le rythme de la vie était à nouveau dicté par les soins à porter aux bêtes et le travail à faire pour cultiver les terres. La principale activité de la commune est toujours la carrière Chiaverina qui exploite la roche rose, tout comme aujourd’hui. Le site emploie alors une dizaine de personnes. L’entreprise a été créée par monsieur Ballery, au début du XXe siècle. Le village est relié à Roanne, comme avant-guerre, par le car bleu de l’Entreprise Lafont de Villerest qui «passe» seule- ment deux fois par semaine, les mardis et vendredis matins, jours de marché à Roanne. L’arrêt se trouve devant l’école de Vernay et on peut y voir des pay- sannes, portant leur panier plat recouvert d’un torchon blanc pour protéger œufs et froma- ges. Ce même car «remonte» vers midi. Chaque année, lorsque les vendanges se terminent, le bouilleur de cru s’installe avec son alambic devant le cimetière de Commelle, à côté de l’étang de monsieur Muntaner. Il y séjourne plusieurs semaines. L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 30

Le patron reçoit ainsi le mou de raisins des viticulteurs de la commune et des villages voisins.Au petit matin,dans la fraîcheur des premiers fri- L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay mas de l’automne,la délicieuse senteur de l’eau de vie taquine les nari- nes de ceux qui disposent du fameux privilège du bouilleur de cru. Ces derniers doivent patienter une heure, parfois deux pour disposer du breuvage. Ils en profitent pour faire une dégustation sur place tout en observant le spectacle du professionnel s’affairant sur les manettes qu’il actionne, tantôt vers le haut, tantôt vers le bas, pour atteindre les 60° nécessaires. Par un étrange mystère, ceux qui ne disposent pas du privilège arrivent néanmoins avec quelques récipients. Après un échange direct avec le maître des lieux, ils ne repartent jamais déçus. On le voit, peu à peu, le village retrouve son âme. Mais l’avait-il jamais perdu ?

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31 Le Fritz

A la fin de la guerre, les soldats allemands sont rentrés chez eux. Tous sauf un : Fritz Volk. Tout le monde ici l’appelait Fritz. Au fil du temps, il est devenu un personnage de la commune. Un citoyen un peu à part, compte tenu de son histoire personnelle et du certain mystère qui l’entourait. Par sa présence, il est néanmoins devenu un familier que chacun prenait plaisir à croiser.

La présence de Fritz à Commelle-Vernay débute dans le contexte de l’après-guerre. A la Libération, Fritz qui avait combattu, pour le compte de l’Allemagne sur le front Russe et qui avait beaucoup souffert lors du siège de Stalingrad, a été arrêté et placé en détention dans la région marseillaise.Il avait 22 ans. Lorsqu’il est à nouveau libre, il arrive à Commelle-Vernay pour entrer à la Carrière qui cherche alors de la main d’œuvre. Le soir, il aide à la ferme des Félix, un couple qui vit là avec ses deux filles Germaine et Elise. «Il s’entendait bien avec Germaine» dit avec pudeur Louis Chaize qui était lié avec lui. Marie-Thérèse Brunet confirme. Elle l’a connu en 1968. «Il avait un cheval qui venait écra- ser nos pelouses», se souvient-elle. «Il s’était bien intégré au monde paysan. C’était un bosseur et il donnait la main ici ou là. C’était un beau gars aux yeux bleus, plutôt bien mis». L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 32

Claudius Burnichon confirme. «Fritz était un homme serviable et dis- cret. Lorsque j’avais un problème, c’est lui que j’appelais. Il aidait L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay aussi volontiers à l’organisation des manifestations locales. Finalement il était un peu partout, ce qui fait qu’il était apprécié. De son implication durant la guerre, on ne sait pas grand chose, mais il était visible qu’il avait été blessé à la jambe». En 1987, Marie-Thérèse Brunet a un ami allemand qui rencontre Fritz et constate qu’il ne parle plus très bien sa langue maternelle par man- que de pratique. «Il n’avait jamais revu sa famille et avait besoin de quelques pièces administratives pour sa retraite.On lui a proposé de le conduire chez lui pour renouer des liens. C’est ainsi qu’on est allé à Gözlar, au nord de l’Allemagne de l’Ouest*. Il a retrouvé les siens, mais il semblait déçu. Il est donc revenu à Commelle-Vernay pour n’en plus repartir. Lorsque Fritz est décédé, on a informé sa famille qui a donné l’autorisation qu’il soit enterré au cimetière de Commelle. «Il n’était pas très bavard et il ne parlait pas très bien le français, ce qui ne favorisait pas les échanges. On savait qu’il avait été enrôlé par les nazis, comme ceux de sa génération, qu’il avait fait la guerre ici mais il ne s’attardait jamais sur le sujet». Louis Chaize se désole de la triste fin de son ami Fritz. «Lorsque son amie est morte, il a vécu avec Roger Julien qu’ils avaient un peu considéré comme leur fils. Il a vécu comme cela, tristement, jusqu’à son décès, en 1994, à l’âge de 72 ans. Dans ses jeunes années, il jouait volontiers au foot. Il était un bon arrière central.Il commandait bien sa défense. C’était un mec bien qui savait se faire aimer. C’est cette image de lui que je conserve dans mon esprit».

Il a vécu comme cela, tristement, jusqu’à son décès, en 1994, à l’âge de 72 ans. * La réunification de l’Allemagne date de 1989. 32 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 33

33 Le pèlerinage de la Vierge Noire

Dans la vie de la commune, le 8 septembre a longtemps été un jour à part.

La Vierge Noire aurait des vertus divines car c’est grâce à elle qu’au cours du XIXe siècle, une montée des eaux de la Loire aurait été endi- guée, sauvant ainsi une population qui se sentait perdue. Le 8 septem- bre de chaque année, est organisé depuis à Commelle-Vernay le pèle- rinage de la Vierge à l’Enfant considérée par tous comme la vierge des mariniers. Aussi loin que remontent les souvenirs des anciens de la commune, cette journée rassemblait une foule considérable qui venait du Roannais et au-delà.«Sans doute autour de 10 000 personnes», estime Paul Beluze. Les gens venaient à pied, en car ou à vélo, ce qui n’allait pas sans poser des problèmes d’organisation.Il fallait en effet gérer le trafic continu des autobus et prévoir un garage à vélos. Le père Girardin témoigne. Il a été le curé de la paroisse* pendant dix ans, à partir de 1969. «Il y avait des messes toutes les heures. Les pèlerins priaient et faisaient brûler un cierge. Puis ils sortaient acheter une brioche chez la mère Traquelet et s’en allaient boire un verre d’eau aux ver- tus miraculeuses. Le soir, il y avait une procession aux flambeaux. L’évêque était parfois de la fête».Paul Beluze ajoute :Il y avait à l’épo- que trois cafés à Vernay et deux à Commelle. Ce jour là, ils ne dés- emplissaient pas. C’était la fête au village. Personne ou presque ne partait sans acheter la brioche chez Gilbert Traquelet». L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay

* C’est au XIe siècle que Vernay est érigé en paroisse 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 34

Une véritable Institution

L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay Chez Traquelet, on était boulanger depuis trois générations. L’établissement avait la réputation d’avoir du bon pain, cuit au feu de bois, ce qui lui donnait une saveur authentique et un croustillant ini- mitable. Le pain de campagne était vendu au magasin, mais aussi lors des tournées que Marie-Jeanne Traquelet assurait, les lundis, mercredis et samedis matin, dans les communes environnantes. «Gilbert Traquelet était un ami de la famille, poursuit Paul Beluze. Pendant le pèlerinage, j’allais lui donner un coup de main pour vendre les brioches, car la demande était tellement importante qu’on était trente personnes à servir.C’était incroyable.Les gens se bousculaient pour être certains d’avoir la fameuse brioche, qui était excellente, meilleure encore lorsqu’elle était chaude». Marie-Jeanne Traquelet ne dévoilera rien des secrets de fabrication de son mari, mais elle consent néanmoins à nous donner quelques indica- tions.«La pâte était faite exclusivement avec de l’eau de source et des œufs frais. L’utilisation de produits naturels était aussi essentielle que le savoir-faire du chef. Il pétrissait la pâte, il la laissait reposer et la faisait cuire au feu de bois. Nous disposions nos brioches ron- des dans des corbeilles.Certains clients en achetaient cinq ou six, de manière à pouvoir les offrir à leur entourage.Nous avions tellement de travail que mon mari était obligé d’embaucher des ouvriers pour pouvoir répondre à la demande».

La ferveur religieuse

A l’époque où Pierre Delabre était un jeune garçon, il faisait office d’enfant de chœur. Il se souvient du nombre incalculable de messes qu’il lui fallait servir deux jours durant. «On ne chômait pas. On portait la croix, le bénitier, on servait le vin et l’eau bénite. Le reste du temps on était à genoux, en culottes courtes. Lorsque le Cardinal Gerlier, archevêque de Lyon, est venu, il y avait encore plus de monde

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que d’habitude. On était vêtu pour l’occasion d’une aube, une sorte de grande soutane blanche avec une calotte rouge. Je me souviens qu’on avait très chaud là-dessous. Lors de son sermon, il a fait rire l’assistance avec son approche à la fois terre-à-terre et pleine d’es- prit». Par la suite, le pèlerinage devait accueillir les Cardinaux Renard et Decourtray et Monseigneur Chagué, alors évêque auxiliaire à Roanne. A propos de la venue du Cardinal Renard, Moïse Roche évoque une anecdote croustillante. «Il avait une tête de bon vivant.Nous l’avions accueilli en organisant un repas convivial au cours duquel nous lui avons fait goûter la liqueur des sœurs de Pradines. Nous l’avons tous trouvée très bonne, sauf que lui devait prendre la parole en public.Compte tenu de nos états respectifs, nous avons craint le pire. Mais il a assuré sans un mot de travers et sans bégayer. Il nous a épatés». Pour Pierre Delabre, le pèlerinage évoque également la source miracu- leuse tenue par madame Babe qui faisait le service vers la source. Elle avait installé une table en bois qu’elle avait pris soin de recouvrir d’une nappe. Elle servait un verre d’eau de la source à ceux qui en fai- saient la demande, c’est-à-dire à presque tout le monde. L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 36

L’ami de toujours de Pierre Delabre, Claude Denis était également de la fête. Il se trouvait même aux premières loges pour profiter du spec- L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay tacle car il habitait alors en bord de route. Il raconte la kermesse, les stands et les vendeurs de cacahuètes ; sans oublier la présence de «la Bénédicte qui faisait la cartomancienne».Il ne manque pas de super- latifs pour qualifier l’ambiance d’alors. «C’était fantastique, sensation- nel, convivial», dit-il, avant d’ajouter un élément qui mérite qu’on s’y arrête pour comprendre l’engouement de l’époque. «Cette convivia- lité était très différente de celle que l’on connaît aujourd’hui.Je crois que pendant des années, nous avons profité de l’euphorie de l’après- guerre.Les gens avaient tellement souffert de la période 39-45, qu’ils étaient à la Libération et dans la décennie qui a suivi, comme dans une bulle joyeuse. C’est ce qui explique, me semble-t-il, une présence aussi massive au pèlerinage de la Vierge Noire. Les gens étaient là pour remercier Dieu d’avoir échappé au pire. La guerre d’Algérie a cassé cette dynamique.Pour ceux qui en sont revenus, ce n’était plus pareil».

Je crois que pendant des années, nous avons profité de l’euphorie de l’après-guerre. 36 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 37

37 La naissance du football Club

Le Football-Club de Commelle-Vernay a été créé en 1957 à l’initiative de quatre amis sportifs : Pierre Delabre, Henri Mottet, Christian Rennie et Louis Chaize.

Avant la création du Football-Club, les distractions à Commelle-Vernay étaient plutôt rares. Côté culture, il y avait bien quelques bals, ici ou là, des cinémas au Coteau ou à Roanne, mais les initiatives éma- naient essentiellement de la paroisse qui organisait notamment des représentations théâtrales. Côté sport, seuls les boulistes s’étaient organisés en association. Jusqu’au jour où un jeune homme de 16 ans, Pierre Delabre, amateur de ballon rond, prend l’initiative de créer un Club de foot. Mais à cette époque, la majorité étant à 21 ans, il est trop jeune pour avoir le droit juri- dique de porter la structure associative. Il lui faut impérativement l’appui de quelques adul- tes prêts à s’engager à ses côtés. Il organise donc une réunion à la boulangerie café Traquelet*. Nous sommes en janvier 1956. La réunion débute à 11 heu- res, juste après la messe. Personne ne vient au rendez-vous, à l’exception d’Henri Mottet.«Il m’a aidé à mobiliser d’autres adultes», se souvient Pierre Delabre. C’est ainsi qu’ils organisent, le 2 décembre 1956, une seconde réunion qui mobilise des jeunes et des moins jeu- nes, dont Christian Rennie, un joueur de Rugby que le Pierrot connais- sait et qui était le mari de sa dernière institutrice. En 1957,le Club voit officiellement le jour.Louis Chaize accepte la pré- sidence de l’association. Henri Mottet se charge des finances et Christian Rennie, âgé de 28 ans à l’époque, devient joueur-entraîneur et secrétaire de l’association. L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay * aujourd’hui Auberge des Sources 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 38

«C’est grâce à Louis Chaize que nous avons trouvé un terrain où jouer, ce qui n’était pas évident à l’époque, car il n’y avait pas de L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay stade et les champs appartenaient à des paysans. Ceux-ci considé- raient que jouer au ballon, c’était perdre son temps et qu’il y avait mieux à faire dans les fermes. Louis Chaize est arrivé à convaincre Claudius Burnichon». Ce dernier confirme : «Je lui ai donné l’auto- risation d’utiliser un de mes prés qui se trouvait à 500 mètres envi- ron de l’église de Commelle.On avait négocié qu’en guise de dédom- magement, le Club devait me fournir annuellement un char de foin». Deux saisons plus tard, Claudius Burnichon récupère la jouis- sance de son pré et le Club trouve accueil dans un pré appartenant à monsieur Janillon, situé au lieu-dit Au Forestier. Il a fallu transporter et réinstaller les vestiaires qui étaient fabriqués avec des planches de wagons et tout fut mené à bien sous la diligence de Dudu Ballery. La redevance annuelle est cette fois fixée à 2 chars de foin, soit l’équiva- lent de 1500 kg. «Pour obtenir ce foin en nature, on allait donner la main au paysan du coin», se souvient Louis Chaize. L’activité du Football-Club a démarré avec une trentaine de joueurs qui étaient tous des novices dans l’art du maniement de la balle. Au début, ils savaient tout juste taper dans le ballon pour avoir joué à l’école, au régiment ou dans les prairies de la ferme paternelle. Christian Rennie se met à l’ouvrage et leur inculque les notions élémentaires. Il les incite également à disputer des tournois dans la région. Le Club stagne ainsi les premières années, puis accédant à un niveau acceptable, il commence à prendre son essor. «On a eu quinze ans de vaches maigres», résume Louis Chaize. «La municipalité nous a généreusement octroyé une subvention exceptionnelle de 5O francs et c’est tout. Nous avons dû nous débrouiller.Au début, on a organisé quelques bals, puis c’est l’argent de la buvette qui nous a permis de faire face. On aurait aimé qu’on nous cède un terrain, mais à l’époque, cela semblait inconcevable. Je lui ai donné l’autorisation d’utiliser un de mes prés […], le Club devait me fournir annuellement un char de foin 38 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 39

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Il y avait pourtant 35 fermes sur la commune, mais chacune d’elles vivotait avec quelques vaches et l’esprit était à la rigueur et au tra- vail. Cela ne nous a pas empêchés de nous développer et de prendre du plaisir à jouer. A partir des années 60, chaque fois qu’on allait jouer à l’extérieur, il y avait un car de supporters qui nous accom- pagnaient, pour l’essentiel nos femmes et nos enfants. On se faisait toujours un petit mâchon, ce qui fait qu’il y avait une très bonne ambiance».

1976, l’année du changement

Le Club vit ainsi, jusqu’en 1976, année au cours de laquelle la munici- palité inaugure son stade. Le Club peut désormais s’entraîner le soir, à la lumière des néons municipaux. Cette évolution dans le temps s’est toujours opérée sous le regard bienveillant de Pierre Delabre. Il a tou- jours été l’âme du Club et un élément stable. Sa bonhomie naturelle y est sans doute pour beaucoup. Pour autant, elle n’explique pas tout. Il y a chez cet homme affable avec lequel on partage volontiers un moment convivial une vraie disponibilité qui fait que tous les joueurs, jeunes ou anciens, se sentent naturellement à l’aise avec lui. De sorte qu’ils n’hésitent pas à lui demander des services en tout genre (des gla- çons pour la troisième mi-temps, un jeu de clés, etc. ), d’autant plus que sa maison jouxte les terrains de foot. «J’aime ma société sportive. Je l’ai lancée et jamais quittée», dit-il pour résumer cinquante ans de fidélité. A l’occasion des festivités du cinquantième anniver- saire du Club qui se sont déroulées les 16 et 17 juin 2007, Claude Denis, Président du Club au cours de cette période et ami de toujours de Pierre Delabre, a rendu un hommage appuyé à celui qui n’en finit pas de symboliser la naissance et l’essor du Club. Un essor à mettre au compte du dynamisme de ses diri- geants successifs, en parallèle avec l’augmentation du Les présidents nombre d’habitants sur la commune. En cinquante ans, le Club a vu passer entre 4000 et 1957-1972 : Louis CHAIZE 1972-1975 : André BENETIERE 5000 personnes. Des joueurs éphémères et des fidèles. 1975-1977 : Claude DENIS 1977-1980 : André TARDY 1980-1997 : Claude DENIS 1997-2002 : Romain BALLERY 2002 (intérim) : L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay Michel BOULARD 2002-2007 : Claude DENIS 2007 : Michel BOULARD 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 40

Le Sou des écoles L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay

Raymond Fontanne relate les débuts du Sou des Ecoles de Vernay.

«En 1954, le Sou des Ecoles voit le jour.Il s’agit d’une association loi 1901 composée uniquement de parents d’élèves et des deux institu- trices. Le premier président est Noël Patay. Son but est d’offrir, en complément des dotations municipales, des livres et des fournitures scolaires aux élèves de Vernay.Rappelons qu’à l’époque, les écoles de Commelle et de Vernay sont totalement indépendantes. A Vernay donc, l’école comporte alors une classe unique dirigée par mademoiselle Blanchon. Puis, il y aura bientôt deux classes, nommées de manière très originale, «la grande classe», celle de madame Rennie et «la petite classe» de madame Schunemann à laquelle succèdera mademoiselle Charrondière. Le Sou des écoles organise diffé- rentes fêtes, notamment un arbre de Noël et offre à cette occasion jouets et friandises, pour clore le spectacle de chants et danses des élè- ves, préparé par les maîtresses. Le premier a lieu dès 1954 dans les locaux de l’école. C’est alors qu’un arrêté préfectoral interdit toute manifestation sur le site d’une école pour des raisons d’hygiène. «Le Sou» décide donc d’acquérir un terrain proche de l’école. Le projet peut se réaliser grâce à des prêts familiaux basés sur la confiance. Au fil des années, plusieurs fêtes champêtres s’y dérouleront. Mais pour des raisons d’espace et de disponibilité, la première fête a lieu le dimanche 23 juin 1954 sur la place du hameau des Granges, et non sur le «terrain».L’autorisation avait été obtenue de l’ensemble des riverains».

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La salle du Sou

«C’est en 1960, grâce à une poignée de sociétaires très motivés et dévoués que la Salle des Fêtes qui existe encore actuellement à Vernay est construite les samedis et les dimanches. Les principaux artisans de cette réalisation furent Etienne Sarry, Nanie Bosio, Raymond Fontanne, et Loulou Reynaud avec sa bétonnière… ainsi que Pierre Delabre, M.Polidori et nos amis italiens, M.Janillon, et de nombreuses personnes qui se reconnaîtront. Le premier bal a lieu le 8 septembre 1960. C’est un évènement qui procure beaucoup de joie à tous ceux qui se sont investis dans ce projet, durant toute une année de travail souvent très difficile. De nombreux autres bals suivront, souvent animés par les orchestres Jo Gimel, Dus Tachon ou Maurice Chevalier. Il faut compter sur la renommée des orchestres, la publicité des affi- ches manuscrites placées dans les commerces Roannais, et espérer que le public vienne nombreux…pour assurer les recettes. Vu les frais engagés, les risques sont importants, surtout par mauvais temps. Quel stress à chaque fois. Heureusement, «la salle» a son lot de danseurs fidèles. Sur le terrain, à côté de «la salle», se tiennent une buvette et diffé- rents stands de jeux : tir à la carabine, tir aux boîtes… L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 42

Les concours de belote, l’hiver, font souvent salle comble et les concours de pétanque, qui en sont à leur début, entrent dans la tra- L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay dition pour le 15 août. Là encore, quel soulagement et quel bonheur de voir arriver les voi- tures et les mobylettes des joueurs. Le Sou des Ecoles accueille également deux congrès des œuvres Laïques et la prestation en 1969 de la grande fantaisiste Lily Fayol*, aussi connue qu’Annie Cordy actuellement, attire la foule. La publi- cité pour ce spectacle avait été assurée par les parents d’élèves eux- mêmes et les amis de l’école. Qu’on imagine une «caravane» d’une quinzaine d’automobilistes parcourant la région Roannaise ! Ce fut folklorique, et serait bien sûr inimaginable aujourd’hui. Le jour venu, certains doutent de la venue de la chanteuse à Vernay, d’autant plus qu’elle arrivera avec une heure de retard. Pourtant, le spectacle eut bien lieu et ce fut une réussite. Chaque année, à la belle saison, un voyage en car d’une journée est proposé aux élèves, à leurs parents et amis, et rencontre un vif suc- cès. Les destinations sont variées : les lacs d’Auvergne, le Puy-en- Velay, le Beaujolais, les Grottes de La Balmes, la Grande Chartreuse, la mine de Saint-Etienne. C’est grâce à toutes ces activités, organisées par les parents et les membres bénévoles que «le Sou» peut réaliser ses projets et que les enfants se voient offrir régulièrement des livres, des jeux, du maté- riel audiovisuel pour les classes, des sorties à la piscine et des voya- ges de fin d’année».

Lorsque les deux écoles de Commelle et de Vernay ont été réunies, les deux «Sou des Ecoles» ont également fusionné. ... les concours de pétanque, qui en sont à leur début, entrent dans la tradition pour le 15 août.

* Lily Fayol a monté la première revue, après guerre, au Casino de Paris. Elle a été aussi la première artiste française à aller aux Etats-Unis aux côtés de Charles Trenet. Elle chantera également en première partie de Tino Rossi dont elle sera la partenaire au cinéma dans « Marlène » en 1948. Elle est décédée le 15 mai 42 1999. 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 43

43 La fête des classes

Andréa Manière et Moïse Roche évoquent l’importance de la fête des classes, et plus largement de la vie associative, sur Commelle-Vernay.

Andréa Manière est arrivée à Commelle-Vernay en 1970. Avant cela, elle habitait au Coteau. Elle était donc parfois de passage sur la commune et ce qui la frappait, déjà à l’époque, c’était le côté rural de Commelle-Vernay. Un aspect qui était encore une réalité lorsqu’elle est venue s’installer ici pour que son mari réa- lise son rêve de toujours, avoir un jardin. «On a été très bien accueilli, dit-elle.Le Comité des fêtes y est pour beaucoup. Lorsqu’il s’est constitué, en 1973, on y a aussitôt adhéré. On s’est beaucoup amusé à préparer la fête des classes. On faisait des chars, on organisait le défilé, le repas et le bal. Cela a tout de suite fonctionné et la fête des classes est devenue l’un des temps forts de l’animation commu- nale. Toutes les catégories socio-professionnelles ont pris l’habitude de se retrouver autour de cet évènement. Je me souviens par exem- ple que René Mure était adhérent, tout comme les grandes familles italiennes, les Mattoni, les Lauretti. La fête des classes a toujours été un élément structurant la vie communale. Elle a beaucoup participé à l’intégration sociale des nouvelles popu- lations, en ce sens qu’elle permettait aux habitants de se connaître et de créer des liens». L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 44

Moïse Roche confirme. Il a été le premier président du Comité des fêtes. Il l’est resté jusqu’en 1984. «C’est à la demande du maire de L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay l’époque, René Mure que j’ai créé l’association, aidé par de nom- breuses personnes. Il estimait, à juste titre, qu’une commune en pleine expansion devait élargir son offre associative.Le succès popu- laire de la fête des classes confirme qu’il avait raison. Chaque année, il ouvrait le défilé, suivi de ses adjoints et du curé. Les chars rivalisaient d’originalité et les costumes étaient confectionnés par rapport aux thèmes choisis par les conscrits. C’était une lourde tâche, mais comme il se déroulait dans une très bonne ambiance, nous avions le sentiment de nous amuser, ce qui confor- tait les liens individuels. Il y avait aussi la présence des majorettes et des fanfares qui renforçaient la dimension festive et populaire de la manifesta- tion. Le Comité des fêtes a initié d’autres mani- festations, comme le Ball-trap ou le bal mas- qué. Il s’agissait pour nous de faire le maxi- mum pour animer la vie de la commune. Au fil du temps, de nouvelles associations se sont constituées. Elles ont pris le relais. Mais l’essen- tiel demeure : le Comité des fêtes existe toujours et la fête des classes reste un temps fort de l’anima- tion de notre commune».

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Les présidents Liste chronologique des prési- dents du Comité des fêtes qui se sont succédé depuis la création de l’association en 1972. Moïse ROCHE Claude THOMAS M. GIRONDE Jean-Joël PIERRE Christian ROCHE Thierry ROULLET Marilyne AHUIR Damien DEFFOND Maryvonne DESSAUVAGES L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay 100 ansCommelle14/08/0811:44Page46

L’Histoire de 46 Commelle-Vernay

le 12 avril

Fête des

... «le Comité des fêtes existe toujours

de l’animation de notre commune». classes

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et la fête des classes reste un temps fort 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 47

47 Le parrainage

Alors qu’il faisait sa guerre d’Algérie, le soldat Pierre Delabre a eu une marraine. Récit d’une belle histoire qui s’est terminée, il fallait s’y attendre, par un beau mariage.

De janvier 1960 à septembre 1962, Pierre Delabre est mobilisé en Algérie, Il se trouve précisément en Grande Kabylie. Les évènements d’Algérie ne sont pas encore considérés comme une guerre, mais la situation ne fait aucun doute sur la nature des opérations qui s’y dérou- lent. Pour les soldats qui sont loin de chez eux, la situation est pénible et le temps est souvent très long. Aussi, lorsqu’ils ont un moment de libre, ils feuillettent les magazines qu’ils trouvent ici et là. Parmi ceux-ci, il y en a un, Lecture d’au- jourd’hui, qui attire particulièrement l’attention ; non pas pour sa rubrique mode ou ses fiches cui- sine, mais pour les parrainages qui y sont organi- sés. Le principe est le suivant : des jeunes filles se proposent de «parrainer» un soldat et s’engagent ainsi à entretenir avec lui une correspondance sui- vie. Comme ses copains de chambrée, Pierre Delabre se porte candidat et dresse de lui le por- trait d’un jeune de 20 ans préférant le sport au bal. Malgré cela, il reçoit 42 réponses et décide aussitôt de donner suite à 17 d’entre elles. «Une sélection naturelle», répond-il avec humour à la question de savoir quels étaient ses critères de sélection. «A la caserne, on m’appelait le ministre, tel- lement je recevais de courrier chaque jour. Je répondais d’autant plus facilement que je bénéficiais, comme tous les appelés, de la franchise postale». L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 48

C’est ainsi qu’il échange une lettre, puis une seconde, suivie de beau- coup d’autres, avec celle qui deviendra sa future épouse. «Je lui racon- L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay tais ce qui se passait dans le pays, sans savoir que lui aussi était du coin, explique cette dernière.Au bout d’un an de cet échange, il est venu en permission, pour les Fêtes de Noël de 1961 et j’ai fait sa connaissance». Pierre Delabre explique qu’entre temps ils avaient échangé leurs photos. Ceci explique donc cela. Quoi qu’il en soit de cette histoire romantique, elle déboucha, en 1964, sur un mariage.

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49 Chez Gaby

De 1966 à 2001, Gabrielle Parent a tenu le bar du bourg de Vernay. Un lieu de vie qui a été au centre de l’animation du bourg.

Le 12 juin 1960, Gabrielle Parent quitte son département natal, l’Allier, pour s’installer durablement à Commelle-Vernay. La veille, elle a épousé Joanny, qui travaille «à la Carrière». A peine installée, la jeune femme rencontre ses voisins et sympathise avec eux. Il s’agit des Mattoni, une famille italienne qui a su s’implanter sans rien renier de ses origines lati- nes. Souvent, ils se rendent de menus services et finissent par s’inviter, les uns les autres. «Nous étions logés par le patron de mon mari», raconte Gabrielle Parent. Il y avait huit logements. Tous étaient occupés par des ouvriers, comme nous. Il m’arrivait fré- quemment de garder les enfants de mes voi- sines pendant qu’elles faisaient leurs courses. On vivait en toute simplicité». Deux ans plus tard, le jeune couple s’installe au bourg de Vernay. «On avait trouvé une maison avec un jardin et surtout, il y avait l’eau courante et les commodités. J’étais triste de quitter mes voisins, mais nous venions d’avoir un enfant et l’eau sur l’évier était un bond en avant en terme de confort.Nous n’avons donc pas hésité longtemps».Là encore,Gabrielle Parent se lie avec son voisinage.Au bar d’à côté, le couple se rend régulièrement pour jouer aux cartes.A chaque nouvelle partie, la cagnotte qu’ils se constituent collectivement grossit un peu. Lorsqu’elle est suffisante, ils se payent tous ensemble un bon repas. L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 50

En 1966, le propriétaire du bar,Marcel Mordefroy (un nom qui ne s’in- vente pas) décède.Un temps,sa femme,Marinette,tente de poursuivre L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay l’activité, mais pour la clientèle, plus rien n’est comme avant et les affaires sont à la baisse. Elle décide de vendre. En décembre de la même année, Gabrielle Parent reprend l’affaire. C’est pour elle une aventure professionnelle qui débute et pour le bourg l’émergence d’un espace d’animation.

Un lieu de vie

«J’avais le sens du commerce. J’étais jeune, j’en voulais ». Avec le recul du temps, Gabrielle Parent garde en mémoire le meilleur de trois décennies passées derrière son comptoir. Tout juste dira-t-elle qu’il n’a pas été si simple de « remonter le commerce». Pour y arri- ver, elle décide d’adjoindre au bar une petite activité d’épicerie et sur- tout, elle se met en quatre pour «arranger les clients».Au fil du temps, ils sont de plus en plus nombreux à franchir la porte de son établisse- ment. Lorsque l’activité épicerie périclitera, pour cause d’installation d’une supérette, rue Victor Hugo, à côté de la pharmacie, Gabrielle ne se laisse pas abattre. Elle rafraîchit son bar et obtient l’autorisation de vendre des bouteilles de gaz. Plus tard, son établissement deviendra également débit de tabac. On y trouvera les journaux du jour et même le pain, en dépôt. L’activité multi-services est autant d’occasions pour les clients de franchir sa porte et de prolonger l’échange, un verre à la main. Il y a aussi les très bons clients. Ceux dont la soif n’a d’égal que le temps disponible pour l’étancher. Pour ceux-là, le bar est une sorte de refuge et ils prennent volontiers Gabrielle pour une confidente. Il lui arrive fréquemment de partager avec les clients les crêpes ou les gaufres qu’elle confectionne pour ses trois filles. Discrète sur ce qu’elle a pu apprendre des uns et des autres, Gabrielle s’autorise seulement à évoquer certains de ces clients dont le compor- tement faisait d’eux des personnages pittoresques de la vie du bourg.

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Il en est ainsi de Raymond Thoral qui travaillait à la fonderie. «Il venait régulièrement prendre son litre et il repartait.A chaque fois il disait : je le porte vers le feu, l’enfer et la mort. Il vivait avec sa maman, mais c’est lui qui est mort le premier». Autres «phénomènes», les deux frères Dupré.Tous deux travaillent à la tâche, dans les fermes du coin. Régulièrement, ils viennent, ensemble ou séparément, boire un canon. L’un décèdera d’ailleurs dans le bar. Gabrielle s’en souvient encore. C’était un dimanche, il était 15 heures, il a pris a un malaise. Elle l’a conduit, comme elle a pu, dans une pièce de son appartement situé au-dessus du bar et elle l’a allongé. Elle n’a pas eu le temps d’appeler le médecin. Il avait poussé son dernier sou- pir.Elle a appelé les gendarmes qui sont restés trois heures durant dans les lieux pour faire les constatations d’usage. C’est elle qui a eu la déli- cate charge d’informer la famille. Le second frère est mort deux mois plus tard. Certains des autres personnages singuliers que l’on croise dans son café ont des profils de boute en train. Il en est ainsi d’Henri Morand, un joueur de cartes connu pour être «un mauvais perdant». Lorsque le temps s’y prête, il est de ceux qui aiment jouer aux boules «jusqu’à point d’heure», sur le terrain attenant au bar. L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 52

Il y aussi Georges Lotissier, un joueur d’harmonica qui n’hésite pas à pousser la chansonnette.«Lorsqu’il était là, en veillée, il mettait beau- L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay coup d’ambiance». Il arrivait même que l’on pousse les tables pour danser.«Ce n’était pas facile car il y avait au milieu du bar une sorte de gros poteau en bois. On dansait autour du poteau. C’était très sympa».

Au cœur de l’animation du bourg

«Les gens venaient dans mon bar pour se distraire. Je crois que les jeunes m’aimaient bien et ils aimaient s’y retrouver. Je les ai vus grandir, évoluer.J’ai vu des couples se former, d’autres se séparer.Le premier mai, ils vendaient le muguet devant ma porte». Devenu «Chez Gaby» pour les uns, et «Chez mamie» pour les autres, le bar orné d’un coq portugais est devenu, au fil du temps, une sorte de lieu incontournable pour ceux qui vivent au bourg. Lorsqu’il est disponible, le mari de Gabrielle vient lui donner la main pour servir, mais la plupart du temps, c’est elle qui fait fonctionner la boutique. Pour autant, elle n’a jamais eu d’ennuis avec la clientèle. «Je me suis toujours fait respecter et je n’ai jamais eu de bagarre chez moi. Les gens venaient pour l’ambiance et la simplicité de l’accueil. Ils s’y sentaient un peu comme chez eux».Pour preuves de ce lien pri- vilégié, établi au fil des années, les nombreuses cartes postales qu’elle reçoit des quatre coins de France et de l’étranger, au hasard des dépla- cements de ses clients fidèles. Il arrive quelquefois que des gens de passage règlent leur tabac avec de la fausse monnaie. Qu’à cela ne tienne, Gaby s’équipe d’un détec- teur de faux billets. Elle gère son affaire avec la volonté de prolonger son activité le plus longtemps possible.

«Les gens venaient pour l’ambiance et la simplicité de l’accueil. Ils s’y sentaient un peu comme chez eux». 52 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 53

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Le 19 octobre 1994, elle obtient la médaille d’or du commerce de proximité. Commelle-Vernay a bien changé. Lorsqu’elle est arrivée, il n’y avait à Vernay que quelques maisons et la salle du Sou des écoles était en construction. Elle a vu le bourg se garnir de maisons et les fer- mes se raréfier. Les modes de vie ont également beaucoup changé. La télévision est désormais dans tous les foyers et la voiture rend plus facile les déplacements. En novembre 2001, Gabrielle Parent quitte définitivement son comp- toir.Travailler douze à quatorze heures par jour, ne fermer que le ven- dredi après midi et trois ou quatre jours seulement pendant l’été, est un rythme qu’elle ne peut plus tenir. L’année précédente, son mari est décédé et elle a fait une mauvaise chute, dont elle a eu du mal à se remettre. Aujourd’hui, son bar est fermé et elle a vendu sa maison à un jeune couple venu de Roanne.Elle a enfin du temps disponible pour s’occuper de ses six petits-enfants. Si elle n’habite plus à Commelle- Vernay,elle y vient souvent, notamment pour participer aux activités du Club de l’amitié. Elle se déplace en car. Autant d’occasions de croiser celles et ceux auprès de qui elle a partagé une belle tranche de vie. «Je connais tout le monde et tout le monde me connaît» dit-elle simplement, non sans une cer- taine fierté. «Il y a toujours quelqu’un pour me dire un mot gentil». A la question de savoir si elle ne regrette rien de ces années passées derrière le comptoir, elle répond que «c’était sa vie» et que, même si ce n’était pas toujours facile, elle «n’aurait pas aimer en changer». Aujourd’hui, les cartes postales de ses clients sont dans des boîtes en carton,soigneusement rangées avec les photos qu’elle a conservées de cette époque. Lorsqu’elle les regarde, le sourire lui vient instantané- ment. Un signe qui ne trompe pas. L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 54

En bref L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay

Louis Ramondy Louis Ramondy était journaliste reporter en poste à Paris. Il venait pas- ser ses vacances d’été à Commelle-Vernay.C’était un intellectuel et un homme réservé. Beaucoup au village le considéraient comme «un monsieur».

Victor Dupré (1884-1938) Victor Dupré a été un coureur cycliste de renom. Il a notamment par- ticipé au tour de France en 1903 et il s’est distingué, en 1909, lors du Championnat du monde de vitesse professionnelle. Victor Dupré a habité au hameau des Granges. En 1938, il s’empoisonne en absorbant du sulfate dont il s’était servi pour saupoudrer ses arbres. Il repose au cimetière de Vernay. Un nom de rue porte son nom.

Généalogie Michel David* était passionné d’Histoire et de généalogie.Au cours de la dernière période de son existence, il s’est engagé dans un travail de recherche qui visait à retrouver la trace de la présence des David sur Commelle-Vernay et à mettre en parallèle l’histoire de Commelle- Vernay avec les événements de l’histoire de France ou des relations internationales. Le produit de cette recherche fait l’objet d’un fascicule intitulé «Les David de Vernay» distribué à ses descendants en 1996. Ce travail colos- sal a permis de retrouver le nom de quelques familles implantées depuis fort longtemps sur la commune. C’est ainsi que l’on apprend que, si la famille David a fait souche au XVIIe siècle, aux alentours de 1635, d’autres familles sont implantées ici depuis des lustres :Traclet, Ballery, Perraud, Dechavanne, Grisard, Laurent, Servajan, Durrier, Marcoux, Lejon, Girardin, etc. Notons que l’orthographe de certains noms a un peu évolué, au fil du temps et que ces familles ont des liens de parenté, plus ou moins éloi- gnés.

* Michel David est décédé en 1999. Il est le père de Jean-Louis David, le maire actuel de Commelle-Vernay 54 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 55

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57 Les maires d’hier la Libération, le maire de Commelle-Vernay est monsieur Seive, un agriculteur résidant à Vernay. Mais celui-ci a pré- sidé aux destinées de la commune trop peu de temps et A dans une période tellement perturbée par les rationne- ments, le redémarrage de l’économie et la désorganisation de l’admi- nistration, qu’il n’a pas eu l’opportunité de laisser son empreinte dans la commune. Il fut en quelque sorte un maire de transition. Ce qui ne fut pas le cas des trois maires qui lui ont succédé : Francisque Lejon, René Mure et Henri Mottet. Chacun d’eux a marqué la commune par son histoire personnelle et son action. Nous leur consacrons un portrait. Volontairement, nous ne ferons pas de même, dans le présent ouvrage, avec Pierre Duron et Jean-Louis David. Ces deux personnalités ont présidé aux destinées de la commune dans des périodes trop récen- tes. Par conséquent, nous manquons du recul nécessaire pour porter le regard distancé qui prévaut à ce type d’exercice. L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 58

La Jeanne L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay

Tout le monde l’appelait la Jeanne. Secrétaire de mairie pendant plus de quarante ans, Jeanne Delorme a longtemps été la mémoire de la commune.

Née en 1914, Jeanne Delorme aurait voulu être institutrice. Mais sa mère ne l’entendait pas ainsi. Question d’époque. La jeune fille avait renoncé à son rêve et proposé aussitôt ses services à la mairie. Elle avait 17 ans. Le maire d’alors lui confie un remplacement, puis un second. Rappelée à plusieurs reprises, elle répondra tou- jours présente et donnera toute satisfaction. Le poste,devenu vacant,lui reviendra naturellement. Quarante ans durant, elle y fera merveille. Elle était aidée pour cela d’une mémoire phéno- ménale, qui lui permettait, par exemple, de retenir la date de naissance de tous les admi- nistrés de la commune. Ce qui lui donnait l’occasion de faire œuvre utile à tout moment de la journée. Souvent, au hasard d’une rencontre, elle rappelait à son interlocu- teur, que le moment était venu de faire telle ou telle vaccination. Du coup, les gens avaient pris l’ha- bitude de venir en mairie sans leurs livrets de famille, car ce n’était plus utile. Incroyable. Il est vrai que la population de Commelle-Vernay était moins nombreuse que celle d’aujourd’hui mais, quand même, la performance est à saluer. Ses trois enfants, Lucette, Aline et Jean-Louis témoignent : «Maman lisait beaucoup, notamment toutes les circulaires que recevait la mairie. Elle était donc incollable, ce qui était très utile pour les mai- res qui se sont succédé.A l’époque, ce n’était pas comme maintenant.

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Le fonctionnement municipal était moins formalisé. Par exemple, elle conservait d’avantage de documents à la maison qu’à la mai- rie. Ce qui fait que le maire et les élus venaient très souvent à la maison pour travailler un moment. Cela était d’autant plus facile que la mairie était située à proximité de la maison.Cela nous a par- fois valu des punitions car il nous arrivait de renverser nos encriers d’écoliers sur les papiers de la mairie. Nous étions alors punis, au pain sec et à l’eau. Maman avait du caractère et de l’énergie. Elle était surtout très serviable. Les administrés venaient souvent à la maison, en dehors des horaires d’ouverture de la mairie, parfois le dimanche, pour obtenir un renseignement ou un papier administratif. Jamais elle ne rechignait à rendre service. De la même manière, les élus passaient signer les cour- riers à point d’heure, ou alors c’était nous qui nous rendions chez eux pour le leur apporter. Pour tout le monde, on était les enfants de la Jeanne. C’était une femme for- midable.Elle avait beau tout connaître sur la commune et sur les administrés, elle s’est toujours fait un devoir de rester d’une discrétion exemplaire». Ceux qui ont connu la Jeanne se souviennent du soin qu’elle portait à ses tenues, à sa coiffure et à surtout à ses chapeaux.Peu d’entre eux savent en revanche que pendant la guerre, son mari avait été fait prisonnier par les allemands et qu’il était resté cinq ans loin de sa famille. Jeanne Delorme avait fait face à la situation et avait élevé ses enfants en attendant son retour. Elle est décédée le 3 janvier 2000, à l’âge de qua- tre-vingt six ans. La nuit d’avant, la tempête avait fait rage à Commelle-Vernay comme partout ailleurs dans la région.Elle est enterrée au cimetière de Commelle. Il y avait beaucoup de monde pour l’accompagner à sa dernière demeure.

«Elle était surtout très serviable». de L’Histoire Commelle-Vernay 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 60

Francisque Lejon L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay

Francisque Lejon a été maire de la commune de 1947 à 1971.

«Mon père a été mobilisé en 1939. Lorsqu’il est revenu, j’avais 11 ans. Entre temps, il avait été arrêté par la Gestapo et placé dans un camp disciplinaire, à Ravaruchka. Il s’est évadé à trois reprises, mais il avait été repris par des Allemands qui étaient partis à sa recherche avec des chiens. Il a ensuite connu la misère des camps et il a même dû manger des racines pour sur- vivre. Lorsqu’il est revenu, il devait peser quarante kilos. Il avait été traumatisé par sa détention et il avait pris les chiens en horreur.Pour moi, son retour n’a pas été évident. Je venais de vivre plusieurs années seule avec maman et tout à coup mon père était là. Il m’a fallu réapprendre à vivre avec lui». Maryse Bierce est la fille de Francisque Lejon.A l’époque du conflit mondial, elle était une petite fille qui devait faire face, sans se plaindre, à l’absence du père, à la misère et au froid. «J’allais à l’école, mais on changeait d’institutrice presque chaque mois. Nous étions dans une classe unique de 20 à 25 élèves, chauffée par un vieux poêle qui chauffait à peine. Nous devions ramasser du bois pour alimenter le feu. A la maison aussi, il faisait froid. La vie était difficile et plus d’une fois j’ai eu faim. Il nous est arrivé de défaire des nids de cor- beaux pour manger.Maman travaillait en ville et il lui arrivait de transporter des tracts ou des journaux roulés dans le guidon de son vélo. Elle s’occupait aussi de faire passer de faux papiers. Avec le recul, je me dis qu’elle risquait gros, mais que cela en valait la peine car elle a sans doute ainsi sauvé des vies. Moi, la plupart du temps, j’étais seule à la maison.

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On ne savait pas où papa était détenu. Parfois, on restait trois mois sans nouvelles.Plus d’une fois, les Allemands ont frappé à la maison pour demander du ravitaillement. On a eu très peur». Au sortir de la guerre, Francisque Lejon reprend son travail de maré- chal ferrant.«Il exerçait son activité de la maison familiale. Les gens venaient avec leurs chevaux.Mon père ferrait, tandis que le proprié- taire du cheval restait à proximité pour tenir le pied du cheval, à la fois pour faciliter le travail et pour parer les coups de pied qui pou- vaient être mortels si on n’y prenait pas garde. Je me souviens qu’il y avait toujours beaucoup de mouches autour des chevaux. Mon père réparait aussi les charrues et les socles.Comme il savait soigner les bêtes, faire des pansements et des piqûres, très souvent des gens de la commune faisaient appel à lui comme s’il était infirmier.Il ne disait jamais non. Il partait à vélo, avec son nécessaire et il rendait ainsi service à la population. Maman travaillait également beaucoup. Elle s’occupait de la mai- son, de nos quatre vaches et de la vigne. Avant-guerre, papa avait été adjoint au maire de l’époque, mon- sieur Prajoux. Il s’est toujours intéressé à l’action publique, il était Gaulliste. Il était également pratiquant. Il allait à la messe tous les dimanches. On est venu lui demander de se présenter à l’élection municipale de 1947. Il a été élu. Il se rendait à la mairie à vélo ou en mobylette. Plus tard, ma mère a acheté une 2CV, mais il ne l’a jamais conduite. Je me souviens aussi qu’on a eu très tôt le télé- phone à la maison. Les gens venaient chez nous pour passer des coups de fil. Il se compor- tait comme un maire de village, tou- jours prêt à rendre service.A la mai- son, il était rude, mais à l’exté- rieur, il a toujours été très dispo- nible. Par exemple, lorsqu’il ran- geait son couvert, cela voulait dire que le repas était terminé».

Francisque Lejon L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay et sa secrétaire Jeanne Delorme 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 62

Un homme qui savait rendre service L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay Pierre Delabre était à l’époque voisin de la famille Lejon. L’enfant qu’il était alors garde un excellent souvenir de l’ancien maire. «Il était un bon vivant. Il avait de l’humour et il n’hésitait pas à pousser la chansonnette. Il savait aussi rendre service. Par exemple, un jour où je me suis fait une entorse, il est venu à la maison et il m’a bandé la jambe aussi bien que l’aurait fait un infirmier. Huit jours plus tard, il est revenu me débander et je n’avais plus aucune douleur. J’étais guéri. Son bandage avait été plus efficace qu’un plâtre. Une autre fois, un jour de grand vent, la charpente de notre maison s’est écroulée.Tous les voisins sont venus nous aider et Francisque Lejon également.C’est dire la solidarité de l’époque et la générosité de cette personne qui m’avait pris en amitié. Alors que j’étais gamin, il me confiait parfois quelques travaux. Rien de très compliqué. Je devais tailler des arbres et ramasser les branches.Tous les ans, en fin d’an- née, il m’emmenait vers le pont de Villerest où se tenait une guin- guette. Il me payait toujours la friture. Il s’entendait bien avec mon père qui était aussi bricoleur que lui et l’affection qu’il avait pour mon père, il l’avait reportée sur moi. Un jour que je l’aidais à un petit travail, je lui ai malencontreusement cassé un bras en tapant avec une masse. Non seulement, il ne m’a pas «engueulé», mais il a tenu très vite à ce que je reprenne l’outil avec lui afin que je ne reste pas sur cet épisode.C’est vous dire que je faisais partie de son entou- rage et pour ainsi dire de sa famille.

Conseil Municipal

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Un maire paysan

Il avait un «côté paysan» qu’il conservait également lorsqu’il siégeait au Conseil Municipal. D’autant plus que le Conseil étant composé essentiellement de paysans comme lui, les élus étaient préoccupés par l’entretien des chemins. Il n’avait pas la culture des emprunts et donc des grands projets. Il n’y avait, pour tout personnel communal, qu’un garde champêtre, Maurice Badolle qui faisait aussi office de fossoyeur. A chaque enterrement,monsieur Junet un paysan de la commune était appelé avec son cheval à pompons qui tirait le corbillard. Les gens se mettaient au bord de la route et suivaient le convoi aussitôt qu’il était passé devant chez eux.Ceux qui n’habitaient pas sur le passage se ren- daient directement à l’église. C’était une autre époque. Lejon était l’homme de son temps.Lorsque «son époque» a été révolue,il est parti. Il n’avait plus l’âge pour se porter à nouveau candidat. Passer la main à un paysan, c’est une chose, accepter comme succes- seur un VRP de profession, c’est aller un peu vite. René Mure est très éloigné de lui.Il est certes d’une vieille famille de Vernay,mais il habite le quartier des Granges, réputé pour ses familles aisées. René Mure a surtout une conception moderne de la gestion publique qui va bous- culer les habitudes.

Inaugutation du square Lejon

Le square Lejon

A Vernay, peu avant le bourg, se trouvait la propriété de monsieur Méchin. D’abord vigne, elle est culture maraîchère lorsqu’elle est rachetée par la commune,au début des années 70.Elle deviendra un

agréable parc qui porte le nom de Francisque Lejon. de L’Histoire Commelle-Vernay 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 64

René Mure L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay

René Mure a été maire de Commelle-Vernay de 1971 à 1983.

René Mure est né le 25 juin 1923, à la veille de la première course des vingt-quatre heures du Mans. Les parents du nouveau né sont loin des préoccupations sportives. Ils sont accaparés par leur vie quotidienne. Son père,mutilé de la guerre de 14 (il a perdu ses jambes dans les tran- chées) est épicier en gros.Son affaire installée au Coteau se développe. Il emploie bientôt sept ou huit salariés.Sa maman s’occupe de René et de ses quatre frères et sœurs. Il grandit dans un foyer cen- tré sur l’amour de la famille et du travail bien fait. Lorsque la seconde guerre mondiale éclate, il a tout juste 16 ans. trois ans plus tard, il devance l’appel et part pour les chantiers de jeunesse. A son retour,en 1944,il a 21 ans.Il est décidé à entrer dans la vie active et à fonder une famille. Il intègre l’entreprise familiale et se marie avec Francia Chabot, une jeune femme du pays. Six ans plus tard, il est prêt à voler de ses propres ailes. Il ouvre une épicerie à Roanne avant de prendre des responsabilités dans une chaîne de vente de grossistes alimentaires. A ce titre, il parcourt le pays afin de traiter de la question du libre service,un sujet précurseur pour l’époque.Un de ses amis qui revenait des Etats-Unis lui a montré des photos et donné des informa- tions qui ont fini de le persuader que l’épicerie de papa était terminée. En 1960, il devient attaché de direction d’une maison qui fabrique des rayonnages. Avec son équipe, il aménage les trois supermarchés en France.A une époque où la grande distribution en est à ses débuts, le créneau est porteur.

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1971 : une année charnière

Cette année-là, on lui propose de se présenter aux élections municipa- les de Commelle-Vernay, la commune où il a choisi de s’installer quatre ans plus tôt avec sa femme et sa fille. Il répond favorablement à l’insistance de ses amis. Il a beaucoup travaillé pour lui, il a envie de donner de son temps aux autres. Il est élu avec 88 % des voix. Pour Francisque Lejon, maire sortant non candidat à sa succession et pour les colistiers qu’il soutient, ceux de «L’union pour un programme de progrès», le verdict du suffrage universel semble n’avoir pas été acquis “à la loyale”. Ils présentent par conséquent un recours à la Sous- Préfecture de Roanne. Selon eux, le vote se serait déroulé dans le dés- ordre et la confusion ; à Vernay, un conseiller de la section de Commelle serait en réalité résidant dans la section de Vernay et cer- tains électeurs auraient voté dans les deux sections*. René Mure et ses colistiers se défendent, mais le 30 avril, le tribunal administratif de Lyon annule l’élection de la liste Mure. Il faut revoter. La liste Mure se présente à nouveau et l’emporte plus nettement encore. Compte tenu du budget municipal qui avoisine à peine les 800 000 francs et du manque de personnel (il n’y a qu’un seul canton- nier), il n’est pas aisé de concrétiser les projets. D’où l’idée de René Mure de lancer des chantiers bénévoles. Cela se faisait à Sail-sous- Couzan, sous l’impulsion du maire de la commune des Monts du Forez, monsieur Houzet. René Mure et une délégation municipale se sont rendus sur place pour voir comment cela fonctionnait. «Il nous a donné le mode d’emploi et on l’a fait», résume Paul Beluze.

Les chantiers bénévoles

Il s’agissait de faire des travaux en dépensant un minimum d’argent, c’est-à-dire en économisant sur la main-d’œuvre, grâce à la contribu- tion d’une équipe de bénévoles. «Nous avons été séduits par cette idée et pour tout dire, nous n’avions pas d’autre choix si nous vou- lions faire avancer la commune», raconte Paul Beluze. L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay * La protestation déposée le 17 mars 1971, à la Sous-préfecture de Roanne, sera enregistrée, deux jours plus tard au greffe annexe de Saint-Etienne. L’affaire sera jugée le 30 avril par le Tribunal administratif de Lyon (référence N° 19 219). 100 ansCommelle14/08/0811:44Page66

L’Histoire de 66 Commelle-Vernay plement lematériel». réglait sim- mairie onlefaisait nous-mêmes.La maisl’essentiel, que, duchantierquinécessitaient unsavoir-fairesur desparties spécifi- Onfaisait intervenir desprofessionnels dubâtiment bonne journée. une ilspassaientsurtout maisenréalité, venaient pourtravailler, Lesgens commun pendantquelesenfants s’amusaient àproximité. l’occasion departager lerepas quenosépousesavaient préparéen rêtait régulièrement pourboire uncoupetlapausedemidiétait Ons’ar- onrigolait beaucoup. onplaisantait, Onchantait, chantier. Leshommesétaientsurle «Onyvenait enfamille. très bonsouvenir. reste un Pour àcetteaventure tousceuxquiontparticipé unique,cela de marches. grâce àunesoixantaine etceluiquidescendjusqu’àlaLoire, Chapelle, lesentierquirelie lehameaudesGranges enparticulier àla ou créés, Fontanne sesouvientquedenombreux chemins ontétéentretenus Raymond mins etonaprocédé à des travaux denettoyage». fait depetitsche- «On aainsirestauré desbâtimentscommunaux, l’ancienélumunicipal. poursuit dans lajoieetbonnehumeur», cartoutsepassait chaque fois etnousavions ducœuràl’ouvrage, « nibilité desunsetautres. àlafaveur delamétéoetdispo- dimanches, certains vre ensuite, etpoursui- sait unchantier auquelelleallaits’attelerdanslajournée définis- effet,l’équipe 1ermai,en vail n’aétévécuedelasorte.Chaque qu’àCommelle-Vernay,la ailleurs part fêtedutra- A cetteépoque,nulle lesItaliens». lesPortugais, unprofesseur d’université, le curé, lespaysans, municipaux, lesconseillers «Tout lemondes’yestmis: Nous étionsunebonnequarantaine à 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 67

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Claudius Burnichon confirme : «Personne ne se faisait prier pour participer aux chantiers bénévoles. C’était du boulot, mais c’était la fête. Ceux qui ne pouvaient pas venir donnaient des chèques. Avec cet argent, on achetait une partie du matériel. Il y avait aussi ceux qui donnaient en nature. Je me souviens, par exemple, que le bou- langer offrait le pain et le vin que nous allions consommer dans la journée. René Mure organisait les équipes. Les femmes s’occupaient de l’intendance et les hommes allaient sur le chantier.Moi, je venais avec mon cheval. Il servait à transporter du matériel dans les rues étroites et les petits chemins».

Création du Groupe scolaire

Au cours du second mandat, les choses étaient différentes. L’installation de nouveaux habitants avait en effet permis à la commune d’avoir un budget plus conséquent et de pouvoir agir selon un mode de fonctionnement plus classique. Les chantiers bénévoles n’avaient plus de raison d’être et l’équipe municipale se mobilisa autour du projet de création d’un Groupe scolaire, ce qu’elle considé- rait comme un élément essentiel à la structuration et à l’unification de la commune**. L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay ** La fusion de Commelle et de Vernay date de 1848, mais l’unification de la commune a mis du temps pour s’imposer dans la réalité. 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 68

«Jusque-là, il y avait deux écoles publiques, une à Commelle et une à Vernay, explique Paul Beluze. Pour les familles, c’était un peu L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay comme s’il y avait toujours eu deux clans. On était de Commelle ou de Vernay. Pour les sociétés, c’était pareil. On était, par exemple, de la Boule de Vernay ou de la Boule de la Grappe. On faisait des concours entre nous, mais c’était surtout le canon qu’on buvait ensemble qui était pacifique. Les élus devaient d’ailleurs gérer la commune en conséquence et alterner les travaux de sorte que les habitants de Commelle, pas plus que ceux de Vernay n’aient le sen- timent d’être considérés différemment. Réunir les deux écoles, c’était tirer un trait sur cet esprit de clocher et privilégier l’unité de la com- mune». Un esprit de clocher renforcé par le fait «qu’il y avait effectivement deux clo- chers différents», rappelle non sans humour le père Girardin. Raymond Fontanne confirme que s’il y a eu «la guerre» entre Commelle et Vernay, il s’agissait «d’une guerre passive. Claudius Il fallait en effet faire autant d’un côté Burnichon que de l’autre, et lorsqu’il n’y avait pas assez d’argent, on ne faisait rien du tout». Pierre Delabre explique «qu’à cette époque, les enfants d’un côté ne pouvaient pas voir ceux d’en face. C’était une sorte de chauvinisme à petite échelle.On se tapait dessus au catéchisme.C’est vous dire l’ouverture d’esprit qui nous animait». Claudius Burnichon confirme que la rivalité entre Commelle et Vernay a été longtemps dans les esprits. «C’était viscéral, dit-il. «Le milieu social n’était pas le même et les traditions ont la vie dure. La mise en place des chantiers bénévoles, puis la construction de l’école ont beaucoup contribué à rapprocher les personnes». «Réunir les deux écoles, c’était tirer un trait sur cet esprit de clocher». 68 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 69

69 L’esprit d’équipe

Le rôle de René Mure, soutenu par son équipe municipale, a donc été essentiel dans la démarche d’unification de la commune. Il a égale- ment initié la dimension touristique de la commune, en y installant le petit train touristique et il a favorisé, en 1975, la création du Club ami- tié Loisirs, avec l’aide de Simone Goutard, Claude Rey et madame Roche. «J’ai pris beaucoup de plaisir à travailler avec lui», se sou- vient avec émotion Paul Beluze . «On formait un bon tandem. Nous étions complémentaires. Il avait des idées et il fonçait. Moi j’étais là pour calmer un peu ses ardeurs. On discutait beaucoup. Il aimait aussi prendre l’avis d’Eliane Dontenwill, une enseignante discrète à la personnalité pleine de sagesse. Il était fait pour assumer la fonction de maire. Il avait la diplomatie nécessaire et il ne s’énervait jamais. Son épouse, Francia, l’aidait beaucoup et était de bon conseil. Elle organisait régulièrement des dîners chez elle pour que son mari prenne le temps de rencontrer, dans un cadre convivial, certaines personnali- tés incontournables de l’époque.Il aurait sans doute été réélu, mais, du départ, et j’étais d’accord avec lui, il avait annoncé qu’il ferait deux mandats et pas plus. Nous avons tenu parole»***. Si René Mure avait une sensibilité politi- que proche de celle d’Antoine Pinay****, ses conseillers et adjoints étaient de tous bords politiques.

Madame Roche L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay

*** René Mure a été Maire de Commelle-Vernay de 1971 à 1978, puis de 1978 à 1983. ****A l’Assemblée Nationale, Antoine Pinay était inscrit au Groupe des Paysans Indépendants, puis au Centre National des indépendants (CNI). Président du Conseil général de la Loire, Député-Maire de Saint- Chamond, il a été, au cours de la seconde moitié du XXè siècle, l’homme fort du département. 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 70

Ce qui n’a pas empêché l’équipe de fonctionner autour d’un projet d’intérêt communal. Paul Beluze se souvient que, lorsque l’ancien pré- L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay sident du Conseil est venu inaugurer le Groupe scolaire, à la demande de René Mure, ce dernier l’a invité à dîner. Gardez donc votre argent pour la commune, lui a répondu Antoine Pinay, fidèle à son image de grand argentier soucieux des deniers publics. Si René Mure ne s’est pas présenté pour un troisième mandat, c’est peut-être aussi à cause de sa candidature malheureuse aux élections législatives. Le Député sortant n’était pas candidat à sa succession. René Mure pensait avoir une chance.Il sera finalement battu par Pascal Clément, élu dès le premier tour. René Mure n’a pas non plus obtenu la majorité à Commelle-Vernay, ce qui a certainement entamé son allant.

La bonne personne au bon moment

Le père Girardin fut le curé de la paroisse de Commelle-Vernay de 1969 à 1979*****.Il a donc connu la période qui a précédé l’arrivée aux affaires municipales de René Mure et il a suivi de près ce qui a été entrepris aussitôt et qui a aussitôt acquis la confiance des électeurs. Il témoigne d’un épisode qui a sans doute contribué au succès électo- ral de René Mure. «Je connais Commelle- Vernay depuis toujours, raconte-il avec sérénité. Mes parents et mes grands parents y sont nés. Il y a eu longtemps des prairies et de la vigne. Chacun se faisait un point d’honneur à posséder ses pieds de vigne et ses vaches.En 1969, il y avait encore des fer- mes et des paysans, mais les grues commençaient à remplacer les charrues.

le Père Girardin

*****Le Père Girardin a succédé au Père Vernay.A son départ, il sera lui-même remplacé par le Père Jeune. 70 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 71

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A mon arrivée, j’ai installé un Conseil paroissial afin de dynamiser la paroisse. Il me semblait également nécessaire d’entreprendre des travaux dans la Chapelle de Vernay. J’en ai donc naturellement parlé au maire, Francisque Lejon qui a laissé, dans un premier temps, un de ses adjoints traiter ce dossier et qui a fini par donner l’ordre au garde champêtre de fermer l’église, alors même que les travaux avaient commencé. Cela a fait scandale dans la commune. Finalement, l’évêque a pris l’initiative de réunir le Conseil Paroissial, le Conseil municipal et les entreprises afin de trouver un arrangement. Nous avons passé en revue les aspects qui étaient en cause et les travaux ont pu reprendre. Cet épisode n’a pas été sans effet sur l’émergence de la liste Mure». Raymond Fontanne partage l’analyse : «Francisque Lejon était un homme sympathi- que, mais sa volonté première était de préserver les finances de la commune et cela l’empêchait de prendre des initiatives». Qualifiant de «coup de génie» la mise en place des chantiers bénévoles, le père Girardin y a participé d’autant plus volontiers que «la mairie et la paroisse marchaient dans le même sens, celui du bien commun. Il était aidé par son tempérament à la fois convi- vial et sérieux et il était entouré d’une équipe soudée. Il avait placé sa confiance en Paul Beluze qui était un élu pragmatique et dans le couple des Dontenvill. René Mure a été la bonne per- Paul Beluze sonne au bon moment. Il a amorcé le renouveau de la commune». L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 72

Henri Mottet L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay

Henri Mottet a été maire, durant quelques mois, en 1983.

Henri Mottet est arrivé sur la commune au début des années 50. Très vite,il s’est installé à son compte en tant qu’artisan menuisier ébé- niste. Claude Denis l’a connu à cette époque. «J’avais 18 ans et j’ha- bitais encore chez mes parents, à la ferme»,raconte-t-il.«Henri Mottet y venait régulièrement pour nous acheter du lait. C’est comme cela que nous avons été en contact. Nous avons aussitôt lié amitié car non seulement il était un bon professionnel, rigoureux et discret, mais il était très convivial. Lorsqu’il s’est marié, il s’est installé aux Granges. Plus tard, lorsque nous avons décidé de créer le Club de foot, il a accepté de faire partie du bureau, alors même qu’il n’était pas un passionné du ballon rond. Il s’est investi pour nous aider à démarrer». C’est au cours de cette période, précisément en 1957, que Louis Chaize a connu Henri Mottet. «Il aimait beaucoup la chasse, la pétanque et il avait la religion du Bourgogne», précise-t-il. «Il est resté actif au Club tant que Rennie, notre animateur n° 1, a été présent. Lorsque ce dernier a laissé sa place, Mottet s’est mis en retrait». Claude Denis précise aussitôt qu’il est néanmoins resté «sponsor» du Club, «alors que de tout temps, il a été un homme qui a consacré beaucoup de temps à son activité professionnelle». «...alors même qu’il n’était pas un passionné du ballon rond. Il s’est investi pour nous aider à démarrer». 72 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 73

73 Intéressé par la vie publique

Au cours des années 60, Henri Mottet intègre une liste municipale qui entend faire concurrence à celle du maire sortant, Francisque Lejon. L’initiative n’aboutit pas et Henri Mottet garde intacte son envie de s’investir pour la commune. Il poursuit son action dévouée auprès des associations. En 1978, lorsque René Mure envisage de se présenter pour un second mandat, il lui propose de figurer sur sa liste en bonne position. C’est ainsi qu’il devient adjoint au maire. Il s’intègre facilement à l’équipe, sans pour autant s’imposer comme le dauphin. D’où la surprise de quelques élus sortants de voir René Mure proposer à Henri Mottet de prendre sa succession pour l’élection municipale de 1983. René Mure écoute les réserves des uns et des autres, mais comme personne d’au- tre ne se porte volontaire pour assumer la fonction et qu’il n’y a pas de liste concurrente, chacun accepte de l’installer dans le fauteuil de premier magistrat de la commune. «C’est René Mure qui a composé la liste de 1983», confirme Pierre Duron.«En tout cas, c’est lui qui, personnellement, m’a sollicité pour que je rejoigne sa liste d’Intérêt Communal. Henri Mottet avait été son premier adjoint et il était quelqu’un de très agréable et de dévoué pour la commune. Moi, j’étais novice, j’ai fait confiance à l’équipe en place». «Henri Mottet avait été son premier adjoint et il était quelqu’un de très agréable et de dévoué pour la commune.». Mais, suite à des dissensions, sept conseillers souhaitent démissionner. Afin d’éviter de recourir à une élection partielle, c’est finalement Henri Mottet qui renonce à son poste de maire, permettant à l’équipe municipale en place de poursuivre la tâche prévue. L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 74

Quelques années plus tard, en 1994, Henri Mottet décède, à l’âge de 65 ans. Il repose au cimetière de Vernay. L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay Il a laissé une bonne image dans la commune. «C’était un homme assez vif, énergique», se souvient Moïse Roche. «Il a par exemple beaucoup aidé le Comité des fêtes.Avec sa camionnette, il transpor- tait notre matériel partout où cela était nécessaire. Il le faisait par dévouement, sans jamais regarder le temps que cela lui prenait. Tous les lundis, il passait me voir au jardin et on discutait. C’était un bon copain. Après son départ de la mairie, il n’est plus venu que rarement. A sa démission s’est ajoutée la maladie, et à la souffrance morale, la souffrance physique».

«Tous les lundis, il passait me voir au jardin et on discutait. C’était un bon copain».

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75 L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay 100 ans Commelle 14/08/08 11:44 Page 76 L’Histoire de L’Histoire Commelle-Vernay

L’Histoire de Commelle-Vernay racontée par ceux qui l’ont vécue

Parution : 2008 Ouvrage supervisé par Christian Marrone, et la commission communication, à partir du témoignage des anciens de la commune.

Photos : archives familiales Conception graphique : Catherine Ornon Impression : VASTI

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L’Histoire de Commelle-Vernay racontée par ceux qui l’ont vécue 2008 Ce livre est à mi-chemin entre le recueil de témoignages et le livre d’histoire. Il a mobilisé bon nombre d’anciens de Commelle-Vernay qui ont accepté de remonter le plus loin possi- ble dans leurs souvenirs, afin de témoigner de l’histoire de Commelle-Vernay au travers de leur propre vécu. Dans une première partie, il aborde la période mouvementée de la seconde guerre mondiale. L’Histoire Les témoignages sont distanciés ou émouvants, c’est selon.Puis il s’attarde sur les évolutions de la commune au cours des décennies suivantes. de Commelle-Vernay L’ouvrage se termine par une série de portraits des maires qui ont assuré le développement de racontée par ceux qui l’ont vécue Commelle-Vernay au cours de ces années-là : Francisque Lejon, René Mure et Henri Mottet.

Celles et ceux qui vivent à Commelle-Vernay de Commelle-Vernay - L’Histoire depuis toujours ne souhaitaient pas laisser per- dre leurs souvenirs. Ils ont été les témoins de l’Histoire de la commune et ils l’ont aussi façonnée. De Mémoire d’Hommes De Mémoire