L'ARCHITECTURE AGRICOLE A GUSSIGNIES

Jacques-Antoine de Witte L'architecture est le reflet, l'expression d'une culture, au ll1êll1e titre que notre patois. C'est la réalité quotidienne dans ses racines, intimement liée au paysage, au relief, au sous-sol. Cela est vrai de la maison rurale, mais encore plus des bâtinlents d'exploitations agricoles. C'est une louable et haute aIllbition qui est il l'origine de la présente entreprise. Par une approche particulière, celle dt~ notre patrimoine bâti agricole, elle nous per111et de découvrir les fer111es de nos comlllunes rurales, le savoir-faire, l'ingéniosité, le souci de l'harmonie et du fonctionnel de tous ceux qui les ont construites. A Gussignies, ce patri1110ine s'offre il nos yeux, proche, sou­ vent insoupçonnable, à l'üllage de l'enselllbie du patrÎllloine du , riche de diversité et de proxÏIllité. L'association que je préside s'engage il travers le Parc Naturel Régional à soutenir toutes les initiatives locales, il convenait ainsi d'encourager cette action de valorisation de notre patrill10ine rural. Puisse cet ouvrage contribuer il 111ieux le regarder et le décou­ vrir1 à mieux le préserver.

Paul RAOULT Maire de Président de l'association pour l'aménagement et le développement de l'Avesnois Président du C.A.U.E. du Nord .. L' ARC H 1 TEe T URE A C; RIe 0 L Il A (; Il S SIC NIE S III

INTRODUCTION

L'Agriculture a dominé l'histoire jusqu'au XIX" siècle et peut-C~tre mC'Ine jusqu'au xxe siècle. Depuis quelques décennies, l'habitat agricole subit les mêmes d('gradations que l'économie rurale. Les granges s'effondrent les unes après les aulres, les étables sont transformées en garages à voitures, en débarras ou en pièces de séjour. Le visage ancestral du tissu villageois disparaît avec les dernières figures. Des bruits, des gestes, des images jadis répétés journeUe!Iwl1 t ne! son t plus aujourd'hui que le dernier souffle d'un monde transformé. L'évolution technique, la mobilité professionnelle, les stéréotypes imposés par la publicité, la course à la productivité, l'exode rural sont autant de facteurs qui ont modifié en profondeur la campagne ct l'habitat de l'homme qui y vit.

Il m' a semblé utile de constituer une synthèse de l'habitation ct des bâtiments au service de l'agriculture dans un village que je connais bien. Volontairement ont été rejetés les édifices publics; église, chapelles, mairie, école, qui ne sont pas directement liés à la production agricole, bien qu'ils soient intimement liés à la vie du village; ont été aussi écartés le château et la ferme qui y est attenante. Leur architecture est en grand(~ partie étrangl~re il la tradition locale. Le domaine de ce travail est modeste. Il cherche il poser les yeux sur des pierres et des briques que l'on voit peut-être tous les jours sans leur prêter d'intérêt. Donner un cadre à l'espace et une place à l'imaginaire, voici l'objet de la recherche. Il ne s'agit donc pas d'un travail de spécialiste, ni d'un ouvrage farci de conseils pour restaurateurs de fermettes achetées à bon marché. Les moyens mis en œuvre ont été très limités. Les chapitres qui sui­ vent ne sont ni scientifiques ni exhaustifs. Chacun pourra s'il le veut compléter, préciser, amender cet itinéraire.

7 8 .. L'ARCHITECTURE ACRICOLE A ClJc;SICNIE~; ..

A - GÉNÉRALITÉS Soit il peine le double de la population comptée au XVI" si?'cl(' (En 1540, on comptai( 33 foyas , soit ap proximativcment132 hahilanls).(I) 1 - Situation du village Oasis de verdure el de calnw, Construit à sept kilomètres au situé au centre d'un triangle dont Nord-Ouest de la petite ville gallo­ chacun des somm.ets constitue une romaine de , le village de zone il tradition forternent indus·· Gussignies est adossé à la frontière tri elle, Gussignies a su prolégpr son de la Province Belge du Hainaut. caractère champêtre et piuoresqup, Dans la partie n1éridionale du Entouré il l'Ouest par le Valencien­ département du Nord, entre les villes nois, au Nord par le Borinage de et de , charbonnier et il l'Est par le Bassin Gussignies est limité au Sud de son de la Sambre', le village est un lieu , ']' • t } 1 r territoire par la charmante rivière pnvl egle, rec wrc 1e par 1('s amou- aux eaux vives «l'llogneau». Celle­ reux de la promenade el de la ci prenant ses sources dans la forêt con vi viaU té. de Mormal, court vers l'Ouest en direction de Condé, où elle se jette En bonne comnw en rnauvaise dans la Haine et dans l'Escaut. saison, le week-end rnais aussi en semaine, on voit tantôt des Depuis le dernier recensement promeneurs à piece tantôt des du mois de mars 1990, le village cyclistes, soit seuls, soit en groupes, compte 292 habitants. On constate parcourir les chemins de terre ou les une augmentation de près de 12 % rou tes étroites qui traversent la depuis le dernier comptage de 1982 campagn(~. Les premières bases (261 habitants). Sur un siècle d'un accueil touristique sont en cependant, il convient de relever place. La plus ancienn(~ structure a une importante diminution de la été aménagée dans le site de population. En 1896, le recensement l'ancien moulin, transformé au XIX" avait compté 264 habitants, celui de siècle en marbrerie puis en ateliers 1901 montait la barre au niveau de de polissage et de rnosaïque. Les 589. Ce plafond ne sera plus atteint. bâtiments ont été adaptés depuis, Au contraire, aprè>s les deux guerres, par la ville de Bruay-sur-Escaut l'hémorragie a été importante. Trois pour accueillir ses enfants en séjour dates permettent de constater les de vacances. étapes de cette évolution: - 1931 ...... 456 habitan ts 1 - Les dénomhrements defoyers dans le comté - 1954 ...... 400 habitants de !Iainaut . Maurice A. Arnould - Bruxelles - 1956 - p. 24R. - 1975 ...... 246 habitants

9 Les très nombreux cabarets ont plaines de la 1laine et de ]'Escau t disparu à l'exception de deux qui que cette t('rre domine, ce lieu est ont su s'adapter aux besoins d'une une zone de transition. clientèle essentiellement boraine. Ici, on n'est pl us dans les Perdu dans un puits de verdure, le vallées humides el marécageus('s, café appelé «Chez Mireille», mais pas encore sur le plateau accueille depuis 1950 ses herbeux et froid du Pays de amoureux de la profonde, Mormal. à la recherche des souvenirs, des lei, on n'est plus sur la bals en plein air, du vin mousseux profonde Lerre limoneuse qui a et du camembert. engendré la prospt'rité de Un peu plus loin, on vit nombreux villages pourtant voisins, s'ouvrir à côté du traditionnel café tels que Roisin à l'Ouest ou Hon à «Au Baron», un restaurant, puis une l'Est. Ici, le plateau compOst' des brasserie artisanale - la plus petite riches alluvions éoliennes du de France, a-t-on écrit. quaternaire a été érodé par la rivière Des gîtes ruraux à grande qui emporte avec elle le limon. Ter-­ capacité familiale ont été récemment ritoire négligé par les abbayes, dé­ aménagés dans des immeubles tradi­ laissé par les seigneurs féoda.ux, on tionnels et confortables. ne trouvera pas de fermes presti­ Gussignies est devenu secrètement gieuses. Au contraire, le sol a été une étape indispensable à la décou­ exploité par de petits laboureurs verte de l'Avesnois. indépendants qui, de génération en Avant de se plonger dans génération, ont pu trouver les fonds l'univers des forêts épaisses ou des nécessaires à l'anlénagement de bocages magiques, l'amateur de la bâtiments plus ou moins nature trouve à Gussignies un confortables. avant-goût de ce qu'il est venu chercher : une faune très riche et La rid1esse, toute relative, est pour certains encore exceptionnelle; venue au XIX" siècle avec l'exploitation une flore abondante ; une nature du sous-sol, par l'ouverture des sauvage à peine dérangée par carrières de pierre bleue et de l'homme. calcaire primaire. Planté entre la vallée de On le voit, la nature du sol, sa l'Escaut et celle de la Sambre, à la pauvreté ou sa richesse, selon les limite de cette partie du Hainaut modes d'exploitation économiques ancien que certains appellent imposés par des règles immuables, toujours les «Hauts-Pays du Hai­ déterminent les conditions d'im­ naut», ou plus brièvement les plantation et de renouvellement «Hauts-Pays», par opposition aux d'une population. Aussi, l'habitat

10 s'édifiera-t-il en fonction de ces Avec l'ouverture des carrières déterminismes. dans les affleurements de roche cal­ caire, la pierre est venue renforcer la Economes de la fertilité de leur terre, les habitants se sont implantés entre les abords de la vallée et le plateau limoneux propice à l'élevage et la culture des céréales. Cette zone habitée, qui déter­ mine la vallée à l'ouest de son terri­ toire, est plus froide, moins riche en limon, mais elle est propice à la surveillance du bétail. Sur ce site protégé des vents du Nord et de l'Est, les constructions se sont éle­ vées au fil du temps. Visitant le village aux environs de 1600 pour le dessiner, Adrien de Montigny nous présente l'habitat à travers une gouache. On constate que le site est identique à celui que l'on trouve aujourd'hui. Seule, la vallée de l'Hogneau est plus large. Des îles reliées par des passerelles occupent le fond des rocs. Le che­ min venant de traverse «Gussignies -Vue du Sud-Ouest dessinée les pacages communaux actuellement JXlf Adrien de Montigny en 1599. disparus à cause des carrières. Les Le dessinateur montre les pâturages maisons basses sont en torchis et appelés warechaix, dans lesquels des recouvertes de chaume. De cette carrières ont été creusées au début du époque, il ne reste rien si ce n'est le XIxe siècle. La rivière de l'Hogneau en­ site. vahit toute la vallée. Il y a plusieurs îles reliées par des passerelles. L'habitat Jusqu'au XVIIIe siècle, les seuls suit la ligne faîtière de la vallée.» (1) matériaux de construction utilisés sont: l'argile, produisant la brique et la tuile; et le bois que l'on trouve notamment associé au torchis dans 1 - Albums de Croy - Tome IX - Comté de la technique du colombage. Hainaut VI, Bruxelles -1989. p. 142, planche 41.

11 2 - Le paysage TI convient de replacer les té­ moins de l'architecture traditionnel­ le dans ce contexte, c'est-à-dire, Ce paysage agricole de Gussi­ quelques années avant la première gnies n'a pas profondément évolué guerre mondiale et après les années depuis le XVIIIe siècle. Peut-être y 1880 qui ont vu l'importation massive eut-il comme dans toute la région des blés américains. Cette situation une progression de l'herbage au conduira à de nouvelles orientations détriment de l'ancienne polyculture dans la gestion du sol agricole. 13 % à base céréalière. Les progrès de de la surface seront occupés par des l'élevage bovin et l'augmentation bois et plantations, près de 30 % généralisée de la taille des exploita­ orientés vers l'élevage et plus de 50 % tions et des parcelles, ont entraîné destinés aux labours. une certaine transformation. En La répartition des prés et 1906, la répartition de l'espace prairies témoigne à suffisance de agricole de Gussignies était la sui­ l'omniprésence des sols humides, et vante: montre l'influence des terrains moyennement pentus, aux sols - terres labourables ...... 180 ha modérément amincis. Les prairies - prés naturels ...... 30 ha artificielles se sont considérablement - herbages ...... 55 ha accrues. Tout récemment, le déve­ - pâturages et pacages ...... 12 ha loppement du maïs hybride fourrager -landes et terres incultes .... 12 ha a recouvert des îlots cultivés en - cultures arbustives ...... 10 ha polyculture. - bois et forêts ...... 36 ha Les prairies se retrouvent sur - non compris dans les replats et pentes de la vallée de les catégories ci-dessus .... 18 ha l'Hogneau, et sur la cuvette du pla­ teau limoneux (près d'Audois - TOTAL ...... 341 ha Canarderie - Petit Bois). Prolongeant les zones brisées des versants Sud et Ouest de la val­ lée de l'Hogneau et du ruisseau du bois des Sartiaux, les prairies clôtu• rées de haies vives et de fils d'ursus expliquent le choix d'implantation de quelques fermes d'élevage. La grande majorité du paysage agricole se classe dans les paysages ouverts, qu'il s'agisse des labours ou des prairies qui ont été aménagés

12 au cours du siècle. Le long du bois, il reste les vestiges d'un véritable bocage de haies d'aubépines plus ou moins entretenues. Cette zone bocagère reste limitée et n'a pas en­ gendré un habitat dispersé, comme dans d'autres zones où le bocage est fortement répandu. Au-delà de ce petit bocage, la campagne est labourée jusqu'à la limite Est, vers Houdain. Vers le Nord-Est, au-delà de la cuvette humide d'Audois, on retrouve une zone boisée, appelée «Le Bois d'Au­ dois», reste inculte d'une zone ouvert. Au Sud de la zone d'habitat essartée au XVIIIe siècle. Depuis proche de l'église, s'étendaient sur quelques années, cette partie est à le replat, tout le long de la dépres­ nouveau reboisée. Avec le défriche­ sion creusée par la rivière, ces ment du Bois d'Audois vers 1850, pâtures collectives utilisées pour le on a vu apparaître le long de la troupeau commun. Celui-ci réunis­ Chaussée Brunehaut, de modestes sai t les bêtes des di verses familles fermes isolées et une structure très villageoises, et se déplaçait pour pâ• géométrique du découpage parcel­ turer, sur les terres cultivées avant laire dont le cadastre témoigne. De et après les cultures, et sur les prés plus, les toponymes en «Sart» ou en après la première fauche. Les clô• «Bois» rappellent ces origines pas si tures étaient exclues, si ce n'est lointaines. Jouxtant la limite orienta­ autour des petites parcelles entou le du territoire, les parcelles du rant les maisons. Dans ce cas elles «Grand Sart» d'Eugnies, et celles du étaient réservées à l'usage personnel «Petit Bois» à proximité de Belli­ du propriétaire. gnies, ne trompent pas. Les warechaix, après avoir été L'importance de ce défrichement vendus par la commune, ont été généralisé a répondu à la pression éventrés par les carrières de pierre. démographique qui a existé au début du xrxe siècle. L'utilisation du bois pour l'exploitation de la houille dans le Borinage tout proche a accéléré le déboisement. L'usage des warechaix a justi­ fié aussi la nécessité d'un paysage

13 C'est aussi avec le XIXe siècle pondant à 120 ha, en 1987 la plus que s'est étendu le bois dans la petite exploitation agricole compte 21 vallée de l'Hogneau. Il a remplacé ha. Deux exploitants se partagent les terrains incultes sur les abords respectivement 46 ha et 60 ha. Ainsi, pentus. la plupart des bâtiments n'ont plus Actuellement, les systèmes aucune vocation agricole. Ils occu­ agricoles sont orientés vers la pro­ pent presque en totalité la simple duction bovine, utile pour le lait ou fonction de résidence, principale ou la viande en général. Les herbages secondaire, avec ce que cela implique laissent une place non négligeable de transformations, voire de dénatu­ aux céréales fourragères et aux rations. fourrages verts comme le maïs. On Au XIXe siècle, l'essor des ne cultive ni betteraves, ni pommes petites fermes était justifié par l'en­ de terre. couragement des exploitations oc-

Les vergers de pommiers et de casionnelles par les ouvriers carriers poiriers ont pratiquement disparus, et marbriers qui partageaient leur à l'exception de quelques arbres ré­ temps entre l'usine et l'étable. Cette servés à la consommation familiale. activité mixte et généralisée s'est éteinte Partout, c'en est fini de la petite progressivement depuis la fin de la exploitation de quelques hectares. Si seconde guerre mondiale. A ce jour, en 1888, on pouvait compter 179 deux familles poursuivent en com­ propriétaires agricoles exploitant une mun cette tradition. superficie de moins d'un hectare chacun pour une superficie corres-

14 3 - L'habitat la rue du bois qui prolonge vers la Belgique le chemin de Sartiaux. S'appuyant sur ce réseau, les logis Il semble qu'à l'origine, le des exploitations s'orientent vers le Sud choix du site de l'habitat du village ou l'Ouest, à la fLx:herche d'un [X)}l ('I1S0- ait été conditionné par trois motifs lcillemel1t. Sc~on l'implantation! les importants : l'accès à l'eau, la maisons auront tantôt leur façade facilité de son évacuation pour en longueur parallèlement au éviter les excès d'humidité, et la chemin, tantôt leur pignon à rue. protection contre les vents du Nord Friands d'espace, les constructeurs et de l'Est. veilleront à ce que les logis ne soient pas contigus. Entre ceux-dl un C'est à proximité de l'église jardin ou un verger jouera le rôle qu'il faut trouver ce site. Jusqu'au d'une utile séparation. L'alignement siècle passé, il n'y avait d'habitation ne semble pas respecter de règles , ni au Fond des Rocs, ni sur la très précises. Il est étiré et aéré. chaussée qui traverse le plateau. Il L'influence du sol, et donc du réseau est certain que jusqu'au XVIIIe siè­ routier, commande la disposition! cle, l'immense majorité des immeu­ l'orientation et l'implantation. bles sont édifiés, sur les versants adoucis de la vallée de l'Hogneau. Après la zone habitée, le réseau Ces lieux sont particulièrement bien quitte le village et le versant de la protégés. Ceci est prouvé par le vallée, pour progressivement accé­ dessin d'A. de Montigny dans les der au plateau limoneux et venteux. albums de Croy (cf. illustration de Ici l'habitat se raréfie et disparaît. la page 11). C'est avec la construc­ Mais auparavant, on a traversé le tion du moulin et de la scierie de Hameau de Termicourt, caractérisé pierres du château en 1785 que la par une forte densité de maisons vallée sera aménagée et que le modestes et de fermes. Ce hameau promoteur, pour des raisons composé de la Ferme et du Triez de économiques, prendra le risque de Termicourt, est situé au carrefour de livrer ces bâtiments aux crues de la quatre chemins, dont le vieux rivière. chemin de Bavay, seul chemin d'ac­ cès, qui permettait jadis d'entrer Sur le site construit du replat dans le village, en venant de Bavay. dominan t la vallée, un unique A cet endroit, s'articulent les plus chemin dessert les exploitations, et grandes fermes. Ce petit fief aurait jette quelques tentacules vers le bas, appartenu à l'Abbaye de Lobbes qui ainsi le chemin de la chapelle, la rue l'aurait vendu à la famille Hayoit de Bourlard (ancien chemin du moulin), .

15 L'habitat apparaîtra progressive­ Cet habitat récent, lâche et bien ment au XVIIIe siècle, le long de la circonscrit à la chaussée, semble chaussée, avec le défrichement du plutôt prolonger le village de Belli­ Bois d'Audois. Situé dans une zone gnies lorsque l'on vient de Cauti­ venteuse et humide, il se dévelop­ pont et que l'on accède à la limite pera peu et restera donc très disper­ séparative des deux villages, au sé. Seules quelques fermes exploi­ ruisseau de Virginette. tent ces terres conquises sur le bois.

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16 La morphologie de l'habitat l' acti vité artisanale des a te li ers de que nous allons décrire trouvera sa marbrerie, ont provoqué une aug' définition actuelle avec le démenteIIe­ mentation irnportantc' d(> la popula­ ment , puis la disparition des droits tion, entraînant de surcroît, I.UH.' seigneuriaux. L'investissement im­ densification de l'habitat, 511rl.01lt mobilier a été au XVIIIe siècle consi­ ouvrier. dérable. Des terres jusque-là réserv('Cs aux usages exclusifs de la famille du Entre les exploitations agrico­ seigneur de Fourmestrault sont ven­ les, un habitat interm('diaire s'est dues. D'autres, appartenant aussi au développé de façon limitée. n est ca·· seigneur, mais sur lesquelles la ractérisé par l'édification groupée communauté villageoise avait un de quelques maisons qui présentent droit d'usage, sont délaissées. Après toutes une porte unique en faç;1de, u­ la révolution de 1789, les zones de ne fenêtre unique au rez-de-chauss('(', pacage sont la propriété complète et à l'étage une paire de petites ouver­ de la commune. I~apidement, elles tures basses. Cel étoffement s'esl sont vendues pour financer des brutalement arrêt(~ avec la prerniè're travaux urgents de consolidation de guerre mondiale. l'église ou d'aménagement de la voirie. Les warechaix sont situés sur La progression économique a le flanc des limites Sud et Ouest de été elle aussi brusquement orientée la rivière, sur les mauvaises pentes vers l'effort de guerre. l,es usines de la vallée. marbrières n'ont pu correcternenl s'adapter après le conflit et ont Autour de ces lieux libérés du ferm.é leurs porles. Depuis, l'habitat pâturage mllectif, s'érigent des mn.stnlC­ neuf est très limité el tout à fait tions nouvelles, li('(.'8 à l'exploitation exceptionnel. agraire. D'élégantes fermes s'agencent à proximité du château, autour d'un espace commun en forme de quadri­ latère, de nos jours appelé «La Pla­ ce».

Pendant tout le XIX" siècle, l'habitat sera en développement constant sous la pression de facteurs humains et économiques. La proxi­ mité du bassin houiller et industriel du Borinage, l'ouverture de nom­ breUS<..'S carrières de calcaire et ensuite

17 Statistiques agricoles de 1888 surfaces surfJccs surfaC('s de 0 à 1 ha de] à 5 ha nombre de superficie nombre de superficie nornbre dn s\lper{kil~ propriétaires correspondante propriétaires correspondante propriétaires ('orrüspondant('

179 120 ha 15 65 ha 5 50 ha

de 10 à 15 ha

2 20 ha 2 40 ha () () ha

Statistiques agricoles de 1908 surfaces surfaces surfaccs de 0 à 1 ha de 1 à 5 ha nombre de superficie nombre de superficie nombre de superficie propriétaires correspondante propriétaires correspondante propriétaires correspondant!' 181 144 ha 14 69 ha 6 58 ha

de 10 à 15 ha 1 Il ha 2 45 ha o o ha

Ouvriers agricoles employés chez les cultivateurs

En 1888 6 ou vriers à gages 28 journaliers et lâcherons En 1908 3 ouvriers à gages 15 journaliers et tâcherons

Statistiques agricoles de 1908 (déclaration du 3 décemhre 7908 - archives de la mairie de Gussignies)

18 4 - Typologie La typologie (I<'s bâtiments agricoles va être influenc6e par ces constatations. De toule évideno', Le village ne compte pas de l'exploitation sera le plus générale­ grosses exploitations isolées au ment une annexe restreinte de la milieu de leurs champs ou dans des maison d'habitation. Cette multitu­ petits hameaux. On trouve rarement de de tenures est aussi un phénorn()~ des exploitations moyennes. On ne du XIX" siècle résultant du d(>~~ compte surtout de très nombreuses membrement progressif des droits petites tenures dont la plupart seigneuriaux sur le sol el de la venle n'excèdent pas quelques hectares. de la réserve seigneuriale. A la fin Celles-ci appartiennent à des culti­ du XVIII" siècle, on voit apparaître vateurs ou des éleveurs occasion­ des noyaux de fermes moyennes sur nels, qui trouvent dans le salariat la place, à proximité du château et agricole, artisanal, voire commer­ près de la f(~rn)e abbatiale, puis sei­ cial, un complément de revenus gneuriale de Thermicourt qui don­ appréciable et parfois indispensa­ nera son nom au harneau. S'il est ble. L'ouvrier, qui va travailler dans bien difficile d' éta blir une adéqua­ la vallée aux très nombreuses usines tion parfaite et stable entre la taille de marbre ou dans les ateliers, s'est d'une exploitation el sa forme bâtie, occupé au lever du soleil de ses on peut cependant reconnaltre quelques bêtes. En rentrant de son quatre types d'organisations des bâ• travail salarié, le soir, il retournera à timents, el constater l'absence d'un l'étable pour prodiguer à ses che­ cinquième. vaux ou ses vaches les derniers soins de la journée. L'épouse quant à elle, restée à la maison , polit les pièces de marbre qu'elle a remon­ tées de la marbrerie, tient un estaminet et veille à la petite exploi­ tation. Les tableaux de statistiques agricoles de la fin du XIXc siècle et du début du XXc, établis avant le grand bouleversement rural de la fin de la première guerre mondiale, montrent parfaitement l'explosion des petites exploitations d'appoint.

(voir tableau page précédente)

19 a - L'habitat élémentaire moderne, exigent un confort plus Le noyau de départ de tout grand. Dansl'ensemble, la simplicit(, établissement est le corps de logis. de leur apparence acluelle porte iJ On le trouve soit isolé, soit jumelé les situer dans le XIX" siècle. avec d'autres dans les espaces intercalaires des exploitations agri­ b - Uhabitat et le fenil coles et des pâtures. Il présente une Lorsque l' appentis n'est plus simple «façade à rue», et à l'arrière une simple remise, mais qu'il est un jardinet tout le long. constamment destiné à abriter des anirnaux, nous passons au type sui­ vant. Les animaux ont besoin d'Nre nourris de fourrages secs, proches d'eux, pour économiser le temps dans la distribution journalière. Le type bicellulaire implique qu'on aménage un fenil ou «grenier il foin» pour entreposer les fourrages. Dans le prolongement de ce noyau, Ces magasins son l souvent aména­ se greffe une autre cellule dont gés en grenier au-dessus des ani­ l'appellation locale: da remise», dit maux. Cet endroit est un lieu de assez le flou de sa destination : séchage, puisque très souv('nl, le simple débarras pour les outils qui foin restera une partie de la saison il servent à cultiver le jardin ou un l'extérieur, en meules bien aérées. petit lopin de terre, endroit de Ce type d'habitat combiné d'aména­ rangement de quelques aliments de gements pour l'élevage est difficile conservation (pommes à couteau à repérer. L'appentis et le fenil ont ou pommes de terre), abri pour été transformés pour répondre aux l'élevage de la volaille. Parfois, si besoins du logis moderne friand sa taille est plus importante, la d'espace nouveau pour une salle remise est l'abri des quelques d'eau ou une cuisine. animaux que possède tout habitant du village. Voici tout le patrimoine du manouvrier des fermes moyen­ nes, de l'ouvrier des carrières ou des marbreries, bref, de tout un monde de besogneux pour qui le cumul des activités apparaît comme une nécessité. Ces petits bâtiments, tôt ou tard condamnés par leur exi­ guïté et leur inadapta tion à la vie

20 c - L'habitat, l'étable et la grange granges à la charpente plus élev(;e Ce modèle tri cellulaire est que l'étable et le logis. La disposi­ certainement le plus répandu et le tion en long des bâtiment.s n'est, el plus caractéristique de la typologie le non plus, pas toujours respectée. agricole de Gussignies. Dès que En fonction des orientations du l'étendue cultivée tend à s'accroître, corps du logis et du sol, la grange el

il convient d'aménager un espace l'étable peuvent être parallèles ou plus important propre au stockage perpendiculaires au logis. L' ensem ble de la nourriture des animaux. forme alors un début de cour qui Ceux-ci ne sont plus une ou deux annonce la disposition suivante, vaches, mais une dizaine et autant encore plus complexe. de chevaux. Ce modèle d'abitat concerne non plus les ouvriers, mais d - La ferme en U un autre groupe socio-professionneC L'accroissement des terres celui des petits agriculteurs autono­ exploitées, et, en conséquence, mes mettant en valeur entre 3 et 8 l'augmentation du cheptel, susci­ hectares. La grange peut aussi avoir tent l'augmentation du volume de une vocation mixte. Elle est utilisée la grange d'une part, et le comparti­ à la fois pour l'élevage ct pour le mentage de l'abri des animaux stockage. L'étage au-dessus des d'autre part. A côté des bêtes stalles sert à remiser le foin. L'accès utilisées comme force de trait au rez-de-chaussée se fait par une (chevaux, bœufs, mais aussi les va­ simple porte piétonne, ce qui impli­ ches), le troupeau s'accroît de bêtes que une manutention à la brouette. à viande et à lait. Des porcheries Entre le logis et la grange, on élève sont aussi aménagées. On rencontre l'étable. Ces trois cellules aux fonc­ encore des bergeries. Dès lors, une tions bien distinctes, sont couvertes aile peut être réservée à chaque d'une toiture qui unifie le volume fonction : le logis, la grange, l'abri d'ensemble. On relève aussi des des bêtes. Pour économiser les

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déplacements, le dispositif en U est par exemple à la grande fern1e du adopté dans une bonne part de ces vieux chemin de Bavay (Ferme Cor­ fermes moyennes. D'un côté, le nu). logis et les remises, en face, la La quatrième aile apparaît grange qui possède une entrée côté comme le résultat d'une volonté de rue et une ouverture côté pâtures clôture plus ou moins tardive, et, entre ces deux bâtiments, les doublée du désir de donner une étables, les porcheries, les écuries. certaine image, de procurer un effet. Cette disposition est réservée aux belles fermes que l'on trouve près Par souci d'économie de maté­ de l'église, sur la place et à Termi­ riaux de construction, sur ce mur court. Fragile, la grange peut avoir de clôture, s'adossent des remises, disparue. Des traces de celle-ci sont un chartil, des clapiers, etc ... dessinées sur les anciens plans La disparité de ces annexes cadastraux. Un mur et une grille, montre l'absence d'un impératif ou même un porche, comme sur la fonctionnel. Terminan t l' évol u lion, place, ferment le quadrilatère ébau­ la grosse ferme de type quadrila­ ché. tère dans lequel un quatrième élément vient compléter l'ensemble e - Le type quadrilatère des locaux techniques comme le Ici, il faut constater une absence, moulin à grains, une forge, un l'évolution s'est arrêtée. Le type en U atelier de maréchal, un grand fermé par un mur de clôture n'a charlil n'est même pas esquissé. plus progressé, même si le type qua­ drilatère est parfois esquissé, comme

22 5 - La volumétrie Le volume primaire sera aussi amplifié au fur et à mesure de l'apport des générations et pour Le volume du corps de logis ou répondre aux besoins de l'exploita­ de l'ensemble architectural placé tion. Appuyées sur un mur pignon, sous le même toit, se présente com­ sur un mur arrière ou de clôture, me un parallélépipède rectangle éti­ des annexes se développent, pas ré en longueur, parfois sur plus de toujours dans le meilleur goût. La vingt mètres, mais peu profond grange est plutôt indépendante, (environ 6 mètres). parallèle au logis ou en retour d'équerre, sans forcément rejoindre la construction voisine. Son volume la rend d'emblée identifiable. Elle a une largeur d'une dizaine de mètres, et une profondeur d'une quinzaine. Au cours du XIXe siècle, avec la disparition progressive des couvertures en chaume, on verra la pente des versants s'affaiblir et permettre une légère surélévation, Il est bien tenu entre les deux qui donne au logis un étage murs pignons. Des toitures en bâtiè• complet. Ce gain de volume accroît re ou «en croupette» couvrent la la possibilité d'un stockage de foin surface. On constate une préférence et de récoltes. On perce des «gerbiè­ à l'allongement plutôt qu'au réhaus­ res» pour en faciliter l'accès. sement qui, s'il existe, est récent, et qui n'apparaît qu'à la fin du siècle dernier, mais surtout après la pre­ mière guerre mondiale.

avant après

23 6 - Les matériaux de constnlction lesquel l'argile s' u tilise conUl1(~ remplissage d'une structure en bois. Il faut aller en Thiérache, dans L'argile et la pierre calcaire l'Aisne, pour trouver encore actuel­ extraite dans la vallée du Fond des lement ce type deconstruction unifor­ Rocs à Gussignies, sont les dénomi­ mément répandu dans les provinces nateurs communs à toutes les du Nord jusqu'au XVII]'! siècle. constructions du village. A ceux-ci, s'ajoute le bois qui sert aux Moulé>(>. et mjte sur place, la brique ouvrages de charpenterie el aux a été ulilisé>(' pour la construction de la travaux de menuiserie. Extraite du plupart des bâtiments. 1.,a prok~sion de sol de Termicourt ou du plateau «faiseurs de briqu(~» existait au XVllI" traversé par la Chaussée Brunehaut, siècle, ainsi qu'il apparaît dans les l'argile est utilisée à l'état de terre registr(~ de catholicité, conservés au crue et mêlée à de la paille hachée. village. L'usage de la brique sera Elle est directement mise en place surtout réservé à l'édification de selon la technique traditionnelle de bâtiments d'une certaine ampleur. la bauge. Les murs sont élevés sans Son cot1t est élevé. Il faut pour sa recourir à l'usage d'armatures, fabrication utiliser du combustible, de notamment pour les angles. On la main d' œuvre spécialisée et l'aide retrouve encore des traces de cette d'un maçon qu'il faut bien payer. La technique ici ou là. Les quelques brique est aussi nécessaire pour les logis qui furent ainsi bâtis, de travaux d'une certaine précision, en dimensions réd ui tes et d'aIl ure particulier, pour les finitions des misérable, abritaient une population parties supérieures des pignons. socialement dépourvue. Il et1t été, en effet, possible de monter les La profession de «faiseurs de murs en pierres de carrières. La briques» requérait une technique technique de la bauge a, avec traditionnelle particulière. La terre à l'ouverture des carrières, rapidement briques n'est jamais mise en œuvre disparu. Ce mortier terreux, s'il a aussitôt après son extraction. En l'avantage d'être économique, est général, on la «tire au louchet» à très vite détruit par l'humidité. l'automne, et on la laisse jusqu'au Même quand il est sec, il n'offre pas mois d'avril, exposée à l'influence une grande résistance. Dans l'intérieur de la gelée, du soleil et des agents des maisons et des étables, il est atmosphériques, qui la divisent et employé à construire des cloisons en améliorent la qualité. Quant elle légères. En raison aussi de la est bonne à être employée, un fragilité de la terre, on ne trouve ouvrier appelé «marcheux», la plus de maisons à colombage dans piétine avec soin, la purge des petits

24 silex qu'elle peut contenir, et en de tailler el d'appareiller de beaux forme de grosses mottes. Un second blocs pour les soubassements el pour ouvrier, dit «vangeur», prend alors les encadrernc>nts des baies. Le choix chacune de ces mottes, la pétrit avec de ces matériaux divers donnera au les deux mains sur un tréteau, puis bâtiment un aspect élégant, encore la partage en mottes plus petites, amélioré par le conlraste el la qu'il dépose sur l'établi du faiseur bichromie enlre la pierre bleue el la de briques, l'incontesté maître• brique rouge orangé. ouvrier. Celui-ci est chargé de la fabrication proprement dite. Il a Le bois de construction utilisé pour outils des cadres en bois ou en pour les charpentes, les enlrevous métal, et un couteau de bois qui appelé'S «voussettes», et les sommiers, porte le nom de «plane». Après se trouve aussi sur le territoire de avoir placé sur son établi un de ces Gussignies. Le Bois d'Audoist le Bois cadres ou moules, il le saupoudre de Boutignies (appelé par erreur Bois de sable pour que l'argile ne puisse du Boulinier)t le Bois d'Angre, s'y attacher, puis il le remplit de comptent de très nombreux chênes, terre qu'il comprime avec la main, des onnes, des frênes, qui sont et dont il unit la surface supérieure soigneusement abattus et travaillés avec la plane. La brique terminée, il pour achever la mise sous toit. la passe à un porteur qui la Parfois, l'orme est aussi recherché. transporte sur une aire parfai tement Jusqu'au début du XIxe siècle! à aplanie, où il la met à sécher. La l'exception des plus grands bâtiments dessiccation terminée, il n'y a plus comme le château! l'église et quelques qu'à faire cuire les briques en les fennes, le village tout entier se com­ soumettant plus ou moins long­ pose des maisons recouvertes de temps à l'action d'une forte chaleur chaume. L'ardoise extraite des Arden­ ; ceci après les avoir empilées en nes (de Fumay), matériau cher, ne pé­ plein air par rangées alternées de nétrera que tardivement et sera charbon ou de bois. réservée aux plus nantis. La tuile de terre! appelée panne, est aussi utilisée La pierre calcaire grise ou à la fin du XIXc siècle pour remplacer bleue est aussi largement utilisée le chaume. En bout de pente de la surtout au XVIIIe siècle à proximité toiture, les pannes peuvent être des carrières. Des moellons sont re­ placées pour mieux recueillir les eaux montés vers le haut du village dans de ruissellement du toit, alors que le des chariots ou même dans des chaume se maintient sur la partie hottes portées sur le dos comme les supérieure, jusqu'au faîte chargé de «botteresses» du Borinage. Les terre et planté de joubarbes. ouvriers-carriers prennent le temps

25 III L'ARCHITECTURE AGRICOLE A GUSSIGNIES III

B - LA CONSTRUCTION l'argile et un mélange de chaux et de gravier.

1- Les murs Pour les constructions plus riches, les murs sont en briques. La pierre de taille est utilisée comme Il est nécessaire de creuser une soubassement ou comme parement tranchée pour monter les murs. Le et s'élève jusqu'aux ouvertures des périmètre de la construction est tracé fenêtres. Il s'agit de blocs de calcaire au cordeau. Les fondations vont bleu à pans dressés et à arêtes vives. pouvoir s'asseoir aisément sur un lit Les soubassements peuvent aussi de cailloux de silex que l'on trouve être constitués de blocs de pierre partout sur le site du village. Des dont un seul côté, celui de l'extérieur, petits moellons de pierre calcaire et est grossièrement équarri. Ensuite, des bricaillons sont placés sur cette as­ la brique est placée en combinaison sise, et liés entre eux par un mortier avec le calcaire et produit un élé­ ou de l'argile compactée. Ces gant ensemble en bichromie. Pour fondations sont plus larges que les appareiller les ouvertures des fenê­ murs à élever. Pour les habitations tres et des portes, un chaînage de simples, on va chercher dans les pierre de taille strie la façade et carrières du Fond des Rocs des cerne les baies entretenant ainsi une déchets de calcaire qui constitueront recherche dans le contraste visuel. les moellons de construction. Ces Aux angles extérieurs, des gros cailloux sont remontés soit dans un blocs de pierre de largeurs différen­ tombereau, soit dans une hotte tes renforcent, en chaînage, le gros portée sur le dos. Ces pierres sont œuvre. assemblées entre elles avec de

26 La technique du colombage, on Si la technique de la terre glaise l'a vu, n'est plus utilisée dans le convertie en pisé a disparue, on village. A l'exception du romantis­ retrouve cependant ici et là, des me que ce style de construction traces de ce mode de construction si pourrait nous inspirer, les témoins répandu jadis. qui ont pu voir la mise en œuvre de Contrairement à la construction en cette technique, n'ont pas été pisé, la bauge ne requiert pas l'usage particulièrement séduits. Voici ce d'une ossature en bois. Ce procédé ne qu'en pense le Préfet Dieudonné au nécessite à aucun coffrage. Pour la début du XIXe siècle : «Parmi les bauge, les murs, peu épais et peu maisons en terre, on en voit rarement élevés, sont composés d'une argile qui aient une certaine apparence de additionnée de déchets de paille propreté. En général, elles présentent hachés finement. On corroye la terre un aspect de pauvreté et souvent de en la battant et en l'arrosant. On y malpropreté qui inspire le dégoût et la amalgame de la paille ou du foin ha­ tristesse. Les murs de ces maisons en ché. Au dernier battage, on y mêle terre sont fort bas : on touche de la longue paille brisée sous les facilement le bord de la couverture avec pieds des animaux. On dépose la main; Mais le faite est très élevé. On ensuite le mortier par couches sur donne ordinairement aux combles une un socle en briques ou en moellons. hauteur à peu près égale à la largeur de On empile les unes sur les autres de la maison : ce qui sort de toute grosses mottes d'argile à peine proportion. Les fenêtres sont placées à moulées au préalable. Mais on ne toutes sortes de hauteur et sous symé­ 1 - Statistique du département du Nord. trie; toutes sont garnies de volets.» (1) Préfet Dieudonné. Tome 1 ; p. 507.

27 peut élever des murs de cette manière qu'à mesure que le dessous acquiert un degré de sécheresse et de solidité qui lui permette de supporter les couches successives. Ensuite, un enduit d'argile est étendu à l'extérieur et à l'intérieur, puiS' chaulé. Une an­ cienne étable (aujourd'hui transfor­ mée en remise), située sur le Vieux Chemin de Bavay, constitue le seul té­ moin en bon état de cette technique de la bauge. Ailleurs, dans la rue du Termicourt, on peut remarquer une utilisation partielle de cette technique. Souvent, la façade exposée aux vents d'Ouest, a été renforcée au moyen de briques. il en est de même pour la partie supérieure du pignon et l'ouverture des fenêtres. Selon la «winberges» (du néerlandais «wind» : richesse des agriculteurs, les dépen­ vent; et «bergen» : cacher ou abriter - dances sont en briques ou en pierres, protège-vent). bien que malheureusement, on voie Ils empêchent le soulèvement de la de plus en plus souvent s'élever des couverture par les vents, ainsi que granges en tôles, fixées sur une la détérioration de la charpente par armature d'acier. Les pignons montés la pluie. Il faut rechercher l'origine en briques, rarement en moellons, de ces débordements dans le besoin bénéficient d'une maçonnerie spéciale de protection de l'épaisse couche de de renforcement vers l'extérieur. Les chaume. rampants sont montés «en épis» ou On trouve ainsi un rare exemple de «en dents de scie», formés de cinq lits pignon monté en moellons, avec de briques en moyenne, placés per­ dans la partie supérieure, des lits pendiculairement à la pente du toit. successifs de briques qui renforcent ils permettent à l'eau de pluie de l'élasticité du bâti. Un lait de chaux glisser sur leur tranche sans trop blanchâtre, parfois grisâtre, recouvre d'infiltration. uniformément les bâtiments. Ce De plus, selon les types les plus badigeon est renouvelé chaque an­ anciens, ces rampants débordent de la née, quelques jours avant la ducasse toiture de quelques centimètres, et de la Saint-Médard (le 8 juin). Il s'appuient sur des consoles de pierres imperméabilise la brique et les taillées. Ces dépassements sont appelés joints des pierres. Il diminue les

28 risques d'humidité et de moisissure bichromie si caractéristique de cette à l'intérieur des étables et des région. Au chaulage, s'associe tou­ granges vides. Il a également un jours le goudronnage du bas des pouvoir purificateur qui justifie son murs, parfois éliminé par un cimen­ emploi surtout dans les étables : il y tage récent. TI est destiné à les détruit les œufs que les insectes protéger contre le rejaillissement de déposent dans les cavités de la l'eau gouttant du toit. Primordial maçonnerie. Faut-il y voir l'effet sur les murs de briques et les déterminant de ce souci d'hygiène couvertures de paille, le goudronna­ qui s'infiltre dans le courant du XIXe ge aurait, tout comme le chaulage, siècle, et qui entraîne alors le masqué assez tard les soubasse­ badigeonnage des murs, sans égard ments en pierre. Les murs (appelés pour les différents matériaux et leur murs gouttereaux), qui soutiennent esthétique. les versants des couvertures en Heureusement, cette mode ou ce chaume et ne disposent pas de besoin est passé. Les sablages, gouttière, sont ainsi protégés à la lorsqu'ils sont effectués avec tout le base. soin et l'attention requis, renouvellent l'aspect des murs et leur rendent la Ceux-ci, qu'ils soient de façade ou de pignon, sont traversés par les tenons des sommiers. De même que dans les anciennes structures en bois, les tenons sont calés par une clé ou par une hampe passée dans l' œillet. Pour les bâtisses de faible volume, l'ancre est en bois. Pour les autres, plus massives, il est préféré une ancre métallique qui peut donner le millésime de la construc­ tion. C'est donc, une construction plutôt élémentaire, sans recherche décorative dans les matériaux, qui caractérise les bâtiments ruraux de Gussignies.

29 2 - La toiture mosanes, l'ardoise violacée de Fumay est la plus répandue. Depuis quelques années, l'ardoise artificiel­ De très nombreuses toitures du le en fibro-ciment, dite aussi «Eter­ village sont construites «en bâtière», nit», sert de couverture. Les toitures c'est-à-dire avec deux versants. Chacun encore rouge-orangé ont, depuis des versants a la forme d'un rectan­ peu, tendance à passer à la teinte gle. Ce mode de construction est à la noire ou grise. L'emploi du chaume fois simple et résistant au vent. On a commandé le degré d'obliquité trouve aussi des toits en croupette. La de la toiture. L'écoulement rapide partie supérieure, proche du pignon, des eaux de pluie est primordial sur est brisée. TI n'y a pas de toiture en une couverture de paille. La pente croupe bienqu'on en trouve pourtant doit être d'au moins cinquante de­ dans la région et même dans les grés. Actuellement, seuls quelques villages voisins. rares bâtiments présentent encore une couverture de cette inclinaison La tuile, appelée «panne», a été et gardent ainsi les caractéristiques le matériau le plus répandu. de l'ancienne protection. Avec le passage à la toiture «en dur», une transformation s'est imposée. En effet, l'obliquité devant être moins aiguë, les propriétaires ont procédé à un rehaussement du mur gouttereau de quelques quarante centimètres, et ont ainsi pu mieux utiliser les volumes sous la charpente. Une toiture en tuiles se Elle a remplacé le chaume pro­ contente d'une inclinaison de qua­ gressivement pendant le XIXe siècle. rante cinq degrés et même moins. Depuis cette époque, on a tendance Décrivant les constructions rurales à couvrir «en dur». Les compagnies au début du XIXe siècle dans le d'assurance qui se développent, département du Nord, le Préfet refusent leur garantie aux souscrip­ Dieudonné donne des détails sur les teurs qui sont propriétaires de couvertures : «Les couvertures en maisons ou de dépendances couver­ tuiles se trouvent dans tous les arron­ tes en chaume. Sensibles aux risques dissements. Les tuiles dont on se sert, d'incendie, les familles les plus sont ou plates ou des tuiles «canal», aisées ont recourt à une toiture creusées en 5 : cette dernière espèce, agréée, qu'elle soit en tuiles ou en beaucoup moins pesante que l'autre est ardoises. Originaire des carrières moins usitée. Les couvertures en

30 ardoises ne se trouvent guère que ou poutre faîtière réunit les chevrons dans les parties des arrondissements sur lesquels viennent se fixer les de et d'Avesnes qui avoisi­ lattes ou les voliges servant d'attaches nent les départements de l'Aisne ou de aux différents matériaux qui com­ Jemmappes, où l'on exploite des ardoisières posent la couverture. A différentes considérables. Il s'en faut de beaucoup hauteurs, reposant sur les arbalé­ que les toitures en ardoises et en tuiles, triers, d'autres grosses pièces termi­ comme dans ce département sous le nent la charpente en supportant les nom de «toiture en dur», soient aussi chevrons sur la longueur du bâti• répandues que celles en paille. Cette ment. dernière et dangereuse couverture, est encore celle des 2/3 des édifices ruraux, et peut-être plus. [... ] Dans l'arrondissement d'Aves­ nes, les 9/10 ème des bâtiments sont construits en pierres bleues ou blanches et le 1/3 à peu près de la totalité, est couvert en ardoises ou en tuiles». (1)

C'est la charpente, en général assez rudimentaire, qui règle le degré de la pente. Ses pièces sont irrégulières, mal dégrossies, assez souvent tordues et de remploi. Certaines, comme les poutres faîtières, peu visibles, sont de simples troncs ou des perches à faible On les empêche de glisser à diamètre. On utilise le chêne, mais l'aide de petits coins placés derrière aussi l'orme ou même le tremble. elles, du côté de la pente du toit. Ces L'assemblage se fait par tenons et pièces s'appellent des «chantignoles». mortaises et présente une structure Essentielles, elles sont soumises à une peu compliquée. Les arbalétriers, charge permanente comprenant leur grosses pièces de bois, sont posés propre poids et celui de la couverture, obliquement sur les murs extérieurs et aux surcharges climatiques, efforts ou sur le sommier intérieur. A une du vent, poids de la neige. hauteur intermédiaire, les entraits, pièces de charpente horizontale, soutiennent les arbalétriers en 1 - Statistique du département du Nord. traversant de part en part la largeur Préfet Dieudonné. du bâtiment. Au sommet, la ferme Tome 1 ; p. 507.

31 Pour les logis les plus conforta­ par une tuile faîtière, teintée au noir bles, le bâti de la charpente est com­ et souvent vernissée. La finition des plexifié par un coyau. angles est apportée par une feuille de plomb et plus tard de zinc. La couverture n'est interrompue que par l'émergence de lucarnes. Il n'y a souvent qu'une seule sur le versant de devant ; celle-ci permet d'éclairer les combles. Encadrée de bois, généralement peint en brun ou en blanc, la lucarne est plantée à l'aplomb du mur ou légèrement en retrait. Cette pièce de la charpente est clouée obliquement au pied d'un chevron, pour relever , et dès lors, adoucir l'inclinaison d'un pan de la toiture à sa base. Il est relié au mur par l'intermédiaire d'un longeron. Cet équipement de la charpente permet d'amortir la chute de l'eau et de la rejeter loin de la muraille. Le coyau disparaît en général au cours du 19ème siècle avec la pose des gouttières, d'ailleurs concomi­ tante à l'abaissement graduel de l'inclinaison des toits. Pour monter les charpentes plus complexes, on utilise le marquage Elle s'appuie sur une panne de des pièces de bois, afin de reporter la charpente et repose sur les chaque pièce à sa place exacte lors chevrons. Sa toiture est en croupe, du montage. recouverte d'ardoises et le faîtage Les arêtes du toit et les rives des est terminé par une tuile vernissée pignons constituent des points posée en cavalier. vulnérables. Les couvertures de pannes sont chapeautéès de tuiles Parfois, la lucarne s'emboite faîtières plantées en cavalier sur un sur le mur gouttereau, interrompant lit de mortier et se chevauchant ainsi la frise et est traversée à mi­ l'une l'autre. Le faîte des toits hauteur par le passage de l'égout du d'ardoises est également terminé

32 toit. Dans ce cas, la toiture sera en 3 - Les ouvertures bâtière ou en appentis. Les ouvertures évoquent l'or­ ganisation du logis. La façade prin­ cipale est généralement percée de nombreuses baies qui diffusent la lumière dans les différentes cellules du bâtiment. Les ouvertures créent dans le mur une succession de pleins et de vides. Souvent, les logis possèdent 5 fenêtres de dimensions importantes, 3 d'un côté de la porte d'entrée et 2 de l'autre. Ainsi, le logis présente sur sa façade 6 ouvertures régulières.

Une autre trouée est pratiquée dans la toiture pour le conduit de cheminée. Le plus souvent, lorsque le logis compte deux pièces de profondeur, les conduits se rejoi­ gnent à l'intérieur, sous les combles, pour former une souche commune débordant du toit au niveau du faî• tage. La façade arrière, pour les maisons Par contre, si le conduit n'alimente qui n'ont qu'une seule profondeur, qu'une seule pièce, la souche émer­ est plutôt aveugle, et ne reçoit gera plus volontiers à l'avant du d'ouverture que par l'éventuelle toit, mais elle peut aussi rejoindre porte du jardin. Ceci reste théori­ un tracé plus sinueux qui l'emmènera que. Sur cette façade, ont été au faîte ou sur le mur pignon. adossés des appentis qui font office de cuisine ou de pièce d'eau, de telle sorte que le jour pénètre aussi sur ce mut jadis plein. Pour les logis à 2 profondeurs, la façade arrière bénéficie aussi d'ouvertures, mais celles-ci sont généralement moins nombreuses. L'arrière étant réservé

33 aux chambres ou aux «chambret­ sont aussi en pierre dans les tes», la nécessité d'éclairement peut constructions les plus anciennes. y être moins importante. Les Généralement, on trouve des pieds­ pignons sont opaques. Rarement, droits chaînés constitués de blocs une fenêtre éclaire et ventile le taillés, coiffés d'un linteau droit grenier. On peut cependant y échancré, ou des pieds-droits alter­ trouver une porte gerbière ou de nés en style tournaisien. Plus tardi­ petits oculi. La ventilation du vemen t, la porte a un encadrement grenier est laissée aux lucarnes et en pierre taillée, avec un linteau en aux prises d'air verticales sous pierre muni d'un larmier. Vers la fin forme de meurtrières que l'on du XIXe siècle, les constructeurs uti­ rencontre dans la partie supérieure lisent la brique pour les linteaux. du pignon. Les murs extérieurs des étables portent de simples prises L'introduction fréquente d'une d'air de formes diverses, de faibles imposte, tend à affirmer la verticali­ dimensions, conjuguées avec une ou té de la porte du logis dans la com­ plusieurs portes. L'accès des gran­ position de la façade. Son linteau est ges est assuré par une grande baie droit ou en bâtière. charretière et une porte piétonne. On retrouve certaines de ces carac­ Ses pignons sont percés de fentes ou téristiques dans les dépendances, si d' oculi de très faible diamètre. Les baies sont généralement rectangu­ laires. Les hauteurs mesurent le double de la largeur. L'encadrement est formé de matériaux en dur: la pierre et la brique. Le bois est utilisé accessoirement pour des petites fenêtres d'étage faisant office de lu­ carnes. Traditionnellement, le lin­ teau est en pierre et à arc bombé. Il peut être réalisé en un seul bloc, posé sur les pieds-droits, ou formé de blocs de pierre taillée, bloqués par une clef en forme de trapèze. Le modèle le pl us recherché est l'alternance de la pierre et de la brique, la clef étant toujours une pierre. C'est le style le plus courant de la fin du XVIIIe siècle, appelé style «tournaisien». Les montants

34 ce n'est que la porte n'y nécessite 4 - Les structures intérieures pas d'imposte, et que les baies y sont d'ordinaire plus petites. L'entrée de la grange fait aussi Les murs extérieurs ne l'objet d'un traitement particulier. suffisent pas pour assurer la solidité Le tympan, situé sous l'arc en plein d'une construction. Sans des struc­ cintre, est soutenu par une poutre tures intérieures, ces murs se désoli­ en bois. Les chassis sont ouvrants ; dariseraient. Des cloisonnements verti­ la croisée ou la traverse en font caux sont nécessaires. Parmi ceux-ci, partie intégrante. il faut distinguer les murs de refend qui sont des structures à fonction portante, identiques à celles des murs extérieurs et les cloisons qui délimitent seulement des espaces. Les murs de refend n'ont pas beau­ coup d'utilité dans les volumes bas et peu profonds. Les entraits des charpentes suffisent à assurer une bonne cohésion de l'immeuble. Cependant, ces parois internes sup­ portent les poutres maîtresses du plafond avec les murs extérieurs. Les cloisons légères, d'une demie brique d'épaisseur, sont pour la plupart, postérieures à la bâtisse. Elles visent à mieux exploiter l'espace existant. Le cloisonnement horizontal est assuré par des voûtes et des planchers, sur un seul niveau. Les plafonds les plus fréquents, tant dans les étables que dans le logis, ont une charpente à entrevous. Un ou deux sommiers divisent l'espace dans sa largeur. Sur ceux-ci vien­ nent s'emboiter des solives posées sur l'arête. Entre les solives, des briques posées à chant forment de petites voûtes plafonnées et chau­ lées. Parfois, ces «voussettes» sont constituées en pisé également chaulé.

35 Le plafond est bas, entre 2,20m et assurer la répartition de la charge 2,40m du sol. La largeur des pièces du sommier sur les murs extérieurs, souvent une pièce de bois allongée est placée dans ce mur. Cette pièce porte le nom d'achelet. Dans les étables, on peut trouver des pla­ fonds plus simples constitués en plancher ou composés de simples perches de bois jetées sur les sommiers. La cave est généralement constituée par un simple voûtement en berceau, en pierre ou en brique, qui supporte l'escalier qui mène au grenier. L'accès se fait par un escalier en pierre bleue. Une seule ferme possède une cave constituée est limitée par la longueur des de plusieurs pièces voutées, soutenue sommiers de 5 à 6 mètres. Ces par des piliers en pierre. Le sol est sommiers, toujours en chêne, de 25 composé de grandes dalles égale­ cm de large, présentent tous les 30 ment en pierre. Au niveau des cm une encoche pour recevoir les greniers, un lit de terre recouvre les solives des planchers. Ils sont ancrés voussettes . On trouve aussi un dans la façade et peuvent aussi carrelage en carreaux de terre cuite. porter les fermes des charpentes. La disposition des sommiers est parfois contrariée d'une pièce à l'autre, pour rigidifier l'ensemble de la construction. Dans le logis, les voussettes sont interrompues au centre de la pièce par une surface rectangulaire encadrée sur 3 côtés de pièces de bois, le 4ème étant accolé à l'un des murs de séparation ou de pignon. Cet espace délimite le passage de la hotte d'une cheminée saillante. A l'extérieur, des ancres, soit en métal, soit en bois, affermissent encore la fixation de cette pièce de bois essentielle que constitue le sommier. Pour mieux

36 5 - Symboles

Au-delà de sa dimension fonc­ tionnelle ou économique, la maison est aussi, pour ceux qu'elle abrite, un instrument privilégié de commu­ nication et d'affirmation de leur per­ sonnalité. Des croyances s'inscrivent dans la pierre. Ces symboles sont aussi destinés à obtenir la protection divine ou à écarter les influences néfastes. Depuis des siècles, un vo­ cabulaire symbolique est véhiculé par des générations de bâtisseurs. Le symbole que l'on trouve le plus Sur la place, au-dessus de la souvent à Gussignies est le «chris­ porte piétonne d'une ferme cossue, à me». Il est reproduit trois fois sur la côté de la porte charretière, une petite clé d'un linteau de porte piétonne. Il niche taillée dans la masse de la pierre est résumé par trois lettres : les devait jadis accueillir une statuette de initiales I.H.s., qui signifient, en la vierge protectrice. Cette niche fut latin, «JESUS HOMINORUM SALVATOR», chaulée en blanc ou en bleu de ou en français: «Jésus, Sauveur des lessive. Malheureusement, la statue a hommes». disparue. La lettre H est surmontée d'une croix. Ce chrisme est dans toute la région placé à l'endroit le plus en vue, au point de pénétration du logis. Il est toujours souligné par un millésime et accompagné de décors, soit un cœur, soit une rosace. Une pierre représente les initiales ou même le nom du propriétaire.

37 • L'ARCHITECTURE AGRICOLE A CUSSICNIES Il

c- L'HABITATION de 50m2 concerne les catégories ]t's plus modestes. Lorsqut' le plan s'étoffe, il le fait naturellement ('Il 1- Le plan longueur, dans le prolongement de ces deux piè'ces de départ. Une chambre supplémentaire remplit des Le plan le plus primitif de la fonctions plus diversifi('{~ et plus maison d'habitation tourne autour de économiques. C'est la réserve, la deux pièces de dimensions sensibk'­ laiterie ou l'atelier. La façade du logis, ment équivalentes, d'environ 24m2 ainsi allong('{~, présente 5 {rav('{'s. Elle chacune. Cette disposition simple sera complétée par un couloir qui restera longtemps satisfaisante et partage le logis sur sa largeur, le plus abordable. A ce noyau s'ajoutent des souvent inégalement, cl qui permet unités supplémentaires qui prolon­ de le traverser de part en part, ou qui gent le logis. Celui-ci a une autre donne accès au grenier. Ce couloir est caractéristique. Il est développé en une commodité appréciable parce longueur sur un seul niveau. Avec qu'il permet d'atteindre le jardin qui le passage des générations qui ont s'étend à l'arrière. n privatise aussi la chacune voulu améliorer l'espace, cuisine en lui donnant un accè's ce plan primitif a disparu mais reste indirect. Il permet de sauvegarck~r repérable dans les plus anciens une pièce pour les grandes occasions: logis. Ces deux pièces avaient des le salon, tenu à l'écart, protégé des va­ fonctions propres : l'une servait de ct-vient qui nuiraient à sa rigoureuse cuisine, de buanderie, de lieu de mise en ordre. Au XX" siècle, avec les séjour et était ouverte sur l'extérieur. besoins d'équipements modernes, Les animaux de la basse-cour y en­ une cuisine est ajoutôe à la maison; traient facilement. Une table, quelques dans la longueur du bâtiment, si l'es­ tabourets, un bahut, constituaient pace le permet, sinon en largeur. l'essentiel du mobilier rudimentaire; Cette pièce souvent surchauffé-e est dans la cheminée surmontée d'une confortable et sert de lieu d'accueil hotte, se trouvaient une crémaillère et quotidien. Le reste de la maison est une paire de chenets. La crémaillère relégué dans un rôle s~>('ondaire. Cette servait à suspendre au-dessus de la cuisine est orientée au Sud, jouit de flamme les récipients munis d'une an­ beaucoup de lumière et redistribue se. Dans la pièce principale, se trou­ l'organisation. Son toit est un appen­ vait aussi le coin à évier et sa pompe tis qui s'appuie sur le mur extérieur en fonte. L'autre pièce était à la fois la sans toucher au toit principal. De la chambre à coucher, le vestiaire et la pièce de séjour, on accède à la cave remise à provisions. Ce type de plan, par une porte. dont la superficie totale tourne autour

38 2 - La circulation Avec le développement au début du XIXe siècle de l'habitat. ouvrier, la surface du sol a Né En l'absence de couloir, on économisée. Entre les logis disposés accède directement dans la cuisine. tout en longueur, des petites rnaj­ Cette pièce, véritable nœud de sons d'habitation sont velHlCS à distribution de toutes les circulations, certains endroits, C01nme sur la garde toute son importance, même place, renlplir des espaces interca­ quand le nombre de pièces augmente. laires. Le nouvel habitat esl à deux Chaque pièce, en effet, commande niveaux. Il s'apparente ,'1 ces m(~dio­ la suivante d'une manière obligée. cres constructions du XI Xe siècle. Dans cette maison tout en longueur, Deux pièces exigué;s s'alignent en toute communication vers une profondeur, rarement en façade. extrémité implique le passage par le Leur étroitesse les a condamnées à local précédent. Ce passage forcé a un jumelage au XX" siècle avec la pu faire naître l'idée d'un couloir qui maison voisine. La construction de raccourcit les trajets ou qui du moins l'étage, destinée au quartier de nuit, les ordonne, en différenciant notam­ libère le rez-de-chaussée. Enfin, il ment les fonctions d'utilisation con­ convient aussi de relever une autre stante ou occasionnelle, comme entre caractéristique de deux immeubles la cuisine et la pièce de réception, si tués sur la place. Ces deux diurne ou nocture, comme entre la habitations construites il la fin du salle et les chambres à coucher. C'est XIX" siècle, sont de type «fagnard». tout naturellement dans ce couloir Le mur pignon devient la façade que l'escalier sera logé. Après quel­ principale du logis. La façade ques marches visibles et bien cirées, présente une symétrie parfaite. Au s'interpose une porte en bois qui surplus, le plan plus ordinaire ne dissimule la vue. La cage, cloisonnée comprend ni couloir ni vestibule. en bois, occupe un espace restreint du Les greniE~rs et les combles, où le couloir qui doit encore donner accès à grain s'entasse après le battage, l'arrière. Cette cloison revêt un intérêt bénéficient pour la plupart des pratique bien évident: isoler le grenier surélévations souvent faibles du froid et poussiéreux du restant du XIXe siècle. Bien aérés pour logis. La descente de la cave est répondre aux nécessités d'hygiène, étroitement combinée avec l'escalier ils augmentent la capacité des lieux. et le couloir lorsque l'emplacement s'y prête. S'il n'y a pas de couloir, les deux escaliers débouchent dans la cuisine ou sont rejetés dans une pièce contiguë au fond du couloir.

39 3 - Equipements

Si la manière d'occuper l'espace et de répartir le logis ne change guère, les équipements qui leur sont liés ont subi nombre de transforma­ tions au fil des générations et plus récemment pour répondre au besoin omniprésent de modernisa­ tion. L'eau destinée aux usages ménagers, provient d'un puits pri­ vatif ou commun, d'une source aménagée. Un puits creusé à même le sol d'une cave au chemin de la chapelle, témoigne de la proximité de la nappe phréatique. Pour l'utilisation non alimentaire, cette eau qui af­ fleure dans la cave peut suffire. Les fermes les plus importantes sont équipées d'un puits situé à proximi­ plutôt plate. Elle se pose sur un té du logis. L'eau pluviale est muret de briques ou une console en recueillie dans une citerne et puisée pierre. En-dessous, se rangent les au moyen d'une pompe à bras. seaux et les marmites. La vaisselle L'eau ruisselant de l'appentis est se fait dans un bassin émaillé et la récupérée dans des tonneaux ou des pierre sert uniquement d'égouttoir bacs de récupération, adossés à la et de plan de travail. S'il n'y a pas façade du logis. de relaverie, l'évier se trouve dans la cuisine. L'eau se trouve toujours à proximité de la «pierre», équipement La latrine se place normalement important d'une petite pièce située à l'extérieur, sous un modeste dans le prolongement de la cuisine, appentis contre le logis ou au fond c'est la «relaverie». Là, se prépare la du jardin. Une simple planche de nourriture, se font les vaisselles et la frêne repose sur un petit muret lessive. Le local fait aussi office de élevé au-dessus de la citerne à purin laiterie pour les petites exploitations. ou non loin de celle-ci.

L'évier, placé près d'un puits est une dalle de calcaire bleue,

40 Dans les maisons, il n'y a plus de sol en terre battue. Un carrelage moderne ou des dalles de pierre bleue le recouvrent, dans la cuisine et la pièce arrière ou dans le couloir. Dans les chambrettes ou cabinets, on retrouve le traditionnel carreau rouge en terre cuite, plus chaud. Un carrelage est posé aussi sur le sol du grenier, au moins sur une partie de celui-ci. Les petits carreaux sont de dimensions variables de 15 à 20 cm. L'éclairage est assuré par les baies qui illuminent les pièces principales, au reste, peu profondes. La cuisine et la belle pièce reçoivent la lumière d'au moins deux fenêtres; la chambre n'en a communément qu'une. Les petites pièces supplémentaires qui occupent l'arrière du bâtiment ne La maison traditionnelle est disposent' que de baies étroites qui construite sur une cave voûtée en limitent le passage du froid dans ces berceau, qui permet de maintenir pièces peu chauffées. Le grenier les aliments au frais. Le mobilier de jouit d'un éclairage réduit, donné rangement est minime. Une étagère par des lucarnes ou ouvertures qui sert à tenir au sec le beurre, le fromage procurent de l'air et un minimum et les confitures. Les salaisons mari­ de clarté. Au pied des murs, des nent dans des tonnelets de grès. soupiraux ne laissent filtrer qu'une Une longue pierre bleue repose sur lumière parcimonieuse dans la cave. des murets et maintient des ali­ ments au sec dans cet endroit facilement inondé. En dessous de cette pierre sont rangées les bouteilles de cidre ou de vin. Au­ dessus, quelques légumes sont conservés dans des caissons de bois. Dans un coin, une poutre de bois délimite la réserve de pommes de terre. La légère déclivité du sol achemine les eaux de suintement vers un puisard.

41 L'éclairage nocturne est donné 4 - Le mobilier par le feu et ensuite le poêle dont le couvercle reste ouvert et permet la veillée. Plus tard, le bec à huile, puis La modernisation, les change­ la lampe à bougie ou au pétrole, ments de propriétaires, le jeu des répandent une lumière plus intense, héritages ont entrainé la disparition et permettent le soir d'effectuer des ou le déplacement des meubles. travaux précis. Une seule cheminée Seul, le mobilier solidaire de la à feu ouvert chauffe l'espace de la construction reste un témoin fiable cuisine dans les plus petites demeu­ du passé, tout comme l'escalier dans res. Les maisons mieux équipées, quelques habitations. Fonctionnel bénéficient de deux cheminées qui avant tout dans les logis simples (il s'adossent de part et d'autre du permet l'accès aux combles), du même mur de refend et qui chauf­ type échelle de meunier, il ne fent ainsi la belle pièce et la cuisine. consiste qu'en une seule volée Un poêle à longue buse et au pot droite, rudimentaire, enfermée dans apparent, s'intègre par la suite dans une cage, dissimulée derrière une la cheminée qui se voit en partie porte. TI est dépourvu de rampe. murée et agrémentée de plaques de marbre noir. Le foyer sert aussi bien Le placard, meuble le plus à chauffer qu'à cuisiner. Une communément répandu, est situé sobriété totale caractérise les d'ordinaire dans la cuisine, à côté revêtements intérieurs. Une chaux de la cheminée. Sa position pri vilé­ bleutée recouvre ses murs. giée près du feu, le destine au rangement des provisions d'usage courant et de la vaisselle. De dimen­ sions variables, il est à l'image des autres menuiseries de la maison, simplement panneauté. Chez les fermiers aisés, le placard équipe aussi la belle pièce et tient lieu de vaisselier. Ce meuble représente un véritable travail d'ébénisterie. C'est un buffet à deux corps inférieurs et deux corps supérieurs, complété par une rangée de deux tiroirs intermé­ diaires. Dans les logis plus petits, il existe des encoignures pour ranger les ustensiles et la vaisselle ; parfois aussi la gaine de l'horloge strie le

42 droits en pierres bleues, reliés par un manteau de bois ou de pierre, lui­ même surmonté d'une hotte en ma­ çonnerie. Au XIxe siècle, apparru"tront massivement les cheminées en marbre noir provenant des gisements voisins.

mur du sol au plafond, ou se range dans un coin. La chambre à coucher possède dans la maçonnerie des placards rustiques, en bois blanc, destinés au rangement du linge courant. Parfois, il ne s'agit que d'un simple renfoncement muni de quelques planches de traverse en peuplier. Il y a très peu de traces de cheminée ancienne. Les quelques exemples montrent des modèles fort différents. Celles des logis simples ne laissent pas de place à!'ornementation. Deux consoles constituées de blocs de bois, retenues par des pieds­ droitségalement en bois, constituent la cheminée la plus rustique. Plus élégante est la cheminée à pieds-

43 5 - Décors et styles

Le corps du logis est le premier à attirer l'attention. A y regarder de près, pas mal d'habitations concen­ trent une série de détails architectu­ raux, qui sont traités avec soin. Ils se multiplient plus volontiers sur la façade avant, l'arrière étant d'ordinaire plus dépouillée.

La bâtisse en pierre se prête peu à la fantaisie décorative.

Sur la façade en briques, la mise en œuvre d'un bandeau en pierres bleues taillées, traduit un certain raffinement. Une frise de briques forme la corniche et s'aligne sous le toit. Elle compose un relief longitudinal qui ourle le sommet du mur gouttereau. Le dessin géomé­ trique en est souvent simple et identique dans tout le village.

44 Il L'ARCHITECTURE AGRICOLE A GUSSIGNIES Il

D - LES DÉPENDANCES Pour que les· voitures char­ gées de récoltes puissent y pénétrer facilement, on aménage du côté de 1- La grange la rue ou de la cour intérieure une

Au village de Gussignies, les exploitations agricoles traditionnel­ les sont de petite ou de moyenne taille. Aussi, les rares granges de cette terre pauvre ne connaissent pas une place remarquable dans l'architecture rurale analysée. La vocation de la grange est double. Dans une région où l'on cultive surtout le blé, l'avoine et le seigle, son utilisation première est le remisage des céréales (1). L'autre raison d'être de ce bâtiment, est de permettre de procéder au battage allée de pavés. A l'intérieur, le des gerbes au moment qui s'y prête passage du chariot est encore dallé le mieux, une fois la main d' œuvre de pierres bleues ou simplement libérée des tâches plus urgentes recouvert d'un mélange solidement avant la mauvaise saison. Pour dammé d'argile et de bouse de garantir l'indispensable ventilation vache. Il sert au battage des grains à des lieux pendant le dernier séchage partir de l'automne. A côté du des gerbes, des orifices trouent les passage, se logent les «gerbiers», pignons dans leur partie supérieure, limités par un muret «garde­ c'est-à-dire là où il semble bien grains». Souvent la grange est qu'on n'engrange jamais. percée de part en part par une allée Typologiquement, la grange est en charretière. En face de la porte côté large ou en long. Les deux rue ou cour, se trouve un autre pas­ caractères se retrouvent au village, sage charretier donnant accès aux mais il semble que les plus grandes pâtures sur l'arrière. granges soient du type en long. L'entrée est large de 4m. Les 2 1- Déclaration de récoltes en 1906 : vanteaux ont une largeur de 1,75m blé d'hiver: 44ha. blé de printemps: 16ha. chacun. Lorsque les murs sont avoine : 34ha. entièrement en briques, elle est seigle: 13ha. renforcée à la base par des blocs de orge: 9ha. calcaires.

45 Pour les granges en long, les ge est épaulé par des contreforts murs gouttereaux sont encore per­ placés sur le pignon ou sur les murs cés d'une porte piétonne. Celle-ci gouttereaux. Aujourd'hui un seul permet une meilleure circulation exemple, proche de l'église, est ainsi vers la cour pour le déplacement renforcé. Souvent, ces contreforts des hommes et des chevaux. En ce ont été remplacés par des bâtiments qui concerne les granges en large, annexes qui s'appuient sur les murs elles ne nécessitent pas la création et les pignons arrières. La charpente de passages supplémentaires, les est élémentaire et robuste. distances étant plus courtes. Lors­ qu'il est vaste, le volume de la gran-

1

o 1 2 3 4 5 m

46 2 - L'étable

Les statistiques agricoles du début du siècle, montrent que dans une zône de pol ycul ture comme la nôtre, l'élevage est important. En 1906, on compte dans l'espèce bovi­ ne 134 unités, dont 65 vaches et presque autant de veaux d'un an ou moins. Avec 33 unités, l'espèce chevaline, la seule force motrice de l'agriculture est aussi importante. Il y a, contrairement à l'époque actuelle, très peu de moutons (4) et quelques jeunes porcs à l'engrais (28). L'espèce caprine est représen­ tée par 13 têtes. Aussi, les zones d'herbage, de pacage ou de pâtura• ge sont-elles importantes. On compte 71 ha destinés à la produc­ tion de la nourriture des bêtes. L'herbage représente, de loin, la partie la plus importante avec 55 ha. L'étable fait donc partie des dépendances obligées de toute exploitation. Elle abrite un cheptel qu'on élève pour sa force de traction et pour la production de lait, de viande, mais aussi de fumier. Sans être du tout exclusif, l'élevage o 1 2 3 4 5 m participe pour une bonne part aux revenus, surtout chez les exploitants à une des parois de refend ou contre modestes. Partout, l'étable jouxte le le mur du fond. On trouve cepen­ logis. Afin de limiter les fréquents dant des étables, rares il est vrai, qui déplacements entre les deux, les comptent une double rangée. Chacune portes se rapprochent. Comme les d'elles présentent les animaux dos à étables sont d'habitude simples, les dos. Les auges, dont les dimensions bêtes s'alignent par 5 d'un seul côté, peuvent être impressionnantes, sont face aux mangeoires qui s'adossent en pierre bleue. Celles de la ferme

47 du château mesurent en longueur 3 - Le porche 4m 15 pour 53 cm de largeur, sur une hauteur de 35 cm. Ces pierres polies en creux, sont placées sur des Quand le dispositif de la ferme consoles de calcaire ou sur un muret tend à occuper les quatre côtés de la de briques atteignant jusqu'à 77 cm cour, l'accès à celle-ci est marqué de hauteur. Au-dessus des auges, par une grille. On l'a dit, à Gussi­ sont placés les rateliers métalliques. gnies, il n'existe pas de ferme «qua­ Le sol est couvert de pavés de drilatère», un mur ferme le quatriè­ calcaire. D'ordinaire, les étables sont me côté du carré. L'enceinte qui, sur basses et couvertes d'un plafond en la Place, fait face à l'entrée du Châ• voussettes ou en plancher. Pour teau, est ouverte par un magnifique protéger la réserve du fenil située à l'étage sous les combles, un chaula­ ge annuel garantit l'hygiène des lieux. Ces espaces où s'entassent tous les animaux sont peu éclairés et mal aérés : une baie étroite jouxte la porte d'entrée dont le guichet s'ouvre également. Celui-ci consti­ tue d'ailleurs la seule source de lumière naturelle. Un box peut être aussi réservé à l'engraissement de quelques jeunes «pourchots» ou de quelques veaux. Lorsque le local est exigu, à côté de la porte d'entrée se trouve un poulailler en bois et en grillage.

porche couvert d'un toit qui jadis abritait sans doute quelques pi­ geons. A côté du porche, le mur de moellons est percé d'une porte pié­ tonne surmontée d'une niche voti­ ve.

48 4 - Le fournil 5 - Le chartil

Il arrive que le four, dans les La remise à voiture protège les exploitations les plus modestes, soit charrettes, chariots, tombereaux, aménagé dans le logis. Ailleurs, il mais aussi le matériel agricole. Ce est intégré aux dépendances, au bâtiment est rare à Gussignies. Un volume des étables principalement, seul existe encore dans son aspect ou bien encore accolé à une du XIXe siècle. Il est isolé à proximi­ extrémité du logis. Le fournil s'élève té d'un hangar et proche d'une sur la base d'un plan rectangulaire. exploitation en long située sur la Lorsqu'il est extérieur, il est coiffé chaussée. Celui-ci est construit de d'une toiture qui couvre à la fois pilastres de briques, rehaussées cette pièce et le four proprement dit. d'une charpente grossière, et recou­ vert de tuiles rouges ; il n'est clos d'aucun côté. La libre circulation de l'air favorise le maintien en bon état du bois des véhicules, spécialement de leurs roues cordées. Le sol est en terre nue. Le gîtage abrite un fenil et des récoltes d'oignons. Souvent les fermes utilisent un simple appentis pour tenir lieu de chartil.

6 - La laiterie

Sa présence n'est guère indis­ pensable dans les petites exploita­ tions. Une menue pièce à l'arrière du logis peut la remplacer. A l'intérieur, un plan de travail pro­ longé par une pierre d'évier, est parfois desservi par une pompe qui capte l'eau au puits ou à la citerne. Le toit est suffisamment haut pour La baratte se pose dans un coin. La ménager au-dessus de la voûte du laiterie est une pièce fraîche exposée four, un séchoir ou une réserve à au Nord et régulièrement badigeon­ fagots. née à la chaux pour sa salubrité.

49 7 - Le puits disparu. Une large dalle en pierre obture la cavité. Une pompe à bras a été animée pour remonter l'eau. La Qu'il soit privé, mitoyen à maçonnerie peut aussi être percée plusieurs exploitations ou commun latéralement pour laisser le passage à un quartier, le puits est indispen­ à un égouttoir taillé dans la pierre sable pour donner l'eau aux habi­ bleue. Ce dispositif permettait de tants des logis, mais aussi au bétail. remplir sans trop de peine, une La nappe phréatique est située à bassine d'eau pour le lavage du faible profondeur. L'eau de source linge ou des légumes. On peut aussi stagne à 2 m parfois 3 m, quelquefois trouver à proximité du puits une plus. Cette petite dépendance usuel­ auge en pierre pour abreuver d'une le est montée en briques appa­ manière permanente le bétail res­ reillées de pierres de taille. Une tant à la ferme. Citons aussi les grosse pierre plantée de chant, sert citernes qui recueillent l'eau pluvia­ de margelle pour recueillir l'eau le descendant par les égouts des claire contenue dans un seau métal­ toits. Celle-ci est parfois un simple lique. tonneau de bois ou une cuve métal­ lique. Plus généralement, elle est enterrée et maçonnée à proximité du logis ou sous les dépendances. L'eau est remontée au moyen d'une pompe arrimée contre un mur.

Le bâti est carré ou semi-circulaire. Le treuil est ancré à une poutre transversale. La maçonnerie est pro­ tégée par une rangée de tuiles dis­ posées en corolle sur le périmètre. Jugés trop encombrants ou dange­ reux, beaucoup de puits anciens ont

50 8 - La cour grille. Vne seule ferme possède un porche, entrée charretière doublée d'une porte piétonne qui est plus La cour n'existe que pour les aisée à manier. fermes à plusieurs bâtiments. Très souvent, pour les petites fermes, son 9 - Le jardin rôle est réduit par l'espace qui s'étend au devant des maisons. Face à la petite étable, le fumier s'accumule Situé à l'arrière du logis, le sur un tas unique proche de la voirie. jardin dégage un climat d'intimité. Si la ferme est plus grande, comporte Il est rarement accessible aux re­ des étables, une grange et un corps gards des passants. Le potager peut de logis disposés en V, les bâti• aussi être entouré d'une haie ou ments délimitent une cour. Celle-ci d'un mur qui le préserve de l'action est pavée en partie ou en totalité, ce du vent et des regards indiscrets. Il qui est plus commode pour le est destiné à la culture des légumes passage du matériel roulant. Nœud qui entrent dans l'alimentation quo­ de circulation pour les véhicules tidienne. Son espace est divisé en agricoles, la cour l'est aussi pour les plusieurs carrés. Vne grande part de hommes et le bétail. D'où l'existence cel ui -ci est réservée à la pomme de d'un trottoir qui longe le logis et se terre. En bordure, on trouve les dirige vers les étables proches. Celui­ plantes aromatiques, le thym, des ci est un peu surélevé, hors de fleurs basses et quelques rosiers. portée de l'écoulement des eaux de Ensuite, s'allignent les «routes». Au la cour. La cour sert aussi de basse­ fond de chaque jardin, on plante les cour dans laquelle circulent en toute groseillers de diverses variétés et les liberté, les poules, les oies et les framboisiers. Il faut y ajouter quel­ canards. A proximité de l'étable ques fleurs, comme des dalhias par s'entassent le fumier. L'aire de la exemple. Les principales variétés de base sont: les laitues, le persil et le cerfeuil, les haricots et les pois, l'ail, les oignons et les poireaux, le céléri, les betteraves rouges et les carottes. Selon les disponibilités, quelques arbres fruitiers se dispersent. Parfois, entre le potager et les prairies, on peut trouver un petit verger. cour s'ouvre sur la voirie. Le seuil de la propriété est marqué par une

51 III L'ARCHITECTURE AGRICOLE A GUSSIGNIES III

CONCLUSION

A l'évidence, le patrimoine architectural de Gussignies n'est pas particulier. Il s'inscrit dans celui de l'Avesnois et du Hainaut. Chacun trouvera les points de repère expo­ sés dans cette présentation. Cependant, Gussignies a un charme qui ne tient pas exclusivement à son environne­ ment. Le caractère de la bâtisse ru­ rale y contribue aussi. Ce caractère est certainement dû à la simplicité et à la condition modeste des familles paysannes. Cette simplicité se mani­ feste sur le plan de la construction. Le type de bâtiment le plus caractéristi­ que est celui qui est disposé en lon­ gueur sans articulation. Ensuite, Yabsence d'élévation marque l'existence d'un seul niveau habitable. Le plan est sans mystère. Il est élémentaire et sans fard. Il est aussi foncière­ ment utilitaire. L'habitat relativement dispersé, mais parfaitement intégré dans le site et le paysage concourt aussi à souligner ce charme villageois. Il est clair que l'emploi de matériaux traditionnels comme le bois, la pier­ re, la tuile favorise encore la sauve­ garde du pittoresque et de Yauthentique. Resté à l'écart des grandes activités industrielles et des reconversions agricoles du XIxe siècle, le village peut aujourd'hui montrer un habitat original, issu de la tradition locale de l'Avesnois.

53 ... TABLE DES MATIERES • PRÉFACE p.5 • INTRODUCTION p.7 • A - GÉNÉRALITÉS p.9 - La situation du village - Le paysage - L'habitat - La typologie · habitat à un seul noyau · l'habitat et le fenil · l'habitat, l'étable et la grange · la ferme en U · le type quadrilatère - La volumétrie - Les matériaux de construction

• B - LA CONSTRUCTION p.26 - Les murs - La toiture - Les ouvertures - Les structures intérieures - Les symboles

• C - L'HABITATION p.38 - Le plan - La circulation - Les équipements - Le mobilier - Décors et styles

• D - LES DÉPENDANCES p.45 - La grange - L'étable - Le porche - Le fournil - Le chartil - La laiterie - Le puits - La cour - Le jardin • CONCLUSION P.53 SOUSCRIPTEURS

Alain BERTRANDE VALENCIENNES BIANCHI-DECROLY WASMUEL Jean-Pierre BIGOTTE BAVAY Gilles BON ARMENTIERES Pierre CARLIER Armand BOUBAY HOUDAIN-LEZ-BA V A Y Christine CASSOL MESVIN Pierre COLMANT MONS Jacqueline COLOT BAVAY Ghislain DELMARLE VALENCIENNES Edmond DELSART AUTREPPE Genevieve DELVAUX deFENFFE GUSSIGNIES Francis DENIS GUSSIGNIES Annie DUEZ - Marie-Claude DUFFRANNE HON-HERGIES François DURIEZ BAVAY Avit DURONSOY Michel FRANCOIS GUSSIGNIES Charlotte GEORGE BAVAY Sylvianne GOUM ET LA BOUVERIE Chantal HAYEZ-LEGRAND GUSSIGNIES Christian HEQUET GUSSIGNIES Claude LAC AILLE BELLIGNIES Jean LANTHIER Henri LOUISE GUSSIGNIES Pierre MECHINEAU SAINT-HILAIRE DE CLISSON Bernard-Claude MILLEVILLE (de) Marie-Antoinette MIOTTO BOUSSOIR Robert MONE PRESEAU Irène POIRETTE VILLERS-POL Thérèse RASSAU GUSSIGNIES Brigitte RASSAU GUSSIGNIES Gérard TONNOIR Jacques VITOUX GUSSIGNIES Dominique WALQUEMANNE HON-HERGIES Edition Les Rocs en Fête

Association "Les Rocs en Fête" 59 570 - Gussignies. Achevé d'imprimer en novembre 1991. Cet ouvrage a été tiré à quatre cents exemplaires.