SOULTZ Haut-Rhin

J.6u I. iÀési/dùM/ 4 février 1945 Edité en collaboration avec la Municipalité par les Amis du Vieux Soultz 1er semestre 1995 50 ANS APRES, COMMEMORER, POURQUOI ?

- Commémorer pour ne pas oublier. - Oublier le 4 février 1945, jour où SOULTZ redevenait française. - Oublier l' meurtrie, abandonnée, annexée, la partagée, occupée, déchirée.

- Commémorer, c'est se recueillir pour reconnaître cette grande solidarité des vivants et des morts avec les générations futures. Nous les vivants, les héritiers, nous nous souvenons des morts, des souffrances, des angoisses de ces femmes et ces hommes broyés, anéantis, blessés dans leur chair, dans leur humanité mais pour d'autres hommes, pour la justice, la paix, la liberté, la dignité. Ils s'appelaient De Gaulle, De Lattre, Leclerc, Moulin, les grands, les phares, les statues. Ils s'appelaient aussi Meyer, Dupont, Marc, Mohammed, les petits, les hum- bles, les obscurs.

- Commémorer, c'est s'arrêter pour ouvrir ses yeux, son esprit et son cœur aux misè- res d'hier et aux difficultés et défis d'aujourd'hui.

- Commémorer, c'est comprendre que les choses ne seront plus jamais comme avant. - Commémorer, c'est se préparer à changer, à se réformer, c'est faire face aux dangers et menaces des temps présents, c'est surmonter ses peurs.

- Commémorer, c'est recevoir, accueillir et transmettre le message de ces femmes et de ces hommes là, d'Alsace, de France, d'Europe, de l'Humanité.

Ils nous parlent de courage, de volonté, d'humilité, de solidarité, de tolérance, de foi, d'espérance, de charité, de l'homme, de la vie, de Dieu, de l'éternité. Ils redonnent sens et force à tous ces mots démodés, oubliés, galvaudés, banalisés. C'est à ces femmes et ces hommes, qu'ils aient été au champ de bataille, dans les for- ces de l'ombre ou dans les camps, que nous voudrions exprimer notre reconnaissance, car ils ont su donner à leur combat une dimension qui nous transcende. Par leur action ils ont fait rejaillir la lumière et fait triompher la liberté, le droit et la justice.

MAIRE DE LA VILLE DE SOULTZ AVANT-PROPOS 1945. Premières semaines d'une année nouvelle L'Europe entière, des rives de l'Atlantique aux steppes du fin fond de l'Oural, geignait sous une chape de neige grise. A l'Ouest, où la mer avait effacé sur le sable le sang de ces milliers de jeunes qui ont payé le prix de leur vie pour que nous retrouvions notre liberté, déjà on commençait à panser ses plaies. Dans l'immensité secrète des horizons russes, après le sacrifice inimaginable de l'Armée Rouge, après le drame de Stalingrad, les horreurs de Léningrad, un autre cauchemar continuait. Occulté, ignoré par le monde entier : toujours les camps... L'Allemagne, le Grand-Reich d'hier, réalisait enfin, terrifiée et incrédule, ce qu'était cette guerre qu'elle avait portée durant quatre longues années sur les terres d'autrui... L'Alsace, elle, espérait. De tout son cœur. Strasbourg et déjà reconquis, mais non pour autant sortis de l'angoisse, attendaient la reprise des opérations qui délivreraient - enfin - définitivement la rive gauche du Rhin où l'ennemi s'accrochait. Dieu, que cette attente était longue ! La fin du cauchemar était pourtant palpable, sûre, elle le savait. Mais tous ces doutes, ces souffrances, ces déchirements accumulés pendant des mois interminables pesaient à présent lourd. Pour elle, l'expérience de 1914-18, le tout proche Hartmanswillerkopf avec, pareillement, ses milliers de victimes, tout cela était si vivace encore... Nos parents n'avaient pas oublié, eux. Ils l'avaient vécu. Pourquoi n'a-t-on voulu y croire ? "Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts !" A cela nous avions cru. Sarajevo, la Bosnie. Toujours, cinquante ans après l'orage, le refus de la réalité. Serions-nous donc condamnés à vivre dans la haine, la souffrance, la guerre ? Faut-il rappeler le désarroi de l'Alsace lors de la débâcle de 1940, la surprise indignée de la germanisation à outrance qui a suivi son occupation, son impuissance totale face à ses nouveaux maîtres qui ne reculaient devant aucun forfait pour se faire obéir : ni la déportation, le déchire- ment des familles, ni les camps, ni les prisons et la mort. Il fallait plier. Puis vint l'incorporation dans leur Wehrmacht à destination, pour la grande majorité de ces jeu- nes (souvent très jeunes) Français porteurs de l'uniforme ennemi, du front de l'Est. Pourra-t-on jamais oublier le départ de leurs convois sous la menace des armes, trains de révolte d'où fusait, déchirante, jaillie du plus profond d'eux-mêmes, une dernière "Marseillaise" désespérée ? La résistance armée était difficilement concevable sur notre étroite bande de terre entre les som- mets et le fleuve. Le pays ne s'y prêtait guère et les familles étaient devenues otages. Et pour- tant elle existait, au quotidien et sous toutes les formes. Combien de héros, le plus souvent obscurs, ont déployé une imagination admirable pour saboter, matériellement ou moralement, l'ordre tyrannique établi par les vainqueurs ! Tous les moyens étaient bons, ils l'avaient appris à leurs dépens. De l'humour moqueur de tous les jours à la dynamite, les trouvailles rivalisaient d'ingé- niosité, fournissant matière à de nombreux écrits publiés dans l'après-guerre comme de nos jours encore. L'Alsace était restée fidèle à la France. Le soleil, en ces années d'annexion, brillait mais ne réchauffait plus. Il était devenu noir et ses rayons avaient pris la forme des bras de la croix maudite. Si nous riions, c'était sans joie. Et voilà qu'enfin, un jour de neige, de froid, de gadoue et de nuages bas, mais qui devint le plus lumineux depuis septembre 39, l'heure si ardemment espérée sonna. Les derniers aboiements sombres des armes sont relayés subitement, sans transition, par un joyeux carillon tombant du haut du clocher de Saint-Maurice dans un brouhaha de voix heureuses, de cris de bonheur et de gaies interpellations. Les larmes de joie de la liberté retrouvée se mêlent aux larmes des malheurs passés. On exulte. Jamais, depuis cinq longues années, nos cloches n'avaient sonné avec tant de force, de clarté et de conviction. Elles avaient retrouvé leur voix des jours de liesse et s'en donnaient à cœur joie.

Depuis lors, des murs sont tombés. A Berlin, celui de la honte ; sur le Rhin cet autre de la méfiance, de l'incompréhension et de la suspicion. Les portails des barbelés des goulags ont commencé à s'ouvrir, laissant échapper des vagues de morts-vivants qui n'y croyaient plus après d'interminables années de la pire des misères... Puis la haine s'est effacée insensiblement. Les peuples de la grande vallée dont la commune histoire si riche se fond dans la nuit des âges, ont ouvert lentement leurs portes, puis leurs cœurs de part et d'autre du fleuve. Des mains se sont tendues. Aurions-nous compris, enfin, que nous sommes frères, TOUS frères sur la terre entière et quelle que soit la couleur de notre peau ? C'est, je crois, la leçon de ces douloureux événements. Mais n'oublions pas : nous avons contracté une dette. Une dette immense et sacrée, imprégnée de larmes de sang et de douleur envers ceux, martyrs ou héros, qui ont offert leur vie à l'espoir et à l'idéal de nous tous : la LIBERTE. Faisons comprendre ceci aux générations de la relève afin qu'elles sachent se montrer dignes du sacrifice de leurs aînés qui n'ont pas hésité à accepter le renoncement suprême leur ayant évité à eux, jeunes d'aujourd'hui, l'obscur esclavage.

Oui, ils avaient leur âge quand ils sont morts...

Louis Wiederkehr Nous voulons, dans cette plaquette, retrouver toutes les péripéties de la Libération, mais aussi, et avant tout rendre un vibrant hommage à ceux qui ont été victimes de la terrible Guerre 1939-45 ou restés dans les terres lointaines ou "morts pour la France" ou en victimes civiles ! LES VICTIMES MILITAIRES ACKER Claude HENNER Jean-Jacques SCHLEICHER Joseph BAECHER André KIEFFER Pierre SCHNEIDER François BAECHER Robert KIMMEL Maurice SCHNEIDER Jean-Joseph BARB Charles LANDSPURG Emile SCHULLER Albert BIRGAENTZLE Lucien LANG Louis SEILLER Albert BIRR Albert LEDERMANN Alfred SIMON Lucien BLEULER Marcel LEDERMANN Roger SOMMERHALTER Georges BRENDER Charles MAIER Edouard SPRENGER Louis BUCHER René-Georges MASCHA Armand STACKLER Jules BUECHER Emile MATELIC Joseph STADLER René CHRISTMANN Roger MEISTERMANN Aimé STALTER Joseph-André DAVID Auguste MEISTERMANN Xavier STALTER Maurice DIETRICH Henri MEYER Lucien STIEFFEL Joseph DOTT Robert MEYER Jean-Jacques THUET Alphonse ERHARD Charles MEYER Joseph TRAPP Pierre ERHARD Edouard MEYER Maurice TSCHANN René FERNBACH Louis MORITZ Alfred UHL Robert FRITZ René MORITZ Marcel URSPRUNG René GALLIATH Camille MULHAUPT Gérard VOGEL Maurice GARRE Henri MULHAUPT Jean-Paul WALTER René GERRER Ernest MUNDWILER Robert WEHRLEN Marcel GRAF Arthur NIEDERHOFFER René WEINBRECHT Albert GRAF René OBERLE André WEINZAEPFEL René GSTALTER René PETERSCHMITT Lucien WINTZENRIETH Henri GUGEL Pierre RIETHER Marcel WOHLFARTH Maurice HAERING Aloyse RIETHMULLER Emile WOHLWERTH Edouard HAESSY Charles RIETHMULLER Henri ZAGULA Henri-Etienne HAEUSSLER Robert ROTH Léon ZEYER Louis-Benoît HAUMESSER Louis ROTH René ZINDY Albert HECKENDORN Joseph RUSCH Robert-Antoine ZINDY Armand HEFTLE Joseph SALM Arthur ZIMPFER Victor HEITZLER René SANDMEYER Roger

N.B. : Les victimes civiles (4 personnes en juin 1940) 'ef celles mortes en déportation ne figurent pas sur cette liste. Des 95 militaires cités, une dizaine est tombée sous l'uniforme français, certains autres ont été portés disparus et leurs familles sont restées sans aucune nouvelle à ce jour. LA LIBÉRATION DE SOULTZ 4 FÉVRIER 1945 L'attente 1. La fin de l'année 1944 Cette année 1944, la quatrième d'une guerre monstrueuse, se termine à Soultz sur des rumeurs, de bonnes nouvelles mais aussi de grandes déceptions. Les rumeurs circulent : la première armée française approche des Vosges. La libération sera donc pour bientôt. Cette idée engendre à la fois l'espoir, mais aussi l'angoisse : comment se fera cette libération ?.. Les bonnes nouvelles parviennent au mois de novembre : e le 14, "ils" sont à Belfort e le 19 : le Rhin est atteint à Saint-Louis e le 20 : le 2e Chasseur d'Afrique atteint les faubourgs de Mulhouse 0 le 23 : Strasbourg est libéré e les premiers jours de décembre : Thann... "Ils" ne sauront donc pas tarder ! Mais bien vite, la déception s'installe, puis l'angoisse. Les Français n'arrivent pas. Les Alle- mands se sont ressaisis : réquisitions en bétail et en ravitaillement. A Soultz comme ailleurs, on a des difficultés pour s'approvisionner. Les cartes donnent droit à du pain et un peu de viande. Les stocks des magasins sont saisis. Noël est bien triste. Le thermomètre est descendu à - 7°. L'angoisse s'installe. La libération, pour quand ? Le 28 décembre, il fera bien plus froid encore : - 10°... 2. Le début de l'année 1945 apporte des inquiétudes nouvelles : on apprend la contre-offensive allemande dans le Nord de l'Alsace. Des réfugiés arrivent à , les moines de l'Oelen- berg, et d'autres ; à Soultz, on accueille des familles strasbourgeoises. Le 27 janvier, tous les hommes de 16 à 60 ans sont appelés par décret au service du travail obligatoire. La neige et le froid sont difficiles à supporter... 3. Février 1945 Dans la nuit du 1er au 2 février, l'état major de la 19e armée allemande quitte Guebwiller. La nuit suivante, la garnison de l'école de filles Freyhof quitte' à son tour la ville. La mainte- nance brûle les fichiers. On apprend que des combats très durs se déroulent à Cernay... Le 3 février, des lignes téléphoniques et électriques sont détruites. La Libération : 4 février 1945 (d'après des comptes-rendus d'opérations - 4e Régiment des Spahis Marocains) Dans la matinée du 4.2, tout s'était passé rapidement, aux portes de Soultz. Les Soultziens patau- geaient dans la gadoue, la neige fondue, ou s'apprêtaient à passer calmement cette journée de dimanche chez eux. Mais il y eut une avance rapide de la part du 4e Régiment des Spahis Marocains. Depuis Thann, leur "chevauchée" semblait ne pas vouloir s'arrêter : , , Hartmannswiller, ... Là, ils sont arrêtés. A 7h30, les Allemands, installés dans les caves des maisons au sud et à l'ouest de Soultz, avaient fait sauter le pont sur le Wuenheimerbach, près de l'usine Amepa. Le bataillon Bastiani occupe la lisière de Wuenheim. Un groupe de fusiliers allemands fait quelques blessés par balles. Vers 10 heures, à Soultz, on entend au loin la sonnerie des cloches : la libération est proche... Le colonel Deleuze, installé à la sortie de Wuenheim, est rejoint par le peloton de tête du 4e R.S.M., avec deux chars légers, commandé par le capitaine de Farny. Le capitaine Serafino renseigné par un militaire de Wuenheim, a découvert à 50 m., dans Wuenheim, le petit pont sur le Wuenheimerbach que les Allemands n'avaient pas fait sauter. Les deux chars passent et apparaissent au Nord de la brèche. Les fusiliers allemands se replient sur Soultz. La libération , enfin : "Ils arrivent !" Vers 13h, les troupes françaises approchent. Le colonel Deleuze installe son P.C. dans une auberge à la lisière Sud de Soultz. Vers 15h, Les lisières de la ville sont atteintes par le char 53, suivi du char 54. Seuls des Alle- Dépôt légal n° 1011

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