Amnesty international

rapport 2003

Ce rapport couvre la période allant de janvier à décembre 2002

AMNESTY INTERNATIONAL éditions francophones ILLUSTRATION DE COUVERTURE Alexandra Roussopoulos Encre de chine MAQUETTE DE COUVERTURE Marc Blais, AVIS MÉDIA’ prim COM MAQUETTE INTÉRIEURE Catherine Rouaud AU LECTEUR assistée de Sylvie Willot PHOTOGRAVURE, IMPRESSION CLAES-printing à St Pieters-Leeuw, Belgique Ce Rapport 2003 rend compte des atteintes aux droits humains relevant du DIFFUSION mandat d'Amnesty International qui ont été commises dans le monde Ce livre est en vente en 2002. Il fait état des activités que l'organisation a entreprises tout au long auprès des sections de l'année pour promouvoir les droits humains et lutter contre certaines et groupes d'Amnesty formes d’atteintes à ces droits. International. Il est également en vente en librairie. La majeure partie de cet ouvrage décrit la situation des droits Distributeurs : humains dans des pays ou territoires classés par ordre alphabé- pour la Belgique, tique. Chaque entrée fournit un bref résumé des préoccupa- Nouvelle Diffusion; tions d'Amnesty International et un rappel des événements pour le Canada, marquants de l'année 2002, suivis d'un exposé détaillé des Dimédia Inc.; atteintes les plus manifestes. Le fait qu'un pays ou territoire ne pour la Suisse, Éditions d'En Bas. soit pas traité dans cet ouvrage ne signifie pas qu'aucune atteinte aux droits humains n'y a été commise pendant l'année écoulée. De même, on ne peut © Les Éditions mesurer l'importance des préoccupations d'Amnesty International à l'aune de Francophones d'Amnesty la longueur des textes consacrés à chaque entrée. Les chiffres concernant la International, population de chaque pays proviennent de la liste fournie par le Fonds des ÉFAI, 2003 Nations unies pour la population (FNUAP) pour l'année 2002. Les superficies [email protected] ont été établies à partir des données qui figurent dans la dernière édition de www.efai.org ISBN: 2-87666-135-72- l'Atlas universel (réalisée par Sélection du Reader's Digest et Le Monde). Les 87666-122-5 cartes et repères accompagnant chaque entrée se veulent neutres et concer- nent, eux aussi, la seule année 2002. Ils n'ont d'autre ambition que de per- © Version originale mettre au lecteur de mieux situer les pays concernés et leur présence ou anglaise: Amnesty absence n'impliquent en aucune manière une prise de position de la part International d'Amnesty International quant au statut de territoires litigieux ou au Publications 2003, 1 Easton Street, décompte de la population. Amnesty International se prononce uniquement Londres WC1X 0DW, sur les atteintes aux droits humains qui relèvent de son mandat. Royaume-Uni. www.amnesty.org Les index des documents d’Amnesty International cités dans ce rapport com- mencent par trois lettres : AFR, AMR, ASA, EUR et MDE. Ils désignent respecti- Index AI : vement les régions suivantes : Afrique, Amériques, Asie / Pacifique, Europe, POL 10/003/2003 Afrique du Nord / Moyen-Orient. Tous droits de reproduction réservés. Il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage sur quelque support que ce soit, sans autorisation des éditeurs.

6 QU’EST-CE QU’AMNESTY INTERNATIONAL ?

Amnesty International est un mouvement mondial composé de béné- voles qui œuvrent en faveur du respect des droits de l'être humain inter- nationalement reconnus. L'organisation est indépendante de tout gouvernement, de toute puis- sance économique, de toute tendance politique ou croyance religieuse. Elle ne soutient ni ne rejette aucun gouvernement ni système politique, pas plus qu'elle ne défend ni ne repousse les convictions des victimes dont elle tente de défendre les droits. Sa seule et unique préoccupation est de contribuer impartialement à la protection des droits humains. Amnesty International mobilise des bénévoles, c'est-à-dire des hommes et des femmes qui choisissent, par solidarité, de consacrer une partie de leur temps et de leur énergie à défendre les victimes de violations des droits humains. Amnesty International avait, au dernier décompte, plus de 1,5 million de membres et de sympathisants actifs dans plus de 150 pays et terri- toires. Ils viennent d'horizons très différents et ne partagent pas les mêmes convictions politiques ou religieuses, mais aspirent tous à bâtir un monde dans lequel les droits humains seront enfin les droits de tous. Les membres d'Amnesty International n'agissent pas seuls : il existe plu- sieurs milliers de groupes dans les communautés locales et les établisse- ments d’enseignement secondaire et supérieur de plus de 100 pays ou territoires. Des dizaines de milliers d'autres membres participent à des réseaux spécialisés qui travaillent sur des pays ou des thèmes particuliers ou qui utilisent des techniques d’action diverses. Amnesty International compte actuellement 54 sections et 23 structures de coordination, ainsi qu’un certain nombre de groupes et de bureaux, répartis dans le monde entier. Ces bureaux agissent dans divers domaines, tels que la recherche, le travail de pression, la traduction dans les langues de base de l’organisation et la coordination au niveau régional. Les adresses de ces sections, structures de coordination et bureaux figurent en annexe.

7 Rapport 2003 SOMMAIRE

PAGES

10 AVANT-PROPOS La sécurité... pour qui ? par Irene Khan, secrétaire générale d’Amnesty International

13 INTRODUCTION Une année de bouleversements

31 AMNESTY INTERNATIONAL 31 Fonctionnement 32 Mission

34 RECOMMANDATIONS D’AMNESTY INTERNATIONAL

38 LE MOUVEMENT EN 2002

48 LE TRAVAIL DE PRESSION AUPRÈS DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES ET RÉGIONALES

55 PAYS ET TERRITOIRES

AFGHANISTAN, 56 BELGIQUE, 96 COLOMBIE, 133 AFRIQUE DU SUD, 60 BÉLIZE, 99 COMORES, 137 ALBANIE, 63 BHOUTAN, 101 CONGO, 138 ALGÉRIE, 65 BIÉLORUSSIE, 102 CORÉE DU NORD, 140 ALLEMAGNE, 68 BIRMANIE CORÉE DU SUD, 142 ANGOLA, 70 (voir MYANMAR) CÔTE D’IVOIRE, 144 ARABIE SAOUDITE, 74 BOLIVIE, 105 CROATIE, 147 ARGENTINE, 77 BOSNIE- , 150 ARMÉNIE, 79 HERZÉGOVINE, 106 DANEMARK, 152 AUSTRALIE, 81 BRÉSIL, 110 ÉGYPTE, 154 AUTORITÉ PALESTINIENNE, 83 BULGARIE, 114 EL SALVADOR AUTRICHE, 86 BURKINA FASO, 116 (voir SALVADOR) AZERBAÏDJAN, 88 BURUNDI, 117 ÉMIRATS ARABES UNIS, 157 BAHAMAS, 90 CAMBODGE, 121 ÉQUATEUR, 159 BAHREÏN, 91 CAMEROUN, 123 ÉRYTHRÉE, 161 BANGLADESH, 94 CANADA, 125 ESPAGNE, 163 BÉLARUS CHILI, 126 ESTONIE, 167 (voir BIÉLORUSSIE) CHINE, 128 ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE, 168 8 ÉTHIOPIE, 173 MALAISIE, 261 RUSSIE, 333 FIDJI, 176 MALAWI, 263 RWANDA, 337 FINLANDE, 178 MALDIVES, 265 SAINTE-LUCIE, 341 FRANCE, 179 MAROC ET SAHARA SALOMON, 342 GAMBIE, 182 OCCIDENTAL, 266 SALVADOR, 344 GÉORGIE, 184 MAURICE, 269 SÉNÉGAL, 346 GRÈCE, 186 MAURITANIE, 270 SIERRA LEONE, 347 GUATÉMALA, 189 MEXIQUE, 272 SINGAPOUR, 351 GUINÉE, 192 MOLDAVIE, 275 SLOVAQUIE, 352 GUINÉE-BISSAU, 194 MOZAMBIQUE, 277 SOMALIE, 354 GUINÉE MYANMAR, 279 SOUDAN, 357 ÉQUATORIALE, 196 NAMIBIE, 282 SRI LANKA, 360 GUYANA, 198 NÉPAL, 284 SUÈDE, 363 HAÏTI, 199 NICARAGUA, 286 SUISSE, 365 HONDURAS, 203 NIGER, 288 SURINAME, 367 HONGRIE, 205 NIGÉRIA, 289 SWAZILAND, 369 INDE, 206 NOUVELLE-ZÉLANDE, 292 SYRIE, 371 INDONÉSIE, 210 OUGANDA, 294 TADJIKISTAN, 374 IRAK, 214 OUZBÉKISTAN, 297 TAIWAN, 375 IRAN, 217 , 300 TANZANIE, 376 IRLANDE, 220 PAPOUASIE- TCHAD, 379 ISRAËL ET TERRITOIRES NOUVELLE-GUINÉE, 303 THAÏLANDE, 381 OCCUPÉS, 221 PARAGUAY, 305 TIMOR-LESTE, 383 ITALIE, 226 PÉROU, 307 TIMOR ORIENTAL JAMAÏQUE, 229 PHILIPPINES, 310 (voir TIMOR-LESTE) JAPON, 232 PORTO RICO, 312 TOGO, 385 JORDANIE, 234 PORTUGAL, 313 TRINITÉ-ET-TOBAGO, 387 KAZAKHSTAN, 236 QATAR, 315 TUNISIE, 389 KENYA, 238 RÉPUBLIQUE TURKMÉNISTAN, 392 KIRGHIZISTAN, 241 CENTRAFRICAINE, 317 TURQUIE, 394 KOWEÏT, 242 RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE UKRAINE, 397 LAOS, 244 DU CONGO, 319 URUGUAY, 399 LETTONIE, 246 RÉPUBLIQUE VÉNÉZUÉLA, 400 LIBAN, 247 DOMINICAINE, 323 VIÊT-NAM, 403 LIBÉRIA, 250 RÉPUBLIQUE YÉMEN, 405 LIBYE, 254 TCHÈQUE, 325 YOUGOSLAVIE, 408 MACÉDOINE, 256 ROUMANIE, 326 ZAMBIE, 412 MADAGASCAR, 258 ROYAUME-UNI, 329 ZIMBABWE, 414

418 ANNEXES

419 ÉTAT DES RATIFICATIONS DE CERTAINS TRAITÉS RELATIFS AUX DROITS HUMAINS Traités internationaux Traités régionaux

428 ADRESSES DES SECTIONS ET STRUCTURES D’AMNESTY INTERNATIONAL DANS LE MONDE

432 CARTE DU MONDE AVEC INDEX DES PAYS ET TERRITOIRES

9 Rapport 2003

AVANT-PROPOS LA SÉCURITÉ... POUR QUI ?

par Irene Khan, secrétaire générale d’Amnesty International

Alors que j’écris ce message, prisonniers seraient morts d’asphyxie après avoir été je revois Claudine, une petite enfermés dans des conteneurs hermétiquement clos. fille de six ans que j’ai ren- Un grand nombre d’Afghans continuent de vivre dans contrée lorsque je me suis la précarité, car une grande partie du pays reste en rendue au Burundi en sep- proie à l’insécurité, livrée à des chefs de guerre qui se tembre dernier. Elle avait sur- sont déjà rendus coupables d’effroyables atteintes aux vécu à un massacre où plus droits humains. de 170 personnes avaient été Ceux qui militent en faveur des droits de la personne tuées de façon atroce par ont appris à se méfier de la façon dont les gouverne- l’armée burundaise, dix jours ments définissent et mettent en œuvre leurs priorités plus tôt. Elle n’arrivait pas à en matière de sécurité, tant à l’échelon national se rappeler son nom de qu’international. Trop souvent, ces mesures affectent

© A I famille, mais elle avait gardé autant l’innocent que le coupable. Et trop souvent le souvenir déchirant et très précis de la mort de son aussi, les dirigeants politiques exploitent les craintes et grand-père, ses parents, ses sœurs et son petit frère, un les préjugés de l’opinion publique pour éviter d’avoir à bébé, massacrés à coups de baïonnette. Elle m’a raconté rendre des comptes et protéger leurs propres intérêts. qu’elle-même avait été blessée, mais qu’elle était parve- L’année qui s’est écoulée n’a fait que confirmer, une nue à s’enfuir en rampant entre les jambes des soldats. fois de plus, nos craintes face à cette campagne sécuri- Lorsque j’ai parlé de Claudine au président du Burundi, taire qui n’a cessé de prendre de l’ampleur un peu par- celui-ci m’a répondu que l’armée était engagée, depuis tout dans le monde. Différentes forces se sont dix ans, dans une guerre civile dont le but était de pro- conjuguées en vue de battre en brèche les acquis des téger le pays des « rebelles ». Manifestement, la protec- cinq dernières décennies en matière de droits tion de Claudine n’entrait pas dans le cadre de cette humains, au nom de la sécurité et de la lutte contre le stratégie sécuritaire d’ensemble. « terrorisme ». La restriction des libertés n’a pas forcé- Au moment où je rédige ces lignes, l’ombre de la ment permis d’améliorer la sécurité. L’accent mis sur guerre plane sur l’Irak. Le recours à l’action militaire celle-ci n’a pas rendu le monde plus sûr ; au contraire, est aujourd’hui présenté comme un moyen de rendre il n’a fait que multiplier les menaces, en restreignant le monde plus sûr. Pourtant, quelque 26 millions de l’exercice des droits humains, en remettant en cause femmes, d’hommes et d’enfants irakiens ont été expo- les principes du droit international, en permettant à sés pendant des décennies à de terribles violations des certains gouvernements d’échapper à tout contrôle, en droits humains commises par leur propre gouverne- accentuant les divisions entre personnes d’origines ou ment, et subissent depuis plus de dix ans les effets des de religions différentes et en détournant l’attention sanctions économiques frappant leur pays ; ils se trou- d’autres sources d’insécurité ainsi que de certains vent aujourd’hui encore confrontés à un avenir des conflits latents. plus incertains. Leur seule certitude est qu’avec la Au cours de l’année 2002, les droits humains ont guerre, certains d’entre eux vont mourir, peut-être au connu de grandes avancées telles que l’instauration de combat, peut-être aux mains des forces de sécurité ira- la Cour pénale internationale, l’entrée en vigueur de kiennes s’ils osent se dresser contre leur gouverne- l’accord visant à mettre un terme à l’enrôlement ment, ou peut-être après avoir fui leur pays et s’être vu d’enfants soldats et l’adoption d’un protocole ayant refuser l’asile par un pays voisin, comme cela s’est déjà pour objectif l’établissement d’un système internatio- passé en 1991. nal de visites régulières des lieux de détention. Mais L’année dernière, la communauté internationale s’est cette année a également été marquée par l’indifférence engagée dans une guerre en . Cette guerre flagrante, confinant au mépris, manifestée par un a, elle aussi, été menée au nom de la sécurité. Mais de grand nombre de gouvernements devant leurs obliga- nombreux civils, on ne sait combien au juste, ont tions internationales en matière de droits humains et péri sous les bombardements, et des centaines de de droit humanitaire. 10 Avant-propos De fait, en cette période de grande insécurité, des gou- enlevé des personnes dans la plus totale impunité. La vernements ont choisi d’ignorer délibérément, voire de tragédie vécue par Claudine s’est répétée maintes et saper le système de sécurité représenté par le droit maintes fois en de nombreux endroits tout au long de international – qu’ils ont ensemble élaboré. Les l’année 2002. mesures draconiennes adoptées tant par des gouverne- Amnesty International ne dénie pas aux gouverne- ments démocratiques que par des régimes autocra- ments le droit de riposter face aux violences crimi- tiques en matière de perquisition et de recherche, nelles et politiques auxquelles se livrent des groupes d’arrestation et de détention sans jugement de sus- armés ou des individus. Nous invitons au contraire les pects, d’expulsion sans que le sort de la personne gouvernements à protéger leur population dans le concernée soit pris en considération, ont fragilisé la cadre des lois existantes. Nous condamnons ferme- protection des libertés individuelles et mis à mal le res- ment et depuis toujours les attaques visant les popula- pect des normes du droit international. Les États-Unis tions civiles, considérant que ces attaques constituent ont maintenu en détention, au mépris du droit inter- de graves atteintes à leurs droits fondamentaux. Nous national humanitaire, des personnes capturées pen- nous attachons à rappeler aux groupes armés et à ceux dant la guerre en Afghanistan. Ils ont fermé les yeux qui les soutiennent qu’ils ont l’obligation de ne pas sur les et les mauvais traitements que leurs prendre des civils pour cibles, quelles que soient les forces, ou leurs alliés, infligeaient à des suspects, et ont circonstances. Toutefois, les exactions commises par cherché à saper les fondements de la Cour pénale des groupes armés n’autorisent pas pour autant les internationale en concluant des accords bilatéraux. En gouvernements à bafouer leurs obligations en matière agissant de cette façon, les États-Unis ont porté de droits humains. atteinte à leur propre autorité morale, au nom de Les gouvernements n’ont pas le droit de répondre à la laquelle ils dénonçaient les atteintes aux droits terreur par la terreur. Ils sont tenus à tout moment de humains commises dans d’autres parties du monde. respecter leurs obligations internationales en matière Des mesures qui ont pour effet d’accroître le senti- de droits humains et de droit humanitaire. Les per- ment d’insécurité dans la population ne peuvent sonnes qui organisent et commettent des attentats à la rendre les sociétés et les États plus sûrs. À cause des bombe contre des autobus à Tel Aviv ou dans une dis- agissements avérés ou non d’une poignée d’individus, cothèque à Bali, qui tuent des civils au Burundi après des communautés entières – identifiées par la race, la leur avoir tendu des embuscades, ou qui prennent des religion ou l’origine nationale – deviennent objets de otages dans un théâtre de Moscou, doivent être défé- suspicion, ce qui contribue à répandre un sentiment rées à la justice et jugées selon les normes en vigueur de malaise et d’incertitude dans de nouvelles couches en matière d’équité. Le même principe doit s’appli- de la population. Ce type de stigmatisation a été quer aux soldats israéliens responsables d’homicides aggravé aux États-Unis par la pratique du profilage illégaux dans les Territoires occupés, aux policiers racial et par la mise en détention d’immigrés et, en indonésiens qui torturent en Aceh ou en Papouasie, et Europe, par le fait d’étiqueter comme « terroristes » aux agents des forces de sécurité russes qui commettent des réfugiés et des demandeurs d’asile. Dans un climat des viols dans les villages de Tchétchénie. En refusant qui favorise la propagation du racisme et de la xéno- de faire régner la justice et en tolérant l’impunité, de phobie, des demandeurs d’asile sont renvoyés chez eux nombreux gouvernements ont à la fois bafoué leurs au risque d’être emprisonnés, torturés ou tués, et les obligations internationales en matière de droits agressions violentes contre les membres de minorités humains et alimenté le cycle infernal de l’insécurité, de se multiplient. Attiser les peurs collectives à des fins la violence et des atteintes aux droits de la personne. politiciennes ou électorales à court terme est une Par ailleurs, faire de la sécurité nationale une priorité entreprise dangereuse. Au cours de l’année écoulée, les détourne l’attention d’un certain nombre de menaces tensions ethniques et religieuses qui se sont fait jour très réelles qui pèsent sur l’existence de millions de dans des pays comme l’Inde, le Nigéria ou la Côte personnes. Les véritables causes de l’insécurité sont d’Ivoire sont venues illustrer les dangers que comporte souvent liées à l’incapacité des autorités à mettre un l’aggravation des divisions entre citoyens et immigrés, terme à la circulation anarchique des armes légères, à entre personnes de différentes confessions, entre riches éradiquer l’extrême pauvreté et les maladies évitables, et pauvres, entre Nord et Sud. à enrayer la propagation du sida et à soigner les per- Soucieux de tirer profit de ce climat international pro- sonnes qui en sont atteintes, à prendre en compte les pice au renforcement de la lutte contre le « terro- conséquences sociales de la mondialisation. La sécu- risme », de nombreux gouvernements ont durci et rité ne sera qu’un vain mirage, en particulier pour les multiplié au niveau national les actions de répression pauvres, tant que les policiers, les magistrats et les contre leurs opposants et contre toutes les personnes fonctionnaires de nombreux pays continueront à être dont l’allégeance ne leur semblait pas acquise : syndi- inefficaces ou corrompus. De nombreuses femmes calistes, journalistes, minorités religieuses ou eth- continueront à se sentir menacées tant qu’elles ne niques, défenseurs des droits humains. D’un pays à seront pas protégées contre les actes de violence à l’autre, le présent rapport fournit nombre d’exemples l’intérieur de leur foyer ou de leur communauté. La de la façon dont les forces gouvernementales, au nom campagne d’Amnesty International sur la Russie a de la sécurité nationale, ont tué, violé, torturé et mis en évidence l’incapacité du Parlement russe à 11 Rapport 2003 adopter une législation criminalisant les violences un État efficace qui rend compte de son action et qui domestiques, malgré l’élaboration de 50 projets de loi défend les droits humains plutôt qu’il ne les bafoue. dont aucun n’a abouti, dans un pays où quelque À défaut d’un tel changement, le concept de sécurité 14 000 femmes meurent chaque année après avoir continuera à être détourné de son sens et à entraîner subi des violences de la part de leur conjoint ou encore plus d’insécurité. d’autres membres de leur famille. Tout au long de l’année écoulée, Amnesty S’attaquer à ces différentes causes d’insécurité exige International a dénoncé sans relâche le caractère trop des gouvernements et de la communauté internatio- restrictif des priorités en matière de sécurité. Ses nale qu’ils s’engagent à défendre avec énergie membres ont fait pression auprès des gouvernements, l’ensemble des droits humains, c’est-à-dire les droits des groupes armés, des entreprises et d’autres entités économiques, sociaux, culturels, civils et politiques. afin de promouvoir et protéger les droits humains par- Cela implique de créer des institutions destinées à pro- tout dans le monde. Le succès de notre organisation se téger ces droits ou de renforcer celles qui existent déjà. mesure à sa capacité à apporter de réels changements De nouvelles ressources sont aujourd’hui affectées aux dans l’existence des habitants de la planète. Le présent services de sécurité et aux organismes chargés de lutter rapport fait état de nos réussites autant que de nos contre le « terrorisme ». Mais où sont les nouveaux déceptions. Il rend compte des efforts de nos membres fonds qui contribueraient à consolider les mécanismes pour impulser des réformes, pour réclamer justice, des droits humains des Nations unies, qui manquent pour dénoncer la fausse rhétorique politicienne, pour scandaleusement de moyens depuis des années ? Où obliger les gouvernements à rendre des comptes – et sont les nouvelles ressources qui permettraient d’aider par-dessus tout, pour raconter ce que ne disent pas les certains pays à mettre sur pied un système judiciaire et statistiques, pour donner voix aux sans-voix. une administration policière honnêtes et efficaces ? Où Les droits humains ne sont pas un luxe pour époques sont les sommes qui permettraient de satisfaire les de prospérité. Ils doivent être défendus en toutes cir- besoins sociaux des pauvres et des communautés mar- constances, et plus particulièrement dans les périodes ginalisées ? Et qu’en est-il de la volonté politique et de de danger et d’insécurité. Le respect des droits la sensibilisation du public qui permettraient de lutter humains est une obligation morale pour les gouverne- contre les violences faites aux femmes ? ments ; il leur fournit le cadre normatif nécessaire L’insécurité au niveau mondial n’a pas dévalorisé les pour rendre compte de leurs actes. Ces droits sont en droits humains ; par contre, elle a rendu plus urgente outre une source de pouvoir pour les peuples, à qui ils encore la nécessité de les respecter. Vouloir un donnent la liberté de choisir, de contester et de façon- monde plus sûr, c’est exiger un changement fonda- ner leur propre destinée. Ils fournissent un cadre per- mental du concept même de sécurité, un change- mettant qu’un dialogue constructif s’établisse entre les ment qui repose sur l’idée que l’insécurité et la gouvernements et les peuples. Seuls les droits humains violence ne seront jamais mieux combattus que par peuvent étayer la construction d’un monde plus sûr.

12 Introduction UNE ANNÉE DE BOULEVERSEMENTS

out au long de l’année, la « guerre contre le terrorisme » et la menace deT guerre contre l’Irak ont été au pre- mier rang des préoccupations poli- tiques sur le plan international, occupant le devant de la scène média- tique. À la suite des attentats perpétrés le 11 septembre 2001 aux États-Unis, les gouvernements ont, au nom de la lutte contre le « terrorisme », accentué la répression contre leurs opposants politiques, multiplié les détentions arbitraires et fait voter des lois de grande portée, souvent discrimina- toires, qui sapaient les fondations même du droit international relatif aux droits humains et du droit internatio- nal humanitaire. Pendant ce temps, les droits fonda- mentaux de la personne humaine, sacrifiés à des considérations politiques, à des objectifs sécuritaires et à la recherche du profit, étaient foulés aux pieds dans le monde entier, tandis que les souffrances de millions de per- sonnes victimes de ces violations ne suscitaient, dans une large mesure, que l’indifférence. En Afrique, d’innombrables vies humaines ont été anéanties et des moyens de subsistance ont été massive- ment détruits lors de conflits souvent encouragés par des puissances exté- rieures – qui fournissaient des armes aux belligérants – et au cours desquels des atteintes aux droits humains étaient perpétrées en toute impunité. Face à la dégradation rapide de la situation des droits humains en Colombie, en Israël et dans les Territoires occupés, Amnesty International a réagi en mobi- lisant ses membres et ses ressources pour dénoncer la spirale de la violence. Roodeport, Afrique du Sud : Nomsa, une enfant séropositive L’organisation a également lancé une abandonnée, vit dans le foyer du Sparrow’s Nest, grande campagne internationale sur les qui accueille des adultes, des enfants et des nourrissons droits humains dans la Fédération de séropositifs ou atteints du sida. Selon l’ONUSIDA, la majorité Russie. Celle-ci a notamment mis en des personnes séropositives ou malades du sida en Afrique évidence les graves violations perpétrées australe sont des femmes ou des fillettes. Dans les pays dans le cadre du conflit qui s’éternise de la région, la proportion de la population adulte ayant en Tchétchénie. contracté le virus varie entre 13 et 38 p. cent. © AP 13 Rapport 2003 Un grand nombre des atteintes aux droits humains internationale une remarquable avancée dans la cam- recensées par Amnesty International en 2002 ont été pagne contre l’impunité. Bien que la CPI soit en butte commises lors de conflits entre des États et des groupes aux attaques des États-Unis, son instauration permet politiques armés. Les forces gouvernementales se sont d’espérer que les auteurs présumés des crimes les plus rendues responsables d’exécutions extrajudiciaires, de graves seront déférés à la justice. « disparitions », d’actes de et d’autres violations En matière de lutte contre la torture, la communauté flagrantes, tandis que les groupes armés, pour atteindre internationale a également fait un nouveau pas en leurs objectifs politiques, se livraient à des assassinats de avant. Les Nations unies ont adopté un Protocole civils et à d’autres exactions graves, notamment des facultatif se rapportant à la Convention contre la tor- enlèvements et des actes de torture. ture et autres peines ou traitements cruels, inhumains Alors que les gouvernements, en particulier ceux des ou dégradants, en vertu duquel les lieux de détention pays industrialisés, montraient du doigt les deman- pourront être visités régulièrement par des experts deurs d’asile et promulguaient des lois en matière internationaux. Par ailleurs, le Protocole facultatif se d’asile toujours plus restrictives, des millions de rapportant à la Convention relative aux droits de personnes qui avaient fui la terreur étaient enfermées l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les dans des camps de réfugiés ou dans des centres de conflits armés, est entré en vigueur. détention, refoulées à la frontière ou victimes d’agres- sions à caractère raciste. La lutte contre le « terrorisme » Alors que les gouvernements et les médias débattaient et les droits humains du danger, réel ou supposé, des armes de destruction Les principes fondamentaux du droit international massive, des millions de personnes risquaient de mou- humanitaire et du droit international relatif aux droits rir ou d’être blessées dans le cadre de conflits rendus humains ont été remis en cause par de nombreux gou- possibles par la vente et le transfert d’armes à des desti- vernements qui, exploitant le climat de crainte qui a nataires connus pour se livrer à des atteintes aux droits suivi les événements du 11 septembre 2001, ont agi fondamentaux. sans se préoccuper du respect de ces principes ou en Alors que l’attention de la communauté internationale les bafouant ouvertement. se détournait de l’Afghanistan pour se porter sur l’Irak, Les atteintes aux droits des personnes détenues parce l’avenir de millions d’Afghans, qu’ils soient exilés ou qu’on les soupçonnaient d’appartenir à Al Qaida ou restés dans leur pays, demeurait incertain et précaire. d’être des « terroristes » ont été très nombreuses. À la Alors que les gouvernements se préparaient à dépenser fin de l’année 2002, plus de 600 personnes capturées des milliards de dollars pour faire la guerre, des mil- pendant la guerre en Afghanistan étaient toujours lions de personnes étaient en proie à la pauvreté et ne détenues sans inculpation à la base américaine de pouvaient bénéficier d’aucun traitement contre le sida Guantánamo (Cuba) ; elles n’étaient pas autorisées à ou d’autres maladies. bénéficier des services d’un avocat. Si ces détenus Tout au long de l’année 2002, Amnesty International étaient des prisonniers de guerre, ils auraient dû être a travaillé sans relâche afin que le respect des droits remis en liberté à la fin du conflit. Dans le cas humains et du droit international ne soit pas battu en contraire, ils auraient dû être soit inculpés d’une infrac- brèche au nom de la « guerre contre le terrorisme ». tion prévue par la loi, soit libérés. Or le gouvernement L’organisation a continué à dénoncer les multiples américain traitait les membres et les partisans présumés exactions commises dans le monde entier par les forces d’Al Qaida comme des « combattants ennemis », quelles régulières des États et par les groupes politiques armés, qu’aient été les circonstances de leur capture ou de leur et à faire campagne contre ces violences. placement en détention (il pouvait tout aussi bien Son mandat ayant été élargi en 2001, Amnesty s’agir de détenus n’ayant pas été faits prisonniers lors International a exploré de nouveaux domaines de du conflit armé). Faisant valoir qu’ils étaient «en recherche et d’action, liés aux droits économiques, guerre » contre Al Qaida, les États-Unis soutenaient sociaux et culturels. En cette période déterminante de qu’ils avaient le droit de maintenir en détention ces l’après-conflit en Afghanistan, l’organisation a conti- « combattants ennemis » jusqu’à la fin de la « guerre ». nué de s’intéresser à la situation dans le pays. Elle a Autrement dit, ces personnes pouvaient être détenues ouvert un bureau à Kaboul afin de travailler avec les indéfiniment sans pouvoir bénéficier des droits recon- organisations non gouvernementales (ONG) locales à la nus aux prisonniers de guerre ni de ceux dont peuvent réforme du système de justice pénale, au règlement de se prévaloir les suspects de droit commun. la question de la violence ethnique et à l’amélioration L’armée américaine a également arrêté plusieurs cen- du statut des femmes. Elle a poursuivi ses actions taines de personnes en Afghanistan. Certaines mondiales contre la peine de mort, en faveur des auraient été remises aux forces du Front uni, bien droits des réfugiés et sur les transferts d’équipements qu’il soit établi que celles-ci maltraitaient les détenus ; ou de compétences dans les domaines militaire, de d’autres ont été envoyées dans des pays où le recours à sécurité ou de police (MSP). la torture et aux mauvais traitements est généralisé. Amnesty International a par ailleurs vu aboutir ses Les autorités pakistanaises ont livré plus de 400 per- efforts passés. La création, en juillet, de la Cour pénale sonnes aux États-Unis, en l’absence de garanties suffi- internationale (CPI) a constitué pour la communauté santes en matière de droits humains et en violation de 14 Introduction la législation nationale sur l’extradition et du principe Philippines, le gouvernement a présenté des groupes international de non-refoulement. légaux qui avaient critiqué son action, dont certaines Au Yémen, des responsables américains ont collaboré organisations de défense des droits humains, comme avec les autorités pour localiser six hommes, parmi les- les « fronts » d’un groupe d’opposition armé, exposant quels figurait un dirigeant présumé d’Al Qaida, et lan- ainsi davantage les membres de ces organisations au cer contre eux une attaque de missiles dans laquelle les risque d’être victimes d’atteintes à leurs droits fonda- personnes visées ont trouvé la mort. Selon les informa- mentaux. Au Libéria, le journaliste et militant des tions disponibles, aucune tentative n’avait été faite droits humains Hassan Bility a été violemment torturé dans ce cas précis pour arrêter, inculper ou poursuivre et maintenu en détention au secret pendant six mois, en justice le responsable présumé d’Al Qaida. sans inculpation ni jugement, après avoir été accusé

Détenus placés sous la garde de militaires américains peu après leur transfert depuis l’Afghanistan jusqu’au camp X-Ray de Guantánamo, à Cuba. Amnesty International a demandé à plusieurs reprises que ces détenus soient traités conformément au droit international relatif aux droits humains et au droit international humanitaire.© Ministère de la Défense des États-Unis/ Shane T. McCoy/ Reuters/popperfoto.com

Le Conseil de sécurité des Nations unies n’a pas d’appartenir à un groupe d’opposition armé. Il ne déployé de grands efforts pour faire cesser une situation s’agissait pas d’un cas isolé. dans laquelle les droits humains étaient sacrifiés sur En 2002 comme dans les mois qui ont suivi immédia- l’autel de la « guerre contre le terrorisme ». Il avait adopté, tement les attentats du 11 septembre 2001, de nom- en 2001, la résolution 1373 obligeant tous les gouver- breux pays ont adopté des mesures de lutte contre le nements à prendre des mesures de lutte contre le « ter- « terrorisme » restreignant les libertés fondamentales. rorisme », et son Comité contre le terrorisme a Ainsi, le Parlement indien a promulgué en mars la Loi constamment refusé d’autoriser les mécanismes des relative à la prévention du terrorisme, en vertu de Nations unies en matière de droits humains à formuler laquelle les « aveux » obtenus en garde à vue peuvent des recommandations sur ces initiatives ou à y apporter être retenus à titre de preuve par les tribunaux jugeant leur contribution. En novembre, l’Assemblée générale des personnes accusées d’infractions « terroristes ». En des Nations unies a finalement adopté une résolution Inde, de tels aveux sont souvent arrachés sous la tor- priant le haut-commissaire aux droits de l’homme ture, et la législation nationale interdit de les produire d’analyser les effets des mesures mises en œuvre en à titre de preuve pour toute autre infraction. matière de lutte contre le « terrorisme ». Une initiative Un grand nombre de gouvernements ont justifié ces similaire proposée par le Mexique n’avait pu auparavant mesures de lutte contre le « terrorisme » par la néces- être adoptée par la Commission des droits de l’homme sité de protéger les civils contre les attaques violentes. des Nations unies, faute du soutien nécessaire. Ces actes, que ce soit la prise d’otages par des rebelles Dans le monde entier, des gouvernements semblaient tchétchènes dans un théâtre de Moscou, les attentats- souscrire à l’idée que l’on peut déroger aux normes suicides perpétrés par des Palestiniens en Israël, les internationales relatives aux droits humains dans des homicides commis par des groupes maoïstes au circonstances exceptionnelles. Certains ont cherché à Népal, ou les enlèvements dont se sont rendus res- utiliser la « guerre contre le terrorisme » pour justifier la ponsables des groupes politiques armés en Colombie, répression de l’opposition politique et leur immobi- Amnesty International les a vivement condamnés. lisme face aux conflits et aux problèmes internes. Aux L’organisation a aussi demandé que leurs auteurs 15 Rapport 2003 présumés soient traduits en justice et que les procès se ont vu une recrudescence des combats ou l’émergence déroulent conformément aux normes internationales de nouveaux conflits. d’équité. Cependant, dans le monde de l’après- En Côte d’Ivoire, un mouvement d’opposition armé 11 septembre, de nombreux gouvernements ne par- apparu à la mi-septembre contrôlait, à la fin de laient plus de justice ni d’application des lois, mais de l’année 2002, plus de la moitié du pays. La France a légitime défense et de guerre, une guerre qui semblait renforcé sa présence militaire dans le pays, dans un être menée toujours davantage hors du cadre du droit premier temps pour assurer la protection des étran- international humanitaire et du droit international gers, puis pour surveiller l’application d’un accord de relatif aux droits humains. cessez-le-feu. Les troupes gouvernementales et les mouvements d’opposition ont malgré tout continué Conflits et impunité en Afrique de s’affronter dans le nord et dans l’ouest du pays ; les Tandis que l’actualité braquait ses projecteurs sur la uns et les autres se sont rendus responsables de graves « guerre contre le terrorisme », en Afrique, des millions atteintes aux droits fondamentaux de civils et de com- de personnes continuaient à subir les conséquences des battants, avec la quasi-certitude de ne pas avoir à conflits, de l’insécurité et de la violence. Les luttes répondre de leurs crimes. Des preuves d’exécutions pour le contrôle politique et économique des res- extrajudiciaires et sommaires ont été mises au jour en sources naturelles étaient à l’origine de ces violences, plusieurs lieux, mais aucune enquête n’a été ouverte. dont les principales victimes étaient des civils. Dans un climat de xénophobie violente, de nombreux

À l’occasion de la Journée internationale de la femme, le 8 mars 2002, des femmes chantent et dansent dans la ville de Kindu (République démocratique du Congo) pour demander la fin du conflit armé.© AP

Des progrès ont été accomplis en vue d’une résolution étrangers, pour la plupart des Burkinabè, des du conflit à Madagascar. En revanche, les pourparlers Libériens et des Maliens, ont vu leurs maisons de paix en Somalie et au Soudan n’ont pas réussi à détruites ou ont été tués lors d’opérations menées par mettre fin aux atteintes systématiques aux droits les forces gouvernementales contre des quartiers humains. En Angola, le conflit armé qui durait depuis pauvres. Des Ivoiriens originaires du nord du pays des dizaines d’années a pris fin avec la désintégration ont été victimes de violences et d’actes de harcèle- du principal groupe d’opposition armé, mais de graves ment. Des centaines de milliers de personnes qui atteintes aux droits humains ont encore été commises. vivaient dans les zones de combat et dans le Sud ont La République centrafricaine, le Congo et le Libéria fui vers l’Ouest et vers le Nord. 16 Introduction

En République démocratique du Congo (RDC), mal- flagrantes des droits humains commises par le passé. gré les négociations de paix et l’annonce du retrait des Le Tribunal spécial pour la Sierra Leone a été mis en troupes étrangères, la situation des droits humains place. Sa création avait été décidée en 2000 par le restait mauvaise. Les combats se sont en effet poursui- Conseil de sécurité des Nations unies, afin que soient vis, tout comme les attaques visant la population jugées les personnes portant la plus lourde responsabi- civile, en particulier dans l’est du pays. Selon une esti- lité dans les crimes contre l’humanité, les crimes de mation, plus de trois millions de personnes sont guerre et les autres violations graves du droit interna- mortes durant les six années d’un conflit auquel ont tional humanitaire. Prévue dans l’accord de paix de participé au moins six États et un bien plus grand Lomé de 1999, la Commission de la vérité et de la nombre de groupes politiques armés. Le gouverne- réconciliation a également été instaurée. ment de la RDC a protesté contre les violences Les principales entraves à la résolution des conflits et perpétrées par les forces étrangères, tout en persécu- au développement restaient l’absence de participation tant ses propres opposants qui s’exprimaient de de la population aux processus de paix et le fait que les manière pacifique. Les déclarations du gouvernement auteurs présumés d’atteintes aux droits humains ne rwandais, qui affirmait être intervenu en RDC en par- soient pas obligés de rendre des comptes. En tout état tie pour protéger la population tutsi, ont été démen- de cause, le point commun de tous ces conflits en ties sur le terrain en début d’année lorsque les Tutsi Afrique, dont la plupart se déroulaient sur fond de congolais ont retourné leurs armes contre les forces lutte pour le contrôle des ressources économiques, res- rwandaises. L’armée ougandaise a tué des civils non tait l’impunité. Tant que les dirigeants politiques et armés dans l’est de la RDC, sous contrôle ougandais. militaires tireront profit du chaos qu’ils provoquent, Le Zimbabwe a assuré avec force que son intervention les droits fondamentaux des citoyens ordinaires des visait à protéger la RDC d’une agression externe. Dans pays d’Afrique ne seront pas protégés. Une paix le même temps, sur son territoire, ses soldats multi- durable ne peut être obtenue par le biais d’accords pliaient les attaques contre leurs concitoyens. Un prévoyant la protection de personnes qui se sont groupe d’experts des Nations unies a conclu que la livrées à des violations systématiques des droits plupart des parties au conflit armé n’avaient pas humains et au pillage des ressources naturelles. La par- l’intention de mettre un terme à une guerre qui leur ticipation accrue des populations aux processus de permettait d’amasser des richesses personnelles et paix et la mise en œuvre de mesures efficaces destinées dont les conséquences catastrophiques sur la popula- à mettre un terme à l’impunité, notamment le recours tion ne les préoccupaient en aucune façon. à des mécanismes judiciaires régionaux et internatio- Dans la région des Grands Lacs, les responsables naux, doivent être privilégiées. d’atteintes aux droits humains restaient impunis. Au Burundi, toutes les parties au conflit continuaient de Colombie : aggravation de la violence politique commettre des crimes de guerre et de multiples exac- Autre situation catastrophique sur le plan des droits tions contre la population civile, à peu près assurées de humains dont la communauté internationale ne s’est ne jamais avoir à rendre compte de leurs actes. En guère préoccupée, le conflit en Colombie s’est encore 2002, les forces gouvernementales ont tué des centaines aggravé en février, après la rupture des pourparlers de de civils non armés en représailles aux activités de paix entre le gouvernement et les Fuerzas Armadas groupes politiques armés. Le gouvernement n’a admis Revolucionarias de Colombia (FARC, Forces armées sa responsabilité que dans un seul cas : le massacre, en révolutionnaires de Colombie), le principal groupe septembre, de plusieurs dizaines de civils non armés d’opposition armé du pays. (entre 174 et 267, selon les sources). En revanche, Depuis 1985, plus de 60 000 personnes – dont aucun des groupes politiques armés n’a reconnu que 80 p. cent de civils – ont été tuées, et des centaines de ses forces avaient commis des exactions. milliers d’autres ont été déplacées, torturées, enlevées Des élections générales et un référendum constitution- ou ont « disparu ». Toutes les parties au conflit doi- nel ont été organisés en République du Congo, mais la vent reconnaître qu’elles ont contribué à entretenir le reprise du conflit armé a marqué la persistance de cycle de la violence. Les gouvernements successifs l’instabilité et provoqué de nouvelles atteintes aux n’ont rien fait pour rompre les liens institutionnels droits humains. Plusieurs dizaines de personnes ont existant entre les forces armées et les formations para- été tuées, des centaines de femmes ont été violées et militaires, ni pour mettre fin à l’impunité dont jouis- des milliers de citoyens ont été déplacés en toute sent les auteurs d’atteintes aux droits humains. impunité par des combattants appartenant aux Forces Soutenus par l’armée, les paramilitaires continuent de armées congolaises ou venus de pays voisins. Plus au torturer, de tuer et de faire « disparaître » les personnes nord, au Tchad, la paix paraissait toujours illusoire, qu’ils considèrent comme des sympathisants de bien que le gouvernement et les groupes d’opposition l’opposition, sans courir de grands risques d’être armés aient poursuivi des négociations qui semblaient un jour soumis à l’obligation de rendre des comptes. ne jamais devoir aboutir. Les groupes politiques armés continuent de se livrer Toutefois, en Sierra Leone, l’année 2002 a été mar- à des prises d’otages et à des enlèvements, de perpétrer quée par quelques avancées dans la lutte contre des homicides délibérés et arbitraires et de lancer des l’impunité dont bénéficiaient les auteurs de violations attaques disproportionnées et aveugles contre des 17 Rapport 2003 objectifs militaires, qui font souvent des morts et des sécurité en effectuant des tâches de contre-espionnage blessés parmi la population civile. a ainsi exposé la population civile à des représailles de À la suite de l’élection, en mai, du président Álvaro la part des forces d’opposition. Le réseau – qui a com- Uribe Vélez, le gouvernement a décrété l’état d’urgence mencé à fonctionner dans de nombreuses régions du en août. Cette mesure, à laquelle les dirigeants succes- pays – pourrait aussi conduire au renforcement des sifs ont eu recours à de multiples reprises au cours des structures paramilitaires et effacer toute distinction

Des milliers de « Femmes contre la guerre » manifestent à Bogotá (Colombie) en juillet 2002. Plus de 60 000 personnes ont été tuées depuis le début du conflit, en 1985. La plupart étaient des civils. © Reuters cinquante dernières années, impliquait que l’exécutif entre les groupes d’autodéfense légalement constitués gouvernait par décrets, que les garanties constitution- et ceux qui sont illégaux. nelles étaient abandonnées et que l’armée disposait de Le gouvernement colombien ne résoudra pas la crise pouvoirs considérables pour toutes les questions tou- humanitaire et celle des droits humains par des chant à l’ordre public, une situation qui générait inévi- mesures sécuritaires draconiennes qui font peu de cas tablement des violations systématiques et flagrantes des des droits fondamentaux des citoyens ordinaires. Il a droits humains. De plus, à la différence des mesures toujours à sa disposition – comme les gouvernements prises dans le passé, les décrets promulgués par le prési- précédents – les recommandations formulées par les dent Uribe en vertu de l’état d’urgence visaient égale- Nations unies et par d’autres organisations internatio- ment les étrangers et ont imposé des restrictions aux nales, qui, si elles étaient mises en œuvre, pourraient activités des organisations humanitaires et de défense contribuer à mettre fin à la crise. Si le gouvernement des droits humains internationales œuvrant dans les ne relève pas ce défi, et si les groupes d’opposition zones de conflit. Plusieurs étrangers travaillant pour des armés persistent à bafouer le droit international ONG ont été expulsés en 2002, contribuant ainsi à humanitaire, la situation des droits humains ira en recouvrir encore plus les violations des droits humains s’aggravant et la population civile continuera de payer d’un voile de silence. Le gouvernement du président un lourd tribut. Uribe a par ailleurs maintes fois mis en cause le travail La communauté internationale peut jouer un rôle de nombreuses organisations de défense des droits décisif en encourageant le gouvernement colombien à humains. Il s’en est pris plus particulièrement à l’action respecter et à mettre en œuvre les recommandations des militants colombiens, souvent montrés du doigt en matière de droits humains qui ont été formulées à comme des « collaborateurs de la guérilla ». plusieurs reprises par les Nations unies et par d’autres Le gouvernement a également imposé des mesures qui instances internationales. Cependant, certains gou- ont entraîné davantage la population civile dans le vernements étrangers, notamment celui des États- conflit. La création d’un « réseau d’un million d’infor- Unis, ont accru leur assistance militaire et en matière mateurs civils » censés collaborer avec les forces de de sécurité aux forces armées colombiennes, bien que 18 Introduction celles-ci et les paramilitaires qui sont leurs alliés pillages perpétrés par l’armée russe dans le cadre du continuent de se rendre coupables de graves viola- conflit tchétchène, ainsi que sur les graves exactions tions des droits humains. imputables aux rebelles tchétchènes. Dans le contexte Amnesty International a fait tout son possible pour de l’après-11 septembre cependant, et tout particulière- que l’attention de la communauté internationale ne se ment après la prise d’otages effectuée par des rebelles détourne pas de la situation en Colombie et pour rap- tchétchènes dans un théâtre de Moscou, les critiques de peler au gouvernement du président Uribe son obliga- la communauté internationale quant à ce consternant tion de protéger les droits humains, Elle a ainsi fait bilan en matière de droits humains se sont faites de pression sur les autorités, soutenu les défenseurs des plus en plus discrètes, les autorités russes ayant invoqué droits humains et fait campagne au niveau internatio- la « guerre contre le terrorisme » pour justifier leurs nal. Six délégations, dont une mission de haut niveau actions contre les rebelles tchétchènes. Une résolution menée par la secrétaire générale de l’organisation, se sur la Tchétchénie a été rejetée lors de la session de la sont rendues dans le pays ; plusieurs documents Commission des droits de l’homme des Nations unies importants ont en outre été publiés, notamment le qui s’est tenue en 2002. La surveillance de la situation rapport sur la situation dans la région disputée de San des droits humains dans la région est devenue plus dif- Vicente del Caguán, celui sur les droits humains et ficile encore après le refus des autorités russes de pro- l’aide militaire américaine à la Colombie, et celui sur longer au-delà du mois de décembre le mandat de la l’impact des politiques sécuritaires du président Uribe. mission de l’Organisation pour la sécurité et la coopé- ration en Europe (OSCE) en Tchétchénie. Russie : Justice pour tous ! Amnesty International s’est efforcée de faire pression Le 30 octobre, la secrétaire générale d’Amnesty sur la communauté internationale, notamment International, Irene Khan, s’est jointe à de nombreux l’Union européenne, pour qu’elle exhorte les autorités autres militants des droits humains qui s’étaient ras- russes à autoriser les journalistes indépendants et les semblés devant les locaux du Service fédéral de sécu- observateurs chargés de veiller au respect des droits rité à Moscou pour célébrer la Journée du prisonnier humains, en particulier ceux détachés par des organi- politique. Au moment où elle allumait une bougie, des sations internationales, à entrer et à circuler librement hommes et des femmes un peu partout dans le monde en Tchétchénie. ont fait le même geste et ont signé des pétitions adres- La campagne d’Amnesty International sur la sées à Vladimir Poutine, le président de la Fédération Fédération de Russie avait également pour objectif de Russie, pour demander un plus grand respect des d’attirer l’attention sur les multiples violations des droits humains. droits humains commises hors de la zone de conflit Cette manifestation, associée à d’autres actions organi- en Tchétchénie. Le recours à la torture et aux mauvais sées dans un grand nombre de pays, marquait le lance- traitements reste monnaie courante dans les postes de ment d’une campagne mondiale en faveur des droits police. Les maladies font des ravages dans les centres humains dans la Fédération de Russie, baptisée Justice de détention provisoire du pays, caractérisés par la pour tous ! surpopulation et par des conditions de vie souvent si

Page d’accueil du site Internet d’Amnesty International consacré à la campagne. © AI

Prévue pour durer un an, cette campagne s’avérait par- effroyables qu’elles s’apparentent à une forme de trai- ticulièrement opportune. Depuis des années, Amnesty tement cruel, inhumain et dégradant. Parmi les International recueillait des informations sur les viols méthodes de torture couramment signalées figurent et les autres formes de torture, les mauvais traitements, les passages à tabac, l’application de décharges élec- les exécutions extrajudiciaires, les « disparitions » et les triques, le viol, l’asphyxie partielle au moyen d’un 19 Rapport 2003 masque à gaz et l’immobilisation du détenu dans des violences sexuelles et les brutalités qui leur sont infli- positions douloureuses. gées dans leur foyer ou lorsqu’elles sont détenues par Bien que les victimes appartiennent à tous les secteurs des représentants de l’État. Enfin, elles ne veillent pas de la société, les personnes les plus susceptibles de à ce que les enfants ne soient privés de liberté qu’en subir des violations de leurs droits fondamentaux sont dernier ressort. celles qui font partie des minorités ethniques et des Amnesty International a résumé ces préoccupations dans plusieurs documents. À la fin de l’année 2002, l’organisation a également mis en place un centre de ressources à Moscou. D’autres actions étaient prévues pour l’année 2003. Les membres d’Amnesty International à travers le monde continueront à faire pression sur le gouverne- ment russe pour qu’il s’acquitte de son obligation de protéger et de promouvoir les droits humains, de manière à ce que chacun puisse obtenir justice dans la Fédération de Russie.

Israël et Territoires occupés L’année 2002 a été marquée par une aggravation de la crise des droits humains qui accompagne le soulève- ment palestinien (Intifada d’al Aqsa) déclenché en 2000 contre l’occupation israélienne. Chaque jour, des Palestiniens ont été tués ou blessés ; leurs maisons et leurs moyens de subsistance ont été détruits et leur liberté de circulation a été considérablement res- treinte. Les défenseurs des droits humains, y compris des membres d’Amnesty International en Israël et dans des territoires relevant de l’Autorité palesti- nienne, ont été exposés à de graves dangers alors que Cérémonie organisée par la section de Hong Kong les deux camps s’enfonçaient plus avant dans l’engre- d’Amnesty International dans une rue piétonne très nage de la violence. L’armée israélienne a perpétré des passante, à l’occasion du lancement de la campagne atrocités contre des Palestiniens, tandis que des Justice pour tous ! sur les droits humains dans la groupes palestiniens ont délibérément pris pour cibles Fédération de Russie. Les médias en langue chinoise des civils israéliens en commettant des attentats- de Hong Kong ont couvert l’événement. © AI suicides. Le nombre de victimes, tant palestiniennes qu’israéliennes, a plus que doublé en 2002 par rap- couches sociales les plus pauvres. Les enfants eux- port à l’année précédente. Parmi elles figuraient plus mêmes ne sont pas épargnés. Les membres des minori- de 100 enfants palestiniens, pour la plupart abattus tés ethniques ou nationales sont visés de façon en toute illégalité par l’armée israélienne, et disproportionnée par la police, qui leur fait subir des 45 enfants israéliens, tués lors d’attaques menées par contrôles d’identité souvent suivis d’arrestations arbi- des Palestiniens armés. Plusieurs milliers d’autres traires ou de mauvais traitements. Les demandeurs Palestiniens et Israéliens ont été blessés ou mutilés. d’asile et les réfugiés se heurtent à des difficultés Les assassinats de Palestiniens par l’armée israélienne accrues liées au fait que leurs papiers ne sont pas recon- ont contribué à l’exacerbation de la violence au sein nus par la police. Dans certaines régions, des commu- même de la société palestinienne. De très nombreux nautés entières sont privées d’un certain nombre de Palestiniens soupçonnés d’avoir aidé les services de leurs droits économiques, civils et politiques. renseignements israéliens à commettre ces homicides La quasi-impunité dont bénéficient les auteurs de ces ont en effet été victimes d’exécutions illégales perpé- agissements explique en partie la persistance des trées par d’autres Palestiniens. Les forces israéliennes atteintes aux droits humains. Dans toute la Fédération ont tué plusieurs milliers de Palestiniens, parmi les- de Russie, des victimes de violations se voient privées quels se trouvaient de nombreux enfants. Si la plupart de leur droit à obtenir justice ; en effet, les pouvoirs des personnes appréhendées ont été rapidement publics ferment les yeux sur ces violences, et même les remises en liberté, des centaines d’autres ont été pla- cautionnent. Les autorités se soustraient à leur obliga- cées en détention administrative sans inculpation ni tion de conduire des enquêtes exhaustives sur toute jugement. Ces mesures étaient prises sur la base allégation de violation des droits humains et de tra- d’« éléments de preuve secrets », auxquels ni les détenus duire en justice les responsables présumés. Elles ne ni leurs avocats ne pouvaient avoir accès et qui ne sanctionnent pas les violences racistes et les comporte- pouvaient être contestés devant un tribunal. Un grand ments discriminatoires des agents de la force publique. nombre de ces personnes détenues ont affirmé qu’elles Elles ne font rien pour protéger les femmes contre les avaient été maltraitées. 20 Introduction Après avoir repris le contrôle de la plus grande partie de pertes d’emploi massives entraînant l’effondrement des territoires relevant de l’Autorité palestinienne, de l’économie palestinienne. Le taux de chômage est l’armée israélienne a imposé dans tous les Territoires passé au-dessus de la barre des 50 p. cent. Près de la occupés des bouclages et des couvre-feux permanents et moitié de la population palestinienne vivait en dessous prolongés, d’une ampleur sans précédent. La plupart du seuil de pauvreté et dépendait pour sa survie des villes et des villages palestiniens ont été coupés les presque entièrement de l’aide extérieure.

Des militantes originaires de plus de 60 pays rassemblées devant l’ambassade d’Israël au Royaume-Uni en signe de solidarité avec les femmes victimes de violations des droits humains en Israël et dans les Territoires occupés (avril 2002). © AI/Ayse Hassan uns des autres et isolés du monde extérieur pendant Tout au long de l’année, des délégations d’Amnesty une grande partie de l’année. Ces sanctions collectives International se sont succédé presque sans interruption draconiennes ont touché des millions de Palestiniens, en Israël et dans les Territoires occupés. Un grand qui ont rencontré d’énormes difficultés pour se rendre nombre de délégués ont travaillé au risque de leur vie à leur travail ou à l’école et recevoir des soins médi- pour lever le voile sur les événements qui se déroulent caux, ou qui en ont même été empêchés. À plusieurs sur place. L’organisation n’a cessé de condamner les reprises, des soldats israéliens ont interdit l’accès de homicides illégaux, la destruction injustifiée de biens villes de Cisjordanie ou de Gaza à des délégués appartenant à des civils, les entraves mises délibéré- d’Amnesty International, ainsi qu’à des membres ment à l’aide humanitaire, les homicides sur la per- d’organisations humanitaires, à du personnel médical sonne de membres du personnel médical et les et à des journalistes. Deux missions d’enquête des attentats-suicides visant des civils. Elle a également Nations unies qui devaient se rendre en Israël et dans adressé un message clair aux deux parties au conflit, les Territoires occupés ont dû y renoncer, les autorités affirmant que rien ne saurait justifier que des civils israéliennes leur en ayant refusé l’accès. soient pris pour cible délibérément, que ce soit lors Les bouclages, les couvre-feux et la destruction de d’attaques visant à provoquer la mort ou dans des biens appartenant à des Palestiniens ont été à l’origine actes de destruction. 21 Rapport 2003 La crise des droits humains en Israël et dans les leur préoccupation quant à l’aggravation de la situa- Territoires occupés est l’une des questions les plus sou- tion. Or les projets avancés par les principaux acteurs vent évoquées par la communauté internationale. de la communauté internationale sur le thème de la C’est aussi l’une de celles sur lesquelles cette même « paix » et de la « sécurité » mentionnent rarement, communauté agit le moins. Les chefs d’État et de gou- voire jamais, la question des droits humains. À ce jour, vernement, les Nations unies, l’Union européenne, la aucune mesure concrète n’a été prise au niveau interna- Ligue arabe, entre autres, font part régulièrement de tional pour faire en sorte que les parties au conflit res- pectent les obligations et les engagements en matière de droits humains qu’elles ont contractés. À cet égard, la communauté internationale a manqué à son devoir envers les victimes palestiniennes et israéliennes. Amnesty International n’a cessé de réclamer, aux côtés de nombreuses ONG palestiniennes, israéliennes et internationales, l’envoi d’observateurs internationaux chargés de veiller au respect des droits humains en Israël et dans les Territoires occupés. Bien que cette demande ait reçu un large soutien au niveau interna- tional, notamment des Nations unies et de l’Union européenne, la communauté internationale s’est abste- nue de toute réaction lorsque Israël l’a rejetée. Amnesty International ne prétend pas que la mise en place de tels mécanismes peut résoudre à elle seule tous les problèmes existant dans cette situation com- plexe, mais elle est convaincue que si des observateurs avaient été envoyés dans la région dès le début de la crise actuelle, leur présence aurait pu contribuer à sau- ver des vies palestiniennes et israéliennes. Il est encore temps de remédier aux manquements passés.

Un Palestinien montre les décombres d’un Montée de la pression sur l’Irak bâtiment sous lesquels l’un de ses proches a été La menace d’une intervention militaire conduite par enseveli vivant. Camp de réfugiés de Jénine, les États-Unis s’est précisée en 2002. En janvier, le 17 avril 2002. © AI président américain a déclaré que l’Irak appartenait à un « axe du mal ». Il a, par la suite, appelé à un chan- gement de régime dans ce pays. Le gouvernement américain a accusé l’Irak de posséder des armes de des- truction massive, en violation des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, ce qui consti- tuerait une « menace pour la sécurité des États-Unis ». En novembre, le Conseil de sécurité a adopté la réso- lution 1441, qui sommait l’Irak de supprimer ses armes de destruction massive. Cette résolution accor- dait des pouvoirs considérables aux inspecteurs des armements de l’ONU. Il y était notamment précisé qu’ils auraient « accès immédiatement, sans conditions et sans restrictions » à tous les sites irakiens. L’Irak était averti des « graves conséquences » auxquelles il aurait à faire face s’il ne profitait pas de cette « der- nière possibilité » de coopérer et de s’acquitter de ses obligations en matière de désarmement. Les nombreuses discussions où ont été avancés des argu- ments pour et contre la guerre ont révélé une indiffé- rence totale pour les vies humaines, ainsi que pour la sûreté et la sécurité du peuple irakien. Son sort futur, au lendemain du conflit, est malheureusement resté le Irene Khan, secrétaire générale d’Amnesty grand absent des débats, de même que les répercussions International, et Petter Eide, secrétaire général de potentielles de la guerre sur les droits fondamentaux des la section norvégienne, au chevet d’une victime populations vivant dans les pays voisins. d’un attentat-suicide. Centre médical Sheba, Tel Amnesty International, qui recense et dénonce avec Hashomer (Israël), avril 2002. © Hanan Shafir force depuis des décennies les violations généralisées 22 Introduction des droits humains en Irak, a intensifié ses efforts, au Les délégués de l’organisation se sont rendus en cours de l’année 2002, pour que le Conseil de sécurité Jordanie, au Liban et en Turquie, pays voisins de l’Irak, des Nations unies n’agisse pas uniquement en fonc- pour évaluer les conséquences probables d’un afflux tion de considérations politiques et au nom de la sécu- massif de réfugiés irakiens en cas de guerre. Amnesty rité, mais envisage aussi les répercussions inévitables de International a insisté auprès des gouvernements sur les la guerre dans le domaine humanitaire et dans celui dangers liés à l’utilisation de certaines armes et tactiques des droits humains. militaires, non discriminantes par nature. Les membres d’Amnesty International à travers le Fin 2002, les membres de l’organisation à travers le monde ont demandé à leurs propres gouvernements monde demeuraient en état d’alerte maximale et se et aux membres du Conseil de sécurité de garantir la tenaient prêts à réagir aux crises qui ne manqueraient protection des droits du peuple irakien. Ils ont aussi pas de se déclarer, dans le domaine humanitaire et évoqué les graves conséquences auxquelles il fallait dans celui des droits humains, si la guerre éclatait. s’attendre en cas de guerre contre l’Irak, tant sur le plan humanitaire que sur celui des droits humains : Afghanistan : une année de transition les bombardements ou les combats à l’intérieur du Lorsque la communauté internationale a porté son pays feraient vraisemblablement des morts parmi la attention sur l’Irak, elle a commencé à se désintéresser population civile ; sans doute y aurait-il un exode de l’Afghanistan, où s’était déroulée l’intervention massif de réfugiés ; enfin, des enfants, des personnes militaire dirigée par les États-Unis au nom de la âgées ou appartenant à des catégories de population « guerre contre le terrorisme ».

Cours d’alphabétisation dans la prison de Mazar-e-Charif (Afghanistan) en novembre 2002. © AI/Anou Borrey vulnérables, subissant depuis douze ans les retombées À la suite de l’accord de Bonn – conclu sous l’égide des des sanctions économiques imposées par les Nations Nations unies en décembre 2001 afin de ramener la unies, périraient de faim ou de maladie. La secrétaire paix dans le pays après la chute des –, un gou- générale d’Amnesty International a prié instamment vernement intérimaire a été formé avec pour mission le Conseil de sécurité de n’envisager le recours à la de diriger le pays jusqu’à la réunion, en juin, d’une force qu’en dernier ressort. Loya Jirga (Assemblée tribale suprême) d’urgence. 23 Rapport 2003 Bien que la situation des droits humains ait connu des Les réfugiés améliorations importantes, de graves violations des Dans de nombreux pays, les gouvernements et les droits fondamentaux ont continué d’être commises, médias destinés au grand public ont présenté les réfu- particulièrement contre les femmes. Ces agissements giés et les demandeurs d’asile comme des fauteurs de étaient facilités et encouragés par la faiblesse des insti- trouble, voire des « terroristes en puissance », plutôt que tutions et l’insuffisance de la sécurité. Les semaines qui comme des personnes fuyant la terreur. Dans la plu- ont précédé la réunion de la Loya Jirga, par exemple, part des régions du monde, obtenir une protection est ont été marquées par une recrudescence des violences, devenu une véritable gageure. On a encouragé l’appli- notamment des actes d’intimidation envers des délé- cation de politiques et le recours à des pratiques qui guées potentielles à cette assemblée. empêchent dans les faits l’accès au territoire et aux La Loya Jirga a décidé la composition d’un gouverne- procédures d’asile, qui diminuent la qualité de la pro- ment de transition chargé de diriger le pays pendant tection et portent atteinte aux droits fondamentaux les dix-huit mois à venir. Les luttes de factions se sont des réfugiés, parmi lesquels figurent le droit de cher- toutefois poursuivies dans certaines régions du pays, cher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays, le de même que les bombardements américains contre droit de ne pas être arbitrairement détenu, le droit des combattants présumés des talibans ou d’Al Qaida. d’être à l’abri du renvoi forcé dans un pays où ils ris- En conséquence, le nombre de civils tués dans de telles quent la persécution. Ces droits sont inaliénables ; ils opérations n’a cessé d’augmenter. Par ailleurs, plus de constituent les normes minima jugées nécessaires pour 1,7 million de réfugiés sont revenus en 2002 dans leur garantir la sécurité, la dignité et l’intégrité physique et pays, où les attendait un avenir incertain et hasardeux. psychique des réfugiés. Sur le front des droits humains, la persistance de L’idée selon laquelle la Convention des Nations unies l’impunité constituait un des principaux problèmes ; relative au statut des réfugiés et le protocole s’y rap- le seul cas où des violations commises par le passé ont portant n’étaient plus adaptés aux mouvements de fait l’objet de poursuites judiciaires n’a servi qu’à réfugiés contemporains a été largement propagée, bien mettre en évidence l’incapacité des institutions qu’une déclaration reconnaissant l’«importance tou- actuelles à rendre la justice. jours actuelle » de la Convention ait réaffirmé, au mois Dans cette période critique qui succède au conflit, la de décembre 2001, l’engagement des États parties. Le position d’Amnesty International sur l’Afghanistan est fait que certains États puissent aujourd’hui juger fondée sur la conviction que les garanties en matière moins intéressant ou moins utile, politiquement par- de droits humains doivent être au cœur du processus lant, de remplir les obligations qui leur incombent en de relèvement et de reconstruction du pays. Dans cette vertu de la Convention ne diminue en rien son impor- optique, Amnesty International a décidé de rester pré- tance en tant qu’instrument primordial de la protec- sente sur le terrain, à Kaboul, pour une période d’un tion des droits humains. an à compter de juin. Son objectif est de s’engager Dans la plupart des pays développés, les gouverne- activement aux côtés du gouvernement et des ONG ments ont cherché à réduire le nombre des demandeurs locales et internationales basées en Afghanistan, de d’asile en renforçant les dispositifs de contrôle de mener des recherches sur des aspects clés du système l’immigration, de manière unilatérale ou au moyen de justice pénale et de formuler des recommandations d’accords bilatéraux notamment, au mépris des droits à l’égard du gouvernement de transition, des bailleurs humains et de leurs obligations internationales. Ces de fonds et des Nations unies. comportements sont incompatibles avec la nécessité L’accueil réservé à la présence d’Amnesty International d’assurer une protection aux réfugiés ; le contraste est a été d’autant plus favorable que de nombreux flagrant avec les lourdes charges assumées par de nom- Afghans avaient le sentiment que la communauté breux pays en développement, qui accueillent un internationale se désintéressait de leur pays, à l’heure où grand nombre de réfugiés. Face à un tel déséquilibre, il d’autres crises à travers le monde prenaient le pas sur les est urgent de créer à l’échelle internationale un sys- événements en Afghanistan. Amnesty International a tème fiable, afin d’encourager la solidarité et de répar- obtenu l’autorisation de pénétrer dans des lieux de tir les responsabilités en prenant les droits humains détention et dans des postes de police en de nombreux pour principe et la notion de protection pour axe. points du pays. Elle a pu affirmer sa solidarité avec les Tous les États, en leur propre nom et par le biais de la défenseurs locaux des droits humains et leur apporter coopération et de l’assistance internationales, doivent son soutien ; elle s’est particulièrement intéressée aux prendre des mesures visant à faire respecter et à proté- problèmes auxquels sont confrontées les femmes. ger les droits des réfugiés ; ils doivent s’efforcer de À la fin de l’année 2002, l’Afghanistan avait encore de rechercher des solutions durables. nombreux défis à relever. Instaurer la sécurité, com- Les gouvernements ont exercé des pressions crois- battre l’impunité, renforcer les institutions et pro- santes sur les réfugiés pour qu’ils rentrent chez eux mouvoir la protection des minorités constituaient « volontairement », alors même que pour certains la autant de tâches à entreprendre au cours du difficile situation dans leur pays était incertaine et fluctuante, processus de transition dans lequel s’est engagé le et donc avant que l’on puisse garantir que leur retour pays, après des décennies de guerre et de violations s’effectuerait dans des conditions de dignité et de constantes des droits humains. sécurité. Pour des raisons essentiellement politiques, 24 Introduction on a attisé dans plusieurs pays industrialisés un senti- du rapatriement et affaiblissent la protection garantie ment d’urgence destiné à justifier les projets de renvoi par la Convention relative au statut des réfugiés. des réfugiés afghans dans leur pays. À cette époque, Selon des informations particulièrement troublantes, l’Afghanistan avait désespérément besoin de res- des femmes et fillettes réfugiées auraient fait l’objet, sources pour entreprendre la reconstruction du pays de façon de plus en plus fréquente, de pratiques

Des milliers de personnes manifestent à Sydney contre le traitement réservé par le gouvernement australien aux réfugiés et aux demandeurs d’asile. © AP et assurer la pérennité des retours, et la protection d’exploitation et de sévices sexuels infligés notamment dont bénéficiaient les Afghans réfugiés au Pakistan et par des employés des organismes d’aide humanitaire. en Iran, deux pays voisins, restait largement insuffi- Des rapports publiés en 2002 au sujet de l’Afrique sante. Sans tenir compte de ces difficultés, plusieurs occidentale et du Népal montraient que l’exploitation États européens (notamment le Danemark, la France et les sévices sexuels comptaient parmi les symptômes et le Royaume-Uni), ainsi que l’Australie, ont insisté de l’incertitude prolongée dont souffraient des pour obtenir le renvoi dans leur pays d’un petit millions de réfugiés. Dans certains cas, les auteurs des nombre de réfugiés afghans. Les déclarations ambi- violences étaient les personnes mêmes qui étaient guës du haut-commissaire des Nations unies pour les chargées d’assurer aux réfugiés de bonnes conditions réfugiés n’ont guère contribué à mettre au premier de vie. Certes, il est essentiel de trouver une issue aux plan une question autrement plus pressante, source de situations créées par la présence prolongée de réfu- préoccupations persistantes : la protection des per- giés ; cependant, ces informations ont prouvé sonnes déplacées en Afghanistan et des réfugiés dans l’urgence de mettre en place des mécanismes indépen- les pays limitrophes. dants de surveillance, auprès desquels tous les réfugiés, Le rapatriement réellement volontaire est un des indi- quelle que soit leur situation, pourraient porter cateurs qui permettent de conclure qu’une société qui plainte. Autrement dit, il faut prévoir de tels méca- vient de subir un conflit est engagée dans un relève- nismes non seulement dans les camps, mais aussi dans ment durable. Cependant, les pressions exercées pré- les zones urbaines, où les allégations faisant état de maturément sur les réfugiés pour qu’ils rentrent chez sévices sexuels et d’autres formes d’exploitation sont eux compromettent le caractère réellement volontaire extrêmement nombreuses. 25 Rapport 2003 La Cour pénale internationale Statut de Rome, se disant inquiets à l’idée que cette L’entrée en vigueur, le 1er juillet, du Statut de Rome institution pourrait être utilisée pour engager contre de la Cour pénale internationale (CPI) constitue une des citoyens américains des enquêtes et des poursuites étape décisive de la longue lutte engagée pour que les judiciaires motivées par des considérations politiques. auteurs présumés des crimes les plus odieux, c’est-à- dire le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, soient déférés à la justice. Cet événement important, qui s’est produit des années plus tôt que prévu, illustre la volonté de la plus grande partie de la communauté internationale d’en finir enfin avec l’impunité pour les crimes les plus graves, qui joue un rôle essentiel dans la perpétuation de l’engrenage de la violence et des affrontements dans la plupart des régions du monde. Plusieurs questions doivent être résolues sans délai pour que la Cour puisse être efficace dès ses débuts. Par exemple, tous les États ayant ratifié le Statut de Rome doivent adopter des dispositions législatives leur permettant d’ouvrir des enquêtes sur les personnes

Aux Nations unies, en avril 2002, cérémonie en l’honneur de la Cour pénale internationale (CPI). Plus de 60 pays ont ratifié le Statut de Rome de la CPI, ce qui a déclenché l’entrée en vigueur de ce texte le 1er juillet 2002. En haut, à droite, la chaise vide du représentant des États-Unis. © Coalition pour la Cour pénale internationale accusées des crimes les plus graves, de les poursuivre Ces craintes sont infondées, puisque le Statut de devant les tribunaux nationaux, et de coopérer pleine- Rome contient d’importantes garanties destinées à évi- ment avec la Cour. À la fin de l’année, un petit ter une telle situation en assurant le respect des règles nombre d’États seulement avait adopté les lois néces- d’équité des procès. Cependant, en juin, les États-Unis saires. Par ailleurs, tous les États doivent signer, ratifier ont exigé que le Conseil de sécurité des Nations unies et appliquer l’accord sur les privilèges et immunités de assortisse la décision de proroger le mandat de la la Cour, dont la mise en œuvre permettra à cette juri- Mission des Nations unies en Bosnie-Herzégovine diction de s’acquitter de sa mission sans entrave sur le (MINUBH) d’une clause excluant de la compétence de territoire des États parties. À la fin de l’année, 24 États la Cour pénale internationale le personnel de maintien avaient signé l’accord sur les privilèges et immunités, de la paix envoyé par les États qui ne sont pas parties et un seul l’avait ratifié. au Statut de Rome. Les 14 autres membres du Conseil La Cour pénale internationale a connu des difficultés de sécurité ayant, dans un premier temps, refusé de se particulièrement préoccupantes du fait de l’attitude plier à cette exigence, les États-Unis ont opposé leur des États-Unis : en effet, ceux-ci se sont employés à veto à la prorogation de la mission de la MINUBH. Plus l’affaiblir. Ils ont annulé en mai leur signature du d’une centaine de pays ont demandé instamment au 26 Introduction Conseil de sécurité de ne pas céder aux pressions amé- La stratégie d’Amnesty International en matière de ricaines. Le 12 juillet, le Conseil a néanmoins adopté droits économiques, sociaux et culturels se centre sur la résolution 1422. En vertu de ce texte, dont l’appli- les personnes marginalisées. Ceux qui vivent dans cation est automatique sauf décision contraire, « s’il l’extrême pauvreté sont systématiquement privés de survenait une affaire concernant des responsables ou des toute une série de droits. Souvent, ils ne peuvent personnels en activité ou d’anciens responsables ou per- bénéficier de soins médicaux et ne disposent ni d’eau sonnels d’un État contributeur qui n’est pas partie au pure ni d’une nourriture suffisante. Pour certains, il Statut de Rome à raison d’actes ou d’omissions liés à des est impossible de fréquenter un établissement d’ensei- opérations établies ou autorisées par l’Organisation des gnement ou de trouver un emploi. Beaucoup d’entre Nations unies, la Cour pénale internationale, pendant eux sont victimes de déplacements forcés qui les une période de douze mois commençant le 1er juillet 2002, contraignent à quitter leur terre. La police refuse sou- n’engagera ni ne mènera aucune enquête ou aucune pour- vent d’intervenir dans les quartiers ou les villages où ils suite, sauf si le Conseil de sécurité en décidait autrement ». vivent pour protéger les femmes contre les violences, En août, le président George W. Bush a promulgué empêcher les agressions racistes, défendre les plus l’American Servicemembers’ Protection Act (Loi pour la pauvres face à la criminalité. protection du personnel des forces armées améri- Lorsque des personnes marginalisées s’adressent aux caines), en vertu de laquelle les États-Unis ne coopére- tribunaux, à la police, à des organismes chargés de la ront pas avec la Cour pénale internationale dans le réglementation ou à des instances administratives cadre d’enquêtes ou de poursuites pénales engagées pour tenter d’obtenir justice, leurs démarches sont contre des citoyens américains ; ils refuseront par rendues plus difficiles, voire vouées à l’échec, par un ailleurs toute aide militaire aux États qui auront ratifié certain nombre de facteurs : l’analphabétisme et la le traité (à quelques exceptions près) et utiliseront pauvreté, mais aussi des attitudes discriminatoires ou « tous moyens appropriés » pour ramener aux États-Unis arbitraires et des abus de pouvoir exercés envers elles. toute personne détenue par la CPI. Elles rencontrent de nombreux obstacles qui les Les autorités américaines ont également demandé aux empêchent d’accéder aux mécanismes de réparation. gouvernements du monde entier de conclure des accords Elles se heurtent généralement à un refus motivé par d’impunité bilatéraux en vertu desquels ils s’engageraient leur origine ethnique, leur religion ou leur langue, ou à ne pas livrer ni remettre des ressortissants américains à n’ont tout simplement pas la possibilité d’utiliser ces la CPI. Elles ont exercé des pressions extrêmement fortes recours parce qu’elles sont pauvres et n’ont aucune pour obtenir satisfaction, en menaçant souvent de sus- influence sur les autorités. Dans la plupart des cas, pendre leur assistance militaire. À la fin de l’année, l’exclusion des femmes et des jeunes filles est encore 17 États avaient signé de tels accords avec les États-Unis, plus prononcée. dont aucun n’a encore été ratifié à ce jour. Amnesty International estime que les conditions Amnesty International a engagé les États-Unis à cesser d’existence des populations qui sont systématiquement leurs attaques contre la Cour pénale internationale et à privées de la totalité ou d’une partie de leurs droits se joindre à la communauté internationale dans son économiques, sociaux et culturels font au quotidien la combat contre l’impunité. preuve de l’interdépendance de tous les droits de la personne humaine. Les droits économiques, sociaux et culturels Afin de se donner les moyens de travailler sur les En cette année 2002, dans un monde placé sous le droits économiques, sociaux et culturels, l’organisation signe de la mondialisation, où une minorité disposait cherche à renforcer ses compétences et à développer d’immenses richesses et d’un large éventail de possibi- des liens avec des groupes déjà actifs dans ces lités tandis que la grande majorité restait vouée au domaines. Un bon départ a été pris en 2002 avec le désespoir et au dénuement, on a beaucoup entendu lancement de plusieurs projets pilotes sur des ques- parler de guerre. Mais il s’agissait de faire la guerre à tions comme la discrimination contre les personnes des nations, pas de combattre la pauvreté. Amnesty souffrant d’un handicap mental en Bulgarie, le droit International s’est engagée pour sa part dans une au travail des Palestiniens dans les Territoires occupés, direction nouvelle en décidant de placer son action en la discrimination exercée contre les réfugiés et per- faveur de la justice non plus seulement sur le terrain sonnes déplacées bosniaques en matière économique du droit, mais aussi sur le terrain social. En élargissant et sociale, ou le droit à la santé des victimes du le champ de ses activités aux droits économiques, VIH/sida en Afrique orientale et en Afrique australe. sociaux et culturels, Amnesty International est déter- Dans le cadre de son action sur les droits écono- minée à démontrer l’interdépendance des droits miques, sociaux et culturels, Amnesty International humains. Chacun d’eux a une valeur intrinsèque. s’efforce de mettre en avant les devoirs des différents Cependant, le respect et la pleine satisfaction de tel ou acteurs en la matière. Tout comme pour les droits tel droit sont parfois indispensables pour que soient civils et politiques, l’obligation de veiller au respect, à accomplis des progrès en ce qui concerne un autre la protection et à la pleine satisfaction de ces droits droit. Ainsi, même si la « sûreté de la personne » est au incombe principalement aux gouvernements natio- cœur des droits civils et politiques, cette notion est naux. Il arrive cependant que des États étrangers, des vide de sens si les gens souffrent de la faim. organisations internationales et des sociétés privées 27 Rapport 2003 bafouent les droits économiques, sociaux et culturels, des participants pour demander un contrôle rigoureux alors même qu’ils prennent par ailleurs des mesures des ventes d’armes. Les chefs d’État du G8 ont décidé pour les faire respecter. Or, non seulement ces États et d’« appuyer les efforts des pays africains et des Nations institutions ont dans ce domaine des obligations qui unies visant à mieux réglementer les activités des courtiers relèvent du droit, mais ils pourraient pour des raisons et des trafiquants d’armes et à éliminer les flux illicites éthiques œuvrer dans ce contexte en faveur d’objectifs d’armes à destination de l’Afrique et à l’intérieur de ce comme l’enseignement primaire pour tous ou l’éradi- continent », et de « soutenir la réforme du secteur de la cation de la faim et des maladies évitables. sécurité en aidant au développement de structures de police soumises à un contrôle démocratique ». Transferts d’équipements ou de compétences dans En juillet, Amnesty International a accueilli une les domaines militaire, de sécurité ou de police réunion internationale qui a rassemblé plusieurs ONG Tout au long de l’année, Amnesty International a et avocats pour rédiger le texte d’une convention sur le continué d’exhorter les gouvernements à mettre en commerce des armes sur la base des travaux d’une place des mesures rigoureuses, fondées sur les prin- commission composée de lauréats du prix Nobel de la cipes fondamentaux du droit humanitaire et des droits paix. Le traité proposé codifie les obligations qui humains, pour contrôler le courtage et les exportations incombent aux États en vertu du droit international, en interdisant l’exportation d’armes susceptibles de contribuer à des violations des droits humains et du droit humanitaire. Alors que l’attention de la communauté internationale était concentrée sur les armes de destruction massive, l’organisation a exhorté les gouvernements à ne pas utiliser d’armes frappant sans discrimination, et a continué à sensibiliser les esprits aux atteintes aux droits humains qui sont facilitées par la fourniture d’armes légères et de petit calibre, notamment dans les régions en proie à des conflits. Au mois d’août, la Sous-commission de la protection et de la promotion des droits de l’homme (Nations unies) a proposé la désignation d’un rapporteur spécial sur les armes légères. Amnesty International avait demandé la créa- tion d’un tel mécanisme en novembre 2001, lors d’une conférence internationale d’organisations huma- nitaires qui s’était tenue à Nairobi (Kenya). L’organi- sation a contribué aux débats de la Sous-commission. En octobre, peu avant le débat public consacré aux armes légères et de petit calibre par le Conseil de sécu- rité des Nations unies, Amnesty International a demandé, dans une lettre ouverte adressée au Conseil, que les exportations d’armes et les activités des cour- tiers et des transporteurs internationaux fassent l’objet de contrôles rigoureux. En novembre, le Conseil de sécurité a étudié le rapport le plus récent du Groupe d’experts qui a enquêté sur les violations des sanctions prises contre le Libéria, dont l’embargo sur les armes. Cette affiche illustre l’action menée par Amnesty Pour contribuer à réduire les atteintes aux droits International sur le maintien de l’ordre et les humains perpétrées dans ce pays, Amnesty droits humains dans les pays de la Communauté de International a soutenu la recommandation des développement de l’Afrique australe. © AI experts préconisant le maintien de l’embargo sur les armements, les munitions et les autres formes d’assis- d’armes. L’organisation s’est aussi employée à empê- tance militaire, imposé aux deux parties engagées dans cher le commerce de matériels de sécurité utilisés le conflit du Libéria. pour perpétrer des actes de torture, et à convaincre les Amnesty International a aussi travaillé sur des ques- États de la nécessité d’axer la formation de leurs tions relatives à la formation des militaires et des poli- forces de sécurité et de police sur le respect du droit ciers. Elle a publié un rapport intitulé Maintien de international humanitaire et du droit international l’ordre et protection des droits humains. Bilan des pra- relatif aux droits humains. tiques policières dans la Communauté de développement Lors de la réunion à Calgary (Canada) du Groupe de l’Afrique australe (1997-2002), qui a été largement des huit pays les plus industrialisés (G8), à la mi- diffusé dans la région. En liaison avec cette initiative, 2002, Amnesty International est intervenue auprès son travail de pression a été complété par des activités 28 Introduction de formation et des actions de recherche de soutiens depuis au moins dix ans et semblaient avoir pour extérieurs. Les groupes d’Afrique australe se sont parti- usage établi de ne pas appliquer ce châtiment, ou bien culièrement mobilisés à cette occasion. Dans au moins s’étaient engagés, devant la communauté internatio- trois pays, les autorités ont commencé à modifier leurs nale, à ne pas y recourir. Quatre-vingt-quatre autres lois à la suite de leurs interventions. pays et territoires maintenaient la peine capitale, mais L’organisation a également publié un rapport selon certains d’entre eux n’avaient pas prononcé de lequel les autorités des États-Unis se soustrayaient à condamnation à mort ni procédé à une exécution au leur obligation de promouvoir et de protéger les droits cours de l’année. humains lorsqu’elles dispensaient une formation au Le 25 avril, pour la sixième année consécutive, la personnel de l’armée ou de la police de plus de Commission des droits de l’homme a adopté une 150 pays. Grâce aux pressions de la sec- tion des États-Unis et depuis le mois de septembre, une nouvelle réglementation fait désormais obligation au secrétaire d’État de signaler chaque année au Congrès toute violation des droits humains reconnus à l’échelle internatio- nale à laquelle aurait participé une per- sonne de nationalité étrangère formée par les États-Unis, qu’il s’agisse d’un mili- taire ou d’un civil employé par un minis- tère de la Défense. Le département d’État et le ministère de la Défense des États-Unis devaient commencer à réper- torier toute atteinte aux droits humains commise par des personnes formées par le gouvernement américain. Les militants d’Amnesty International aux États-Unis ont également fait échec à des tentatives gouvernementales qui visaient à suppri- mer l’application aux programmes d’aide américains de conditions relatives au res- pect des droits humains dans les pays concernés.

La peine de mort Cette année encore, d’importants progrès ont été faits vers l’abolition de la peine de mort dans le monde entier, bien que de nombreux pays aient continué à exécuter des prisonniers. En avril, Chypre a aboli la peine de mort pour tous les crimes, le Code de justice militaire ayant été modi- fié de façon à supprimer ce châtiment pour les crimes de trahison et de piraterie qui y figuraient. Au mois de juin, c’est en République fédérale de Yougoslavie que cette abolition a eu lieu, toute référence à la peine capitale ayant été retirée des lois du Monténégro, seule partie du pays où cette sentence était encore applicable. En août, la Turquie a aboli la peine de mort pour les crimes en temps de paix. À la fin de l’année, 76 pays avaient aboli la peine de mort pour tous les crimes. Quinze autres l’avaient abolie sauf pour les crimes exceptionnels, tels que ceux commis en temps de guerre. Une ving- Un jeune homme non identifié pleure au milieu d’un groupe de taine étaient abolitionnistes dans les faits : spectateurs lors d’une pendaison publique à Téhéran (Iran) en ils n’avaient procédé à aucune exécution septembre 2002. © AP 29 Rapport 2003 résolution demandant l’instauration d’un moratoire du 13 mai, Mary Robinson, qui était alors haut- sur les exécutions. Elle a notamment prié instamment commissaire aux droits de l’homme, a décrit sa créa- tous les États qui conservaient la peine de mort de tion comme « un progrès important dans la campagne veiller à ce qu’elle ne soit pas imposée pour « des actes internationale qui est menée sans relâche pour limiter et, non violents comme […] les relations sexuelles entre un jour, éliminer le recours à la peine de mort partout adultes consentants ». dans le monde » [traduction non officielle]. Le Protocole no 13 à la Convention de sauvegarde des Les exécutions se sont cependant poursuivies. En droits de l’homme et des libertés fondamentales 2002, au moins 1526 personnes ont été exécutées (Convention européenne des droits de l’homme) a été dans 31 pays, et 3248 personnes, peut-être davan- adopté, le 21 février, par le Comité ministériel du tage, ont été condamnées à mort dans 67 pays. Ces Conseil de l’Europe. Il s’agit du premier traité interna- chiffres reflètent uniquement les cas dont Amnesty tional qui prévoit l’abolition de la peine de mort en International a eu connaissance. Les chiffres réels sont toutes circonstances, sans exception. Lorsqu’il a été certainement plus élevés. ouvert à la signature, le 3 mai, à Vilnius (Lituanie), 36 Un très petit nombre de pays a été le théâtre de des 44 États membres du Conseil de l’Europe l’ont l’immense majorité des exécutions à travers le monde. signé, indiquant ainsi leur intention de devenir États En 2002, 81 p. cent de toutes les exécutions recensées parties. Le protocole entrera en vigueur trois mois ont eu lieu en Chine, en Iran et aux États-Unis. après sa ratification par 10 États. À la fin de 2002, – En Chine, selon les données préliminaires dispo- cinq l’avaient ratifié. nibles, au moins 1 060 personnes ont été exécutées, En mai, la Coalition mondiale contre la peine de mort a dont la plupart n’avaient pas bénéficié d’un procès été fondée à Rome (Italie). Regroupant des organisa- équitable. Les chiffres réels étaient sans doute beau- tions nationales et internationales de défense des droits coup plus élevés. humains (dont Amnesty International), des associations – Cent treize exécutions au moins ont eu lieu en Iran. d’avocats, des syndicats et des collectivités locales et – Soixante et onze personnes ont été exécutées aux régionales, elle est issue du premier Congrès mondial États-Unis, dont trois n’avaient pas atteint l’âge de contre la peine de mort, qui s’est tenu à Strasbourg dix-huit ans au moment du crime pour lequel elles (France) en juin 2001. Dans une déclaration en date avaient été condamnées.

30 AMNESTY INTERNATIONAL

FONCTIONNEMENT mener à bien ses investigations et ses campagnes. Un mouvement démocratique Amnesty International est financée par les cotisations Amnesty International est un mouvement démocra- et les dons de ses membres et sympathisants dans le tique et autonome. Les principales décisions politiques monde entier. sont prises par un Conseil international (CI), composé Le budget international adopté pour la période allant de représentants de toutes les sections nationales. Le d’avril 2002 à mars 2003 était de 23 728 000 livres CI, qui se réunit tous les deux ans, est habilité à modi- sterling (quelque 34 637 000 euros), soit environ un fier les statuts qui régissent le travail et les techniques quart des sommes que les sections nationales allaient d’action de l’organisation. Des exemplaires de ces sta- probablement pouvoir collecter au cours de l’année tuts en différentes langues sont disponibles auprès du pour financer leurs campagnes et autres activités. Secrétariat international, à Londres. L’objectif fondamental d’Amnesty International est de Le CI élit un Comité exécutif international (CEI), com- mettre un terme aux violations des droits humains posé de bénévoles et chargé de mettre en œuvre les mais, avant de pouvoir atteindre ce but, elle essaye de décisions du CI, et nomme un secrétaire général à la fournir une aide concrète aux victimes. Le programme tête du Secrétariat international. Aujourd’hui, la secré- de secours (assistance financière) est un aspect impor- taire générale du mouvement est Irene Khan tant de cette démarche. (Bangladesh). Amnesty International fournit cette assistance finan- cière aux personnes qui en ont besoin, soit directe- ment, soit en passant par des intermédiaires locaux tels COMITÉ EXÉCUTIF que des organisations de défense des droits humains locales ou nationales, afin de garantir que les res- INTERNATIONAL sources sont utilisées aussi efficacement que possible au profit des plus démunis. Marian Pink Autriche Entre avril 2002 et mars 2003, le Secrétariat interna- tional de l’organisation a versé, dans le cadre de son Paul Hoffman États-Unis programme de secours, environ 48 000 livres sterling Claire Paponneau France (soit environ 70100 euros) à des victimes de violations des droits fondamentaux. Cette aide financière a été Samuel Zan Akologo Ghana accordée à des prisonniers d’opinion, incarcérés ou Colm Ó Cuanacháin Irlande récemment libérés, et à des personnes à leur charge, ainsi qu’à des victimes de torture afin qu’elles puissent Margaret Bedggood Nouvelle-Zélande recevoir les soins dont elles avaient besoin. Les sections Jaap Rosen Jacobson Pays-Bas et les groupes ont distribué des fonds supplémentaires, essentiellement sous forme de sommes modestes Hans Landolt Pérou allouées par les groupes locaux aux prisonniers d’opi- Rafael Barca Secrétariat international nion qu’ils avaient adoptés et à leurs familles.

Sur Internet Financement Le site d’Amnesty International a pour but de rendre Les ressources d’Amnesty International proviennent accessibles sur Internet toutes les informations sur les essentiellement des fonds réunis par les groupes droits humains dont dispose Amnesty International. Ce locaux de bénévoles, les sections nationales et les site (www.amnesty.org) contient plus de 20 000 pages réseaux. L’organisation ne cherche à obtenir ni et enregistre plus de 12 000 connexions par jour en n’accepte aucune subvention des gouvernements pour provenance du monde entier. Pendant l’année 2002, 31 Rapport 2003 les documents d’Amnesty International ont été plusieurs langues. En outre, un plus grand nombre consultés environ 30 millions de fois sur ce site. d’outils devrait encourager nos sympathisants à agir et Le site présente la plupart des rapports d’Amnesty à participer à nos diverses campagnes, en ligne et par International publiés en anglais depuis 1996 et tous d’autres moyens. les derniers communiqués de presse décrivant les pré- On pourra aussi trouver sur le site des précisions sur les occupations de l’organisation quant à la situation des personnes à contacter dans les bureaux d’Amnesty droits humains dans le monde. Il fournit en outre des International implantés un peu partout dans le informations sur les dernières campagnes et sur les monde(http://web.amnesty.org/contacts/fraindex) ainsi appels à l’action les plus récents lancés par Amnesty que des liens avec des milliers de sites se rapportant aux International pour protéger les libertés fondamentales. droits humains. On peut également trouver sur le site des Éditions Les informations figurant sur le site www.amnesty.org francophones d’Amnesty International (EFAI) sont également disponibles dans les langues suivantes : (www.efai.org), entre autres les communiqués de arabe (www.amnesty-arabic.org), presse, les actions urgentes ainsi que les rapports, cam- espagnol (www.edai.org). pagnes et autres publications disponibles en français. En 2002, des appels à l’action en faveur de prisonniers MISSION d’opinion, de victimes de torture et de condamnés à Que fait Amnesty International ? mort ont été lancés sur le site. Des actions sur des Amnesty International unit à travers le monde des grands thèmes tels que la torture, le commerce des défenseurs des droits humains autour des principes armes, les relations économiques et les droits humains suivants : solidarité internationale ; action efficace en ont également été menées. faveur de chaque victime, partout dans le monde ; Des pages web ont été spécialement créées en relation universalité et indivisibilité des droits humains ; avec les crises des droits humains qui se sont poursui- impartialité et indépendance ; démocratie et respect vies dans certains pays et territoires spécifiques, mutuel. notamment en Irak, en Israël et dans les Territoires Sa vision est celle d’un monde où chacun peut se pré- occupés et en Colombie. Une pétition en ligne a per- valoir de tous les droits énoncés dans la Déclaration mis d’exhorter les gouvernements de différents pays à universelle des droits de l’homme et d’autres textes ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale interna- internationaux relatifs aux droits humains. Afin de tionale. Elle a rassemblé plus de 80 000 signatures en poursuivre cet idéal, Amnesty International mène de provenance du monde entier. Pour prendre connais- front recherche et action ; elle fait campagne pour pré- sance des derniers appels lancés, consulter le site venir et empêcher les graves atteintes aux droits à www.efai.org/agissez. l’intégrité physique et mentale, à la liberté de Compte tenu du succès que continue à avoir le site de conscience et d’expression et à une protection contre la campagne contre la torture, d’autres campagnes ont toute discrimination. été lancées sur Internet. La secrétaire générale de l’organisation, Irene Khan, a ainsi appelé les chefs ■ Elle mène campagne pour mettre fin aux assassinats d’État des pays du G8à convertir leurs promesses de politiques et aux « disparitions » ; protection des droits humains en mesures concrètes ■ elle s’oppose sans réserve à la peine de mort, à la tor- (voir le site http://web.amnesty.org/g8). ture et aux autres peines ou traitements cruels, inhu- En octobre 2002 Amnesty International a lancé une mains ou dégradants ; campagne mondiale sur la Fédération de Russie pour ■ elle mène campagne pour que les auteurs d’atteintes mettre l’accent sur l’écart qui existe entre, d’une part, aux droits humains soient déférés à la justice ; la protection de leurs droits fondamentaux à laquelle ■ elle cherche à obtenir la libération de tous les pri- peuvent aspirer les habitants de Russie en vertu du sonniers d’opinion, c’est-à-dire des personnes déte- droit international et de la législation nationale et, nues du fait de leurs convictions politiques ou d’autre part, la réalité, faite de violations systématiques religieuses ou pour toute autre raison de conscience de ces droits. Un site web en arabe, anglais, espagnol, ou du fait de leur origine ethnique, de leur sexe, de français et russe a été créé pour accompagner cette leur couleur, de leur langue, de leur nationalité ou campagne (www.amnesty.org/russia). En outre, plu- de leur origine sociale, de leur situation écono- sieurs sections d’Amnesty International ont créé leurs mique, de leur naissance ou de toute autre situation, propres sites. et qui n’ont pas usé de violence ni préconisé son Tout au long de l’année, des fonds provenant de usage ; sources diverses de par le monde ont été affectés au ■ elle œuvre pour que tous les prisonniers politiques développement des actions en ligne. Parmi les projets bénéficient d’un procès équitable dans un délai rai- en cours pour le site d’Amnesty International, il y a sonnable ; lieu de mentionner notamment l’amélioration des ■ elle s’oppose à certaines atteintes graves aux droits facilités d’accès et l’affichage du contenu dans économiques, sociaux et culturels ; 32 Amnesty International ■ elle s’efforce de convaincre les entreprises et institu- ■ elle appelle les groupes politiques armés à mettre fin tions économiques de promouvoir et d’encourager aux exactions telles que la détention de prisonniers le respect des droits humains ; d’opinion, la prise d’otages et les homicides illégaux ; ■ elle s’oppose aux atteintes aux droits humains perpé- ■ elle mène campagne pour qu’il soit mis fin à l’utili- trées par des agents non gouvernementaux lorsque sation d’enfants soldats. l’État a failli à son obligation de fournir une protec- tion efficace ; Amnesty International cherche également à : ■ elle lutte contre les atteintes graves au droit de ne ■ coopérer avec d’autres organisations non gouverne- pas être victime de discrimination ; mentales, les Nations unies et des organisations ■ elle cherche à venir en aide aux personnes en quête intergouvernementales régionales ; d’asile qui risquent d’être renvoyées dans un pays où ■ veiller au contrôle des transferts internationaux dans les elles pourraient voir leurs droits fondamentaux gra- domaines militaire, de sécurité ou de police, dans le vement bafoués ; souci de prévenir les atteintes aux droits humains ; ■ elle appelle les gouvernements à ne pas commettre ■ organiser des programmes d’éducation et de sensibi- d’homicides illégaux au cours des conflits armés ; lisation aux droits humains.

33 Rapport 2003

RECOMMANDATIONS

es chapitres de ce Rapport 2003 pour protéger des vies humaines, lorsque aucun consacrés aux pays comportent autre choix n’est possible ; Lde nombreux exemples des atteintes ■ de veiller à ce que l’autorité soit exercée conformé- aux droits fondamentaux ment à la voie hiérarchique au sein de l’ensemble qu’Amnesty International des forces de sécurité ; s’est engagée à combattre. ■ d’interdire les escadrons de la mort, les armées pri- L’organisation exhorte tous les vées et les forces paramilitaires agissant en dehors du détenteurs de l’autorité dans contrôle hiérarchique officiel. les différents pays ou territoires où des atteintes aux droits Torture et mauvais traitements humains sont commises Amnesty International exhorte les gouvernements à à adopter les mesures recommandées prendre des mesures pour lutter contre la torture et les ci-dessous. Des recommandations mauvais traitements. Elle leur demande notamment plus détaillées sont éventuellement d’ordonner aussi rapidement que possible l’ouverture incluses dans les entrées relatives d’enquêtes impartiales et efficaces sur les allégations de aux pays et territoires. torture et de traduire en justice les tortionnaires. Pour lutter contre la torture et les mauvais traite- Droit à la vie et à l’intégrité physique ments, l’organisation préconise par ailleurs : Assassinats politiques et « disparitions » Amnesty International appelle les gouvernements à ■ l’élaboration de lignes de conduite faisant claire- mettre un terme aux exécutions extrajudiciaires et aux ment savoir que la torture et les mauvais traitements «disparitions ». Elle demande que soient menées dans ne seront pas tolérés ; les meilleurs délais des enquêtes indépendantes et effi- ■ la suppression de la détention au secret et la possibi- caces sur ces violations, et que les responsables soient lité pour les détenus d’être examinés par un médecin traduits en justice. L’organisation prie instamment les indépendant et de consulter un avocat ; gouvernements : ■ l’interdiction d’utiliser les « aveux » obtenus sous la torture à titre de preuve devant les tribunaux ; ■ de manifester leur opposition totale aux exécutions ■ l’inspection des lieux de détention par des personnes extrajudiciaires et aux « disparitions » et de faire clai- indépendantes ; rement savoir aux forces de sécurité que ces pra- ■ la notification de leurs droits aux détenus ; tiques ne seront tolérées en aucune circonstance ; ■ la mise en place d’une formation relative aux droits ■ de mettre un terme à la détention secrète ou au humains pour le personnel chargé de l’application secret et d’instaurer des mesures afin que le lieu où des lois ; se trouvent les détenus soit connu et que leur pro- ■ le versement d’une indemnité aux victimes de tor- tection soit possible ; ture, assortie d’une prise en charge médicale et ■ d’offrir une protection efficace à quiconque risque d’une aide à leur réadaptation. d’être victime d’une exécution extrajudiciaire ou d’une « disparition », y compris aux personnes ayant Peine de mort reçu des menaces de mort ; Amnesty International demande aux États d’abolir la ■ de veiller à ce que les responsables de l’application peine capitale dans la législation et dans la pratique. des lois ne fassent usage de la force que lorsque cela Dans l’attente de l’abolition complète de ce châti- est strictement nécessaire et ne causent que le mini- ment, elle les engage à commuer toutes les condamna- mum de dommages et d’atteintes à l’intégrité phy- tions à mort, à décréter un moratoire sur les sique, la force meurtrière ne devant être utilisée que exécutions, à respecter les normes internationales 34 D’AMNESTY INTERNATIONAL

restreignant le champ d’application de la peine de Équité des procès mort et à appliquer les normes d’équité les plus rigou- Amnesty International demande que tous les prisonniers reuses dans les affaires passibles de la peine capitale. dont le cas comporte un aspect politique bénéficient dans les meilleurs délais d’un procès équitable sur la base Questions relatives au fonctionnement de chefs d’inculpation prévus par la loi ou, à défaut, de la justice pénale qu’ils soient libérés. L’organisation demande que ces Impunité procès soient conformes aux règles internationales Littéralement, le terme « impunité » signifie « absence d’équité les plus élémentaires. Cela implique notamment de punition ». Amnesty International l’emploie pour qu’ils respectent le droit de l’accusé d’être entendu équi- dénoncer le fait que des États manquent à leur devoir tablement par un tribunal compétent, indépendant et de réparation en ne poursuivant pas en justice les res- impartial, le droit de disposer du temps et des moyens ponsables d’atteintes aux droits humains. Laisser ces nécessaires pour préparer sa défense et le droit d’interje- derniers commettre leurs exactions sans qu’ils aient à ter appel devant une juridiction supérieure. en assumer les conséquences contribue à faire en sorte que ces pratiques se perpétuent. Conditions carcérales L’impunité prive les victimes et leurs proches de leurs Amnesty International exhorte les gouvernements à droits à faire établir et reconnaître la vérité, à ce que faire en sorte que les conditions carcérales ne consti- justice leur soit rendue et à obtenir réparation effective. tuent pas une peine ou un traitement cruel, inhumain Amnesty International demande aux États d’ordonner ou dégradant, en se conformant aux normes interna- dans les plus brefs délais l’ouverture d’enquêtes impar- tionales concernant le traitement des prisonniers. tiales et efficaces sur les allégations d’atteintes aux droits fondamentaux, et de déférer les responsables Économie et protection des droits humains présumés à une cour de justice respectant les normes Droits économiques, sociaux et culturels internationales d’équité. Les droits de la personne humaine étant indivisibles et L’organisation s’oppose aux amnisties générales pour interdépendants, il n’est pas possible de mener un tra- les auteurs d’atteintes aux droits humains dans les vail efficace en faveur des droits civils et politiques sans situations d’après-conflit. Rechercher la vérité sur ce lutter également contre les atteintes aux droits écono- qui s’est passé, établir les responsabilités et traduire en miques, sociaux et culturels. Amnesty International a justice les responsables présumés sont les seuls moyens donc élaboré un programme de travail sur la mise en de restaurer la confiance dans le système judiciaire et œuvre de ces droits. de garantir le respect des droits fondamentaux. Les droits économiques, sociaux et culturels trouvent leur fondement dans le droit international. Les juris- Prisonniers d’opinion prudences de nombreux pays – auxquelles s’ajoute une Amnesty International demande la libération immé- tendance à inscrire ces droits dans les réformes consti- diate et inconditionnelle de tous les prisonniers tutionnelles – montrent qu’il est possible de les faire d’opinion. Les prisonniers d’opinion sont des per- respecter en recourant à des moyens légaux. En outre, sonnes détenues du fait de leurs convictions poli- de nombreux textes internationaux autorisent des indi- tiques ou religieuses ou pour toute autre raison de vidus ou des collectivités à porter plainte pour atteinte conscience, ou du fait de leur origine ethnique, de à leurs droits économiques, sociaux et culturels auprès leur sexe, de leur couleur, de leur langue, de leur d’organisations intergouvernementales comme nationalité ou de leur origine sociale, de leur situa- l’Organisation internationale du travail (OIT), tion économique, de leur naissance ou de toute autre l’UNESCO (Organisation des Nations unies pour l’édu- situation, et qui n’ont pas eu recours à la violence ni cation, la science et la culture), ou les instances régio- préconisé son usage. nales africaines et interaméricaines. 35 Rapport 2003 Les actions d’Amnesty International dans ce domaine qu’aucune réparation ni indemnisation n’ont été ont notamment porté sur des projets relatifs aux droits proposées aux victimes. à la santé, à la nourriture, à l’éducation et à l’emploi. Discrimination Entreprises et institutions économiques Amnesty International lutte contre les atteintes graves La sphère politique est de plus en plus influencée et au droit à ne pas être victime de discrimination. Elle dominée par les intérêts de l’économique, dont le déve- considère comme prisonniers d’opinion les personnes loppement se fait trop souvent au mépris des droits élé- détenues uniquement du fait de leur couleur de peau, mentaires. Amnesty International estime que les parties de leur origine ethnique, de leur sexe, de leur orienta- prenantes de ce secteur (entreprises, institutions finan- tion sexuelle ou de leur religion. cières internationales, forums économiques régionaux L’organisation appelle les États à prendre des mesures et internationaux, organisations non gouvernementales préventives contre la discrimination, qu’elle soit le fait et intergouvernementales concernées) sont comptables de leurs représentants ou de personnes privées, en rati- des conséquences de leurs activités, et qu’elles sont fiant les textes internationaux contre la discrimination tenues de veiller à ce que celles-ci ne portent pas dont la Convention internationale sur l’élimination de atteinte aux droits fondamentaux de la personne. toutes les formes de discrimination raciale et la Amnesty International s’efforce de convaincre un Convention des Nations unies sur l’élimination de nombre croissant d’acteurs économiques de définir et toutes les formes de discrimination à l’égard des de mettre en pratique un ensemble de mesures femmes – et en veillant à ce que leurs législations natio- concrètes portant sur le respect et la protection des nales prohibent ces pratiques. Qu’il s’agisse de textes droits humains. internationaux ou de législations nationales, leurs dis- positions doivent être intégralement appliquées. Agents non gouvernementaux Amnesty International utilise l’expression « agents non Demandeurs d’asile et réfugiés gouvernementaux » pour désigner les personnes (parti- Amnesty International invite les gouvernements à culiers ou groupes) qui agissent à titre privé, sans veiller à ce qu’aucun demandeur d’asile ne soit ren- représenter un État ni un groupe politique armé. voyé dans un pays où il risque de voir ses droits fonda- Aux termes des textes internationaux relatifs aux droits mentaux bafoués. Elle appelle en outre les humains, tout État a le devoir de faire respecter, de gouvernements à faire en sorte que les personnes en protéger et d’appliquer les droits élémentaires de quête d’asile aient accès individuellement à une procé- l’ensemble des personnes présentes sur son territoire. dure d’examen équitable et impartiale de leur requête Si un gouvernement manque à cette obligation, il par- et qu’elles ne soient pas détenues arbitrairement ni tage la responsabilité d’éventuelles violations des droits soumises à d’autres formes de pressions indues. humains avec les auteurs de celles-ci. Amnesty International se donne donc la possibilité d’intervenir Conflits armés lorsqu’un État manque à ce devoir qui est de protéger Les droits fondamentaux en temps de guerre les personnes présentes sur son territoire des exactions Dans les situations de conflit armé, Amnesty commises par des agents non gouvernementaux. International continue de s’opposer à la peine de Amnesty International lutte contre les atteintes aux mort, à la torture et aux autres formes de mauvais trai- droits humains perpétrées par des agents non gouver- tements, aux « disparitions », aux homicides illégaux et nementaux : à la détention de prisonniers d’opinion. L’organisation ne prend pas position sur les conflits ■ lorsque celles-ci s’apparentent en nature et en gra- armés, le service militaire (même si elle considère vité aux violences auxquelles Amnesty International comme des prisonniers d’opinion les objecteurs de s’opposerait si elles étaient commises par des agents conscience incarcérés du fait de leur objection au ser- de l’État (par exemple, les meutres pour des ques- vice militaire) ni la conscription (sauf l’enrôlement tions d’honneur, l’infanticide, les mutilations géni- d’enfants soldats). Elle s’oppose aux attaques directes tales féminines, l’esclavage, l’asservissement pour contre les populations civiles, ainsi qu’aux attaques dettes, la prostitution forcée) ; menées sans discrimination ou de façon dispropor- ■ et lorsqu’il est établi que le gouvernement a failli tionnée. Enfin, elle exhorte l’ensemble des belligérants aux obligations qui lui incombent aux termes du à respecter les dispositions du droit international droit international, à savoir de chercher à mettre humanitaire. un terme à ces exactions. Il y a présomption de complicité ou de négligence lorsque le gouverne- Enfants soldats ment n’a rien fait pour punir ni prévenir ces Amnesty International lutte pour faire cesser l’enrôle- atteintes, que ces actes ne tombent sous le coup ment d’enfants soldats et obtenir la protection des d’aucune interdiction ni disposition légales, et enfants dans les situations de conflits armés. 36 Recommandations

Groupes politiques armés d’armes, afin de garantir que les transferts MSP aux- Amnesty International s’oppose aux actes de torture, quels ils participent ne contribuent pas à des viola- aux prises d’otages, aux homicides illégaux et autres tions graves des droits humains dans d’autres pays. atteintes graves commises par des groupes politiques ■ Elle a demandé la suspension immédiate de l’utilisa- armés. Elle utilise différents moyens pour faire tion d’armes à électrochocs par les policiers ou les connaître son action (appels directs, publications ou membres du personnel pénitentiaire, tant que l’inno- interventions auprès des médias) et fonde sa position cuité de ces équipements n’aura pas été prouvée. sur les normes énoncées par le droit international ■ Elle appelle les gouvernements à contrôler de façon humanitaire. stricte la circulation des équipements antiémeutes (canons à eau, balles de plastique ou de caoutchouc, Transferts d’équipements ou de compétences agents chimiques comme le gaz poivre ou le gaz dans les domaines militaire, de sécurité lacrymogène), au niveau national et international, et de police (MSP) afin qu’ils ne tombent pas entre les mains de respon- Amnesty International exhorte les États à adopter et à sables d’atteintes aux droits humains. appliquer des lois et des réglementations prohibant les ■ Enfin, elle continue d’exhorter les États à exercer des exportations d’armes, sauf si l’on peut raisonnable- contrôles stricts et un suivi rigoureux des transferts ment établir que ces armes ne contribueront pas à des d’équipements ou de compétences dans les atteintes graves aux droits fondamentaux, à des crimes domaines militaire, de sécurité et de police. contre l’humanité ou à des crimes de guerre. Défense et respect des droits humains ■ Elle demande aussi la mise en place au niveau interna- Amnesty International exhorte les États, d’une part à tional de dispositifs propres à permettre un contrôle ratifier sans réserve les instruments internationaux et effectif du commerce des armes de petit calibre. régionaux relatifs aux droits humains et, d’autre part, à ■ Elle appelle les gouvernements à prendre des mesures respecter et à promouvoir les dispositions contenues d’ensemble pour contrôler le trafic et la revente dans ces instruments.

37 Rapport 2003

LE MOUVEMENT

e chapitre propose un aperçu du travail effec- des militants locaux des droits humains comme avec tué par les membres et sympathisants des représentants officiels. Cd’Amnesty International en 2002. Il ne peut faire ressortir le nombre et la diversité des initiatives Actions urgentes prises au nom d’Amnesty International aux niveaux Lorsqu’il faut agir d’urgence en faveur de personnes local, national et régional. Des informations complé- sur le point d’être victimes de violations flagrantes mentaires sont disponibles auprès des sections (voir des droits fondamentaux, les bénévoles du monde Adresses des sections et structures dans le monde, entier sont alertés et des milliers de lettres, de téléco- en annexe) et sur les sites Internet de l’organisation. pies et de messages électroniques sont envoyés en Les activités d’Amnesty International prennent des l’espace de quelques jours. formes multiples : manifestations publiques, envois ✔ Au cours de l’année 2002, par l’intermédiaire de de lettres, éducation aux droits humains, organisa- son réseau Actions urgentes, Amnesty International tion de concerts dans le but de recueillir des fonds, a lancé 468 nouveaux appels en faveur de personnes lancement d’appels en faveur d’une personne en ayant été ou risquant d’être victimes de violations particulier, campagnes mondiales sur un pays ou un des droits humains, notamment de torture, de « dis- thème spécifique, démarches auprès des autorités parition », de condamnation à la peine de mort, de locales et travail de pression auprès des organisations mort en détention ou de renvoi forcé dans un pays intergouvernementales. où elles risquaient d’être victimes de violations de Amnesty International communique aux gouverne- leurs droits fondamentaux. ments les résultats de ses recherches en publiant des ✔ Par ailleurs, l’organisation a publié des mises à rapports circonstanciés et en alertant l’opinion jour pour 346 Actions urgentes déjà lancées, dont publique sur ses motifs de préoccupation. Pour ce 130 faisaient état d’informations positives. faire, l’organisation a recours à des dépliants, des ✔ Ces actions concernaient des personnes de 83 pays affiches, des publicités, des bulletins d’information et territoires. et Internet. Elle cherche à faire évoluer l’attitude des gouvernements et à modifier les lois iniques. Dans Actions à long et à moyen terme ce but, l’organisation fournit des informations aux Des milliers de groupes locaux, de groupes d’élèves médias, aux gouvernements et aux Nations unies, et ou d’étudiants ont participé à des actions à long et à les exhorte à agir. moyen terme en faveur de prisonniers d’opinion et Amnesty International s’efforce également de pro- d’autres personnes victimes de violations des droits mouvoir la sensibilisation aux droits humains et de humains. Ces groupes s’emploient à faire pression renforcer leur protection. Nous appelons les organi- directement sur les autorités, à sensibiliser l’opinion sations internationales à intervenir lorsqu’une crise publique aux motifs de préoccupation d’Amnesty semble probable. Nous tentons d’obtenir la protec- International, ainsi qu’à collaborer avec d’autres tion des réfugiés fuyant les persécutions et tra- personnes aussi bien au sein de leurs communautés vaillons avec les militants locaux des droits humains qu’au niveau international. En outre, lorsque cela qui sont harcelés ou risquent d’être agressés. est possible, ils maintiennent un contact direct avec les victimes et leurs familles en leur offrant un sou- Visites d’Amnesty International tien. Plus de 130 nouvelles actions ont ainsi été Au cours de l’année 2002, les délégués de l’organisa- menées en 2002 pour soutenir des victimes indivi- tion se sont rendus dans 76 pays et territoires où ils duelles et obtenir les réformes nécessaires à la pro- ont mené des recherches, rencontré des victimes tection de très nombreuses autres personnes. d’atteintes aux droits humains, assisté à des procès Beaucoup de dossiers ont connu une issue positive en qualité d’observateurs, et se sont entretenus avec en 2002. Citons-en quelques-uns : 38 Le mouvement en 2002

EN 2002

✔ Sept prisonniers d’opinion tibétains ont été libé- mesures spécifiques soient prises pour tenter de rés de la prison de Drapchi en Chine. mettre un terme à la culture de l’impunité en ✔ Aux Maldives, un prisonnier d’opinion qui avait Turquie et pour que les victimes de torture, parmi été condamné en 2001 à une peine de deux ans et lesquels figurent des enfants, puissent obtenir justice. demi de relégation a recouvré la liberté en ✔ Concernant la liberté d’expression et l’adminis- août 2002. tration de la justice en Iran : Amnesty International ✔ Au Kenya, deux médecins qui avaient fait l’objet a soulevé le problème de l’indépendance de la de menaces et risquaient de se voir radier de la liste magistrature et des mesures portant atteinte aux des praticiens pour avoir contribué à un rapport droits de la défense. d’autopsie ont vu les charges retenues contre eux ✔ Concernant la réforme de la police et la protec- abandonnées. En outre, les mesures qui restrei- tion des droits humains dans les pays de la gnaient la liberté des médecins participant à des Communauté de développement de l’Afrique aus- autopsies indépendantes ont été supprimées. trale, Amnesty International a travaillé aux côtés de militants locaux pour instaurer un dialogue avec la Diversité de l’action police et les forces de sécurité de la région sur des Tout au long de l’année, les sections et structures méthodes de maintien de l’ordre qui respectent les d’Amnesty International ont travaillé ensemble sur droits humains. des problèmes de droits humains dans toutes les ✔ Amnesty International a en outre dénoncé l’inca- régions du monde. Des techniques d’action très pacité des gouvernements guatémaltèques successifs diverses ont été utilisées pour mettre en lumière des à régler la douloureuse question des atteintes mas- cas individuels et obtenir que les politiques et les sives aux droits humains perpétrées pendant la pratiques évoluent afin d’empêcher les atteintes aux longue guerre civile qu’a connue le pays. droits humains. Les sections et structures d’Amnesty International ont exercé des pressions directes pour Campagne sur la Fédération de Russie susciter des réformes ; elles ont, par l’intermédiaire En octobre, Amnesty International a lancé une des médias, porté leurs motifs de préoccupation à la grande campagne mondiale dans le but de souligner connaissance du public ; elles ont aussi favorisé le fossé qui sépare la théorie, voulant que toute per- l’éducation et la formation aux droits humains, sonne vivant en Russie bénéficie des droits fonda- organisé des manifestations publiques, procédé à des mentaux garantis par les législations nationales et le envois de lettres et mené des actions sur Internet. droit international, et la réalité, caractérisée par les Voici quelques exemples d’actions organisées dans le innombrables violations commises dans un climat courant de l’année 2002 : d’impunité. L’organisation a publié un rapport inti- ✔ Concernant l’Afrique et le G8 (Sommet des tulé Fédération de Russie. Un pays sans véritable jus- nations les plus riches de la planète) : Amnesty tice (EUR 46/027/02), ainsi qu’une brochure et une International a soulevé le problème des transferts série de documents thématiques. d’armes entre les États les plus riches et certains Dans le monde entier, pour lancer cette campagne, États africains peu soucieux des droits humains, les membres d’Amnesty International ont organisé ainsi que celui de la responsabilité des gouverne- tout un éventail d’événements pour inviter le gou- ments du G8, qui doivent veiller à ce que leurs vernement russe à se conformer à ses obligations en actions en vue de prévenir les conflits en Afrique matière de protection des droits humains. intègrent la notion de respect des droits humains, ✔ Le coup d’envoi de la campagne Justice pour condition préalable à tout développement durable. tous ! a été donné le 29 octobre à Moscou par la ✔ Concernant la torture et l’impunité en Turquie : secrétaire générale d’Amnesty International, Irene Amnesty International a cherché à obtenir que des Khan, ainsi que par Olga Kitova, une journaliste 39 Rapport 2003 d’investigation de Belgorod qui a subi des mauvais conférence sur la situation des droits humains dans traitements en garde à vue, Sergueï Kovalev, mili- la Fédération de Russie. tant des droits humains, député de la Douma et ✔ La section sud-africaine a lancé la campagne ancien prisonnier d’opinion adopté par Amnesty Russie à Pretoria lors d’une manifestation qui a International, et la journaliste Anna Politkovskaïa, réuni des diplomates et des représentants de nom- qui a écrit de nombreux articles sur le conflit armé breuses organisations non gouvernementales. en Tchétchénie. ✔ La manifestation de lancement de la campagne ✔ La section chilienne a tenu un stand d’informa- organisée par la section zimbabwéenne a réuni des tion sur les violations des droits humains en Russie fonctionnaires d’ambassades, des représentants du devant le Palais de justice de Santiago. gouvernement et des délégués d’organisations non ✔ La section croate a tenu une conférence de presse gouvernementales locales. Le groupe d’étudiants pour marquer le lancement de la campagne Russie, membres de l’organisation avait, pour l’occasion, dont les principaux journaux régionaux et la télévi- fabriqué des T-shirts portant le slogan Moscou, sion nationale ont rendu compte. défends les droits humains ! En outre, une lettre de ✔ La section tchèque, en concertation avec le Haut- l’ambassadeur de Russie au Zimbabwe a été lue, à sa Commissariat des Nations unies pour les réfugiés demande ; il y faisait part de la haute estime dans (HCR), l’UNICEF et une organisation locale de laquelle il tenait Amnesty International, ainsi que de défense des droits de l’enfant, a organisé en son soutien au travail de l’organisation. novembre une action pour marquer la Journée internationale de l’enfant. Les bénévoles de l’organi- Réaction à la crise : Israël /Territoires occupés/ sation ont animé des ateliers pour des enfants de Autorité palestinienne réfugiés vivant en République tchèque et originaires Début 2002, l’attention de la communauté interna- de Biélorussie, de Russie et d’Ukraine, en réfléchis- tionale s’est focalisée sur la tragique dégradation de sant sur le thème de la tolérance à travers une pièce la situation en Israël et dans les Territoires occupés. de théâtre interactive. Face à cette crise, Amnesty International a appelé ✔ La section allemande a recueilli des signatures sur ses militants à prendre des initiatives pour tenter une banderole de 30 mètres de long. d’enrayer le processus de destruction de vies ✔ La section de Hong Kong a organisé une cérémo- humaines et pour que le respect des droits humains nie dans une zone piétonne très passante de Hong devienne une priorité. Dans cette perspective, les Kong. Des bougies évoquant l’emblème de l’organi- membres de l’organisation ont cherché à faire pres- sation ont été allumées devant le logo de la cam- sion sur le gouvernement israélien, sur l’Autorité pagne sur la Russie, pendant que les membres de la palestinienne et sur les groupes armés palestiniens ; section faisaient circuler une pétition. La télévision Amnesty International a également appelé la com- chinoise et plusieurs journaux chinois ont rendu munauté internationale à déployer une force de sur- compte de cette manifestation. veillance dotée d’un mandat solide en matière de ✔ En Islande, l’ambassadeur de Russie a allumé une droits humains. bougie d’Amnesty International pour marquer le ✔ Plusieurs délégations d’Amnesty International, lancement de la campagne. comprenant notamment des experts en médecine ✔ La section mongole a organisé pour des étudiants légale et des spécialistes des questions militaires et une conférence sur la situation des droits humains du droit international relatif aux droits humains, se dans la Fédération de Russie. À l’issue de la confé- sont rendues en Israël et dans les Territoires occu- rence, un réseau de militants étudiants a été créé pés. L’organisation a par ailleurs publié un certain afin de promouvoir et protéger les droits humains. nombre de rapports et de déclarations. ✔ La section népalaise a organisé une manifestation ✔ Des pages web consacrées à cette question ont publique dans le centre de Katmandou avec des permis d’informer le public et de le faire participer à banderoles décoratives. Des intervenants ont pris des actions essentielles pour Amnesty International. la parole, des bougies ont été allumées, et plus de ✔ Partout dans le monde, les sections d’Amnesty 500 signatures ont été récoltées. International ont été à l’origine de manifestations ✔ La section néerlandaise a lancé la campagne avec silencieuses devant les ambassades et d’envois mas- des invités : Boris Poustintsev, de Citizens’ Watch, sifs de lettres et de messages électroniques. Elles ont et Ludmila Alekseevan, de la branche moscovite du aussi effectué un travail de pression auprès des gou- Comité de surveillance des accords d’Helsinki. La vernements et organisé des activités destinées au radio et la télévision ont assuré une très bonne cou- public. verture à cet événement. ✔ Le 27 avril, Amnesty International a proclamé ✔ La section pakistanaise a traduit en ourdou une Journée internationale de deuil coïncidant avec la brochure préparé pour le lancement de la cam- la visite dans la région de la secrétaire générale de pagne, et elle a organisé devant des étudiants une l’organisation, Irene Khan. Alors que cette dernière 40 Le mouvement en 2002 rencontrait des familles qui avaient perdu des Réseaux de jeunes et d’étudiants proches ainsi que leurs maisons à Jénine, et des Plusieurs milliers de groupes de jeunes et d’étu- familles de certaines des victimes d’attentats-suicides diants fonctionnent dans 70 pays. Ces jeunes mili- à Tel-Aviv, des milliers de militants d’Amnesty tants font campagne sur tous les motifs de International défilaient dans les rues pour exprimer préoccupation de l’organisation. leur solidarité à l’égard de toutes les victimes de ✔ Au cours de l’année 2002, ces groupes ont parti- cette crise des droits humains, pour réclamer justice cipé à la campagne contre l’utilisation d’enfants sol- et exiger le respect des droits de la personne dats ainsi qu’à la campagne appelant à la justice humaine. pour tous dans la Fédération de Russie. Pour la ✔ Amnesty International a coordonné une tournée Journée internationale de l’enfant, ils se sont mobili- mondiale de conférences, dont les orateurs étaient sés en faveur des droits des enfants en Israël, dans les des parents de victimes palestiniennes et israéliennes Territoires occupés et sous l’Autorité palestinienne. ainsi que des militants des droits humains, afin de ✔ À l’occasion du Mois international d’action étu- promouvoir le message suivant : « Arrêtez les mas- diante, qui a lieu chaque année, les groupes de sacres de civils ». jeunes et d’étudiants ont collaboré avec notre réseau Droits des femmes ainsi qu’avec le mouvement Alerte à la crise en Colombie international V-Day (jour de la victoire), qui lutte Le mouvement a déclenché son mécanisme d’alerte contre les violences dont les femmes sont victimes. à la crise afin d’attirer l’attention de la communauté ✔ En juillet, un camp de jeunes pour russophones a internationale sur les atteintes aux droits humains été organisé à Voronej, en Russie. commises en Colombie et sur la tragédie humani- ✔ Le premier Forum de la jeunesse du Moyen- taire que connaît ce pays. Orient et de l’Afrique du Nord s’est tenu au Maroc. Les sections d’Amnesty International n’ont pas tardé Cette rencontre fut l’occasion pour les jeunes mili- à réagir. Nombre d’entre elles ont fait un effort tout tants de débattre de la situation des droits humains particulier pour alerter les médias afin de briser le dans la région, d’accroître leur influence et d’amé- mur du silence sur la situation des droits humains en liorer leurs compétences en matière d’action. Colombie et pour mettre des visages sur cette crise. La première action d’importance a été la publication Défenseurs des droits humains de la Lettre ouverte d’Amnesty International adres- Amnesty International travaille avec les défenseurs sée au président Álvaro Uribe récemment élu. En des droits humains dans le monde entier en même Argentine, en Espagne, aux États-Unis, en Norvège, temps qu’elle milite en leur faveur. L’organisation au Pérou, en Suède et dans d’autres pays, les sec- s’attache à renforcer les capacités d’action des tions d’Amnesty International ont fait parvenir cette groupes locaux, nationaux et régionaux de défense Lettre ouverte aux médias. Un peu partout dans le des droits humains afin de prévenir les violations et monde, notamment au Canada, aux Pays-Bas et au de mettre en œuvre des programmes durables de Pérou, les sections ont utilisé différentes techniques protection concrète. d’action comme la publication de tribunes et de communiqués de presse, et la publicité. Défenseurs des droits humains ✔ En Belgique, un quotidien a accepté de publier dans les Amériques chaque semaine, pendant deux mois, les Actions Selon la représentante spéciale du secrétaire général urgentes concernant la Colombie. des Nations unies sur la situation des défenseurs des ✔ La solidarité internationale à l’égard des défen- droits de l’homme, plus de 90 p. cent des informa- seurs colombiens des droits humains s’est aussi tions reçues en 2001 concernant l’assassinat de manifestée par l’envoi de cartes et de messages, et défenseurs des droits humains dans le monde prove- par des appels de fonds en leur faveur lancés par les naient des Amériques. sections d’Argentine, de Belgique, des États-Unis et ✔ En septembre, des délégués d’Amnesty d’Italie, entre autres. La section suisse a organisé des International ont accompagné dans l’État d’Espirito activités pour ses groupes, notamment des pétitions, Santo (Brésil) des défenseurs des droits humains qui la création d’affiches et une exposition de photos, en faisaient l’objet de menaces, et qui ont obtenu des collaboration avec des représentants d’autres organi- autorités fédérales qu’elles interviennent pour tenter sations non gouvernementales et des Églises. de mettre fin à l’impunité et aux nombreux assassi- ✔ Les sections ont également utilisé Internet pour nats commis par un groupe paramilitaire étroite- faire campagne sur la Colombie. Dans les ment lié à des responsables gouvernementaux. Amériques, la majorité des sections disposaient de ✔ La section canadienne a offert 17 courtepointes pages web spéciales sur ce pays, dont elles se sont aux défenseurs des droits humains colombiens en servies pour envoyer des appels électroniques et des témoignage de leur solidarité et pour symboliser pétitions au président Uribe. la protection dont ils ont besoin. Au Canada, des 41 Rapport 2003 centaines de sympathisants d’Amnesty International ✔ En septembre, lors d’une visite au Burundi, la ont participé à la confection de ces courtepointes en secrétaire générale d’Amnesty International, Irene fournissant des morceaux de tissu sur lesquels Khan, a rencontré des défenseurs des droits humains étaient inscrits des messages de solidarité. Lors de la du Burundi et de RDC. manifestation publique de septembre, à laquelle ✔ Amnesty International a contribué à garantir la assistaient des représentants du gouvernement sécurité de défenseurs des droits humains menacés, colombien et d’ambassades étrangères, les défenseurs notamment en facilitant leur évacuation d’urgence des droits humains colombiens ont remis au nou- ou en leur permettant d’assurer leur défense devant veau gouvernement une lettre dans laquelle ils solli- les tribunaux. citaient un entretien afin de soulever la question de ✔ Dans certains cas, Amnesty International est leur protection. intervenue pour que des défenseurs des droits ✔ L’action d’Amnesty International a permis humains victimes de tortures ou blessés lors d’obtenir la désignation d’un procureur chargé d’actions de répression menées par les forces de d’enquêter sur les agressions dont sont victimes les sécurité puissent recevoir des soins médicaux. défenseurs des droits humains au Guatémala. ✔ En collaboration avec des partenaires locaux, ✔ Amnesty International a contribué à Amnesty International a, dans certains cas précis, l’organisation de la deuxième consultation régionale favorisé l’établissement de liens avec les mécanismes sur les défenseurs des droits humains en Amérique des Nations unies relatifs à la protection des défen- latine et dans les Caraïbes, qui s’est déroulée en seurs des droits humains. juillet au Guatémala. Cette consultation a permis de mettre en lumière le fait que, dans ces régions, les Défenseurs des droits humains au Moyen-Orient défenseurs des droits humains étaient la cible et en Afrique du Nord d’attaques de plus en plus nombreuses. Une unité Dans de nombreux pays du Moyen-Orient et spéciale pour les défenseurs, créée au sein de la d’Afrique du Nord, les défenseurs des droits Commission interaméricaine des droits de l’homme humains étaient pris pour cibles. après des années de travail de pression, s’est rendue ✔ Des actions ont été menées en faveur de militants au Guatémala. Il s’agissait de sa première visite dans des droits humains menacés en Algérie, en Égypte, la région. en Israël et dans les Territoires occupés, en Jordanie, ✔ L’action menée par Amnesty International en au Maroc et au Sahara occidental, en Syrie et en faveur des défenseurs des droits humains au Tunisie. Mexique a permis d’obtenir du gouvernement qu’il ✔ En collaboration avec une organisation non gou- prenne en charge la protection de plusieurs militants vernementale espagnole, Amnesty International a menacés. Le Bureau du médiateur des droits organisé des ateliers de travail sur le renforcement humains à Mexico a lancé une campagne visant à des capacités des militants algériens des droits promouvoir le travail accompli par les défenseurs humains. Elle a également donné la possibilité à des droits humains. deux Algériens de suivre un stage au sein d’une orga- nisation non gouvernementale égyptienne qui se Défenseurs des droits humains en Afrique consacre à la réadaptation des victimes de tortures. En Afrique, dans les zones touchées par un conflit ✔ Des délégués d’Amnesty International se sont armé, nombreux sont les défenseurs des droits attachés, en utilisant les médias et en organisant des humains qui travaillent dans des conditions extrê- manifestations publiques, à mettre en lumière la mement pénibles et dangereuses. situation des détenus yéménites au Yémen et ✔ Amnesty International a continué d’apporter son ailleurs, considérant que, après les événements du soutien aux défenseurs des droits humains en 11 septembre 2001, la situation des droits humains Afrique de l’Ouest, en prenant appui sur la s’était dégradée au Yémen malgré les efforts Déclaration de Johannesburg de 1998 ainsi que sur déployés par ce pays depuis dix ans. la constitution, en 2001, d’une coalition des défen- seurs des droits humains d’Afrique de l’Ouest. Droits de l’enfant ✔ En Afrique centrale comme en Afrique australe, Les groupes de travail sur les enfants mis en place Amnesty International a prêté son concours pour par Amnesty International s’emploient à défendre développer les réseaux de défenseurs des droits les droits de l’enfant dans toutes les régions du humains. Dans la région des Grands Lacs, et plus monde en recourant à différentes techniques précisément à Goma, dans l’est de la République d’action, et en mettant l’accent sur l’éducation et la démocratique du Congo (RDC), l’organisation a aidé sensibilisation aux droits humains. des militants qui travaillaient dans des conditions Au cours de l’année 2002, l’action de l’organisation très difficiles à reconstruire des infrastructures a notamment porté sur les motifs de préoccupation endommagées par une catastrophe naturelle. suivants : 42 Le mouvement en 2002 ✔ Les enfants victimes d’homicides en Israël, dans ✔ L’organisation a poursuivi son travail de défense les Territoires occupés et sous l’Autorité palesti- des droits des LGBT en Équateur, où les violences et nienne depuis le début de l’Intifada. les actes de harcèlement homophobes n’ont pas ✔ Les violences multiples subies par les enfants aux cessé malgré l’existence de dispositions constitution- mains de la justice au Burundi. Amnesty nelles interdisant la discrimination. International a souligné le fait que de nombreux Les actions menées par Amnesty International en enfants en détention risquent plus que d’autres déte- faveur des droits des LGBT ont notamment été mar- nus d’être victimes de violences, notamment d’actes quées par : de torture et de mauvais traitements, parce qu’ils ✔ La conférence mondiale sur les droits humains sont économiquement défavorisés, peu instruits et organisée à Sydney (Australie) du 30 octobre au séparés de leurs familles. Beaucoup de ces enfants 1er novembre, et qui a attiré plus de 300 personnes sont détenus dans des conditions pénibles, pendant venues de plus de 20 pays. Les organisations non des périodes excessivement longues, sans être incul- gouvernementales et les militants qui luttent pour la pés ni jugés. reconnaissance des droits des LGBT ont été nom- ✔ La façon dont les enfants souffrant de troubles breux à participer à cette conférence, qui a permis mentaux sont traités en Bulgarie. Bien souvent, ces de mieux comprendre les discriminations et les per- enfants sont placés dans des foyers d’accueil sur la foi sécutions dont les LGBT et les personnes intersexuées d’un diagnostic insuffisant. Ils ne reçoivent que peu font l’objet, et qui a mis en lumière l’action menée ou pas de soins du tout, ne font l’objet d’aucun pro- par Amnesty International dans ce domaine. Les gramme de réadaptation et sont parfois maltraités. participants à la conférence ont adopté une résolu- Voici quelques exemples d’actions organisées dans le tion invitant les Nations unies à faire une déclara- courant de l’année 2002 : tion en faveur du droit à l’autodétermination ✔ Avec d’autres organisations non gouvernemen- sexuelle. tales, la section danoise a participé à un forum pour ✔ Dans le cadre de l’Europride 2002 qui s’est échanger des informations et convenir d’actions déroulée à Cologne, en Allemagne, des groupes conjointes pour interpeller le gouvernement danois LGBT constitués au sein des sections allemande et et d’autres instances sur la façon dont s’applique la polonaise d’Amnesty International ont organisé Convention des Nations unies relative aux droits de trois jours de rencontres et de manifestations l’enfant. Parmi les questions soulevées figurait celle publiques axés sur la situation des droits des LGBT du traitement des enfants mineurs non accompagnés en Europe. Étaient présents des délégués venus dans le cadre des procédures de demande d’asile. d’Allemagne, de Biélorussie, de Moldavie, de ✔ La section britannique a diffusé 1 600 cartes pos- Pologne, du Portugal, du Royaume-Uni, de Russie, tales demandant l’ajournement de l’exécution de de Serbie, de Suisse et d’Ukraine. Napoleon Beazley, condamné à mort aux États-Unis ✔ La section philippine a poursuivi son action, en pour un crime commis quand il avait dix-sept ans. collaboration avec des organisations locales de L’intense campagne internationale menée en sa défense des droits des LGBT, en vue de faire des faveur n’a pu empêcher qu’il soit exécuté, au mois Philippines le premier pays de la région à interdire de mai. toute discrimination fondée sur l’orientation ou l’identité sexuelle. Au mois de décembre, un projet Droits des lesbiennes, gays, bisexuels de loi en ce sens a été approuvé par une commission et transgenre parlementaire, ce qui constitue une étape impor- Les militants d’Amnesty International ont participé tante avant la présentation du projet de loi devant à plusieurs actions visant à défendre les droits des le Congrès. lesbiennes, gays, bisexuels et transgenre (LGBT), dont voici quelques exemples : Droits des femmes ✔ L’organisation a poursuivi son travail en faveur Par le biais de son réseau international Droits des des dizaines d’hommes qui sont persécutés en femmes, Amnesty International a orienté son action Égypte en raison de leur orientation sexuelle, réelle en fonction d’un certain nombre de motifs de pré- ou supposée. Parmi les initiatives qui ont été prises, occupation, parmi lesquels : citons la campagne menée par la section néerlan- ✔ L’application de la charia (droit musulman) au daise qui a, au moyen du téléphone portable, suscité Nigéria. l’envoi de plus de 4 000 messages écrits, lesquels ont ✔ Les lois discriminatoires toujours en vigueur au été envoyés sous forme de pétition au président Pakistan, qui empêchent de mettre fin aux violences Hosni Moubarak. dont beaucoup de femmes sont victimes dans ce ✔ L’organisation a pris la défense de trois hommes pays. qui, probablement en raison de leur orientation Voici quelques exemples d’actions organisées dans le sexuelle, ont été exécutés en Arabie saoudite. courant de l’année 2002 : 43 Rapport 2003 ✔ Une action sur la violence contre les femmes au documentation médicolégale dans les affaires de viol Kenya, à l’occasion de la Journée internationale de a été mis en place sous le coparrainage d’Amnesty la femme, axée plus particulièrement sur les ques- International et de l’unité médicolégale indépen- tions du viol en détention et du viol conjugal, ainsi dante de Durban, en Afrique du Sud. Des méde- que sur le problème posé par la réunion de preuves cins, des avocats, des conseillers et d’autres médicales dans les affaires de viol. personnes originaires de 10 pays de la région ont ✔ Des militants d’Amnesty International œuvrant participé à cette réunion de travail. pour la défense des droits des femmes se sont réunis ✔ Le groupe d’examen médical de la section néer- à Londres en avril. Des représentants de 45 sections landaise a conçu un CD-ROM interactif illustrant les et structures de l’organisation ont échangé leurs dommages causés par la torture. Il sera mis à la dis- expériences, tenté de définir leur futur rôle au sein position des médecins des Pays-Bas et d’ailleurs afin du mouvement et discuté des questions liées à la de les sensibiliser aux lésions provoquées par des défense des droits des femmes et ayant une inci- actes de torture. dence sur le travail d’Amnesty International. ✔ Au sein de la section américaine, l’équipe Droits Réseau Syndicalistes des femmes du Wyoming et du Colorado collabore Les militants d’Amnesty International ont continué avec différentes coalitions locales et nationales de se mobiliser pour la reconnaissance des droits contre la violence domestique pour former les pres- fondamentaux du travail et en faveur des personnes tataires de services et les fonctionnaires. La forma- menacées ou emprisonnées pour avoir défendu les tion consiste à expliquer comment resituer la droits des travailleurs. Ils ont collaboré avec des syn- question des violences domestiques dans le cadre de dicats pour la défense de l’ensemble des droits la défense des droits humains, qui intègre la notion humains. d’obligation de diligence, et pourquoi les violences ✔ Tout au long de l’année 2002, le réseau domestiques peuvent être assimilées à des tortures. Syndicalistes s’est attaché à défendre des syndica- ✔ Le réseau inter-sections Femmes est un projet listes dont les droits humains étaient menacés, particulier visant à regrouper les femmes dans la notamment au Brésil, en Chine, en Colombie, au défense des droits de la femme en Afrique. Le réseau Guatémala, en Turquie et au Salvador. est composé de militantes originaires de plus de ✔ En mai, Amnesty International a lancé une cam- 10 pays d’Afrique subsaharienne. Depuis sa création pagne visant à nouer des liens avec les syndicats au en 1999, le réseau a participé à plusieurs campagnes, niveau international pour défendre les syndicalistes travaillé sur des cas individuels et animé des pro- emprisonnés et les autres personnes victimes de vio- grammes de sensibilisation aux droits des femmes, lations des droits du travail en Chine. des enfants et des réfugiés. ✔ En concertation avec des délégués présents à la Conférence international du travail, Amnesty Réseau des professionnels de la santé International a fait campagne pour que tous les pays Dans plus de 30 pays, des membres des professions ratifient les normes fondamentales relatives au droit de santé ont poursuivi leur action en faveur des pri- du travail. sonniers privés de soins, de ceux qui ont subi des ✔ En mai, nous avons été heureux d’apprendre que tortures ou de ceux qui, d’une façon ou d’une autre, Taye Wolde-Semayat, syndicaliste et prisonnier ont besoin que des appels soient lancés en leur d’opinion pour qui l’organisation et le mouvement faveur. Plus de 40 actions et mises à jour médicales, syndical s’étaient mobilisés depuis de longues ainsi que des Actions urgentes, ont été envoyées aux années, avait été libéré de prison en Éthiopie. membres du réseau pendant l’année. Environ un tiers de ces appels concernaient des professionnels Éducation aux droits humains de la santé, essentiellement des médecins et des Le travail qu’accomplit Amnesty International dans infirmières. le domaine de l’éducation aux droits humains com- ✔ Au mois de septembre, le réseau a mené cam- prend tout un éventail de programmes, dans l’ensei- pagne sur les conditions de vie dans les institutions gnement de type classique ou non, qui sont mis en pour malades mentaux en Bulgarie, à la suite de la œuvre par nos membres à travers le monde. Ces pro- publication d’un rapport d’Amnesty International grammes d’éducation aux droits humains visent à : sur la question. ✔ Favoriser l’adoption de réformes et donner aux ✔ Le réseau des professionnels de la santé a parti- peuples les moyens d’exiger la reconnaissance de cipé au lancement de la campagne Russie au mois leurs droits. d’octobre, en axant son action sur les preuves médi- ✔ Faire accepter l’universalité et l’indivisibilité des cales de la torture. droits humains. ✔ Au mois d’août, un atelier sur la protection des ✔ Faire connaître et comprendre les droits droits des femmes et des jeunes filles grâce à la humains. 44 Le mouvement en 2002 ✔ Aider les populations à utiliser les instruments acteurs non gouvernementaux sont devenues un juridiques qui permettent de protéger les droits motif de demande du statut de réfugié. humains. ✔ La section irlandaise a pris la tête d’une cam- ✔ Utiliser une méthodologie faisant appel à l’inter- pagne contre l’adoption de sanctions à l’égard des action et à la participation pour développer le res- transporteurs. Ces sanctions, qui frappent les trans- pect des droits humains et les compétences porteurs ayant à leur bord des passagers non munis nécessaires à leur défense. de tous les documents nécessaires, dont des per- ✔ Adopter une stratégie à long terme, considérant sonnes en quête d’asile, font partie d’un arsenal de que ces programmes sont conçus et intégrés dans mesures restrictives adoptées ces dernières années toutes les composantes de l’action d’Amnesty par les États pour limiter l’accès à leur territoire et International. aux procédures de demande d’asile. Tout au long de l’année 2002, les sections et les ✔ La section néo-zélandaise a pris une part active au structures de l’organisation ont, dans toutes les travail de pression mené par plusieurs organisations régions du monde, développé et mis en œuvre des non gouvernementales pour obtenir que cesse la mise programmes d’éducation aux droits humains en en détention arbitraire des personnes en quête d’asile. direction de tout un ensemble de groupes ciblés, qu’il ✔ La section britannique a joué un rôle important s’agisse des enseignants, de la police et autres respon- dans la campagne menée contre certaines dispositions sables de l’application des lois, des journalistes, des du projet de loi de 2002 relatif à la nationalité, à avocats, des membres des professions de santé, des l’immigration et à la demande d’asile, en apportant organisations de défense des droits des femmes, des des éléments d’information aux débats du Parlement. populations indigènes ou des groupes de jeunes. ✔ Les sections américaine et canadienne ont ferme- De nombreuses sections et structures ont joué un ment dénoncé l’accord américano-canadien sur le rôle important en se livrant à un travail de pression « tiers pays sûr ». pour que les droits humains fassent partie des pro- Dans beaucoup de pays, les membres d’Amnesty grammes scolaires et des programmes de formation International ont été de plus en plus nombreux à destinés aux policiers et aux militaires, et pour qu’ils mener des actions en faveur des réfugiés. soient intégrés dans d’autres domaines essentiels de ✔ En Afrique du Sud, le réseau spécialisé des l’enseignement tertiaire. membres d’Amnesty International a vu tripler le Parmi les activités proposées figuraient des cours, des nombre de ses adhérents. ateliers de travail, des programmes de formation à destination des formateurs, des programmes à desti- Faire connaître les droits des réfugiés nation des élèves, des concours et du théâtre de rue. Amnesty International cherche à sensibiliser l’opi- Au niveau international, nous avons créé un bulletin nion publique et les dirigeants à la question de la d’information, des pages web et une base de don- défense des droits fondamentaux des réfugiés, des nées afin de favoriser l’échange d’informations et de demandeurs d’asile et des migrants. compétences dans le domaine de l’éducation aux ✔ La section australienne a mené une campagne très droits humains. vigoureuse en faveur des réfugiés avec, notamment, une exposition de photos présentant 10 000 visages, Réfugiés et demandeurs d’asile les « Visages de l’espoir ». Cette campagne a été lancée Dans ce domaine, l’une des principales activités à Sydney le 10 décembre à l’occasion de la Journée d’Amnesty International a consisté à œuvrer en faveur internationale des droits de l’homme. du renforcement de la législation, des réglementations ✔ La section belge a organisé pour les membres et des autres instruments relatifs à la protection des d’Amnesty International une série de visites dans les droits des réfugiés et des demandeurs d’asile. centres ouverts d’accueil de réfugiés. L’Association d’Amnesty International pour l’Union ✔ La section tchèque a mis en œuvre à Brno, à européenne (UE) a mené campagne, à l’occasion de l’occasion des fêtes de Noël, un programme de col- la tenue au mois de juin du Conseil de l’UE lecte de jouets et de livres destinés aux enfants de à Séville, pour exhorter les États membres de l’UE à demandeurs d’asile et de réfugiés. aborder le débat sur le droit d’asile et les mouve- ✔ La section turque a animé plusieurs séminaires de ments migratoires en Europe sous l’angle de la formation sur la question des réfugiés à l’intention défense des droits humains. des personnes travaillant au contact des réfugiés et ✔ En janvier, la section allemande a rendu compte des demandeurs d’asile. devant le Parlement des motifs de préoccupation de l’organisation concernant la nouvelle loi sur les flux Journée mondiale des réfugiés migratoires. L’action de la section allemande et Les sections d’Amnesty International ont organisé d’autres organisations a entraîné une modification un certain nombre d’activités à l’occasion de la de la loi puisque les persécutions commises par des Journée mondiale des réfugiés, le 20 juin. 45 Rapport 2003 ✔ La section luxembourgeoise a célébré le courage police fait campagne en vue d’obliger les gouverne- des femmes réfugiées. ments et les entreprises qui fabriquent et commer- ✔ La section allemande a organisé, en coopération cialisent des armes et du matériel de sécurité à avec le HCR, un symposium sur la protection des rendre des comptes de façon plus rigoureuse. Les réfugiés en Europe. membres de l’organisation invitent instamment tous ✔ La section malaisienne a organisé un forum sur la les acteurs impliqués dans les transferts d’équipe- situation des réfugiés en Malaisie avec des interve- ments ou de compétences dans les domaines mili- nants d’organisations non gouvernementales locales taire, de sécurité ou de police à tenir compte des et du HCR. conséquences de leurs activités sur la situation des droits humains. Droits humains et relations économiques Voici quelques exemples d’actions organisées dans le Le réseau Affaires et Relations économiques courant de l’année 2002 : d’Amnesty International a cherché à accroître le ✔ Les membres d’Amnesty International ont mené nombre des entreprises et des institutions écono- campagne en Belgique, au Canada, en Espagne, aux miques susceptibles de prendre des mesures visant à États-Unis, en France, en Italie, en République protéger et promouvoir les droits humains. tchèque, au Royaume-Uni et en Slovaquie pour ✔ Le réseau Affaires et Relations économiques a obtenir de ces pays qu’ils adoptent des lois plus effi- collaboré avec d’autres organisations non gouverne- caces en matière d’exportation d’armes. Dans mentales, dans le cadre d’une campagne à long presque tous les cas, ces campagnes ont eu des effets terme visant à dénoncer le commerce des diamants positifs. de la guerre. Cette campagne a abouti, en 2002, à ce ✔ Conséquence du travail de pression mené par que la plupart des entreprises d’extraction et de Amnesty International lors du sommet du G8au commerce du diamant s’engagent à appliquer le sys- Canada, sur le thème Pas d’armes pour des atrocités, tème de certification du processus de Kimberley à les pays du G8 se sont engagés à prendre des mesures partir de janvier 2003. Amnesty International s’est pour lutter contre le courtage en armes et le trafic félicitée de ce que l’industrie du diamant accepte de d’armes au niveau international. collaborer avec les gouvernements et la société civile ✔ Amnesty International s’est attachée à élaborer le pour que le secteur privé prenne ses responsabilités texte d’un traité sur le commerce international des et joue son rôle dans la recherche de l’origine des armes et à en assurer la promotion auprès de gou- diamants bruts. L’organisation estimait toutefois vernements particulièrement concernés. que le système n’était pas sans lacunes et qu’il lais- ✔ L’action menée par Amnesty International en vue sait la voie ouverte à des dérives. d’interdire le commerce d’équipements conçus pour ✔ Lors de la préparation du sommet du G8 réunis- infliger des tortures a conduit le ministère du sant les huit nations les plus riches du monde, Commerce américain à améliorer la réglementation Amnesty International a demandé aux entreprises régissant les exportations de matériel destiné à lutter participant au Pacte mondial de l’ONU d’adopter contre la criminalité. Amnesty International a égale- des politiques permettant que les personnels de ment publié un rapport sur les méthodes améri- sécurité des entreprises et les éventuelles forces de caines d’entraînement des policiers et des soldats sécurité qui leur sont attachées soient informées des à l’étranger. Ce rapport, qui portait sur plus de directives et des normes internationales relatives à 150 pays, a permis qu’une réforme juridique impor- l’usage de la force dans les opérations de maintien tante soit adoptée en matière de protection des de l’ordre, et qu’ils s’engagent à les respecter. droits humains. ✔ Amnesty International a demandé aux entreprises ✔ Amnesty International a continué de mener cam- des pays membres du G8 de faire pression sur leurs pagne pour que le commerce et l’utilisation d’équi- gouvernements respectifs pour qu’ils contrôlent le pements de sécurité soient assujettis à de strictes commerce des diamants de la guerre et d’autres res- mesures de contrôle au niveau national. Elle a orga- sources, commerce qui permet de financer les nisé à Londres, en octobre, une rencontre interna- approvisionnements d’armes dans les zones de tionale d’experts sur les équipements de sécurité et conflit armé et favorise les atteintes aux droits la prévention de la torture, qui a réuni une quaran- humains. taine de spécialistes internationaux. ✔ Amnesty International a soumis à la Commission Transferts d’équipements ou de compétences européenne un certain nombre de propositions en dans les domaines militaire, de sécurité vue d’élaborer une loi qui interdirait le commerce ou de police de matériel de torture et d’équipements de sécurité Le réseau d’Amnesty International travaillant sur la utilisés à des fins de torture. En décembre, un projet question des transferts d’équipements ou de compé- de réglementation européenne sur cette question a tences dans les domaines militaire, de sécurité ou de été transmis aux 15 États membres. 46 Le mouvement en 2002 ✔ En collaboration avec l’alliance des organisations publique à la question du respect des droits humains non gouvernementales sur les armes légères, qui dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre. réunit plus de 500 membres, Amnesty International ✔ Des programmes sur la question du respect des a réussi a promouvoir la création d’un poste de rap- droits humains et du maintien de l’ordre ont été mis porteur spécial des Nations unies sur les armes en œuvre dans d’autres pays, notamment en légères. Afghanistan, en Jamaïque et au Timor-Leste. ✔ Les membres de l’organisation ont fait campagne ✔ La section philippine a organisé un atelier de for- pour que dans certains pays où les armes légères sont mation de trois jours pour les membres d’Amnesty en surabondance, comme en Afghanistan, en Angola International et pour les autres organisations non et en Sierra Leone, des programmes plus élaborés de gouvernementales actives aux Philippines et dans la récupération et de destruction des armes soient mis région afin d’étudier le problème des atteintes aux en place. droits humains commises avec des armes légères et ✔ Amnesty International a mené campagne sur la des équipements de sécurité. question du maintien de l’ordre en Afrique australe. ✔ Amnesty International a pris la parole devant de Nous avons publié un rapport spécial, diffusé inter- grands rassemblements et organisé des ateliers sur le nationalement, et avons animé dans la région des contrôle des armements lors du Forum social euro- ateliers de travail afin de sensibiliser l’opinion péen qui s’est tenu à Florence (Italie), en novembre.

47 Rapport 2003 LE TRAVAIL DE PRESSION INTERNATIONALES

out au long de l’année 2002, Amnesty International s’est tournée vers le principal organe des International a poursuivi son combat en multi- Nations unies dans ce domaine (la Commission des pliantT les actions auprès des organisations régionales et droits de l’homme) et vers l’Assemblée générale pour internationales, avec le double objectif de lutter contre remédier à cette carence (voir ci-après). les atteintes persistantes aux droits humains et de pro- En outre, l’organisation a participé à des réunions mouvoir les normes internationales relatives à la pro- informelles sur la situation des droits humains dans la tection de ces droits. Quelques-unes des interventions région des Grands Lacs africains et en Sierra Leone les plus marquantes d’Amnesty International auprès organisées par le Conseil de sécurité, auquel elle a par de ces organisations sont présentées ci-après. ailleurs fourni des informations sur d’autres pays, dont l’Afghanistan et le Libéria. Elle a aussi suivi de près la L’Organisation des Nations unies (ONU) à New York résolution 1441 sur l’Irak. Concernant Israël et les Amnesty International a exhorté le Conseil de sécu- Territoires occupés, Amnesty International a demandé rité à examiner les conséquences de sa résolution 1373 la mise en place d’une commission d’enquête indépen- sur les droits humains. En adoptant ce texte, le dante chargée de faire la lumière sur les atteintes aux Conseil avait demandé la mise en œuvre de mesures droits humains présumées commises à Jénine. Enfin, radicales contre le « terrorisme » et créé un Comité elle s’est inquiétée des tentatives visant à soustraire à la contre le terrorisme, chargé de suivre l’application de compétence de la Cour pénale internationale les forces la résolution. En juin 2002, l’organisation a commu- de maintien de la paix des Nations unies, et a insisté niqué à ce Comité des informations sur les mesures auprès du Conseil pour qu’il adopte des mesures de prises par plusieurs États en violation des droits fonda- contrôle plus énergiques sur les armes légères et de mentaux, notamment le droit à la vie et le droit à la petit calibre. liberté d’expression. D’autres dispositions étaient très Après dix années de négociations souvent difficiles, loin de respecter les normes juridiques internationales l’Assemblée générale des Nations unies a adopté, en relatives à l’arrestation, à la détention et à l’équité des décembre 2002, un Protocole facultatif se rapportant procès. Le Comité a répondu que ces informations à la Convention contre la torture et autres peines ou avaient été diffusées à l’ensemble de ses membres, sans châtiments cruels, inhumains ou dégradants. Ce indiquer toutefois si elles avaient donné lieu à une Protocole, prévu pour entrer en vigueur après la quelconque action de leur part. 20e ratification, constitue un complément important Amnesty International a également fait part de ses aux normes internationales existantes, en ce qu’il vise à inquiétudes au président du Comité, l’ambassadeur empêcher que se produisent des actes de torture. Il Greenstock (Royaume-Uni), à savoir notamment que instaure un système d’inspections régulières des lieux les directives du Comité aux États ne contraignaient de détention par un corps d’experts international, et en rien ces derniers à préciser leur politique d’applica- de visites périodiques et prolongées assurées par des tion de la résolution 1373 dans le respect des organisations nationales. obligations des traités relatifs aux droits humains aux- Amnesty International a également mené campagne quels ils étaient partie, et que les rapports présentés au pour obtenir de l’Assemblée générale l’adoption d’une Comité n’étaient pas soumis à l’examen minutieux des résolution sur le « terrorisme » et la protection des experts en droits humains des Nations unies. droits humains. Le projet, émanant du gouvernement Malgré l’intérêt manifesté par quelques États et le du Mexique, constituait une première initiative parti- Haut-Commissariat aux droits de l’homme, le Conseil culièrement bienvenue pour garantir que les États qui de sécurité a refusé de nommer un spécialiste des droits sont amenés à prendre des mesures contre le « terro- humains chargé de conseiller les États sur la meilleure risme », en particulier dans le cadre de la résolu- façon de remplir leurs obligations en la matière dans le tion 1373 du Conseil de sécurité, demeurent cadre de l’application de la résolution 1373. Devant le néanmoins respectueux des droits fondamentaux. La refus du Comité de prendre en compte les préoccupa- résolution, adoptée en novembre, réaffirmait la res- tions relatives aux droits fondamentaux, Amnesty ponsabilité des États en matière de protection des 48 Le travail de pression AUPRÈS DES ORGANISATIONS ET RÉGIONALES

droits humains, et le fait que certains de ces droits ne à la fois au cours des sessions publiques de la souffraient aucune dérogation. Le texte demandait Commission et par le biais de la procédure 1503 également au haut-commissaire aux droits de l’homme d’examen des communications confidentielles. d’assurer le suivi de la situation, de faire des recom- Des résolutions reflétant les préoccupations de l’orga- mandations aux États sur le maintien de la protection nisation ont été adoptées. Elles concernent l’abolition des droits humains dans le cadre de mesures « antiter- de la peine de mort, le projet de convention sur les roristes » et d’en rendre compte à la Commission des « disparitions » et le projet de Protocole facultatif se droits de l’homme et à l’Assemblée générale. rapportant à la Convention contre la torture. Un pro- Amnesty International a participé à la Session extra- jet de résolution mexicain, qu’Amnesty International ordinaire de l’Assemblée générale consacrée aux avait défendu, sur la protection des droits humains et enfants, en axant ses interventions sur la ratification la lutte contre le « terrorisme » a été retiré le dernier des textes internationaux pertinents, notamment à jour de la session, les États-Unis et plusieurs autres propos des enfants soldats et des condamnations à pays s’y étant opposés avec force. mort de personnes âgées de moins de dix-huit ans au La Commission a par ailleurs entrepris de revoir son moment des faits. L’organisation s’est aussi jointe à fonctionnement afin d’en augmenter l’efficacité. d’autres participants pour demander que le document L’organisation a pris une part active à ce processus issu de la Session extraordinaire s’articule en fonction pendant toute l’année. Elle s’est particulièrement inté- du respect des droits des enfants et des textes s’y rap- ressée au renforcement des mécanismes relatifs aux portant, et utilise la Convention relative aux droits de droits humains de la Commission – surtout les rap- l’enfant pour structurer l’ensemble du travail mené à porteurs spéciaux et les groupes de travail – et à l’enga- tous les niveaux (national, régional et international) gement des membres de la Commission dans la sur les problèmes relatifs aux enfants protection des droits humains. Dans le cadre des actions visant à donner une plus L’ONU à Genève grande importance aux mécanismes thématiques de la En préalable à la session de mars-avril 2002 de la Commission, Amnesty International a travaillé, avec la Commission des droits de l’homme, Amnesty Law Society of England and Wales (Société de juristes International avait retenu six pays à traiter en priorité : d’Angleterre et du Pays de Galles), à établir la nouvelle l’Arabie saoudite, la Colombie, l’Indonésie, Israël et les version d’un document intitulé Les mécanismes théma- Territoires occupés, la Russie, le Zimbabwe ; et cinq tiques des Nations unies en 2002 (IOR 40/009/02). Des sujets prioritaires : la peine de mort, les « disparitions », représentants de ces mécanismes ont aussi été reçus au le projet de Protocole facultatif se rapportant à la Secrétariat international d’Amnesty International à Convention contre la torture, les droits humains et la Londres (Royaume-Uni), entre autres le rapporteur lutte contre le « terrorisme », les suites à donner à la spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, le Conférence mondiale contre le racisme. rapporteur spécial chargé de la question de la violence Concernant les priorités d’Amnesty International, la contre les femmes et le nouveau rapporteur spécial sur Commission a adopté des résolutions sur Israël et les le droit à la santé. Tout au long de l’année, l’organisa- Territoires occupés, ainsi qu’une déclaration de sa pré- tion a signalé des cas à différents mécanismes et leur a sidence sur la Colombie et le Timor oriental ; mais un fourni des dossiers en préalable à des démarches dans certain nombre de projets de résolution sur la Russie des pays comme l’Australie, la Bolivie, la Géorgie, le et le Zimbabwe n’ont pas abouti. En octobre 2002, le Guatémala, l’Indonésie, la Macédoine, l’Ouzbékistan, rapporteur spécial chargé de la question de l’indépen- la République démocratique du Congo, la Russie, la dance des juges et des avocats s’est rendu en Arabie Thaïlande et la Turquie. Enfin, elle a aussi accueilli saoudite. C’était la première visite jamais effectuée une rencontre entre des experts internationaux et le dans ce pays par un représentant d’un mécanisme thé- rapporteur spécial sur la torture concernant les pro- matique des Nations unies. Depuis plus de huit ans, blèmes d’équipements de sécurité et de prévention de Amnesty International travaillait à obtenir ce résultat, la torture. 49 Rapport 2003 Amnesty International a assisté en tant qu’observateur le Viêt-Nam et le Yémen) ; le Comité pour l’élimina- à la 54e session de la Sous-Commission de la promo- tion de la discrimination raciale (sur le Canada) ; et le tion et de la protection des droits de l’homme. Au Comité pour l’élimination de la discrimination à cours des séances plénières, l’organisation a fait plu- l’égard des femmes (sur la Russie, le Sri Lanka et sieurs communications orales portant sur l’élaboration Trinité-et-Tobago). En outre, l’organisation a d’un ensemble de principes relatifs aux droits humains demandé par écrit au Comité contre la torture des à destination des sociétés multinationales, et appelé les éclaircissements sur les conclusions du rapport qu’il a États à adopter une législation permettant de suivre et publié sur le Sri Lanka, conformément à l’article 20 de d’encadrer l’offre et la demande d’armes légères et de son règlement. En effet, il est préoccupant de consta- petit calibre. Elle a aussi mené une action insistante ter que le Comité, en dépit des nombreux cas d’actes sur la question des droits humains et du « terrorisme », de torture et autres mauvais traitements constatés dans et soutenu un appel à l’élaboration d’un protocole le pays, puisse conclure que la torture n’est pas une facultatif ajoutant un dispositif de recours individuel pratique systématique. au Pacte international relatif aux droits économiques, Avant la Conférence internationale du travail de sociaux et culturels. l’Organisation internationale du travail (OIT), réunie En 2002, Amnesty International a continué à se en juin, Amnesty International a publié un document consacrer activement à la protection des droits des intitulé Fundamental Rights at Work [Les droits fonda- demandeurs d’asile, des personnes déplacées, des mentaux au travail] (IOR 42/001/02, non traduit en réfugiés et des migrants. L’organisation a en parti- français), appelant les États membres qui ne l’avaient culier contribué à l’Agenda pour la protection lancé pas encore fait à ratifier rapidement les huit conven- par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les tions fondamentales constituant la base de la réfugiés (HCR), qui constitue le résultat essentiel des Déclaration relative aux principes et droits fondamen- Consultations mondiales sur la protection internatio- taux au travail, adoptée par l’OIT en 1998. Ce rapport nale des réfugiés organisées par le HCR. En collabora- attirait aussi l’attention sur quelques sujets de préoccu- tion avec d’autres organisations non gouvernementales pation spécifiques, notamment le travail forcé et la (ONG), Amnesty International a aussi insisté sur la violation du droit à la liberté d’association en Chine, nécessité d’une participation plus large des secteurs en Colombie, en Mauritanie et au Myanmar. non gouvernementaux à l’élaboration de normes inter- nationales, compte tenu notamment des conclusions Les organisations intergouvernementales du Comité exécutif du HCR. L’organisation a cherché régionales à renforcer son travail auprès des responsables de cir- En préalable au sommet de l’Organisation de l’unité cuits concernés par cette question, en particulier la africaine (OUA) / Union africaine (UA), réuni à rapporteuse spéciale sur les droits de l’homme des Durban (Afrique du Sud) au mois de juillet 2002, migrants. Elle a aussi participé à un débat important Amnesty International a publié un document intitulé sur les « limites du déplacement » et les personnes L’Union africaine : Une nouvelle chance pour la pro- déplacées dans leur propre pays, animé par le repré- motion et la protection des droits humains en Afrique sentant spécial du secrétaire général des Nations (IOR 63/002/02). Ce texte étudiait la transformation unies. Amnesty International a œuvré de plus en plus de l’Organisation de l’unité africaine en Union afri- en faveur des droits des immigrés et autres non caine, les organes (notamment politiques) créés par nationaux et, au mois de novembre 2002, est entrée l’Acte constitutif de l’Union, et leur potentiel à ren- comme observateur au conseil d’administration de forcer la promotion et la protection des droits l’Organisation internationale pour les migrations. humains en Afrique. Les gouvernements africains, Au cours de la réunion annuelle des présidents et pré- affirmait le rapport, se trouvent désormais confrontés sidentes des organes de suivi des traités, à laquelle elle à un enjeu capital : faire que l’Union africaine mette a assisté, Amnesty International a mis l’accent sur toute son énergie à concrétiser les droits fondamen- l’importance du suivi des recommandations émises par taux des peuples sur le continent. ces organes. Elle a particulièrement insisté sur deux Tout au long de l’année, Amnesty International a fait nécessités : voir ces recommandations inspirer le tra- campagne pour la ratification du Protocole instaurant vail des agences et des programmes de coopération une Cour africaine des droits de l’homme et des techniques de l’ONU, et parvenir à une meilleure colla- peuples (voir par exemple La Cour africaine des droits boration des organes de suivi avec les ONG, de façon de l’homme et des peuples : Une occasion de renforcer que celles-ci puissent exiger plus efficacement l’appli- la protection des droits humains en Afrique, cation des textes au niveau national. Par ailleurs, IOR 63/001/02). Il fallait quinze ratifications pour Amnesty International a fourni des informations sur permettre l’entrée en vigueur du Protocole. Or, fin différents pays aux organes suivants : le Comité contre 2002, six États africains seulement l’avaient ratifié : la torture (sur l’Arabie saoudite, l’Égypte, l’Espagne et l’Afrique du Sud, le Burkina Faso, la Gambie, le la Russie) ; le Comité des droits de l’enfant (sur Israël Mali, l’Ouganda et le Sénégal. et le Royaume-Uni) ; le Comité des droits de l’homme Amnesty International a aussi assisté à la première ses- (sur l’Égypte, la Gambie – en réunion à huis clos, sans sion du Comité africain sur les droits et le bien- représentants du gouvernement –, la Géorgie, le Togo, être de l’enfant, et participé au débat sur les règles de 50 Le travail de pression procédure et les méthodes de travail du Comité. l’homme. L’organisation a aussi activement plaidé en Enfin, lors des sessions de la Commission africaine faveur d’un renforcement du rôle que l’UE peut jouer des droits de l’homme et des peuples, elle a attiré dans le monde pour concrétiser des objectifs soutenus l’attention sur les atteintes aux droits humains perpé- en termes de droits humains et de développement. trées en Côte d’Ivoire, au Kenya, au Libéria, en De même, par des communications écrites ou des République démocratique du Congo et au Zimbabwe, interventions orales, Amnesty International a pris une ainsi que sur la situation dramatique des défenseurs part active à l’élaboration des Lignes directrices sur les des droits humains à travers toute l’Afrique. droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme adoptées Par le biais de son Association pour l’Union euro- en juillet 2002 par le Comité des ministres du Conseil péenne (UE) à Bruxelles, et de ses antennes dans les de l’Europe. Elle a aussi continué à suivre les proposi- États membres, Amnesty International a continué de tions de réforme de la Cour européenne des droits de faire pression sur l’Union européenne pour qu’elle l’homme, et s’est déclarée particulièrement préoccupée renforce l’efficacité de sa politique en matière de droits par l’une d’entre elles, qui autorise la Cour à refuser humains, non seulement vis-à-vis des pays tiers, mais d’examiner les requêtes « ne posant aucune question aussi relativement aux problèmes constatés à l’intérieur substantielle au regard de la Convention » de sauvegarde de ses propres frontières. La nécessité de mettre en des droits de l’homme et des libertés fondamentales, place un véritable système de contrôle et d’obligation aussi appelée Convention européenne des droits de de rendre des comptes au niveau de l’Union, exprimée l’homme. L’adoption de cette proposition signifierait notamment dans les importants rapports qu’Amnesty que la Cour ne serait plus tenue de se prononcer sur International a publié sur la Grèce et l’Espagne, est toutes les requêtes, ce qui, de fait, limiterait le droit de apparue d’autant plus urgente que 10 nouveaux pays y recours individuel permettant de demander réparation entreront en 2004. à cette juridiction. En janvier, Amnesty International Amnesty International a soumis des mémorandums s’est associée à d’autres ONG pour rédiger une réponse substantiels lors des sommets que l’UE a tenus avec ses conjointe aux propositions de réforme. Tout au long partenaires méditerranéens et latino-américains. Des de l’année, elle a incité d’autres ONG à signer ce texte, appels ont été adressés à l’Union pour qu’elle intègre et poussé les gouvernements des États membres du la question des droits humains à ses rapports avec un Conseil de l’Europe à réunir des tables rondes sur la certain nombre de pays tels l’Algérie, la Chine, la question dans leurs pays respectifs, en y associant des Colombie, l’Iran, Israël, la Russie, la Tunisie, la représentants de la société civile. Enfin, l’organisation Turquie et le Zimbabwe. Pour ces pays comme pour a entrepris un certain nombre d’actions pour persua- d’autres, Amnesty International a vivement suggéré à der les États de ratifier le Protocole n° 13 à la l’UE de recourir plus activement, dans ses accords avec Convention, sur l’abolition de la peine de mort en des pays tiers, à des instruments spécifiques comme les toutes circonstances. lignes directrices sur la torture et contre la peine de Amnesty International a participé à la session de sep- mort, ainsi qu’aux clauses relatives aux droits humains. tembre 2002 de l’Organisation pour la sécurité et la Face à l’aggravation des manifestations d’hostilité à coopération en Europe (OSCE), consacrée à la l’égard des immigrés dans l’Union européenne, avant dimension humaine de la mise en œuvre de ses enga- le sommet de Séville du mois de juin 2002, Amnesty gements. L’organisation a contribué aux débats et fait International a mis toute son énergie à obtenir que la part, dans des communications écrites et orales, de ses dimension des droits humains soit intégrée à des préoccupations en matière d’équité des procès après les débats qui faisaient craindre de voir l’Europe se forti- attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, et sur fier aux dépens des obligations majeures de l’Union en les problèmes relatifs à la peine capitale et aux vio- matière de droits fondamentaux, dont le droit d’asile. lences à l’égard des femmes. Pendant l’année, elle a (Les questions relatives aux réfugiés sont traitées dans aussi participé à d’autres réunions de l’OSCE sur les le chapitre précédent, Le mouvement en 2002). défenseurs des droits humains et les violences à l’égard Le Parlement européen a commencé à réagir aux des femmes. observations d’Amnesty International l’incitant à ren- Devant l’Assemblée générale de l’Organisation des forcer ses attributions dans le domaine des droits États américains (OEA), réunie à la Barbade au mois humains et à s’attacher à faire rendre des comptes au de juin 2002, Amnesty International a axé ses inter- Conseil de l’Europe et à la Commission européenne. ventions sur le projet de convention interaméricaine Ses réactions se sont notamment traduites par un contre le terrorisme, ainsi que sur la situation des engagement personnel de son nouveau président, Pat défenseurs des droits humains, la ratification du Cox (Irlande). Statut de Rome portant création de la Cour pénale La Conférence sur l’avenir de l’Europe a elle aussi réagi internationale, le renforcement du système interamé- positivement aux appels d’Amnesty International et ricain de protection des droits humains, le projet de d’autres organisations lui demandant d’ancrer plus soli- convention interaméricaine contre le racisme et toutes dement les droits humains dans le projet de nouvelle les formes de discrimination et d’intolérance, et le Constitution de l’Union, en intégrant à celle-ci la problème des enfants soldats. L’Assemblée générale de Charte des droits fondamentaux, et en faisant accéder l’OEA a adopté la Convention interaméricaine contre l’UE à la Convention européenne des droits de le terrorisme, assortie d’un article sur le respect du 51 Rapport 2003 droit international relatif aux droits humains, du droit Cour pénale internationale – sans autre considération international humanitaire et du droit international des des faits – de ne pas traiter des affaires dans lesquelles réfugiés. À propos d’une résolution sur les défenseurs des personnes participant à des opérations de maintien des droits humains, la Commission interaméricaine de la paix autorisées et établies par le Conseil de sécu- des droits de l’homme a été invitée à considérer et à rité sont accusées d’actes de génocide, de crimes contre analyser la situation de ces défenseurs dans l’ensemble l’humanité ou de crimes de guerre, s’il s’agit de ressor- des Amériques, et à coopérer avec le représentant spé- tissants d’États n’ayant pas ratifié le Statut de Rome. cial du secrétaire général de l’ONU sur la situation des Amnesty International a aussi instamment demandé défenseurs des droits de l’homme. L’Assemblée géné- aux États de refuser les requêtes des États-Unis, dési- rale de l’OEA a aussi adopté des résolutions insistant reux de conclure des accords d’impunité leur permet- sur la nécessité de ratifier le Statut de Rome et recom- tant de soustraire à la compétence de la Cour pénale mandant l’élaboration d’un projet de convention internationale ceux de leurs ressortissants qui seraient contre le racisme et toutes les formes de discrimina- accusés d’actes de génocide, de crimes contre l’huma- tion et d’intolérance. Le problème des enfants soldats nité ou de crimes de guerre. a été traité dans le cadre d’une résolution sur la pro- motion et le respect du droit international humani- Autres documents d’Amnesty International taire, selon laquelle il est impératif de satisfaire 2002 UN Commission on Human rights: Rights at Risk effectivement et efficacement aux besoins spécifiques [Commission des droits de l’homme des Nations d’assistance et de protection des femmes et des enfants unies, session de 2002 : les droits humains en danger] dans les situations de conflit armé. Par ailleurs, (IOR 41/025/01). l’Assemblée générale de l’OEA a salué l’adoption à Les droits humains en danger. Préoccupations d’Amnesty l’ONU, en mai 2000, du Protocole facultatif à la International concernant les lois et les mesures relatives Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la sécurité (ACT 30/001/02). l’implication d’enfants dans les conflits armés. Dans le Les mécanismes thématiques des Nations unies en 2002. cadre de la Coalition internationale pour mettre fin à Un aperçu de leur travail et de leurs mandats l’utilisation d’enfants soldats, Amnesty International a (IOR 40/009/02). diffusé un communiqué de presse saluant à son tour Cour pénale internationale. Conseils concernant l’adoption de cette résolution et insistant sur la néces- la sélection des candidats les plus qualifiés sité de défendre les enfants concernés de la région pour les postes de juges (IOR 40/023/02). Amériques, notamment en termes de participation Cour pénale internationale. La campagne américaine directe ou indirecte à des conflits armés, de déplace- en vue d’obtenir l’immunité de juridiction pour les actes ment forcé et de multiplication des bandes armées de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre organisées. Les États membres de l’OEA ont été appelés l’humanité (IOR 40/025/02). à ratifier et à appliquer le Protocole facultatif, à favori- Statements and Press Releases Issued by Amnesty ser les programmes de prévention et d’assistance, et à International During the 58th Session of the UN porter à dix-huit ans l’âge minimum de la conscrip- Commission on Human Rights [Déclarations et tion. En novembre 2002, Amnesty International s’est communiqués de presse diffusés par Amnesty vu confirmer sa qualité d’organisation accréditée International pendant la 58e session de la Commission auprès de l’OEA. des droits de l’homme des Nations unies] (IOR 41/021/02). Impunité : la Cour pénale internationale La Convention arabe sur la répression du terrorisme. Amnesty International n’a pas relâché ses efforts de Une grave menace pour les droits humains membre actif de la Coalition pour une Cour pénale (IOR 51/001/02). internationale, alors que cette année a enregistré la Compétence universelle. Compétence d’un tribunal belge soixantième ratification du Statut de Rome, entraînant pour enquêter sur le rôle de Sharon dans les massacres de fait son entrée en vigueur au 1er juillet. En 2002, perpétrés à Sabra et Chatila en 1982 (IOR 53/001/02). 39 États ont ratifié ce Statut, ce qui portait le total des La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples : ratifications à 87 à la fin de l’année. L’organisation a Une occasion de renforcer la protection des droits continué de faire pression sur les États afin qu’ils rati- humains en Afrique (IOR 63/001/02). fient ce traité et l’intègrent à leurs législations natio- Union africaine. Une nouvelle chance pour la promotion nales. Alors que la Cour entrait en fonctions, Amnesty et la protection des droits humains en Afrique International a exhorté les États à instaurer, en concer- (IOR 63/002/02). tation avec des représentants de la société civile, des procédures transparentes de désignation des juges Documents de l’Association d’Amnesty appelés à siéger dans cette instance. En outre, elle s’est International pour l’Union européenne prononcée contre l’adoption, en juillet 2002, par le (disponibles sur le site Internet www.amnesty-eu.org) Conseil de sécurité des Nations unies, de la The Human Rights Agenda for the EU in 2002: AI résolution 1422 qu’elle jugeait incompatible avec le Memorandum to the Spanish Presidency [Les droits Statut de Rome, la Charte des Nations unies et le humains et l’UE en 2002. Mémorandum d’Amnesty droit international. Cette résolution demande à la International à la présidence espagnole de l’UE], 52 Le travail de pression

Association d’Amnesty International pour The EU and Human Rights: Time to Change – AI l’Union européenne, janvier 2002. Memorandum to the Danish Presidency A Critical Assessment of the European Parliament’s [L’UE et les droits humains : l’heure du changement. 2002 Human Rights Reports [Évaluation critique Mémorandum d’Amnesty International à la des rapports du Parlement européen sur les droits présidence danoise de l’UE], Association d’Amnesty humains en 2002], Association d’Amnesty International pour l’Union européenne, juin 2002. International pour l’Union européenne, mars 2002. Turkey: Briefing on Present State of Human Rights Towards Sustainable Peace and Security: the Human Developement During the Preaccession Process Rights Imperative for the Barcelona Process [Turquie : le point sur l’évolution de la situation des [Pour une paix et une sécurité durables : l’impératif droits humains pendant la phase de préaccession], des droits humains dans le processus de Barcelone], Association d’Amnesty International pour l’Union Association d’Amnesty International pour l’Union européenne, septembre 2002. européenne, avril 2002. Human Rights in Chechnya – A Litmus Test fo EU- Settle the Past, Safeguard the Future: AI Memorandum to Russia Relations [Les droits humains en Tchétchénie : the EU-Latin America Summit [Régler les comptes du Un test décisif pour les relations entre l’UE et la passé pour assurer l’avenir : Mémorandum d’Amnesty Russie], Association d’Amnesty International pour International au sommet entre l’Union européenne et l’Union européenne, novembre 2002. l’Amérique latine], Association d’Amnesty International Missing: A Common Asylum Policy That Is Ambitious, pour l’Union européenne, mai 2002. Coherent and Protection-Centred - AI Open Letter to Justice EU War on ‘‘Illegal Immigration’’ Puts Human Rights at and Home Affairs Council [Portée disparue: Une politique Risk: AI Appeal to the Seville Summit [La guerre de l’UE commune en matière d’asile ambitieuse, cohérente et à l’« immigration illégale » met les droits humains centrée sur la protection . Lettre ouverte d’Amnesty en danger : appel d’Amnesty International au sommet International au Conseil de la justice de Séville], Association d’Amnesty International et des affaires intérieures], Association d’Amnesty pour l’Union européenne, juin 2002. International pour l’Union européenne, novembre 2002.

53 54 LA SITUATION DES DROITS HUMAINS PAYS PAR PAYS

55 AF AFGHANISTAN ÉTAT ISLAMIQUE D’AFGHANISTAN TADJIKISTAN OUZBÉKISTAN CAPITALE: Kaboul CHINE SUPERFICIE: 653225 km2 POPULATION: 23,3 millions TURKMÉNISTAN CHEF de l’ÉTAT: Mazar-e-Charif Hamid Karzaï, président du gouvernement de transition Hérat KABOUL à partir de juin INDE PEINE DE MORT: maintenue AFGHANISTAN COUR PÉNALE PAKISTAN INTERNATIONALE: Kandahar Statut de Rome non signé IRAN 0 400 km

près la mise en place d'un nouveau précaire et instable après des années de conflit. gouvernement, fin 2001, la situation des Des condamnations à mort ont été prononcées droitsA humains s'est sensiblement améliorée. La à l'issue de procès non conformes aux normes reconstruction des institutions garantes de l'état internationales d'équité. de droit s'est poursuivie, mais les institutions essentielles, comme la police, l'administration Contexte pénitentiaire et l'appareil judiciaire, ont été L’administration intérimaire mise en place au mois de fragilisées par le manque de moyens et la décembre 2001 pour une durée de six mois est restée en précarité de la situation en matière de sécurité. fonction jusqu'à la réunion, en juin, d'une Loya Jirga Des atteintes graves aux droits humains ont (Assemblée tribale suprême) d'urgence. La Loya Jirga, encore été commises dans le cadre du conflit qui devait conférer une légitimité nationale au processus armé. Plusieurs centaines de personnes ont de paix, n'a pas permis l'ouverture d'un débat démocra- été arrêtées arbitrairement et détenues dans tique. Elle a consolidé le pouvoir de nombreux individus des conditions éprouvantes. L'impunité était accusés d'atteintes massives aux droits humains et elle solidement établie et les responsables d'atteintes s'est tenue dans un climat d'intimidation politique, de aux droits humains échappaient généralement violence et d'insécurité. Le roi, Mohammed Zahir Shah, aux sanctions. Les violences n'ont pas cessé, des a retiré sa candidature peu avant l'ouverture de la Loya luttes de factions opposant des commandants Jirga et il a accordé son soutien à Hamid Karzaï qui a été régionaux et des milices armées. Des charniers élu président. Le nouveau gouvernement de transition ont été découverts. Bien que les restrictions différait peu de l’administration intérimaire; plusieurs à la liberté de mouvement des femmes aient été ministères importants étaient toujours aux mains de levées, celles-ci craignaient toujours pour leur membres du Front uni dominé par les Tajdiks. sécurité et étaient victimes d'actes de violence, de Le ministre de l'Aviation civile, Abdul Rahman, a été viols ainsi que de harcèlement et d'intimidation tué en février à l'aéroport de Kaboul, et le vice-prési- dans les lieux publics. Un nombre accru de civils dent Haji Abdul Qadir a été abattu, en juillet, dans la ont trouvé la mort en raison de la poursuite des capitale. Le président Karzaï a échappé à une tentative bombardements menés par les États-Unis et leurs d'assassinat en septembre à Kandahar. alliés et des opérations au sol. Un nombre Après le départ des talibans, le gouvernement central important de personnes ont été déplacées ne contrôlait pratiquement que Kaboul, ce qui a à l'intérieur du pays en raison des violences entraîné une hausse de la criminalité, de nouveaux ethniques et des homicides perpétrés à titre affrontements entre factions et un durcissement de la de représailles. Environ 1,9 million de réfugiés répression. Des atteintes aux droits humains ont égale- sont rentrés des pays voisins, dans certains cas ment été commises. Malgré de nombreux appels en à la suite de pressions exercées par les pays faveur de l'extension de l'opération de maintien de la hôtes ; ils ont retrouvé un environnement paix menée sous l'égide des Nations unies, les troupes 56 AF de l'ISAF (Force internationale d'assistance à la sécu- interrogatoire et a reçu des décharges électriques sur les rité) n'étaient présentes que dans la capitale. orteils. Il a été incarcéré pendant sept mois sans être Le gouvernement de transition avait pour mission d'éla- présenté à un tribunal. borer une constitution et de mettre sur pied une armée Une commission judiciaire chargée de superviser la et un système judiciaire avant l'élection d'un nouveau reconstruction du système judiciaire délabré a été dési- gouvernement par la Loya Jirga constitutionnelle qui gnée en novembre. Ses travaux n'avaient pas beaucoup doit se réunir en décembre 2003. Toutefois, les efforts progressé à la fin de l'année. de reconstruction des infrastructures, des institutions et Amnesty International a salué la création, en juin, de de la société civile ont été entravés par le caractère pré- la Commission afghane indépendante des droits caire de la situation dans le domaine de la sécurité. De humains. Toutefois, en raison de l'absence de soutien nombreux Afghans réclamaient une augmentation de politique de certains éléments du gouvernement cen- l'aide et appelaient les donateurs à tenir rapidement tral ainsi que des difficultés administratives et d'orga- leurs promesses d'assistance. nisation, la Commission n’a pas pu accomplir des progrès importants. Elle était chargée, entre autres, de Impunité et fonctionnement de la justice superviser un processus de consultation nationale sur L'impunité restait généralisée. De nouvelles informa- une justice de transition, de mettre au point un pro- tions ont fait état de violences, d'actes de torture, notam- gramme d'éducation aux droits humains ainsi que de ment de viol, et de mauvais traitements imputables aux recenser les atteintes à ces droits et de mener des milices armées et aux commandants régionaux ainsi qu'à enquêtes. La Mission d’assistance des Nations unies en l'armée et à la police. Afghanistan (MANUA), qui avait pour mandat de Les membres de la coalition dirigée par les États-Unis recenser les atteintes aux droits humains et de mener auraient financé et réarmé des milices et des comman- des enquêtes, gardait le plus souvent le silence ou dants régionaux dont le soutien était essentiel dans la n'agissait apparemment pas dans ce domaine. «guerre contre le terrorisme », en dépit des préoccupa- Peu d'initiatives ont été prises pour traduire en justice tions quant aux atteintes aux droits humains perpétrées les auteurs d'atteintes graves aux droits humains com- par ces groupes. Amnesty International a reçu des infor- mises au cours des vingt-trois dernières années ou mations à propos de prisons « officieuses » ou « privées » pour définir une stratégie de la justice de transition contrôlées par des commandants qui n'étaient pas auto- quant aux crimes de guerre. Des commandants mili- risés à se livrer à de telles activités, ce qui suscitait des taires soupçonnés d'avoir commis par le passé des inquiétudes quant au caractère arbitraire de la détention atteintes graves aux droits humains ont été intégrés par des systèmes parallèles de « maintien de l'ordre », sou- dans le gouvernement de transition. vent gérés par des milices armées et échappant à l'auto- Dans la première et unique tentative pour traduire en rité de la loi. justice un ancien commandant de groupes de moudja- La police, les prisons et les autres institutions indis- hidin accusé d'atteintes graves aux droits humains, les pensables pour donner effet à l'état de droit souf- normes internationales d'équité n’ont pas été respectées, fraient d'une insuffisance de moyens financiers, du ce qui met en lumière l'incapacité du système judiciaire manque de formation du personnel et de l'absence de existant à traiter des affaires de cette nature. Abdullah structures de commandement et de contrôle permet- Shah, un commandant originaire de Paghman jugé en tant de garantir l'obligation de rendre des comptes. septembre, a réclamé un nouveau procès en octobre. Il Des cas d'extorsion et de placement en détention arbi- n'a pas bénéficié de l'assistance d'un avocat. Vingt-trois traire par la police, suscités par le non-paiement des plaintes écrites formaient l'essentiel des éléments à salaires, ont été signalés dans de nombreuses régions charge, mais l'accusé n'a pas eu la possibilité de faire du pays. Le recours à la torture durant les interroga- procéder à un contre-interrogatoire. Abdullah Shah a toires était courant. Des personnes ont été maintenues été condamné à la peine capitale à l'issue du second en détention prolongée sans être présentées à une procès. Le président Karzaï n'avait pas statué sur cette autorité judiciaire. Les conditions de vie des prison- condamnation à mort à la fin de l'année. niers ainsi que les conditions de travail des gardiens Des questions importantes liées à la nécessité de étaient déplorables. Grâce au projet allemand de sou- mettre en place des programmes de protection efficace tien à la police afghane, une nouvelle force de police a des témoins et de décider des priorités à retenir dans bénéficié d’une aide et d’une formation. Toutefois, à les enquêtes ont été soulevées dans le débat à propos la fin de l'année, aucun donateur n'avait proposé son des charniers découverts en Afghanistan. assistance à la reconstruction du système pénitentiaire. Le charnier de Dasht-e-Leili, à proximité du désert de ✔ En novembre, la police a fait un usage excessif de la Shibarghan, contenait les restes de plusieurs centaines force et a tiré sur une foule d'étudiants non armés de de prisonniers talibans qui seraient morts asphyxiés l'université de Kaboul qui réclamaient de meilleures dans des conteneurs, en 2001, lors de leur transport de conditions de vie. Au moins deux étudiants auraient Kunduz à la prison de Shibarghan, non loin de Mazar- été tués et plus de 20 autres ont été blessés. e-Charif. En mai, les Nations unies ont mené des ✔ Un homme âgé d’environ vingt-cinq ans désigné par investigations préliminaires sur les lieux avec l'aide de le nom de Nasir a été arrêté en avril et détenu dans la l'organisation non gouvernementale Physicians for prison centrale de Kaboul. Il a été battu pendant son human rights (PHR). Trois corps ont été exhumés et 57 AF les autopsies pratiquées ont révélé la présence de s'adressant au système judiciaire qui restait mal armé et lésions correspondant à la mort par asphyxie. Des profondément discriminatoire. Le système traditionnel témoins ont mis en cause des membres du Front uni de justice non institutionnelle de la jirga ou shura placés sous le commandement du général Abdul continuait de fonctionner mais rendait souvent des Rachid Dostom. Plusieurs de ces témoins auraient en décisions discriminatoires. La plupart des prisonnières outre été harcelés par la suite et victimes d'actes de étaient incarcérées pour avoir enfreint les codes torture, de détention arbitraire ou d'exécutions extra- sociaux, religieux ou de conduite. judiciaires. À la suite d'allégations selon lesquelles des éléments de preuve avaient été déplacés, les Nations Homicides à l’encontre de civils et violations unies ont été invitées à protéger le site jusqu'à ce du droit international humanitaire qu'une enquête exhaustive soit effectuée. L'opération militaire dirigée par les États-Unis contre les talibans et Al Qaida (La Base) s'est poursuivie tout Peine de mort au long de l'année. Un nombre indéterminé de civils Au moins cinq personnes accusées de meurtre ont été auraient trouvé la mort au cours des bombardements condamnées à mort par des tribunaux appliquant une menés par les États-Unis et leurs alliés à partir du mois procédure qui ne respectait pas les normes internatio- d’octobre 2001. Le nombre de victimes n’a pas pu nales d'équité. Aucune exécution n'a été signalée. faire l’objet d’une vérification indépendante en raison de l'absence d'enquêtes de ce type et d'informations Droits des femmes publiques. En conséquence, personne n'a eu à rendre Les décrets promulgués par les talibans qui limitaient la des comptes pour le nombre de personnes tuées lors liberté de mouvement des femmes à leur foyer ont été de ces opérations militaires. levés après l'entrée en fonction de l'administration inté- ✔ Le 1er juillet, 48 civils auraient été tués et plus de rimaire. Toutefois, les violences sexuelles imputables à 100 autres ont été blessés lorsque des avions améri- des factions armées et le harcèlement dans les lieux cains ont bombardé le village de Kakarak, district de publics lié à des convictions culturelles continuaient de Dehrawad (province de l'Uruzgan) où se tenait une limiter la liberté de mouvement et d'expression des fête de mariage. Le département de la Défense améri- femmes ainsi que leurs choix vestimentaires. Les cain a, dans un premier temps, attribué les morts à craintes pour leur sécurité personnelle empêchaient les une bombe qui avait dévié de sa trajectoire. Des res- femmes de participer pleinement aux activités de la ponsables américains ont affirmé par la suite que les société civile et les privaient de la possibilité d'exercer avions avaient riposté après avoir été la cible d'une leurs droits fondamentaux. C'était tout particulière- attaque; des témoins locaux ont déclaré qu'il s'agissait ment le cas en dehors de Kaboul où la sécurité était de tirs en l'air visant à célébrer le mariage selon la tra- assurée par des commandants locaux rivaux. Des cas dition afghane. Les autorités américaines, qui ont fina- de violences contre des femmes pachtounes, notam- lement reconnu que des civils avaient été tués, ont ment des viols et autres agressions sexuelles, ont été dépêché une équipe chargée de mener une enquête, signalés à Mazar-e-Charif après la chute des talibans. dont les résultats n'ont pas été rendus publics. Des décrets restreignant la liberté de mouvement des Des civils auraient également été tués par des groupes femmes et leur participation à la vie de la société civile armés afghans qui se disputaient le contrôle de terri- ont été promulgués à Hérat, région gouvernée par toires dans l'est et le nord du pays. Les troupes au sol Ismaïl Khan. Les organisations non gouvernementales américaines et alliées, qui ont continué de mener des (ONG) féminines étaient de plus en plus souvent vic- incursions dans des villages, auraient arrêté des civils times de discrimination et d'intimidation. pris à tort pour des membres d'Al Qaida ou des tali- De très nombreux cas de discrimination envers les bans. Aucune information détaillée n'a été fournie sur femmes sous forme d'intimidation politique ont été les circonstances de ces arrestations. signalés. À Pol-e Khomri, sept institutrices ont été ✔ Le 17 mars, au moins 31 hommes ont été arrêtés licenciées en raison de leur activité politique pendant arbitrairement et placés en détention par des soldats la Loya Jirga. Sima Samar, ancienne ministre de la américains lors d'une opération contre un camp dans Condition féminine, a été menacée pour son franc la périphérie de Kandahar. Ils ont été libérés après que parler pendant la Loya Jirga. Elle a été citée à compa- leur qualité de civils eut été établie. raître, au mois de juin, devant un tribunal de Kaboul Ces hommes se sont plaints d'avoir été maltraités par les pour des accusations de blasphème apparemment for- soldats américains. Ils ont affirmé avoir été frappés à mulées pour des motifs politiques. Ces poursuites ont coups de poing et de pied alors qu'ils avaient les mains été abandonnées ultérieurement. attachées dans le dos et la tête recouverte d'une cagoule. Comme les années précédentes, des représentants de Des soldats américains leur auraient marché sur le dos l'État et des agents non gouvernementaux ont perpétré après les avoir fait allonger face contre terre. Des offi- des actes de violence envers des femmes. On peut citer, ciers américains leur auraient rasé les poils du corps. Les entre autres, des viols, des mariages forcés, des enlève- jours suivants, les prisonniers ont été détenus par ments et des pratiques traditionnelles, discriminatoires groupes de 10 à 18 personnes dans des cages mesurant envers les femmes, pour le règlement de conflits tri- cinq mètres sur dix, où ils ne disposaient que d'un seau baux. Les femmes ne pouvaient obtenir réparation en pour leurs besoins naturels. 58 AF Certains des centaines d'Afghans et d’hommes d'autres au Pakistan et en Iran ainsi que les pressions considé- nationalités qui avaient été faits prisonniers ont été rables qui étaient exercées sur les réfugiés pour les inci- transférés à la base américaine de Guantánamo Bay, à ter à retourner dans leur pays ont porté atteinte au Cuba. Leur statut était indéterminé, ils n'étaient pas caractère volontaire du retour. reconnus comme prisonniers de guerre et ne bénéfi- Des pays non limitrophes de l'Afghanistan ont saisi cette ciaient pas de la protection prévue pour les suspects de occasion pour renvoyer des demandeurs d'asile afghans. droit commun par les normes internationales relatives L'Australie a signé un accord bilatéral avec l’administra- aux droits humains (voir États-Unis). tion intérimaire afghane tandis que le Royaume-Uni et la France concluaient avec le gouvernement de transition Prisonniers capturés dans le cadre du conflit et le HCR des accords tripartites qui prévoyaient une Plusieurs centaines de présumés talibans et membres incitation financière afin d'encourager le retour volon- d’Al Qaida ont été incarcérés arbitrairement par les auto- taire des réfugiés et demandeurs d'asile afghans. rités afghanes. Ils étaient maintenus en détention sans Le manque d'infrastructures, l'absence de systèmes inculpation ni jugement à la fin de l'année. Les informa- scolaire et de santé ainsi que les violations persistantes tions selon lesquelles ils auraient été victimes de mauvais des droits humains, l'insécurité et la sécheresse conti- traitements suscitaient de profondes préoccupations. Les nuaient à rendre difficile la réinstallation du grand craintes quant à la dureté de leurs conditions de déten- nombre de réfugiés rentrés en Afghanistan. Au mois tion étaient renforcées par la surpopulation, l'insuffi- de juin, le HCR a annoncé qu'il manquait de fonds sance de soins et le manque de nourriture. Une série de pour financer le programme de rapatriement, ce qui a libérations a commencé en avril, ce qui a contribué à suscité de graves inquiétudes quant à la durabilité du réduire la surpopulation carcérale. retour et remis en cause l'application du principe de non-refoulement. Violences ethniques et personnes déplacées La crainte d'être la cible de violences motivées par des Visites d'Amnesty International considérations ethniques et d'homicides commis en Amnesty International a ouvert un bureau à Kaboul et représailles empêchait des milliers de réfugiés de ren- des délégués de l'organisation se sont régulièrement trer chez eux. Des personnes ont fui le nord de rendus en Afghanistan tout au long de l'année.◆ l'Afghanistan, en proie à des violences et à des luttes de factions après la chute des talibans. Des Pachtounes Autres documents d'Amnesty International ont subi des atteintes généralisées à leurs droits fonda- Afghanistan: Open letter to participants in the mentaux, notamment des homicides et des violences International Conference on Reconstruction sexuelles; certains ont été victimes d'extorsion et des Assistance to Afghanistan. [Afghanistan. Lettre maisons ont été pillées et incendiées. Ces violences ont ouverte aux participants à la Conférence internationale été imputées aux trois principaux groupes armés opé- sur l'aide à la reconstruction de l'Afghanistan] rant dans le Nord et aux milices qui leur sont liées. (ASA 11/002/02). Des dizaines de cas ont été signalés, aux mois de janvier Afghanistan. Lettre ouverte au président Hamid Karzaï et de février, à Balkh, à Samangan et à Sar-i-Pul. Des concernant les recommandations d'Amnesty Pachtounes auraient également été attaqués dans les International pour la reconstruction du système judiciaire provinces de Badghis, Kunduz et Hérat. (ASA 11/011/02). Les nombreuses tentatives des autorités et des Nations Afghanistan. Les réfugiés afghans ont toujours unies pour ramener la paix et la sécurité dans le nord besoin de protection et leur retour dans leur pays du pays ont échoué; et les communautés pachtounes doit se faire dans le respect des normes internationales ainsi que les familles déplacées risquaient toujours (ASA 11/014/02). d'être victimes de persécutions. Les familles fuyant les Afghanistan: Human rights concerns – a message from atteintes aux droits humains et les violences sont NGOs to donors [Afghanistan. Préoccupations venues grossir le nombre des personnes déplacées à l'in- relatives aux droits humains – un message des ONG térieur de l'Afghanistan, que l'on estimait à 700000. aux donateurs] (ASA 11/016/02).

Réfugiés et demandeurs d'asile Environ deux millions de réfugiés sont rentrés en Afghanistan après la chute du gouvernement des tali- bans malgré la poursuite du conflit et l'insécurité qui régnait dans le pays. Il était difficile d’encourager le rapatriement volontaire en raison de la situation dans le pays. Plus 1,6 million d'Afghans sont rentrés du Pakistan et plus de 350000 autres d'Iran, dont un grand nombre dans le cadre du programme de rapatriement mis en place par le Haut- Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). L'érosion des normes de protection en vigueur 59 AF AFRIQUE DU SUD RÉPUBLIQUE SUD-AFRICAINE ZIMBABWE CAPITALE: Pretoria NAMIBIE 2 SUPERFICIE: 1219090 km BOTSWANA POPULATION: 44,2 millions MOZAMBIQUE CHEF de l’ÉTAT PRETORIA et du GOUVERNEMENT: Thabo Mbeki Johannesburg SWAZILAND PEINE DE MORT: abolie océan COUR PÉNALE AFRIQUE LÉSOTHO Indien INTERNATIONALE: océan DU SUD Durban Statut de Rome ratifié Atlantique Le Cap 0 700 km

ette année encore, selon les informations l’ANC demandant que les cinq députés ne puissent être qui sont parvenues à Amnesty International, démis de leurs mandats législatifs. Toujours en Cdes personnes sont mortes en garde à vue novembre, le Premier ministre du Kwazulu-Natal et dans des circonstances suspectes, des actes président national de l’Inkatha Freedom Party (IFP, de torture ont été infligés et la police a fait un Parti de la liberté Inkatha), Lionel Mtshali, a limogé usage excessif de la force. La recrudescence des de son gouvernement provincial de coalition deux violences à caractère politique s’est soldée par ministres membres de l’ANC. un certain nombre de morts et de blessés. Les Les tensions de plus en plus vives entre l’ANC et l’IFP chiffres relatifs au nombre de viols de femmes et au Kwazulu-Natal ont fait craindre une résurgence des de jeunes filles qui ont été signalés demeuraient violences politiques. L’année a été marquée par un élevés, et les auteurs n’étaient que rarement certain nombre d’assassinats politiques, dont celui, le déférés à la justice. Le gouvernement continuait 11 avril à Pomeroy, de Bongani Gabela, conseiller d’être critiqué pour sa politique concernant municipal affilié à l’ANC. les soins dispensés aux personnes séropositives Au mois de novembre, la province de Gauteng a pour le VIH ou atteintes du sida. La Cour connu une série d’attentats à la bombe qui ont fait au constitutionnelle a considéré que la loi régissant moins un mort, et qui ont été imputées à des organisa- le recours à la force meurtrière constituait une tions blanches d’extrême droite. Durant l’année, la violation du droit à la vie. Les réglementations police a arrêté un certain nombre de suspects après visant à empêche les demandeurs d’asile avoir découvert des caches d’armes et d’autres élé- de travailler ou de suivre des études ont été ments laissant à penser que l’extrême droite préparait déclarées illégales et contraires à la Constitution. un complot visant à renverser le gouvernement. Contexte Violation des droits des femmes et des enfants Les rapports n’ont cessé de se détériorer entre l’African La politique menée par le gouvernement pour lutter National Congress (ANC, Congrès national africain), au contre la pandémie du sida et fournir un traitement effi- pouvoir, et ses alliés au sein du mouvement travailliste cace aux personnes atteintes par le VIH a fait l’objet de et du South African Communist Party (SACP, Parti très nombreuses critiques émanant tant des organisa- communiste sud-africain), ainsi qu’entre l’ANC et tions de la société civile, des instituts de recherche médi- d’autres partis politiques. Au mois de juin, l’ANC sem- cale et autres instances spécialisées que de personnalités blait sur le point de prendre le contrôle de la province politiques, voire de membres de l’ANC. Le 17 avril, le du Kwazulu-Natal lorsque cinq députés issus d’autres gouvernement a publiquement accepté de fournir un formations ont rejoint ses rangs, en tirant parti des médicament antirétroviral aux femmes enceintes séropo- dispositions d’une nouvelle loi qui autorisait les dépu- sitives et à leurs nouveaux-nés, ainsi qu’aux victimes de tés à changer d’affiliation politique. viol susceptibles d’avoir été infectées par le VIH. La Cour constitutionnelle a toutefois considéré en En juillet, la Cour constitutionnelle a considéré que le octobre que ladite loi était contraire à la Constitution, gouvernement devait élaborer et mettre en œuvre, avec et elle a rejeté en novembre la requête introduite par les moyens dont il disposait, un programme global et 60 AF coordonné visant à donner progressivement aux précédente, ces chiffres ont révélé une augmentation femmes enceintes et à leurs nouveaux-nés le droit considérable de ce type d’affaires. Au cours de la d’accéder aux services de soins afin de lutter contre les même période, l’ICD a enquêté sur 214 cas de per- risques de transmission du VIH de la mère à l’enfant. sonnes mortes en garde à vue et 371 cas de personnes La Cour a ordonné aux autorités de lever « sans mortes à la suite d’une « action policière », générale- attendre » les restrictions empêchant qu’un médica- ment des coups de feu tirés par des policiers lors d’une ment antirétroviral soit mis à la disposition des dispen- arrestation ou pour prévenir une infraction. Dans un saires et des hôpitaux publics, et de faciliter son tiers des affaires ayant donné lieu à des enquêtes com- utilisation; le but était de réduire les risques de trans- plètes, l’ICD est parvenue à la conclusion qu’il existait mission du virus aux bébés. suffisamment d’éléments de preuve pour recomman- D’après les informations recueillies lors des débats par- der la traduction en justice des policiers mis en cause. lementaires, auprès de la police et dans le cadre des Un certain nombre de suspects arrêtés auraient été études menées sur le sujet, cette année encore de très délibérément tués par la police. nombreuses femmes et jeunes filles ont été victimes de ✔ Au mois de mai, un membre d’une Community viol ou de tentative de viol. Au mois de novembre, Policing Forum (CPF, Forum sur le maintien de l’ordre une étude préliminaire réalisée par différents minis- en partenariat avec les communautés), Siphiwe tères a fait apparaître que, sur 52975 affaires de viol Phakathi, a été victime de coups de feu tirés à bout signalées en 2000, les auteurs avaient été condamnés portant alors qu’il se trouvait au poste de police dans moins de 8 p. cent des cas. Dans certaines pro- d’Ekuvukeni (Kwazulu-Natal), où il était venu dépo- vinces comme celles de l’État libre, du Limpopo, du ser une plainte. Touché au cou et à la poitrine, il n’a Cap-Ouest et du Kwazulu-Natal, des progrès ont été pas survécu à ses blessures. constatés concernant, d’une part, les services fournis ✔ À la fin de l’année, quatre membres de la Serious aux victimes en matière de soins, d’aide et de conseil and Violent Crimes Unit (Unité d’enquête sur les et, d’autre part, la comparution en justice des auteurs infractions graves et les crimes de sang) de Richards présumés de viols devant des tribunaux spécialisés. En Bay (Kwazulu-Natal) étaient inculpés de meurtre et juin, le ministère national de la Santé a défini un cer- d’entrave à la justice au sujet de la « disparition » de tain nombre de directives touchant aux soins et traite- Vusi Ngwenya. Le 15 janvier, des policiers étaient ments à dispenser aux victimes de violences sexuelles, venus chercher ce dernier chez lui et l’avait emmené, qui comprenaient des mesures visant à empêcher la menottes aux poignets. Moins de vingt-quatre heures transmission du VIH et des maladies sexuellement plus tard, sa famille était informée qu’il s’était transmissibles autres que le sida. échappé. Son corps a été retrouvé dans une tombe peu À Mpumalanga, le ministre provincial de la Santé a profonde à la fin du mois de décembre. continué de harceler les militants d’organisations non ✔ En avril, le tribunal de première instance d’Ixopo gouvernementales (ONG) et les professionnels de la (Kwazulu-Natal) a condamné un soldat pour homicide santé qui s’étaient donné pour tâche de venir en aide volontaire et deux autres soldats pour coups et blessures aux victimes de viol, de les soigner et de leur fournir avec l’intention d’infliger des lésions corporelles graves. des médicaments antirétroviraux afin de prévenir une Ces condamnations étaient liées aux tortures subies par infection par le VIH. Basil Jaca en juillet 2000 lors d’une opération militaire ✔ En février, le directeur de l’hôpital Rob Ferreira, le à son domicile. Les soldats lui avaient enfoncé à plu- docteur Thys von Mollendorff, a été démis de ses fonc- sieurs reprises le canon d’un fusil dans l’anus. Basil Jaca tions pour avoir autorisé une ONG, le Greater Nelspruit est mort le lendemain des suites de ses blessures. Rape Intervention Project (Programme d’action contre le En décembre, le commissaire adjoint de Mpumalanga viol dans l’agglomération de Nelspruit), à utiliser ses s’est rendu au poste de police de KaNyamazane à la locaux. Il a été débouté de son recours en justice lors suite de nombreuses plaintes accusant les policiers de d’une audience où ni lui ni son avocat n’étaient pré- violations des droits humains et de non-assistance aux sents. Cette organisation, qui prenait à sa charge le prix victimes de crimes, notamment aux victimes de viol. des médicaments antirétroviraux prescrits aux victimes Dans le courant de l’année, deux policiers de de viol, faisait toujours, à la fin de l’année, l’objet de KaNyamazane avaient été inculpés de complicité dans poursuites visant à l’évincer de l’hôpital Rob Ferreira. des actes de torture perpétrés sur un jeune garçon de treize ans soupçonné de vol, et ils étaient passés en Torture et morts en détention jugement. Le jeune garçon avait été fouetté et plongé De nombreuses informations faisant état de personnes dans une rivière, et quatre autres personnes l’avaient torturées ou mortes en garde à vue dans des circons- brûlé sur les parties génitales et d’autres parties du tances suspectes sont parvenues à Amnesty corps avec du plastique fondu et des cigarettes. Ces International. L’Independent Complaints Directorate quatre personnes ont également été déférées à la jus- (ICD, Direction indépendante des plaintes) a signalé tice. Les procès se poursuivaient à la fin de l’année. qu’au cours de l’année finissant le 31 mars 2002, elle avait reçu 37 plaintes pour torture et 255 plaintes Recours à la force par la police pour coups et blessures avec l’intention d’infliger des Le 21 mai, la Cour constitutionnelle a considéré que lésions corporelles graves. Comparés à ceux de l’année l’article 49-2 de la Loi de 1977 relative à la procédure 61 AF pénale, qui autorisait la police ou toute personne pour- australiennes, était en cours via l’Afrique du Sud. Le suivant un suspect en fuite à recourir sans restriction à la juge a interdit aux autorités australiennes et sud-afri- force « meurtrière », constituait une violation du droit à caines d’expulser Jacques Katambayi du pays, et il a la vie. La Cour a estimé que la force potentiellement ordonné au ministère de l’Intérieur de l’autoriser à meurtrière ne peut être utilisée que s’il existe des motifs demander l’asile en Afrique du Sud. raisonnables de penser que le suspect risque, dans Le gouvernement sud-africain a refusé de renvoyer un l’immédiat, de provoquer une blessure grave, ou qu’il a demandeur d’asile chilien, Jaime Yovanovic Prieto, au commis une infraction sous la menace d’infliger des motif que les poursuites engagées contre lui avaient un blessures graves ou ayant entraîné des blessures graves. caractère politique et que son procès serait inéquitable. Lors du Sommet mondial sur le développement durable Son extradition avait été demandée par le gouverne- qui s’est tenu en août, la police a détenu pendant de ment chilien, qui souhaitait voir cet homme jugé par un brèves périodes plus de 70 militants du Landless People’s tribunal militaire pour un meurtre présumé qu’il était Movement (LPM, Mouvement des sans-terre) et du supposé avoir commis en 1983. National Land Committee (NLC, Comité national des Au mois de novembre, après avoir été saisie d’une terres). Ces derniers ont été relâchés, non sans avoir été plainte déposée par un demandeur d’asile zim- inculpés de participation à une manifestation illégale et babwéen, la chambre de la Cour suprême au Cap a de violences sur la voie publique, en vertu d’une loi considéré que les réglementations interdisant aux datant de la période de l’apartheid; ces inculpations ont demandeurs d’asile de travailler ou de suivre des été levées par la suite. L’une des personnes détenues, études en Afrique du Sud étaient illégales et contraires Girly Zitha, s’est vu refuser tous soins médicaux et a fait à la Constitution. une fausse couche pendant sa détention. Des organisa- tions issues de la société civile ont déposé une plainte Impunité pour les violations des droits humains auprès de la Commission sud-africaine des droits commises dans le passé humains pour dénoncer le fait que la police ait recouru En août, l’IFP, Parti de la liberté Inkatha, a obtenu d’un à la force sans motif valable et blessé des personnes qui tribunal qu’il interdise à la Commission vérité et manifestaient pacifiquement. réconciliation de publier ses derniers volumes en atten- dant que la Cour suprême ait statué sur sa précédente Conditions carcérales requête. L’IFP avait en effet cherché à obtenir une Une commission d’enquête sur les pratiques de corrup- décision de justice obligeant la Commission à modifier tion au sein de l’administration pénitentiaire, présidée son rapport de 1998, dans lequel de hauts responsables par le juge Thabani Jali, a recueilli des témoignages fai- de l’IFP étaient désignés comme responsables de viola- sant état de nombreuses violences dans la prison de tions des droits humains. La Cour suprême devait exa- Grootvlei (État libre). Entre autres, des prisonniers miner cette requête en janvier 2003. mineurs étaient violés par des gardiens ou par d’autres Au mois de juin, le groupe de soutien Khulumani prisonniers agissant avec la complicité de gardiens, les (Cap-Ouest) a introduit une requête auprès de la dénonciateurs de violences étaient victimes de Cour suprême en vue de contraindre le gouvernement manœuvres d’intimidation, et ceux qui portaient plainte à rendre publique sa politique concernant les répara- subissaient des violences physiques. La procédure disci- tions destinées à ceux que la Commission vérité et plinaire engagée en novembre contre 21 surveillants de réconciliation avait, en 1998, qualifiés de victimes de la prison de Grootvlei se poursuivait à la fin de l’année. violations flagrantes des droits humains. La procédure Au mois de novembre, la Commission sud-africaine des suivait son cours à la fin de l’année. droits humains a fait savoir que quelque 230 prisonniers Le 11 avril, la chambre de la Cour suprême à Pretoria a étaient toujours sous le coup d’une sentence capitale, ce acquitté le docteur Wouter Basson, ancien responsable en raison de complications administratives et du retard du programme militaire secret de guerre biologique et pris par les procédures judiciaires au lendemain de l’abo- chimique pendant la période de l’apartheid, des 46 lition de la peine de mort, en 1995. chefs d’inculpation – notamment des accusations La Commission a condamné cette situation, estimant d’homicide volontaire – dont il faisait encore l’objet. qu’elle violait les droits des prisonniers de voir leur Entre autres conclusions, le tribunal a considéré que dignité respectée, de bénéficier d’une procédure admi- l’État n’avait pas prouvé au-delà du doute raisonnable nistrative équitable, et de ne pas être soumis à un traite- que Wouter Basson avait fait partie d’un complot ment cruel, inhumain ou dégradant. visant à fournir des substances mortelles à des agents de l’armée afin qu’ils les utilisent pour tuer des enne- Droits des réfugiés mis du gouvernement. En mars, un juge de la Cour suprême d’Afrique du L’État a demandé l’autorisation d’exercer un recours Sud a estimé que le ministère de l’Intérieur ne pouvait contre la décision prise antérieurement par le juge au expulser un réfugié congolais qui avait auparavant cours du procès de ne pas examiner les charges rete- déposé une demande d’asile alors qu’il se trouvait en nues contre l’accusé relatives à des meurtres commis transit à l’aéroport international de Johannesburg. hors d’Afrique du Sud, et contre sa décision de ne pas Jacques Katambayi s’était vu refuser l’asile en demander son dessaisissement alors que le ministère Australie, et son renvoi forcé, décidé par les autorités public avait mis en cause son impartialité. 62 AL Visites d’Amnesty International travail médicolégal sur l’aide, les soins et les examens Des délégués de l’organisation se sont rendus en médicolégaux relatifs aux victimes de viol en Afrique Afrique du Sud en avril et en août.◆ australe et en Afrique de l’Est] (AFR 53/001/02). Maintien de l’ordre et protection des droits humains. Autres documents d’Amnesty International Bilan des pratiques policières dans la Communauté Protecting the human rights of women and girls: Report of de développement de l’Afrique australe (1997-2002) a medico-legal workshop on the care, treatment and (AFR 03/004/02). forensic medical examination of rape survivors in Southern Afrique australe. Les femmes et les jeunes filles and East Africa [La protection des droits fondamentaux toujours confrontées à la discrimination et à la violence des femmes et des jeunes filles. Rapport d’un groupe de (AFR 03/012/02). ALBANIE RÉPUBLIQUE D’ALBANIE YOUGOSLAVIE CAPITALE: Tirana SUPERFICIE: 28748 km2 POPULATION: 3,2 millions EX. RÉP. CHEF de l’ÉTAT: Y. DE MACÉDOINE Rexhep Mejdani, remplacé par TIRANA Alfred Moisiu le 24 juin mer CHEF du GOUVERNEMENT: Adriatique Ilir Meta, remplacé par Fatos Nano le 25 juillet ALBANIE PEINE DE MORT: abolie Vlorë GRÈCE sauf pour crimes exceptionnels ITALIE COUR PÉNALE INTERNATIONALE: mer Ionienne 0 100 km Statut de Rome signé

ette année encore il était fréquent Torture et mauvais traitements que des détenus, y compris des enfants, Les mauvais traitements au moment de l’arrestation et Csoient maltraités au moment de leur arrestation pendant la garde à vue dans les locaux de la police étaient ou pendant leur garde à vue dans les locaux monnaie courante. Dans certains cas, les traitements de la police, le but étant de les forcer étaient si violents qu’ils pouvaient être assimilés à une à des « aveux ». Parfois ils étaient torturés. forme de torture. En mars, le ministre de l’Ordre public Les poursuites judiciaires à l’encontre aurait affirmé qu’un groupe spécial examinerait le pro- de policiers accusés de mauvais traitements blème de la « violence policière » contre les détenus, mais ont été rares. Des cas de détention illégale ont aucune information complémentaire n’a fait suite à cette été enregistrés, ainsi que des cas où des proches, déclaration. En octobre et novembre, des observateurs de un avocat ou un médecin se sont vu refuser l’organisation non gouvernementale (ONG) de protection le droit de rendre visite à un détenu après des droits de l’enfant Qendra për Mbrojtjen e të Drejtave son arrestation. Les conditions de détention të Fëmiljëve ne Shquiperi (également appelée Children’s étaient souvent déplorables et, dans certains Human Rights Centre of Albania, CRCA) se sont rendus établissements, en raison de la surpopulation dans un certain nombre de postes de police et ont extrême et du manque d’hygiène et d’aération, constaté que la police maltraitait couramment, et parfois elles s’apparentaient à un traitement cruel, torturait, des enfants pour leur extorquer des « aveux ». inhumain et dégradant. Les autorités ont adopté À la fin de l’année 2002, l’Albanie n’avait toujours pas des mesures pour mettre un terme au trafic remis au Comité des Nations unies contre la torture de femmes et de jeunes filles pour l’exploitation les rapports qui étaient attendus en 1995 et 1999. sexuelle, ainsi qu’à la vente d’enfants ✔ Le 5 mars, Sabaudin Çela, originaire de Vlorë dans le à des gangs de criminels ; cependant sud de l’Albanie, rentrait chez lui après sa journée de tra- le taux de condamnation est resté faible. vail lorsque le chef de la police criminelle du poste de 63 AL Vlorë et deux autres hommes l’auraient contraint, sous ✔ Le 7 janvier, la police de Vlorë a arrêté et aurait la menace d’une arme à feu, à entrer dans une voiture. maltraité Neritan Gjikondi, un handicapé âgé de vingt Il a plus tard déclaré qu’ils l’avaient conduit à la péri- et un ans. Il n’a été conduit devant un tribunal que phérie de la ville où ils l’avaient battu jusqu’à ce qu’il sept jours plus tard, lorsqu’un juge a ordonné son pla- perde connaissance. Il semblerait que, dans l’esprit des cement en détention provisoire. policiers, il détenait des renseignements à propos d’un En vertu de la législation albanaise, il aurait dû être meurtre. Une fois revenu à lui, il a été interrogé et déféré à la justice dans les quarante-huit heures qui lorsqu’il a affirmé ne rien savoir, il aurait été frappé à ont suivi son arrestation. Le père de Neritan Gjikondi coups de crosse de pistolet et de matraque et brûlé se serait vu refuser le droit d’entrer en contact avec son avec des cigarettes. Un représentant d’Amnesty fils lorsqu’il a tenté de lui rendre visite au poste de International s’est rendu à son chevet deux jours plus police de Vlorë après son arrestation. tard à l’hôpital et a constaté qu’il souffrait de graves ✔ Le 5 avril, deux frères, Zef et Dedë Përgjini, ont été contusions au dos, à la tête et aux jambes. Le chef de arrêtés, maltraités et blessés par la police à Lezhë. On la police criminelle a été suspendu et assigné à domi- leur a refusé le droit de consulter un médecin pendant cile. À la fin du mois de septembre, il a été inculpé environ trois semaines; un procureur a ordonné que d’« actes arbitraires » et deux civils ont été condamnés Dedë Përgjini soit examiné par un expert médicolégal, par défaut pour avoir agressé et blessé Sabaudin Çela. mais il semble que sa demande soit restée lettre morte. ✔ Le 20 octobre, Ardian Muja, soupçonné d’avoir placé Une enquête menée par le médiateur a abouti à la des explosifs dans la voiture du chef de la police de conclusion que les deux hommes ainsi qu’un troisième Shkodër, a été arrêté. Deux jours plus tard, il a déposé frère, Gjokë, avaient subi des mauvais traitements, et a une plainte, affirmant qu’il avait été battu et gravement fait état d’autres violations de la loi. Le médiateur a blessé au poste de police de Shkodër par des policiers qui recommandé que des poursuites pénales soient enga- cherchaient à lui arracher des aveux. Bien qu’il ait été gées à l’encontre de six policiers et du procureur local. emmené à l’hôpital par la police pour y être soigné, il ✔ Le 6 février, Ilir Hajrullai, un homme âgé de vingt- n’avait pas, à la connaissance d’Amnesty International, deux ans, a été arrêté sans mandat à Ferras par la obtenu satisfaction à sa demande d’examen par un police. Celui-ci n’a pas été informé des charges rete- expert médicolégal à la date du 28 octobre. nues contre lui; ni lui ni sa famille n’ont su où il était emmené. Le 7 février, il aurait appris qu’il avait été Enquête sur des allégations de brutalités inculpé de « collaboration avec une organisation terro- policières riste ». Plusieurs jours plus tard, un tribunal a ordonné Les poursuites judiciaires à l’encontre de policiers son placement en détention provisoire. D’après les accusés d’avoir infligé des mauvais traitements ont été informations reçues par Amnesty International, il n’a rares. Les quelques informations disponibles faisaient pas eu le droit de choisir un avocat, et l’avocat qui lui apparaître que dans les quelques cas où des policiers a été assigné ne connaissait pas son dossier et n’a appa- ont été reconnus coupables, ils ont presque toujours remment pas contesté la détention. été condamnés à des peines non privatives de liberté À la fin du mois d’avril, après la médiatisation de son (amendes ou peines d’emprisonnement avec sursis). affaire, il a été libéré sans inculpation. Il semble que ✔ Un policier a été jugé par un tribunal de Saranda les autorités le soupçonnaient d’être un proche du pour des actes de torture sur un jeune garçon de onze réseau Al Qaida (La Base). Ilir Hajrullai avait fré- ans qu’il avait soupçonné à tort de vol en juin 2000. quenté un établissement d’enseignement islamique au Le procureur local avait dans un premier temps classé Koweït, où sa sœur est mariée à un ressortissant l’affaire sans suite, mais en raison d’interventions répé- koweïtien. Ils avaient tous deux été détenus antérieu- tées du médiateur, l’enquête a été rouverte. Au mois rement pendant trois semaines pour subir un interro- de juillet, le policier a été reconnu coupable d’« abus gatoire à propos de l’époux de la jeune femme. de pouvoir » pour avoir maintenu le jeune garçon en garde à vue au-delà du délai légal et pour l’avoir inter- Conditions de détention rogé en l’absence d’un avocat ou d’un tuteur. Le tribu- Les conditions carcérales étaient souvent dures et, dans nal a conclu que le policier n’avait pas maltraité le certains cas, compte tenu de la surpopulation et du jeune garçon et lui a infligé une peine d’emprisonne- manque d’hygiène, elles s’apparentaient à un traite- ment de dix-huit mois avec sursis. Le policier a été ment cruel, inhumain et dégradant. Au mois de février, démis de ses fonctions à la suite des allégations avan- 16 détenus de la prison de Vaqarr auraient menacé cées contre lui, mais s’est vu ultérieurement confier le d’entamer une grève de la faim pour protester contre le poste de chef de la police municipale de Saranda. manque d’eau dans leurs cellules. Au mois de mars, cet établissement pénitentiaire prévu pour 130 prisonniers Détention illégale et refus du droit de visite en accueillait 204. ou de consultation Les conditions de détention dans les postes de police Des cas de détention illégale ont été signalés. Des détenus étaient en général considérées comme pires que celles se sont vu refuser le droit de rencontrer des proches ou de des prisons. Les mineurs étaient souvent détenus avec consulter un médecin. Il semblait tout à fait fréquent que les adultes au lieu d’être placés dans des locaux séparés. la police n’informe pas les détenus de leurs droits. En mai, 10 prisonniers condamnés ont entamé une 64 AL grève de la faim en signe de protestation au poste de Trafic de femmes et d’enfants police de Rrëshen, dans le district de Mirdita. Le Les autorités ont adopté des mesures pour empêcher le Groupe albanais de défense des droits humains, une trafic de femmes et de jeunes filles destinées à l’exploi- ONG locale, a signalé que 32 détenus étaient enfermés tation sexuelle, et le trafic d’enfants forcés de mendier dans six cellules devant accueillir chacune deux per- pour le compte de gangs de criminels. Toutefois, le sonnes, trois au maximum. taux de condamnation dans ce genre d’affaires était Au début du mois d’octobre, 100 personnes étaient extrêmenent faible. détenues au poste de police de Vlorë, alors qu’il était prévu pour 40 à 50. Les détenus n’avaient ni lit ni Visites d’Amnesty International matelas; les cellules étaient mal éclairées et mal Des délégués de l’organisation se sont rendus en ventilées; il n’y avait pas d’eau courante et les canalisa- Albanie aux mois de mars et de septembre pour y tions étaient bouchées. Les détenus, parmi lesquels six effectuer des recherches.◆ condamnés, se voyaient refuser de quoi lire et écrire; ils n’avaient la possibilité ni d’écouter la radio ni de regar- Autres documents d’Amnesty International der la télévision. Leur seul loisir autorisé était de fumer Albanie. Mauvais traitements présumés infligés des cigarettes. à des détenus (EUR 11/006/02). ALGÉRIE

RÉPUBLIQUE ALGÉRIENNE PORTUGAL ESPAGNE mer Méditerranée ITALIE DÉMOCRATIQUE ET POPULAIRE Constantine CAPITALE: Alger océan ALGER TUNISIE 2 Ceuta SUPERFICIE: 2381741 km Atlantique (ESP.)Melilla Oran (ESP.) POPULATION: 31,4 millions CHEF de l’ÉTAT: Abdelaziz Bouteflika CHEF du GOUVERNEMENT: ALGÉRIE LIBYE Ali Benflis MAROC ET SAHARA PEINE DE MORT: maintenue, OCCIDENTAL mais un moratoire sur les exécutions est en vigueur depuis 1994 Tamanrasset COUR PÉNALE NIGER INTERNATIONALE: MAURITANIE Statut de Rome signé MALI 0 600 km

e nombre de personnes tuées dans le conflit dont bénéficiaient les responsables des atteintes Linterne que connaît le pays depuis plus de aux droits humains constituait un problème dix ans est resté élevé. Des centaines de civils, considérable et continuait d'entraver la recherche dont des enfants, sont morts dans des attaques de la vérité et de la justice pour les milliers de perpétrées par des groupes armés. Plusieurs cas de torture, de »disparition » et d'homicides centaines de personnes, membres des forces signalés depuis 1992 et imputables aux force de sécurité, des milices armées par l'État ou de sécurité, aux milices armées par l'État et aux de groupes armés, ont été tuées lors d'attaques, groupes armés. L'état d'urgence proclamé en 1992 d'embuscades et d'affrontements. Une dizaine n'avait toujours pas été levé à la fin de l’année. de civils ont été victimes d’exécutions illégales Le moratoire sur les exécutions déclaré en imputables aux forces de sécurité lors de décembre 1993 était toujours en vigueur. manifestations antigouvernementales. Le recours à la torture était toujours très répandu, Contexte notamment pendant la détention secrète et non Le Front de libération nationale (FLN), seul parti poli- reconnue. Les défenseurs des droits humains tique autorisé jusqu'en 1989, a remporté la majorité ont été la cible d’actes de harcèlement et absolue lors des élections législatives de mai. Le scrutin d’intimidation de la part des autorités. L'impunité a été marqué par la participation la plus faible depuis 65 AL l'indépendance en 1962, moins de la moitié des élec- pour les droits humains. La politique algérienne de teurs inscrits ayant voté. En Kabylie, région à majorité « lutte contre le terrorisme » a été dénoncée par Amnesty amazigh (berbère), le boycottage a été presque total. International, entre autres, comme étant un prétexte La participation a été tout aussi faible pour les élec- pour justifier les violations massives des droits humains. tions locales qui se sont déroulées en octobre. Dans le courant de l’année, les États-Unis ont exprimé Au mois d’avril, le tamazight (berbère) a été consacré leur soutien à cette politique. « langue nationale » grâce à une modification de la Constitution. Ce statut impose à l'État de promouvoir Homicides dans le conflit armé et de développer toutes les variantes de cette langue Plusieurs centaines de civils ont été tués par des groupes parlées en Algérie. Les militants berbères ont continué armés lors d'attaques ciblées dans des villes et des vil- de revendiquer le statut de langue officielle pour le lages ou à de faux barrages ainsi que dans des attentats tamazight, au même titre que l'arabe. aveugles à l'explosif. Ces attaques ont souvent fait des En avril, l'Algérie et l'Union européenne ont signé dizaines de morts ou de blessés graves. Dans la grande l'Accord euro-méditerranéen d'association. Ce traité, majorité des cas, aucun groupe n'a revendiqué l’attentat qui concerne essentiellement le commerce, l'intégra- et aucun responsable n'a été traduit en justice. tion économique, la sécurité et le dialogue politique, Des centaines de membres des forces de sécurité, de contient également une clause contraignante obligeant milices armées par l'État et de groupes armés ont les parties contractantes à promouvoir les droits trouvé la mort dans des embuscades ou lors d'affronte- humains et à les protéger. ments. Toutefois, il était souvent impossible d'obtenir Au mois de juin, une plainte a été déposée en France des détails précis quant à l'identité des victimes ou aux contre le général en retraite Khaled Nezzar, accusé circonstances exactes de leur mort, car les autorités d'être responsable d'actes de torture commis entre restreignaient l'accès à ce type d'information. Des 1990 et 1993, lorsqu'il était ministre de la Défense. dizaines de membres de groupes armés qui s'étaient Cette initiative faisait suite à une autre plainte pour rendus aux autorités au cours des années précédentes torture déposée contre lui en 2001. Le parquet de auraient rejoint à nouveau des groupes armés. Paris a classé les deux plaintes en juillet, en raison de ✔ Plus de 40 civils ont été tués et des dizaines d'autres l'absence de preuves quant à la responsabilité directe ont été blessés lors d'un attentat à l'explosif perpétré le de Khaled Nezzar dans des actes de torture. 5 juillet, jour du quarantième anniversaire de l'indé- Le procès d'Habib Souaïdia, ancien officier de l'armée pendance, dans un marché très fréquenté de Larba, à accusé par Khaled Nezzar de diffamation, s'est ouvert 25 kilomètres au sud d'Alger. à Paris en juillet. Cette procédure avait été engagée à la suite des déclarations d'Habib Souaïdia à la télévision Homicides et arrestations au cours française à propos de l'implication des forces armées de manifestations algériennes dans les violations flagrantes des droits Une dizaine de civils non armés, parmi lesquels figu- humains commises dans les années 90. rait un adolescent de quatorze ans, ont été tués par les Des historiens, des responsables politiques, des mili- forces de sécurité en mars et en avril lors d'une série de taires et des intellectuels de toutes tendances se sont manifestations antigouvernementales. Les mouve- succédé au cours des audiences pour témoigner à pro- ments de protestation, qui dénonçaient plus particu- pos du conflit actuel et des atteintes massives aux lièrement la répression politique et la détérioration de droits humains qui le caractérisent. Le tribunal a la situation socioéconomique, se sont poursuivis tout conclu, en septembre, qu’Habib Souaïdia avait agi de au long de l'année en plusieurs endroits du pays, bonne foi et l'a relaxé. notamment en Kabylie, une région du nord-est de L'Algérie a accueilli au cours de cette année 2002 trois l'Algérie peuplée essentiellement de Berbères. Certains rencontres internationales sur la « lutte contre le terro- des civils tués auraient été abattus avec des balles risme » et la « criminalité organisée ». Les déclarations réelles, d'autres auraient été frappés ou lardés de coups officielles faites en ces occasions indiquaient que le pays de couteau, d'autres encore, manifestement visés à la recherchait un soutien à son argument selon lequel les tête, auraient été atteints par des balles en caoutchouc attentats perpétrés le 11 septembre 2001 aux États- ou des grenades lacrymogènes. Unis prouvaient qu’il avait eu raison d’adopter une De très nombreuses personnes ont été arrêtées pen- politique de « lutte contre le terrorisme » au cours des dant les manifestations ou à l'issue de celles-ci et ont dix dernières années. Un message similaire était été maintenues en détention pendant plusieurs mois. contenu dans les rapports que l'Algérie a remis le C'était notamment le cas de plus de 60 militants 24 décembre 2001 et le 15 août 2002 au Comité politiques kabyles, placés en détention en mars pour contre le terrorisme du Conseil de sécurité des Nations trouble à l'ordre public; ils ont été remis en liberté en unies, dans lesquels elle présentait les mesures prises en août, dans l’attente de leur jugement. Des dizaines vue de « prévenir et combattre le terrorisme ». Certaines d'autres manifestants ont été jugés et condamnés à des de ces mesures, notamment les modifications de la peines allant de plusieurs mois à plusieurs années législation adoptées les années précédentes et la ratifica- d’emprisonnement. Certains ont été élargis après avoir tion de traités comme la Convention arabe sur la purgé leur peine, les autres ont recouvré la liberté à la répression du terrorisme, constituent une menace grave faveur d'une grâce présidentielle décrétée en août. 66 AL Torture et détention secrète évoqué dans la presse l'implication de l'État dans des Le recours à la torture restait très répandu. Un grand violations graves des droits humains. Il était en liberté nombre des personnes qui auraient été torturées à la fin de l'année, en attendant que la Cour suprême avaient été arrêtées en raison de leurs liens présumés statue sur son pourvoi en cassation. avec des groupes armés. Les tortures leur auraient été ✔ En mai, Abderrahmane Khelil, membre de la LADDH infligées alors qu’il étaient en détention secrète et non à Alger et militant au sein du Comité SOS-Disparus, qui reconnue durant des semaines, voire des mois, le plus s'occupe de la question des « disparitions », ainsi que son souvent dans des bases des services de sécurité militaire ami Sid Ahmed Mourad, ont été condamnés à une peine connus sous le nom de Département du renseigne- de six mois d'emprisonnement avec sursis pour avoir ment et de la sécurité (DRS). mené une enquête sur les circonstances dans lesquelles Le gouvernement et les autorités judiciaires déclaraient des étudiants ont été arrêtés pendant la campagne pour systématiquement ne rien savoir de ces cas jusqu'au les élections législatives du mois de mai. Les deux moment où les détenus étaient déférés devant un tri- hommes ont été reconnus coupables sur la base de l'accu- bunal ou remis en liberté. sation vague d'« incitation à un rassemblement non armé ». Vraisemblablement, les cas de torture signalés ne représentaient qu'une infime partie de la réalité, car de Conditions carcérales nombreuses victimes, notamment dans les affaires de Une cinquantaine de prisonniers ont trouvé la mort et droit commun, préféraient ne pas déposer de plainte, une centaine d'autres ont été blessés à la suite d'incen- craignant qu'une telle démarche n'aggrave leurs diffi- dies qui se sont déclarés à l'intérieur de 12 prisons en cultés ou n'expose leurs proches à des représailles de la avril et en mai. Le président de la Commission natio- part des autorités. nale consultative de promotion et de protection des ✔ Brahim Ladada et Abdelkrim Khider, deux com- droits de l'homme (CNCPPDH), l’organe officiel de merçants d'une trentaine d'années demeurant à défense des droits humains, a réclamé l'ouverture Delles, ville côtière située dans le nord-est du pays, d'une enquête sur les allégations selon lesquelles le auraient été torturés à plusieurs reprises au mois de nombre élevé de victimes était dû aux conditions car- mars pendant leur détention secrète et non reconnue cérales inhumaines, notamment à la surpopulation. Le dans une base du DRS non loin d'Alger. Ils auraient été ministre de la Justice a affirmé avoir ordonné une contraints de faire sous la dictée de leurs tortionnaires enquête, mais les conclusions n'avaient pas été rendues des déclarations par lesquelles ils reconnaissaient entre- publiques à la fin de l'année. tenir des liens avec, d'une part un groupe armé, d'autre part un avocat algérien défenseur des droits Absence de vérité et de justice fondamentaux vivant en exil en Suisse. Amnesty Le président de la CNCPPDH a réaffirmé à plusieurs International estime que ces deux hommes pourraient reprises durant l’année la nécessité de mener des avoir été arrêtés et torturés pour avoir signalé à cet enquêtes sur les atteintes aux droits humains. Il a avocat des cas de violations des droits humains perpé- notamment promis que la question des « disparus » trées par les forces de sécurité. Brahim Ladada et serait résolue avant la fin de l'année. Abdelkrim Khider auraient été entièrement déshabillés Aucune initiative concrète n’avait apparemment été et seraient restés nus pendant la douzaine de jours prise par les autorités pour éclaircir le sort des quelque qu'ils ont passés dans la base du DRS. Ils ont déclaré 4000 hommes et femmes arrêtés par les forces de sécu- avoir été battus à plusieurs reprises à coups de rité ou les milices armées par l'État entre 1993 et 2000 matraque et de tuyau en plastique et avoir subi le sup- et qui ont « disparu ». De même, aucune mesure ne plice du « chiffon », méthode de torture qui consiste à semblait avoir été prise pour enquêter sur les informa- enfoncer un morceau de tissu dans la bouche de la vic- tions fournies par les familles à propos du lieu d'inhu- time, puis à verser à travers ce tissu de l'eau sale conte- mation présumé de ceux de leurs proches qui ont été nant un produit détersif et d'autres impuretés. enlevés et tués par des groupes armés mais dont les corps n'ont jamais été retrouvés. Défenseurs des droits humains En octobre, un tribunal militaire a condamné à deux En 2001, des militants des droits humains ont subi ans d'emprisonnement pour « homicide involontaire » des actes de harcèlement et d’intimidation de la part le gendarme accusé d'avoir abattu le lycéen Massinissa des autorités algériennes. Certains ont été jugés sur la Guermah dans un poste de gendarmerie de Kabylie en base d'accusations apparemment formulées pour des avril 2001. La mort du jeune homme avait déclenché motifs politiques. D'autres, parmi lesquels figuraient une série de mouvements de protestation dans la des avocats et des proches de « disparus », ont été région. En revanche, à la fin de l'année, un nombre menacés, notamment de mort, par des membres des très faible de procédures semblaient avoir été engagées forces de sécurité ou par des personnes dont on a lieu contre les responsables de l’exécution illégale d'une de croire qu’elles appartenaient à ces services. centaine de civils non armés lors des manifestations en ✔ Au mois de février, Mohamed Smaïn, président de Kabylie, bien que les autorités aient annoncé en de la section de Relizane de la Ligue algérienne de défense nombreuses occasions que les membres des forces de des droits de l'homme (LADDH), a été condamné à un sécurité mis en cause seraient traduits en justice. Une an d'emprisonnement pour diffamation, après avoir commission officielle d'enquête avait conclu, en 2001, 67 AL que les membres des forces de sécurité avaient, à autorités n'avaient pas davantage répondu favorablement maintes reprises, eu recours à la force meurtrière de aux demandes analogues formulées de longue date par manière abusive lors des manifestations. le rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, Aucune enquête approfondie, indépendante et impar- sommaires et arbitraires et le rapporteur spécial sur la tor- tiale n'a été effectuée sur les atteintes massives aux droits ture. Le rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de humains commises depuis 1992, et parmi lesquelles on conviction s'est rendu en Algérie en septembre. pouvait compter des milliers d'exécutions extrajudi- En octobre, lors de l’approbation de l'accord d'associa- ciaires, de meurtres délibérés et arbitraires de civils, de tion conclu en avril entre l'Algérie et l'Union euro- cas de torture et de mauvais traitements ainsi que de péenne, le Parlement européen a adopté une résolution « disparitions ». À la connaissance de l'organisation, dans laquelle il exprimait sa profonde préoccupation à aucune mesure concrète n'a été prise, dans la très grande propos de différents aspects de la situation des droits majorité des cas, en vue de traduire en justice les respon- humains dans le pays, notamment l'impunité, les sables des atteintes aux droits humains perpétrées en homicides et les « disparitions ». 2002 et les années précédentes par les forces de sécurité, Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a les milices armées par l'État et les groupes armés. continué les visites de prisons qui avaient repris au cours de l’année 1999.◆ Organisations internationales Le Groupe de travail des Nations unies sur les dispari- Autres documents d'Amnesty International tions forcées ou involontaires qui avait demandé dans le Algérie. Quand les gestes symboliques ne sont pas courant de l’année 2000 à se rendre en Algérie n'avait suffisants : les droits humains et l'accord entre toujours pas été autorisé à le faire à la fin de l'année. Les l'Union européenne et l'Algérie (MDE 28/007/02). ALLEMAGNE RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE SUÈDE DANEMARK D’ALLEMAGNE mer CAPITALE: Berlin Baltique 2 mer SUPERFICIE: 357028 km du Nord POPULATION: 82 millions Hambourg CHEF de l’ÉTAT: POLOGNE Johannes Rau BERLIN CHEF du GOUVERNEMENT: PAYS- BAS Gerhard Schröder ALLEMAGNE PEINE DE MORT: abolie BELGIQUE COUR PÉNALE INTERNATIONALE: RÉPUBLIQUE Statut de Rome ratifié LUXEMBOURG TCHÈQUE

FRANCE Munich AUTRICHE

0 300 km SUISSE

elon certaines allégations, des détenus Des Tchétchènes étaient menacés de renvoi ont été soumis à un usage excessif de la force forcé en Russie, où ils risquaient d’être victimes Set à des mauvais traitements par des policiers ; de violations des droits humains du fait de l’un d’entre eux serait mort des suites de leur origine ethnique. Aucune poursuite ces brutalités. On ne savait toujours pas si pénale ou disciplinaire n'a été engagée contre des poursuites pénales seraient engagées dans les fonctionnaires qui avaient administré le cadre de l’enquête sur la mort, en 1999, de force une substance émétique à un du demandeur d'asile soudanais Aamir Ageeb. homme et ainsi provoqué sa mort. 68 AL Contexte qu'un policier l'avait, de façon délibérée, frappé à l'œil Les policiers accusés d'avoir frappé Stefan Neisius, droit, occasionnant une rupture de la membrane pro- trente et un ans, dans les locaux du Premier Service tectrice. Ces faits se sont produits alors que des poli- d’inspection de Cologne le 37,9 millions, ont été incul- ciers procédaient à l’arrestation de Doviodo Adekou pés de coups et blessures ayant entraîné la mort. La vic- afin de le placer en détention en vue de son expulsion time avait été arrêtée plus tôt dans la soirée après une du territoire. Les autorités ont démenti la version des altercation familiale. Stefan Neisius a perdu connais- faits fournie par le demandeur d’asile, affirmant que sance au poste de police et a été transféré à l'hôpital, où celui-ci avait mordu le policier, qui l’avait alors blessé il est mort le 24 mai après avoir été maintenu artificiel- à l'œil accidentellement. Opéré de la cataracte à l’œil lement en vie durant treize jours. L’affaire a été révélée droit peu avant les faits, Doviodo Adekou a passé huit par deux agents du poste de police, qui ont informé leur jours à l'hôpital et a perdu l'usage de cet œil. hiérarchie que le soir de l’arrestation de Stefan Neisius, ✔ Le procès de deux policiers accusés d’avoir maltraité, ils avaient vu cinq ou six de leurs collègues entourer au mois de mai 2000 à Berlin, un homme d'origine celui-ci et le frapper à coups de pied, à de nombreuses turque âgé de quarante et un ans, s’est ouvert à la mi- reprises, à la tête, aux bras, aux jambes et sur le reste du décembre. Cet homme a affirmé qu’il avait été menotté corps, tandis qu'il gisait sur le sol, menotté. Trois ou et qu’un policier l'avait saisi par le cou et violemment quatre policiers l'auraient ensuite saisi par les jambes et projeté face contre terre; deux agents l'auraient ensuite traîné à travers un couloir jusqu'à une cellule, où ils roué de coups de pied tandis qu'il gisait au sol. auraient continué à lui donner des coups de pied et à le L'homme a dû subir une intervention chirurgicale parce frapper alors qu'il se trouvait à terre. Six policiers ont qu’il avait eu le nez et l’arcade sourcilière profondément été suspendus peu de temps après la dénonciation de ces entaillés. Il présentait en outre de multiples contusions brutalités. L'enquête se poursuivait à la fin de l'année et aux bras et au cou. Le 23 décembre, le tribunal cantonal aucune date n'avait été fixée pour un procès. de Tiergarten a déclaré l’un des deux policiers coupable de « coups et blessures dans l’exercice de ses fonctions »; le Allégations de brutalités policières fonctionnaire a été condamné à sept mois d’emprison- Cette année encore, Amnesty International a reçu des nement avec sursis. informations faisant état d'un usage excessif de la force et de mauvais traitements infligés par la police à des Allégations de mauvais traitements en prison détenus. Des personnes ayant porté plainte ont affirmé En juillet, un homme de quarante-six ans détenu à la pri- avoir été frappées à coups de pied et de poing et, par- son de Lingen aurait été frappé d'un coup de poing au fois, avoir été injuriées. Certaines d’entre elles ont été visage par un membre du personnel pénitentiaire pour grièvement blessées. avoir parlé au téléphone en albanais avec ses enfants, alors ✔ Une enquête a été ouverte sur les allégations de que le règlement de la prison imposerait que les conversa- mauvais traitements dont aurait été victime Svetlana tions se déroulent en allemand. Le prisonnier, qui est Lauer, quarante-quatre ans, dans son appartement de séropositif, se trouvait à l’hôpital pénitentiaire au Bamberg (Bavière) le 20 février. Le ton était monté moment des faits. Une enquête a été ouverte par le entre cette femme et quatre policiers à qui elle avait Bureau du procureur d'Osnabrück, mais les conclusions refusé l'autorisation de perquisitionner à son domicile. n’avaient pas été rendues publiques à la fin de l’année. À un moment donné, un policier l'aurait attrapée par les cheveux, lui aurait cogné la tête plusieurs fois contre Mort au cours d’un renvoi forcé les murs et les portes de l'appartement et lui aurait Fin 2002, Amnesty International n'avait reçu aucune tordu les mains – qui étaient entravées par des réponse du Bureau du procureur de Francfort-sur-le- menottes – de façon très douloureuse. Le même agent Main à sa demande d'information concernant l'enquête aurait injurié Svetlana Lauer. Les faits se seraient pro- sur la mort d'Aamir Ageeb. Ce demandeur d'asile souda- duits en présence des filles de cette dernière, des nais âgé de trente ans est mort fin mai 1999 lors de son jumelles âgées de huit ans. Un deuxième policier aurait renvoi forcé, dans l’avion qui le transportait de Francfort- lui aussi maltraité Svetlana Lauer, après qu'elle l'eut sur-le-Main à Khartoum, via Le Caire (Égypte). griffé au visage. Il l'aurait traînée à travers l'apparte- ment en la tirant par les menottes qu’il venait de lui Renvois forcés passer, l’aurait rouée de coups de pied et lui aurait Plusieurs Tchétchènes ont été renvoyés de force en Russie, cogné la tête à plusieurs reprises contre le sol. Il l'aurait où ils étaient, semble-t-il, particulièrement exposés au ensuite maintenue à terre en lui mettant un pied sur le risque d’être soumis à la torture et à d’autres formes de dos et aurait continué à la frapper alors qu'elle gisait au mauvais traitements en raison de leur origine ethnique. sol. Svetlana Lauer présentait de multiples écorchures En novembre, le gouvernement fédéral a cependant et hématomes. appelé les gouvernements des États fédérés (Länder) à sus- ✔ À la fin de l'année, l'enquête sur les allégations de pendre temporairement les renvois forcés de Tchétchènes. violences policières dont aurait été victime Doviodo Cette décision aurait été prise au vu du renforcement Adekou le 1er octobre 2001 à Mettmann (Rhénanie du des opérations de sécurité contre les Tchétchènes en Nord-Westphalie) n’était pas terminée. Ce demandeur Russie après la prise d'otages qui s’est déroulée fin d'asile togolais âgé de cinquante-neuf ans a déclaré octobre dans le théâtre de la rue Melnikov à Moscou. 69 AN ✔ En mai, Roustam Alimkhanov, un Tchétchène de cerveau), laquelle aurait été provoquée par une grave vingt ans dont la demande d'asile jugée manifestement pathologie cardiaque. Aucune poursuite n'a été enga- infondée par les autorités berlinoises avait été rejetée, a gée contre les fonctionnaires impliqués, la substance été menacé de renvoi forcé vers la Russie. Après de très émétique ayant été, semble-t-il, administrée en vertu de nombreux appels en sa faveur, il s'est vu accorder un certains articles du Code pénal. L’administration forcée permis de séjour de six mois en Allemagne, où il résidait de substances émétiques dans le but – non médical – toujours à titre temporaire à la fin de l’année. de recueillir des informations sur la possession de drogues a commencé à Hambourg à la mi-2001. Administration forcée de substances émétiques L’écrasante majorité des personnes soumises à cette À la fin du mois de juin, le Bureau du procureur de pratique venaient d’Afrique noire. Hambourg a rendu les conclusions de son enquête sur la mort, fin 2001, d'un demandeur d'asile camerounais Visites d’Amnesty International âgé de dix-neuf ans. Achidi John est mort à l'hôpital Une délégation d'Amnesty International s'est rendue en universitaire d’Eppendorf (Hambourg) le 12 décembre Allemagne en septembre; elle y a rencontré des personnes 2001, après que quatre policiers et un médecin lui qui auraient été victimes de brutalités policières.◆ eurent administré de force une substance émétique dans le but de récupérer comme preuve à charge des Autres documents d’Amnesty International narcotiques qu'on le soupçonnait d'avoir avalés. Il serait Préoccupations d'Amnesty International en Europe, mort d’hypoxie (insuffisance de l’apport d’oxygène au janvier – juin 2002 (EUR 01/007/02). ANGOLA RÉPUBLIQUE D’ANGOLA CONGO CAPITALE : Luanda SUPERFICIE: 1246700 km2 Cabinda POPULATION: 13,9 millions RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE CHEF de l’ÉTAT: DU CONGO José Eduardo dos Santos LUANDA CHEF du GOUVERNEMENT: Fernando da Piedade Dias dos Santos océan depuis le 5 décembre Atlantique PEINE DE MORT: abolie ANGOLA COUR PÉNALE Huambo INTERNATIONALE : ZAMBIE Statut de Rome signé 0 500 km

NAMIBIE

a signature, en avril, d’un accord de cessez- aux anciens soldats de l’ UNITAet à leurs familles, le-feu visant à mettre fin au conflit qui, ainsi qu’aux milliers de personnes déplacées Ldepuis vingt-sept ans, opposait les troupes vivant dans les zones auparavant sous contrôle gouvernementales aux forces de l’ União de ce mouvement. Des atteintes aux droits Nacional para a Independência Total de Angola humains ont été signalées dans l’enclave (UNITA, Union nationale pour l’indépendance de Cabinda, où des séparatistes armés totale de l’Angola), a suscité un regain d’espoir. étaient toujours en conflit avec les autorités Cet accord est intervenu après la mort gouvernementales. La police s’est rendue du dirigeant de l’ UNITA, Jonas Savimbi, tué coupable de passages à tabac et a commis lors d’un affrontement en février. L’aide d’autres violations des droits humains humanitaire ne parvenait que lentement en toute impunité. 70 AN Contexte qu’il avait rappelé les troupes envoyées en 1997 en Au lendemain de la signature de l’accord de cessez-le- République du Congo pour appuyer les forces du feu, intervenue en avril, le gouvernement et l’UNITA futur président Denis Sassou-Nguesso contre le prési- ont tous deux exprimé avec force leur volonté de res- dent de l’époque, Pascal Lissouba, soupçonné par le taurer la paix. L’accord comprenait notamment un gouvernement angolais de soutenir l’UNITA. calendrier sur le cantonnement et le désarmement des En décembre, le président a nommé l’ancien ministre troupes de l’UNITA, ainsi que des dispositions venant de l’Intérieur Fernando da Piedade Dias dos Santos compléter d’autres mesures du Protocole de Lusaka de aux fonctions de Premier ministre. Ce poste était 1994 se rapportant à l’accord de paix de 1991 qui vacant depuis 1999. n’avaient jamais été appliquées. En août, la branche armée de l’UNITA a été officielle- Impunité pour des atteintes aux droits humains ment démantelée. Plus de 100000 anciens combat- et des crimes de guerre tants de ce mouvement regroupés dans des camps Une loi d’amnistie a été votée pour accompagner attendaient une aide à la réinsertion dans la vie civile. l’accord de paix conclu au mois d’avril. Cette loi pro- Si certains sont rentrés chez eux, la plupart étaient curait une immunité de poursuites à tous les auteurs toujours dans les camps à la fin de l’année. Cinq mille d’atteintes à la sûreté de l’État et à tous les soldats autres combattants de l’UNITA ont intégré les Forces ayant commis des infractions dans le cadre du conflit armées angolaises et la police. Quelque 30000 armes armé, à l’exclusion toutefois des militaires responsables ont été récupérées auprès des combattants démobilisés, de crimes ayant entraîné la mort. mais il en restait selon toute vraisemblance encore un Les médias angolais ont rendu compte du méconten- très grand nombre aux mains de particuliers dans les tement de l’opinion publique face aux préoccupations zones rurales ou urbaines. exprimées par les représentants des Nations unies, En août, la Mission des Nations unies en Angola d’Amnesty International et d’autres organisations, qui (MINUA) a remplacé le Bureau des Nations unies en déploraient que les auteurs de violations des droits Angola (BUNUA). Le responsable de la MINUA présidait humains et de crimes de guerre bénéficient de l’impu- une Commission mixte créée aux termes des disposi- nité grâce à l’amnistie. Toutefois, en dépit de cette loi tions du Protocole de Lusaka pour surveiller la mise en d’amnistie et de celles qui l’avaient précédée, des voix œuvre du processus de paix, mais cette Commission a se sont élevées pour réclamer que la lumière soit faite été remplacée en novembre par un organe consultatif sur les atteintes aux droits humains, notamment les composé de représentants du gouvernement et de exécutions sommaires massives, perpétrées dans le l’UNITA. La MINUA avait notamment pour mandat de passé par les deux camps. promouvoir et protéger les droits humains, de favoriser Une personne a été remise entre les mains de la justice : le retour des militaires démobilisés à la vie civile et de il s’agit d’Augustin Bizimungu, un ancien comman- faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire. dant de l’armée rwandaise accusé de complicité dans le Les deux factions de l’UNITA, à savoir l’UNITA- génocide qu’a connu le Rwanda en 1994. Il a été iden- Renovada (UNITA rénovée) et la faction restée fidèle à tifié parmi plus de 600 soldats étrangers qui avaient Jonas Savimbi, ont officiellement fusionné pour se combattu aux côtés de l’UNITA. Les autorités ango- constituer en parti politique. En décembre, le Conseil laises, munies d’un mandat d’arrêt délivré par le de sécurité des Nations unies a voté la fin des sanc- Tribunal pénal international pour le Rwanda, l’ont tions imposées à l’UNITA. interpellé en août dans la province de Moxico avant de Des groupes issus de la société civile, comme certaines le remettre au Tribunal en Tanzanie. Églises ou organisations non gouvernementales (ONG), ont participé au processus de paix en insistant notam- Déplacements forcés ment sur la nécessité de promouvoir le respect des Durant les derniers mois du conflit, les deux camps droits humains et d’aboutir à une solution pacifique auraient, en particulier dans l’est du pays, incendié des du conflit. Un programme gouvernemental destiné à habitations et des récoltes, et forcé des civils à trans- faciliter la réunion des familles séparées par la guerre a porter le produit de leurs pillages. Certains groupes de permis à des particuliers de diffuser des messages sur la gens ont dû quitter à plusieurs reprises l’endroit où ils radio nationale ou de se rencontrer à Luanda pour se trouvaient. De nombreuses personnes sont mortes tenter de retrouver des proches disparus ou faire circu- alors qu’elles cherchaient à fuir les attaques, et la plu- ler leurs photographies. Le Comité international de la part de celles qui sont parvenues à rejoindre une ville y Croix-Rouge (CICR) a étendu son programme de sont arrivées dans un état critique. Les troupes gouver- recherche des disparus. nementales auraient transporté de force des centaines Un accord a été signé au mois d’août à Luanda, sous de personnes vers des villes situées dans les provinces l’égide du gouvernement angolais, prévoyant le retrait de Moxico et de Cuando Cubango, où il leur était très des troupes ougandaises de la République démocra- difficile de disposer d’un abri, d’eau et d’installations tique du Congo (RDC). En octobre, le gouvernement sanitaires correctes. Le cessez-le-feu signé au mois angolais a fait savoir qu’il avait retiré ses troupes de d’avril a révélé l’existence de 600000 autres civils RDC, où elles soutenaient les forces gouvernementales déplacés que les organisations d’aide humanitaire congolaises depuis 1998. En décembre, il a annoncé n’avaient encore jamais réussi à atteindre. Ces organi- 71 AN sations ont recueilli un certain nombre de témoignages que des habitations avaient été pillées et incendiées. qui faisaient état de déplacements forcés, de viols ainsi Il a également déclaré que les soldats se livraient au que d’homicides illégaux. viol des femmes et des jeunes filles, parfois sous les yeux de leur famille. Mauvais acheminement de l’aide humanitaire Des soldats, des agents de la police paramilitaire et destinée aux groupes vulnérables des membres des forces de sécurité auraient arrêté Les déplacements forcés ont donné lieu à une crise arbitrairement des dizaines de civils soupçonnés humanitaire de grande ampleur qui a perduré jusqu’au d’aider le FLEC. Au mois de novembre, des soldats mois de juin. Sur un total de quelque 4,4 millions de auraient interpellé des civils non armés dans différents personnes déplacées en 2002 et au cours des années villages situés à l’est et au sud de la ville de Cabinda, précédentes, on en comptait environ 1,9 million qui et ils les auraient détenus, au mépris des procédures continuaient à dépendre en grande partie de l’aide légales, dans une caserne de Tando Zinze. D’autres humanitaire. La nourriture et les autres formes d’aide partisans présumés du FLEC ont été appréhendés dans fournies aux anciens combattants de l’UNITA ainsi la ville de Cabinda. qu’à leurs familles et aux personnes déplacées étaient ✔ Ivo Macaia, quarante-quatre ans, travaillait pour le insuffisantes et l’acheminement se faisait avec lenteur. compte d’une compagnie pétrolière lorsqu’il a été Le gouvernement s’est heurté à un certain nombre de arrêté sans mandat en novembre, dans la ville de difficultés pour acheminer l’aide humanitaire vers les Cabinda, par des hommes en civil. zones de cantonnement où avaient afflué plus de Quelques semaines auparavant, des agents de la police 80000 anciens combattants de l’UNITA, au lieu des paramilitaire l’avaient interrogé, le soupçonnant 50000 attendus. d’appartenir au FLEC. Après son arrestation, la police Les camps situés dans les zones reculées ont le plus paramilitaire l’aurait remis entre les mains de la police douloureusement pâti de cette situation. Outre les militaire, qui lui aurait posé des questions sur les personnes déplacées, plus de 300000 parents de com- camps militaires du FLEC. battants de l’UNITA ont bénéficié de l’assistance four- Par la suite, il aurait été emmené dans le village de nie par les agences des Nations unies et les ONG Prata et maintenu pendant cinq jours dans une fosse d’aide humanitaire. La communauté internationale, pleine d’eau. Fin décembre, la police militaire l’a qui a mis du temps à répondre aux appels urgents conduit à son propre domicile, où elle a perquisi- l’invitant à accroître son aide financière, a demandé tionné, puis elle est repartie avec lui. À la fin de au gouvernement angolais de faire preuve de plus de l’année, on ignorait où il se trouvait. transparence sur le plan budgétaire et d’utiliser les Au mois de décembre, les membres de l’organisation revenus du pétrole pour se procurer l’aide nécessaire. non gouvernementale Coligação pela Reconciliação, Les organisations humanitaires ont reproché au gou- Transparência e Cidadania (Coalition pour la réconci- vernement de retarder l’acheminement et la distribu- liation, la transparence et la citoyenneté) ont publié tion de l’aide, qui était soumise à des procédures un rapport sur Cabinda dans lequel ils faisaient état, bureaucratiques et douanières mal adaptées, et elles pour 2002 et les années précédentes, de dizaines de cas ont accusé des responsables gouvernementaux de présumés d’arrestations arbitraires, d’actes de torture, manœuvres de harcèlement et d’intimidation visant de viols et d’exécutions extrajudiciaires. certains membres de leur personnel. La destruction Les factions du FLEC ont également été accusées des réseaux de transport et la présence de plusieurs d’avoir attaqué des civils non armés et de s’être livrées millions de mines terrestres ont encore aggravé les dif- à des exactions. ficultés d’approvisionnement. ✔ Le FLEC-Renovada (FLEC rénové), l’une des factions du FLEC, aurait capturé fin juillet un soldat des forces Cabinda gouvernementales qui puisait de l’eau dans une rivière Les combats opposant les troupes gouvernementales près du village de Champuto Rico, et l’aurait tué déli- aux factions armées du Frente para a Libertação do bérément une semaine plus tard. Enclave de Cabinda (FLEC, Front de libération de D’autres soldats, en réaction à ce meurtre, auraient l’enclave de Cabinda) se sont intensifiés, notamment alors mené une opération de représailles contre le vil- dans la partie septentrionale de l’enclave, après l’arri- lage. Ils auraient frappé une jeune fille de treize ans à vée en octobre de nombreux renforts venus appuyer coups de pied dans le ventre, battu d’autres habitants les forces régulières. du village à coups de poing et de crosse, et soumis l’un Selon certaines informations, les atteintes aux droits d’eux à un simulacre d’exécution. Une dizaine de per- humains auraient été nombreuses, mais il était difficile sonnes ont dû être hospitalisées. d’en avoir une confirmation de source indépendante. Le FLEC a signalé des bombardements aveugles et des Violations commises par la police attaques terrestres de villages, ainsi que l’existence de La police n’a pas su trouver la riposte adéquate face à camps de fortune dans la forêt où se seraient réfugiés un taux de criminalité élevé, particulièrement sensible des centaines de civils. Il a affirmé qu’au cours de ces dans les zones urbaines à forte densité de population, attaques, un très grand nombre de civils non armés, y où le chômage était la norme et où les armes circu- compris des femmes et des enfants, avaient été tués, et laient librement. Nombreux étaient, semble-t-il, les 72 AN suspects de droit commun qui revêtaient un uniforme En janvier, en octobre et en décembre, la police aurait de la police ou de l’armée pour s’introduire dans une fait un usage excessif de la force alors qu’elle escortait propriété. Malgré les appels lancés par les ONG, et en des équipes d’ouvriers chargés par les autorités de dépit des obligations qui étaient les siennes au titre du confisquer des terrains et de raser des maisons dans Protocole de Lusaka, le gouvernement n’a pas mis en différents quartiers de Luanda. Les démolitions œuvre de programme global de récupération des armes auraient eu lieu sans que les habitants en aient été au encore aux mains de civils. préalable officiellement informés, et sans qu’il soit Les atteintes aux droits humains le plus souvent tenu compte du sort de ces habitants, qui n’ont béné- signalées étaient commises par des policiers qui ficié d’aucune forme d’indemnisation. patrouillaient dans les villes ou les zones rurales et ✔ En décembre, huit habitants de Golfe II, une ban- qui, n’ayant pas obtenu les pots-de-vin qu’ils exi- lieue de Luanda, ont été arrêtés par la police, et trois geaient de leurs victimes – soit que celles-ci refusent d’entre eux auraient été frappés à coups de matraque. de payer, soit qu’elles ne soient pas en mesure de le La police a déclaré qu’ils s’étaient opposés à la démoli- faire –, les passaient à tabac ou leur infligeaient tion de leurs maisons. Le même jour, une ONG d’autres violences. Des policiers auraient violé des dénommée Maos Livres (Mains libres) a réussi à obte- femmes et des jeunes filles ou leur auraient fait subir nir la libération sans inculpation de sept de ces per- d’autres formes de violences sexuelles. Dans les zones sonnes. La huitième, qui avait un bras cassé, a été rurales, les soldats aussi bien que les policiers postés relâchée sans inculpation trois jours plus tard. Cette aux barrages extorquaient de l’argent aux passants. personne et une autre victime du passage à tabac ont Des cas de torture ont en outre été signalés dans des déposé une plainte auprès de la police pour les traite- postes de police. Bien que les autorités aient affirmé ments subis, mais elles n’avaient reçu aucune réponse que tout policier ayant enfreint les réglementations à la fin de l’année.◆ ou la loi était licencié ou jugé, la plupart des auteurs présumés de violations des droits humains n’ont pas Autres documents d’Amnesty International été traduits en justice. Maintien de l’ordre et protection des droits humains. ✔ Soupçonnés de détention illégale d’un pistolet, Bilan des pratiques policières dans la Communauté deux hommes (dont le nom ne sera pas divulgué) ont de développement de l’Afrique australe (1997-2002) été arrêtés en août et, selon leur témoignage, torturés (AFR 03/004/02). dans un poste de police d’une banlieue de Luanda. Deux policiers les ont frappés à coups de matraque et avec le plat de la lame d’un coutelas. Ensuite, les deux hommes ont dû retirer leurs chaussures et ils ont été frappés sur les orteils avec une houe. Sur la houe, il y avait un clou saillant qui leur a causé des entailles pro- fondes. De hauts responsables de la police ont été aler- tés grâce à un message que les détenus ont réussi à faire sortir du poste de police. Les deux hommes ont alors reçu quelques soins, et leur libération, sans incul- pation, est intervenue au bout de huit jours de déten- tion. L’enquête ouverte par la police sur ces accusations de torture était toujours en cours à la fin de l’année 2002. La police aurait, à plusieurs reprises, recouru à la force de façon disproportionnée ou non justifiée. Sur l’une de ces affaires, concernant cinq étudiants ou plus qui auraient été passés à tabac en octobre par des policiers lors d’une manifestation à Luanda, l’administration policière aurait ouvert une enquête. Les conclusions de cette enquête n’avaient toutefois pas été rendues publiques à la fin de l’année. ✔ Rogério Ndunzi, un jeune garçon de treize ans, a été abattu par un policier au mois de juillet dans la ville de Cabinda. Il avait aidé son père à réparer sa voi- ture et il était, semble-t-il, en train de faire un essai de conduite lorsque deux policiers lui ont intimé l’ordre de s’arrêter. D’après le père, qui se trouvait lui aussi dans la voiture, son fils n’a pas pu s’arrêter à temps, et l’un des policiers a fait feu sur la voiture, touchant le jeune garçon à la tête. La police n’a apparemment ouvert aucune enquête. 73 AR ARABIE SAOUDITE ROYAUME D’ARABIE SAOUDITE IRAK IRAN JORDANIE CAPITALE : Riyadh KOWEÏT SUPERFICIE: 2200000 km2 ARABIE BAHREÏN POPULATION: 21,7 millions ÉGYPTE SAOUDITE QATAR CHEF de l’ÉTAT ÉMIRATS ARABES UNIS et du GOUVERNEMENT: mer RIYADH Fahd bin Abdul Aziz al Saoud La Mecque PEINE DE MORT: maintenue Rouge OMAN COUR PÉNALE SOUDAN INTERNATIONALE: mer d'Oman Statut de Rome non signé ÉRYTHRÉE YÉMEN 0 900 km

omme les années précédentes, des violations En mai, le Comité des Nations unies contre la torture graves des droits humains ont été signalées. a examiné l'application par l'Arabie saoudite de la CElles ont été exacerbées par la politique Convention contre la torture (ONU); il a exhorté les gouvernementale de « lutte contre le terrorisme » autorités à mettre la législation et la pratique en mise en œuvre à la suite des attentats perpétrés le conformité avec la lettre et l'esprit de la Convention. 11 septembre 2001 aux États-Unis. Ces violations En octobre, le rapporteur spécial des Nations unies sur étaient imputables au système de justice pénale, l'indépendance des juges et des avocats s'est rendu qui fonctionne dans le plus grand secret, ainsi dans le pays; c’était la première fois qu’un rapporteur qu'à l'interdiction des partis politiques, des spécial des Nations unies effectuait une visite en syndicats et des organisations indépendantes de Arabie saoudite. Il a indiqué dans ses observations pré- défense des droits humains. Plusieurs centaines liminaires que des changements importants du sys- de militants religieux présumés et de détracteurs tème juridique étaient en cours, tant au niveau des du gouvernement ont été arrêtés et la situation structures que de la procédure. juridique de la plupart des personnes Le gouvernement a promulgué un Code de procédure appréhendées les années précédentes est restée pénale et une loi réglementant la profession d'avocat. secrète. Les femmes continuaient d'être victimes Selon le rapporteur spécial, des circulaires d'applica- d'une forte discrimination. Le recours à la torture tion du Code de procédure pénale avaient été publiées et aux mauvais traitements demeurait répandu. et le gouvernement, qui avait commencé à enregistrer Au moins 48 personnes ont été exécutées. les avocats, avait l'intention de mener à bien ce proces- Le camp de Rafha continuait d'héberger plus sus dans un délai de cinq ans. Le rapporteur précisait de 5 000 réfugiés irakiens vivant pratiquement toutefois que l'entrée en application de bon nombre comme des prisonniers. Les organisations de ces lois avait pris beaucoup de temps. internationales non gouvernementales de Amnesty International, qui ne disposait pas d'infor- défense des droits humains n'ont pas été mations détaillées à propos des changements intro- autorisées à se rendre dans le pays. Le duits, n'était pas en mesure de dire s'ils permettaient gouvernement n'a répondu à aucune des de résoudre la question du secret entourant le fonc- préoccupations évoquées par Amnesty tionnement du système de justice pénale. International au cours de l'année. Le gouvernement a soumis, en décembre 2001, son rapport au Comité contre le terrorisme (du Conseil de Contexte sécurité des Nations unies) et il a remis un rapport Alors que des violations graves des droits humains complémentaire en juillet 2002. Les deux documents continuaient d'être perpétrées, la communauté inter- contenaient des précisions sur les mesures prises par le nationale a examiné, comme les années précédentes, la gouvernement dans la « lutte contre le terrorisme », situation des droits humains dans le pays et le gouver- mais ne mentionnaient aucune disposition visant à nement a annoncé l'introduction de nouvelles lois sus- garantir la protection des droits humains. Dans la pra- ceptibles d'avoir des effets positifs. tique, le gouvernement s'est servi de cette lutte pour 74 AR aggraver la situation déjà dramatique des droits ni jugement depuis son interpellation en 1995. À la humains dans le pays. fin de l'année Saad Zuair et son père demeuraient tous les deux détenus dans ces mêmes conditions. Prisonniers d'opinion et prisonniers politiques Plusieurs centaines de personnes soupçonnées d'activi- Droits des femmes tés religieuses ainsi que des détracteurs du gouverne- Le débat sur les droits des femmes s'est poursuivi et le ment auraient été arrêtés. La situation juridique de la gouvernement a pris des initiatives susceptibles de plupart de ceux qui avaient été arrêtés au cours des contribuer à remettre en cause les formes sévères de années précédentes est restée secrète. Une dizaine de discrimination infligées aux femmes. La gravité de prisonniers d'opinion présumés ont été libérés, mais la cette discrimination a été illustrée au mois de mars, situation juridique réelle d’un très grand nombre lorsque 15 fillettes sont mortes et des dizaines d'autres d’autres, incarcérés dans les quelques années qui ont ont été blessées dans l’incendie d’une école de filles de précédé, demeurait inconnue. La Mecque accueillant 800 élèves. On craignait que Les vagues d'arrestations qui avaient débuté à la suite ces fillettes n'aient été victimes de la stricte application des attentats du 11 septembre 2001 se sont poursui- par les mutawaeen (volontaires membres de la police vies. Selon les autorités, quelque 700 personnes ont religieuse) de la politique de ségrégation des sexes. été interrogées et plus de 100 étaient maintenues en Des témoins oculaires ont déclaré que les mutawaeen détention à la fin de l'année. Des sources d'opposition avaient empêché les fillettes de fuir car elles ne por- estimaient à plusieurs centaines le nombre de per- taient pas de foulard et qu'aucun homme appartenant sonnes incarcérées. La majorité d’entre elles étaient à leur famille n'était là pour les recueillir. Les muta- recherchées par les forces de sécurité saoudiennes, mais waeen auraient en outre empêché les sauveteurs de certaines ont été remises par des pays tiers, notamment pénétrer dans l'école parce qu'ils étaient des hommes. l'Iran et le Yémen. Les noms des prisonniers ont été Le gouvernement a démenti toute implication de ces tenus secrets et, hormis quelques cas où les suspects volontaires, apparemment au vu des conclusions de auraient préparé des actes de violence, le gouverne- l'enquête qu'il avait ordonnée. ment a justifié les arrestations par de vagues références Amnesty International a réclamé l'ouverture d'une au « terrorisme » et en faisant état de « soupçons de liens enquête transparente devant déboucher sur la compa- avec Al Qaida (La Base) ». Aucune des personnes arrê- rution en justice des responsables présumés. Aucune tées n'a été autorisée à consulter un avocat ou n'a, réponse ne lui est parvenue. semble-t-il, fait l'objet d'une procédure judiciaire. On À la suite de cette tragédie, les autorités ont révoqué le ignorait si ces prisonniers pouvaient recevoir la visite responsable de l'éducation des filles et intégré cette des membres de leur famille. administration au sein du ministère de l'Éducation D'autres personnes ont été arrêtées pour avoir tenté pour les garçons. De nombreuses personnes ont égale- d'exercer leur droit à la liberté d'expression et d'opinion. ment réclamé l'unification des programmes; en effet ✔ Au mois de mars, le poète Abdul Mohsin Musalam l'ancien organisme chargé de l'éducation des filles aurait été arrêté et incarcéré à cause d'un de ses limitait l'enseignement aux « disciplines correspondant poèmes, Les corrompus sur la terre, dans lequel il criti- à leur tempérament en tant que femmes ». quait les juges saoudiens. Ce poème avait été publié Des responsables, dont des ministres, ont annoncé par le journal Al Madina dont le rédacteur en chef a dans le courant de l’année l'adoption d'autres mesures été licencié, apparemment pour en avoir autorisé la concernant les femmes. Les autorités envisageaient, publication. Abdul Mohsin Musalam a passé une entre autres, d'autoriser celles-ci à exercer la profession quinzaine de jours en détention, avant d’être libéré d'avocat, de lancer une étude sur le chômage des sans inculpation ni jugement. femmes, de recruter 100 gardiennes de prison, de per- ✔ En avril, Abdul Hamid al Mubarak, un professeur mettre à des femmes d'assister aux débats sur les de l'université du roi Fayçal à Al Ihsa âgé de quarante- femmes organisés par le Conseil consultatif dont tous sept ans, a été interpellé à Dhahran à la suite de mani- les membres sont des hommes, et enfin de créer une festations contre les opérations militaires israéliennes unité spéciale chargée des violences domestiques. Ces visant les Palestiniens. Le vice-ministre de l'Intérieur mesures semblent refléter une prise de conscience aurait déclaré au quotidien Okaz que cet homme était croissante des formes les plus sévères de discrimina- détenu afin qu'une procédure judiciaire puisse être tion, mais il n’en reste pas moins que leur élimination engagée contre lui. demeure une perspective lointaine. ✔ Un homme de vingt-huit ans, Saad bin Said Zuair, a été arrêté en juillet à l'aéroport de Riyadh. Il souhai- Torture et mauvais traitements tait apparemment se rendre au Qatar où il devait don- Le Comité des Nations unies contre la torture a prié ner une interview à la chaîne de télévision Al Jazira l'Arabie saoudite d'incorporer la torture dans sa législa- afin d'attirer l'attention sur l'incarcération de son père tion nationale en tant que crime spécifique tel qu’il est en Arabie saoudite. Celui-ci, Said bin Zuair, détrac- défini à l’article premier de la Convention contre la teur du gouvernement et ancien directeur du départe- torture. Il a également demandé aux pouvoirs publics ment de l'information de l'université de l'imam de reconsidérer l'imposition par les autorités judiciaires Muhammad Ibn Saoud, était détenu sans inculpation de châtiments corporels, d'accorder une compensation 75 AR aux victimes d'actes de torture et de mauvais traite- informations publiées dans la presse, un dentiste ments et de veiller à ce que les auteurs de tels agisse- aurait procédé à l'extraction des dents. ments soient punis. De nouveaux cas de torture ont toutefois été signalés Réfugiés et aucune mesure de réparation ne semble avoir été Plus de 5000 réfugiés irakiens ont passé leur onzième prise. Des châtiments corporels, y compris des mutila- année dans le camp de Rafha, dans la zone désertique tions, ont été régulièrement prononcés et infligés, à du nord du royaume non loin de la frontière ira- titre de châtiment judiciaire. kienne, où ils étaient pratiquement prisonniers depuis Torture en détention la guerre du Golfe en 1991. Le gouvernement refusait Des informations ont fait état d'actes de torture infli- toujours de les autoriser à solliciter l'asile politique en gés à des suspects interpellés au cours de l'année ainsi Arabie saoudite. qu'à des personnes arrêtées les années précédentes. Plusieurs dizaines de personnes, dont des femmes et Peine de mort des enfants arrêtés en avril à la suite de manifestations Au moins 48 personnes, dont 20 étrangers, ont été de soutien à l'Intifada palestinienne, auraient été bat- exécutées. Trois des suppliciés saoudiens avaient appa- tues. Un ancien prisonnier d'opinion présumé remis remment été condamnés pour homosexualité. Ces en liberté au mois de mars a affirmé qu’il avait eu les 48 prisonniers avaient été condamnés à la peine capi- pieds et les mains attachés avec des fers et qu'on l'avait tale à l'issue de procès sur lesquels pratiquement battu et privé de sommeil. Les avocats d'Alexander aucune information n'était disponible. Mitchell et de William Sampson (voir ci-après) ont On ignorait toujours le nombre de prisonniers sous le déclaré que leurs clients avaient été victimes de tor- coup d'une condamnation à mort, en raison du secret tures physiques et psychologiques pendant leur inter- entourant le système de justice pénale. Parmi les pri- rogatoire. Aucune enquête ne semblait avoir été sonniers qui risquaient d'être exécutés se trouvaient effectuée sur ces allégations. Siti Zainab, une employée de maison indonésienne Flagellation d’enfants déclarée coupable du meurtre de son employeur, une Les autorités régionales ont continué d'inciter la police femme, en 1999, ainsi qu'Alexander Mitchell et à infliger des flagellations extrajudiciaires à des adoles- William Sampson, respectivement britannique et cents soupçonnés d'avoir eu un comportement canadien, qui auraient été condamnés à mort pour « immoral »; de très nombreux adolescents ont été fla- leur participation à des attentats à l'explosif perpétrés gellés au cours de l'année. au cours de l’année 2000 dans le royaume. Leur cas ✔ Au mois d’août, 15 jeunes gens soupçonnés d'avoir aurait été soumis au roi, qui peut ratifier la sentence « flirté et importuné » des familles dans un parc de Taïf ou exercer son droit de grâce. ont été flagellés. Selon des informations parues dans la Deux Saoudiens condamnés à mort pour meurtre ont presse, la police a donné « 15 coups de fouet à chacun été graciés en vertu du qisas qui permet aux proches de des jeunes gens dans le parc » immédiatement après leur la victime de pardonner au meurtrier ou de réclamer interpellation. son exécution. En décembre, le roi a commué les Autres flagellations condamnations à mort de 17 membres de la commu- Cette année encore les tribunaux ont couramment eu nauté ismaélienne en des peines de dix ans d'empri- recours à la flagellation comme châtiment corporel, sonnement. Ces 17 hommes étaient au nombre de imposé soit comme peine principale soit à titre com- plusieurs dizaines de personnes arrêtées en avril 2000 à plémentaire. l'issue des protestations de la communauté ismaé- ✔ Une femme a été condamnée en février à 65 coups lienne de Najran contre la fermeture de son lieu de de fouet, peine venant s’ajouter à six mois d’emprison- culte; ils étaient susceptibles d'être considérés comme nement. Elle avait été déclarée coupable d’adultère des prisonniers d'opinion. avec le mari de sa sœur alors qu’elle avait, semble-t-il, soutenu devant le tribunal que ce dernier l’avait violée. Visites d'Amnesty International L’homme a été condamné à 4700 coups de fouet et à Après que le prince Sultan bin Abdul Aziz al Saoud six mois d’emprisonnement. eut apparemment déclaré, en septembre, qu'il n'avait Mutilations aucune objection à ce qu’Amnesty International Au moins sept personnes, toutes étrangères, ont été envoie une délégation dans le royaume, l’organisation amputées de la main droite. Un homme a subi l'extrac- a de nouveau demandé à pouvoir se rendre dans le tion de deux dents à titre de qisas (réparation). pays. Amnesty International n'a toutefois reçu aucune ✔ En juillet, un Égyptien et un Afgan, Abdulrahman réponse à cette requête.◆ Ismail et Shir Muhammad Ali Ahmad, tous deux reconnus coupables de vol, ont subi l'amputation de la Autres documents d'Amnesty International main droite à La Mecque. remains a fertile ground for torture ✔ Au mois de mai, Awda al Zahrani, un Saoudien, with impunity [Arabie saoudite. Le recours aurait subi l'extraction de deux dents à titre de châti- à la torture continue en toute impunité] ment judiciaire après avoir infligé une blessure simi- (MDE 23/004/02). laire à un homme au cours d'une bagarre. Selon les 76 AR ARGENTINE RÉPUBLIQUE ARGENTINE CAPITALE : Buenos Aires BOLIVIE BRÉSIL SUPERFICIE: 2766889 km2 PARAGUAY POPULATION: 37,9 millions CHILI CHEF de l’ÉTAT et du GOUVERNEMENT : Eduardo Duhalde PEINE DE MORT: abolie ARGENTINE sauf pour crimes exceptionnels Córdoba COUR PÉNALE URUGUAY INTERNATIONALE: Statut de Rome ratifié BUENOS AIRES

u cours de plusieurs manifestations de grande ampleur, des centaines de personnes ontA été arrêtées et des manifestants ont été tués par la police dans des circonstances donnant océan à penser qu’il s’agissait d’exécutions Atlantique extrajudiciaires. Des défenseurs des droits humains, des journalistes et des personnes militant pour les droits sociaux auraient été harcelés et agressés. De nouvelles informations îles Falkland (îles Malouines) ont fait état d’homicides et de mauvais traitements imputables à la police. Lors d’une vaste opération de commando, la police océan Terre a maltraité des membres d’une communauté de 0 400 km Pacifique Feu indigène et proféré des injures racistes à leur égard. Des décisions de justice concernant des atteintes aux droits humains commises personnes ont été blessées. Par ailleurs, deux manifes- par le passé ont été rendues, tandis qu’à tants ont été tués par la police. l’étranger de nouvelles initiatives ont été lancées Les deux lois qui empêchaient toute enquête judiciaire pour enquêter sur certaines de ces violations. sur les milliers de « disparitions » survenues à la fin des années 70 et au début des années 80, à savoir la Loi du Contexte « point final » et la Loi sur le devoir d’obéissance, La situation économique a continué de se dégrader étaient toujours en vigueur. Cependant, le procureur tandis que le gouvernement tentait de satisfaire aux général de la nation a approuvé, en août, les jugements conditions imposées par les institutions de prêt inter- rendus auparavant qui les déclaraient inconstitution- nationales. À la dévaluation du peso se sont ajoutées nelles. L’arrêt définitif de la Cour suprême était de sévères restrictions sur les retraits bancaires et une attendu à la fin 2002. Au mois de novembre, le forte hausse du chômage. La confiance dans les insti- ministre de la Défense a publiquement défendu le tutions de l’État était au plus bas, et de nombreuses caractère constitutionnel de ces lois et a évoqué les manifestations de masse ont été organisées dans tout le risques qu’aurait une décision reconnaissant leur pays pour protester contre la politique du gouverne- inconstitutionnalité. ment. L’année 2002 a vu l’émergence de nouveaux groupes sociaux très engagés dans les mouvements de Manifestations protestation, notamment des associations de quartier En juin, deux manifestants ont été tués par la police et des collectifs de chômeurs ou de militants en faveur provinciale lors d’une manifestation à Avellaneda des droits des travailleurs. Dans tout le pays, des cen- (province de Buenos Aires), dans des circonstances taines de manifestants ont été arrêtés et détenus pen- donnant à penser qu’il s’agissait d’exécutions extraju- dant de courtes périodes, et de très nombreuses diciaires. Quelque 90 protestataires ont été blessés 77 AR lorsque des centaines d’entre eux ont tenté de barrer la avait donné aux forces de sécurité des informations route principale menant à la capitale. Selon des mani- relatives à des étudiants qui ont ensuite « disparu ». festants, la police aurait alors tiré sur eux à l’aveuglette. Sonia Torres de Parodi a été acquittée en août. ✔ Darío Santillán a été tué par balle dans l’enceinte Nouvelle enquête de la gare d’Avellaneda, alors qu’il tentait d’aider En octobre, le constructeur automobile germano-amé- Maximiliano Kosteki, lui-même touché quelques ricain DaimlerChrysler a créé une commission minutes plus tôt. Les deux hommes ont succombé à d’enquête visant à examiner la conduite de Mercedes- leurs blessures. Une enquête a été ouverte après la dif- Benz et de ses dirigeants en Argentine entre 1975 et fusion, dans tout le pays, de photos montrant claire- 1978. Cette commission devait mener des investiga- ment l’implication de la police dans cette affaire. Deux tions sur la « disparition », en 1976 et 1977, d’environ policiers ont été arrêtés et plusieurs autres ont été sus- 14 personnes qui travaillaient à l’usine Mercedes-Benz pendus. Le photographe, Sergio Kowalewsky, ainsi de González Catán, dans la province de Buenos Aires. que sa famille ont été la cible de menaces de mort. Il Cette usine appartient aujourd’hui à DaimlerChrysler. en a été de même pour Claudio Pandolfi, l’avocat des familles des victimes. Agressions contre des défenseurs des droits humains Populations indigènes Des journalistes, des avocats, des militants des droits Au mois d’août, des membres de la police provinciale humains, des témoins et des proches de victimes ont sou- ont procédé à une opération de commando dans la vent été harcelés, menacés et agressés pendant l’année. communauté indigène toba à Formosa (province de ✔ En septembre, un groupe d’hommes non identifiés a Formosa), après qu’un policier eut trouvé la mort et attaqué la demeure d’Estela Carlotto, présidente de qu’un autre eut été blessé dans des circonstances l’organisation de défense des droits humains Grands- controversées. Selon les informations reçues, une cen- Mères de la place de Mai et de la Comisión Provincial taine de policiers armés ont fait irruption dans les mai- por la Memoria (Commission provinciale pour la sons et détruit tous les biens. Ils ont frappé et mémoire) de La Plata. Estela Carlotto était dans sa mai- maltraité des personnes qui se trouvaient là, y compris son lorsque celle-ci a été criblée de balles. Quelques des enfants, et ont proféré des injures racistes contre jours auparavant, elle avait soumis à la cour suprême des membres de la communauté. Des représentants provinciale un rapport dénonçant des pratiques abusives des autorités judiciaires étaient présents, mais les poli- de la police provinciale, notamment le recours à la tor- ciers n’avaient, semble-t-il, pas de mandat de perquisi- ture et les homicides dus au gatillo fácil (gâchette facile). tion. Les personnes arrêtées, parmi lesquelles se Une enquête sur l’agression a été ouverte. trouvait un homme âgé de soixante-quatorze ans, auraient été torturées ou maltraitées. Mauvais traitements, torture et homicides Les mauvais traitements infligés à des personnes pla- Violations des droits humains commises cées dans des centres de détention, y compris à des par le passé mineurs, ont fait l’objet de plusieurs dénonciations Décisions de justice publiques. Des homicides commis par la police dans En septembre, le juge fédéral Claudio Bonadio a des circonstances controversées ont également été ordonné le gel des avoirs et le placement en détention signalés cette année. provisoire de l’ancien général Leopoldo Fortunato Galtieri et de 25 anciens militaires, tous accusés d’être Enfants responsables de l’enlèvement, de la détention illégale, Le Comité des droits de l’enfant des Nations unies de la torture, de la « disparition » et du meurtre de En septembre, le Comité des droits de l’enfant des 20 membres du groupe armé des Montoneros en 1978 Nations unies a fait part de ses inquiétudes concernant et en 1980. Dans cet arrêt, le juge Bonadio a estimé que l’administration de la justice pour mineurs. Il s’est dit la Loi du « point final » et la Loi sur le devoir d’obéis- préoccupé par le fait que les lois nationales relatives aux sance, adoptées respectivement en 1986 et 1987, étaient enfants remontent à 1919 et que, le plus souvent, la inconstitutionnelles, nulles et non avenues. législation provinciale ne respecte pas les principes et Procès d’une militante du mouvement de défense dispositions de la Convention relative aux droits de des droits humains l’enfant. Il a également fait part de sa préoccupation En juillet, Sonia Torres de Parodi, membre de l’orga- face à la violence institutionnelle et aux informations nisation de défense des droits humains Abuelas de faisant état d’actes de torture et de mauvais traitements Plaza de Mayo (Grands-Mères de la place de Mai), a commis contre des mineurs détenus dans les postes de été traduite en justice à Córdoba (province de police et qui, dans certains cas, se sont soldés par la Córdoba). Cette femme âgée de soixante-treize ans mort de l’enfant. Le Comité a également évoqué la ten- recherche depuis 1976 sa fille « disparue » et l’enfant dance au gatillo fácil, qui a provoqué la mort de nom- de celle-ci. Elle avait à répondre d’une accusation de breux enfants. Il a recommandé à l’Argentine de revoir diffamation et injures formulée par un ancien membre ses lois et pratiques dans le domaine de l’administra- du personnel de l’école de commerce Manuel tion de la justice pour mineurs, au niveau national et Belgrano. Elle avait déclaré à la presse que ce dernier provincial, afin de les rendre pleinement conformes 78 AR aux dispositions de la Convention. Il a demandé ins- informations. En juillet, un observateur de l’organisa- tamment que soit mis en œuvre un plan national pour tion a assisté à des audiences du procès d’une femme prévenir et éliminer la violence institutionnelle, et que membre des Grands-Mères de la place de Mai.◆ de véritables enquêtes soient ouvertes sur les informa- tions faisant état d’homicides ou d’actes de torture et Autres documents d’Amnesty International de mauvais traitements qui auraient été commis contre Argentina: Action plan and respect for human rights des enfants. Le Comité a en outre souhaité que soient [Argentine. Plan d’action et respect des droits mis en place des programmes de réadaptation, de réin- humains] (AMR 13/002/02). sertion et de réparation à l’adresse des enfants victimes Argentina: La larga búsqueda de las Abuelas de Plaza de de torture ou de mauvais traitements. Mayo, ¿socavada por la justicia? [Argentine. La longue quête des Grands-Mères de la place de Mai entravée Visites d’Amnesty International par la justice ?] (AMR 13/008/02). Des délégués d’Amnesty International se sont rendus Argentine. Ingérence inacceptable du pouvoir exécutif en Argentine en février pour rencontrer des représen- en faveur de l’impunité (AMR 13/017/02). tants du gouvernement et des membres d’organisa- Argentina: The rights of the child in Argentina tions non gouvernementales et pour recueillir des [Argentine. Les droits de l’enfant] (AMR 13/018/02). ARMÉNIE

RÉPUBLIQUE D'ARMÉNIE GÉORGIE RUSSIE CAPITALE : Erevan SUPERFICIE: 29 800 km2 POPULATION: 3,8 millions AZERBAÏDJAN CHEF de l’ÉTAT: ARMÉNIE Robert Kotcharian lac CHEF du GOUVERNEMENT : Sevan Andranik Markarian EREVAN PEINE DE MORT: maintenue COUR PÉNALE TURQUIE INTERNATIONALE: Nakhitchevan Statut de Rome signé (AZERBAÏDJAN)

IRAN 0 100 km

es cas de torture et d’autres mauvais Le parti du Premier ministre a remporté une victoire traitements impliquant des responsables de écrasante. Le président de la République, Robert Dl’application des lois ont cette année encore été Kotcharian, a déclaré que cette consultation consti- signalés. Un certain nombre de conscrits se sont tuait un pas vers la tenue dans le calme de l’élection plaints d’avoir été soumis à des brutalités lors de présidentielle, en février 2003. La vie politique restait leur service militaire. Les objecteurs de conscience toutefois marquée par la violence, par le contrôle du étaient toujours condamnés à des peines pouvoir central sur les médias et par certaines restric- d’emprisonnement. Le nouveau Code pénal n’a tions de la liberté d’expression. pas aboli la peine capitale. Fin 2002, 42 hommes au moins étaient apparemment sous le coup d’une Torture et mauvais traitements condamnation à mort. Le moratoire sur les Les brutalités policières restaient apparemment mon- exécutions n’a toutefois pas été remis en question. naie courante. Les jeunes conscrits étaient toujours maltraités, soit directement par les officiers, soit avec Contexte la complicité de ces derniers. Un certain nombre Des élections locales ont eu lieu dans tout le pays en d’enquêtes sur des affaires de torture ou d’autres mau- octobre. Sans être vraiment libres et équitables, elles vais traitements n’auraient pas été menées dans des ont généralement été décrites comme un « progrès ». conditions satisfaisantes. 79 AR ✔ Artiom Sarkissian, vingt-deux ans, est mort au mois été libérés sous condition de se présenter régulière- de février, peu après le début de son service militaire. ment à la police. Selon l’hôpital militaire dans lequel il se trouvait, il a succombé à une intoxication alimentaire. L’autopsie Conseil de l’Europe pratiquée ultérieurement aurait cependant révélé que Lors de son adhésion au Conseil de l’Europe, en jan- la victime présentait d’importantes lésions cérébrales et vier 2001, l’Arménie a pris une série d’engagements en abdominales et qu’elle avait perdu beaucoup de sang. matière de droits humains. En décembre s’est ouvert le procès de 15 personnes Pendant l’année 2002, elle a ratifié la Convention euro- inculpées pour leur responsabilité présumée dans la péenne des droits de l’homme, mais le Protocole n° 6, mort du jeune homme. Parmi les accusés figuraient de qui abolit la peine de mort en temps de paix, n’a toute- simples soldats (dont deux qui étaient inculpés de fois pas été soumis au Parlement pour ratification. coups et blessures) et l’officier qui commandait l’unité L’Arménie a également ratifié la Convention européenne à laquelle Artiom Sarkissian avait été affecté. Cinq pour la prévention de la torture et des peines ou traite- médecins militaires, qui soutenaient que la victime ments inhumains ou dégradants. Ce faisant, elle a auto- avait souffert d’une intoxication alimentaire, se retrou- risé le Comité européen pour la prévention de la torture vaient également sur le banc des accusés, pour compli- (CPT) à effectuer des visites dans tous les lieux de déten- cité. Artiom Sarkissian aurait passé trente-six heures à tion situés sur son territoire. Le CPT s’est rendu en se tordre de douleur avant qu’un sixième médecin Arménie pour la première fois au mois d’octobre. décide de le faire hospitaliser. En 2001, le jeune Le nouveau Code pénal a été examiné en première lec- homme avait pris part à des manifestations très média- ture par le Parlement en juin, puis une seconde fois en tisées au cours desquelles des étudiants avaient pro- décembre. Il dépénalise les relations homosexuelles testé contre l’obligation d’effectuer le service militaire entre adultes consentants. Par contre, alors que avant la fin des études. Ses proches ont déclaré avoir l’Arménie s’était engagée devant le Conseil de fait l’objet de tentatives d’intimidation lors du procès. l’Europe à abolir la peine capitale au plus tard le Celui-ci a été ajourné fin 2002, parce que la salle du 25 janvier 2002, le nouveau Code pénal maintenait ce tribunal n’était pas chauffée. châtiment pour les meurtres avec circonstances aggra- ✔ Alors qu’il se trouvait en garde à vue, le parlemen- vantes, les viols sur mineure et les actes de terrorisme taire Guevorg Hakobian aurait été malmené au mois commis avant son entrée en vigueur. Cette disposition de juillet par plusieurs responsables de l’application était peut-être à mettre en relation avec le procès de des lois, dont un haut gradé de la police d’Erevan. Ce cinq personnes accusées d’avoir mené une attaque à dernier a été mis hors de cause au terme d’une enquête main armée contre le Parlement arménien en 1999; gouvernementale interne menée à l’initiative du huit personnes avaient été tuées, dont le Premier Premier ministre et il a été promu, un mois plus tard, ministre et le président du Parlement. à la tête d’un service du ministère de l’Intérieur. La commission de suivi des obligations et engagements ✔ Agamal Artiounian, l’un des gardes du corps du de l’Arménie à l’égard du Conseil de l’Europe s’est ren- président de la République, a été condamné à deux due sur place en août. Sur la base de son rapport, années d’emprisonnement avec sursis pour « coups et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a blessures involontaires » sur la personne de Pogos appelé au mois de septembre l’Arménie à abolir totale- Pogossian. Ce dernier, un militant politique, avait été ment la peine capitale, sans exception ni restriction. retrouvé mort en septembre 2001 dans les toilettes L’Assemblée a en outre fait savoir qu’elle pourrait déci- d’un café d’Erevan, l’Aragast, après avoir été frappé der d’annuler les pouvoirs de la délégation parlemen- par Agamal Artiounian. Un incident avait éclaté dans taire arménienne auprès du Conseil de l’Europe si cette l’établissement peu de temps auparavant, au cours abolition n’intervenait pas d’ici à juin 2003. La com- duquel Pogos Pogossian aurait fait une remarque mission de suivi avait indiqué que, au vu de l’aide désobligeante à l’adresse du chef de l’État. apportée par les experts du Conseil de l’Europe, l’aboli- tion pourrait figurer dans le nouveau Code pénal pré- Prisonniers d’opinion senté en seconde lecture. Or, lorsque le Parlement a En 2002, l’Arménie n’a donné aucun signe indiquant examiné ce texte pour la deuxième fois, le 25 décembre, qu’elle se conformait à l’esprit des engagements pris cette modification n’avait pas été apportée. devant le Conseil de l’Europe (voir plus loin) au sujet Malgré un moratoire de fait sur les exécutions, au des objecteurs de conscience. Entre janvier et la mi- moins 42 prisonniers étaient sous le coup d’une décembre, au moins 16 jeunes gens, tous témoins de condamnation à mort début octobre. Jéhovah, ont été condamnés à des peines allant d’un à L’Arménie s’est également engagée devant le Conseil trois ans d’emprisonnement, parce qu’ils avaient de l’Europe à adopter d’ici à janvier 2004 une loi ins- refusé, pour des raisons de conscience, d’effectuer leur taurant un service civil de remplacement du service service militaire. Cinq autres jeunes hommes atten- militaire et à gracier, en attendant, tous les objecteurs daient en détention d’être jugés, et 10 autres avaient de conscience emprisonnés. Un projet de loi était à été remis en liberté après avoir purgé une partie de l’étude en 2002, mais il prévoyait un service militaire leur peine. Parmi ces derniers, deux en étaient à leur non armé, et non un véritable service civil comme le deuxième condamnation à l’emprisonnement. Ils ont demandait le Conseil de l’Europe.◆ 80 AU AUSTRALIE AUSTRALIE INDONÉSIE PAPOUASIE- NOUVELLE- CAPITALE: Canberra GUINÉE 2 détroit SUPERFICIE: 7682195 km de Torrès POPULATION: 19,5 millions TIMOR-LESTE mer de Darwin Corail CHEF de l’ÉTAT: Elizabeth II, représentée par Peter Hollingworth océan Pacifique CHEF du GOUVERNEMENT: AUSTRALIE John Howard Brisbane PEINE DE MORT: abolie

COUR PÉNALE Perth INTERNATIONALE: Sydney Statut de Rome ratifié CANBERRA Melbourne océan Indien 0 1200 km Tasmanie

e gouvernement a poursuivi sa politique bateau surchargé de demandeurs d’asile venant du controversée à l’égard des réfugiés et Moyen Orient avait sombré en 2001 dans les eaux ter- Ldemandeurs d’asile et a cherché à obtenir le ritoriales où patrouillaient l’armée et les gardes-côtes soutien de la communauté internationale pour australiens, faisant 353 victimes. les restrictions dont font l’objet les droits de ces personnes garantis par le droit international. En Législation « antiterroriste » application de la « solution du Pacifique », des En mai, le Parlement a voté plusieurs nouvelles lois boat people qui souhaitaient solliciter l’asile en visant à définir et à interdire les actes de « terrorisme ». Australie ont été détenus et transférés de Une proposition de loi devant habiliter l’Australian manière arbitraire dans divers centres de Security Intelligence Organisation (ASIO, Services austra- détention situés en Australie, à Nauru et sur l’île liens des renseignements) à arrêter et à détenir, sans de Manus (Papouasie-Nouvelle-Guinée). inculpation ni représentation juridique, des personnes soupçonnées de participation à des « activités terro- Contexte ristes » a continué de susciter des controverses. Des pou- Le traitement des demandeurs d’asile et des réfugiés, voirs de cette nature risqueraient de conduire à des ainsi que les autres questions concenant l’immigration violations du droit international relatif aux droits et les contrôles aux frontières ont suscité des débats humains. publics houleux sur les droits humains. Dans ses décla- rations, le gouvernement a assimilé les demandeurs Questions d’ordre international d’asile à des criminels, à des opportunistes écono- La ratification par l’Australie du Statut de Rome de la miques et à des « terroristes ». L’ancien président de la Cour pénale internationale (CPI) est entrée en vigueur Cour suprême Gerard Brennan a fait le commentaire en septembre. Le gouvernement australien avait pré- suivant: « L’isolement honteux des demandeurs d’asile à sidé le Groupe des États pilotes, composé de 67 États Woomera, à Nauru et dans l’île de Manus divise le pays, œuvrant pour l’instauration de la Cour. Le texte de nombreux Australiens acceptant la nécessité de traite- d’application du Statut comportait une disposition en ments inhumains comme étant le prix à payer pour main- vertu de laquelle une personne ne pouvait être remise tenir nos politiques d’immigration et nos frontières. » à la CPI que si le procureur général délivrait un certifi- Les forces navales et les gardes-côtes australiens ont cat autorisant cette remise. poursuivi leurs opérations de surveillance au large des Lors de la réunion du Conseil économique et social des côtes pour intercepter des embarcations transportant Nations unies, en juillet, l’Australie a voté contre l’adop- des personnes en quête d’asile. Une commission tion du projet de Protocole facultatif se rapportant à la d’enquête sénatoriale a apporté la preuve, en contra- Convention des Nations unies contre la torture. Le diction avec les déclarations du gouvernement, qu’un ministre des Affaires étrangères a défendu cette décision 81 AU en invoquant des raisons de procédure; interprétant de l’inquiétude que soulevait l’impact psychologique du façon inexacte les dispositions du Protocole, il a déclaré régime de détention, son caractère automatique et le que le gouvernement ne souhaitait pas voir des inspec- manque de discernement avec lequel il était appliqué, teurs des Nations unies arriver inopinément dans les pri- sa durée potentiellement indéfinie et le fait que la léga- sons et les centres de détention australiens. En novembre, lité de la détention n’était contrôlée par aucune ins- l’Australie s’est abstenue lors de l’adoption du Protocole tance judiciaire. Le gouvernement australien a rejeté par l’Assemblée générale de l’ONU. les conclusions des deux rapports. La Commission nationale pour les droits humains et Demandeurs d’asile et réfugiés l’égalité des chances a déclaré en novembre que La politique du gouvernement à l’égard des réfugiés et l’Australie avait violé ses obligations internationales en des demandeurs d’asile, et en particulier la « solution du matière de droits humains en transférant six deman- Pacifique » et la politique de détention obligatoire et deurs d’asile de centres de détention pour immigrés non révisable de personnes arrivant sans documents de vers des prisons, où ils étaient détenus arbitrairement, voyage, ont continué de susciter des critiques tant à sans inculpation, avec des criminels condamnés. Un l’intérieur du pays qu’à l’échelle internationale. De très homme avait été détenu sans contrôle judiciaire en nombreuses personnes ont été retenues pendant des prison et dans un centre de détention pour immigrés mois dans des centres de détention financés par l’État et depuis le mois de décembre 1997. situés en Australie, à Nauru et en Papouasie-Nouvelle- En décembre, la Commission pour les droits humains Guinée, après s’être vu accorder le statut de réfugiés et l’égalité des chances a noté que cinq demandeurs mais dans l’attente du feu vert des services de sécurité. d’asile du centre de détention de Port Hedland avaient En août, selon l’ASIO, aucun des quelque 6000 deman- été détenus arbitrairement à l’isolement pendant plus deurs d’asile sur lesquels l’organisme avait enquêté de six jours, dans des pièces mal éclairées ou obscures; n’était considéré comme une menace pour la sécurité. ce traitement a duré jusqu’à ce qu’un agent des ser- Des demandeurs d’asile déboutés qui se trouvaient en vices de l’immigration prenne conscience de la situa- détention et avaient demandé à être renvoyés dans leur tion. Pendant ces six jours, ils n’avaient été autorisés à pays d’origine mais ne pouvaient obtenir de documents sortir que deux fois pendant dix à quinze minutes, et de voyage demeuraient détenus, pour une durée non seul l’un d’entre eux avait, au bout de cinq jours, reçu définie. La Cour fédérale a jugé, dans deux affaires, des vêtements pour se changer. Malgré les rapports du qu’une telle détention prolongée était illégale en fonctionnaire, le gouvernement n’a pris aucune l’absence de toute perspective de départ, et a ordonné mesure jusqu’à l’intervention de la section australienne que les personnes détenues soient libérées. Deux d’Amnesty International. hommes, un Palestinien et un Irakien, avaient été main- En novembre, des informations sont parvenues à tenus en détention pendant huit et vingt-trois mois res- Amnesty International au sujet d’un demandeur pectivement après avoir demandé à être renvoyés chez d’asile colombien qui, après s’être vu refuser l’entrée eux. Le Palestinien a finalement été renvoyé. sur le territoire australien, s’est rendu en Argentine; de Le gouvernement a cherché activement à obtenir que là il a été renvoyé en Colombie, où il aurait été tué par d’autres pays soutiennent ses politiques et a affirmé des paramilitaires moins d’un mois plus tard. que l’interdiction d’accoster sur le continent australien ✔ Dans un arrêt historique rendu en avril, la Cour qui frappait les bateaux transportant des demandeurs fédérale a confirmé le droit de Naima Khawar au sta- d’asile était justifiée, car elle stoppait l’afflux de boat tut de réfugiée; elle a considéré que la non-assistance people. Le nombre de détenus a diminué en Australie des autorités pakistanaises à l’égard de la jeune femme continentale, ce qui a conduit à la fermeture des qui leur avait demandé protection contre des violences centres de détention de Curtin et Woomera, très éloi- domestiques équivalait à un manquement de l’État à gnés. Le sort de nombre de détenus qui s’étaient vu son devoir de protéger les femmes contre les persécu- refuser l’entrée en Australie continentale n’était tou- tions à motivation sexiste. jours pas réglé à la fin de l’année. ✔ En novembre, un coroner (officier de justice chargé En mai, le Groupe de travail des Nations unies sur la de mener une enquête en cas de mort violente, subite détention arbitraire et le Haut-Commissariat aux ou suspecte) a enquêté sur le cas de Nurjan Hussein et droits de l’homme ont envoyé des délégations en Fatimeh Husseini, qui avaient trouvé la mort lorsque Australie afin qu’elles enquêtent sur les conditions et leur bateau, intercepté par les forces navales austra- le régime juridique s’appliquant à la détention des liennes et des navires des gardes-côtes, a coulé au large demandeurs d’asile sans jugement ni réexamen judi- d’une île australienne en novembre 2001. Les conclu- ciaire. En juillet, le délégué du Haut-Commissariat sions de l’enquête étaient attendues en 2003. aux droits de l’homme décrivait le régime de détention comme étant une atteinte à la dignité humaine et fai- Populations indigènes sait part de ses graves préoccupations quant à la situa- Le rapport annuel de la Commission pour les droits tion des droits fondamentaux des migrants en humains et l’égalité des chances portant sur la justice détention, en particulier les enfants et les mineurs non sociale parmi les populations indigènes, qui a été publié accompagnés. En décembre, le Groupe de travail sur au mois de juin, a fait apparaître que les Aborigènes la détention arbitraire faisait part quant à lui de représentaient 20 p. cent de la population carcérale, 82 AU contre 14 p. cent en 1991, et cela malgré les promesses pour permettre aux familles des victimes de lui infliger faites par le gouvernement de réduire le nombre un châtiment coutumier. L’homme a accepté de se d’incarcérations d’indigènes, dont la mortalité en déten- prêter à ce rituel au cours duquel il a été blessé de 13 tion était disproportionnée. Ce taux était 10 fois supé- coups de lance à la jambe et a eu la cheville cassée. Un rieur au nombre d’Aborigènes par rapport à l’ensemble policier et une infirmière se tenaient sur place pour de la population. Les jeunes aborigènes représentaient intervenir en cas de besoin. Amnesty International a 42 p. cent environ des jeunes détenus. écrit au gouvernement de l’État du Territoire du Nord En septembre, la Commission pour les droits humains pour demander des éclaircissements quant au fonde- et l’égalité des chances a publié un rapport pour mar- ment juridique de la décision de justice. quer le cinquième anniversaire de l’enquête nationale qu’elle avait réalisée sur les enfants aborigènes qui Enquête sur les services de police dans l’État avaient été retirés de leurs familles par le passé en d’Australie-Occidentale application d’une politique gouvernementale. Le rap- En octobre, une commission royale enquêtant sur un port, intitulé Restoring identity (Rétablir l’identité), comportement présumé criminel au sein des services de traitait des réparations à accorder à ces «générations police de l’État d’Australie-Occidentale a confirmé son volées » et appelait à une action judiciaire de grande intention d’enquêter sur la mort non élucidée de envergure afin de garantir un ensemble de mesures de Stephen Wardle, un jeune non indigène de dix-huit réparation aux personnes et groupes touchés. ans, survenue en 1988 pendant sa garde à vue dans une En juillet, une enquête judiciaire menée dans l’État cellule de police. En décembre, un policier qui avait d’Australie-Occidentale faisait apparaître que le refusé de témoigner lors de l’enquête ordonnée par le manque de coordination entre les organismes gouver- coroner a reconnu avoir forgé des preuves et s’être rendu nementaux, conjugué à l’inaction des organisations coupable de faux témoignage dans une autre affaire. aborigènes, contribuait à l’existence de taux élevés de violence domestique et de violences contre les enfants Visites d’Amnesty International parmi les populations aborigènes. Elle soulignait que si En mars, la secrétaire générale d’Amnesty International, les autorités et les hommes aborigènes ne s’attachaient Irene Khan, s’est rendue en Australie à l’occasion de la pas à traiter le problème, les enfants de cette commu- Journée internationale de la femme. Au cours de sa nauté n’auraient pour seul avenir qu’une aggravation visite, elle a rencontré des hauts responsables gouverne- du pourcentage de suicides chez les jeunes ou de déte- mentaux ainsi que des représentants d’organisations nus aborigènes par rapport à la population carcérale non gouvernementales, de médias et d’organisations de totale. Le rapport d’enquête confirmait les préoccupa- défense des réfugiés et des populations indigènes.◆ tions qui animaient depuis longtemps les femmes abo- rigènes; il critiquait aussi les enquêtes menées par la Autres documents d’Amnesty International police sur la mort de Susan Taylor, qui avait motivé Australia-Pacific: Offending human dignity – the l’enquête. Cette jeune fille de quinze ans est morte en ‘Pacific Solution’ [Australie – Pacifique. La «solution février 1999 dans une réserve aborigène. du Pacifique », une atteinte à la dignité humaine] En octobre, un tribunal d’Alice Springs a libéré tem- (ASA 12/009/02), publié pour célébrer l’anniversaire du porairement Kevin Webb, un Aborigène soupçonné sauvetage par un cargo norvégien de 438 demandeurs de meurtre qui se trouvait en détention provisoire, d’asile victimes d’un naufrage au large de l’Australie. AUTORITÉ PALESTINIENNE e très nombreuses personnes ont été Contexte arrêtées pour des motifs politiques. Parmi Déclenchée le 29 septembre 2000, l'Intifada (soulève- Delles figuraient des membres présumés de ment) d'Al Aqsa s'est poursuivie durant toute l’année. groupes armés ainsi que des personnes Plus de 1000 Palestiniens ont été tués par les forces de soupçonnées de « collaborer » avec les services sécurité israéliennes, illégalement dans la plupart des cas. de renseignements israéliens. Treize personnes Des membres de groupes armés palestiniens ont lancé des au moins ont été condamnées à la peine capitale ; attaques contre des soldats et des civils israéliens. Plus de trois d’entre elles ont été exécutées. 415 Israéliens ont été tués, dont quelque 180 civils en La majorité des condamnés à mort étaient Israël même et plus de 80 dans les Territoires occupés ; des accusés de «collaboration » avec les services milliers d’autres personnes ont été blessées. Ces attaques de renseignements israéliens. De très nombreux délibérées contre des civils constituaient des crimes contre « collaborateurs » présumés ont été exécutés l’humanité (voir aussi Israël et Territoires occupés). illégalement par des membres de groupes armés Les principaux groupes armés ayant mené des attaques ou par des personnes agissant à titre individuel. contre des Israéliens étaient les Brigades des martyrs 83 AU d'Al Aqsa (groupe issu du Fatah), les Brigades Arrestations arbitraires et procès inéquitables Ezzedine al Qassam (Hamas), le Djihad islamique et le De très nombreux membres présumés du Hamas et du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). Djihad islamique, entre autres groupes armés, ont été arrêtés, de même que des personnes soupçonnées de Administration de la justice « collaborer » avec les services de renseignements israé- Le président Yasser Arafat et d'autres responsables de liens. À la fin de l’année, certaines des personnes arrê- l'Autorité palestinienne ont condamné régulièrement tées étaient toujours détenues sans inculpation ni les attentats-suicides et les autres homicides et attaques jugement, dans les prisons, les centres de détention ou visant des Israéliens; ils ont appelé les groupes armés les « lieux sûrs » de l'Autorité palestinienne. Des infor- palestiniens à y mettre un terme. Toutefois, dans mations ont fait état d’actes de torture et de mauvais l’immense majorité des cas, aucune enquête ne semblait traitements infligés aux détenus par les membres des avoir été ouverte et les personnes ayant ordonné ou différentes forces de sécurité palestiniennes. organisé ces attaques n'ont pas été traduites en justice. ✔ Six hommes étaient détenus par l'Autorité palesti- On ignorait le degré de contrôle exercé par l'Autorité nienne dans une prison de Jéricho, sous la surveillance palestinienne sur les groupes armés. Les bombarde- d'observateurs américains et britanniques. Cinq ments et attaques systématiques menés par l'armée d'entre eux avaient été arrêtés à la suite du meurtre, le israélienne contre la quasi-totalité des infrastructures 17 octobre 2001, de Rehavam Zeevi, le ministre israé- palestiniennes, notamment les locaux des services de lien du Tourisme. Ahmad Saadat, le secrétaire général sécurité et les prisons, ont amoindri la capacité et la du FPLP – mouvement qui a revendiqué cet acte –, a volonté de l’Autorité palestinienne d’exercer ce contrôle été arrêté, le 15 janvier, par des membres d'Al et de prendre en compte les graves motifs de préoccupa- Mukhabarat al Amma (Services des renseignements tion en matière de droits humains. généraux). Le 3 juin, la Haute Cour de justice palesti- Les prisons et les centres de détention de l'Autorité nienne siégeant à Gaza a ordonné sa remise en liberté palestinienne ayant été détruits ou pris pour cible par immédiate, au motif qu’il n'avait jamais été inculpé ni les Forces de défense d'Israël (FDI), de nombreux déte- présenté à un juge. Tout en affirmant qu’elles respec- nus ont été transférés dans des centres de détention de taient la décision de la Haute Cour, les autorités pales- fortune situés dans des endroits tenus secrets et appelés tiniennes ont toutefois décidé, le lendemain, de « lieux sûrs », afin d’être protégés des bombardements, maintenir cet homme en détention, « en raison des des attaques et des homicides commis par les FDI. menaces israéliennes d’assassinat » qui pesaient sur lui. L'Autorité palestinienne a libéré des prisonniers à plu- Les quatre autres hommes accusés dans cette affaire sieurs reprises; d'autres se sont évadés à l’occasion – Hamdi Qaran, Basel al Asmar, Majdi al Rimawi et d’attaques menées par l’aviation israélienne contre des Ahed Abu Ghalma – ont comparu devant un « tribu- prisons et des centres de détention; d’autres enfin ont nal de campagne » spécial qui les a condamnés à l’issue recouvré la liberté quand des groupes de Palestiniens d’un procès inéquitable, le 25 avril, à des peines allant ont pénétré de force dans des « lieux sûrs » ou dans des jusqu'à dix-huit ans d'emprisonnement. Quant à Fuad prisons. On a également recensé au moins un cas où Shubaki, le sixième détenu de la prison de Jéricho, il l’armée israélienne s’est introduite dans une prison avait été arrêté car on le soupçonnait d'être impliqué palestinienne pour libérer des « collaborateurs » présu- dans une livraison d'armes en provenance d'Iran. Cet més. Les dossiers de détenus et d'accusés potentiels ont homme, qui n'a jamais été jugé, était maintenu en également été détruits ou emportés lors d'attaques des détention à la fin de l'année, bien que la Haute Cour FDI contre des locaux des services de sécurité et des bâti- palestinienne siégeant à Ramallah eut ordonné, le ments administratifs. Les bouclages et les couvre-feux 10 décembre, sa remise en liberté. prolongés empêchaient ou entravaient le fonctionne- ment des tribunaux de l'Autorité palestinienne, les Peine de mort juges, les avocats et les témoins ne pouvant circuler Au moins 13 personnes ont été condamnées à mort par librement à l'intérieur des Territoires occupés, lorsqu’ils la Cour de sûreté de l'État à l'issue de procès sommaires n’étaient pas dans l'incapacité totale de se déplacer. et inéquitables. Trois d'entre elles, reconnues coupables de crimes de droit commun, ont été exécutées. Une qua- Législation trième a été tuée par les forces de sécurité, apparemment En mai, le président Arafat a ratifié la Loi fondamen- lors d'une tentative d'évasion. Neuf des condamnés à tale adoptée en 1996 par le Conseil législatif palesti- mort étaient accusés de trahison et de « collaboration » nien. Ce texte, qui proclame l'indépendance du avec les services de renseignements israéliens. Les per- pouvoir judiciaire, reconnaît les droits de toutes les sonnes condamnées à la peine capitale n'avaient pas la personnes relevant de la juridiction de l'Autorité pales- possibilité d'interjeter appel ; leur exécution pouvait tinienne tels qu'ils sont énoncés dans les traités inter- avoir lieu lorsque le président de l’Autorité palestinienne nationaux relatifs aux droits humains, notamment le avait ratifié la sentence. En 2002, le président Arafat n'a Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié aucune condamnation à mort prononcée contre et le Pacte international relatif aux droits écono- des « collaborateurs » présumés. miques, sociaux et culturels. La Loi fondamentale est ✔ Khaidar Ghanem, un ancien chercheur travaillant entrée en vigueur au mois de juillet. sur le terrain pour l'organisation israélienne B'Tselem 84 AU (Centre d'information israélien pour les droits ✔ Le 14 juillet, Abd al Hay Diab Sababa a été abattu humains dans les Territoires occupés), a été condamné par des hommes armés durant son procès devant la à mort, le 28 octobre, par la Cour de sûreté de l'État Cour de sûreté de l'État siégeant à Khan Yunis. Cet siégeant à Gaza. Cet homme de trente-neuf ans a été homme de quarante-deux ans était accusé d'avoir reconnu coupable de « collaboration » avec les services « collaboré » avec les services de sécurité israéliens et de de renseignements israéliens. Son procès, au cours leur avoir fourni des informations ayant permis l'assas- duquel il était assisté d'un avocat commis d'office, sinat par les FDI de quatre militants du Hamas. Plus de n'aurait duré que deux heures et demie. Selon cer- 50 personnes, dont des policiers et des proches des vic- taines sources, Khaidar Ghanem a été déclaré coupable times, assistaient au procès. Pendant une suspension essentiellement sur la base de ses « aveux ». Il aurait d'audience, l'accusé a été emmené dans une cellule. indiqué lors de son procès qu'il ignorait que les infor- Alors que le public sortait du tribunal, on a entendu mations qu'il avait fournies à des membres des services une forte explosion résultant d'un bombardement par de renseignements israéliens seraient utilisées pour des hélicoptères israéliens. Dans la confusion qui a commettre des homicides. suivi, des hommes armés ont abattu Abd al Hay Diab ✔ Faisal Ahmed Suleiman Abu Teilakh, vingt-six ans, Sababa dans sa cellule. Aucune mesure n'a été prise et Said al Barrawi Mohammed al Najjar, vingt-neuf contre les tueurs. ans, ont été passés par les armes à Gaza le 6 juin, vingt-quatre heures seulement après avoir été condam- Nations unies nés à mort par la Cour de sûreté de l'État pour le viol En octobre, le Comité des droits de l'enfant a recom- et le meurtre d'une fillette de sept ans. Le procès n’a mandé aux acteurs non étatiques d'établir et d'appli- pas été conforme aux règles minimum d’équité pré- quer strictement des règles d'engagement, applicables vues par les normes internationales. Il n’a duré que aux militaires et aux autres personnels, qui respectent trois heures et s'est déroulé devant la Cour de sûreté pleinement les droits de l'enfant énoncés dans la de l'État, alors que les crimes commis relevaient de la Convention des Nations unies relative aux droits de compétence des juridictions pénales ordinaires; par l'enfant et protégés en droit international humanitaire. ailleurs, la Cour ignorait que l'un des accusés souffrait Il leur a également recommandé de s'abstenir d'utiliser de troubles mentaux. ou de prendre pour cible les enfants dans le conflit armé et de respecter pleinement l'article 38 de la Homicides illégaux Convention ainsi, autant que possible, que le De très nombreux Palestiniens soupçonnés de « colla- Protocole facultatif concernant l'implication d'enfants boration » avec les services de renseignements israéliens dans les conflits armés. ont été exécutés illégalement. La plupart de ces homi- cides ont été perpétrés, semble-t-il, par des membres Visites d'Amnesty International de groupes armés ou par des personnes agissant à titre Des délégués d'Amnesty International se sont rendus individuel. Certains seraient des exécutions extrajudi- dans les territoires relevant de l'Autorité palestinienne ciaires imputables à des membres des services de sécu- en janvier, en mars, en avril, en mai, en juin, en rité palestiniens. L'Autorité palestinienne n'a ordonné juillet, en août et en octobre. La secrétaire générale de aucune enquête sur ces homicides et aucun respon- l'organisation est allée dans la région au cours de mois sable n'a été traduit en justice. d’avril et de mai.◆ ✔ Le 14 mars, Muhammad Dayfallah al Khatib a été abattu par des Palestiniens armés qui n'appartenaient Autres documents d'Amnesty International apparemment pas aux forces de sécurité palesti- Israël, Territoires occupés et Autorité palestinienne. niennes. À l'issue d'un procès inéquitable qui n'avait Atteintes au principe de distinction : les attaques contre duré que cinq heures, il avait été condamné à mort, le des civils perpétrées par des groupes armés palestiniens 13 janvier 2001, par la Cour de sûreté de l'État sié- (MDE 02/003/02). geant à Bethléem, pour trahison et « collaboration » Israël, Territoires occupés et Autorité palestinienne. avec Israël. Selon certaines sources, il avait été trans- L'avenir assassiné: les enfants en ligne de mire féré, en compagnie d'autres détenus de la prison de (MDE 02/005/02). Bethléem, dans un « lieu sûr » qui a été bombardé par la suite par l'aviation israélienne. ✔ Mundher al Hafnawi et Hussein Abu al Uyun ont été abattus à Naplouse, le 15 mars, par des Palestiniens armés qui n'appartenaient apparemment pas aux forces de sécurité palestiniennes. Ces deux hommes s'étaient évadés de la prison de Naplouse le 9 mars, après que les grilles de l'établissement eurent été endommagées par des tirs provenant d'hélicoptères de combat israéliens. Accusés de «collaboration » avec Israël, ils avaient été condamnés à mort au terme de procès inéquitables qui s’étaient tenus en 2001. 85 AU AUTRICHE RÉPUBLIQUE D’AUTRICHE RÉPUBLIQUE TCHÈQUE CAPITALE: Vienne 2 ALLEMAGNE SUPERFICIE: 83855 km SLOVAQUIE POPULATION: 8,1 millions Salzbourg CHEF de l’ÉTAT: LIECHTENSTEIN VIENNE Thomas Klestil AUTRICHE HONGRIE CHEF du GOUVERNEMENT: Graz Wolfgang Schüssel SUISSE PEINE DE MORT: abolie ITALIE SLOVÉNIE COUR PÉNALE CROATIE INTERNATIONALE: Statut de Rome ratifié 0 200 km

e procès de trois policiers accusés pour l’élimination de la discrimination raciale a fait d’avoir provoqué, en 1999, la mort part de son inquiétude concernant des « informations Ldu demandeur d’asile Marcus Omofuma alléguant des incidents racistes auxquels auraient pris s’est tenu cette année. De nouvelles allégations part des policiers et autres agents de l'État ». ont fait état de mauvais traitements et ✔ Le 17 octobre, le tribunal administratif indépen- d’un recours excessif à la force contre dant de Vienne a conclu que la police avait insulté des détenus par des policiers. Bülent Öztoplu, un militant pour les droits humains Un homme non armé qui présentait des d’origine turque, et lui avait fait subir sans raison un troubles psychologiques a été abattu par la traitement humiliant lors d’une opération policière police. Certaines catégories de demandeurs menée à Vienne en septembre 2001. d’asile ont été exclues des centres d’accueil gérés Un groupe de policiers armés de la Wiener par l’État. L’Autriche a aligné l’âge minimum du Einsatzgruppe Alarmabteilung (WEGA, Brigade de consentement pour les hommes homosexuels police spéciale de Vienne) avait arrêté cet homme, sur celui des hétérosexuels et des lesbiennes. membre du Menschenrechtsbeirat (Conseil consultatif des droits humains), sur la base d’un mandat d’arrêt Affaire Marcus Omofuma international en suspens décerné pour des faits qui se Le 4 mars, le procès des trois policiers inculpés de mauvais seraient produits à Mannheim, en Allemagne, en traitements ayant entraîné la mort de Marcus Omofuma 1984. Selon les conclusions du tribunal, durant la s’est ouvert au tribunal régional de Korneuburg à Vienne. garde à vue un policier qui informait un collègue qu’il Ce demandeur d’asile nigérian de vingt-cinq ans est mort s’agissait d’un membre du Conseil consultatif des asphyxié, le 1er mai 1999, lors de son renvoi forcé de droits humains avait traité Bülent Öztoplu de « salo- Vienne vers le Nigéria, via la Bulgarie, alors qu’il était pard ». Le tribunal a en outre estimé que la fouille bâillonné et ligoté. Le 15 avril, le tribunal régional de intime que les policiers avaient fait subir au détenu Korneuburg a reconnu les trois policiers coupables n’était pas motivée. En décembre, un tribunal de d’« homicide par négligence dans des circonstances particu- Mannheim a acquitté Bülent Öztoplu de toutes les lièrement dangereuses », une infraction moins grave que accusations qui pesaient sur lui. À la fin de l’année, il celle dont ils étaient accusés à l’origine, et les a condam- n’avait pas encore été réintégré au sein du Conseil nés à huit mois d’emprisonnement avec sursis. consultatif pour des droits humains, dont il avait été La décision du tribunal a fait l’objet de critiques de la suspendu peu après son arrestation. part de certains groupes de la société civile qui l’ont jugée ✔ Le 15 mars, à Vienne, Kambowa Mutombo, ressor- trop clémente, outre le fait qu’elle a permis aux policiers tissant congolais de vingt-cinq ans, aurait subi des de continuer à exercer leurs fonctions. mauvais traitements et essuyé des injures racistes de la part de policiers lors d’un contrôle d’identité. Allégations de brutalités policières D’après les informations recueillies, les policiers ont Selon un certain nombre d’allégations, des policiers traité Kambowa Mutombo d’« imbécile de nègre », puis ont maltraité des détenus et recouru à une force exces- ils l’ont plaqué au sol et roué de coups de pied lorsqu’il sive. Au mois de mars, le Comité des Nations unies a protesté devant cette insulte. 86 AU Selon son propre témoignage, les policiers se sont aussi Risque de renvoi forcé moqués de lui et ont fait des commentaires désobli- Au début du mois de janvier, Amnesty International geants alors qu’il se tenait nu devant eux pendant une s’est opposée à l’extradition de Muhammad Abd al fouille à corps au poste de police Favoriten, à Vienne. Rahman Bilasi Ashri, un homme de trente-cinq ans, Coups de feu tirés par la police vers l’Égypte, où il courait des risques sérieux de torture Amnesty International a instamment prié les autorités et d’autres violations des droits humains. Craignant de de mener une enquête rapide, exhaustive et impartiale faire l’objet de persécutions politiques, il avait fui sur les coups de feu qui ont coûté la vie à Binali Ilter, l’Égypte en 1994 et sollicité l’asile politique auprès de âgé de vingt-huit ans, le 31 août dans une rue du l’Autriche en 1995. centre de Vienne. Au moment des faits, il n’était pas À l’issue d’un procès inique en Égypte, il avait été armé et souffrait de schizophrénie. Binali Ilter, un condamné par contumace à quinze ans de travaux for- Autrichien d’origine kurde, avait quitté son domicile cés à la fin de l’année 1995, pour son affiliation présu- plus tôt dans la journée et marchait pieds nus en direc- mée à un groupe islamiste. Alors que sa demande tion du centre de la ville. d’asile était toujours en cours d’examen, il a été placé Dans l’après-midi, il a été impliqué dans une alterca- en détention par la police à Vienne en octobre 2001, à tion dans un magasin au cours de laquelle il a frappé la suite d’une demande d’extradition formulée par les une vendeuse au visage, après lui avoir demandé sans autorités égyptiennes. L’extradition de Muhammad succès de l’argent. La police a interpellé Binali Ilter Abd al Rahman Bilasi Ashri a pu être évitée, mais il est dans le centre de la ville, mais ce dernier n’a pas resté incarcéré à Vienne jusqu’à sa remise en liberté au répondu aux avertissements répétés des policiers le mois d’août. À la fin de l’année, il n’avait pas été sta- sommant de s’arrêter. Lorsque Binali Ilter a, semble-t- tué sur sa demande d’asile. il, crié et avancé dans leur direction, l’un d’entre eux lui a tiré dans l’épaule et dans le ventre. Binali Ilter est Inégalité en matière d’âge minimum mort à l’hôpital le même jour. du consentement Mise à jour Le 24 juin, la Cour constitutionnelle autrichienne a Le 4 juin, le tribunal du district de Vienne-Fünfhaus a jugé contraire à la Constitution le fait que l’âge mini- acquitté un policier du chef d’homicide par négligence mum du consentement ne soit pas le même pour les sur la personne d’Imre Bartos, un suspect de droit hommes homosexuels que pour les hétérosexuels et les commun non armé qui avait été tué à Vienne en lesbiennes. Moins d’un mois plus tard, le Parlement a mai 2000. Le tribunal a estimé que des doutes subsis- voté la suppression de l’article discriminatoire du Code taient dans cette affaire. Le policier avait abattu Imre pénal. Même si Amnesty International a accueilli favo- Bartos avec l’arme à feu qu’il possédait à titre privé en rablement cette mesure, elle déplorait néanmoins que tentant d’ouvrir la portière d’un véhicule dans des cir- la modification de la législation ne s’applique pas aux constances controversées. Le tribunal aurait conclu affaires pénales en cours et qu’aucune mesure de réha- que le coup de feu était parti à la suite d’un réflexe de bilitation, telle que l’annulation des antécédents judi- la main qui tenait l’arme, au moment où le policier ciaires, ne soit envisagée pour les hommes homosexuels ouvrait la portière. Les deux fils d’Imre Bartos ont reconnus coupables en vertu de cette loi. aussi déposé une plainte auprès du tribunal adminis- tratif indépendant de Vienne, sur laquelle il n’avait pas Visites d’Amnesty International encore été statué à la fin de l’année. Un délégué d’Amnesty International s’est rendu en Autriche au mois d’octobre pour y rencontrer des avo- Demandeurs d’asile cats et des victimes de violations présumées des droits Les nouvelles dispositions relatives au droit d’asile, humains.◆ introduites par le ministère de l’Intérieur le 1er octobre et qui excluent certaines catégories de Autres documents d’Amnesty International demandeurs d’asile des centres d’accueil gérés par Préoccupations d’Amnesty International en Europe, l’État, ont suscité des inquiétudes dans de nombreux janvier – juin 2002 (EUR 01/007/02). milieux. En vertu de ces nouvelles dispositions, les personnes en quête d’asile originaires de pays candi- dats à l’adhésion à l’Union européenne encourent l’expulsion et l’exclusion de ces centres d’accueil en attendant que soit traitée leur demande d’asile, ce qui les place potentiellement dans une situation d’indi- gence. Les demandeurs d’asile de certains autres pays s’exposent eux aussi à l’expulsion s’ils présentent un recours à la suite du rejet de leur demande initiale. Le nouveau texte exerçait une pression considérable sur les organisations humanitaires du pays, qui ont dû prendre en charge les demandeurs d’asile évincés et exclus des centres. 87 AZ AZERBAÏDJAN RÉPUBLIQUE D’AZERBAÏDJAN

CAPITALE: Bakou GÉORGIE RUSSIE mer SUPERFICIE: 86600 km2 Caspienne POPULATION: 8,1 millions CHEF de l’ÉTAT: Gueïdar Aliev BAKOU CHEF du GOUVERNEMENT: ARMÉNIE AZERBAÏDJAN Arthur Rasizadeh PEINE DE MORT: abolie TURQUIE COUR PÉNALE Nakhitchevan INTERNATIONALE: Statut de Rome non signé IRAN

0 150 km

es forces de l’ordre ont été accusées d’avoir notable n’a été enregistré en vue d’un règlement poli- brutalement réprimé des manifestations. tique de la question du Haut-Karabakh. LUne personne est morte au cours d’un de ces mouvements de protestation, et un certain Torture, mauvais traitements nombre de personnes interpellées auraient et usage abusif de la force été maltraitées pendant leur détention. La police a été accusée à de multiples reprises d’avoir réprimé des manifestations avec une violence exces- Contexte sive. La plupart de ces manifestations avaient été orga- L’élection présidentielle étant prévue pour octobre 2003, nisées par des partis politiques d’opposition, mais une la concentration des pouvoirs entre les mains du prési- au moins avait un caractère spontané et portait sur des dent et la succession du chef de l’État, Gueïdar Aliev, âgé griefs de la population locale. et souffrant de problèmes de santé, étaient plus que Aligassan Agaïev a été abattu par la police lors d’une jamais au centre des préoccupations. manifestation qui avait débuté pacifiquement, le De nombreuses modifications de la Constitution ont 3 juin, à Nardaran. Les habitants de ce village faisaient été approuvées par référendum au mois d’août. Les campagne depuis plusieurs années déjà pour l’amélio- autorités auraient vivement insisté auprès des électeurs ration de leurs conditions de vie économiques et afin qu’ils entérinent les modifications proposées. Un sociales. La manifestation du 3 juin avait été déclen- nombre important d’irrégularités auraient été com- chée par le bouclage inopiné du village par les forces mises lors du scrutin. Certains ont accusé les autorités de sécurité, suivi de l’arrestation de sept membres du d’avoir modelé la nouvelle loi électorale pour faciliter conseil des anciens. Les affrontements qui ont suivi la transmission du pouvoir entre Gueïdar Aliev et son auraient fait plusieurs dizaines de blessés parmi les fils Ilham Aliev. habitants. Plusieurs policiers auraient également été Au mois d’octobre, la police a fait irruption au siège blessés. Les autorités ont attribué la responsabilité des d’un parti d’opposition. Cette intervention a été très violences à des « forces islamiques anti-azerbaïdja- généralement interprétée comme une intensification naises » présentes dans le village. du harcèlement dont l’opposition faisait l’objet. Un À la fin de l’année, un certain nombre d’habitants de certain nombre d’organisations religieuses, essentielle- Nardaran avaient été inculpés d’infractions graves au ment musulmanes, ont été interdites. Les autorités ont Code pénal, mais il semble qu’aucun membre des continué de saper la liberté de la presse, en exerçant forces de sécurité n’ait fait l’objet de poursuites. divers types de pression sur les médias indépendants. Lors des événements de Nardaran, la police aurait Les manœuvres de harcèlement et les amendes imposées empêché le personnel médical d’aller soigner les bles- par les tribunaux ont ainsi entraîné la fermeture de plu- sés. Elle aurait frappé et arrêté des blessés, ainsi que sieurs journaux et chaînes de télévision. Aucun progrès des personnes qui les accompagnaient à l’hôpital. 88 AZ Certains habitants de Nardaran interpellés à l’hôpital Modifications de la Constitution auraient été torturés et maltraités en détention. Trente-six modifications de la Constitution ont été ✔ Rassim Alizade, vingt-deux ans, blessé par balle au adoptées par référendum au mois d’août. Certaines niveau du tibia, et Mirzaga Movlamov sont restés à découlaient des engagements pris par l’Azerbaïdjan en l’hôpital jusqu’au 4 juin 2002, pour faire soigner vue de son adhésion au Conseil de l’Europe. L’une leurs blessures. Ils y auraient été interpellés avant d’elles constituait ainsi une étape sur la voie de la d’être torturés, d’abord dans l’établissement hospita- mise en place d’un service civil de remplacement du lier, puis dans une prison. service militaire (les textes nécessaires à la mise en œuvre d’une telle réforme n’étaient cependant pas Morts en détention (nouvelles informations) encore en vigueur à la fin de l’année). Le procès du policier de haut rang qui était de service Vingt-deux détenus qui purgeaient des peines au moment de la mort d’Ilgar Javadov, survenue au d’emprisonnement à vie ont cherché à invoquer l’un poste de police n° 9 de Sabaïl, un quartier de Bakou, des nouveaux textes qui élargissent, notamment aux était toujours en cours à la fin de l’année 2002. Ilgar particuliers et aux nouveaux médiateurs, les possibili- Javadov est mort le 13 mai 2001, avant l’aube, appa- tés de recours devant la Cour constitutionnelle. remment des suites de mauvais traitements infligés L’administration pénitentiaire aurait refusé de trans- par des policiers. L’accusé a plus tard été démis de ses mettre à la Cour 21 des 22 requêtes, ne lui faisant fonctions et inculpé de négligence. part que du recours du prisonnier politique Alakram Les poursuites judiciaires engagées contre trois autres Alakbar oglou Hoummatov. En décembre, le Melli- policiers dans le cadre de cette affaire ont été aban- Medjlis (Parlement) a adopté en seconde lecture une données le 26 février 2002. loi permettant aux particuliers d’exercer leur droit de La famille d’Ilgar Javadov et son avocat avaient donné saisir la Cour constitutionnelle.◆ la veille une conférence de presse pour faire part de leur inquiétude quant à la manière dont était menée Autres documents d’Amnesty International l’enquête sur cette mort. Préoccupations d'Amnesty International en Europe, janvier – juin 2002 (EUR 01/007/02). Prisonniers politiques L’une des conditions que l’Azerbaïdjan avait acceptées lors de son adhésion au Conseil de l’Europe était de libérer ou de rejuger les prisonniers politiques. En janvier, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a exigé la remise en liberté de 11 prisonniers politiques, pour lesquels elle avait déjà demandé la libération ou un nouveau jugement. L’Assemblée insistait tout particulièrement sur les cas d’Alakram Alakbar oglou Hoummatov (également connu sous le nom d’Alikram Goumbatov ou Goummatov, voir ci-après), d’Iskander Mejid oglou Hamidov (connu également sous le nom d’Iskander Gamidov) et de Rahim Hassan oglou Qaziyev (aussi appelé Raqim ou Raguim Gaziyev). Ces trois prison- niers n’ont pas été libérés. En revanche, les autorités ont entrepris de les rejuger. Selon certaines alléga- tions, les nouveaux procès ne se déroulaient pas dans des conditions conformes aux normes internationales d’équité. Les avocats d’Iskander Mejid oglou Hamidov se sont, par exemple, plaints du fait que l’administration de la prison à régime strict de Goboustan, où avaient lieu les procès, ne les autorisait pas à rencontrer leur client. Dans une résolution adoptée au mois de septembre, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe s’est dite préoccupée « par les informations faisant état de violations flagrantes de leurs droits, procéduraux et autres », ainsi que profondément troublée « par le fait que sept des personnes considérées comme des prisonniers politiques par les experts du Conseil de l’Europe, et figu- rant sur la liste des dix-sept cas pilotes, [étaient] toujours détenues, qu’elles [n’avaient] pas été graciées et ne [béné- ficiaient] pas d’un nouveau procès ». 89 BA BAHAMAS COMMONWEALTH DES BAHAMAS CAPITALE: Nassau océan Atlantique SUPERFICIE: 13939 km2 POPULATION: 0,31 million BAHAMAS CHEF de l’ÉTAT: NASSAU Elizabeth II, représentée par Dame Ivy Leona Dumont CHEF du GOUVERNEMENT: Hubert Alexander Ingraham, remplacé par Perry Gladstone Christie le 3 mai îles mer Caïques PEINE DE MORT: maintenue des Antilles (ROYAUME- UNI) COUR PÉNALE INTERNATIONALE: Statut de Rome signé CUBA 0 200 km

ien que le nouveau gouvernement se soit engagé à améliorer les conditions carcérales, (Commission de réforme pénitentiaire) chargée de Bces dernières demeuraient très pénibles. Une proposer des améliorations. personne a été tuée par la police dans des En août, une délégation d’Amnesty International s’est circonstances laissant à penser qu’il pourrait rendue à la prison de Fox Hill et a constaté une situa- s’agir d’une exécution extrajudiciaire. Des cas de tion constituant, de fait, une forme de traitement mauvais traitements de détenus perpétrés par la cruel, inhumain et dégradant. De nouvelles informa- police ont en outre été signalés. Les tribunaux tions ont fait état de l’existence de maladies graves et ont continué de prononcer des sentences de carences en matière de soins médicaux. Des enfants capitales, mais il n’y a eu aucune exécution. Le étaient détenus avec des adultes. Malgré l’ouverture risque pour certains demandeurs d’asile d’être d’un nouveau quartier destiné aux personnes placées renvoyés dans leur pays d’origine sans que leur en détention provisoire, le problème de la surpopula- cas ait été examiné de manière approfondie et tion restait entier. équitable dans le cadre d’une procédure de ✔ Les autorités n’ont pas pu fournir d’éléments sur détermination du statut de réfugié constituait l’avancée de l’enquête concernant le viol présumé, en toujours un motif de préoccupation. août 2001, d’un détenu âgé de dix-sept ans par des prisonniers adultes. Contexte Au mois de mai, le Progressive Liberal Party (PLP, Parti Demandeurs d’asile libéral progressiste) a remporté les élections générales, Cette année encore, des demandeurs d’asile originaires écartant du pouvoir le Free National Movement (FNM, d’Haïti et de Cuba, notamment, ont été renvoyés dans Mouvement national libre). leur pays en violation du droit international, sans avoir pu faire examiner leur cas de manière approfondie et Peine de mort équitable dans le cadre d’une procédure de détermina- Trente personnes se trouvaient toujours sous le coup tion du statut de réfugié. Le gouvernement a fait d’une condamnation à mort à la fin de l’année. Il n’y a savoir à Amnesty International qu’il n’avait pas eu aucune exécution. l’intention d’incorporer dans le droit interne les dispo- sitions de la Convention des Nations unies relative au Conditions carcérales statut des réfugiés. Au mois de février, des membres du personnel péni- Des demandeurs d’asile et des immigrés en situation tentiaire se sont plaints des risques qu’ils encourent de irrégulière ont été maintenus en détention, dans des contracter des maladies infectieuses sur leur lieu de conditions très pénibles et sans avoir accès à une pro- travail. En mai, le nouveau gouvernement du PLP s’est cédure judiciaire. Selon certaines informations, des engagé à améliorer les conditions de détention; en détenus auraient été frappés par des membres des octobre, il a nommé une Prison Reform Commission Forces royales de défense des Bahamas. 90 BA Exécution extrajudiciaire présumée d’appel pour les Bahamas, a estimé que l’imposition Le 5 décembre, Jermaine Alexander Mackey a été tué par de la flagellation à titre de châtiment judiciaire ne des policiers dans des circonstances laissant à penser qu’il constituait pas une violation de la Constitution, bien s’agissait d’une exécution extrajudiciaire. La police a qu’il s’agisse d’une peine inhumaine et dégradante. Le déclaré qu’il avait été abattu après avoir croisé des Conseil privé a renvoyé devant la Cour d’appel la déci- membres de la réserve mobile. Selon des témoins, des sion de savoir s’il fallait utiliser le « chat à neuf queues » agents de police l’ont arrêté, puis, lorsqu’il s’est enfui, ont (fouet composé de neuf cordes comportant des tiré sur lui à plusieurs reprises, le touchant à la tête et à la nœuds) ou la badine. poitrine. Les agents auraient menacé certains témoins et En août, la ministre de la Sécurité nationale s’est pro- les auraient contraints à s’allonger par terre en leur bra- noncée en faveur de l’imposition aux personnes décla- quant un pistolet sur la tempe. Des éléments de preuve rées coupables de viol d’une peine de flagellation avec médicolégaux auraient été falsifiés. À la fin de l’année, un « chat à neuf queues ». En octobre, un homme a Amnesty International n’avait reçu aucune réponse intenté une action en justice contre le gouvernement concernant l’état d’avancement de l’enquête. au motif qu’il avait reçu des coups de fouet avant que sa condamnation pour viol ne soit infirmée en appel. Brutalités policières Selon diverses allégations, des détenus auraient été Discrimination maltraités par des policiers. En février, lors d’un référendum portant sur diverses ✔ Au mois de juin, Earl Meadows aurait été frappé et modifications de la Constitution, une disposition pré- roué de coups de pied par plusieurs agents dans un voyant l’égalité des hommes et des femmes devant la fourgon de police à Nassau. Un policier aurait placé loi a été rejetée. une arme sur sa tempe et l’aurait menacé. Une enquête était toujours en cours à la fin de l’année. Visites d’Amnesty International Une délégation d’Amnesty International s’est rendue Flagellation aux Bahamas en août. Les représentants de l’organisation Dans une décision rendue en septembre, le Judicial ont notamment rencontré des ministres. Ils ont égale- Committee of the Privy Council (JCPC, Comité judi- ment visité la prison de Fox Hill, le centre de détention ciaire du Conseil privé), la plus haute juridiction de Carmichael et plusieurs postes de police.◆ BAHREÏN ÉTAT DE BAHREÏN CAPITALE: Manama golfe SUPERFICIE: 691 km2 Arabo-Persique POPULATION: 0,66 million CHEF de l’ÉTAT: BAHREïN Sheikh Hamad bin Issa al Khalifa CHEF du GOUVERNEMENT: MANAMA Sheikh Khalifa bin Salman al Khalifa PEINE DE MORT: maintenue ARABIE SAOUDITE COUR PÉNALE QATAR INTERNATIONALE: Statut de Rome signé 0 100 km

es initiatives positives prises depuis ont fait un usage excessif de la force contre l'amnistie générale de février 2001 des manifestants et un étudiant est mort après Lont continué de contribuer à l'amélioration avoir été atteint par des balles en caoutchouc. générale de la situation des droits humains. Deux personnes ont été arrêtées et passées Quelques cas de violation de ces droits à tabac. Une Éthiopienne restait sous le coup ont été signalés. Les forces de sécurité d'une condamnation à mort. 91 BA Contexte Manifestations d'avril et violences des forces Au mois de février, Bahreïn est officiellement devenu de sécurité un royaume et Sheikh Hamad bin Issa al Khalifa, qui Selon certaines sources, les forces de sécurité ont fait a pris le titre de roi, a annoncé l'organisation d'élec- un usage excessif de la force lors des manifestations tions locales et législatives, respectivement en mai et antiaméricaines et anti-israéliennes qui se sont dérou- en octobre. La Constitution de 1971 a été modifiée ; lées au mois d’avril dans la capitale, Manama. Les elle a confirmé le roi dans la fonction de chef de l'État manifestants, des étudiants pour la plupart, ont atta- et a fait de Bahreïn une monarchie constitutionnelle qué l'ambassade des États-Unis. Les forces de sécurité héréditaire. La nouvelle Constitution prévoit un ont utilisé du gaz lacrymogène et tiré des balles en Parlement, Al Majlis al Watani qui sera formé de deux caoutchouc; une personne est morte et de nombreuses chambres, à savoir le Majlis al Shura (Conseil consul- autres ont été blessées. tatif) et le Majlis al Nuwab (Conseil des députés); elle ✔ Mohammad Jumaa al Shakhuri, un étudiant de prévoit également une Cour constitutionnelle et vingt-quatre ans, est mort après avoir été atteint par des le droit pour les femmes de voter et de se présenter à balles en caoutchouc. Il semble que de nombreux mani- des élections. Chacune des deux chambres comptera festants ont dû être hospitalisés pour recevoir des soins. 40 membres ; ceux du Conseil des députés seront élus, Les autorités ont annoncé l'ouverture d'une enquête sur mais le roi se réserve le droit de nommer les membres les circonstances de la mort de Mohammad Jumaa al du Conseil consultatif et de les démettre ainsi que de Shakhuri. Les conclusions n'avaient pas été rendues dissoudre le Conseil des députés et de modifier la publiques à la fin de l'année. Constitution. ✔ Abdul Hadi al Khawaja, un homme militant pour Dans son rapport soumis au mois de décembre 2001 au les droits humains, a été violemment battu après être, Comité contre le terrorisme du Conseil de sécurité des semble-t-il, intervenu pour empêcher des membres des Nations unies, Bahreïn a énuméré un certain nombre de forces de sécurité de frapper un manifestant. Il a été mesures prises par les autorités. On peut citer parmi elles détenu au poste de police d'Al Hura, puis il a été relâ- la ratification de la Convention arabe sur la répression du ché le jour même. terrorisme, dont de nombreuses dispositions constituent ✔ Au mois de mai Jassem Ahmad Salman, qui circu- une violation des normes internationales relatives aux lait en voiture à Manama, a été interpellé par des droits humains. membres des forces en sécurité en civil. Ceux-ci l'au- De nouvelles associations politiques et organisations non raient battu et lui auraient bandé les yeux et attaché les gouvernementales ont été officiellement reconnues. Le mains avec des menottes avant de l'emmener aux fins Comité général des travailleurs bahreïnites a été d'interrogatoire. Jassem Ahmad Salman aurait été de enregistré, en juin, sous le nom d'Union générale des tra- nouveau battu pendant qu'on l'interrogeait sur son vailleurs bahreïnites. Une loi sur les syndicats a été pro- rôle dans les manifestations antiaméricaines et sur son mulguée en septembre. Le Centre bahreïnite des droits implication présumée dans une altercation entre un humains, première organisation de ce type dans la région commerçant bahreïnite et l'épouse d'un militaire amé- du Golfe, a été enregistré officiellement au mois de ricain. Il a ensuite été remis en liberté. Au mois de juillet. L'Union des femmes bahreïnites, qui œuvre pour septembre, le ministre de l'Intérieur a indiqué dans la défense et la promotion des droits des femmes, a été une lettre à Amnesty International qu'une enquête reconnue en novembre. avait été ouverte sur cette affaire; il a en outre fait Trois cent vingt candidats, dont 31 femmes, se sont pré- savoir qu'aucun membre des forces de sécurité dépen- sentés aux élections locales du mois de mai. La majorité dant du ministère de l'Intérieur n'était responsable des des 50 sièges a été remportée par des candidats liés à des mauvais traitements qui auraient été infligés à Jassem associations politiques sunnites et chiites. Aucune femme Ahmad Salman. n'a été élue lors de ces scrutins. Les premières élections législatives depuis 1973 ont eu Liberté d'expression lieu en octobre. Cent quatre-vingt-dix candidats, dont En janvier, les autorités ont annulé une procédure huit femmes, étaient en lice pour les 40 sièges du Conseil judiciaire ouverte en novembre 2001 par le ministère des députés. Le rétablissement du Parlement dissous en de l'Information contre le journaliste indépendant 1975 était, de longue date, l'une des principales revendi- Hafidh al Shaikh pour un certain nombre d'articles cations de l'opposition. Toutefois, les quatre associations qu'il avait publiés dans des journaux étrangers et que politiques les plus importantes, dont les principaux les autorités considéraient comme « une tentative d'at- groupes d’opposition chiites, ont boycotté le scrutin pour teinte à l’unité nationale ». protester contre les modifications constitutionnelles et les L'accès à des sites Internet, dont celui du Mouvement pouvoirs législatifs conférés au Conseil consultatif. Les pour la libération de Bahreïn (MLB), un groupe d'op- groupes sunnites ont remporté la plupart des sièges; position basé au Royaume-Uni, aurait été bloqué par aucune femme n'a été élue. les autorités au mois de mars. Le MLB avait vivement Un nouveau gouvernement est entré en fonction en critiqué les modifications de la Constitution intro- novembre. Les principaux ministres ont conservé leur duites par le roi. poste, mais un ancien opposant, Majid Muhsin al Alawi, Au mois de mai, la chaîne de télévision Al Jazira, basée a été nommé ministre du Travail et des Affaires sociales. au Qatar a été interdite au motif qu'elle « s'efforçait 92 BA délibérément de faire du tort à Bahreïn ». Cette mesure Organisations intergouvernementales aurait été prise à la suite de la diffusion de reportages En février, le Comité des droits de l'enfant des sur les manifestations antiaméricaines à Bahreïn. Nations unies a formulé ses recommandations après Une nouvelle Loi sur la presse et les publications a été avoir examiné le rapport de Bahreïn sur l'application promulguée en octobre par décret royal. L'article 68 de la Convention relative aux droits de l'enfant. Il a prévoit une peine maximale de cinq ans d'emprison- recommandé que les dispositions législatives concer- nement pour la publication d'articles qui insultent la nant la justice pour mineurs soient mises en confor- religion d'État, critiquent le roi ou incitent au renver- mité avec les normes internationales relatives aux sement du gouvernement ou à son changement. droits humains. Amnesty International était préoccupée par le carac- La haut-commissaire aux droits de l'homme des tère restrictif de cette loi et craignait qu'elle ne consti- Nations unies, qui s'est rendue à Bahreïn en mars, a tue une violation des normes internationales relatives à affirmé que les autorités devaient ordonner des la liberté d'expression. À la fin de l’année le gouverne- enquêtes sur les violations des droits humains com- ment aurait retiré la loi pour la modifier. mises par le passé et traduire les responsables présumés en justice. Bahreïn a ratifié, au mois de juin, la Exil forcé et apatrides Convention des Nations unies sur l'élimination de Plusieurs centaines de familles bahreïnites qui avaient toutes les formes de discrimination à l'égard des été contraintes à l'exil en Iran dans les années 80 ont pu femmes, émettant toutefois certaines réserves quant rentrer à Bahreïn. C'était notamment le cas d'Ahmad aux articles 2, 9, 15, 16 et 29. Hussain Ghaloum et d'Abd al Hassan Moussa Mohammad Abbas, ainsi que de leurs proches. Peine de mort Il a été a annoncé au mois d’octobre que la nationalité Yoshork Dostazudi, une Éthiopienne de vingt-deux bahreïnite serait accordée à tous les apatrides résidant ans condamnée à mort pour meurtre, restait sous le dans le pays. coup de cette sentence capitale à la fin de l'année. Les médecins qui l'ont examinée ne seraient pas parvenus Impunité à se mettre d'accord sur l'état mental de cette jeune Au mois de mai, Adel Jassem Fleifel, colonel au sein femme au moment des faits, en décembre 1998.◆ de l'Idarat Amn al Dawla (Département de la sûreté de l'État), s'est enfui en Australie après que les autori- tés eurent ouvert une enquête sur des allégations de corruption formulées à son égard. On lui reprochait d'avoir extorqué des millions de dinars (soit plusieurs millions d’euros) à des sociétés. Des groupes d'opposi- tion accusaient, depuis de nombreuses années, Adel Jassem Fleifel d'avoir torturé, ou donné l'ordre de tor- turer, des prisonniers politiques. Toujours en mai, Amnesty International a prié le gouvernement d'ou- vrir des enquêtes sur tous les cas de violation des droits humains, et notamment de torture, imputés au Département de la sûreté de l'État et à Adel Jassem Fleifel. Celui-ci est rentré à Bahreïn au mois de novembre 2002. Plusieurs centaines de personnes ont manifesté devant le ministère de la Justice afin de réclamer la comparu- tion de cet homme en justice pour sa participation à des violations des droits humains, et notamment à des actes de torture, perpétrées par le passé. Adel Jassem Fleifel a été arrêté deux jours après son retour. Les charges qui pesaient sur lui étaient encore inconnues à la fin de l'année. Au mois d’octobre, le roi a promulgué le décret n° 56 qui clarifie les dispositions du texte d'amnistie géné- rale de février 2001 (décret n° 10). Ce nouveau décret interdit à quiconque d'engager une procédure judi- ciaire contre un individu, y compris s’il s’agit d’un res- ponsable civil ou militaire, qui a commis des atteintes aux droits humains ou participé à de tels agissements avant le mois de février 2001. Amnesty International a écrit au roi, en novembre. Dans cette lettre l’organisa- tion demandait l'abrogation de ce décret. 93 AFBA BANGLADESH RÉPUBLIQUE POPULAIRE BHOUTAN DU BANGLADESH NÉPAL CAPITALE: Dacca INDE SUPERFICIE: 143998 km2 POPULATION: 143,4 millions CHEF de l’ÉTAT: Badruddoza Chowdhury, remplacé BANGLADESH provisoirement par Mohamad Jamiruddin Sircar le 21 juin, INDE remplacé à son tour par Iajuddin DACCA Ahmed le 6 septembre CHEF du GOUVERNEMENT: Khaleda Zia Gopalganj MYANMAR PEINE DE MORT: maintenue Chittagong COUR PÉNALE

INTERNATIONALE: 0 200 km Statut de Rome signé golfe du Bengale

u moins 38 hommes détenus par l'armée et Cette année encore, la corruption et la mauvaise ges- huit autres placés en garde à vue seraient tion des affaires publiques ont été dénoncées, aussi bien mortsA des suites d'actes de torture. Plusieurs dans le pays que par la communauté internationale. opposants ont été placés arbitrairement en Le gouvernement a abrogé la Loi sur la sécurité détention. Des femmes ont continué d'être publique, mais des personnes ont continué d'être arrê- victimes de violences, au sein de leur foyer tées aux termes de la Loi sur les pouvoirs spéciaux, qui comme à l’extérieur. Les autorités ont rarement bafoue les garanties prévues par la législation bangla- ordonné l'ouverture d'une information judiciaire daise contre la détention arbitraire. sur ces agissements ; dans l’une des affaires qui a fait l’objet d’une enquête, elles n'ont pas rendu Violations des droits humains commises publiques les conclusions des investigations par l'armée pendant l'opération Cœur pur et ne se sont pas engagées à mettre en œuvre Le 17 octobre, quelque 40000 militaires ont été déployés les recommandations qui avaient été émises. dans tout le pays dans le cadre d'une campagne de lutte Comme les années précédentes, les contre la criminalité menée conjointement par l’armée et représentants des populations tribales ont la police et appelée opération Cœur pur. Fin 2002, plus réclamé l'application de l'accord de paix dans les de 10000 personnes, parmi lesquelles figuraient aussi Chittagong Hill Tracts. Au moins 87 personnes bien des opposants que des membres de partis politiques ont été condamnées à mort. au pouvoir, avaient été arrêtées. Beaucoup ont été libé- rées par la suite. Durant la même période, au moins Contexte 38 hommes détenus par l'armée sont morts en raison, Le président Chowdhury a démissionné, le 21 juin. Selon semble-t-il, des tortures qui leur auraient été infligées. les informations recueillies, le Bangladesh Nationalist Ces cas n’ont fait l’objet d’aucune enquête, en dépit des Party (BNP, Parti nationaliste du Bangladesh), au pou- appels en ce sens lancés sur le plan international. voir, l'avait accusé d'avoir manqué de respect envers le fondateur du parti, Ziaur Rahman. Le chef de l’État Torture s’était abstenu d’assister à une cérémonie commémorant De nombreux détenus ont été torturés par des poli- l'assassinat de celui-ci, perpétré en 1981. Le président du ciers; ceux-ci continuaient d'avoir régulièrement Parlement, Jamiruddin Sircar, a assuré l’intérim jusqu'à recours à l'article 54 du Code de procédure pénale, l'entrée en fonction, le 6 septembre, d'Iajuddin Ahmed, qui permet d'interpeller des personnes sans mandat proche du BNP et seul candidat à la présidence. L'Awami d'arrêt. Au moins huit personnes seraient mortes en League (Ligue Awami), parti d'opposition, a cessé de boy- garde à vue des suites d'actes de torture. cotter le Parlement en juin, mais ses membres ont quitté ✔ Kauser Mia, un adolescent de quinze ans arrêté par la plusieurs fois les séances en signe de protestation. police, le 4 février, car on le soupçonnait d'être impliqué 94 BAAF dans un attentat à l'explosif, a déclaré à l'un de ses ✔ Cinq personnes qui avaient effectué un reportage proches, le 6 février, qu'il avait été frappé à coups de sur la situation politique au Bangladesh pour la chaîne bâton alors qu'on lui avait mis une chaise sur la tête; il de télévision britannique Channel 4 ont été arrêtées à aurait également reçu des décharges électriques. Son état la fin du mois de novembre. Il s'agissait de la journa- de santé s'est dégradé et il est mort à l'hôpital le 15 février. liste britannique Zaiba Malik, du caméraman italien ✔ Bahauddin Nasim, un haut responsable de la Ligue Bruno Sorrentino et de trois Bangladais – Pricila Raj, Awami, aurait été torturé pendant cinq jours par des interprète, Saleem Samad, journaliste et guide local, et militaires et des policiers après son arrestation, le Mujib, chauffeur. Les autorités les ont accusés d'avoir 28 février. On lui aurait ligoté les bras et les jambes et tenté de porter atteinte à la réputation du Bangladesh recouvert la tête d'un sac, avant de le suspendre, la tête à l'étranger, mais aucun d'entre eux n'a été inculpé. en bas, à ce qu’il a supposé être un ventilateur. On Mujib a été relâché au bout de quelques jours. Zaiba l’aurait fait tourner sur lui-même et on l’aurait frappé Malik et Bruno Sorrentino ont été libérés et renvoyés avec des bouteilles de verre remplies d'eau sur les fesses, au Royaume-Uni le 11 décembre. Pricila Raj, remise les genoux, les coudes, les hanches et les organes géni- en liberté le 22 décembre, a déclaré qu’elle avait été taux. Il aurait également reçu des décharges électriques. torturée. Saleem Samad a été maintenu en détention. ✔ Mohiuddin Alamgir, un dirigeant de la Ligue Awami arrêté le 15 mars, a déclaré devant un tribunal le 24 mars Violences envers les femmes que, pendant sa garde à vue, trois hommes masqués De nombreuses informations ont fait état d'agressions l'avaient frappé à coups de lathi (longue matraque en violentes contre des femmes, aussi bien dans leur foyer bambou) et de bouteilles d'eau sur les fesses, les pieds et qu’à l'extérieur, notamment de viols, de meurtres et d’autres parties du corps. Les médicaments dont il avait d'agressions à l'acide. Six femmes au moins se sont besoin pour soigner son diabète lui ont été refusés. suicidées après avoir été violées. ✔ Mahima a été violée par quatre jeunes gens ; trois Détention arbitraire appartenaient au BNP et le dernier à la Jamaat-e-Islami Un certain nombre de personnes, notamment des (Société de l'islam), deux partis de la coalition au pou- journalistes et des membres de partis d’opposition, ont voir. Cet acte a apparemment été perpétré pour des été arrêtées pour des motifs politiques. motifs politiques, le père de la jeune femme étant un ✔ Shahriar Kabir, un journaliste arrêté au mois de militant de la Ligue Awami dans un village de la division novembre 2001 après avoir recueilli des informations de Rajshahi. Les violeurs ont pris des photographies et sur des attaques visant des membres de la minorité hin- ont menacé la famille de les diffuser si elle déposait une doue, a été remis en liberté sous caution le 20 janvier. Il plainte. La police a inculpé les quatre jeunes gens après faisait toujours l'objet d'une inculpation de sédition for- le suicide de Mahima, le 19 février. Condamnés à mort mulée pour des motifs politiques. Le 8 décembre, ce en octobre, ils étaient en instance d'appel fin 2002. journaliste a été de nouveau appréhendé, de même que ✔ Le 24 juillet, des policiers ont pénétré dans la rési- Muntasir Mamun, un militant des droits humains qui dence universitaire Shamsunnahar, à Dacca, et ont vio- enseigne à l'université. Les deux hommes avaient donné lemment frappé plusieurs dizaines d'étudiantes. Plus de des interviews à des journalistes étrangers. Ils ont été 50 jeunes filles auraient été blessées. Devant le tollé sus- placés en détention sans être inculpés. cité par cette agression, les autorités ont ordonné l'ou- ✔ Omar Tarek Chowdhury, directeur adjoint de l'or- verture d'une information judiciaire. L'enquête a ganisation non gouvernementale Proshika, un centre confirmé les brutalités policières et recommandé de de développement humain, a été détenu du 13 mars sanctionner les responsables. Le rapport n'a pas été au 4 avril pour possession de documents relatifs à des rendu public et aucune mesure ne semblait avoir été attaques contre des membres de la minorité hindoue. prise à la fin de l'année contre les policiers mis en cause. ✔ Plusieurs dirigeants de la Ligue Awami ont été déte- nus pendant de longues périodes; ils auraient été tortu- Violences envers les minorités rés et maltraités. Les autorités n'ont pas tenu compte de Aucune information n'a été rendue publique sur l'en- décisions de justice ordonnant leur remise en liberté. quête que le gouvernement s'était engagé à mener à la Parmi les personnes interpellées et libérées par la suite suite d'attaques de grande ampleur perpétrées contre figuraient Kamal Ahmed Majumder, Mohiuddin des hindous en 2001, notamment des viols, des pas- Alamgir, Liaqat Shikder, Nazrul Islam Babu, Rafiqul sages à tabac et l'incendie de biens. Les autorités ont Islam Kotowal et Sheikh Fazlul Karim Selim. À la fin toutefois pris des mesures pour protéger les hindous de l’année, Bahauddin Nasim était toujours détenu. lors des fêtes religieuses d'octobre. Plus d'une douzaine de responsables de la Ligue Awami Comme les années précédentes, de violents affrontements arrêtés en décembre ont été maintenus en détention en ont opposé des membres des groupes tribaux majoritaires vertu de la Loi sur les pouvoirs spéciaux, bien que des appartenant à la Parbattya Chattagram Jana Sanghati tribunaux aient ordonné leur remise en liberté sous cau- Samiti (PCJSS, Association de solidarité populaire des tion. C'était notamment le cas de Saber Hossain Chittagong Hill Tracts), qui avaient signé l'accord de paix Chowdhury, qui avait déjà été détenu du 20 octobre au avec le gouvernement en décembre 1997, et des groupes 20 novembre, de Shafi Ahmed, de Mukul Bose, de radicaux opposés à cet accord et qui réclament une auto- Sheikh Bazlur Rahman et de Tofael Ahmed. nomie plus importante. Selon la police, au moins 95 BE 231 personnes ont trouvé la mort et 400 autres ont été Visites d'Amnesty International blessées à la suite d'affrontements entre la PCJSS et des Des délégués d'Amnesty International se sont rendus groupes radicaux entre décembre 1997 et septembre au Bangladesh en mars et en avril.◆ 2002. Les représentants des groupes tribaux continuaient de réclamer l'application de l'accord de paix, notamment Autres documents d’Amnesty International la fermeture des camps de l'armée dans la région. Bangladesh. Les autorités doivent cesser d’arrêter des opposants pour des motifs politiques (ASA 13/012/02). Peine de mort Bangladesh. Une enquête s’impose après la mort Au moins 87 personnes ont été condamnées à mort en en détention de plusieurs personnes. 2002. Aucune exécution n'a été signalée. (ASA 13/021/02). BELGIQUE ROYAUME DE BELGIQUE mer PAYS-BAS CAPITALE: Bruxelles du Nord SUPERFICIE: 30520 km2 Anvers POPULATION: 10,3 millions Gand CHEF de l’ÉTAT: BRUXELLES Albert II ALLEMAGNE CHEF du GOUVERNEMENT: BELGIQUE Liège Guy Verhofstadt PEINE DE MORT: abolie COUR PÉNALE INTERNATIONALE: Statut de Rome ratifié FRANCE LUXEMBOURG

0 80 km

e nouvelles allégations ont fait état de y restaient néanmoins incarcérés, sans mauvais traitements et d’insultes racistes inculpation ni procès, et sans réexamen Dinfligés à des suspects de droit commun par des judiciaire de leur situation. Les arrêts d’une cour membres des forces de l’ordre. Des demandeurs ayant déclaré irrecevables certaines des plaintes d’asile auraient été brutalisés au cours déposées au titre de la législation conférant aux d’opérations d’expulsion forcée. Cinq gendarmes tribunaux belges une compétence universelle ont été mis en accusation dans le cadre de pour les crimes de guerre, le génocide l’enquête menée sur la mort d’une demandeuse et les crimes contre l’humanité ont provoqué d’asile, survenue en 1998 au cours d’une la consternation. opération visant à l’expulser du pays. Des voix se sont élevées pour déplorer que le traitement Agressions à connotation raciste infligé à certains enfants demandeurs d’asile En mars, le Comité des Nations unies pour l’élimina- détenus ne soit pas conforme aux normes tion de la discrimination raciale a accueilli favorable- internationales relatives au traitement des ment les mesures « satisfaisantes » prises par la Belgique mineurs. La surpopulation carcérale, le manque « suite aux événements survenus le 11 septembre 2001 aux de personnel et l’insuffisance de la formation États-Unis pour promouvoir la tolérance entre les commu- reçue ont conduit des gardiens de prison à se nautés religieuses », mais a regretté que « des actes racistes mettre en grève. Le gouvernement demandait aient été commis à l’encontre de personnes appartenant à que le statut de prisonnier de guerre soit accordé des minorités ethniques, notamment de confession musul- aux personnes détenues par les autorités mane ». Il y a eu recrudescence des violences à motiva- américaines à la base navale de Guantánamo Bay, tion raciste, notamment une série d’attentats contre des à Cuba, à moins qu’un tribunal compétent n’en synagogues au mois d’avril. En mai, un couple d’immi- décide autrement. Deux ressortissants belges grés marocains a été abattu (et deux de leurs enfants 96 BE blessés) par un voisin belge connu pour ses propos consulter un avocat soit garantie dans le droit belge, et ce racistes. Par ailleurs, des motivations racistes auraient en dès le début de la privation de liberté. partie inspiré le meurtre par balles, en novembre, d’un ✔ Le procès d’un gendarme accusé de brutalités et professeur de religion islamique d’origine marocaine. d’insultes raciales contre un ressortissant tunisien, Au mois de mai, dans une déclaration commune, Rachid N., s’est ouvert en octobre après avoir été Amnesty International et Human Rights Watch ont reporté à plusieurs reprises. Les faits avaient eu lieu en condamné les agressions à caractère raciste dont ont 1993, plus de neuf ans auparavant. Rachid N. a été victimes des Arabes et des juifs dans plusieurs pays déclaré qu’il lui avait été ordonné de se déshabiller d’Europe, notamment en Belgique. La déclaration entièrement en présence de dix gendarmes, et qu’il demandait aux autorités de redoubler leurs efforts avait été brutalisé et insulté lorsqu’il avait essayé de pour lutter contre le racisme sous toutes ses formes et refuser. Un certificat médical établi quelques heures pour traduire en justice les auteurs présumés de crimes après sa remise en liberté le lendemain faisait état de haineux. Le gouvernement belge a publiquement multiples contusions. En décembre, une chambre du condamné ces violences et déclaré qu’il allait accélérer tribunal correctionnel de Bruxelles a acquitté le poli- la poursuite en justice de leurs responsables présumés cier mis en cause. D’après le jugement rendu, il était et prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer incontestable que Rachid N. s’était vu infliger des la sécurité des lieux de culte. Plusieurs initiatives visant blessures au cours de sa détention, mais les éléments à lutter contre le racisme et promouvoir le dialogue de preuve présentés étaient insuffisants pour que interculturel ont été lancées. l’accusé soit reconnu coupable des faits.

Mauvais traitements contre des suspects Mauvais traitements au cours d’opérations de droit commun d’expulsion De nouveaux témoignages ont fait état de mauvais De nouvelles allégations ont fait état de violences phy- traitements, souvent accompagnés d’insultes racistes, siques et de recours à des méthodes de contrainte dan- imputés à des policiers notamment dans le cadre de gereuses par des policiers contre des étrangers qui contrôles d’identité. Il semblerait que ces actes aient s’opposaient à leur expulsion par voie aérienne. souvent été commis en toute impunité. Certaines des enquêtes officielles menées sur ces allé- Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale gations ont été considérées inadéquates, les plaignants a fait part de son inquiétude face aux « incidents racistes, risquant souvent d’être expulsés avant que les investi- survenus dans des postes de police […] dont les victimes gations ne soient achevées. étaient des immigrants et des demandeurs d’asile ». Il a Le CPT a déclaré avoir recueilli des informations « très recommandé que la Belgique prenne toutes les mesures préoccupantes » concernant l’usage disproportionné de nécessaires afin que soient traduits en justice les respon- la force et de moyens de contrainte au cours d’opéra- sables de tels « actes de violence à motivation raciale ». tions d’expulsion à l’aéroport de Bruxelles-National; il Dans un rapport au Parlement, le Comité permanent de en a conclu que ces opérations présentaient un «risque contrôle des services de police a fait part d’un accroisse- manifeste de traitement inhumain et dégradant ». Il a ment « inquiétant » du nombre de plaintes déposées pris note des « nombreuses mesures » prises par les auto- contre des membres des forces de l’ordre, une grande par- rités pour réduire ces risques, notamment l’interdiction tie d’entre elles portant sur des insultes, des comporte- de toute méthode de contrainte susceptible d’obstruer ments racistes et xénophobes et des violences physiques. les voies respiratoires. Le Comité a toutefois attiré Par ailleurs, le Centre belge pour l’égalité des chances l’attention sur les dangers inhérents aux méthodes utili- et la lutte contre le racisme a signalé avoir reçu, au sées, notamment ceux liés à l’asphyxie posturale et au cours de l’année précédente, plusieurs dizaines de syndrome dit « de la classe économique ». Il a recom- plaintes contre des membres des forces de l’ordre. La mandé, entre autres, la mise en place d’une réglementa- couleur de peau constituait le critère de discrimination tion en vertu de laquelle les étrangers ayant fait l’objet policière le plus souvent invoqué dans ces plaintes. d’une opération d’éloignement forcé avortée seraient En octobre, le Comité pour la prévention de la torture soumis à un examen médical complet, et préconisé la (CPT) du Conseil de l’Europe a publié un rapport sur sa poursuite de l’utilisation de moyens audiovisuels pour visite, en 2001, de plusieurs lieux de détention en la surveillance de ces opérations. Belgique. Le CPT a déclaré avoir recueilli des allégations En mars, Amnesty International a appelé la Belgique à de mauvais traitements infligés par les forces de l’ordre, le réexaminer de manière approfondie sa législation et ses plus souvent lors de l’interpellation de suspects. Il était pratiques en matière d’expulsion et à veiller à ce notamment fait état de coups de pied et de poing, de qu’elles soient mises en conformité avec les recom- coups de matraque ainsi que de l’utilisation abusive de mandations concernant la protection des droits gaz lacrymogène. Dans quelques cas, le CPT a collecté des humains pendant les procédures d’expulsion que cer- données à caractère médical compatibles avec les alléga- tains organes du Conseil de l’Europe avaient formu- tions entendues. Il a conclu que le risque pour une per- lées au cours des six mois précédents. sonne d’être maltraitée pendant sa détention par les ✔ Rafik Miloudi, un ressortissant algérien, a déclaré forces de l’ordre ne pouvait être écarté. Il a recommandé avoir été maltraité pendant plusieurs des neuf tentatives en particulier que la possibilité pour les détenus de d’expulsion forcée qui ont eu lieu entre octobre 2001 et 97 BE mars 2002. Il a déclaré qu’après l’une de ces tentatives, étrangers avant d’être renvoyée dans son pays d’origine, il a des blessures nécessitant une quarantaine de points la République démocratique du Congo; il semblait de suture dans le dos et deux au pouce de la main pourtant qu’aucun parent proche ne pouvait l’accueillir. droite. Un médecin qui l’a examiné à l’aéroport lui En outre, sa mère vivait au Canada où elle avait obtenu aurait affirmé qu’il s’était lui-même infligé cette plaie, le statut de réfugié et, selon certaines informations, elle mais l’avait envoyé à l’hôpital se faire soigner. En mars, s’efforçait d’obtenir le regroupement de sa famille. il a été signalé qu’un médecin indépendant et plusieurs Cette affaire a vivement ému l’opinion publique. À la députés belges se voyaient refuser depuis plusieurs suite de l’intervention du Premier ministre belge, semaines l’autorisation de lui rendre visite en prison. Le l’enfant a pu retrouver sa mère au Canada. ministère de l’Intérieur a ordonné qu’une enquête En juin, le Comité des droits de l’enfant des Nations interne soit menée sur les allégations de Rafik Miloudi. unies a recommandé notamment à la Belgique de veiller Celui-ci, après avoir reçu en mars la visite d’un médecin à ce que les mineurs non accompagnés soient informés délégué par le ministère, a été autorisé à se faire exami- de leurs droits et puissent bénéficier d’une assistance ner à titre privé par un autre médecin qui a constaté, juridique au cours du processus de demande d’asile; entre autres, trois cicatrices ainsi que les traces de d’accélérer les efforts déployés en vue de la création de 46 points de suture dans le dos et deux au pouce droit. centres spécialisés dans l’accueil d’enfants non accompa- L’enquête interne aurait abouti à la conclusion que les gnés; de créer un service de tutelle qui garantisse la dési- allégations de Rafik Miloudi étaient dénuées de fonde- gnation d’un tuteur totalement indépendant, et ce dès le ment et qu’il s’était lui-même infligé ces blessures. Il a début du processus de demande d’asile; et de renforcer été remis en liberté par le ministère de l’Intérieur en et d’améliorer le suivi des enfants non accompagnés ren- mai, avec ordre de quitter le pays dans les cinq jours. trés dans leur pays. Le texte officiel portant création, sur le plan des principes, d’un service de tutelle rattaché au Mises à jour ministère de la Justice a été publié en décembre. ✔ En mars, un tribunal de Bruxelles a décidé que cinq gendarmes devaient être jugés pour leur rôle présumé Compétence universelle dans la mort, en 1998, de Semira Adamu. Cette Une loi promulguée en 1993 et élargie en 1999 confé- Nigériane est morte après que des gendarmes lui rait aux tribunaux belges la compétence universelle à eurent appliqué un coussin sur le visage au cours l’égard des crimes de génocide, des crimes contre d’une opération d’expulsion par avion. Les trois agents l’humanité et des crimes de guerre commis au cours de ayant escorté la jeune femme pendant le vol ont été conflits armés (internationaux ou non). En vertu de inculpés de « coups et blessures volontaires ayant cette loi, entre 1998 et la fin de l’année 2002, des entraîné la mort sans intention de la donner ». Deux plaintes ont été déposées tant contre un certain agents qui avaient supervisé l’opération ont été incul- nombre de personnes d’une vingtaine de pays résidant pés de coups et blessures involontaires, « par défaut de hors de la Belgique que contre des personnes se trou- prévoyance ou de précaution ». Aucun procès n’avait vant dans le pays. Parmi les accusés figuraient des débuté à la fin de l’année. chefs d’État et des fonctionnaires subalternes, certains ✔ En juin, le ministre de l’Intérieur a informé Amnesty en fonction, d’autres non. International qu’il avait demandé et reçu un rapport de En 2002, différentes chambres de la cour d’appel de l’Inspection générale de la police fédérale sur les alléga- Bruxelles ont déclaré trois de ces plaintes irrecevables, tions de Mohamed Konteh, un demandeur d’asile de la au motif qu’aucune disposition de la loi en question Sierra Leone, qui avait déclaré avoir subi des mauvais n’autorisait l’ouverture d’une enquête pénale à moins traitements, des menaces et des injures racistes au cours que la personne soupçonnée ne se trouve sur le sol des nombreuses tentatives faites pour l’expulser de belge. L’une de ces plaintes accusait le Premier ministre Belgique au cours de l’année 2001. Selon le ministre, le d’Israël, Ariel Sharon, d’avoir été responsable avec rapport concluait « qu’aucune faute n’avait été commise ». d’autres en 1982, alors qu’il était ministre de la Défense, de crimes de guerre, de crimes contre l’huma- Enfants demandeurs d’asile nité et de génocide dans les camps de réfugiés de Sabra Les enfants demandeurs d’asile, aussi bien les enfants et Chatila, au Liban. Amnesty International a déclaré seuls que ceux qui étaient venus avec des membres de que cette interprétation restrictive du droit national ne leur famille, pouvaient être détenus pendant plusieurs concordait pas avec le droit international. À la fin de mois dans des centres fermés pour étrangers. Les dis- l’année 2002, le recours formé auprès de la Cour de cas- positions mises en place pour répondre aux besoins sation contre cet arrêt était encore en suspens. spécifiques en matière de protection des mineurs non Au mois de juillet, le gouvernement a approuvé deux accompagnés et des enfants apparaissaient insuffi- propositions de loi visant à permettre, notamment, santes. Plusieurs mineurs non accompagnés ont été l’ouverture d’enquêtes et la traduction en justice des renvoyés dans leur pays d’origine, apparemment sans personnes accusées, où qu’elles se trouvent. Le débat que des mesures adéquates aient été prises pour en parlementaire relatif à ces deux textes n’avait pas assurer la protection à leur arrivée. encore eu lieu à la fin de l’année. ✔ Une fillette âgée de cinq ans, Tabita Mubilanzila, a Amnesty International a lancé un appel afin que toute séjourné pendant deux mois dans un centre fermé pour modification de la loi permette à la Belgique de continuer 98 BE à agir au nom de la communauté internationale en Autres documents d’Amnesty International enquêtant sur les pires crimes commis dans le monde Préoccupations d’Amnesty International en Europe, et en poursuivant leurs auteurs présumés en justice, là janvier – juin 2002 (EUR 01/007/02). où les États sur le territoire desquels ils ont été commis Compétence universelle. Compétence d’un tribunal belge ne sont pas allés jusqu’au bout de leurs responsabilités pour enquêter sur le rôle de Sharon dans les massacres définies par le droit international.◆ perpétrés à Sabra et Chatila en 1982 (IOR 53/001/02). BÉLIZE BÉLIZE CAPITALE: Belmopan SUPERFICIE: 22965 km2 MEXIQUE POPULATION: 0,23 million mer CHEF de l’ÉTAT: des Antilles Elizabeth II, représentée par Colville Norbert Young BÉLIZE CHEF du GOUVERNEMENT: Saïd Musa PEINE DE MORT: maintenue BELMOPAN COUR PÉNALE INTERNATIONALE: Statut de Rome ratifié golfe n projet de loi portant modification de la du Honduras Constitution et visant à permettre la reprise desU exécutions a été déposé, mais n’avait pas été adopté à la fin de l’année. Plusieurs cas de GUATÉMALA HONDURAS recours excessif à la force et d’homicides commis par des responsables de l’application 0 100 km des lois dans des circonstances controversées ont été signalés. Les conditions carcérales n’étaient pas conformes aux normes internationales cadre des autres procédures pénales ou civiles. Les per- et des cas de torture et de mauvais traitements sonnes se trouvant sous le coup d’une condamnation à de détenus ont été rapportés. mort qui n’auraient pas saisi le JCPC avant l’adoption du projet de loi devraient alors présenter leur dernier Peine de mort recours devant la Cour d’appel du Bélize. En septembre, le gouvernement a déposé un projet de Le projet de loi a fait suite à un arrêt rendu en mars par loi portant modification de la Constitution et visant à le JCPC qui confirmait une décision antérieure de permettre la reprise des exécutions. Ce texte n’avait pas l’Eastern Caribbean Court of Appeal (ECCA, Cour d’appel été approuvé par le Parlement à la fin de l’année. Si la des Caraïbes orientales) établissant que l’application loi était adoptée, les personnes reconnues coupables de obligatoire de la peine de mort était contraire à la meurtre de classe A se verraient retirer le droit de for- Constitution. La décision a force exécutoire dans les mer un recours devant le Judicial Committee of the pays pour lesquels l’ECCA est la juridiction d’appel: Privy Council (JCPC, Comité judiciaire du Conseil Antigua-et-Barbuda, le Bélize, la Dominique, privé), instance siégeant au Royaume-Uni et consti- Grenade, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie et Saint- tuant actuellement la plus haute juridiction d’appel Vincent-et-les-Grenadines. pour le Bélize. La Cour d'appel du Bélize deviendrait La dernière exécution au Bélize remonte à 1985. Deux par conséquent la juridiction de recours suprême dans hommes ont été condamnés à mort en 2002 et six per- les affaires de meurtre de classe A (c’est-à-dire les homi- sonnes environ se trouvaient sous le coup d’une sen- cides les plus graves, qui sont obligatoirement punis de tence capitale à la fin de l’année. Deux personnes la peine capitale au Bélize); on pourrait toujours en condamnées à mort en 1993 et 1994 ont vu leur peine revanche présenter un recours auprès du JCPC dans le commuée en réclusion à perpétuité, conformément 99 BE aux principes établis par de précédents arrêts du JCPC d’améliorer les conditions de détention et la réinser- se rapportant à des détenus ayant passé cinq années au tion. Toutefois, la mise en place de mécanismes gou- moins dans le quartier des condamnés à mort. vernementaux chargés de garantir la conformité du ✔ En mars, la Cour d’appel du Bélize a confirmé la fonctionnement de la prison avec les normes natio- condamnation à mort pour meurtre de Gilroy Wade nales et internationales n’avait pas encore été totale- (alias Hooty) et Glenford Baptist, mais a prononcé ment effectuée à la fin de l’année. l’acquittement pour Oscar Catzim Mendez, qui avait été condamné au châtiment suprême dans la même affaire. Torture et mauvais traitements Au mois de mai, des gardiens du Centre de réadapta- Recours excessif à la force et exécutions illégales tion de Hattieville ont battu, puis blessé par balle, par des responsables de l’application des lois quatre détenus qui venaient d’échouer dans leur tenta- Plusieurs cas où des membres du Belize Police tive d’évasion. Selon les informations reçues, les sur- Department (BPD, police nationale) et des Belize Defence veillants auraient frappé les quatre hommes – tous des Forces (BDF, Forces de défense du Bélize) auraient eu étrangers – à coups de crosse de fusil et de matraque et recours à la force de manière excessive et commis des leur auraient donné des coups de pied et de poing. Un homicides dans des circonstances controversées ont été gardien serait ensuite passé d’un détenu à l’autre avec signalés. Des organisations de défense des droits un pistolet, en tirant délibérément sur chacun d’eux humains, des avocats et des journalistes ont indiqué que de très près. Trois détenus ont été touchés à la jambe les forces de sécurité avaient très largement recours à la et le quatrième a été atteint superficiellement à la tête. torture et à d’autres formes de mauvais traitements, Selon les témoignages recueillis, les quatre hommes mais que, bien souvent, les victimes ne dénonçaient pas ont été à nouveau passés à tabac. Les blessures infligées ces pratiques par crainte de représailles. justifiaient une hospitalisation. ✔ Le 24 avril, lors d’une manifestation de protestation contre l’augmentation du prix des tickets de bus à Droits des populations indigènes Benque Viejo del Carmen, des policiers ont fait un et questions frontalières usage excessif de la force contre les manifestants et pul- Les dirigeants mayas ont de nouveau appelé le gouver- vérisé des gaz lacrymogènes à l’aveuglette, touchant nement à adopter une politique claire en matière de 300 personnes environ, dont au moins 60 écoliers. Des droit de propriété et d’occupation des sols des com- policiers du BPD ont tiré à faible distance sur les protes- munautés mayas dans le sud du pays. Des homicides tataires avec des fusils M-16, blessant deux personnes. commis dans des circonstances controversées par des Marcos Sanchez, âgé de quinze ans, a reçu une balle responsables de l’application des lois dans la région dans la poitrine, tandis que Marlon Gamez, âgé de ont été signalés. vingt-quatre ans, était touché à la jambe. Selon les ✔ En octobre, deux Mayas, Alfredo Chen et Seriano informations recueillies, la police aurait également pro- Choc, ont été abattus dans le village d’Otoxha (ouest du cédé à des arrestations arbitraires et frappé certaines des district de Toledo) lors d’affrontements avec la police personnes interpellées. De nombreux policiers qui ont au cours desquels trois autres membres de leur commu- participé à cette opération n’avaient pas été formés aux nauté ont été blessés. Selon les informations reçues, la techniques utilisées pour le maintien de l’ordre lors de police aurait déclaré que deux de ses agents avaient agi rassemblements publics. Le gouvernement a déclaré à en état de légitime défense après avoir été attaqués par Amnesty International que « des policiers, aussi bien que une foule brandissant des machettes, alors qu’ils ten- des civils, avaient été blessés en raison de l’attitude agres- taient de recueillir des éléments de preuve sur des abat- sive adoptée par certains manifestants ». tages illégaux d’arbres dans la région. ✔ En mai, le gouvernement aurait versé un dédom- Prisons magement à titre de faveur à la famille de trois Les conditions de détention étaient toujours déplo- hommes guatémaltèques tués par les forces de sécurité rables dans le Centre de réadaptation de Hattieville, le béliziennes en novembre 2001 à proximité du village principal établissement pénitentiaire du pays. de San Vicente, dans le district de Toledo, non loin de L’extrême surpopulation a rendu encore plus fla- la frontière avec le Guatémala. Une mission de grantes l’insuffisance d’installations sanitaires et les l’Organisation des États américains (OEA) effectuée au carences du système d’évacuation des eaux usées, qui mois de décembre 2001 avait conclu qu’il s’agissait mettaient gravement en danger la santé des détenus. d’exécutions illégales, mais dans le courant de l’année De nombreuses cellules n’étaient pas assez éclairées ni 2002, une commission d’enquête bélizienne avait ventilées, et certaines d’entre elles prenaient l’eau en déclaré que les forces de sécurité avaient agi en état de cas de pluie. Dans les quartiers des femmes comme légitime défense. dans ceux des hommes, des mineurs étaient parfois incarcérés avec des adultes, et des personnes en déten- Réfugiés tion provisoire avec des prisonniers condamnés. En Le Bélize ne disposait toujours pas à la fin de l’année août, le gouvernement a adopté un texte confiant la d’un mécanisme satisfaisant permettant aux personnes gestion de la prison à une société privée, qui a immé- fuyant les persécutions de déposer une demande diatement pris une série de mesures concrètes afin d’asile, ce qui était contraire à ses engagements au titre 100 BH de la Convention des Nations unies de 1951 relative Autres documents d’Amnesty International au statut des réfugiés, à laquelle le pays est partie. Belize: Alarming step backwards in the eradication of the death penalty [Bélize. Recul alarmant concernant Visites d’Amnesty International l’abolition de la peine de mort] (AMR 16/001/02). Des délégués de l’organisation sont allés au Bélize en Bélize. Peine de mort / préoccupations d’ordre juridique : novembre pour recueillir des informations sur les ques- projet de loi visant à permettre la reprise des exécutions tions de droits humains auprès de sources très diverses.◆ judiciaires (AMR 16/003/02). BHOUTAN ROYAUME DU BHOUTAN CAPITALE: Thimbu SUPERFICIE: 46620 km2 CHINE POPULATION: 2,2 millions CHEF de l’ÉTAT: Punakha Jigme Singye Wangchuk CHEF du GOUVERNEMENT: THIMBU Lyonpo Khandu Wangchuk, remplacé par Lyonpo Kinzang Dorji le 14 août Paro BHOUTAN PEINE DE MORT: abolie Sarbhang en pratique COUR PÉNALE INTERNATIONALE: INDE Statut de Rome non signé 0 100 km

ucun progrès n'a été accompli dans les Des membres de plusieurs groupes armés du nord-est négociations entre les gouvernements de l'Inde continuaient de vivre dans des camps de l'est bhoutanaisA et népalais sur l'avenir des dizaines et du sud du Bhoutan. Parmi ces groupes figuraient le de milliers de réfugiés de langue népali qui United Liberation Front of Assam (ULFA, Front unifié de avaient quitté le sud du Bhoutan et vivaient dans libération de l'Assam), le National Democratic Front of sept camps du district de Jhapa, dans l'est du Bodoland (NDFB, Front démocratique national du Népal. Une soixantaine de prisonniers politiques Bodoland) et la Kamtapuri Liberation Organization originaires du sud et de l'est du Bhoutan (Organisation de libération kamtapuri). L'Assemblée continuaient à purger de longues peines nationale a soutenu un projet gouvernemental visant à d'emprisonnement. Dans le district de Samdrup organiser des pourparlers avec la direction de l'ULFA à Jongkhar, quatre personnes ont été condamnées propos du transfert du siège de ce mouvement en à de lourdes peines de détention à l'issue dehors du Bhoutan. Le gouvernement envisageait une de procès inéquitables. opération militaire en cas de refus de l’ULFA. Les tensions se sont accrues dans les camps de réfugiés Contexte de l'est du Népal entre les jeunes réfugiés bhoutanais En août, le ministre de l'Agriculture, Lyonpo Kinzang attirés par les groupes politiques en exil et les groupes Dorji, a pris les fonctions de président du Conseil des armés d'opposition actifs dans la région, notamment ministres. L'Assemblée nationale a adopté un nouveau le Parti communiste népalais (PCN) maoïste. système d’administration locale et de district, qui pré- voit l'élection à bulletins secrets des membres des gou- Réfugiés de langue népali vernements locaux et de leur président. Plusieurs Aucune solution ne semblait en vue pour régler le sort changements limitant les pouvoirs du dzongda (admi- des dizaines de milliers de membres de la communauté nistrateur de district) ont été introduits dans le fonc- de langue népali installée dans le sud du Bhoutan qui tionnement de l'administration locale. ont été contraints, il y a dix ans, de quitter leur pays. Le comité désigné en 2001 pour élaborer une En 1993, le Népal et le Bhoutan étaient convenus de Constitution a présenté en décembre un premier pro- mettre en place un « processus de vérification » des réfu- jet au roi Jigme Singye Wangchuk. giés basé sur des entretiens avec ceux-ci. Les résultats 101 BI de la vérification de 12000 personnes vivant dans le mois de février, à l'expiration de leur peine. Onze camp de Khudunabari, dans le district de Jhapa autres personnes originaires de l'est du Bhoutan et sus- (Népal), terminée en décembre 2001, n'ont pas été ceptibles d’être des prisonniers d’opinion continuaient rendus publics. La répartition en différentes catégories de purger des peines comprises entre quatre et plus de des réfugiés passés par le processus de vérification et treize ans de détention. Par ailleurs, une cinquantaine leur rapatriement n’ont pas progressé. La vérification de prisonniers politiques arrêtés dans le sud du pays des réfugiés vivant dans les six autres camps n'avait ont été maintenus en détention. Aucun d'entre eux toujours pas débuté à la fin de l'année. Aucune ren- n'a été autorisé à interjeter appel de sa condamnation. contre au niveau ministériel n'avait été organisée à la ✔ Siddha Bahadur Bista, un réfugié vivant au Népal fin de l'année pour discuter de la classification des dans le camp de Beldangi II (district de Jhapa), a été réfugiés à l'issue du processus et du sort des personnes arrêté par des militaires indiens dans le nord-est de réparties dans les quatre catégories mises en place. l'Inde le 12 janvier et remis aux autorités bhouta- naises. Il a ensuite été remis en liberté. Dalman Droits des enfants Magar, qui vivait dans le même camp, a été arrêté le Selon certaines sources, les données recueillies lors du 22 septembre dans le sud du Bhoutan et aurait été tor- processus de vérification des réfugiés effectué dans un turé pendant sa garde à vue. camp du Népal ont été utilisées par le gouvernement bhoutanais pour prendre des mesures discriminatoires Procès inéquitables contre des proches restés au Bhoutan, notamment en Deux fonctionnaires auraient été condamnés à la privant les enfants de ceux-ci d'un accès à l'éducation. détention à perpétuité pour leurs liens présumés avec Certaines familles auraient dû fournir un certificat l'ULFA, à l'issue de procès inéquitables qui se sont délivré par la police après avis favorable du ministère déroulés devant le tribunal de district de Samdrup de l'Intérieur pour que leurs enfants puissent se pré- Jonkhar. Deux autres personnes auraient été condam- senter aux examens. Ceux qui ne pouvaient pas pré- nées par cette juridiction à des peines de cinq ans senter de certificat auraient été renvoyés de l'école. d'emprisonnement pour une infraction similaire.◆

Prisonniers d'opinion présumés Autres documents d'Amnesty International Taw Tshering et Tsampa Wangchuck, deux prison- Bhoutan. Les réfugiés attendent depuis dix ans niers originaires de l'est du Bhoutan, ont été libérés au de rentrer chez eux (ASA 14/001/02). BIÉLORUSSIE

RÉPUBLIQUE DU BÉLARUS mer LETTONIE CAPITALE: Minsk Baltique SUPERFICIE: 207600 km2 RUSSIE Kaliningrad LITUANIE POPULATION: 10,1 millions (RUSSIE) CHEF de l’ÉTAT: Alexandre Loukachenko MINSK CHEF du GOUVERNEMENT: Guennadi Novitski BIÉLORUSSIE PEINE DE MORT: maintenue POLOGNE COUR PÉNALE INTERNATIONALE: UKRAINE Statut de Rome non signé 0 400 km

lusieurs « disparitions » de personnalités d’intimidation. Des centaines de personnes ont de l’opposition n’avaient toujours pas été été arrêtées en raison de leurs activités Pélucidées. La liberté d’expression a été battue en d’opposition, pourtant non violentes. Certaines brèche et des journalistes ont été condamnés à ont ensuite été condamnées à des peines des peines de prison ferme pour diffamation. Les d’emprisonnement. Selon des informations défenseurs des droits humains étaient en butte à persistantes, des détenus étaient toujours soumis de fréquentes manœuvres de harcèlement et à de mauvais traitements, qui s’apparentaient 102 BI dans certains cas à des actes de torture. La d’une peine pouvant atteindre cinq années d’empri- Biélorussie était le dernier pays d’Europe à sonnement. Trois journalistes condamnés à ce titre continuer d’exécuter des condamnés à mort. étaient considérés comme des prisonniers d’opinion. Ils purgeaient leur peine dans des baraquements gardés Contexte éloignés de la capitale, où ils étaient astreints à un L’absence de pluralisme démocratique et les violations régime de travaux forcés. Plusieurs procès n’étaient pas des droits humains et des libertés fondamentales com- achevés à la fin de l’année 2002. mises en Biélorussie continuaient de causer du tort ✔ Le 24 juin, le rédacteur en chef du journal indépen- aux relations entre la communauté internationale et ce dant Pagonia, Nikolaï Markevitch, et l’un de ses journa- pays, isolant ce dernier un peu plus du reste du listes, Pavel Mojeïko, ont été reconnus coupables par le monde. Fin septembre, l’Assemblée parlementaire du tribunal du quartier Lénine de Grodno d’avoir diffamé Conseil de l’Europe a repoussé l’éventualité d’un réta- le président de la République, Alexandre Loukachenko. blissement du statut d’invité spécial un moment attri- Ils ont été condamnés respectivement à deux ans et bué à la Biélorussie. Elle a notamment indiqué dans sa demi et deux ans de « restriction de liberté »; la durée de résolution 1306 : «À l’heure actuelle, le Bélarus présente leur peine a été ramenée à un an et demi et un an au de graves déficits démocratiques et ne satisfait pas encore mois d’août. À la veille de l’élection présidentielle de aux critères pertinents du Conseil de l’Europe. Le proces- septembre 2001, ces deux journalistes avaient évoqué, sus électoral est imparfait, les violations des droits de dans un article de Pagonia qui n’a pas été diffusé, les l’homme se poursuivent, la société civile est embryon- soupçons (largement partagés dans l’opinion) concer- naire, l’indépendance de la magistrature est douteuse, les nant une possible implication de l’entourage du chef de pouvoirs locaux sont sous-développés et, enfin et surtout, l’État dans plusieurs « disparitions ». les pouvoirs du parlement sont limités. » ✔ Victor Ivachkevitch, rédacteur en chef du journal indépendant Rabotchi, a été condamné le 16 sep- « Disparitions » tembre par un tribunal de Minsk à deux années de Les pouvoirs publics n’ont toujours pas expliqué ce « restriction de liberté » pour avoir diffamé le chef de qu’il était advenu de Iouri Zakharenko et de Viktor l’État dans un article paru peu avant l’élection prési- Gontchar, deux grandes figures de l’opposition, ainsi dentielle. L’article en question accusait le gouverne- que de l’homme d’affaires Anatoli Krassovski et du ment de corruption. journaliste Dmitri Zavadski, « disparus » en 1999 et 2000. Ce silence a continué de soulever des critiques Agressions contre des journalistes dans les instances internationales en 2002. Au mois de Cette année encore, des informations ont fait état septembre, l’Assemblée parlementaire du Conseil de d’agressions perpétrées par des individus non identifiés l’Europe s’est dite « gravement préoccupée par l’absence sur la personne de journalistes et d’écrivains indépen- de progrès » en la matière et a mis en place une sous- dants. Les circonstances dans lesquelles ces actes ont commission chargée d’enquêter sur ces « disparitions ». été commis n’ont pas été éclaircies et les responsables ✔ Le 14 mars, le tribunal régional de Minsk a reconnu présumés n’ont pas été traduits en justice. quatre hommes coupables d’une série d’infractions ✔ Pour le seul mois de septembre, on a recensé plu- pénales, dont la « disparition », au mois de juillet 2000, sieurs attaques au cours desquelles trois journalistes ou de Dmitri Zavadski, caméraman de l’ORT (chaîne de écrivains ont été frappés jusqu’à ce qu’ils perdent télévision publique russe). Le corps du journaliste n’a connaissance. Guennadi Kesner, le correspondant de toutefois jamais été retrouvé et les circonstances de sa Radio Racija, une station de radio indépendante émet- mort présumée n’ont pas été précisées. Les quatre accu- tant depuis Varsovie, a été agressé et grièvement blessé sés ont été condamnés à de lourdes peines d’emprison- à la tête le 28 septembre à Minsk. Ses agresseurs ne lui nement. Deux d’entre eux étaient d’anciens membres auraient rien dérobé. du groupe Almaz, une unité d’élite de la police. Les observateurs des droits humains ont estimé que ce pro- Défenseurs des droits humains cès était entaché d’irrégularités et que les décisions aux- Les défenseurs des droits humains étaient continuelle- quelles il a donné lieu étaient par conséquent viciées. ment la cible d’actes de harcèlement et d’intimidation. Les audiences se sont en effet déroulées à huis clos et il Le barreau de Biélorussie, organisme d’État appelé n’a pas été tenu compte de toute une série d’allégations Collège des avocats, a cherché à exercer des contraintes mettant en cause de hauts responsables de l’État biélo- morales sur certains avocats indépendants. Tout russe, accusés d’être impliqués dans la vague de « dispa- comme les journalistes, les juristes étaient particulière- ritions » qu’a connue le pays. ment susceptibles de faire l’objet de poursuites judi- ciaires pour diffamation. Liberté d’expression ✔ Le 30 septembre, le Collège des avocats de Minsk a La liberté de la presse a été sérieusement mise à mal en informé Vera Stremkovskaïa, avocate et militante très 2002, les autorités n’hésitant pas à invoquer la législa- active de la cause des droits humains, qu’il lui était tion sur la diffamation pour empêcher l’exercice légi- interdit de se rendre à l’étranger. Peu de temps aupara- time du droit à la liberté d’expression. Les journalistes vant, elle avait assisté à Varsovie (Pologne) à une reconnus coupables de diffamation étaient passibles réunion organisée par l’Organisation pour la sécurité 103 BI et la coopération en Europe (OSCE), au cours de Torture et mauvais traitements laquelle elle avait critiqué le Collège et dénoncé les De nombreux cas de brutalités policières ont été signa- pressions qu’il exerçait sur les avocats spécialisés dans lés. Ces violences constituaient parfois de véritables la défense des droits humains. actes de torture. Les personnes manifestant contre le ✔ Le 11 octobre, l’avocat Igor Aksentchik a été gouvernement étaient particulièrement susceptibles reconnu coupable de diffamation par le tribunal du d’être brutalisées, notamment au moment de leur arres- quartier Lénine de Minsk, qui l’a condamné à une tation. Les plaintes n’étant pas suivies d’enquêtes impar- peine de dix-huit mois d’emprisonnement avec sursis. tiales, approfondies et menées dans les meilleurs délais, En février 2002, lors du procès à huis clos des hommes les policiers fautifs étaient rarement traduits en justice. accusés de la « disparition » de Dmitri Zavadski, dans ✔ Stas Potchobout, un musicien de rock punk âgé de lequel il représentait la mère de la victime, il avait nom- vingt-six ans, a été arrêté par des policiers un soir de mément mis en cause un haut responsable de l’État sur septembre à Grodno, alors qu’il rentrait à pied chez qui pesaient de lourds soupçons. Igor Aksentchik a par lui avec des amis. Lorsqu’il a demandé aux agents de la suite été exclu du Collège des avocats, ce qui lui inter- justifier de leur fonction, ceux-ci lui ont passé les dit désormais d’exercer sa profession. menottes et l’ont fait monter dans un véhicule de police. L’un d’eux lui aurait donné plusieurs coups de Arrestations de manifestants poing dans la figure. Souffrant d’une commotion et Les autorités ont eu de plus en plus souvent recours à d’un important hématome autour de l’œil gauche, le la répression face aux mouvements de protestation jeune homme a dû être hospitalisé. Le parquet de non violents. De nombreuses personnes ont été inter- Grodno n’a pas entamé de poursuites contre le poli- pellées uniquement parce qu’elles avaient voulu exer- cier, malgré les lésions présentées par la victime et les cer leur droit à la liberté d’expression et de réunion. déclarations de témoins ayant assisté à la scène. De janvier à avril, plus de 200 personnes ont été arrê- tées lors de manifestations et de rassemblements hos- Peine de mort tiles au gouvernement. Au moins 51 d’entre elles ont La Biélorussie restait le dernier pays d’Europe où des été ensuite incarcérées, pour une durée allant de trois à condamnés à mort étaient exécutés. Le 30 mai, la quinze jours. Bien que moins nombreuses, les arresta- Chambre des représentants, la chambre basse du tions se sont poursuivies après le mois d’avril. Parlement, a rejeté après débat l’abolition de la peine ✔ Le 5 avril, la police a interpellé à Grodno 13 jour- capitale. Le ministre de l’Intérieur a confirmé en sep- nalistes qui manifestaient sans autorisation contre le tembre que cinq personnes avaient été exécutées depuis procès imminent de Nikolaï Markevitch et de Pavel le début de l’année. Il aurait également suggéré que les Mojeïko, du journal Pagonia. Six de ces journalistes personnes condamnées à la détention à perpétuité puis- ont été condamnés par le tribunal du quartier Lénine à sent choisir d’être exécutées au lieu de purger leur peine. des peines allant de trois à dix jours d’emprisonne- ment. Tous étaient des prisonniers d’opinion. Visites d’Amnesty International Un délégué d’Amnesty International s’est rendu à Prisonniers d’opinion purgeant de lourdes peines Minsk en octobre pour participer à une conférence et ✔ Andreï Klimov a été libéré le 25 mars de la colonie rencontrer des défenseurs des droits humains.◆ pénitentiaire UZ 15 de Minsk, après avoir purgé les deux tiers de la peine de six ans d’emprisonnement à Autres documents d’Amnesty International laquelle il avait été condamné. Il n’était toutefois pas Belarus: Four years on – Prisoner of Conscience autorisé à se rendre à l’étranger et restait sous le coup Andrey Klimov [Biélorussie. Quatre ans plus tard: d’une interdiction de se livrer à certaines activités. Il le prisonnier d’opinion Andreï Klimov] avait été arrêté en février 1998, pour des faits de cor- (EUR 49/001/02). ruption dont il était apparemment accusé à tort. Biélorussie: « Tant qu’il y aura des journalistes, il y ✔ Le scientifique Iouri Bandajevski était toujours incar- aura des cellules de prison » (EUR 49/007/02). céré dans la colonie pénitentiaire UZ 15 de Minsk. Belarus: Trodden underfoot – Peaceful protest in Belarus Reconnu coupable de corruption passive en juin 2001, il [Biélorussie. Le droit de manifester pacifiquement était condamné à huit ans d’emprisonnement. Toutefois, foulé aux pieds] (EUR 49/008/02). nombreux sont ceux qui pensent que sa condamnation Biélorussie. « Disparus » sans laisser de traces en est liée à l’attitude critique qu’il avait adoptée face à la Biélorussie. Il faut connaître leur sort (EUR 49/013/02). réaction des autorités biélorusses lors de la catastrophe de Tchernobyl, en 1986. Les conditions de sa détention se seraient améliorées à la mi-juin, et il serait désormais autorisé à mener quelques travaux scientifiques. Son épouse, Galina Bandajevskaïa, qui a pu lui rendre visite au début du mois de septembre, puis au mois de novembre, a cependant déclaré avoir constaté une nette détérioration de son état psychologique; elle s’est dite persuadée qu’il souffrait d’une grave dépression. 104 BO BOLIVIE RÉPUBLIQUE DE BOLIVIE CAPITALE: La Paz BRÉSIL SUPERFICIE: 1098581 km2 POPULATION: 8,7 millions PÉROU CHEF de l’ÉTAT et du GOUVERNEMENT: lac LA PAZ Hugo Jorge Quiroga Ramírez, Titicaca BOLIVIE remplacé par Gonzalo Sánchez Cochabamba de Lozada le 6 août Sucre PEINE DE MORT: abolie sauf pour crimes exceptionnels PARAGUAY COUR PÉNALE INTERNATIONALE: CHILI ARGENTINE Statut de Rome ratifié océan Pacifique 0 300 km

a situation dans la région du Chaparé s’est du Chaparé et l’échec des programmes de développe- dégradée au début de l’année. Quatre ment alternatif visant à promouvoir des cultures de Lcultivateurs ont été tués et plusieurs autres substitution à la coca ont donné lieu à des affronte- personnes ont été blessées au cours de violents ments entre paysans et forces de sécurité. affrontements entre paysans et forces de sécurité. Au mois de janvier, après la décision du gouvernement De très nombreux syndicalistes ont été arrêtés. de donner force exécutoire au décret 26415 interdisant Des informations ont fait état d’arrestations le séchage, le transport et la commercialisation des arbitraires et de mauvais traitements de détenus feuilles de coca, de violents affrontements ont opposé par les forces de sécurité. Les défenseurs des les paysans aux forces de sécurité à Sacaba et à droits humains ont encore été la cible de Shinahota, dans le département de Cochabamba. Trois manœuvres de harcèlement et d’agressions. paysans ont été tués et plusieurs personnes ont été bles- sées, y compris des membres des forces de sécurité. Contexte D’après des témoins, l’un des trois paysans tués, Marcos Des élections présidentielle et législatives ont eu lieu en Ortíz Llanos, a été abattu par un agent de ces forces. juin. Aucun des candidats n’ayant obtenu la majorité Quatre membres des forces de sécurité ont été tués absolue, le Congrès (Parlement) a nommé Gonzalo dans des circonstances controversées. Deux d’entre Sánchez de Lozada, du Movimiento Nacionalista eux présentaient des marques de torture. D’après les Revolucionario (MNR, Mouvement nationaliste révolu- informations recueillies, quelque 80 syndicalistes ont tionnaire), à la présidence pour un mandat de cinq ans. été arrêtés et ont dû être soignés pour les coups reçus Gonzalo Sánchez de Lozada a prêté serment au mois pendant leur détention. d’août. Les résultats du scrutin ont mis en évidence En février, après la médiation de l’Église catholique, du l’émergence d’un vote rural de gauche, expression d’une Defensor del Pueblo (médiateur) et de l’organisation de force politique montante dirigée par Evo Morales, un défense des droits humains Asamblea Permanente de los cultivateur de coca candidat du Movimiento al Derechos Humanos (APDH, Assemblée permanente de Socialismo (MAS, Mouvement pour le socialisme). Pour défense des droits humains), les dirigeants des syndicats la première fois, les populations indigènes ont obtenu des producteurs de coca et le gouvernement sont parve- une importante représentation parlementaire grâce aux nus à un accord: le décret 26415 a été suspendu et des sièges remportés par le MAS, devenu la deuxième force enquêtes auraient été ouvertes sur les homicides et sur politique à la Chambre des députés. les plaintes déposées pour mauvais traitements. Le ver- sement d’une indemnisation aux victimes du conflit en La région du Chaparé cours dans le Chaparé a aussi été annoncé, et les diri- La poursuite de la politique d’éradication forcée des geants syndicalistes emprisonnés ont été libérés. cultures de coca conduite par le gouvernement, en En octobre, un paysan, Sabino Toledo, a été tué lors application des accords signés avec l’administration de nouveaux affrontements entre paysans et forces de américaine, ainsi que la militarisation dans la région sécurité à Ichoa (département de Cochabamba). Trois 105 BO autres cultivateurs ont été blessés par balle dans des d’après les témoignages recueillis. L’ouverture d’une circonstances où les forces de sécurité auraient fait un information sur ces plaintes a été annoncée. usage excessif de la force. ✔ Plus de 10 appelés qui faisaient leur service mili- taire dans les casernes de Puerto Suarez ont aban- Conditions carcérales et mauvais traitements donné leur poste après avoir, semble-t-il, été victimes Les conditions carcérales demeuraient très éprou- de harcèlement sexuel. Du carburant d’avion aurait été vantes. La surpopulation ainsi que le caractère déplo- versé sur leurs organes génitaux à titre de punition rable des conditions d’hygiène et des soins de santé pour avoir désobéi aux ordres. constituaient autant de motifs de préoccupation. La police continuait à maltraiter les détenus dans les pri- Défenseurs des droits humains sons et les centres de détention. Des défenseurs des droits humains ont encore été ✔ Des détenus de la prison pour hommes d’Abra, à menacés et harcelés pour avoir dénoncé des violations Cochabamba, se seraient plaints des mauvais traite- des droits humains et pour avoir assisté des détenus ou ments infligés par les gardiens ainsi que des violences des membres de groupes indigènes dans le cadre de physiques et des extorsions dont ils étaient victimes conflits fonciers. aux mains d’autres détenus. ✔ En mars, César Blanco a été détenu pendant plusieurs ✔ Au mois de janvier, l’APDH et le Defensor del Pueblo heures par la police à Tarija (département de Tarija). ont demandé l’ouverture d’une enquête sur les violences Pendant sa garde à vue, il aurait été maltraité et menacé infligées à une jeune détenue, retrouvée nue jusqu’à la de « disparition ». César Blanco est un des avocats de ceinture après qu’elle se fut évanouie dans les locaux de la l’organisation non gouvernementale Centro de Estudios police judiciaire. Elle présentait aussi plusieurs écor- Jurídicos e Investigación Social (CEJIS, Centre d’études juri- chures, faites alors qu’elle était inconsciente. Elle a dû diques et de recherche sociale), qui assiste sur le plan du être soignée pendant plusieurs jours à l’hôpital de droit les paysans et les populations indigènes dans leurs Viedma. La jeune femme ne savait pas si elle avait ou réclamations concernant l’occupation des terres.◆ non été violée ou victime d’autres sévices sexuels pendant son évanouissement. Les résultats des examens n’ont rien Autres documents d’Amnesty International donné, les analyses médicales et de laboratoire n’ayant Bolivia: The need to protect human rights defenders été effectuées que quatre jours après son arrestation. [Bolivie. La protection des défenseurs des droits Des informations ont fait état de mauvais traitements humains est une nécessité] (AMR 18/004/02). infligés à des appelés dans des casernes à Santa Cruz Bolivia: Open letter to Presidential Candidates (province de Santa Cruz). Ces hommes auraient été vic- [Bolivie. Lettre ouverte aux candidats à la présidence] times de punitions brutales et de violences sexuelles, (AMR 18/007/02). BOSNIE-HERZÉGOVINE

BOSNIE-HERZÉGOVINE CROATIE CAPITALE: Sarajevo Republika Srpska 1 SUPERFICIE: 51130 km2 POPULATION: 4,1 millions Banja Luka CHEFS de l'ÉTAT: les membres de la présidence tripartite Zivko Radisic, Beriz Belkic et Jozo BOSNIE- Krizanovic, ont été remplacés le 28 octobre HERZÉGOVINE respectivement par Mirko Zarovic, Srebrenica Sulejman Tihic et Dragan Zovic SARAJEVO Pale Fédération de CHEF du GOUVERNEMENT: 2 Zlatko Lagumdzija, remplacé par Bosnie-Herzégovine Dragan Mikerevic le 14 mars mer Mostar PEINE DE MORT: abolie Adriatique 1 entité bosno-serbe sauf pour crimes exceptionnels 2 entité bosno-croate YOUGOSLAVIE et bosno-musulmane COUR PÉNALE INTERNATIONALE: 0 125 km Statut de Rome ratifié

106 BO a situation en matière de droits humains représentant a imposé une révision de chacune des restait dominée par les séquelles de la deux Constitutions, afin d’introduire la représentation Lguerre de 1992-1995, en particulier proportionnelle (sur la base du recensement de 1991) par l’impunité dont continuaient de jouir au sein des institutions politiques, administratives et les responsables des atteintes massives aux judiciaires, jusqu’à ce qu’une solution durable soit droits fondamentaux perpétrées à l’époque. trouvée pour l’ensemble des réfugiés et personnes Le nombre de réfugiés et de personnes déplacées bosniaques. déplacées ayant regagné l’endroit où ils Lors des élections générales du mois d’octobre, la vivaient avant la guerre a sensiblement majorité des votes se sont portés sur les partis militant augmenté mais, dans bien des cas, leur sur des bases ethniques – le Stranka Demokratske réinstallation n’était pas garantie à long Akcije (SDA, Parti d'action démocratique), le Srpska terme. À plusieurs reprises, les institutions Demokratska Stranka (SDS, Parti démocratique serbe) de protection des droits humains n’ont pas et la Hrvatska Demokratska Zajednica (HDZ, Union été en mesure d’empêcher que des atteintes démocratique croate) –, aucun ne parvenant toutefois à des droits fondamentaux soient commises, à s’assurer la majorité absolue dans l’une des assem- ni même d’apporter réparation aux victimes, blées parlementaires du pays. les pouvoirs publics s’abstenant d’appliquer les décisions qu’elles avaient prises. Réformes juridiques La coopération avec le Tribunal pénal La communauté internationale a poursuivi ses efforts international pour l’ex-Yougoslavie était en vue de réformer le système juridique et la législa- toujours insuffisante en Republika Srpska (RS), tion. Les premiers juges de la Cour d’État ont été dont les autorités n’ont arrêté aucun des nommés en mai. Le Haut Conseil judiciaire, organe suspects inculpés par celui-ci. Les enquêtes mixte composé de juristes bosniaques et étrangers, a sur les atteintes aux droits humains commises été mis en place en septembre. Il avait pour mission de dans le passé sont restées rares. sélectionner les juges et les procureurs. Toujours au mois de septembre, le haut représentant a créé les Contexte Services du procureur auprès de la Cour d’État. La Bosnie-Herzégovine comprend deux entités semi- autonomes, la Fédération de Bosnie-Herzégovine (la Poursuites pénales pour crimes de guerre Fédération) et la Republika Srpska (RS), auxquelles entamées au niveau international vient s’ajouter le district autonome de Brcko. Le pays Dix procès, concernant 13 accusés, se sont déroulés était toujours placé sous l’autorité de la communauté devant le Tribunal pénal international pour l’ex- internationale, notamment du haut représentant Yougoslavie (le Tribunal). nommé par le Conseil de sécurité des Nations unies, ✔ Au mois d’octobre, le Serbe de Bosnie Milan Simic qui dispose de pouvoirs étendus. Il peut ainsi démettre a été reconnu coupable de crimes de guerre et de de ses fonctions tout représentant des pouvoirs publics, crimes contre l’humanité commis à Bosanski Samac. Il y compris les membres du gouvernement et de l’appa- a été condamné à cinq ans d’emprisonnement. reil judiciaire. Des efforts considérables ont été déployés ✔ En octobre, Biljana Plavsic, la vice-présidente pendant toute l’année 2002 pour renforcer les institu- bosno-serbe pendant la guerre, a plaidé coupable de tions de l’État. En décembre, le haut représentant a crimes contre l’humanité. Elle avait conclu un accord imposé une nouvelle loi visant à restructurer le gouver- avec la procureure qui, en échange, avait retiré les nement central et créant de nouveaux ministères d’État autres chefs d’accusation. Biljana Plavsic a reconnu chargés des affaires internes et de la justice. son entière responsabilité pour ces crimes, a exprimé En avril, la Bosnie-Herzégovine est devenue le 44e État ses remords aux victimes et a appelé les autres respon- membre du Conseil de l’Europe. L’Assemblée parle- sables au pouvoir lors du conflit à suivre son exemple. mentaire du Conseil est chargée de surveiller la mise ✔ À la fin novembre, Mitar Vasiljevic a été reconnu en œuvre des engagements pris par les pouvoirs exécu- coupable de crimes contre l’humanité et de crimes de tif et législatif de la Bosnie-Herzégovine, qui concer- guerre. Il a été condamné à vingt ans de détention. nent pour la plupart les réformes juridiques et la Le Bureau du procureur a rendu publiques les charges ratification des traités du Conseil de l’Europe. retenues contre sept suspects. Quatre de ces derniers Au mois de mars, les représentants des principaux par- étaient toujours en liberté. Les services du procureur tis politiques sont parvenus à un accord partiel sur la ont précisé que, selon toute vraisemblance, une cen- mise en œuvre des décisions prises en 2000 par la taine d’autres personnes faisant actuellement l’objet Cour constitutionnelle (Accord de Sarajevo). Le texte d’une enquête allaient également être inculpées. prévoyait que tous les Bosniaques bénéficient du Vingt-quatre suspects pour lesquels l’acte d’accusation même statut dans l’ensemble du territoire. Les a été rendu public étaient toujours en liberté. La plu- Constitutions de la Fédération et de la RS ont été part d’entre eux se trouvaient apparemment en modifiées, mais le Parlement de la RS a par la suite République fédérale de Yougoslavie ou en RS. Les auto- adopté un certain nombre de dispositions restrictives rités de la RS n’ont pas arrêté un seul suspect inculpé qui violaient l’Accord de Sarajevo. En avril, le haut par le Tribunal. La Force de stabilisation (SFOR) a 107 BO appréhendé quatre Serbes de Bosnie aux mois d’avril, Poursuites engagées pour des atteintes aux droits de juin et de juillet. Elle n’avait cependant toujours pas humains commises après la guerre rempli son engagement d’arrêter le chef politique des Les personnes regagnant leur domicile d’avant la Serbes de Bosnie pendant les années de guerre, guerre dans les régions où leur communauté était Radovan Karadzic, et leur chef militaire, Ratko minoritaire risquaient d’être victimes de violences et Mladic, tous deux inculpés de génocide. d’actes de harcèlement. L’attitude de la police et de l’appareil judiciaire face à cette situation n’était tou- Poursuites pénales pour crimes de guerre jours pas satisfaisante. Les procédures judiciaires traî- entamées au niveau national naient en longueur, et même dans les cas où le GIP a Alors que des milliers d’enquêtes ont été ouvertes sur pu apporter tout son soutien, des personnes soupçon- des crimes de guerre, rares étaient les suspects à avoir nées d’avoir organisé ou commis des actes de violence été traduits en justice devant les tribunaux bosniaques. graves ont échappé à la justice. Cette situation était due, en grande partie, au manque ✔ Deux procès consécutifs aux violentes émeutes qui de coopération entre les appareils judiciaires des deux avaient éclaté, au milieu de l’année 2001, lors de la entités constituant la Bosnie-Herzégovine. Selon des cérémonie organisée pour marquer le démarrage de la estimations non officielles, un dossier d’enquête aurait reconstruction de la mosquée Ferhadija de Banja Luka été ouvert, au niveau local, sur quelque 10000 sus- ont finalement abouti, grâce à l’insistance de la com- pects potentiels. Environ 2500 cas auraient été exami- munauté internationale. En avril, sept hommes ont été nés par le Bureau du procureur du Tribunal, chargé de reconnus coupables de violences – essentiellement de décider si ces affaires pouvaient être traitées au niveau coups et blessures commis en juin 2001 sur la per- bosniaque. sonne de policiers de la RS – et condamnés à des À la demande pressante de la procureure du Tribunal, peines inférieures ou égales à quatre mois d’emprison- qui faisait valoir que ce dernier devait cesser d’exister nement. Au mois d’octobre, 14 hommes ont été en 2008, la communauté internationale a débattu condamnés à des peines allant jusqu’à treize mois pendant plusieurs mois d’une proposition visant à d’emprisonnement. Ils avaient été déclarés coupables créer au sein de la Cour d’État une chambre spéciale de coups et blessures pour des faits remontant au qui serait compétente pour juger les affaires concer- 7 mai 2001. Personne n’a cependant été traduit en nant des violations du droit international humanitaire. justice pour répondre de la mort d’un homme âgé et Cette proposition n’avait cependant pas été officielle- des mauvais traitements infligés à des dizaines d’autres ment adoptée fin 2002, apparemment faute d’un personnes. Selon les informations recueillies, les financement suffisant. enquêtes de police et les informations judiciaires ✔ Cinq anciens policiers bosno-serbes ont été arrêtés menées avant le procès n’auraient pas été satisfaisantes. au mois de mai en RS. Ils étaient soupçonnés d’être La MINUBH et le GIP ont critiqué le manque de profes- impliqués dans la « disparition », en 1995, de la sionnalisme au sein de l’appareil judiciaire. famille Matanovic. Ordonnée en 1997 par la Chambre des droits de Droit au retour en toute sécurité et dans la dignité l’homme, l’enquête de police sur cette affaire n’a pro- On recensait fin 2002 plus de 90000 personnes ayant gressé que grâce à l’action insistante de la Mission des regagné leur foyer d’avant la guerre dans une zone où Nations unies en Bosnie-Herzégovine (MINUBH) et du leur communauté était minoritaire. La législation leur Groupe international de police (GIP). En mai, on permettant de rentrer en possession de leurs biens était a appris l’existence d’éléments de preuve impliquant appliquée sur plus de 60 p. cent du territoire de la 18 autres policiers de Prijedor, dont certains étaient Bosnie-Herzégovine. toujours en service. Au mois de novembre, le Tribunal Toutefois, un grand nombre des personnes rentrées a approuvé l’ouverture d’enquêtes judiciaires sur ces chez elles risquaient fort de ne pas pouvoir se réinstal- nouveaux suspects, qui avaient retardé la procédure de ler durablement, dans la mesure où les moyens finan- plusieurs mois en déposant des plaintes. ciers indispensables à la reconstruction, tout comme En octobre, Amnesty International a écrit à l’Union les perspectives de développement économique et européenne pour lui faire part de plusieurs recomman- d’emploi, faisaient cruellement défaut dans les régions dations concernant la structure et les objectifs prévus concernées, et où elles se heurtaient à des pratiques pour la Mission de police de l’Union européenne en discriminatoires entraînant le déni de leurs droits Bosnie-Herzégovine (MPUE), qui devait prendre le sociaux et économiques ainsi qu’à des actes de violence relais de la MINUBH et du GIP en janvier 2003. L’orga- et de harcèlement. Dans de nombreuses régions, les nisation recommandait notamment la création d’une villes et les villages restaient divisés selon des clivages unité chargée des droits humains, qui poursuivrait le ethniques, malgré les efforts soutenus de la commu- travail de suivi des enquêtes relatives à des atteintes nauté internationale visant à intégrer dans la police des aux droits fondamentaux, en particulier à des crimes membres de groupes minoritaires et en dépit des de guerre. Amnesty International a été informée que la mesures prises pour mettre en place une administra- MPUE ne disposait pas de pouvoirs exécutifs lui per- tion multiethnique. mettant d’enquêter elle-même sur les allégations Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les d’atteintes aux droits humains. réfugiés (HCR) a lancé en juin un appel urgent en 108 BO faveur de la poursuite du financement international. Il agents des unités spéciales de la police de la Fédération, a indiqué que la reconstruction, jugée prioritaire, de avant d’être remis, quelques heures plus tard, à des dizaines de milliers de logements était en attente, faute représentants américains. La police de la Fédération des fonds nécessaires. Au mois de novembre, des diri- aurait fait un usage excessif de la force contre des mani- geants musulmans de l’est de la RS ont indiqué que festants qui protestaient contre le transfert des six plusieurs centaines de personnes qui étaient retournées hommes. à Zvornik, Srebrenica et Bratunac avaient dû revenir La Chambre des droits de l’homme a estimé, en temporairement dans la Fédération, en attendant que octobre, que les autorités de la Fédération et de l’État soient débloqués les fonds d’aide à la reconstruction avaient violé de nombreux droits fondamentaux de la qui avaient été annoncés. personne. Elle a sommé les autorités d’accorder des réparations aux quatre hommes concernés et de leur « Disparitions » fournir des avocats pour assurer leur défense dans le Des milliers de cas de « disparition » n’étaient toujours cadre de toute procédure judiciaire susceptible d’être pas résolus à la fin de l’année. Des progrès relatifs ont entamée contre eux aux États-Unis. certes été enregistrés dans l’affaire Matanovic (voir ci- À la fin du mois d’octobre, le Bosniaque Sabahudin dessus), mais la plupart des « disparitions » n’ont Fiuljanin a été interpellé et placé en détention par la donné lieu à aucune enquête et les personnes respon- SFOR, qui ne disposait pas de mandat d’arrêt. Il était, sables n’ont pas été traduites en justice. Les actes semble-t-il, soupçonné de détention illégale d’armes et entraînant des « disparitions » n’étaient pas considérés de documents, ainsi que d’espionnage au détriment de comme des infractions pénales dans la législation bos- la SFOR. Détenu sur la base Eagle du contingent niaque. La coopération était en outre insuffisante entre fourni par les États-Unis à la SFOR, près de Tuzla, il ne les entités, entre la police et les différents appareils judi- pouvait pas communiquer avec son avocat ni recevoir ciaires, et entre la Bosnie-Herzégovine et ses voisines, la de visite de ses proches, en violation des normes natio- Croatie et la République fédérale de Yougoslavie, deux nales et internationales. Amnesty International a écrit pays dont les forces armées étaient impliquées dans de en novembre à la SFOR, contestant les fondements nombreuses affaires de « disparition ». légaux du maintien en détention de Sabahudin Le programme d’identification par l’analyse de l’ADN Fiuljanin et priant instamment la Force de stabilisa- dirigé par la Commission internationale des personnes tion de le remettre aux autorités locales, afin qu’il disparues dans l’ex-Yougoslavie a enregistré des résul- puisse comparaître devant un tribunal. Quelques jours tats en hausse sensible. À la fin 2002, 1 200 dépouilles après l’intervention d’Amnesty International, il a été retrouvées en Bosnie-Herzégovine avaient pu être iden- autorisé à s’entretenir de manière très limitée avec son tifiées de cette manière, alors que 70 seulement avocat, mais il était toujours détenu à la fin de l’année. l’avaient été au cours des six années précédentes. Il devenait toutefois de plus en plus difficile de localiser Visites d’Amnesty International les charniers, apparemment en raison du refus des Une délégation d’Amnesty International s’est rendue forces armées et de l’administration civile de commu- en Bosnie-Herzégovine aux mois de mai et d’août afin niquer les informations dont elles disposaient. d’y effectuer des recherches sur les « disparitions » et sur les poursuites pour crimes de guerre entamées Mesures de lutte contre le terrorisme violant devant les tribunaux bosniaques.◆ les droits humains En janvier, les autorités de la Fédération et de l’État Autres documents d’Amnesty International ont remis aux États-Unis six ressortissants algériens Bosnia-Herzegovina: Amnesty International’s concerns (précédemment détenteurs de la nationalité bos- in the case of Edin Garaplija [Bosnie-Herzégovine. niaque) sans obtenir au préalable la garantie qu’ils ne Préoccupations d’Amnesty International concernant seraient soumis ni à la peine de mort, ni à des mauvais Edin Garaplija] (EUR 63/002/02). traitements, ni à la torture et qu’ils ne seraient pas Bosnia-Herzegovina: Memorandum to the High jugés de façon inéquitable. Cette mesure a été prise au Representative of Bosnia-Herzegovina mépris d’une décision de la Chambre des droits de [Bosnie-Herzégovine. Note au haut représentant l’homme, qui estimait que quatre des six hommes ne de Bosnie-Herzégovine] (EUR 63/009/02). devaient pas être expulsés du territoire bosniaque tant Bosnia-Herzegovina: Memorandum to the Secretary que leur cas n’aurait pas été complètement examiné. General of the Council of the European Union Les six hommes auraient été transférés au centre de [Bosnie-Herzégovine. Note au secrétaire général du détention américain de Guantánamo Bay, à Cuba. Conseil de l’Union européenne] (EUR 63/018/02). Arrêtés en octobre 2001 par la police de la Fédération, ils étaient soupçonnés de « terrorisme international » pour leur participation à un complot présumé visant à commettre des attentats contre des ambassades à Sarajevo. La Cour suprême de la Fédération a ordonné leur remise en liberté le 17 janvier, mais les six hommes ont été immédiatement arrêtés de nouveau par des 109 BR BRÉSIL RÉPUBLIQUE FÉDÉRATIVE océan DU BRÉSIL GUYANA SURINAME VÉNÉZUÉLA Guyane Atlantique (FRANCE) CAPITALE : Brasília COLOMBIE SUPERFICIE: 8 547 379 km2 Manaus POPULATION: 174,7 millions Belém CHEF de l’ÉTAT et du GOUVERNEMENT: BRÉSIL Fernando Henrique Cardoso Recife PÉROU PEINE DE MORT: abolie sauf pour crimes exceptionnels BRASÍLIA Belo COUR PÉNALE BOLIVIE Horizonte INTERNATIONALE: Rio de Janeiro Statut de Rome ratifié PARAGUAY São Paulo

océan ARGENTINE Pacifique URUGUAY 0 1200 km

lusieurs milliers de personnes ont été tuées corruption, ont été intimidés, menacés, agressés lors d’affrontements avec la police, souvent ou même tués. Des personnes militant pour Pdans des situations que les autorités qualifiaient le droit à la terre, des défenseurs de de « résistance suivie de mort ». Des policiers se l’environnement et des membres des sont rendus coupables de nombreux homicides, populations indigènes qui défendaient leur dans des circonstances donnant à penser droit d’occupation des terres ont eux aussi été qu’il s’agissait d’exécutions extrajudiciaires. Le victimes de menaces, d’agressions et d’homicides recours à la torture et aux mauvais traitements perpétrés par la police ou par des hommes de demeurait généralisé et systématique dans main agissant avec l’approbation des autorités. les postes de police, les prisons et les centres de détention pour mineurs. Des policiers Contexte auraient eu recours à la torture pour extorquer Le deuxième mandat de quatre ans non renouvelable de l’argent. Les mécanismes mis en place par du président Fernando Henrique Cardoso est arrivé à le gouvernement pour encourager les victimes expiration en 2002. Durant ces huit années, des lois à porter plainte n’ont pas entraîné importantes et deux programmes nationaux ont été d’augmentation sensible des poursuites adoptés dans le domaine des droits humains, mais engagées contre les tortionnaires ni du nombre nombre de Brésiliens ont continué d’être victimes de condamnations prononcées. Les conditions d’atteintes à leurs libertés fondamentales et de vio- carcérales ont continué à se dégrader, en raison lences systématiques infligées par des représentants de de la surpopulation, de la corruption et de l’État. Cette situation s’expliquait en grande partie par l’immobilisme prévalant depuis des années. l’impunité généralisée et par l’incapacité du gouverne- De nombreux détenus sont morts à la suite ment fédéral à faire en sorte que les autorités de des mauvais traitements infligés par des policiers chaque État appliquent les normes nationales et inter- ou des membres du personnel pénitentiaire. nationales relatives aux droits humains. Cependant, les morts en détention étaient Le candidat du Partido dos Trabalhadores (PT, Parti encore plus souvent imputables aux violences des travailleurs), Luiz Inácio Lula da Silva, a remporté entre détenus, commises avec l’assentiment une victoire écrasante à l’élection présidentielle du personnel responsable ou en raison de son d’octobre. Il devait entrer en fonction en janvier 2003. inaction. Cette année encore, des défenseurs Des élections pour les postes de gouverneur et pour le des droits humains, notamment ceux qui renouvellement du Congrès (députés et sénateurs) ont dénonçaient la criminalité, l’impunité et la également eu lieu. 110 BR La criminalité organisée, notamment le trafic d’armes, d’expertise médicolégale indépendants, nombre des le trafic de stupéfiants et les enlèvements, demeurait un victimes auraient été exécutées de manière extrajudi- phénomène généralisé à l’origine d’une importante vio- ciaire. Cependant, le fait que les lieux dans lesquels se lence urbaine. Lors des élections, marquées par la pres- sont déroulés les événements n’aient pas été par la sion de la population en faveur d’un durcissement de la suite protégés et que la police ait pu retirer les corps politique en matière de sécurité publique, de nom- aurait gêné le déroulement de l’enquête officielle. breux candidats aux postes de gouverneur ont promis L’Ordre des avocats de São Paulo et l’adjoint au maire une répression accrue. Les personnes appartenant aux de la ville ont affirmé disposer d’éléments de preuve couches les plus démunies et les plus marginalisées de indiquant que ces événements s’inscrivaient dans le la société continuaient d’être les principales victimes de cadre d’un plan plus vaste élaboré par une unité spé- crimes violents, perpétrés par des groupes de criminels ciale de renseignements de la police militaire, le Grupo mais aussi par des membres des forces de police. de Repressão e Análise dos Delitos de Intolerância Le Brésil a subi le contrecoup du déclin économique (GRADI, Groupe de répression et d’analyse des infrac- de la région. Le rapporteur spécial de la Commission tions motivées par l’intolérance). Selon ces informa- des droits de l’homme des Nations unies sur le droit à tions, il était prévu, entre autres, de torturer des l'alimentation, qui s’est rendu dans le pays en mars, a détenus et de les contraindre illégalement à infiltrer vivement dénoncé le problème dramatique de la pau- des groupes de criminels, dans le but d’exécuter leurs vreté et de la famine. membres. Le ministère public de l’État enquêtait sur En juin, le Brésil a ratifié le Statut de Rome de la Cour 15 autres homicides survenus dans des circonstances pénale internationale (CPI). Les autorités ont entrepris analogues. Le gouverneur de São Paulo a fait l’éloge les réformes législatives nécessaires pour garantir que des policiers impliqués dans ces homicides et a utilisé l’exercice de la compétence première se fasse dans le pendant sa campagne électorale des séquences de film respect des principes de la coopération avec la CPI. montrant le bus détruit.

Homicides perpétrés par la police, exécutions Défenseurs des droits humains extrajudiciaires et escadrons de la mort Dans l’ensemble du pays, des personnes ont été, cette Les préoccupations de l’opinion concernant le niveau année encore, victimes d’agressions, de menaces, de élevé de violence et de criminalité urbaines ont été lar- manœuvres d’intimidation et d’homicides, en raison de gement relayées par les médias. Ce contexte n’a fait leur action en faveur des droits humains. Celles qui qu’inciter les forces de police, qui ne disposaient pas de s’employaient à dénoncer le crime organisé, la moyens suffisants, étaient mal formées et s’avéraient corruption et l’impunité étaient plus particulièrement souvent corrompues, à user davantage de méthodes visées. Certaines personnalités de la vie publique et des répressives. Cette année encore, des policiers civils et médias se sont attachées à mettre en cause le travail des militaires ont été responsables de plusieurs milliers de défenseurs des droits humains en les accusant d’être des morts dans l’ensemble du pays, souvent dans des cir- « défenseurs de bandits ». constances donnant à penser qu’il y avait eu recours Dans l’État de l’Espírito Santo, les défenseurs des excessif à la force ou qu’il s’agissait d’exécutions extra- droits fondamentaux ont été la cible de menaces de judiciaires. Ces homicides ont rarement fait l’objet plus en plus nombreuses. Plusieurs enquêtes fédérales d’une enquête, car ils étaient le plus souvent déclarés avaient précédemment mis en évidence l’implication sous la mention « résistance suivie de mort », une quali- de l’organisation policière Scuderie Detetive le Cocq fication rejetant la responsabilité de la mort sur la vic- (SDLC) dans des exécutions extrajudiciaires, des assassi- time elle-même. Selon le Bureau de médiation de la nats de défenseurs des droits humains et des affaires de police de São Paulo, 703 homicides avaient été com- corruption ou de crime organisé. La SDLC, qui fonc- mis par des policiers dans l’État entre janvier et tionne comme une organisation paramilitaire, aurait octobre, un nombre équivalant à celui constaté pour des liens avec de puissants groupes économiques et l’ensemble de l’année 2001. On en comptait 652 politiques de l’État, dont des membres des pouvoirs déclarés sous la mention « résistance suivie de mort », exécutif, législatif et judiciaire. En avril, un avocat a dont 138 ont été imputés à des policiers qui n’étaient été tué alors qu’il s’apprêtait à révéler à la police des pas en service au moment des faits. Dans l’État de Rio informations relatives à la corruption de responsables de Janeiro, 656 homicides perpétrés par des policiers politiques locaux. Sa mort a conduit des militants des avaient été signalés entre janvier et septembre, un droits humains à demander au gouvernement fédéral chiffre nettement supérieur aux 592 recensés l’année d’intervenir dans cet État pour mettre un terme à précédente. Dans certains États, les escadrons de la l’impunité qui y régnait depuis des années. mort continuaient d’agir en toute impunité, avec la Bien que le Conseil de défense des droits de la per- coopération ou la complicité de policiers. sonne (du ministère fédéral de la Justice) ait formulé ✔ Le 5 mars, non loin de la ville de Sorocaba, une des recommandations en ce sens, cette initiative a été centaine d’agents de la police militaire de São Paulo remise en cause par le procureur général fédéral à ont tué, lors de ce qui a été signalé comme étant une l’issue d’une rencontre avec le président de la fusillade, 12 membres présumés d’un groupe de crimi- République du Brésil. Le ministre de la Justice a nels qui voyageaient dans un bus. Selon des rapports démissionné en signe de protestation. 111 BR À la suite de la mobilisation des défenseurs des droits Conditions carcérales et morts en détention humains, au Brésil comme à l’étranger, le gouverne- Les conditions de détention étaient toujours aussi pré- ment a constitué une équipe spéciale composée de occupantes dans la plupart des postes de police, des pri- policiers fédéraux et de représentants du ministère sons, des centres de détention provisoire et des centres public fédéral, chargée d’enquêter sur le crime orga- de détention pour mineurs. En raison de la forte surpo- nisé et sur les informations faisant état d’exécutions pulation, de l’inadaptation des structures et de l’insuffi- extrajudiciaires, d’actes de torture et de menaces visant sance des installations sanitaires – qui étaient loin de des défenseurs des droits humains de l’État de satisfaire aux besoins élémentaires en matière d’hygiène l’Espírito Santo. Ces derniers étaient cependant tou- et de santé –, la plupart des détenus, qui ne se voyaient jours en danger. Au mois de juin, un attentat à pas non plus offrir la possibilité de travailler ou de l’explosif a été commis contre les locaux de l’Ordre des suivre un enseignement, vivaient dans des conditions avocats. L’un des principaux suspects, qui collaborait s’apparentant à un traitement cruel, inhumain ou avec les enquêteurs, a été tué en novembre alors qu’il dégradant. De nombreux cas de mort en détention ont était détenu par la police fédérale. été signalés. Ces morts avaient été provoquées soit par un recours excessif à la force par des surveillants ou des Torture et mauvais traitements policiers, soit par des violences entre détenus perpétrées Des membres de toutes les forces de police du Brésil sans que les autorités pénitentiaires n’interviennent, ou ont continué d’avoir recours à la torture et aux mau- même avec leur consentement. La torture et les mauvais vais traitements pour faire progresser les enquêtes et traitements étaient régulièrement utilisés pour sanction- arracher des « aveux » aux détenus. Des gardiens de ner les détenus ou les contraindre à l’obéissance. prison, insuffisamment formés, trop peu nombreux et Pour tenter de résoudre le problème des violences travaillant souvent dans des situations dangereuses, entre gangs à l’intérieur des prisons et reprendre le usaient de ces pratiques pour humilier les détenus ou contrôle de la situation, l’État de São Paulo et les les contraindre à l’obéissance. autorités fédérales ont mis en place un régime discipli- La torture était aussi utilisée pour extorquer de naire différencié, qui permettait aux directeurs des éta- l’argent ou servir les intérêts criminels de responsables blissements pénitentiaires de transférer les détenus corrompus. Bien que le gouvernement fédéral ait dangereux dans des prisons de haute sécurité, où ils lancé, en 2001, une campagne pour lutter contre cette étaient placés à l’isolement pendant une période pou- pratique, le nombre de poursuites engagées en vertu vant aller jusqu’à un an, sans qu’il soit nécessaire de de la Loi de 1997 relative à la torture restait extrême- disposer au préalable de l’aval d’un juge. Des membres ment bas, compte tenu du caractère endémique du de l’Ordre des avocats de São Paulo ont critiqué cette phénomène. L’organisation non gouvernementale mesure, jugée inconstitutionnelle. (ONG) Ação dos Cristãos pela Abolição da Tortura ✔ Le 1er janvier 2002, 27 prisonniers d’Urso Branco, (ACAT-Brésil, Action des chrétiens pour l’abolition de le plus grand établissement pénitentiaire de l’État de la torture) a soumis aux autorités de l’État de São Rondônia, ont été massacrés par d’autres à la suite Paulo un rapport citant 1 631 cas de torture sur les d’un transfert de détenus entre des seguros, des cellules 5 000 qu’elle avait recensés entre juin 2000 et juin où sont placées les personnes que les autorités estiment 2002. Selon les chiffres donnés à l’ONG Justiça Global menacées par leurs codétenus, et la principale partie de (Justice mondiale), le ministère public de l’État n’aurait la prison. Ce transfert avait été ordonné la veille par engagé de poursuites pénales aux termes de la Loi rela- décision de justice. Des gardiens et des policiers mili- tive à la torture que dans 30 affaires depuis 1997. taires, qui entendaient les hurlements des victimes, ont Dans l’État de São Paulo, les jeunes délinquants placés refusé de pénétrer dans l’établissement pour intervenir. dans les centres de détention pour mineurs de la Dix autres personnes ont été tuées au cours de l’année Fundação do Bem-Estar do Menor (FEBEM, Fondation par des surveillants et d’autres détenus. Lors d’une brésilienne pour la protection des mineurs) conti- visite de l’établissement effectuée en avril, des délégués nuaient d’endurer, de manière systématique, des tor- d’Amnesty International ont constaté des conditions tures et d’autres formes de mauvais traitements. Des déplorables et une surpopulation extrême. Les prison- membres du Service d’aide à l’enfance et à la jeunesse niers n’étaient pas séparés par catégorie et les disposi- du ministère public ont dénoncé ces pratiques à de tions en matière d’hygiène et de santé étaient nombreuses reprises. Dans le centre de détention pour insuffisantes. Des policiers militaires lourdement mineurs Franco Da Rocha en particulier, les représen- armés assuraient la surveillance des détenus, en viola- tants du parquet ont découvert des barres de fer, des tion des dispositions de la législation nationale. pieds de chaises et des matraques qui auraient été utili- D’après les informations recueillies, ils avaient ample- sés pour frapper des détenus. De nombreuses plaintes ment recours à la torture et à d’autres formes de mau- étaient accompagnées de photos de jeunes détenus vais traitements pour maintenir l’ordre. La Cour présentant des blessures. Le ministère public a été interaméricaine des droits de l’homme a été saisie du confronté à plusieurs tentatives visant à entraver sa cas d’Urso Branco. C’était l’une des premières fois où mission de surveillance, notamment en novembre, le Brésil était mis en cause devant cette instance. lorsque des gardiens ont menacé de se mettre en grève Cependant, aucune, ou presque, des mesures conser- dans le but de faire cesser les visites d’inspection. vatoires ordonnées par la Cour n’a été mise en œuvre. 112 BR Le 15 septembre, la prison de Carandiru, où quelque ont de nouveau été jugés au mois de juin, à l’issue 7000 personnes étaient incarcérées dans des condi- d’une procédure de plusieurs années émaillée de nom- tions effroyables, a définitivement fermé ses portes. breux obstacles juridiques. Des représentants du Amplement saluée par les organisations de défense des Movimento dos Trabalhadores Rurais Sem Terra (MST, droits humains, cette initiative a cependant entraîné Mouvement des paysans sans terre) ont boycotté le des transferts de détenus qui ont contribué à la surpo- procès, affirmant que la procédure n’était ni équitable pulation de nombreuses autres prisons de l’État. ni indépendante. D’autres ONG qui soutenaient Carandiru était devenue tristement célèbre en 1992, l’action du ministère public se sont retirées après qu’il après le massacre de 111 prisonniers désarmés perpétré eut été décidé de juger 127 soldats au cours d’une par la police militaire à la suite d’une mutinerie. Le seule audience. De tous les accusés, seuls le colonel procès des policiers accusés d’avoir participé à ces évé- Mario Pantoja et le commandant José Maria Oliveira nements a de nouveau été ajourné après l’élection du ont été condamnés, pour avoir participé à la direction colonel Ubiratan Guimarães à la Chambre des députés des opérations de police. Ils ont été laissés en liberté en de l’État en octobre, qui lui a conféré l’immunité par- attendant qu’il soit statué sur leur appel. lementaire. Condamné à une peine de six cent trente- Les autres accusés – un commandant, un capitaine, deux années d’emprisonnement pour avoir dirigé quatre lieutenants, 11 sergents et 127 soldats de la l’opération, il avait été remis en liberté en attendant police militaire de l’État du Pará – ont été déclarés qu’il soit statué sur son appel. Aucune date n’a été non coupables. Pour Amnesty International, les fixée pour les procès des 115 autres policiers militaires familles des victimes et les ONG locales, les condamna- impliqués dans cette affaire. tions ne représentaient guère plus qu’un geste symbo- lique, étant donné que l’enquête policière et la Violences contre des personnes militant pour le procédure judiciaire n’avaient pas permis d’identifier droit à la terre et contre des populations indigènes les responsables des tirs et des coups à l’arme blanche Des personnes militant pour le droit à la terre ont été ayant causé la mort des 19 militants. Les jugements harcelées et agressées par des policiers militaires chargés ont été frappés d’appel. de procéder à des expulsions lors de conflits fonciers. Dans l’ensemble du pays, des membres des popula- D’autres ont été assassinées par des tueurs professionnels tions indigènes ont eux aussi été victimes de menaces, agissant souvent avec le consentement manifeste de la d’agressions et d’homicides, principalement en raison police et des autorités locales. La Comissão Pastoral da de leur lutte pour le droit à la terre. Après la création Terra (CPT, Commission pastorale de la terre) a recensé de bases militaires sur les terres de communautés indi- pour l’année 2002 38 assassinats de personnes militant gènes, de nouvelles violations des droits de ces popula- pour le droit à la terre, un chiffre en augmentation de tions ont été signalées, notamment des actes de 31 p. cent par rapport à 2001. Au moins 10 homicides harcèlement sexuel. commis sur la personne de syndicalistes et de travailleurs Il a été constaté avec inquiétude que le décret n° 4412, agricoles ont été signalés dans le seul État du Pará. qui réglemente la présence des forces armées dans les Des militants en faveur de la réforme agraire conti- territoires indigènes, ne prévoyait pas la nécessaire nuaient d’être placés en détention provisoire et accusés protection de leurs habitants. De nouveaux textes des- d’infractions pénales en raison de leur engagement. tinés à assurer la protection des droits des populations Un grand nombre d’entre eux faisaient l’objet de indigènes attendaient toujours d’être approuvés ou poursuites pénales uniquement pour s’être livrés à des mis en œuvre : le Statut des populations indigènes activités pacifiques en faveur de la réforme agraire. devait encore être voté par le Sénat, et la Convention ✔ L’ouvrier agricole Almir Muniz da Silva a été vu 169 de l’Organisation internationale du travail relative pour la dernière fois le 29 juillet, alors qu’il marchait aux peuples indigènes et tribaux, approuvée par le sur un sentier de campagne dans la municipalité Sénat, attendait toujours la ratification présidentielle. d’Itabaiana (État de la Paraíba). Les investigations ✔ Le 15 septembre, des hommes armés ont fait irrup- n’ont pas permis de retrouver sa trace. Almir da Silva tion dans le village de Pequi (État de Bahia), où vit avait témoigné devant la Commission parlementaire une communauté pataxo, et ouvert le feu au hasard. chargée d’enquêter sur la violence en milieu rural et la Trente familles ont pris la fuite tandis que leurs mai- formation de milices privées dans l’État de la Paraíba. sons étaient détruites. Il avait nommément mis en cause un policier, le dési- De nombreuses personnes ont été brutalisées. Après gnant comme le principal responsable des violences cette expulsion violente, six membres de la commu- exercées contre les ouvriers agricoles dans la région. nauté pataxo ont été arrêtés. Tous ont ensuite été relâ- Selon certaines sources, le nom d’Almir da Silva figu- chés, mais l’un d’entre eux présentait des traces rait sur une liste noire établie par la police et les pro- évidentes de torture. Certains villageois pensaient que priétaires terriens locaux et comportant les noms de ces violences avaient été commises à l’instigation d’un 10 personnes à abattre. Quatre d’entre elles auraient propriétaire terrien local et que des policiers civils et survécu à des tentatives d’assassinat. militaires étaient impliqués. ✔ Les policiers militaires accusés d’avoir participé au À la fin de l’année, les familles n’avaient toujours pas massacre, en 1996, de 19 personnes militant pour le pu regagner leurs terres et leur situation était extrême- droit à la terre à Eldorado dos Carajás (État du Pará) ment précaire. Des membres de la communauté 113 BU pataxo ont été régulièrement victimes de violences et Autres documents d’Amnesty International d’agressions depuis la démarcation de leurs terres, Brésil. « Déni d’humanité » : torture, surpeuplement intervenue en 1988. et brutalités dans les postes de police du Minas Gerais (AMR 19/003/02). Visites d’Amnesty International Open letter from Amnesty International to Brazilian Des délégués d’Amnesty International se sont rendus presidential candidates [Lettre ouverte d’Amnesty dans six États du Brésil en avril et ont rencontré des International aux candidats à la présidence du Brésil] candidats à la présidence en septembre.◆ (AMR 19/022/02). BULGARIE RÉPUBLIQUE DE BULGARIE CAPITALE : Sofia ROUMANIE SUPERFICIE: 110 994 km2 POPULATION: 7,8 millions Varna CHEF de l’ÉTAT: YOUGOSLAVIE Petar Stoïanov, remplacé par BULGARIE mer Noire Gueorgui Parvanov le 22 janvier SOFIA CHEF du GOUVERNEMENT : Ex-Rép. Plovdiv Siméon de Saxe-Cobourg-Gotha y. de PEINE DE MORT: abolie Macédoine TURQUIE COUR PÉNALE GRÈCE INTERNATIONALE: mer Égée Statut de Rome ratifié 0 200 km

es personnes souffrant d’un handicap mental tutelle. La réglementation relative au placement en faisaient l’objet de discriminations hôpital ou en foyer ne fournissait pas les garanties Lsystématiques et les conditions de vie dans de nécessaires d’indépendance et d’impartialité. Les nombreux foyers sociaux étaient inhumaines et patients et les pensionnaires des foyers sociaux ne béné- dégradantes. De multiples cas de mauvais ficiaient pas de soins et de services de réinsertion appro- traitements et de torture imputables à des priés. Amnesty International a constaté l’utilisation de responsables de l’application des lois ont été méthodes de contrainte et de mise à l’isolement abu- signalés. Une personne au moins est morte après sives dans toutes les institutions pour adultes, ainsi que avoir été passée à tabac par des policiers. Les l’existence de conditions matérielles effarantes dans huit responsables de tels actes n’étaient que très foyers sociaux pour adultes sur 10. L’ensemble de ces rarement traduits en justice. Les victimes, parmi conditions s’apparentait à une peine ou un traitement lesquelles figuraient des mineurs, étaient bien cruel, inhumain et dégradant, et constituait une viola- souvent membres de la communauté rom tion du droit international relatif aux droits humains. (tsigane). Des agents de la force publique ont, Les conditions de vie dans les hôpitaux psychiatriques cette année encore, eu recours à des armes à feu étaient insatisfaisantes. Les possibilités de réadaptation dans des circonstances où leur emploi n’est pas sociale et de thérapie faisaient manifestement défaut. autorisé par les normes internationales, tuant ou Dans certaines institutions, des pensionnaires étaient, blessant plusieurs personnes. semble-t-il, soumis à des séances d’électroconvulsivothé- rapie sans anesthésique ni myorelaxant. De nombreux Personnes souffrant d’un handicap mental enfants étaient placés en institution sans qu’un diagnos- Les enfants et les adultes souffrant de déficiences men- tic adéquat ait été établi. Le suivi et la réévaluation des tales ou de troubles du développement (ci-après appe- diagnostics par des spécialistes n’étaient pas prévus. lées personnes souffrant d’un handicap mental) faisaient Les subventions allouées par l’État ne suffisaient appa- l’objet de discriminations systématiques, aussi bien remment même pas à couvrir les besoins les plus élé- lorsqu’on leur administrait des traitements contre leur mentaires en matière de nourriture, de chauffage et gré dans les hôpitaux psychiatriques que lorsqu’on les d’habillement. En l’absence de tout entretien, les foyers plaçait dans des foyers sociaux ou qu’on les mettait sous pour adultes étaient généralement délabrés, sales, et 114 BU parfois dangereux. Dans certaines institutions, où l’ali- d’être placé dans une cellule où il est mort quelques mentation, le chauffage et les soins médicaux faisaient heures plus tard. Sept fonctionnaires ont été inculpés particulièrement défaut, on constatait un taux de morta- en septembre pour leur responsabilité présumée dans lité élevé, notamment au cours des hivers longs et froids. cette affaire. ✔ Au mois d’avril, Amnesty International a instam- Certaines victimes de brutalités policières étaient des ment prié les autorités d’enquêter sur les morts surve- mineurs, interrogés en l’absence de leurs parents ou nues au foyer de Dragash Voyvoda (22 personnes en d’un avocat. 2001 et cinq autres en 2002), qui accueillait environ ✔ En février, à Kostinbrod, six adolescents âgés de 140 hommes. La plupart des victimes avaient vraisem- seize à dix-sept ans ont été conduits au poste de police. blablement succombé à une pneumonie. Une autopsie Ils étaient soupçonnés d’avoir volé l’émetteur-récep- pratiquée sur les corps de deux hommes morts en mars teur radio d’un véhicule de patrouille. Ils auraient été 2002 a permis d’établir qu’ils avaient péri des suites frappés à coups de poing et de pied par plusieurs poli- d’une pneumonie et de malnutrition. Le médecin qui ciers, puis auraient ensuite été interrogés pendant avait soigné ces pensionnaires a déclaré que les rési- environ trois heures avant d’être relâchés sans inculpa- dents devaient payer les antibiotiques dont ils avaient tion. Deux policiers, auteurs présumés de ces vio- besoin. Il a précisé qu’aucun autre de ses patients dans lences, auraient été révoqués. En revanche, les la commune n’était mort de pneumonie. conclusions de l’information judiciaire ouverte par le Dans les foyers pour adultes, ainsi que dans certaines procureur militaire n’ont pas été rendues publiques. institutions pour enfants, des médicaments psycho- Rares sont les affaires de brutalités policières signalées tropes étaient administrés afin de maîtriser des com- qui débouchent sur le procès des policiers soupçonnés. portements qui pouvaient être dus davantage au Au mois de mars, le tribunal militaire de Sofia a désespoir ou à la colère engendrés par les conditions acquitté deux policiers accusés d’avoir blessé mortelle- de vie qu’à des troubles d’ordre psychiatrique. ment Mehmed Moumoun (alias Milotine Mironov) Face à cette situation, les autorités n’ont pris que des en janvier 2001. mesures isolées, qui restaient insuffisantes. Dans le Les enquêtes menées à la suite de plaintes faisant état foyer de Sanadinovo, qui accueillait près d’une cen- d’actes de torture ou de mauvais traitements perpétrés taine de femmes souffrant d’un handicap mental, les par la police n’étaient pas conformes aux normes conditions matérielles étaient effroyables et le manque internationales. de soins flagrant. Une vingtaine de pensionnaires, ✔ Au mois de juin, la Cour européenne des droits de parmi les plus fragiles, vivaient dans un bâtiment ne l’homme a jugé que la mort en détention d’Anguel comportant que deux pièces sur un seul niveau. Zabtchekov (également connu sous le nom de Lorsqu’une délégation d’Amnesty International s’est Zoubtchikov), âgé de dix-sept ans, survenue en 1996 à rendue sur place en janvier, ces femmes portaient des Razgrad, constituait une violation de la Convention vêtements sales et déchirés. Certaines étaient à moitié européenne des droits de l’homme. Elle a également nues. Les grabataires reposaient sur des draps souillés. conclu à la violation de la Convention quant au retard Il y avait de l’urine et des excréments sur le sol et les apporté par les autorités à dispenser des soins médi- murs. Une plainte déposée au nom de plusieurs pen- caux et à l’absence d’enquête effective. Anguel sionnaires de Sanadinovo qui avaient été enfermées Zabtchekov est mort à l’hôpital, où il avait été trans- dans une cage a été classée en mai, faute de preuves. féré depuis sa cellule du poste de police. Une autopsie L’institution a été fermée en juin et la plupart de ses a déterminé qu’il avait succombé à une hémorragie pensionnaires ont été transférées dans un foyer rénové cérébrale due à un coup à la tête. L’enquête sur sa situé à Katchoulka. Toutefois, les femmes les plus gra- mort a cependant été suspendue au motif qu’il était vement handicapées continuaient de ne pas recevoir impossible d’établir la manière dont les blessures les soins que leur état exigeait et restaient clouées au avaient été infligées. lit, sans que l’on s’occupe d’elles ni même que l’on fasse leur toilette. En outre, sept femmes ont été trans- Utilisation illégale d’armes à feu par la police férées à Razdol, où les conditions de vie n’étaient pas Les agents de la force publique ont eu recours aux meilleures qu’à Sanadinovo. armes à feu dans des circonstances beaucoup plus diverses que celles autorisées par les normes internatio- Brutalités policières nales relatives aux droits humains. Celles-ci disposent De nombreux cas de brutalités policières, constituant que les responsables de l’application des lois ne doivent parfois des actes de torture, ont été signalés. Dans un pas faire usage d'armes à feu contre des personnes, sauf cas, les mauvais traitements infligés ont entraîné la en cas de légitime défense ou pour défendre des tiers mort de la victime. contre une menace imminente de mort ou de blessure ✔ Seval Sebahtine Rassine, âgé de vingt-six ans, a été grave. Or les policiers bulgares se sont, cette année arrêté en février à un poste-frontière proche de Sladun, encore, servis d’armes à feu pour appréhender des sus- dans la région de Svilengrad, avec 26 étrangers qui ten- pects qui tentaient de prendre la fuite. Un grand taient de pénétrer clandestinement en Bulgarie. Il aurait nombre de personnes ont ainsi été blessées. été roué de coups de poing, de pied et de matraque par ✔ Selon Projet pour les droits humains, une organisa- plusieurs membres de la police des frontières, avant tion non gouvernementale bulgare qui défend les 115 BU droits des Rom, un policier a ouvert le feu, le 2 février, Amnesty International et le Comité Helsinki de près de Sliven, sur Stefan Kostov, un Rom de vingt- Bulgarie, une organisation locale de défense des droits sept ans. Ce dernier était en train de ramasser du bois humains, ont organisé conjointement en octobre, à en compagnie de trois garçons âgés de quinze ans Sofia, une conférence internationale afin d’attirer lorsque des policiers les ont abordés. Ils ont ordonné l’attention sur les discriminations systématiques dont aux trois plus jeunes de regagner leur village, puis l’un étaient victimes les personnes souffrant d’un handicap d’eux a tiré une balle dans le genou droit de Stefan mental et d’inciter les autorités à s’engager dans une Kostov, à environ un mètre de distance. Les trois ado- réforme du système de prise en charge de ces per- lescents ont emmené leur camarade à l’hôpital. Un sonnes, du système de protection sociale et du système peu plus tard, trois policiers et un photographe sont éducatif. Des acteurs du processus de réforme et des venus chercher les garçons à l’hôpital pour les amener organisations non gouvernementales nationales et sur les lieux du coup de feu. Ils les ont ensuite internationales ont assisté à cette manifestation, ainsi conduits au poste de police, où les adolescents que des représentants du commissaire aux droits de auraient été contraints de signer une déclaration qu’ils l’homme du Conseil de l’Europe et du rapporteur spé- étaient incapables de lire, étant analphabètes. En mars, cial des Nations unies sur l’invalidité.◆ le procureur militaire a rejeté une plainte concernant ces faits déposée par Projet pour les droits humains, et Autres documents a décidé de ne pas ouvrir d’information judiciaire. Bulgarie. Sanadinovo : « Un endroit épouvantable » (EUR 15/002/02). Visites d’Amnesty International Bulgaria: Far from the eyes of society – systematic Des représentants d’Amnesty International se sont discrimination against people with mental disabilities rendus à quatre reprises en Bulgarie entre janvier et [Bulgarie. Loin du regard de la société. Des juillet. Ils ont visité 16 foyers sociaux pour adultes ou discriminations systématiques contre mineurs souffrant d’un handicap mental. Quatre de des personnes souffrant d’un handicap mental] ces institutions ont fait l’objet d’une deuxième visite. (EUR 15/005/02). BURKINA FASO BURKINA FASO MAURITANIE CAPITALE : Ouagadougou 2 SUPERFICIE: 274 200 km MALI POPULATION: 12,2 millions NIGER CHEF de l’ÉTAT: Blaise Compaoré BURKINA FASO CHEF du GOUVERNEMENT : Taramanga Ernest Yonli OUAGADOUGOU Bobo-Dioulasso PEINE DE MORT: abolie en pratique TOGO BÉNIN COUR PÉNALE CÔTE GHANA INTERNATIONALE: D'IVOIRE Statut de Rome signé 0 200 km NIGÉRIA

ne organisation de défense des droits Contexte humains a découvert un très grand Le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), au nombreU de corps non ensevelis qui pourraient pouvoir, a remporté la majorité des sièges lors des élec- être ceux de suspects de droit commun exécutés tions législatives qui se sont déroulées en mai 2002. de façon extrajudiciaire par les forces En juin, le secrétariat d’État chargé de la Promotion de sécurité. Aucune avancée n’a été constatée des droits de l’homme est devenu un ministère à part concernant les enquêtes sur ces homicides. entière, sous le nom de ministère de la Promotion des La commission judiciaire mise en place pour droits humains. Au mois de novembre, le gouverne- faire la lumière sur la mort de Norbert Zongo et ment a lancé une opération de rapatriement des de ses trois compagnons, tués en décembre 1998, citoyens burkinabè en butte à des agressions xéno- n’avait toujours pas progressé dans son enquête. phobes en Côte d’Ivoire. 116 BU Exécutions extrajudiciaires a reconnu que plusieurs personnes avaient été tuées, et il En février, le Mouvement burkinabè des droits de a promis d’apporter son soutien aux familles de victimes l'homme et des peuples (MBDHP), une organisation de qui feraient appel à la justice. défense des droits humains, a fait savoir qu’entre octobre 2001 et janvier 2002, 106 corps avaient été découverts en Impunité différents endroits du pays, menottes aux poignets et cri- L’enquête sur la mort, en 1998, de Norbert Zongo, blés de balles. L’organisation a déclaré qu’il s’agissait de journaliste de renom, d’Ablassé Nikiema, d’Ernest suspects de droit commun exécutés de façon extrajudi- Zongo et de Blaise Ilboudo était toujours au point ciaire par les forces de sécurité dans le cadre d’une opéra- mort. La cause de ce retard était à imputer, selon la tion de maintien de l’ordre organisée par le commission d’enquête judiciaire, au mauvais état de gouvernement en octobre 2001. Le ministère de la santé de l’un des principaux suspects.◆ Justice s’est engagé en février à mettre en place une com- mission d’enquête judiciaire qui, semble-t-il, n’avait tou- Autres documents d’Amnesty International jours pas vu le jour à la fin de l’année. Le ministère de la Burkina Faso. Amnesty International demande Sécurité a ouvert une enquête interne, dont les objectifs une enquête sur des exécutions extrajudiciaires massives n’ont toutefois pas été rendus publics. Le gouvernement (AFR 60/001/02). BURUNDI RÉPUBLIQUE DU BURUNDI lac lac RWANDA Victoria CAPITALE : Bujumbura Kivu SUPERFICIE : 27 835 km2 POPULATION : 6,7 millions CHEF de l’ÉTAT BURUNDI et du GOUVERNEMENT : RÉPUBLIQUE Pierre Buyoya DÉMOCRATIQUE BUJUMBURA TANZANIE DU CONGO PEINE DE MORT : maintenue COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome signé lac Tanganyika 0 100 km

a guerre a poursuivi ses ravages ont été prononcées. Les personnes déplacées dans l’ensemble du pays pendant se comptaient par centaines de milliers Lla plus grande partie de l’année. Le nombre et certaines ne bénéficiaient d’aucune aide des atteintes aux droits humains, notamment humanitaire, tandis que des milliers d’autres des exécutions extrajudiciaires de civils ont fui vers les pays voisins. Le conflit non armés par les forces gouvernementales, en République démocratique du Congo ( RDC) a augmenté de façon alarmante. Les groupes continuait d’avoir des répercussions sur politiques armés se sont livrés à des exactions le climat politique et la situation des droits sur une grande échelle contre la population humains au Burundi. civile en se rendant notamment coupables d’homicides illégaux. Toutes les parties Contexte en présence ont commis des actes de pillage La mise en œuvre de l’Accord de paix et de réconcilia- et de destruction. Des arrestations à caractère tion signé en août 2000 s’est poursuivie, non sans dif- politique, des interpellations arbitraires, ficultés, en dépit des divisions politiques et des conflits des actes de torture et des « disparitions » qui ne cessaient de prendre de l’ampleur au sein du imputables aux forces de sécurité ont gouvernement de transition et de ses institutions. été signalés. Des milliers de personnes Quelques progrès ont été accomplis concernant ont été maintenues en détention préventive l’application des dispositions relatives à la défense des prolongée. Au moins 50 sentences capitales droits humains, notamment dans les domaines de la 117 BU lutte contre l’impunité et de l’administration de la jus- ✔ Le 9 septembre, dans la commune d’Itaba (pro- tice. Plusieurs dirigeants et personnalités politiques vince de Gitega), les forces gouvernementales ont tué sont rentrés d’exil. Une nouvelle loi sur l’enregistre- au moins 174 civils non armés – le nombre réel pour- ment des partis politiques a été adoptée. rait être de 267 victimes. Beaucoup ont été abattues à Le conflit s’est encore intensifié au cours de l’année bout portant. Le gouvernement et les forces armées 2002 et de graves violations du droit international ont reconnu leur responsabilité tout en faisant valoir humanitaire ont été commises par toutes les parties en – ce qui est faux – qu’il s’agissait d’un événement présence. Des civils non armés ainsi que d’autres per- isolé. Deux militaires ont été arrêtés. À la fin de sonnes non combattantes ont été victimes de meutres l’année 2002, ils étaient incarcérés mais n’avaient pas délibérés, ce qui constitue des crimes de guerre. été inculpés. Des accords de cessez-le-feu ont été signés en octobre 2002 entre le gouvernement de transition et des fac- Exactions des groupes politiques armés tions dissidentes des deux principaux groupes poli- De graves exactions ont été perpétrées tant par le tiques armés, sans que les effets s’en fassent PALIPEHUTU-FNL que par le CNDD-FDD, notamment véritablement sentir sur le terrain. Un accord de ces- des homicides illégaux sur la personne de civils non sez-le-feu a également été signé au début du mois de armés, de responsables gouvernementaux et de colla- décembre 2002 avec le Conseil national pour la borateurs présumés. À plusieurs reprises, les combat- défense de la démocratie-Forces pour la défense de la tants du CNDD-FDD ont pilonné aveuglément démocratie (CNDD-FDD). Il contient un certain Bujumbura, la capitale. Un très grand nombre de nombre de questions militaires et politiques en sus- civils non armés ont trouvé la mort lors d’embuscades pens, qui restent à négocier, ainsi que certaines contre des véhicules de transports en commun. La mesures relatives à son application. Le CNDD-FDD population, déjà appauvrie, n’a cessé d’être la cible n’avait pas signé l’Accord de paix et de réconciliation. d’actes de pillage et d’extorsion d’argent ou d’autres Quant au Parti pour la libération du peuple hutu- biens. Les deux groupes armés ont continué d’utiliser Forces nationales pour la libération (PALIPEHUTU- certains enfants comme porteurs, bergers et cuisiniers, FNL), le second des deux principaux groupes politiques et d’autres comme soldats. De nombreuses jeunes filles armés, il a fait part de son intention de poursuivre les auraient été violées par des combattants. hostilités. En mai, plusieurs combattants du PALIPEHUTU-FNL Le pays s’est enfoncé encore un peu plus dans la crise ont été tués, certains après avoir été torturés, à la suite économique. Des dizaines de milliers de personnes de la découverte d’un complot visant apparemment à souffraient de grave malnutrition. Du fait de la priva- assassiner Agathon Rwasa, chef du PALIPEHUTU-FNL, tisation croissante des soins médicaux, un très grand et dans lequel auraient été impliqués de hauts respon- nombre de personnes étaient retenues à l’intérieur sables du gouvernement et du Front pour la démocra- même des hôpitaux privés parce qu’elles n’avaient pu tie au Burundi (FRODEBU), parti à dominante hutu. acquitter leurs frais d’hospitalisation. Par ailleurs, le nombre de personnes qui ont été tuées parce que le PALIPEHUTU-FNL les soupçonnait de col- Homicides de civils par les forces laborer avec le gouvernement a augmenté. De plus, gouvernementales l’intervention de chefs locaux du PALIPEHUTU-FNL Le nombre d’homicides commis de façon aveugle par dans les litiges et les autres affaires normalement les forces armées gouvernementales contre des civils réglées par des fonctionnaires subalternes ou par les hutu non armés a considérablement augmenté cette tribunaux aurait donné lieu à des passages à tabac année. Il s’agissait souvent d’actions de représailles punitifs, voire à des homicides. consécutives à des opérations menées par des groupes Un très grand nombre de civils ont été pris en otages politiques armés. Plus de 500 civils ont été exécutés de par des combattants du CNDD-FDD, parfois après avoir manière extrajudiciaire ; parmi eux figuraient de très été utilisés contre leur gré comme porteurs. La majorité nombreux enfants, dont beaucoup n’avaient pas dix d’entre eux ont été relâchés après le paiement d’une ans. Il semble que ces homicides se soient multipliés à rançon. Au mois de mai, alors qu’il se rendait à la suite d’une déclaration faite à la radio nationale par Bujumbura, l’évêque de Ruyigi a été enlevé par des le porte-parole de l’armée, qui a indiqué que les civils combattants du CNDD-FDD, qui ont affirmé avoir agi se trouvant dans les zones de combat seraient traités dans l’intérêt de sa protection. Il a été libéré sain et sauf comme des « rebelles ». La plupart de ces homicides au bout de cinq jours, mais son chauffeur a été tué. n’ont fait l’objet d’aucune condamnation de la part du Plus de 20 fonctionnaires subalternes de l’administra- gouvernement de transition. tion locale ont été victimes d’homicides illégaux com- ✔ En juillet et en août, plus de 30 civils non armés – mis par l’un ou l’autre des groupes armés ; au moins dont 23 enfants – ont été exécutés de façon extrajudi- 12 des victimes se trouvaient dans la province de ciaire par les forces gouvernementales dans les com- Bubanza, où le CNDD-FDD et le PALIPEHUTU-FNL munes de Rutegama et de Kiganda (province de étaient tous deux actifs. Au mois de septembre, le chef Muramvya). Les victimes étaient apparentées à avec de zone du quartier de Kamenge à Bujumbura a été trois hommes soupçonnés d’appartenir au CNDD-FDD. tué par des hommes armés soupçonnés d’appartenir au Personne n’a été arrêté à la suite de ces homicides. PALIPEHUTU-FNL. 118 BU « Disparitions » l’une des personnes arrêtées a été violement maltraitée. Plusieurs personnes auraient « disparu » à la suite de Le PARENA a été suspendu pour une durée de six mois. leur arrestation ; on craignait qu’elles ne soient mortes. À la fin de l’année, sept suspects étaient toujours déte- ✔ Le 4 septembre, Dieudonné Nzisabira, Rénovat nus sans avoir été inculpés. Mvuyekure et Léopold Bucumi ont été arrêtés par des soldats de la position militaire de Kamesa, dans la com- Détention préventive prolongée mune de Nyabiraba (province de Bujumbura-rural), et Plus de 4500 détenus, sur une population carcérale accusés d’être membres d’un groupe politique armé. Ils d’environ 8300 individus, attendaient d’être jugés. auraient été transférés vers une position militaire Certains étaient incarcérés depuis 1994, essentielle- proche, à Gisovu, mais n’ont pas été revus depuis. ment parce qu’ils étaient soupçonnés d’avoir participé aux massacres de civils tutsi qui s’étaient produits en Torture et mauvais traitements 1993 après l’assassinat du seul président burundais Au moins deux personnes sont mortes en détention à démocratiquement élu. D’autres étaient incarcérés en la suite de tortures. raison notamment de leur appartenance à des groupes ✔ En juillet, le sergent Paterne Mpfukamensabe a été politiques armés. battu à mort dans le camp militaire de Ngagara (à Un très grand nombre de soldats et plusieurs civils Bujumbura) après avoir été arrêté à la suite d’une alter- détenus du fait de leur implication présumée dans les cation avec un autre soldat. Le commandant du camp tentatives de coups d’État d’avril et de juillet 2001 militaire a déclaré dans un premier temps que le sergent n’avaient toujours pas été inculpés à la fin de l’année. avait succombé à de graves troubles gastriques. Or, le Un suspect a été tué dans des circonstances controver- corps présentait des blessures au niveau du visage, de la sées dans la prison de Ngozi. tête et du dos. La justice militaire a ouvert une enquête, En octobre, six personnes ont été inculpées du meurtre, mais celle-ci n’avait pas progressé à la fin de 2002. commis en novembre 2001, du représentant de Un très grand nombre de personnes ont été torturées l’Organisation mondiale de la santé (OMS) au Burundi. ou maltraitées après leur arrestation. Au mois de jan- L’un des accusés, un expatrié travaillant également pour vier, 13 personnes soupçonnées d’entretenir des liens l’OMS, avait quitté le pays. Les cinq autres avaient été avec un groupe politique armé ont été interpellées détenus sans inculpation pendant près d’un an. Au dans la commune de Songa (province de Bururi). Au moins l’un des suspects a été torturé lors de son interro- moins quatre d’entre elles ont été maltraitées dans une gatoire par la Documentation nationale (DN). Aucun position militaire, dont deux femmes âgées qui ont été des accusés n’avait été traduit en justice fin 2002. frappées sur les mains à coups de barre de fer. ✔ En juin, six personnes accusées d’avoir pris part à Les viols étaient monnaie courante. Les soldats des une attaque contre un avion de ligne ont été acquit- forces gouvernementales et les combattants des tées. Au moment de l’attentat, attribué au PALIPE- groupes politiques armés faisaient l’objet de très nom- HUTU-FNL, cet appareil transportant des civils et breuses accusations de viols contre des femmes. Une assurant une liaison internationale allait atterrir à femme est morte en avril à Gihanga (province de Bujumbura. La plupart des accusés étaient détenus Bubanza) après avoir été violée de façon répétée par depuis janvier 2001. Plusieurs suspects ont été torturés des soldats. De très jeunes filles ont également été vio- durant les premiers stades de l’enquête et l’un d’eux lées, souvent par des civils, mais les poursuites judi- aurait « disparu ». Aucune enquête n’a été ouverte sur ciaires étaient rares. les allégations de torture.

Administration de la justice Enfants Un très grand nombre de personnes ont été arrêtées Des enfants ont été tués, torturés ou arrêtés arbitraire- parce qu’elles étaient soupçonnées d’appartenir à des ment par les forces gouvernementales. D’autres ont été groupes politiques armés ou de porter atteinte à la tués par des groupes politiques armés, le plus souvent surêté de l’État. La corruption et le chantage exercés lors d’embuscades. contre des fonctionnaires d’administrations locales, Les enfants ne représentaient qu’une minorité des des policiers et des magistrats ont apparemment détenus, mais aucune des atteintes infligées aux pri- motivé certaines de ces arrestations. Plusieurs oppo- sonniers adultes ne leur était épargnée. Or, aux termes sants et personnes critiques à l’égard du processus de du droit burundais, aucun enfant de moins de treize transition ont été arrêtés et placés en détention. ans ne devrait être placé en détention. ✔ En novembre, l’ancien président Jean-Baptiste ✔ Gilbert Ndabarushimana, onze ans, a été détenu Bagaza, revenu d’exil au mois de juillet, a été accusé de pendant près de deux mois après avoir été arrêté en complot visant à assassiner le président Buyoya, et placé janvier par une milice gouvernementale. Alexandre en résidence surveillée. Plus de 10 membres et sympa- Nzeyimana, apparemment âgé de douze ans, a été thisants de son parti, le Parti pour le redressement arrêté en avril ; il était toujours en détention fin 2002. national (PARENA), soupçonnés d’être impliqués dans le complot et de s’être livrés à d’autres actions de déstabili- Liberté d’expression sation, notamment à des violences à Bujumbura, ont Cette année encore, la liberté d’expression a été la été arrêtés et placés en détention au secret. Au moins cible d’attaques. Des journalistes ont été soumis à des 119 BU mauvais traitements et à des manœuvres d’intimida- des conseils de guerre. Pour les personnes condamnées à tion de la part des forces de sécurité et des autorités. la peine capitale par une cour d’appel, le seul recours Après avoir rendu compte d’une manifestation, un consiste à se pourvoir devant la Chambre de cassation journaliste a été convoqué pour être interrogé et un de la Cour suprême, qui ne se prononce que sur les autre a été maltraité. En mai, le ministre de la Défense points de droit. Or, une telle procédure ne respecte pas a interdit aux journalistes de diffuser des interviews de le droit d’appel. membres de groupes politiques armés. Les défenseurs ✔ Zamda Bagurikunda, une femme d’affaires soup- des droits humains, qui continuaient de surveiller la çonnée d’entretenir des liens avec le CNDD-FDD, et situation et de dénoncer les violations, étaient exposés Dieudonné Niyonsaba, membre des forces armées, à de graves dangers. ont été condamnés à mort par un conseil de guerre pour avoir procuré au CNDD-FDD des munitions Déplacements de population volées à l’armée. Trois autres accusés ont été condam- En raison du conflit, des familles ont dû quitter à plu- nés à des peines plus légères. Aucun n’a pu bénéficier sieurs reprises leur maison et leurs champs. On esti- d’une aide juridique. Zamda Bagurikunda a interjeté mait à environ 450000 le nombre de personnes appel devant la Cour militaire. Son recours n’avait pas déplacées au Burundi ; certaines n’étaient pas rentrées encore été examiné à la fin de l’année. chez elles depuis 1993. Quelque 200000 enfants vivaient dans les camps pour personnes déplacées et Visites d’Amnesty International plusieurs milliers d’autres étaient « dispersés » loin de Des délégués de l’organisation se sont rendus au chez eux mais en dehors des camps. Burundi en mars pour y mener des recherches. Au mois L’insécurité chronique ne permettait qu’un accès de septembre, la secrétaire générale d’Amnesty limité à certaines personnes déplacées, ce qui ne faisait International, accompagnée d’autres délégués, a rencon- qu’aggraver la crise humanitaire. Certains camps ont tré le président de la République, des ministres, d’autres été la cible de pillages et d’attaques par des groupes hauts responsables, des représentants d’organisations de politiques armés. Des informations persistantes indi- défense des droits humains ainsi que des groupes de quaient que certaines personnes déplacées ne pou- réfugiés. Un rapport sur la justice des mineurs au vaient retourner sur leurs terres du fait des agissements Burundi a été rendu public à cette occasion.◆ de responsables locaux corrompus ou de comman- dants militaires qui exigeaient de l’argent. Autres documents d’Amnesty International Réfugiés congolais au Burundi Burundi. Multiplication des homicides lors d’expéditions Le conflit en RDC a contraint des milliers de Congolais punitives visant la population (AFR 16/006/02). à fuir vers le Burundi. Dans la province frontalière de Burundi. Pauvres, isolés, maltraités : les mineurs face Cibitoke, dans le nord du pays, un camp de réfugiés a à la justice (AFR 16/011/02). été fermé en juin à la suite de l’ouverture d’un nouveau camp situé plus loin de la frontière congolaise. Toutefois, des Congolais de l’ethnie banyamulenge qui s’étaient réfugiés à Cibitoke et à Bujumbura ont refusé de s’y rendre, pour des raisons de sécurité. Plusieurs centaines ont choisi de retourner en RDC. Renvois forcés Au mois de janvier, les autorités burundaises ont arrêté et renvoyé de force au moins 13 réfugiés congo- lais banyamulenge vers l’est de la RDC contrôlé par les Rwandais ; huit autres ont subi le même sort en juillet et en août. Tous ont été placés en détention sans inculpation en RDC et certains ont été maltraités. D’autres Banyamulenge, dont des réfugiés, ont été brièvement détenus et parfois battus à Bujumbura. Plus de 300 réfugiés burundais, dont certains vivaient en RDC depuis près de trente ans, ont été renvoyés de force au Burundi en janvier. À leur arrivée à Rumonge, dans le sud du Burundi, ils n’ont reçu qu’une aide humanitaire dérisoire.

Peine de mort Au moins 450 personnes se trouvaient sous le coup d’une sentence capitale, la majorité ayant été condamnées à l’issue de procès inéquitables. Aucune exécution n’a eu lieu. Au moins 50 condamnations à mort ont été prononcées par des cours d’appel, et au moins deux par 120 CA CAMBODGE ROYAUME DU CAMBODGE CAPITALE : Phnom Penh LAOS SUPERFICIE: 181000 km2 THAïLANDE POPULATION: 13,8 millions Battambang CHEF de l’ÉTAT: Norodom Sihanouk CAMBODGE CHEF du GOUVERNEMENT: Hun Sen golfe PHNOM PENH VIÊT-NAM PEINE DE MORT: abolie du Siam COUR PÉNALE mer de Chine INTERNATIONALE: méridionale Statut de Rome ratifié 0 300 km

e nombreux réfugiés appartenant aux Des cas de torture et de mauvais traitements minorités qui peuplent les hautes terres ont été signalés tout au long de l’année dans Dsituées au centre du Viêt-Nam (collectivement les centres de détention. L’appareil judiciaire désignées sous le nom de Montagnards) ont était toujours aussi faible et en proie à une continué d’affluer au Cambodge. Une inquiétude corruption endémique. croissante régnait quant à l’attitude des autorités cambodgiennes, qui ne semblaient pas prêtes à Contexte s’acquitter des obligations qui étaient les leurs au Les élections municipales ont été remportées par le titre de la Convention de 1951 relative au statut Pracheachon (Parti du peuple cambodgien, PPC). Il des réfugiés ( ONU). Malgré ses efforts, le Haut- s’agissait de la première consultation au niveau local Commissariat des Nations unies pour les réfugiés depuis l’Accord de paix de Paris conclu en 1991 qui a (HCR) n’est pas parvenu à mettre en place un mis fin officiellement à la guerre civile. Plus de cadre susceptible de garantir la protection de ces 90 p. cent des postes à responsabilités en jeu dans les personnes. Plusieurs centaines de Montagnards communes sont revenus aux candidats du PPC. Selon ont été accueillis par les États-Unis, mais des les observateurs internationaux présents, le vote et le centaines de nouveaux arrivants ont été arrêtés dépouillement se sont déroulés de manière acceptable. et renvoyés de force au Viêt-Nam. Au moins Ces mêmes observateurs ont cependant fait part de 17 candidats aux élections municipales de février leurs préoccupations concernant les violences et les auraient été tués pendant la campagne qui a manœuvres d’intimidation qui avaient précédé les précédé. La violence politique et les manœuvres élections. d’intimidation ont continué, dans la perspective Par rapport aux années précédentes, la situation poli- des élections législatives prévues pour le milieu tique a été relativement stable tout au long de l’année de l’année 2003. Les Nations unies ont décidé 2002. Le PPC a continué de renforcer son emprise, de ne pas donner leur soutien au tribunal spécial tandis que l’autre formation de la coalition au pou- qui devait juger les dirigeants des Khmers voir, plus faible, le Front uni national pour un rouges. L’organisation a motivé sa décision Cambodge indépendant, neutre, pacifique et coopéra- en indiquant qu’elle doutait de l’indépendance, tif (FUNCINPEC) a assisté au départ de plusieurs de ses de l’impartialité et de l’objectivité d’un tel membres et figures de proue. tribunal et qu’elle craignait que les procès Le Cambodge a ratifié au mois d’avril le Statut de envisagés ne soient pas conformes aux normes Rome de la Cour pénale internationale. internationales de justice. L’Assemblée générale En novembre, le pays a accueilli pour la première fois des Nations unies a cependant demandé en la réunion des dirigeants de l’Association des nations novembre que les négociations reprennent de l’Asie du Sud-Est (ANASE), qui s’est déroulée sans sur cette question entre le secrétaire général incident. Cet événement a constitué une avancée de des Nations unies et le Cambodge. L’impunité taille pour le pays sur la scène internationale. constituait toujours un obstacle majeur à toute Une importante rencontre des pays donateurs a eu lieu garantie des droits humains au Cambodge. au mois de juin à Phnom Penh. À l’issue de cette 121 CA réunion, la communauté internationale a promis accusation permettait de justifier juridiquement son d’accorder quelque 600 millions d’euros au Cambodge maintien en détention provisoire. pour l’année 2003. Les donateurs ont toutefois fait part de leurs inquiétudes concernant la corruption, l’absence Violence politique et intimidation de progrès quant à la réforme du système judiciaire, la La période qui a précédé les élections municipales du nécessité de garantir des élections libres et équitables, le mois de février a été marquée par de nombreux actes caractère sauvage de l’exploitation forestière et la lenteur de violence politique et d’intimidation, qui se sont sol- de la démobilisation des forces armées. dés par la mort d’au moins 17 candidats, dont trois femmes tuées par balle en janvier. Les homicides et les Réfugiés manœuvres de harcèlement et d’intimidation ont En mars, le HCR a dénoncé l’accord tripartite qu’il continué, dans la perspective des élections législatives avait conclu en janvier avec le Cambodge et le Viêt- prévues pour le mois de juillet 2003. Selon des infor- Nam sur le rapatriement volontaire des Montagnards. mations communiquées par une organisation locale de La décision du HCR a été motivée par la visite, dans défense des droits humains, les menaces et les des camps de réfugiés du nord-est du Cambodge, manœuvres d’intimidation se poursuivaient contre les d’une délégation vietnamienne forte de quelque 400 militants politiques. Sept d’entre eux auraient été tués personnes, composée de représentants des autorités et depuis les élections de février. Les victimes de ces de proches des demandeurs d’asile. La délégation a homicides à mobile apparemment politique apparte- exercé des pressions sur les réfugiés et menacé des naient toutes au FUNCINPEC ou au Parti de Sam membres du personnel du HCR. En outre, le HCR ne Rainsy, l’autre grand parti de l’opposition. Les candi- pouvait se rendre librement auprès des personnes dats et militants du PPC, au pouvoir, ne semblaient pas reparties au Viêt-Nam. À partir du mois de mars, le avoir été pris pour cibles. Cambodge a commencé à renvoyer contre leur gré les nouveaux arrivants, en violation des obligations inter- Torture nationales qui étaient les siennes aux termes de la Cinq gardiens de prison accusés d’actes de torture ont Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. La été acquittés au mois d’août, à l’issue d’un procès qui a majorité des quelque 900 Montagnards arrivés en fait date. C’était en effet la première fois depuis 1993 2001 a cependant continué de bénéficier du pro- que des agents de l’État étaient jugés pour des faits de gramme de réinstallation mis en place aux États-Unis ce genre. Les prévenus étaient accusés d’avoir passé à en vertu d’un accord bilatéral. tabac, devant les autres prisonniers, cinq détenus de la ✔ Trois demandeurs d’asile sous protection du HCR prison de la province de Kompong Cham, repris après (un moine vietnamien et un couple chinois se disant une tentative d’évasion, en 1999. Leur acquittement a appartenir au mouvement philosophique Fa Lun été vivement dénoncé par l’envoyé spécial du secré- Gong) ont été portés disparus. Ils auraient vraisembla- taire général des Nations unies pour les droits de blement été renvoyés dans leurs pays respectifs par les l’homme. Le tribunal a recommandé que les cinq gar- autorités. Fait inhabituel, le HCR a publiquement criti- diens fassent l’objet de « sanctions administratives ». qué le Cambodge pour son attitude dans cette affaire. Les cinq victimes continuaient de purger leur peine en prison. Des craintes concernant leur sécurité ont été Les Khmers rouges exprimées, notamment par l’envoyé spécial. Les Nations unies ont rompu en février les négocia- Une importante organisation cambodgienne de tions engagées avec le gouvernement pour la mise en défense des droits humains a publié en août un rap- place d’un tribunal pénal chargé de juger les auteurs port qui faisait état d’une augmentation des cas de vio- présumés des atteintes flagrantes aux droits humains lations des droits humains, et notamment de torture, perpétrées sous le régime des Khmers rouges, de 1975 dans les prisons. L’organisation attribuait cette dégra- à 1979. Cette décision a été prise face au refus persis- dation à l’augmentation très sensible de la population tant du gouvernement cambodgien de se pencher sur carcérale. Sur plus de 2000 détenus interrogés par certains problèmes concernant l’indépendance et l’organisation, plus de 10 p. cent affirmaient avoir été l’impartialité d’un tel mécanisme judiciaire que le torturés pendant leur garde à vue. Un nombre Bureau des affaires juridiques des Nations unies avait moindre disait avoir été torturé en prison. signalés les années précédentes. L’attitude du gouvernement était d’autant plus contra- Impunité dictoire que le Cambodge a ratifié, en avril, le Statut La promotion et la protection des droits humains de Rome de la Cour pénale internationale. Une nou- continuaient de se heurter à l’état lamentable dans velle résolution a été adoptée en novembre par l’ONU, lequel se trouvait le système judiciaire. Les conditions ouvrant la voie à une reprise des négociations sur la matérielles déplorables, le bas niveau des salaires, les question du tribunal. ingérences du pouvoir exécutif, le manque de forma- ✔ Deux suspects khmers rouges arrêtés en 1999 tion du personnel et les carences d’une législation peu étaient toujours en détention. L’un d’eux, Ta Mok, a ou mal appliquée se conjuguaient pour donner un sys- été accusé en février de crimes contre l’humanité, en tème judiciaire n’inspirant pas confiance aux vertu de la législation cambodgienne. Cette mise en Cambodgiens et faisant chaque jour preuve de son 122 CA incapacité à assumer ses devoirs et ses responsabilités. Autres documents d’Amnesty International Les nombreuses initiatives visant à réformer la justice Royaume du Cambodge. Nécessité urgente d'une réforme du pays, souvent soutenues par des donateurs interna- judiciaire (ASA 23/004/02). tionaux, n’ont débouché sur aucun résultat concret. Royaume du Cambodge. Il est temps que justice soit rendue. Cas d’appel (ASA 23/005/02). Visites d’Amnesty International République socialiste du Viêt-Nam / Royaume du Une délégation d’Amnesty International s’est rendue Cambodge. Les Montagnards : une minorité nulle part au Cambodge au mois de mars.◆ à l’abri (ASA 41/011/02). CAMEROUN RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN NIGER lac Tchad CAPITALE: Yaoundé SUPERFICIE: 475442 km2 TCHAD POPULATION: 15,5 millions CHEF de l’ÉTAT: Paul Biya NIGÉRIA CHEF du GOUVERNEMENT: Peter Mafany Musonge PEINE DE MORT: maintenue RÉPUBLIQUE COUR PÉNALE Zone Bamenda CENTRAFRICAINE INTERNATIONALE: de conflit Statut de Rome signé CAMEROUN Douala Bioko YAOUNDÉ (GUINÉE ÉQUATOR.) golfe de Guinée GUINÉE ÉQUATORIALE CONGO 0 400 km

ette année encore, les forces de sécurité incarcérées ; plusieurs d’entre elles souffraient de ont maltraité des suspects de droit commun, graves problèmes de santé. Cdes militants politiques et des membres de minorités ethniques dans les postes de police. Contexte Au moins une personne est morte en garde Les élections législatives de juin ont donné au à vue, apparemment après avoir été torturée Rassemblement démocratique du peuple camerounais par des gendarmes. Huit gendarmes mis en (RDPC, au pouvoir) une majorité accrue au Parlement. cause dans la « disparition », en 2001, de neuf Dans un arrêt rendu le 10 octobre, la Cour internatio- adolescents de Douala, ont été jugés par un nale de justice de La Haye a reconnu au Cameroun la tribunal militaire. Des membres du Southern souveraineté sur la presqu’île de Bakassi, un territoire Cameroons National Council (SCNC, Conseil riche en pétrole qui faisait l’objet d’un différend fron- national du Cameroun méridional) ont été talier entre le Nigéria et le Cameroun. arrêtés et détenus sans jugement pendant plusieurs semaines. Des défenseurs des droits Défenseurs des droits humains et journalistes humains et des journalistes indépendants ont Les manœuvres d’intimidation et de harcèlement été en butte à des manœuvres de harcèlement et contre des défenseurs des droits humains, des journa- d’intimidation de la part des forces de sécurité, et listes indépendants et des opposants politiques se sont certains ont été détenus sans jugement pendant multipliées au cours de l’année. Il est arrivé que les des semaines. Dix-huit personnes condamnées forces de sécurité confisquent les documents de voyage en 1999 à de lourdes peines d’emprisonnement de personnes considérées comme critiques à l’égard du à l’issue d’un procès inéquitable demeuraient gouvernement, leur interdisant de ce fait de se rendre 123 CA à l’étranger pour participer à des réunions internatio- transporté à l’hôpital, avant d’être libéré sous caution nales. Des perquisitions avaient lieu régulièrement dans le 17 mai sur décision du tribunal de grande instance les locaux des défenseurs des droits humains et des de Bamenda. Cependant, il a été une nouvelle fois opposants, dont les documents étaient saisis sans expli- arrêté quelques jours plus tard. Il était toujours détenu cation. Des éditeurs, des journalistes et des défenseurs à la fin de l’année, de même que trois autres membres des droits humains ont été arrêtés par la gendarmerie et de l’ethnie mbororo, Adamu Isa, Yunusa Mbaghoji et détenus pendant des semaines sans inculpation. Les Yaouba Oumaru. journalistes travaillant pour des publications et des ✔ Shiynyuy Georges, militant du SCNC, a été inter- groupes de presse indépendants, comme Mutations, Le pellé par des gendarmes le 10 septembre à Tobin, un Front Indépendant et Le Messager, ont été tout particu- quartier de Kumbo (province du Nord-Ouest), et lièrement pris pour cible. conduit au poste de gendarmerie du secteur. Sa femme ✔ Albert Mukong, ancien directeur du Human Rights a affirmé que lorsqu’elle l’avait vu le lendemain à la Defence Group (Groupe de défense des droits de gendarmerie, il lui avait expliqué que des gendarmes l'homme), a été arrêté par des gendarmes le 28 sep- l’avaient violemment battu toute la nuit. Shiynyuy tembre à Ayukaba, dans la province du Sud-Ouest. Il Georges est mort en garde à vue le 16 septembre, pen- a été conduit à la gendarmerie de Mamfe, où il est dant qu’on le transférait à Bamenda, semble-t-il. À la resté détenu jusqu’à sa remise en liberté sous caution, connaissance d’Amnesty International, aucune le 22 octobre. Il était accusé, de même que sept enquête n’avait été ouverte sur les causes de sa mort à membres du SCNC, de réunions illégales, troubles à la fin de l’année. l’ordre public, banditisme et sécession. Amnesty International pense qu’Albert Mukong a été pris pour Impunité cible parce qu’il s’était publiquement prononcé en Le 9 juillet, un tribunal militaire de Yaoundé a faveur du droit à l’autodétermination des provinces condamné deux gendarmes pour leur implication dans anglophones du Cameroun. la « disparition » de neuf adolescents de Bépanda Omnisport, un quartier de Douala. Ces derniers, Détention sans inculpation connus comme les « neuf de Douala », avaient été arrê- Des personnes ont été détenues sans inculpation, par- tés en février 2001 pour le vol présumé d’une bouteille fois pendant plusieurs mois, en violation de la législa- de gaz. Ils ont « disparu » après avoir été conduits à tion nationale qui dispose que toute personne Bonanjo, un autre quartier de Douala, et détenus dans interpellée doit être présentée devant une autorité des locaux du Commandement opérationnel, une judiciaire dans les soixante-douze heures suivant son unité de la gendarmerie spécialisée dans la lutte contre arrestation pour être ou inculpée, ou relâchée. la criminalité. Selon certaines allégations, ils auraient Les autorités ont continué de s’en prendre aux militants été victimes d’exécutions extrajudiciaires. Les deux anglophones des provinces du Sud-Ouest et du Nord- gendarmes, qui ont été reconnus coupables de « viola- Ouest. Au cours de l’année, au moins 10 membres du tion de consignes » et de « complicité de violation de SCNC ont été arrêtés et détenus sans inculpation pen- consignes », ont été condamnés à de courtes peines dant des semaines. d’emprisonnement. Les six autres gendarmes jugés ✔ Le 18 mai, Nwanchang Thomas a été interpellé par dans cette affaire ont été acquittés. À la fin de l’année, des gendarmes à Bamenda, dans la province du Nord- personne n’avait eu à répondre de la « disparition » des Ouest, alors qu’il distribuait des tracts prônant l’indé- « neuf de Douala ». pendance du Cameroun méridional. Transféré à la prison centrale de Bamenda, il a été maintenu en Visites d’Amnesty International détention jusqu’au 3 juin, date de sa libération sans Les délégués de l’organisation, en dépit de leurs inculpation. demandes répétées, n’ont pu obtenir des autorités camerounaises qu’elles leur accordent un visa pour se Torture et mauvais traitements rendre dans le pays.◆ Cette année encore, des suspects placés en garde à vue dans les locaux de la gendarmerie ont été victimes Autres documents d’Amnesty International d’actes de torture et de traitements cruels, inhumains Cameroun. La veille d’une importance conférence sur la et dégradants. défense des droits fondamentaux, un défenseur des droits ✔ Ousman Haman, membre de l’ethnie mbororo, humains est arrêté et harcelé (AFR 17/001/02). présente dans la province du Nord-Ouest, a été arrêté Cameroun. Affaire des neuf « disparus » de Douala: À à Bamenda le 29 avril. Son interpellation est interve- quand le jugement des responsables? (AFR 17/006/02). nue alors qu’un litige opposait des bergers mbororo à Cameroun. Un défenseur des droits humains et des un propriétaire qui, semble-t-il, entretenait des liens militants politiques ont été arrêtés et emprisonnés étroits avec les autorités. Au dire de son avocat, les (AFR 17/008/02). gendarmes l’ont torturé après son arrestation. Ils l’auraient frappé 150 fois avec une badine sur la plante des pieds, puis l’auraient fouetté tout en le contrai- gnant à sauter dans du sable. Ousman Haman a été 124 CA CANADA

océan Groenland ÉTATS-UNIS Arctique (DANEMARK) ISLANDE

océan océan CANADA Atlantique Pacifique

Vancouver Saskatoon

Québec ÉTATS-UNIS OTTAWA Montréal 0 1000 km Toronto

CANADA lors d’une manifestation de soutien aux revendications territoriales des Autochtones. Les représentants de l’État CAPITALE: Ottawa canadien ont fait valoir auprès du Comité que le gouver- SUPERFICIE: 9970610 km2 nement fédéral n’avait pas autorité pour mener des enquêtes sur les allégations de fautes commises par des POPULATION: 31,3 millions fonctionnaires et des policiers de la province dans l’exer- CHEF du GOUVERNEMENT: cice de leurs fonctions. Dans ses conclusions, le Comité a Jean Chrétien fait remarquer que la « responsabilité de l’application de la Convention incombe au premier chef au gouvernement fédé- PEINE DE MORT: abolie ral du Canada ». COUR PÉNALE INTERNATIONALE: Réfugiés Statut de Rome ratifié La nouvelle Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés est entrée en vigueur le 28 juin. Malgré certaines mnesty International était préoccupée de ses dispositions, le gouvernement a choisi de sus- par la manière dont était mise en œuvre pendre la création d’une section d’appel pour les réfu- l’obligation,A pour la police, de rendre compte giés. Cela a en fait privé les demandeurs d’asile du droit de ses actes ainsi que par la question fondamental d’interjeter appel sur le fond dans le cas où de la protection des réfugiés. la décision de la Commission de l’immigration et du sta- tut de réfugié concernant leur affaire serait négative. Obligation de la police de rendre des comptes ✔ En janvier, la Cour suprême a statué sur le cas de Le procès des quatre policiers accusés du meurtre Manickavasagam Suresh, qui avait obtenu le statut de d’Otto Vass, battu à mort à Toronto en août 2000, réfugié au Canada en 1991. Les autorités canadiennes n’avait pas encore eu lieu à la fin de 2002. avaient entamé contre lui une procédure de renvoi forcé à En juin, Ramsey Whitefish, un Autochtone, aurait été Sri Lanka en raison de ses liens supposés avec un groupe roué de coups par deux agents de police à Toronto. En armé d’opposition. Il était à craindre qu’il ne soit torturé septembre, après une très forte pression de l’opinion à Sri Lanka. La Cour a statué que, sauf en cas de circons- publique, deux policiers ont été inculpés de coups et tances exceptionnelles, le renvoi forcé d’une personne blessures dans cette affaire. vers un pays où elle risque d’être torturée constitue une En août, le refus persistant des autorités d’ouvrir une violation des principes fondamentaux de la justice. La enquête sur la mort de Dudley Georgea été soumis au Cour a reconnu la présence d’éléments sérieux indiquant Comité des Nations unies pour l’élimination de la discri- que Manickavasagam Suresh risquait d’être torturé s’il mination raciale. Cet Autochtone avait été abattu en était renvoyé à Sri Lanka. La décision d’expulsion était en 1995 par un agent de la police provinciale de l’Ontario cours de réexamen à la fin de l’année. 125 CH ✔ En juin, Mansour Ahani a été renvoyé de force en frontalier de l’autre pays. Cet accord devait entrer en Iran, bien que le Comité des droits de l’homme des vigueur au début de 2003. Il était à craindre qu’il Nations unies ait prié les autorités canadiennes de ne n’entraîne des violations des droits humains, notam- pas procéder à cette opération. Le Comité souhaitait ment des détentions arbitraires et des renvois forcés. disposer du temps nécessaire pour examiner une com- munication concernant cet homme. À son arrivée en Autres questions Iran, Mansour Ahani a, semble-t-il, été arrêté. Depuis En octobre, le Canada a adhéré au Protocole facultatif lors, l’organisation est sans nouvelles de lui. à la Convention sur l’élimination de toutes les formes Tout au long de l’année un certain nombre de gens, de discrimination à l’égard des femmes (ONU), qui souvent des personnes accusées de soutenir des donne la possibilité aux femmes de formuler indivi- groupes islamistes armés, risquaient d’être expulsés du duellement des plaintes auprès du Comité veillant à Canada et envoyés dans des pays où, selon Amnesty l’application de la Convention. International, ils risquaient sérieusement d’être vic- Il était à craindre qu’un référendum concernant la times de torture. négociation des revendications territoriales, organisé Le 5 décembre, le Canada et les États-Unis ont signé une par le gouvernement provincial de la Colombie- entente sur les « tiers pays sûrs » ; aux termes de cet Britannique, n’implique une volonté d’abroger les accord, à quelques exceptions près, les personnes en quête droits dont jouissent actuellement les populations d’asile qui ont transité par l’un de ces deux pays ne peu- indigènes en vertu de la législation nationale et du vent déposer une demander d’asile à un point d’entrée droit international.◆ CHILI RÉPUBLIQUE DU CHILI PÉROU CAPITALE: Santiago SUPERFICIE: 756945 km2 BOLIVIE POPULATION: 15,6 millions CHEF de l’ÉTAT et du GOUVERNEMENT: Ricardo Lagos Escobar océan Pacifique PEINE DE MORT: abolie en juin, sauf pour crimes exceptionnels COUR PÉNALE INTERNATIONALE: Statut de Rome signé SANTIAGO

ARGENTINE ette année encore des détenus, même CHILI mineurs, ont enduré des conditions Cde détention éprouvantes et ont continué à faire l’objet de mauvais traitements. Des affrontements entre la police et les populations indigènes ont de nouveau été signalés dans le contexte de conflits fonciers ; une personne a été tuée. Les poursuites engagées contre Augusto Pinochet ont été abandonnées, océan Atlantique mais d’autres enquêtes menées sur des violations des droits humains commises par le passé se sont poursuivies.

îles Falkland Contexte (îles Malouines) Au mois septembre, des informations parues dans la Punta presse ont fait état de la résurgence d’une organisation Arenas secrète appelée Comando Conjunto (Commandement 0 600 km conjoint). Elle avait été accusée d’avoir joué un rôle 126 CH dans des atteintes aux droits humains commises par le inhumain et dégradant, et ordonné que leur usage soit passé. Selon ces articles, cette organisation aurait restreint jusqu’à ce que des cellules d’isolement indivi- entrepris de se reconstituer pour faire obstruction aux duelles aient été aménagées. enquêtes ouvertes sur des violations passées des droits de la personne. Enfants En octobre, le 3e tribunal pénal a ordonné le jugement En septembre, la cour d’appel de Santiago a conclu de Patricio Campos Montecinos, ancien général de que les autorités avaient violé la Convention des l’armée de l’air, et conclu qu’il avait caché et détruit Nations unies relative aux droits de l’enfant en per- des informations relatives à cinq personnes qui avaient mettant que des enfants et des jeunes de moins de dix- « disparu » sous le régime militaire, « pour le plus huit ans soient détenus avec des adultes et placés dans grand profit des auteurs de ces crimes et au détriment de des cellules disciplinaires. Selon les informations l’administration de la justice ». reçues, à la suite de cette décision de la cour, le direc- Au mois d’août, l’Agrupación de Familiares de teur du personnel carcéral a ordonné que les enfants Detenidos Desaparecidos (Groupement de familles de privés de liberté soient séparés des adultes et qu’il ne détenus « disparus »), une organisation non gouverne- soit plus fait usage des cellules disciplinaires. mentale de défense des droits humains, a demandé que de nouvelles expertises médicolégales soient prati- Violations des droits humains commises quées sur les restes de victimes de « disparition » qui par le passé avaient été restitués aux familles pour que celles-ci L’opération Caravane de la mort puissent procéder à leur inhumation. Cette demande Au mois de juillet, la 2e chambre de la Cour suprême faisait suite à la divulgation d’un rapport établi en du Chili a décidé d’abandonner les poursuites enga- 1995 par le Département de médecine légale et de cri- gées contre Augusto Pinochet dans l’affaire de la minalistique de l’université de Glasgow et relatif à Caravane de la mort. Il s’agit d’une opération militaire l’identification de restes humains découverts dans le conduite en 1973, au cours de laquelle 75 personnes secteur n° 29 du cimetière général de Santiago. Ce ont été tuées. Dans son arrêt, la Cour a indiqué que le rapport avait été adressé à l’unité compétente du général n’était pas mentalement apte à être jugé et que ministère chilien de la Justice, à savoir le Service médi- les troubles dont il souffrait étaient incurables. Après colégal chilien. Celui-ci avait cependant omis de le cet arrêt, Augusto Pinochet a démissionné de son transmettre au tribunal chargé de l’enquête ainsi que poste de sénateur à vie. Il a automatiquement bénéfi- d’informer les familles de ses conclusions. cié de l’immunité que lui vaut sa qualité d’ancien pré- Une information judiciaire a été ouverte et le ministre sident de la République. de la Justice a annoncé une réorganisation du Service En septembre, la fille de Benito Tapia, un dirigeant médicolégal. syndical victime de la Caravane de la mort, a intenté une action en justice devant un tribunal civil contre Mauvais traitements Augusto Pinochet. Cette année encore des détenus, y compris des L’enquête sur l’affaire Prats mineurs, ont enduré des conditions de détention En juillet, un juge argentin a demandé la levée de éprouvantes et subi des mauvais traitements. l’immunité présidentielle d’Augusto Pinochet pour ✔ Au mois de janvier, des détenus de l’aile Alfa de la l’interroger au sujet du meurtre du général chilien prison de Colina II, un quartier de haute sécurité, se Carlos Prats et de sa femme, tués à Buenos Aires en sont infligés eux-mêmes des blessures à l’aide d’objets 1974. Au mois de novembre, la Cour suprême a tranchants pour protester contre les mauvais traite- confirmé l’arrêt de la cour d’appel de Santiago, qui ments dont ils faisaient l’objet et le caractère déplo- avait décidé de ne pas faire droit à cette demande. rable de leurs conditions de détention. À la fin du mois Autres affaires de janvier, la 5e chambre de la cour d’appel de Santiago Des progrès ont été accomplis dans plusieurs affaires a ordonné la fermeture de ce quartier. La décision de la concernant des violations des droits humains com- cour faisait suite à une requête en intro- mises par le passé. En outre de nouvelles actions judi- duite au nom de 25 détenus qui se plaignaient de pas- ciaires ont été engagées au cours de l’année. sages à tabac et d’autres formes de mauvais traitements À cet égard, il y a lieu de citer l’ouverture d’une infor- perpétrés par leurs gardiens. La cour a statué qu’ils mation judiciaire concernant la mort de deux enfants, avaient été soumis à des traitements cruels, inhumains Jim Christie Bossy et Rodrigo Javier Palma Moraga, et dégradants. âgés respectivement de huit et sept ans, tués au mois ✔ Selon les informations reçues, la cour d’appel de de décembre 1973, ainsi que le procès intenté contre Santiago a ordonné, en octobre, l’ouverture d’une sept anciens membres de la Dirección de Inteligencia enquête sur des allégations de mauvais traitements Nacional (DINA, Direction des services nationaux de infligés par des gardiens à un condamné de droit com- renseignements). Ceux-ci ont été accusés de l’enlève- mun emprisonné dans une cellule disciplinaire de ment d’une vingtaine de personnes à Villa Grimaldi, l’ancien pénitencier. La cour a statué que les condi- un centre de détention secret situé à Santiago, dans les tions de détention dans les cachots de cet établisse- années 1974 et 1975. On continuait à tout ignorer du ment s’apparentaient à une forme de traitement cruel, sort de ces personnes. 127 CH Populations indigènes Visites d’Amnesty International De nouvelles informations ont fait état d’affronte- En mai, l’organisation a envoyé un observateur assister ments et d’un recours excessif à la force par des cara- aux audiences du procès en appel d’Augusto Pinochet, bineros (agents de la police nationale en uniforme) dans la procédure relative à la Caravane de la mort.◆ dans le sud du pays, dans le cadre de conflits fonciers persistants relatifs au droit à la terre. Autres documents d’Amnesty International ✔ Au mois de novembre, Edmundo Alex Lemun, un Chile: An independent justice system and equality jeune Mapuche de dix-sept ans, est mort à l’hôpital before the law are the pillars of a fair society [Chili. après avoir reçu une balle dans la tête. Un système judiciaire indépendant et l’égalité D’après les informations recueillies, des carabineros devant la loi sont les piliers d’une société équitable] ont tiré sur lui lors d’un affrontement entre des (AMR 22/002/02). Mapuche et des carabineros à Ercilla, dans la région Chili. Affaire Pinochet : la décision de la Cour suprême IX. Une enquête a été ouverte sur cette affaire, mais ne devrait pas influer sur les autres procès elle n’était pas encore close à la fin de l’année. (AMR 22/006/02). CHINE

RUSSIE

KAZAKHSTAN

MONGOLIE KIRGHIZISTAN Ürümqi CORÉE DU NORD TADJIKISTAN mer PÉKIN Jaune CORÉE DU SUD mer de Chine PAKISTAN CHINE Shanghai orientale

Lhassa NÉPAL Canton INDE BHOUTAN TAIWAN Hong Kong BANGLADESH Macao VIÊT-NAM MYANMAR LAOS mer de Chine 0 1000 km golfe du méridionale Bengale

RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE CAPITALE: Pékin CHEF du GOUVERNEMENT: Zhu Rongji SUPERFICIE: 9584492 km2 PEINE DE MORT: maintenue POPULATION: 1,294 milliard COUR PÉNALE INTERNATIONALE: CHEF de l’ÉTAT: Jiang Zemin Statut de Rome non signé 128 CH es violations graves des droits humains se sont de l’État chinois était prévue pour mars 2003. La cam- poursuivies en 2002, et la situation s’est même pagne Frapper fort s’est intensifiée à l’approche de ce Ldétériorée à certains égards. Des dizaines de Congrès, après la décision prise en avril de la recon- milliers de personnes étaient toujours détenues ou duire pour une année. emprisonnées de manière arbitraire dans tout le Au mois d’août, la Chine a ratifié la Convention pays, pour avoir exercé pacifiquement leurs droits n° 182 de l’Organisation internationale du travail à la liberté d’expression, d’association ou de (OIT), qui requiert l’adoption de mesures immédiates croyance. Certaines étaient condamnées à des pour éradiquer les pires formes de travail des enfants. peines de prison, mais nombre d’autres personnes En même temps, le gouvernement chinois a émis une se trouvaient en détention administrative sans directive interdisant le travail des enfants à partir du inculpation ni jugement. La campagne de lutte 1er décembre 2002. contre la criminalité intitulée Frapper fort et Les modifications du Code pénal adoptées vers la fin du lancée en avril 2001 a été reconduite pour une mois de décembre 2001 et concernant la lutte « antiter- année. Selon les informations provisoires roriste » ont élargi le champ d’application de la peine disponibles, cette campagne a débouché de mort; les organisations « terroristes » et certaines sur au moins 1921 condamnations à mort, activités y étaient définies en des termes vagues qui ris- souvent prononcées à l’issue de procès iniques, quaient d’être utilisés pour supprimer les droits légi- et 1060 exécutions. La torture et les mauvais times à la liberté d’expression et d’association. traitements étaient toujours très répandus ; Rompant avec leurs habitudes, les États membres de la il semble que ces pratiques se soient intensifiées Commission des droits de l’homme des Nations unies avec la campagne Frapper fort. La répression se sont abstenus, en avril, de proposer une résolution de la criminalité a également touché des personnes sur la situation des droits humains en Chine. En août, soupçonnées d’être des « séparatistes ethniques », la haut-commissaire aux droits de l’homme des des « terroristes » ou des « extrémistes religieux » Nations unies, Mary Robinson, s’est rendue en Chine dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang, où elle a soulevé divers problèmes auprès des autorités, ou encore des membres du mouvement notamment la répression des minorités ethniques, philosophique Fa Lun Gong. De nouvelles l’incarcération de prisonniers politiques à l’issue de réglementations ont été adoptées pour contrôler procès iniques et la peine capitale. l’accès à Internet. Face à l’intensification des mouvements de protestation ouvrière, la police a Droits des travailleurs et agitation sociale souvent fait un usage excessif de la force et procédé L’augmentation massive des conflits du travail s’est à des arrestations arbitraires. Dans la région du poursuivie. Les protestations portaient notamment sur Xinjiang, de nouvelles restrictions ont été imposées les bas salaires, la corruption des cadres, les licencie- sur les droits culturels et religieux de la minorité ments de masse, les conditions de travail dangereuses ouïghoure, qui est essentiellement musulmane. et les pratiques restrictives dans les usines. Au Tibet, la liberté d’expression et de religion Face aux manifestations, la police a souvent fait un était toujours soumise à de sévères restrictions, usage excessif de la force qui s’est soldé par des morts. même si sept prisonniers d’opinion ont été libérés Des manifestants ont été arrêtés et harcelés; certains se avant d’avoir purgé la totalité de leur peine. sont vu condamner à de longues peines d’emprisonne- ment. Des journalistes et des avocats ont été victimes Contexte d’actes d’intimidation et d’arrestations pour avoir pris Les mesures destinées à renforcer l’autorité de la loi et la défense des manifestants ou porté les manifestations les institutions judiciaires continuaient d’être sapées par à la connaissance du public. les campagnes politiques contre les opposants présumés Les réformes d’octobre 2001 concernant la Loi sur les au gouvernement. Les appels au nationalisme, à la sécu- syndicats ont permis d’apporter quelques améliorations, rité de l’État et à la stabilité sociale ont servi à justifier la mais aussi d’imposer de nouvelles restrictions aux droits répression contre les minorités ethniques et religieuses des travailleurs. La nouvelle loi restreignait toujours sévè- dans les régions retirées et contre les mouvements reli- rement les droits à la liberté d’association et d’expression, gieux et philosophiques non reconnus par les autorités, et les syndicats indépendants demeuraient illégaux. dans toute la Chine. La campagne Frapper fort de ✔ En mars, quatre dirigeants ouvriers, Yao Fuxin, répression de la criminalité a encore donné lieu à de Xiao Yunliang, Pang Qingxiang et Wang Zhaoming, nombreuses condamnations à mort ou à des peines de ont été arrêtés après avoir participé à d’importantes prison lourdes, souvent à l’issue de procès sommaires ; manifestations menées par des ouvriers d’une usine de elle a également continué de justifier le recours à la tor- Liaoyang (province du Liaoning) qui avaient été licen- ture et aux mauvais traitements pour extorquer des ciés. Wang Zhaoming et Pang Qingxiang ont été « aveux » à des suspects de droit commun. libéré sous caution en décembre, mais il semble que Lors du 16e Congrès national du Parti communiste Wang Zhaoming ait été de nouveau arrêté après avoir chinois (PCC), en novembre, Hu Jintao a été élu pour engagé un avocat en vue d’attaquer les autorités en remplacer Jiang Zemin au poste de secrétaire général justice pour ses neuf mois de détention. Selon cer- du PCC. Son entrée en fonction en tant que président taines sources, Yao Fuxin et Xiao Yunliang ont été 129 CH inculpés de « subversion », mais leur procès n’avait pas La réglementation adoptée en janvier 2001 prévoit la encore commencé à la fin de l’année. peine de mort pour les personnes reconnues coupables Les mouvements de protestation se sont également d’avoir commis un acte « particulièrement domma- poursuivis dans les zones rurales, pour dénoncer geable » en divulguant, par le biais d’Internet, des notamment la corruption et la lourdeur des taxes. Une « secrets d’État » à des organisations ou personnes fois encore, des manifestants ont été arrêtés et certains étrangères. En janvier 2002, le ministère de l’Industrie ont été condamnés à de longues peines d’incarcération. de l’information a annoncé une nouvelle réglementa- tion qui exige des fournisseurs d’accès qu’ils surveillent Répression des mouvements religieux de plus près l’utilisation d’Internet par la population et philosophiques chinoise. Une série de nouveaux règlements, élaborés Les membres de mouvements philosophiques ou reli- par le ministère de la Culture pour limiter l’accès à gieux non officiels, notamment d’organisations chré- Internet et restreindre les activités des cybercafés, est tiennes non reconnues ou de certains groupes de entrée en vigueur en novembre. qigong, ont cette année encore été la cible de mesures ✔ L’écrivain Chen Shaowen, de la province du de détention arbitraire, d’actes de torture et de mau- Hunan, aurait été arrêté le 6 août après avoir diffusé vais traitements. « jusqu’à 40 articles et essais réactionnaires » sur La répression exercée contre le mouvement philoso- Internet. Selon des informations officielles, il a ensuite phique Fa Lun Gong, interdit en juillet 1999 en tant été inculpé de «subversion de l’État » pour avoir, qu’« organisation hérétique », s’est intensifiée, en particu- semble-t-il, écrit de nombreux articles à l’intention de lier après que certains de ses membres eurent intercepté divers sites Internet étrangers en langue chinoise. Ces des chaînes de télévision par câble et par satellite pour textes préconisaient la création de syndicats ouvriers et diffuser des messages en faveur de leur mouvement. paysans indépendants, et abordaient des questions Des dizaines de milliers de pratiquants du Fa Lun telles que les inégalités sociales et les carences du sys- Gong étaient toujours en détention; un grand nombre tème judiciaire en Chine. d’entre eux risquaient d’être victimes de torture et de ✔ Le dissident de longue date Xu Wenli a été libéré et mauvais traitements s’ils refusaient de renoncer à leurs envoyé en exil aux États-Unis en décembre, neuf ans convictions. À la fin de l’année 2002, on estimait à avant la fin de sa peine. Il avait été condamné à treize environ 500 les membres du mouvement qui seraient années d’emprisonnement pour « subversion » en 1998, morts en détention. après avoir fondé le Parti démocratique de Chine La plupart des pratiquants détenus se trouvaient dans (PDC). Officiellement, Xu Wenli a été libéré pour rai- des centres de « rééducation par le travail », mais cer- sons médicales, en raison de la détérioration de son état tains étaient en prison ou dans des hôpitaux psychia- de santé due à l’hépatite B contractée en prison. triques. Les personnes accusées d’avoir organisé des manifestations du Fa Lun Gong ont été condamnées à Torture et mauvais traitements des peines d’emprisonnement, à l’issue de procès La torture et les mauvais traitements restaient des pra- apparemment inéquitables. tiques endémiques; des cas ont été signalés dans de ✔ Zhao Ming, pratiquant du Fa Lun Gong de la ville de nombreuses institutions étatiques, mais aussi sur des Changchun (province du Jilin), a affirmé avoir été roué lieux de travail et chez des particuliers. Les victimes de coups de poing, frappé à l’aide d’une matraque élec- comprenaient aussi bien des détenus accusés de délits trique, privé de sommeil et alimenté de force pendant sa politiques ou d’infractions de droit commun que de détention au camp de « rééducation par le travail » de simples passants qui s’étaient trouvés à proximité Tuanhe, à Pékin, où il est resté de juin 2000 à mars 2002. d’une manifestation, des travailleurs migrants, des Des membres de groupes chrétiens non reconnus par les vagabonds et des femmes soupçonnées de prostitution. autorités ont également été arrêtés et parfois condamnés Parmi les méthodes de torture couramment utilisées à de longues peines de prison. Certains ont affirmé figuraient les coups de pied, les passages à tabac, les avoir été torturés ou maltraités durant leur garde à vue. décharges électriques, la suspension par les bras, l’enchaînement dans une position douloureuse ou la Militants politiques, défenseurs des droits privation de sommeil et de nourriture. humains et utilisateurs d’Internet En juin Zhu Chunlin, haut fonctionnaire du minis- Des militants politiques, des défenseurs des droits tère de la Sécurité publique, a reconnu que le recours à humains et des utilisateurs d’Internet ont été arrêtés et la torture pour extorquer des « aveux » demeurait un emprisonnés pour avoir exercé, pourtant pacifique- problème, ajoutant qu’il était nécessaire d’imposer une ment, leurs droits à la liberté d’expression et d’associa- discipline policière plus stricte et de mener davantage tion. Un grand nombre d’entre eux étaient détenus d’enquêtes sur les exactions. pour des infractions liées aux « secrets d’État » ou à la ✔ Sur la base de témoignages qui auraient été obtenus « subversion », chefs d’inculpation à la définition vague sous la torture, Gong Shengliang et quatre autres utilisés largement par les autorités pour réprimer la personnes ont été condamnés à mort au mois de dissidence. Plusieurs personnes purgeaient de longues décembre 2001 pour leur appartenance à une organi- peines de prison pour avoir fait circuler sur Internet sation chrétienne non reconnue. Trois femmes ont des informations politiquement « sensibles ». déclaré que des policiers les avaient torturées pour les 130 CH contraindre à « avouer » qu’elles avaient eu des relations Peine de mort sexuelles avec Gong Shengliang, dont les chefs d’incul- L’application de la peine capitale était toujours aussi pation comprenaient le viol. Elles ont affirmé, entre fréquente et arbitraire, et résultait souvent des ingé- autres, avoir été enchaînées, fouettées, rouées de coups rences du pouvoir politique. La multiplication des de pied et frappées sur leur poitrine dénudée avec une condamnations à mort observée après le lancement de matraque électrique. En octobre 2002, les peines capi- la campagne Frapper fort s’est poursuivie en 2002, en tales des cinq condamnés ont été commuées en longues particulier durant la période qui a précédé le congrès peines de prison, à l’issue d’un nouveau procès qui avait du PCC de novembre ; cette campagne rendait pas- été ordonné en raison de l’« insuffisance des éléments à sibles de la peine de mort les auteurs d’infractions charge et du manque de clarté des faits ». Toutefois, il autrefois punies de peines d’emprisonnement. semble que les verdicts se fondaient toujours sur des Des personnes ont été exécutées pour des infractions à « aveux » arrachés sous la torture. la législation sur les stupéfiants et pour des crimes de sang, mais aussi pour des délits ne relevant pas de la Détention administrative, procès inéquitables criminalité violente, tels que la fraude fiscale et le et état de droit proxénétisme. À la fin de l’année, malgré le peu Les atteintes aux droits humains demeuraient générali- d’informations disponibles, Amnesty International sées sous les effets conjugués d’une législation pénale à avait recensé 1921 condamnations à mort et 1060 exé- la fois répressive et formulée en termes vagues, des cutions; cependant, les chiffres réels étaient probable- mesures de détention administrative, de la faiblesse du ment beaucoup plus élevés. Les condamnés étaient pouvoir judiciaire et de l’impunité dont jouissaient les exécutés par balle ou par injection, parfois quelques fonctionnaires coupables d’abus de pouvoir. heures seulement après avoir été jugés. Comme les Comme les années précédentes, le recours à deux sys- années précédentes, il semble que plusieurs condamnés tèmes de détention administrative s’est considérable- à mort aient été victimes d’erreurs judiciaires en raison ment accru. Plus d’un million de personnes, dont des d’« aveux » arrachés sous la torture. travailleurs migrants, des vagabonds et des enfants sans ✔ Au mois de juin, au moins 150 personnes déclarées abri, étaient détenues sans inculpation en vertu d’un coupables d’infractions liées aux stupéfiants ont été système de détention administrative dit de « détention exécutées dans toute la Chine pour marquer le et rapatriement ». 26 juin, décrété par les Nations unies Journée interna- Au début de l’année 2001, quelque 310000 personnes tionale contre l’abus et le trafic illicite des drogues. se trouvaient en détention administrative sans inculpa- tion ni jugement dans des camps de « rééducation par Réfugiés et demandeurs d’asile le travail », selon le dernier chiffre officiel disponible. Des centaines et peut-être même des milliers de Nord- Ce chiffre était probablement beaucoup plus élevé en Coréens en quête d’asile qui se trouvaient dans le 2002, compte tenu de la campagne de répression nord-est de la Chine ont été arrêtés et renvoyés de menée par le gouvernement contre le mouvement Fa force dans leur pays au cours de l’année. Ils ont ainsi Lun Gong et de l’opération Frapper fort de lutte été privés de tout accès à une procédure de demande contre la criminalité. d’asile, alors qu’un grand nombre d’entre eux pou- Certaines personnes accusées d’infractions politiques vaient manifestement prétendre au statut de réfugié. ou de droit commun ne bénéficiaient toujours pas des Leur renvoi forcé constituait également une violation garanties d’une procédure régulière. Les procès poli- des dispositions de la Convention de 1951 relative au tiques étaient loin de satisfaire aux normes internatio- statut des réfugiés, à laquelle la Chine est partie. nales d’équité, les sentences et les peines étant Au cours de l’année, des dizaines de Nord-Coréens décidées à l’avance par les autorités; quant aux procès ont pénétré dans des locaux diplomatiques de pays en appel, ils se résumaient généralement à des étrangers, dans plusieurs villes de Chine, afin de audiences de pure forme. La protection juridique des demander l’asile et d’exposer leur situation drama- personnes inculpées d’infractions liées aux « secrets tique. Les autorités chinoises ont réagi en intensifiant d’État » était restreinte et ces affaires étaient jugées à la répression exercée contre les Nord-Coréens, en par- huis clos. La campagne Frapper fort a entraîné un ticulier dans les provinces frontalières de la Corée du recours accru à la torture pour l’extorsion d’« aveux », Nord, et en les refoulant de l’autre côté de la frontière en même temps qu’une restriction des procédures où les attendait un sort incertain. judiciaires. Les mesures de répression ont également touché des ✔ Wang Wanxing, militant de longue date en faveur personnes soupçonnées d’aider les Nord-Coréens, des droits humains, détenu depuis dix ans excepté notamment des membres d’organisations humani- pendant une période de trois mois en 1999, était tou- taires ou religieuses étrangères, ainsi que des Chinois jours retenu à l’hôpital psychiatrique Ankang de d’origine coréenne, dont un grand nombre ont été Pékin. Selon certains témoignages, il ne souffrait arrêtés et soumis à des interrogatoires. d’aucune forme de troubles mentaux. Au milieu de l’année 2002, il aurait été transféré dans une unité Région autonome ouïghoure du Xinjiang sécurisée au régime plus strict, où tout contact avec le Les violations flagrantes des droits humains se sont monde extérieur fait l’objet d’une étroite surveillance. poursuivies dans la région autonome ouïghoure du 131 CH Xinjiang, notamment les actes de torture, les déten- traitements infligés aux détenus, et de nombreux pri- tions arbitraires et les procès politiques non équitables. sonniers souffraient de problèmes de santé en raison Les autorités ont continué à invoquer les attentats du du caractère déplorable des conditions d’incarcération. 11 septembre 2001 aux États-Unis pour justifier ✔ En décembre, le grand maître religieux tibétain l’intensification de leur répression contre la commu- Tenzin Deleg Rinpoche a été condamné à mort, avec nauté ouïghoure, en particulier après que les États- deux ans de sursis à l’exécution de la peine, pour Unis et les Nations unies eurent placé le Mouvement « incitation au séparatisme » et « déclenchement d’explo- islamique du Turkestan oriental sur la liste des « orga- sions ». Son assistant Lobsang Dhondup, déclaré cou- nisations terroristes ». La répression s’est également pable en outre de « détention illégale d’armes et de intensifiée dans le contexte de la campagne Frapper fort munitions », a lui aussi été condamné à mort. Selon et des nouvelles dispositions « antiterroristes » adoptées certaines informations, ces deux hommes avaient été en décembre 2001. détenus au secret pendant huit mois après leur arresta- L’offensive menée contre les opposants présumés au tion en avril. Il y avait fort à craindre que leur procès gouvernement, stigmatisés en tant que « séparatistes n’ait été inéquitable et que Tenzin Deleg Rinpoche ethniques, terroristes et extrémistes religieux », s’est n’ait fait l’objet d’accusations sans fondement en rai- notamment traduite par de nouvelles restrictions à la son de ses activités religieuses ou associatives. liberté de religion, par la fermeture de certaines mos- quées et par des mesures d’« éducation politique » for- Région administrative spéciale de Hong Kong cée à l’intention des universitaires, des représentants L’adoption en 2002 d’une ordonnance antiterroriste qui des milieux médiatiques et artistiques ainsi que des pourrait être utilisée pour imposer des restrictions aux membres du clergé islamique. Les arrestations de droits humains constituait un motif de préoccupation. Le « séparatistes » ou « terroristes » présumés se sont pour- gouvernement a diffusé un document de consultation sur suivies; certaines de ces personnes ont été condamnées son projet de législation concernant l’article 23 de la Loi à de longues peines de prison, et d’autres exécutées. fondamentale, qui permet à Hong Kong de promulguer Des milliers de détenus politiques, dont des prison- ses propres lois prohibant tout acte de trahison, de séces- niers d’opinion, étaient toujours emprisonnés. sion, de sédition et de subversion. Il était à craindre que ✔ Le prisonnier d’opinion ouïghour Tohti Tunyaz ces propositions ne soient utilisées pour supprimer les continuait de purger la peine de onze ans de détention droits à la liberté d’expression et d’association et pour qui lui avait été infligée en raison de ses travaux de réprimer les activités légitimes des médias et des organisa- recherche sur l’histoire des Ouïghours. Étudiant de tions non gouvernementales. troisième cycle au Japon, cet homme avait été arrêté Il semble que la police a utilisé une force excessive en 1998 alors qu’il était en visite dans la région auto- pour disperser des manifestations de protestation por- nome ouïghoure du Xinjiang où il effectuait des tant sur des questions économiques et sur le droit de recherches pour sa thèse. Il a été condamné en séjour. Trois militants de premier plan ont été arrêtés mars 1999 pour « incitation au séparatisme » et et accusés d’avoir organisé une réunion illégale, en « acquisition illégale de secrets d’État ». Sa condamna- vertu d’une ordonnance révisée relative à l’ordre tion et sa peine ont été confirmées en appel au mois de public qui n’avait jamais été invoquée auparavant. En février 2000. novembre, deux autres militants de renom ont été interpellés et inculpés de la même infraction, après Région autonome du Tibet et autres zones avoir organisé une manifestation en mai pour protes- à population tibétaine ter contre l’arrestation de leurs trois compagnons. Des signes de changement ont été observés dans l’atti- Des membres du mouvement Fa Lun Gong, officielle- tude des autorités vis-à-vis des dissidents au Tibet: ment reconnu à Hong Kong, ont été arrêtés au cours sept prisonniers d’opinion – dont Ngawang Choephel, de manifestations pacifiques; ils ont affirmé avoir été Jigme Sangpo et Ngawang Sangdrol – ont ainsi été victimes de violences policières. En août, 16 membres libérés, et des rencontres ont été organisées entre les du mouvement ont été reconnus coupables d’obstruc- autorités chinoises et des représentants du gouverne- tion lors d’une manifestation qui avait eu lieu au mois ment tibétain en exil. Toutefois, les libertés d’expres- de mars. Selon certaines sources, leur procès répondait sion, de religion et d’association restaient soumises à à des motivations politiques. de sévères restrictions. Plusieurs monastères et cou- vents ont été détruits; les moines et moniales qu’ils Région administrative spéciale de Macao abritaient ont été expulsés. En décembre, pour la pre- Des informations persistantes ont fait état de passages mière fois depuis de nombreuses années, des Tibétains à tabac et d’actes de torture en garde à vue, et au ont été condamnés à mort pour des infractions poli- moins un détenu est mort dans des circonstances sus- tiques présumées. Plus de 180 personnes (essentielle- pectes. Selon certaines sources, la police aurait exercé ment des moines et des moniales bouddhistes) étaient une force excessive au cours de manifestations toujours emprisonnées en violation de leurs droits fon- ouvrières. Les enquêtes ouvertes sur des plaintes damentaux, en même temps que se poursuivaient les concernant des violences policières demeuraient lentes arrestations arbitraires et les procès iniques. Des infor- et peu satisfaisantes. Des membres du Fa Lun Gong, mations ont fait état d’actes de torture et de mauvais qui n’était ni enregistré ni interdit à Macao, auraient 132 CO été victimes de brimades policières; par ailleurs, des République populaire de Chine. Persistance de graves pratiquants étrangers du Fa Lun Gong se sont vu violations des droits humains et poursuite de la répression interdire l’accès à cette région.◆ contre les dissidents (ASA 17/047/02). People’s Republic of China: Establishing the Autres documents d’Amnesty International and respect for human rights – the need for institutional République populaire de Chine. Internet sous and legal reforms [République populaire de Chine. le contrôle de l’État (ASA 17/007/02). Instaurer l’état de droit et le respect des droits République populaire de Chine. Les responsables humains: des réformes juridiques et institutionnelles de la mort de plusieurs détenus tibétains de la prison sont nécessaires] (ASA 17/052/02). de Drapchi doivent rendre des comptes (ASA 17/009/02). Chine (Hong Kong). La police doit faire preuve Chine. Législation antiterroriste et répression en région de retenue face aux manifestants (ASA 19/001/02). autonome ouïghoure du Xinjiang (ASA 17/010/02). Chine (Hong Kong). La loi proposée aux termes de République populaire de Chine. Agitation ouvrière et l’article 23 risque d’ouvrir la porte à des atteintes aux répression (ASA 17/015/02). droits humains (ASA 19/004/02). COLOMBIE RÉPUBLIQUE DE COLOMBIE Providencia San Andrés CAPITALE: Bogotá SUPERFICIE: 1141748 km2 PANAMÁ POPULATION: 43,5 millions VÉNÉZUÉLA CHEF de l’ÉTAT Medellín et du GOUVERNEMENT: Andrés Pastrana Arango, remplacé par océan BOGOTÁ Álvaro Uribe Vélez le 8 août Pacifique PEINE DE MORT: abolie COLOMBIE COUR PÉNALE INTERNATIONALE: Statut de Rome ratifié ÉQUATEUR BRÉSIL

0 600 km PÉROU

es pourparlers de paix engagés en 1999 entre proportions encore plus dramatiques. Plus de Lle gouvernement colombien et les Fuerzas 2700 personnes ont été enlevées, dont au moins Armadas Revolucionarias de Colombia (FARC, 1 500 par des groupes de guérilla ou des Forces armées révolutionnaires de Colombie), formations paramilitaires. Les politiques principal groupe d’opposition armé du pays, ont sécuritaires du nouveau gouvernement d’Álvaro échoué le 20 février 2002. Les tentatives menées Uribe Vélez, qui a pris ses fonctions en août, pour entamer des négociations avec l’ Ejército ont enfoncé le pays plus avant dans l’engrenage de Liberación Nacional (ELN, Armée de libération de la violence politique. Cette année encore, nationale) ont abouti à une impasse à la fin les principales victimes des exactions et des de l’année. Après la rupture des discussions violations des droits humains et du droit avec les FARC on a assisté à une intensification international humanitaire ont été les populations des affrontements entre les forces de sécurité, civiles, notamment les personnes déplacées, qui opéraient conjointement avec des formations les paysans et les membres des communautés paramilitaires, et les groupes de guérilla, ce qui afro-colombiennes et indigènes vivant dans a provoqué une dégradation considérable les zones de conflit. Le 1 er décembre, les de la situation des droits humains. Plus de Autodefensas Unidas de Colombia (AUC, Milices 500 personnes ont « disparu » et plus de d’autodéfense unies de Colombie), la plus grande 4000 civils ont été tués pour des motifs politiques. coalition de groupes paramilitaires du pays, ont Le problème des personnes déplacées a pris des déclaré unilatéralement le cessez-le-feu. Le même 133 CO mois, le gouvernement a annoncé son intention Impunité d’entamer des négociations avec les formations Selon certaines informations, le Bureau du Fiscal paramilitaires soutenues par l’armée. Il était à General de la Nación cherchait à faire obstruction ou à craindre que les initiatives prises pour faciliter les entraver des enquêtes menées sur des violations des négociations avec des groupes de combattants droits humains dans lesquelles des militaires de haut illégaux, ainsi que les mesures législatives rang auraient été impliqués. Des procureurs qui tra- du gouvernement, ne garantissent l’impunité vaillaient sur ces affaires ont été dessaisis, ou démis de des membres des formations paramilitaires, leurs fonctions. D’autres ont été menacés de mort, et des forces armées ou des groupes de guérilla au moins l’un d’entre eux a été tué. Plusieurs enquêtes qui se sont rendus responsables de crimes de qui avaient polarisé l’attention ont aussi été abandon- guerre, de crimes contre l’humanité ou nées sans justification apparente. d’autres crimes considérés comme tels ✔ Le 6 février, Oswaldo Enrique Borja Martínez, un en vertu du droit international. procureur qui enquêtait sur le massacre perpétré en 2001 à Chengue, dans le département de Sucre, a été État d’urgence et dispositions assassiné à Sincelejo (également situé dans ce départe- en matière de sécurité ment). Le même jour, Mónica Gaitán, une procureure Le 11 avril, la Cour constitutionnelle a déclaré que la qui travaillait elle aussi sur cette affaire, aurait été for- Loi relative à la défense et à la sécurité nationale, qui cée de donner sa démission. Elle a été écartée de ses donnait des pouvoirs de police judiciaire aux forces fonctions à la suite de l’ouverture officielle, en 2001, armées, était inconstitutionnelle. Le 11 août, le nou- d’une information judiciaire contre le contre-amiral veau gouvernement d’Álvaro Uribe a déclaré le pays en Rodrigo Quiñónez Cárdenas, mis en cause pour avoir « état de choc intérieur ». La proclamation de l’état failli à son devoir d’empêcher ce massacre, qui aurait d’urgence a été suivie de l’adoption, le 9 septembre, été perpétré par des paramilitaires. En mars, le contre- du Décret 2002. Ce texte attribuait de nouveau aux amiral Quiñónez a été convoqué aux fins d’interroga- forces armées des pouvoirs de police judiciaire et leur toire au Bureau du Fiscal General. Le même mois, on a conférait des pouvoirs extraordinaires. Il prévoyait annoncé sa nomination comme attaché militaire à notamment des restrictions à certains droits dans des l’ambassade de Colombie en Israël. En octobre, il a zones de sécurité dites «zones de réhabilitation et de reçu une médaille alors qu’il faisait encore l’objet d’une consolidation ». Les étrangers désireux de se rendre information judiciaire. Le 26 novembre, Rodrigo dans ces zones étaient tenus d’obtenir une autorisation Quiñónez Cárdenas a présenté sa démission à l’armée, préalable, sous peine d’être expulsés de Colombie. après la décision des États-Unis de lui retirer son visa Plusieurs étrangers militant pour les droits humains en raison de son implication présumée dans une affaire ont été renvoyés dans leur pays avant et après la créa- de trafic de stupéfiants. Le 12 novembre, un tribunal tion de ces zones de réhabilitation et de consolidation. de première instance a déclaré un sous-officier de la Le 25 novembre, la Cour constitutionnelle a qualifié marine innocent de toute complicité dans le massacre d’inconstitutionnelles plusieurs dispositions contenues et a ordonné sa remise en liberté provisoire. dans le Décret 2002, notamment celles conférant des ✔ Toujours en novembre, les informations judiciaires pouvoirs de police judiciaire aux forces armées. Le gou- ouvertes contre les anciens généraux Rito Alejo del vernement a indiqué qu’il souhaitait pérenniser cer- Río et Fernando Millán ont pris fin. Ils avaient été mis taines des initiatives prises à la faveur de l’état d’urgence en examen en raison de leur participation à des activi- et du Décret 2002. Ainsi, après le blocage par le tés paramilitaires. Congrès, en décembre, d’un projet de réforme qui avait pour but de donner au Fiscal General de la Nación (qui Groupes d’opposition armés chapeaute le système judiciaire) la possibilité de prendre Des groupes d’opposition armés se sont rendus coupables des mesures visant à attribuer des pouvoirs de police d’infractions nombreuses et répétées au droit internatio- judiciaire aux forces de sécurité, le gouvernement a nal humanitaire, notamment en tuant ou en prenant en annoncé son intention de proposer au Congrès, en otage des civils. En mai, les FARC ont proféré des menaces 2003, de nouvelles mesures législatives en ce sens. du type « La démission ou la mort! » contre des juges, des Les autorités ont annoncé la création d’un réseau d’un maires et des conseillers municipaux. Elles ont par la suite million d’informateurs civils, qui sont censés aider les tué plusieurs responsables locaux ainsi que des civils accu- forces de sécurité dans leur stratégie anti-insurrection- sés de collaboration avec leurs ennemis. nelle. Les pouvoirs publics ont aussi commencé à ✔ Le 5 juin, Luis Carlos Caro Pacheco, maire de Solita recruter des « paysans soldats », qui vivront dans leurs (sud-ouest du département du Caquetá), a été assassiné. propres communautés. Amnesty International craint Selon la presse, la Federación Colombiana de Municipios que cela n’entraîne davantage la population civile dans (Fédération colombienne des municipalités) aurait attri- le conflit et ne renforce les structures paramilitaires. bué la responsabilité de sa mort aux FARC. Le gouvernement a aussi laissé entendre qu’il réforme- ✔ Le 14 mars, quatre agriculteurs auraient été tués à rait la Constitution de 1991. Il se proposait en particu- Sotomayor (département de Nariño) par des guérille- lier de modifier certains des mécanismes et garanties les ros de l’ELN qui avaient fait irruption dans leur domi- plus importants en matière de droits humains. cile avant de les emmener. 134 CO ✔ Le 26 avril, dans la municipalité d’Apartadó (dépar- d’Arauca), qui fait partie de la zone de réhabilitation et tement d’Antioquia), les FARC auraient tué neuf de consolidation. Selon les informations recueillies, les hommes qui travaillaient comme ouvriers agricoles paramilitaires recherchaient plusieurs personnes figu- dans des plantations de bananiers. rant sur une liste en leur possession. Les FARC ont lancé des attaques nombreuses, dispropor- tionnées et menées sans discrimination qui ont fait de Enlèvements nombreux morts et blessés parmi la population civile. Plusieurs affaires d’enlèvement ont fait grand bruit. Il ✔ Le 2 mai, lors d’un affrontement entre les FARC et les y a eu un nombre considérable de prises d’otages, per- paramilitaires à Bojayá, dans le département du Chocó, pétrées essentiellement par des groupes d’opposition une bombe artisanale tirée par les FARC a touché une armés. Les mouvements de guérilla étaient respon- église, tuant près de 119 civils qui s’y étaient réfugiés. sables de la plupart des quelque 1 500 enlèvements L’enquête menée en Colombie par le Haut-Commissariat commis par les groupes d’opposition armés et les des Nations unies aux droits de l’homme a conclu à la groupes paramilitaires. responsabilité de la guérilla et des forces paramilitaires ✔ Le 23 février, non loin de San Vicente del Caguán, dans ces événements, tout en soulignant la part de res- dans le département du Caquetá, les FARC ont enlevé ponsabilité de l’État, qui n’a rien fait pour empêcher Ingrid Betancourt, candidate à l’élection présidentielle. l’arrivée des paramilitaires dans le secteur. Elle n’avait toujours pas été libérée à la fin de l’année. ✔ Le 25 février, Gilberto Torres Martínez, un des Forces armées chefs de file du syndicat des travailleurs de l’industrie Selon certaines sources, des membres des forces de sécu- pétrolière, aurait été enlevé par les AUC dans la muni- rité ont été directement complices de graves atteintes aux cipalité de Monterrey (département du Casanare). Il a droits humains telles que des arrestations arbitraires, des été libéré le 7 avril. actes de torture, des « disparitions » et des homicides. ✔ Le 20 août, 26 touristes colombiens ont été enlevés, ✔ Le 24 septembre, des soldats du bataillon Nueva semble-t-il par l’ELN, à Bahía Solano, sur la côte Granada ont fait irruption au domicile de Monguí Pacifique (département du Chocó). La plupart avaient Jérez Suárez à Brisas de Yanacué, dans la municipalité été libérés à la fin de l’année. de Cantagallo (département de Bolívar). Son époux, Florentino Castellares Zetuián, et son fils Nilson Persécution de défenseurs des droits humains Hernández, âgé de neuf ans, auraient été tués ; elle- Sous le nouveau gouvernement, des personnes mili- même a été grièvement blessée. Cette opération aurait tant pour les droits humains ont été détenues, tuées ou été décidée sur la base de renseignements fournis aux victimes de « disparition », de menaces ou d’actes de forces de sécurité par des informateurs civils. Les mili- harcèlement. Tout en affirmant vouloir poursuivre le taires ont affirmé que ces deux personnes avaient été dialogue avec les organisations non gouvernementales, tuées lors d’un combat. Cependant, selon le médiateur des responsables et certains représentants des médias régional, les victimes n’étaient pas armées. ont, en pratique, souvent traité les défenseurs des ✔ Le 29 octobre, des membres des forces de sécurité droits humains comme des éléments subversifs. Ceux- auraient pénétré dans le quartier d’El Salado, dans la ci étaient dès lors la cible désignée des opérations anti- 13e circonscription de Medellín, et ont emmené insurrectionnelles et de renseignements. Blanca Lilia Ruiz Marín, John Fredy Sánchez et Dany En raison des mesures – officielles ou non – visant à Ferney Quiroz Benitez, qui se trouvaient chez eux au limiter la liberté de circulation, les défenseurs des moment des faits. Un témoin a déclaré avoir vu les droits humains n’ont pas toujours pu accéder aux trois personnes détenues à la base de la 4e brigade de zones où des exactions avaient été signalées. Des l’armée. Selon lui, elles avaient été frappées. À la fin de défenseurs des droits humains et des membres d’orga- l’année, les familles des trois « disparus » ignoraient nisations humanitaires, ainsi que des journalistes, ont toujours tout de leur sort. été interrogés ou arrêtés arbitrairement alors qu’ils tentaient de prendre contact avec des personnes Groupes paramilitaires vivant dans des zones de conflit coupées du reste du Les groupes paramilitaires ont continué à se répandre et à pays. Lors de descentes effectuées dans des locaux renforcer leurs positions dans tout le pays, y compris dans d’organisations sociales, dans le cadre ce qui était les zones où il y avait déjà une forte présence militaire. appelé des opérations anti-insurrectionnelles et de Des paramilitaires opérant avec la complicité des forces renseignements, des données personnelles et de pré- de sécurité se sont rendus responsables de l’immense cieuses informations relatives à la participation de majorité des « disparitions » et des meurtres de civils. membres des forces de sécurité à des violations des ✔ Le 4 août, des paramilitaires auraient tué trois droits humains ont été saisies. Le 11 décembre, les membres d’une communauté indigène, dont le dirigeant bureaux de l’organisation de développement Terre Obencio Germán Crillo Queta, de la réserve de Valle des Hommes/Italie, qui met en œuvre un projet del Guamuez à Hormiga (département du Putumayo). financé par l’Union européenne visant à répondre aux ✔ Le 26 novembre, des paramilitaires auraient tué au besoins des jeunes affectés par le conflit, ont ainsi fait moins quatre agriculteurs à Matal de Flor Amarillo, l’objet d’une perquisition. Les agents de la force dans la municipalité d’Arauca (département publique y recherchaient apparemment des armes, 135 CO mais ils ont aussi copié des informations stockées sur pas nécessaire, car le personnel des forces de sécurité les ordinateurs. américaines et les ressortissants des États-Unis qui four- Des militants des droits humains de tous les secteurs nissent une assistance technique continueront d’être de la société ont été pris pour cible. couverts par un accord conclu en 1962 avec ce pays. ✔ Oswaldo Moreno Ibague, militant des droits humains de Villavicencio (département du Meta), L’aide militaire américaine aurait été tué par des paramilitaires le 3 septembre. Le Colombie demeure l’un des principaux pays destina- ✔ José Rusbell Lara, un militant local qui travaillait taires de l’aide militaire américaine. Au mois de juillet, dans la municipalité de Tame (département d’Arauca), le Congrès américain a approuvé des dépenses excep- aurait été abattu par des paramilitaires le 8 novembre. tionnelles supplémentaires, dont une enveloppe de Au cours de l’année 2002, plus de 170 syndicalistes quelque 27,5 millions de dollars (plus de 25 millions auraient été victimes d’homicides, imputables pour la d’euros) destinée à l’octroi d’une aide additionnelle à la plupart à des paramilitaires. Plusieurs journalistes et Colombie. Sur cette somme, six millions de dollars dirigeants indigènes ont également été assassinés. étaient destinés à la formation d’une unité spéciale char- ✔ Le 28 juin, dans le département d’Arauca, Efraín gée de protéger l’oléoduc de Caño Limon. Cette loi de Varela Noriega, un journaliste de la radio qui s’était finances supplémentaire levait aussi les restrictions qui élevé contre les agissements de tous les camps s’opposant limitaient jusqu’alors l’aide destinée à la lutte contre le dans cette longue guerre civile, a été tiré de force de sa trafic de stupéfiants. Ainsi, l’aide militaire américaine voiture et abattu, apparemment par des paramilitaires. approuvée à cette date pouvait également être employée pour combattre les activités des organisations désignées Civils vivant dans les zones de conflit comme « terroristes », comme les FARC, l’ELN ou les Cette année encore, les paysans et les membres de com- AUC. Amnesty International a continué de s’opposer à munautés afro-colombiennes et indigènes vivant dans les l’apport d’une aide militaire américaine dans la mesure zones de conflit, ou à proximité des régions présentant où les autorités colombiennes ne satisfaisaient pas aux un grand intérêt économique, ont figuré parmi les prin- conditions relatives aux droits humains applicables à cipales victimes des atteintes aux droits humains ou des cette aide et fixées par le Congrès des États-Unis, et violations du droit international humanitaire commises n’avaient pris aucune mesure pour mettre en œuvre les par les forces de sécurité et leurs alliés paramilitaires, recommandations des Nations unies dans le domaine ainsi que par la guérilla. Plus de 350000 personnes ont des droits humains. été déplacées au cours des neuf premiers mois de l’année en raison des menaces et des homicides de civils commis Organisations intergouvernementales par les deux camps. La Commission des droits de l’homme des Nations ✔ En octobre, quelque 800 membres des Embera unies a condamné, une fois de plus, les graves atteintes Katío, de la réserve de l’Alto Sinú, ont été déplacés de au droit international humanitaire que continuaient force après les menaces de mort proférées par les FARC de commettre, essentiellement, des paramilitaires et contre les populations indigènes et le meurtre d’un de des membres de la guérilla. Elle a aussi condamné avec leurs dirigeants. force la persistance de l’impunité et exprimé ses préoc- ✔ De décembre 2001 jusqu’au début 2002, les incur- cupations concernant les liens existant entre les forces sions paramilitaires dans les municipalités d’El Tarra et armées et les paramilitaires. de Teorama (département du Norte de Santander) ont La haut-commissaire aux droits de l’homme a souligné provoqué le déplacement forcé de plus de 10000 civils, que les tribunaux militaires ouvraient encore ou pour- dont beaucoup ont fui vers les capitales régionales. suivaient des enquêtes sur des affaires de violation des droits humains, bien qu’il ait été recommandé aux La Cour pénale internationale autorités colombiennes de veiller à ce que tous les cas La Colombie a ratifié le Statut de Rome de la Cour de violation des droits humains ou d’atteinte au droit pénale internationale (CPI) le 5 août. Le même jour, le international humanitaire soient exclus de la compé- président Andrés Pastrana a invoqué l’article 124 du tence des tribunaux militaires. Statut. En vertu de cette disposition transitoire, un État partie peut, pour une période de sept ans à partir Visites d’Amnesty International de l’entrée en vigueur du Statut à son égard, ne pas Des délégués d’Amnesty International se sont rendus soumettre les personnes accusées de crimes de guerre à en Colombie en mars, avril, mai, septembre, octobre la compétence de la Cour. À l’expiration de ce délai, la et décembre.◆ Cour ne pourra connaître que des crimes de guerre perpétrés après ce moratoire de sept ans. Autres documents d’Amnesty International Toujours en août, le gouvernement américain a invité le Colombie. Lettre ouverte à Álvaro Uribe Vélez, président gouvernement colombien à signer un accord d’impu- de la République de Colombie (TG AMR 23/026/02). nité aux termes duquel les membres du personnel mili- Colombia: Human Rights and USA Military Aid to taire américain en Colombie ne seraient pas remis à la Colombia III [Colombie. Les droits humains et l’aide Cour. La ministre colombienne des Affaires étrangères, militaire américaine à la Colombie III], publié Carolina Barco, a cependant indiqué que cela n’était conjointement par Amnesty International, Human 136 CO Rights Watch et le Washington Office on Latin Human Rights Watch et le Washington Office America (AMR 23/030/02). on Latin America (AMR 23/122/02). Colombie. San Vicente del Caguán après la rupture des Colombie. Lettre aux Forces armées révolutionnaires pourparlers de paix: une population abandonnée de Colombie – Armée du peuple (FARC-EP) (AMR 23/098/02). (AMR 23/124/2002). Colombia: Human Rights and USA Military Colombia: Security at what cost? The government’s Aid to Colombia IV [Colombie. Les droits humains failure to confront the human rights crisis [Colombie. et l’aide militaire américaine à la Colombie IV], La sécurité à quel prix? La passivité du gouvernement publié conjointement par Amnesty International, face à la crise des droits humains] (AMR 23/132/02). COMORES UNION DES COMORES

CAPITALE: Moroni TANZANIE SUPERFICIE: 1862 km2 POPULATION: 0,75 million île de la océan Grande Comore Indien CHEF de l’'ÉTAT: COMORES Assoumani Azali MORONI CHEF du GOUVERNEMENT: île d'Anjouan Hamada Madi Bolero jusqu'au 5 juin île de Mohéli PEINE DE MORT: maintenue Mayotte (FRANCE) COUR PÉNALE MOZAMBIQUE INTERNATIONALE: Statut de Rome signé 0 200 km

a violence politique qui a marqué les entaché les élections. La Commission nationale élec- élections aurait fait 12 blessés graves. torale indépendante et d’homologation (CNEIH) a LAprès le scrutin, des soldats ont été accusés reporté par deux fois le premier tour de l’élection pré- d’avoir employé une force excessive pour sidentielle de l’Union après que huit des neuf candi- disperser les manifestants lors de dats eurent menacé de le boycotter. Les protestations mouvements de protestation. de l’opposition portaient essentiellement sur l’irrégu- larité des listes électorales qui favorisaient le gouver- Contexte nement en place. Le Programme des Nations unies Après trois ans de pourparlers de paix en vue d’une pour le développement, qui était chargé de l’organisa- réconciliation nationale et d’une institutionnalisation de tion du scrutin, a confirmé le bien-fondé de ces pro- la vie politique, les Comoriens se sont rendus aux urnes testations. L’opposition dénonçait également la à plusieurs reprises durant le premier semestre 2002. À violation du code électoral. Du fait de la pression la mi-janvier, le gouvernement en place a été dissous internationale considérable exercée pour maintenir le pour être remplacé par un gouvernement de transition calendrier de l’élection, les listes électorales n’ont pas dirigé par Hamada Madi Bolero. Les îles de Mwali été modifiées. (Mohéli), de Njazidja (Grande Comore) et de Nzwani (Anjouan) ont organisé des référendums constitution- Violence politique nels et des scrutins pour élire leurs présidents respectifs. Certains candidats d’opposition ont boycotté le L’élection à la présidence de l’Union des Comores a été second tour du scrutin présidentiel de l’Union et la remportée par le colonel Assoumani Azali, qui est entré campagne a été marquée par une vague de violences. en fonction le 26 mai. Après les élections, les quatre Le jour du scrutin, 12 personnes auraient été griève- présidents et des représentants des îles se sont rencon- ment blessées sur l’île de Njazidja lorsque les forces de trés régulièrement pour discuter du partage des pou- sécurité ont tenté de rouvrir les bureaux de vote que voirs entre les gouvernements central et insulaires. les forces d’opposition avaient, semble-t-il, fermés, et Plusieurs organisations comoriennes de défense des huit urnes ont été détruites. À Nzwani, quatre droits humains ainsi que la presse indépendante ont bureaux de vote ont été saccagés et des assesseurs ont dénoncé les graves irrégularités de procédure qui ont subi des menaces. 137 CO Selon plusieurs sources, des électeurs auraient fait Liberté d’expression l’objet de manœuvres d’intimidation et plusieurs Le gouvernement manifestait toujours de vives réac- bureaux de vote seraient restés fermés ou n’auraient tions face à ses détracteurs et continuait d’exercer un ouvert leurs portes que tardivement. La CNEIH et les contrôle sur la circulation de l’information. Plusieurs observateurs internationaux se sont accordés pour dire cas de violences policières exercées contre des journa- que les élections n’avaient été ni libres, ni équitables. listes qui couvraient les troubles ont été signalés. La CNEIH a été dissoute et remplacée par une nouvelle ✔ Izdine Abdou Salam, directeur de la station privée Commission de ratification du scrutin, qui a validé Radio Karthala, était toujours incarcéré. Arrêté le l’élection du colonel Assoumani Azali. 10 novembre 2001 par la gendarmerie de Moroni, cet De violentes manifestations de protestation ont eu lieu homme avait été accusé de « diffamation » et placé en après la victoire électorale d’Assoumani Azali et à l’issue détention provisoire. Son arrestation était intervenue de nombreuses réunions entre les présidents de l’Union après la diffusion sur les ondes d’un débat durant et des îles. Le 28 août, deux enfants ont été blessés au lequel plusieurs intervenants avaient critiqué le nou- cours d’affrontements. veau projet de Constitution.◆ CONGO RÉPUBLIQUE DU CONGO RÉPUBLIQUE CAPITALE: Brazzaville CAMEROUN CENTRAFRICAINE SUPERFICIE: 342000 km2 golfe de POPULATION: 3,2 millions Guinée GUINÉE CHEF de l’ÉTAT ÉQUATORIALE et du GOUVERNEMENT: Denis Sassou-Nguesso CONGO PEINE DE MORT: abolie GABON en pratique RÉPUBLIQUE COUR PÉNALE DÉMOCRATIQUE INTERNATIONALE: BRAZZAVILLE DU CONGO Statut de Rome signé Pointe-Noire Cabinda 0 400 km (ANGOLA)

a situation des droits humains s’est Quelques jours après l’élection, des combats ont éclaté considérablement dégradée au fil dans la ville de Mayama (région du Pool) entre les Ldes mois, après la reprise du conflit arm Forces armées congolaises (FAC), soutenues par des en avril. Plusieurs centaines de civils non troupes angolaises, et les milices des Ninjas. Le 4 avril, armés ont été tués illégalement, et des deux personnes ont été tuées et 12 autres blessées lors centaines de femmes violées, par des d’une attaque contre un train de voyageurs sur la ligne soldats gouvernementaux ou des combattants reliant Pointe-Noire à Brazzaville. Le gouvernement a de l’opposition. Les combats dans la région alors accusé les Ninjas, dirigés par le pasteur Frédéric du Pool et dans Brazzaville, la capitale, Bitsangou (alias Ntoumi), d’être à l’origine de ont fait fuir de chez elles des dizaines l’attaque. Des représentants des Ninjas ont affirmé de milliers de personnes. pour leur part que les affrontements avaient été déclen- chés par l’arrivée dans le village de Vindza de troupes Contexte gouvernementales venues arrêter leur dirigeant. En mars, Denis Sassou-Nguesso a remporté l’élection Le 28 mai, la haut-commissaire des Nations unies aux présidentielle à une écrasante majorité. Les résultats du droits de l’homme a exprimé sa préoccupation face à scrutin ont été contestés par des groupes locaux de la dégradation de la situation, notamment dans la défense des droits humains et par diverses formations région du Pool, où les deux camps manifestaient le politiques, qui ont accusé le gouvernement d’avoir plus parfait mépris pour la sécurité et les droits fonda- manipulé les listes électorales et recouru à la fraude. mentaux des populations civiles. 138 CO Homicides illégaux Prisonniers politiques À partir de début avril, des centaines de civils non ✔ Dieudonné Ndjilambot, un policier arrêté en août armés ont été illégalement tués ou blessés dans la 2001 et soupçonné d’être impliqué dans une attaque région du Pool et à Brazzaville. Nombre d’entre eux armée contre la résidence du ministre de la Défense, a ont été tués par les soldats des FAC qui, à bord d’héli- été détenu à l’isolement dans la prison centrale de coptères équipés de roquettes, tiraient sur des villages Brazzaville jusqu’à sa remise en liberté, en août 2002. supposés abriter des forces de l’opposition. Début Le ministère public a déclaré que cet homme, en tant juin, des hélicoptères gouvernementaux ont bombardé que haut fonctionnaire de la police, bénéficiait de les villages de Zandu et de Matoumbou, tuant des l’immunité de poursuites, laquelle ne pouvait être dizaines d’habitants, après quoi les soldats ont tiré à la levée que sur décision de la Cour suprême. Les autori- mitrailleuse sur les habitations puis sur les personnes tés n’ont toutefois pas expliqué pour quelle raison qui tentaient de fuir vers la forêt. À la mi-juin, deux cette immunité ne le protégeait pas contre la détention jours de combat entre les forces gouvernementales et arbitraire. Selon certaines informations, le pouvoir les Ninjas à Brazzaville ont fait des dizaines de morts politique aurait donné pour instruction aux autorités et provoqué la fuite d’au moins 10 000 personnes. judiciaires de maintenir Dieudonné Ndjilambot en détention pour une durée indéfinie. Personnes déplacées ✔ Joseph Melloh Mindako, un journaliste et écologiste Les combats qui ont opposé les forces gouvernemen- camerounais, a été arrêté le 13 mai et détenu par les tales aux milices d’opposition dans la région du Pool autorités congolaises pendant trois mois ; cet homme et dans Brazzaville ont obligé au moins 50 000 per- était un prisonnier d’opinion. Au moment de son arres- sonnes à quitter leur foyer. Des maisons ont été tation à Pokola, près de Ouesso (dans le nord du pays), détruites et des villages incendiés, empêchant tout il photographiait des chantiers d’exploitation forestière retour chez elles des personnes qui avaient fui les com- et des activités de chasse dans la forêt. Placé en déten- bats. À Kinkala et à Kindamba, où les affrontements tion à Ouesso, il a été accusé d’avoir pris des photos ont éclaté début avril, le gouvernement a refusé pen- sans autorisation officielle. À la mi-juin, il a été transféré dant plus de deux mois aux organisations humani- à la prison centrale de Brazzaville et incarcéré pendant taires le droit d’aller porter assistance aux personnes quarante-huit jours. Par la suite, il a été accusé d’espion- déplacées par les combats. Durant cette période, les nage et, semble-t-il, inculpé d’atteinte à la sûreté de personnes ayant préféré rester dans le camp de réfugiés l’État. Le 12 août, le tribunal de grande instance de ont souffert de malnutrition : l’aide humanitaire ne Brazzaville, après l’avoir condamné à une peine de qua- pouvant leur parvenir, au moins 10 personnes sont rante-cinq jours d’emprisonnement, a ordonné sa mortes de faim. Le 11 juin, des organes des Nations remise en liberté et son expulsion du pays. Le tribunal a unies ont fait savoir qu’il restait au moins 20 000 per- également pris la décision d’interdire à Melloh sonnes, dans des zones inaccessibles de la région, qui Mindako de revenir au Congo pendant cinq ans. nécessitaient une aide humanitaire d’urgence. Des centaines de femmes déplacées ont été violées. Visites d’Amnesty International D’après certaines informations, des femmes réfugiées Des délégués de l’organisation se sont rendus dans le dans un camp de Kimdamba auraient été victimes de pays en janvier et en février.◆ viols collectifs commis par des soldats des FAC. Des dizaines de jeunes hommes auraient été enlevés dans des camps pour personnes déplacées. À la fin de l’année, on ignorait tout de leur sort et du lieu où ils se trouvaient.

« Disparitions » On était toujours sans nouvelles des quelque 353 réfu- giés qui avaient « disparu » au mois de mai 1999, alors qu’ils revenaient de la République démocratique du Congo (RDC). Début 2002, des proches des « disparus » ont déclaré que ceux-ci avaient été exécutés de façon extrajudiciaire, et que les auteurs de ces exécutions s’étaient secrètement débarrassés des corps. La com- mission d’enquête parlementaire mise en place en août 2001 pour faire la lumière sur ces « disparitions » n’avait toujours pas publié son rapport à la fin de l’année 2002. Le 15 octobre, un juge d’instruction du tribunal de grande instance de Brazzaville a déclaré que la justice avait entrepris d’interroger les proches des « disparus » afin d’établir les responsabilités dans cette affaire et de traduire les responsables en justice. 139 CO CORÉE DU NORD RÉPUBLIQUE POPULAIRE RUSSIE DÉMOCRATIQUE DE CORÉE

CAPITALE : Pyongyang CHINE SUPERFICIE : 120 538 km2 POPULATION : 22,6 millions CORÉE CHEF de l’ÉTAT : Kim Jong-il DU NORD CHEF du GOUVERNEMENT : Hong Song-nam mer du Japon PEINE DE MORT : maintenue PYONGYANG COUR PÉNALE INTERNATIONALE : mer CORÉE CHINE Jaune DU Statut de Rome non signé SUD 0 300 km

e gouvernement de la République populaire était une colonie japonaise, et a proposé une coopéra- démocratique de Corée (Corée du Nord) tion économique prévoyant notamment une aide La persisté dans son refus d’autoriser la venue humanitaire. La Corée du Nord a reconnu avoir d’observateurs indépendants des droits humains. enlevé 13 Japonais dans les années 70 et 80. Huit La répression des libertés fondamentales d’entre eux sont morts ; les cinq survivants ont été (notamment religieuses), les mauvais autorisés à se rendre au Japon. Des pourparlers sur la traitements dans les camps pénitentiaires normalisation des relations entre les deux pays ont et les exécutions publiques ont été autant débuté au mois d’octobre, mais ils ont été suspendus de sujets de préoccupation, cette année comme lorsque le Japon a demandé avec insistance que les les précédentes. La Corée du Nord a de nouveau cinq Japonais qui avaient été enlevés soient autorisés à connu des problèmes de pénurie alimentaire. rester au Japon et que leur famille demeurée en Corée De plus, il était à craindre que les catégories du Nord puisse les y rejoindre. les plus pauvres et les plus vulnérables En septembre, le secrétaire d'État américain adjoint pour de la population ne pâtissent des réformes les affaires relatives à l'Asie de l'Est et au Pacifique s’est économiques entreprises. rendu à Pyongyang. Il s’agissait de la première visite d’un très haut responsable du gouvernement de George W. Contexte Bush. Lors des entretiens, les autorités nord-coréennes ont Les relations entre la Corée du Nord et la Corée du reconnu avoir mis en place un programme d’enrichisse- Sud (République de Corée) ont connu des hauts et des ment du plutonium. Cet aveu a jeté un froid sur les rela- bas en 2002. En juin, un grave affrontement en mer tions de Pyongyang avec ses voisins et avec les États-Unis. Jaune a fait cinq morts dans les rangs de la marine Des réformes économiques ont été lancées en juillet. Il sud-coréenne et un nombre indéterminé de victimes était à craindre que certaines de ces mesures n’appau- parmi les forces nord-coréennes. Fait sans précédent, vrissent encore davantage les catégories les plus vulné- la Corée du Nord a présenté ses excuses. Cette initia- rables de la population, notamment les femmes et les tive a permis la tenue de pourparlers interministériels, enfants. La monnaie nord-coréenne a été dévaluée et tout d’abord en juillet à Séoul, puis en octobre à les prix des denrées alimentaires ont énormément aug- Pyongyang. Un certain nombre de familles séparées menté. Les autorités ont annoncé l’abandon progressif lors de la partition de la péninsule ont pu se retrouver du rationnement alimentaire et des logements sociaux. en mai et en septembre. Les deux pays se sont égale- Un système d’exploitation agricole de type familial a ment entendus sur la réalisation d’une liaison routière été instauré, à titre expérimental. C’était la première et ferroviaire. En outre, la Corée du Nord a envoyé sa fois qu’une telle forme de culture des terres était auto- propre délégation de sportifs aux Jeux asiatiques, qui risée depuis la collectivisation forcée de 1953. se sont tenus en septembre à Pusan, en Corée du Sud. Entre autres mesures, le gouvernement a créé en sep- Lorsque le Premier ministre nippon Junichiro tembre une zone administrative spéciale à Sinuiju, Koizumi s’est rendu en Corée du Nord, en septembre, ville proche de la frontière chinoise. Cette localité s’est sa délégation a présenté ses excuses pour les dommages vu accorder une quasi-autonomie, en particulier dans et les souffrances infligés à la Corée lorsque celle-ci le domaine économique. 140 CO Fermeture des frontières Chine après s’être réfugiés dans des représentations L’information restait strictement contrôlée, tout diplomatiques ou des établissements scolaires étran- comme l’accès au territoire national. Le refus des pou- gers. Ils ont rejoint la Corée du Sud en passant par des voirs publics d’autoriser Amnesty International et pays tiers. d’autres observateurs à se rendre sur place empêchait Des centaines d’autres auraient été interpellés en toute enquête sur la situation des droits humains. De Chine et renvoyés de force en Corée du Nord. On ne graves violations ont néanmoins été signalées très savait pas grand-chose du sort qui leur était réservé à régulièrement (exécutions, actes de torture, arresta- leur retour mais, selon certaines sources, beaucoup tions pour des motifs politiques, conditions inhu- auraient été soumis à des interrogatoires prolongés. maines de détention, par exemple). Selon certaines informations, ils ont aussi été torturés. Certains auraient été envoyés en prison ou dans un Exécutions camp de travail forcé. De nouvelles informations ont fait état d’exécutions publiques commises ces dernières années. Elles contre- Pénurie alimentaire disaient les déclarations des représentants de la Corée La Corée du Nord dépendait toujours de l’aide inter- du Nord, qui avaient affirmé en juillet 2001, devant le nationale pour nourrir sa population. Selon une étude Comité des droits de l’homme des Nations unies, que de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture la dernière exécution publique remontait à 1992. (FAO), plus de 13 millions de personnes souffraient de Apparemment, les exécutions publiques avaient lieu malnutrition. La baisse des dons destinés à ses opéra- sur des places rassemblant des foules importantes et tions d’urgence en Corée du Nord a obligé le étaient annoncées au préalable dans les écoles, les Programme alimentaire mondial (PAM) à interrompre entreprises et les exploitations agricoles. Certains en octobre et novembre la distribution de céréales à condamnés auraient été exécutés en présence de leur trois millions de femmes, d’enfants et de personnes famille. Les condamnés à mort étaient pendus ou âgées vivant dans les provinces relativement mieux fusillés par un peloton d’exécution. loties de l’ouest et du sud du pays. Un million et demi de personnes, dans la partie est, plus pauvre, risquaient Liberté d’expression par ailleurs d’être privées de rations alimentaires pen- Aucune opposition politique, quelle qu’elle soit, dant l’hiver en cas de persistance des restrictions bud- n’était tolérée. Selon certaines informations, qui- gétaires du PAM. conque exprimait un avis contraire à la ligne du Parti Selon les chiffres du gouvernement, 45 p. cent des des travailleurs coréens (PTC), au pouvoir, risquait enfants nord-coréens de moins de cinq ans souffraient d’être sévèrement sanctionné, de même, bien souvent, de malnutrition chronique. En outre, quatre millions que ses proches. d’enfants en âge d’être scolarisés présentaient de graves Les médias nord-coréens étaient toujours soumis à une problèmes de sous-alimentation, qui compromettaient censure draconienne et l’accès aux programmes leur développement physique et intellectuel. d’information étrangers était limité. Les personnes ne recevant aucune aide du PAM dépen- Toute réunion ou association non autorisée était consi- daient entièrement du système public de distribution, dérée comme un « trouble collectif à l’ordre public » et géré par le gouvernement, qui constituait le principal passible de sanction. Bien que garantie par la mode d’accès à la nourriture pour la plupart des Constitution, la liberté de religion était en fait extrê- 23 millions d’habitants du pays. Ce système procurait mement restreinte. Selon certaines informations, des aux personnes qui en bénéficiaient moins de la moitié personnes ayant participé à des activités religieuses des minima nutritionnels internationalement recom- publiques ou privées ont fait l’objet d’une répression mandés. Les réformes économiques annoncées au très dure (emprisonnement, actes de torture ou exécu- mois de juillet prévoyaient son abandon progressif.◆ tion, notamment). D’après plusieurs sources, de nom- breux chrétiens étaient détenus dans des camps de travail où, semble-t-il, ils étaient torturés et souffraient de la famine.

Torture et mauvais traitements Il semble, d’après des informations non confirmées, que la torture et les autres mauvais traitements étaient très répandus dans les prisons et dans les camps de tra- vail. Les conditions de détention seraient en tout état de cause extrêmement pénibles.

Réfugiés De nombreux Nord-Coréens continuaient de passer la frontière pour gagner la Chine. Une centaine d’entre eux, peut-être davantage, ont été autorisés à quitter la 141 CO CORÉE DU SUD RÉPUBLIQUE DE CORÉE CAPITALE : Séoul CORÉE SUPERFICIE : 99 274 km2 DU NORD mer POPULATION : 47,4 millions du Japon CHEF de l’ÉTAT : CHINE SÉOUL Kim Dae-jung CORÉE CHEF du GOUVERNEMENT : DU Lee Han-dong, remplacé par mer Kim Suk-soo le 5 octobre Jaune SUD PEINE DE MORT : maintenue Pusan JAPON détroit COUR PÉNALE Île de Cheju de Corée INTERNATIONALE : 0 300 km Statut de Rome ratifié

es arrestations au titre de la Loi relative sud-coréenne et un nombre indéterminé de victimes à la sécurité nationale se sont poursuivies. parmi les forces nord-coréennes. En juillet, la LCinquante-deux prisonniers au moins étaient, République populaire démocratique de Corée (Corée du semble-t-il, sous le coup d’une condamnation à Nord) a exprimé ses regrets concernant cet épisode. mort. Il n’y a pas eu d’exécution. Un projet de loi Deux sessions de pourparlers interministériels ont eu présenté en 2001, qui prévoyait l’abolition de la lieu par la suite, à Séoul tout d’abord, puis à Pyongyang. peine capitale et qui bénéficiait du soutien d’une Un certain nombre de familles séparées par la parti- majorité de députés à l’Assemblée nationale, tion de la péninsule ont pu se retrouver en mai et en n’avait toujours pas été adopté à la fin de l’année septembre. En outre, fait sans précédent, des sportifs 2002. Les dirigeants syndicaux ont cette année nord-coréens ont participé aux Jeux asiatiques, qui se encore été victimes d’actes de harcèlement ; sont tenus en septembre à Pusan, en Corée du Sud. au moins 170 syndicalistes ont été arrêtés. Un projet de loi sur la prévention du terrorisme, déposé Au mois de juin, les services de l’immigration après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis ont adopté une attitude intransigeante vis-à-vis et destiné, selon ses promoteurs, à renforcer la sécurité des travailleurs immigrés, dont environ 2 000 lors de la Coupe du monde de football (juin) et des auraient été arrêtés ; plusieurs ont, semble-t-il, Jeux asiatiques (septembre), n’a pas recueilli le nombre été expulsés. Quelque 1 600 objecteurs de de voix requis à l’Assemblée nationale. conscience étaient en prison. La plupart d’entre La Corée du Sud a ratifié en novembre le Statut de eux appartenaient aux témoins de Jéhovah. Rome de la Cour pénale internationale. Contexte Peine de mort La dernière année du mandat de Kim Dae-jung a été Il n’y a pas eu d’exécution cette année. Aucun marquée par un certain nombre d’avancées en matière condamné n’a été exécuté depuis l’accession à la prési- de respect et de protection des droits humains. Ces dence, en février 1998, de Kim Dae-jung, lui-même avancées ont toutefois eu des effets limités, dans la ancien condamné à mort. Il y aurait toujours dans les mesure où les réformes juridiques nécessaires en ce prisons sud-coréennes quelque 52 détenus sous le domaine n’ont pas eu lieu. En octobre, après la démis- coup d’une condamnation à mort pour meurtre. Selon sion de Lee Han-dong du poste de Premier ministre, certaines informations, la pratique qui consistait à leur Kim Suk-soo a été nommé à la tête du gouvernement laisser en permanence des menottes aux poings, pen- par le pouvoir exécutif, qui n’était pas parvenu à obtenir dant la première année suivant leur condamnation, l’aval de l’Assemblée nationale pour d’autres postulants avait toujours cours. Quatre condamnés à la peine plus conformes à ses vœux. L’élection présidentielle du capitale ont bénéficié en décembre d’une commuta- mois de décembre a été remportée par Roh Moo-hyun, tion de leur peine en réclusion à vie. qui devait entrer en fonction en février 2003. Un projet de loi en faveur de l’abolition de la peine Les relations entre les deux Corées ont été entachées par capitale déposé au mois de novembre 2001, pourtant un grave affrontement naval, au mois de juin, en mer soutenu par 155 des 273 parlementaires, était appa- Jaune, qui a fait cinq morts dans les rangs de la marine remment bloqué au stade des délibérations de la 142 CO Commission des affaires judiciaires et légales de ✔ Arrêté en septembre 2001, le leader syndical Dan l'Assemblée nationale. Byung-ho continuait de purger la peine de deux ans d’emprisonnement à laquelle il avait été condamné Loi relative à la sécurité nationale pour avoir violé la disposition sur les « ingérences dans La Loi relative à la sécurité nationale a cette année l’activité économique » du Code pénal et de la Loi encore été invoquée pour emprisonner des individus contre les manifestations. L’appel qu’il avait interjeté uniquement en raison de leurs activités politiques non n’avait toujours pas été examiné à la fin de l’année. violentes. Cette loi punissait de lourdes peines d’emprisonnement, voire de la peine de mort, les acti- Objecteurs de conscience vités d’« espionnage » ou « hostiles à l’État ». Ces infrac- Quelque 1600 objecteurs de conscience, témoins de tions n’étaient pas clairement définies et la Loi relative Jéhovah pour la plupart, étaient toujours en prison à la sécurité nationale a souvent été utilisée arbitraire- pour avoir refusé d’effectuer leur service militaire en ment pour sanctionner des personnes dont le seul tort raison de leurs croyances religieuses. Au moins deux avait été de vouloir faire usage de leur droit à la autres jeunes gens, dont un bouddhiste, ont été empri- liberté d’expression et d’association. La plupart des sonnés pour avoir exprimé le même refus, motivé par personnes arrêtées en 2002 l’ont été aux termes de leur idéal pacifiste. Chaque année, environ 500 jeunes l’article 7 de la loi, qui punit de peines pouvant gens refusent de se soumettre à l’appel et sont arrêtés. atteindre sept années d’emprisonnement les per- La Cour constitutionnelle a examiné l’éventuelle mise sonnes ayant « glorifié » l’ennemi ou ayant « agi pour en place d’un service civil de remplacement qui serait son profit » (le terme « ennemi » désignant générale- destiné aux objecteurs de conscience, mais elle n’avait ment la Corée du Nord). Au mois de novembre, au pris aucune décision à ce sujet à la fin de l’année. moins 41 personnes étaient apparemment détenues en vertu de la Loi relative à la sécurité nationale. Torture et mauvais traitements ✔ Kim Kang-phil, employé de bureau d’une entre- Des cas de torture et de mauvais traitements en déten- prise d’informatique de Pusan, a été arrêté en juillet tion ont été signalés. Une personne au moins serait par une dizaine d’agents du Service national des ren- morte des suites de tels actes. seignements, agissant sans mandat. Incarcéré au centre ✔ Cho Cheon-hoon, trente-deux ans, soupçonné de de détention de Séoul, il a été inculpé au titre de meurtre, est mort le 26 octobre, lors de son interroga- l’article 7-5 de la Loi relative à la sécurité nationale. Il toire dans les locaux du parquet de Séoul. Selon un lui était reproché d’avoir été en possession de « docu- rapport d’autopsie, il serait mort des suites de plu- ments profitant à l’ennemi » et d’avoir « vénéré et glori- sieurs coups violents. fié un groupe agissant au profit de l’ennemi ». Au mois de janvier, Kim Kang-phil s’était dit favorable, dans Travailleurs immigrés un échange de courriers électroniques avec un univer- Le gouvernement aurait répondu par la répression à sitaire de renom, à l’idéologie nord-coréenne du Juche des mouvements de protestation de travailleurs immi- (« autosuffisance et indépendance »). Il a été condamné grés. De plus, des travailleurs immigrés placés en en septembre par le tribunal de district de Séoul à un détention auraient été brutalisés et insultés par des an d’emprisonnement ferme et un an avec sursis. responsables de l’application des lois. La plupart des Ayant fait appel, il a été libéré le 3 décembre par la 300000 travailleurs immigrés de Corée du Sud, une haute cour de Séoul, qui a modifié sa première peine main-d’œuvre sous-payée dont environ les deux tiers en deux ans d’emprisonnement avec sursis. Kim Kang- n’avaient pas de papiers en règle, travaillaient dans phil a formé un recours contre cette deuxième des conditions pénibles et dangereuses et étaient en condamnation devant la Cour suprême. butte à la discrimination raciale. Le ministère de la Justice, le Service national des renseignements et la Poursuites engagées contre des syndicalistes Direction de la police nationale auraient interpellé en L’arrestation et le harcèlement des dirigeants syndica- juin quelque 2000 immigrés sans papiers. Plusieurs listes qui avaient organisé des grèves et des manifesta- d’entre eux auraient été expulsés. tions pour défendre les droits fondamentaux des ✔ Mohammed Bidduth, Kabir Uddin et 11 autres tra- travailleurs se sont poursuivis. Les syndicats protes- vailleurs immigrés originaires du Bangladesh auraient été taient contre les restructurations, qui entraînaient des arrêtés le 2 septembre à leur domicile, dans le district de licenciements économiques massifs. Ils dénonçaient Masok, par une dizaine d’agents des services de l’immi- également l’insuffisance de la couverture sociale, gration, accompagnés d’une quarantaine de policiers. Ils l’inaction de la justice face aux employeurs qui met- ont été conduits au poste de police de Namyang-ju, sans taient fin en toute illégalité aux contrats de leurs sala- avoir eu le temps, pour certains, de s’habiller ou de riés et l’absence de réelle concertation entre le mettre des chaussures. Mohammed Bidduth et Kabir gouvernement, le patronat et les syndicats. Au moins Uddin auraient été frappés. Les deux hommes avaient 170 syndicalistes ont été arrêtés. Parmi eux figuraient pris la tête d’un rassemblement organisé par des membres plusieurs dirigeants syndicaux, qui ont été inculpés de la Equality Trade Union – Migrants Branch (ETU-MB, d’appel à des grèves « illégales » et d’« entrave au fonc- Section des travailleurs immigrés du Syndicat pour l’éga- tionnement de l’entreprise ». lité). Ils ont été détenus pendant quatre-vingts jours au 143 CO Centre de traitement des demandes d’immigration de Commission nationale des droits humains Hwaseong. Ils ont finalement été remis en liberté condi- Le secrétariat de la Commission nationale des droits tionnelle et sommés de quitter la Corée du Sud avant le humains a été mis en place au mois de juin. Le fait 20 janvier 2003. que la Commission ne dispose pas de pouvoirs adé- quats en matière d’enquête demeurait toutefois une Réfugiés source de préoccupation. Une seule personne, un ressortissant de République démocratique du Congo, a obtenu le statut de réfugié Visites d’Amnesty International cette année. Plusieurs personnes originaires du Des délégués d’Amnesty International se sont rendus Myanmar, membres de groupes d’opposition au régime en Corée du Sud au mois de décembre.◆ de ce pays, attendaient encore des réponses à leurs demandes d’asile. Selon certaines informations, les ser- Autres documents d’Amnesty International vices de l’immigration s’efforçaient de dissuader les Republic of Korea: Prisoners of conscience – Silenced for demandeurs d’asile de solliciter le statut de réfugié, speaking out [Corée du Sud. Des prisonniers d’opinion allant parfois jusqu’à refuser d’enregistrer leurs requêtes. réduits au silence pour avoir voulu s’exprimer] Ceux qui parvenaient à déposer une demande n’étaient (ASA 25/001/02). pas suffisamment informés de la procédure. En outre, Republic of Korea: Amnesty International’s comments on les fonctionnaires des services de l’immigration n’étaient the National Human Rights Commission Act -- Towards apparemment pas au fait des principes fondant le droit an autonomous, effective National Human Rights au statut de réfugié. Les demandeurs n’étaient pas habi- Commission [Corée du Sud. Observations d’Amnesty lités à bénéficier d’une assistance juridique et ne pou- International concernant la Loi relative à la vaient généralement pas obtenir une aide financière qui Commission nationale des droits humains : pour une leur aurait permis de vivre au quotidien. Commission autonome et efficace] (ASA 25/002/02). Republic of Korea: Terrorism Prevention Bill -- Commission vérité sur les morts suspectes Granting greater scope for increased human rights en Corée du Sud violations [Corée du Sud. Projet de loi relatif à la La Presidential Truth Commission on Suspicious Deaths prévention du terrorisme : une marge de manœuvre (Commission présidenielle de la vérité sur les morts accrue pour les auteurs de violations des droits suspectes), initialement créée pour une durée de deux humains] (ASA 25/003/02). ans, a vu son mandat prolongé d’une année supplé- Republic of Korea: Summary of concerns and mentaire le 14 novembre. Créée en octobre 2000, recommendations to candidates for the presidential cette Commission avait pour mission d’établir la elections in December 2002 [Corée du Sud. Résumé « vérité sur les morts suspectes survenues dans le contexte des préoccupations et recommandations aux candidats de la lutte du mouvement en faveur de la démocratisa- en lice pour l’élection présidentielle de décembre tion contre les régimes autoritaires passés ». 2002] (ASA 25/007/02). CÔTE D’IVOIRE RÉPUBLIQUE DE CÔTE D’IVOIRE MALI BURKINA FASO CAPITALE : Yamoussoukro GUINÉE SUPERFICIE: 322 463 km2 POPULATION: 16,7 millions CÔTE D'IVOIRE CHEF de l’ÉTAT: Laurent Gbagbo lac de Kossou GHANA CHEF du GOUVERNEMENT : Pascal Affi N’Guessan LIBÉRIA YAMOUSSOUKRO PEINE DE MORT: abolie COUR PÉNALE Abidjan INTERNATIONALE: Statut de Rome signé 0 300 km golfe de Guinée

144 CO e pays a connu en 2002 sa plus grave crise À la fin de l’année 2002, quelque 2 500 soldats français politique depuis l’indépendance, avec en étaient présents en Côte d’Ivoire afin de veiller au respect Lseptembre le soulèvement d’un groupe armé du cessez-le-feu. Plusieurs affrontements ont eu lieu fin qui a abouti à la partition de facto du pays. décembre, dans l’ouest du pays, entre les troupes fran- Malgré la signature d’un accord de cessez-le-feu, çaises et des membres de groupes d’opposition armés. en octobre, les hostilités se sont poursuivies. Des soldats français sont intervenus pour évacuer les Exécutions extrajudiciaires étrangers et veiller au respect du cessez-le-feu. Après le soulèvement de septembre, les forces de sécu- En novembre, deux nouveaux groupes armés rité ont arrêté un grand nombre de personnes non sont apparus dans l’ouest du pays près de la armées soupçonnées de soutenir la rébellion, y com- frontière avec le Libéria. Des atteintes graves pris de nombreux étrangers ou des Ivoiriens portant aux droits humains ont été commises à la fois des patronymes musulmans. Certains d’entre eux ont par le gouvernement et les groupes d’opposition alors été tués. À Abidjan, où un couvre-feu a été armés. À Abidjan, les forces gouvernementales imposé, plusieurs personnes ont été appréhendées sur ont commis des exécutions extrajudiciaires leur lieu de travail ou à leur domicile par des hommes et procédé à des arrestations arbitraires. Elles en uniforme qui les ont ensuite exécutées. Ces ont détruit plusieurs quartiers défavorisés où hommes armés se présentaient comme appartenant vivaient des populations déshéritées, notamment aux forces de sécurité et agissaient apparemment avec de nombreux étrangers, privant ainsi d’abri des l’assentiment des autorités, qui n’ont pris aucune milliers de personnes. Des groupes d’opposition mesure pour les arrêter ou pour empêcher de nouvelles armés se sont rendus coupables de la mort exactions de ce type. de membres des forces de sécurité non armés ✔ Le 19 septembre, premier jour du soulèvement, le et de personnes soupçonnées de soutenir général Gueï, ancien chef de l’État, a été abattu par les le gouvernement. Ils ont également recruté forces de sécurité alors qu’il cherchait refuge dans la des enfants dans leurs rangs. cathédrale d’Abidjan. Son épouse, Rose Gueï, et d’autres personnes proches du général, tels son aide de Contexte camp le capitaine Fabien Coulibaly, ont tenté de se La crise du mois de septembre est intervenue après cacher mais ont été retrouvés et tués par des membres deux années d’agitation, consécutives au coup d’État des forces de sécurité. militaire de décembre 1999. Ces deux années ont été ✔ Le 6 novembre, le docteur Benoît Dacoury-Tabley marquées par de graves atteintes aux droits humains, a été arrêté par deux hommes en uniforme qui ont commises dans un climat de xénophobie encouragée déclaré appartenir aux forces de sécurité. Des proches par certains dirigeants politiques. Alassane Ouattara, le parents du médecin se sont laissé dire qu’il était dirigeant du plus important parti d’opposition, le détenu à la brigade de gendarmerie d’Abobo à Rassemblement des républicains (RDR), s’est vu inter- Abidjan, mais ils ne l’y ont pas trouvé. Le corps du dire par la Cour constitutionnelle le droit de se présen- médecin a été retrouvé deux jours plus tard sur une ter aux élections présidentielle et législatives de 2000 route menant à la Maison d’arrêt et de correction au motif qu’il était étranger, d’origine burkinabè. d’Abidjan, la principale prison civile de la ville. Cependant, une période d’accalmie relative a précédé le soulèvement armé de septembre 2002. Un Forum Massacre à Daloa de réconciliation nationale s’est tenu à la fin de l’année En octobre, lorsque les forces gouvernementales ont 2001 et la question de la nationalité d’Alassane repris la ville de Daloa (dans l’ouest du pays), plusieurs Ouattara a alors apparemment été réglée. Au mois de dizaines de civils ont été tués de manière extrajudi- juillet 2002, un tribunal lui a accordé un certificat de ciaire par des hommes vêtus de treillis militaires. Les nationalité et en août le RDR est entré au gouverne- victimes étaient des Ivoiriens portant des patronymes ment. Le président Laurent Gbagbo et tous les partis musulmans ou des ressortissants d’autres pays de la politiques ont joint leurs efforts pour sortir le pays de sous-région, notamment du Mali, du Burkina Faso et l’impasse politique dans laquelle il se trouvait et rassu- de la Guinée. Les autorités ivoiriennes ont admis la rer la communauté internationale ainsi que les États réalité de ces exécutions et ordonné l’ouverture d’une de la sous-région. enquête. Cependant, elles ont nié la responsabilité des Après le soulèvement de septembre, des négociations forces de sécurité bien que des témoins oculaires aient de paix ont débuté à Lomé (Togo) sous l’égide de la affirmé que les auteurs des tueries étaient arrivés à Communauté économique des États d’Afrique de bord de tanks et de véhicules militaires, dont certains l’Ouest (CEDEAO) mais elles n’ont débouché sur aucun portaient les initiales de la Brigade anti-émeute (BAE). accord. En décembre, le cessez-le-feu a été violé à plu- sieurs reprises à la fois par les forces gouvernementales Le charnier de Monoko-Zohi et par les groupes d’opposition armés : le Mouvement En décembre, des soldats français ont découvert un patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI), le Mouvement charnier contenant des dizaines de corps à Monoko- populaire ivoirien du Grand Ouest (MPIGO) et le Zohi, près de Vavoua. Des témoins oculaires ont Mouvement pour la justice et la paix (MJP). déclaré aux délégués d’Amnesty International que le 145 CO village, qui était occupé par le MPCI, avait été attaqué à Harcèlement de défenseurs des droits humains et la fin du mois de novembre par des soldats gouverne- de journalistes mentaux en uniforme. Les soldats auraient tué ces per- Plusieurs défenseurs des droits humains ainsi que des sonnes sur la base d’une liste manuscrite comportant, journalistes ont été victimes de harcèlement. Certains notamment, le nom d’Adama Ouédraogo, un homme ont reçu des menaces de mort et d’autres ont été arrê- d’affaires, d’Ali Ouédraogo, de Kafale Boukary et de tés pendant de brèves périodes pour être interrogés. Podogo Ali. Les soldats ont jeté certains corps dans ✔ Au mois d’octobre, à Haoussa Bougou, un quartier des puits. Les villageois qui ont survécu au massacre d’Abidjan, un membre de la délégation d’Amnesty ont enterré les corps et ont été contraints de quitter International, Gaëtan Mootoo, a été interpellé en cette zone car les puits avaient été empoisonnés. Le compagnie d’un membre du Mouvement ivoirien des gouvernement et le MPCI ont nié toute responsabilité droits de l’homme (MIDH) par des membres des forces dans ces actes et ont demandé l’ouverture d’une de sécurité qui voulaient les interroger. Au moment de enquête internationale. leur arrestation, les deux défenseurs des droits humains s’entretenaient avec des femmes dont les mai- Violations des droits humains sons avaient été détruites. Toutes ces personnes ont été dans la région de Man conduites au quartier général de la police, puis libérées Les forces gouvernementales ont commis des massacres une heure plus tard à la suite d’une intervention du au mois de décembre après avoir repris la ville de Man. ministre de la Justice. Cette ville, située près de la frontière avec le Libéria, avait été occupée fin novembre par le MJP et le MPIGO. Exécutions illégales par des groupes Des soldats ont procédé à de nombreuses arrestations, d’opposition armés notamment de membres du RDR. Certaines des per- Les trois groupes d’opposition armés, le MPCI, le sonnes arrêtées ont « disparu » : c’était notamment le MPIGO et le MJP, ont exécuté de manière sommaire cas de Maméry Soumahoro, président du comité de plusieurs dizaines de membres des forces de sécurité base du RDR, de Traoré Abdoulaye, président local du ainsi que d’autres partisans présumés du gouverne- Cercle Alassane Dramane Ouattara (CADO), de Bonsié ment. Ils ont également arrêté un certain nombre de Blaise, correspondant du journal Le Nouvel espoir, et de gens qui ont ensuite « disparu ». Ces trois mouve- Kababou Cissé, responsable du syndicat des transpor- ments ont appelé la population à dénoncer toute per- teurs de l’Ouest. sonne susceptible d’appartenir aux forces armées ou de soutenir le gouvernement. Certaines victimes ont été Détentions sans inculpation ni procès abattues sur le lieu de leur arrestation. D’autres, accu- Après le soulèvement de septembre, des dizaines de sées de vol ou d’autres infractions de droit commun, personnes, dont des membres réels ou supposés du ont été sommairement exécutées en public. RDR, ont été arrêtées et détenues au secret. Aly Keita, ✔ Le 6 octobre, après une attaque lancée par les forces porte-parole adjoint du RDR, figurait parmi elles et gouvernementales pour reprendre la ville de Bouaké était toujours détenu à la fin de l’année. Il n’a pas été contrôlée par le MPCI, ce dernier a arrêté plusieurs possible de savoir combien de ces personnes avaient dizaines de gendarmes et une cinquantaine de leurs été inculpées et présentées à un magistrat. La plupart enfants. Une soixantaine de gendarmes auraient été exé- ont été transférées au mois de novembre à la Maison cutés sommairement dans leur cellule, et leurs codéte- d’arrêt et de correction d’Abidjan. nus forcés d’enterrer les corps avant de « disparaître ». Amnesty International craignait que ces derniers n’aient Destructions de maisons par les forces été tués sur les lieux mêmes du charnier. de sécurité et racket ✔ À Bouaké, le 8 octobre, un soldat appelé N’Da a Dans les quelques jours qui ont suivi le soulèvement de été tué chez lui dans le quartier de Broukro où il se septembre, les forces de sécurité ont détruit plusieurs cachait. Il ne portait pas d’uniforme militaire et avait bidonvilles et abris de fortune où logeaient des Ivoiriens apparemment fait l’objet d’une dénonciation. et des ressortissants d’autres pays de la sous-région. Les ✔ Lorsque le MJP et le MPIGO ont pris le contrôle de autorités ont justifié ces actes en affirmant que ces quar- la ville de Man, le 28 novembre, ils ont recherché et tiers déshérités « abritaient des assaillants ». La destruction abattu des gendarmes qui s’étaient cachés dans des de ces maisons a provoqué le déplacement de milliers de maisons appartenant à des civils. Ils ont aussi tué des personnes qui se sont retrouvées sans abri. Ces opéra- personnes qui avaient accepté d’abriter les gendarmes. tions ont eu lieu dans une atmosphère de nationalisme D’autres civils ont été tués parce qu’ils étaient soup- exacerbé, stimulé par certains médias, notamment la çonnés de soutenir le président ivoirien. radio et la télévision d’État. Bien que le président Gbagbo ait promis en octobre de faire cesser ces destruc- Détention arbitraire par des groupes armés tions, les forces de sécurité ont continué d’effectuer des Des dizaines de personnes, y compris des membres des descentes dans ces quartiers, détruisant des maisons et forces de sécurité, ont été détenues dans les zones extorquant sous la menace de l’argent aux habitants. Les contrôlées par les trois groupes d’opposition armés. Pour personnes chassées de leurs maisons n’ont obtenu aucune beaucoup d’entre elles on ignorait le lieu exact où elles se aide du gouvernement pour retrouver un logement. trouvaient ainsi que leurs conditions de détention. 146 CR ✔ Plusieurs personnes, dont le ministre des Sports, voulaient le garder « comme bouclier humain afin François Amichia, ont été détenues plusieurs jours par d’empêcher les loyalistes de bombarder la ville ». les forces du MPCI. Le journaliste Christophe Koffi, correspondant de l’Agence France-Presse (AFP), a été Enfants soldats détenu à Korhogo durant près d’une semaine. En sep- Les groupes d’opposition armés, notamment le MPCI, tembre, Martin Bléou, président de la Ligue ivoirienne ont recruté dans leurs rangs des jeunes, y compris des des droits de l’homme (LIDHO), qui se trouvait à enfants dont certains semblaient avoir à peine quatorze Bouaké au moment où la ville a été prise par les forces ans. Ces recrues jeunes et inexpérimentées ont reçu des du MPCI, a été détenu quelques heures. armes et ont souvent été déployées dans les nombreux postes de contrôle qui jalonnaient les routes de la région. Menaces contre les délégués Les délégués d’Amnesty International ont pu confirmer d’Amnesty International la présence de ces enfants soldats et ont relevé chez cer- Malgré des assurances écrites émanant des autorités du tains d’entre eux un comportement agressif et violent. MPCI et garantissant la sécurité de la délégation d’Amnesty International qui effectuait au mois de Visites d’Amnesty International décembre une mission de recherche dans le nord du En octobre, des delégués d’Amnesty International se pays, des membres de la délégation ont été à plusieurs sont rendus en Côte d’Ivoire. Ils ont rencontré des reprises menacés, parfois même de mort, par de jeunes représentants des autorités, notamment le ministre de combattants armés postés aux nombreux points de la Justice, et mené une mission de recherche. Au mois contrôle routiers. de décembre, une délégation a effectué une mission dans le nord de la Côte d’Ivoire afin d’évaluer la situa- Limitations de la liberté de mouvement tion des droits humains et la situation humanitaire Dans les zones tenues par le MPCI, plusieurs personnes dans cette région. Ils ont également rencontré des originaires du sud du pays ou portant des patronymes représentants du MPCI.◆ autres que ceux communs au nord de la Côte d’Ivoire se sont vu refuser le droit de quitter la région. Autres documents d’Amnesty International ✔ À Korhogo, un témoin a raconté à la délégation Côte d’Ivoire. Un pays pris dans la tourmente depuis d’Amnesty International comment en décembre il avait un mois (AFR 31/005/02). été empêché de monter dans un bus qui se dirigeait Côte d’Ivoire. Sans une mobilisation immédiate, le pays vers le sud du pays parce que les autorités locales va sombrer dans le chaos (AFR 31/010/02). CROATIE RÉPUBLIQUE DE CROATIE HONGRIE CAPITALE : Zagreb SUPERFICIE : 56 538 km2 SLOVÉNIE POPULATION : 4,7 millions ZAGREB CHEF de l'ÉTAT : CROATIE Stipe Mesic Vukovar CHEF du GOUVERNEMENT : BOSNIE- Ivica Racan HERZÉGOVINE PEINE DE MORT : abolie ITALIE Split YOUGOSLAVIE COUR PÉNALE mer INTERNATIONALE : Adriatique 0 200 km Statut de Rome ratifié

n certain nombre de personnes, serbes ou La Croatie n’a pas coopéré comme elle l’aurait croates, ont été traduites en justice pour dû avec le Tribunal pénal international pour l’ex- crimesU de guerre. Leurs procès ont révélé les Yougoslavie, retardant l’arrestation et le transfert carences d’un système de justice pénale dans de deux Croates inculpés par celui-ci. Des cas lequel les affaires étaient rarement instruites de violence et de discrimination à l’égard de avec impartialité et dans l’indépendance. personnes appartenant à des minorités ont été 147 CR signalés. Le retour des Serbes qui habitaient en pas attaquer ces décisions pour des raisons politiques Croatie avant la guerre continuait de se heurter et que seul l’accusé pouvait venir contester l’acte à des lois et à des pratiques défaillantes d’accusation, en personne et devant le Tribunal. et discriminatoires. Toujours en novembre, la Cour constitutionnelle s’est déclarée incompétente pour juger du bien-fondé de Contexte l’acte d’accusation. Les autorités croates n’avaient pas Le gouvernement, fondé sur la coalition de cinq partis encore remis Janko Bobetko au Tribunal à la fin de politiques, a démissionné en juillet à la suite d’un l’année 2002, apparemment en raison de l’état de désaccord concernant l’utilisation d’une centrale santé de celui-ci. nucléaire située dans la Slovénie voisine. Ivica Racan a Un autre accusé, le général en retraite Ante Gotovina, été rappelé peu de temps après au poste de Premier était lui aussi toujours en liberté. Il avait choisi de pas- ministre et a constitué un nouveau gouvernement à la ser dans la clandestinité après la divulgation, en 2001, fin du mois de juillet. des charges pesant sur lui. Le Tribunal aurait pourtant La mise en œuvre d’un certain nombre de dispositions informé au préalable les autorités croates de ses inten- essentielles relatives aux droits humains contenues tions. Ante Gotovina était accusé de crimes de guerre dans l’accord de stabilisation et d’association conclu commis contre la population serbe de Croatie pendant avec l’Union européenne en octobre 2001 a été retar- et après l’offensive de l’armée croate menée en 1995, dée. Le gouvernement avait lui-même annoncé que les l’opération Tempête (Oluja). mesures nécessaires devaient être prises avant la fin Poursuites entamées au niveau national 2002. Il s’agissait notamment de l’accélération du pro- De nombreux procès pour crimes de guerre ont eu cessus de retour des réfugiés, de la réforme du système lieu devant les tribunaux de Croatie. L’immense majo- judiciaire et de l’adoption d’une nouvelle loi constitu- rité des accusés étaient des Serbes de Croatie. tionnelle sur les minorités et d’une loi sur les médias. Beaucoup faisaient l’objet d’un acte d’accusation col- lectif et étaient jugés par contumace. Impunité pour les violations des droits humains Le procureur général a poursuivi le réexamen des dos- commises pendant la guerre siers concernant des crimes de guerre pour lesquels Poursuites entamées au niveau international une décision de justice définitive n’était pas encore Mile Mrksic, un ancien officier serbe de la intervenue. Il a reconnu que, bien souvent, les charges Jugoslovenska Narodna Armija (JNA, Armée fédérale n’étaient pas étayées par des éléments de preuve suffi- yougoslave) inculpé de crimes de guerre perpétrés en sants et étaient motivées par l’appartenance ethnique novembre 1991, après la chute de Vukovar, a été du suspect. Toutefois, ce réexamen ne concernait remis au Tribunal pénal international pour l’ex- apparemment pas les affaires jugées pour lesquelles la Yougoslavie (le Tribunal) par les autorités de la procédure n’avait manifestement pas été équitable. République fédérale de Yougoslavie. Inculpés dans le ✔ À l’issue d’un nouveau procès tenu en 2000 et qui cadre de la même affaire, Veselin Sljvancanin et n’aurait pas été conforme aux normes internationales Miroslav Radic étaient toujours en liberté en d’équité, Mirko Graorac, un Serbe de Bosnie, a été République fédérale de Yougoslavie, en dépit des condamné à quinze ans d’emprisonnement. Il a intro- appels répétés lancés par le Tribunal et différentes duit une requête auprès de la Cour européenne des organisations, dont Amnesty International, pour que droits de l’homme. ces deux hommes soient arrêtés. Lorsque des Croates se retrouvaient sur le banc des Le procès devant le Tribunal de l’ancien président accusés, les témoins à charge ne bénéficiaient pas yougoslave, Slobodan Milosevic, suivait son cours. d’une protection suffisante. De plus, selon certaines L’accusation a fait valoir qu’il était l’ultime respon- informations, les magistrats n’étaient pas impartiaux sable des crimes contre l’humanité et des crimes de dans leur manière de diriger les débats lors des procès. guerre commis en Croatie, ainsi que du génocide per- ✔ En novembre, le procès de huit anciens membres de pétré en Bosnie-Herzégovine. la police militaire accusés de crimes de guerre perpétrés Au mois de septembre, le Tribunal a rendu public contre des détenus serbes dans la prison militaire de l’acte d’accusation contre le général en retraite Janko Lora, à Split, s’est achevé par l’acquittement de tous les Bobetko, ancien chef d’état-major de l’armée croate, accusés. Des informations concordantes ont fait état pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité d’actes d’intimidation et de harcèlement dont auraient commis en 1993 contre la population serbe de eu à souffrir les victimes et les témoins qui, pour certains, Croatie. Passant outre l’obligation qu’il avait de auraient finalement décidé de quitter le pays. Aucun des coopérer sans condition avec le Tribunal, le gouverne- auteurs de ces actes n’aurait fait l’objet de poursuites, ment a, dans un premier temps, soumis l’affaire à la bien que des victimes aient porté plainte auprès de la Cour constitutionnelle, visiblement pour tenter de cal- police locale en donnant le nom des responsables. Le tri- mer la colère de l’opinion publique. Il a également fait bunal n’a pas non plus fait le nécessaire pour que puis- appel de la décision de confirmation de l’acte d’accu- sent comparaître certains témoins à charge vivant en sation et de celle d’émettre un mandat d’arrêt. République fédérale de Yougoslavie ou en Bosnie- Ces deux recours ont été rejetés au mois de novembre Herzégovine et qui, craignant manifestement pour leur par le Tribunal, qui a estimé que la Croatie ne pouvait sécurité, avaient refusé de se rendre en Croatie. 148 CR Minorités des biens et le transfert des responsabilités en la matière Le recensement effectué en 2001 a révélé que la part depuis les commissions locales chargées du logement, des minorités dans la population de Croatie avait à qui ont été supprimées, vers les services centraux de peu près diminué de moitié depuis le dénombrement l’État. Le gouvernement s’est engagé à prendre des de 1991. Des cas de discrimination contre des per- mesures pour la restitution de tous les biens privés sonnes appartenant à des minorités ont été signalés. Il avant la fin de l’année 2002. En novembre cependant, s’agissait notamment de discriminations relatives aux l’Organisation pour la sécurité et la coopération en droits sociaux, économiques et culturels. Les méca- Europe (OSCE) a indiqué que moins de 10 p. cent de nismes juridiques et administratifs existants ne per- tous les biens immobiliers occupés avaient été resti- mettaient visiblement pas aux victimes de ce genre de tués. Des milliers de réfugiés serbes qui ont été violations d’obtenir réparation. dépouillés de leur droit de location pendant ou après Au mois de mars, le Comité des Nations unies pour la guerre n’avaient toujours pas obtenu réparation et l’élimination de la discrimination raciale a noté avec ne pouvaient donc pas rentrer dans leur pays. préoccupation le retard pris par la Croatie concernant l’adoption d’une nouvelle loi constitutionnelle sur les « Disparitions » droits des minorités nationales. Selon des chiffres officiels, on restait sans nouvelles Le Comité a souligné que les Rom (Tsiganes) et les depuis la guerre de quelque 2 000 personnes. Parmi Serbes de Croatie étaient les premières victimes d’une elles figuraient de nombreuses victimes de « dispari- législation et de pratiques discriminatoires. Il a recom- tions » ou d’enlèvements. mandé l’adoption de mesures visant à faciliter l’accès à Après des années de négociations entre la Croatie et la la justice et à permettre l’application du droit à un République fédérale de Yougoslavie, les autorités traitement égal devant la loi. serbes, avec l’assistance de la Commission internatio- En adhérant au Conseil de l’Europe, dans le courant de nale des personnes disparues dans l’ex-Yougoslavie, ont l’année 1996, la Croatie s’était engagée, entre autres, à commencé au mois de mars à exhumer les corps de vic- adopter une nouvelle loi constitutionnelle sur les times de guerre croates enterrés dans des cimetières droits des minorités nationales. Le Parlement a situés en territoire yougoslave. À la fin de l’année 2002, approuvé un nouveau projet de loi en ce sens au mois plus de 200 cadavres avaient été renvoyés en Croatie de décembre. pour y être identifiés. Les exhumations se sont multi- Des informations persistantes ont fait état de nom- pliées et plusieurs centaines de dépouilles ont été breux actes de discrimination et de violences perpétrés retrouvées dans des sites situés dans l’ancienne région aussi bien par des agents de la force publique que par de la Krajina, notamment à Gracac et à Knin. Dix- des acteurs non étatiques (en particulier des groupes huit corps ont été exhumés en mai près de Gospic. Il de skinheads) contre les quelque 35000 membres de la s’agissait, selon certaines informations, des corps de communauté rom de Croatie. civils serbes tués par l’armée croate en 1991 à Paulin Des enfants rom étaient confrontés à la discrimination Dvor, un village de Slavonie orientale situé à environ dans le système scolaire. Dans la région de Medjimurje, 500 kilomètres vers l’Est. Une information judiciaire a par exemple, ils n’étaient accueillis que dans des classes été ouverte sur ces homicides.◆ spéciales, qui leur étaient réservées et où le niveau d’enseignement était plus faible que dans les cours desti- nés aux autres enfants. ✔ Au mois de novembre, un Rom et son fils ont déposé une requête auprès de la Cour européenne des droits de l’homme. Leur plainte concernait les mauvais traitements qui leur avaient été infligés, à Zagreb en 1999 et 2001, par des skinheads qui n’ont pas fait l’objet de poursuites pénales. Des agressions de skinheads contre des homosexuels hommes ou femmes ont également été signalées. Trente personnes auraient ainsi été agressées en juin, après le premier défilé organisé à Zagreb à l’occasion de la fête de la Fierté homosexuelle (Gay Pride). Certaines de ces personnes ont été grièvement blessées.

Retours de membres des minorités Environ 11000 Serbes de Croatie réfugiés en République fédérale de Yougoslavie ou en Bosnie-Herzégovine seraient rentrés chez eux en 2002, un chiffre plus élevé que ceux constatés les années précédentes. Les pro- blèmes de restitution de logements persistaient, malgré la modification, en juillet, de la loi sur la restitution 149 CU CUBA RÉPUBLIQUE DE CUBA golfe CAPITALE : La Havane du Mexique 2 SUPERFICIE : 110 860 km LA HAVANE BAHAMAS POPULATION : 11,3 millions océan CHEF de l’ÉTAT Atlantique et du GOUVERNEMENT : Fidel Castro CUBA PEINE DE MORT : maintenue mer Guantanamo COUR PÉNALE des Antilles INTERNATIONALE : Statut de Rome non signé îles Caïmans JAMAïQUE (ROYAUME-UNI) 0 300 km HAïTI

n certain nombre d’organisations non entre les deux pays, qui s’étaient détériorées au cours reconnues par les autorités ont lancé à des trois années précédentes. CubaU des initiatives en faveur d’une plus grande En avril, la Commission des droits de l’homme des transparence et d’un meilleur respect des droits Nations unies a adopté une résolution relativement humains dans le pays. D’une manière générale, modérée sur les droits humains à Cuba, soutenue par de les autorités ont feint de ne pas prêter attention nombreux États d’Amérique latine. Le Mexique a ainsi à ces actions, mais quelques cas de harcèlement voté pour la première fois une résolution contre Cuba, à l’égard des personnes impliquées ont ce qui a donné lieu à une brouille diplomatique entre les cependant été enregistrés. En février, un groupe deux pays. En novembre, pour la onzième année consé- de jeunes Cubains est entré en force dans cutive, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté une réso- l’ambassade du Mexique à bord d’un autobus, lution demandant aux États-Unis de lever leur embargo. afin d’y demander l’asile semble-t-il. Cet événement a donné lieu à un certain nombre Relations avec les États-Unis d’arrestations de dissidents, apparemment à Les relations entre les États-Unis et Cuba sont restées titre préventif, de sorte que l’on comptait à la fin difficiles dans l’ensemble. Aux États-Unis, bien que les de l’année 2002 plus de prisonniers d’opinion appels en faveur d’une levée de l’embargo aient atteint qu’à aucun moment de l’année précédente. un niveau sans précédent, le président George W. De nouvelles condamnations à mort ont été Bush a indiqué qu’il opposerait son veto à toute initia- prononcées, mais le moratoire non officiel tive parlementaire en ce sens ou visant à la suppression sur les exécutions semblait être maintenu. Cette d’autres restrictions sur Cuba tant que le multipar- année encore, l’embargo américain contre Cuba tisme ne serait pas établi et que des élections ne a contribué à la persistance d’une situation dans seraient pas organisées. Sa position a fait l’objet de cri- laquelle les droits fondamentaux étaient bafoués. tiques de la part de l’ancien président Jimmy Carter, dont la visite, en mai, a constitué la mission de plus Contexte haut niveau effectuée à Cuba par un représentant des Les rapports de Cuba avec certains membres de la États-Unis depuis 1959. Au mois d’octobre, la communauté internationale se sont améliorées durant Chambre des Représentants s’est prononcée en faveur l’année 2002. Une réunion tenue en novembre avec de la levée des restrictions imposées aux ressortissants des représentants de l’Union européenne a marqué un américains qui veulent se rendre à Cuba. changement positif dans les relations de celle-ci avec Cuba a réaffirmé cette année son opposition à la pré- Cuba. Le dialogue politique entre les deux parties, sence des États-Unis à Guantánamo, placé sous juri- interrompu pendant cinq ans en raison de blocages sur diction américaine, tout en soulignant que le fait un certain nombre de questions, notamment celle des d’autoriser les avions américains à utiliser son espace droits humains, avait repris en décembre 2001. De aérien constituait un geste de bonne volonté du pays, même, la visite à Cuba d’un responsable canadien en dans le sens des efforts déployés à l’échelle mondiale novembre a eu un effet bénéfique sur les relations pour lutter contre le « terrorisme ». (Pour davantage 150 CU d’informations sur les personnes détenues par les auto- Elías Biscet, semblait confirmer ce point de vue. rités américaines à Guantánamo, voir États-Unis.) Cependant, le nombre de nouvelles arrestations s’est accru, apportant la preuve manifeste que les autorités Initiatives de la société civile continuent de réprimer sévèrement toute dissidence Les appels en faveur du respect des libertés fondamen- potentielle à l’intérieur du pays. En décembre, Oscar tales ont eu plus de retentissement grâce aux initiatives Elías Biscet a été de nouveau arrêté, en compagnie de d’organisations de la société civile. plusieurs militants qui participaient avec lui à un En octobre, la mise en place de l’Asamblea para groupe de discussion sur les droits humains. Promover la Sociedad Civil (Assemblée pour la promo- Mesures de répression consécutives aux tion de la société civile), dirigée par l’ancienne prison- événements survenus à l’ambassade du Mexique nière d’opinion Marta Beatriz Roque Cabello, a été Le 27 février, des jeunes gens sont entrés en force, à annoncée. La Mesa de Reflexión de la Oposición bord d’un autobus, dans l’enceinte de l’ambassade du Moderada (Table ronde de réflexion de l’opposition Mexique à La Havane. Quelques jours plus tard, la modérée) a fait savoir qu’à la fin de l’année 2002, son police de La Havane a donné l’assaut et les a placés en projet de charte des droits humains avait suscité des détention. Plusieurs d’entre eux, parmi les plus jeunes, réactions de la part de plus de 10 000 citoyens cubains. ont été relâchés, mais à la fin de l’année, 15 étaient La Carta de derechos y deberes fundamentales de los apparemment toujours détenus. Cubanos (Charte des droits et devoirs fondamentaux Les autorités ont pris des mesures sévères dans cette des Cubains) se veut un mécanisme favorisant le débat affaire. Selon les informations recueillies, deux journa- sur les questions relatives aux droits humains à Cuba. listes de Reuters auraient été frappés par des policiers alors qu’ils tentaient de couvrir les faits. Une opération Projet Varela de ratissage du quartier de l’ambassade conduite pen- Le mouvement Todos Unidos (Tous unis) a lancé le dant les troubles s’est soldée par plusieurs centaines Proyecto Varela (projet Varela), une pétition en faveur d’arrestations. La plupart des personnes interpellées d’un référendum sur les libertés fondamentales. Le ont été rapidement relâchées, mais les autorités ont 10 mai, Oswaldo Payá Sardiñas, du Movimiento Cristiano procédé à un coup de filet distinct parmi les dissidents « Liberación » (Mouvement chrétien « Libération »), et connus. Nombre de ces derniers étaient toujours déte- d’autres responsables du projet Varela, ont déposé à nus à la fin de l’année 2002. Dix des militants placés l’Assemblée nationale plus de 11 000 signatures récla- en détention étaient des prisonniers d’opinion, de mant l’organisation de ce référendum. Peu de temps même que cinq autres arrêtés au cours des jours précé- après, l’ancien président Jimmy Carter est arrivé à Cuba dant les événements. Aucun des 15 n’avait été officiel- et, fait sans précédent, a été autorisé à s’adresser en lement inculpé ou jugé à la fin de l’année 2002. direct à la nation. Il a apporté son soutien au Proyecto ✔ Un certain nombre de ces prisonniers d’opinion, Varela et a abordé une série de questions relatives aux ainsi que d’autres détenus, ont entamé une grève de la droits humains. faim à la fin du mois d’août pour protester contre leur Le 12 juin, les autorités ont organisé une immense maintien en détention sans jugement. Le prisonnier marche de soutien à une nouvelle demande de référen- d’opinion Leonardo Miguel Bruzón Avila a vu son état dum en faveur du maintien du régime en place. Le de santé se détériorer considérablement et a dû être 20 juin, une pétition qui aurait été signée par 99 p. cent transféré vers un hôpital militaire début novembre. des électeurs cubains a été présentée à l’Assemblée ✔ Le 4 mars, 12 dissidents auraient été frappés et arrê- nationale. Le texte appelait à un engagement réaffirmé tés par des agents de la Sûreté de l’État et des membres pour le socialisme. Six jours plus tard, l’Assemblée d’une brigade paramilitaire dans un hôpital de Ciego nationale se prononçait à l’unanimité en faveur d’une de Avila où ils étaient venus rendre visite à un collègue modification de la Constitution affirmant le caractère « qui avait été roué de coups lors d’une manifestation. irrévocable » du régime socialiste et rendant « intou- Ils étaient toujours détenus sans jugement à la fin de chable » à l’avenir la loi fondamentale. Les partisans du l’année 2002. L’un des dissidents incarcérés, Juan projet Varela y ont vu une riposte après leur initiative, Carlos González Leyva, est atteint de cécité et était mais les autorités ont affirmé qu’elles avaient agi en soumis à des conditions de détention très pénibles qui réplique aux appels du président américain Bush ont, semble-t-il, aggravé son hypertension artérielle et demandant un changement de gouvernement à Cuba. d’autres problèmes de santé.

Prisonniers d’opinion Harcèlement des dissidents Les restrictions à la liberté d’expression, de réunion et Cette année encore, les autorités ont tenté de découra- d’association étaient toujours inscrites dans la législa- ger la dissidence en harcelant des personnes soupçon- tion cubaine. Toutefois, la baisse du nombre de pri- nées d’être des détracteurs du gouvernement. Les sonniers d’opinion constatée ces dernières années a placements en détention de courte durée, les fré- conduit certains observateurs à penser que la répres- quentes convocations, les menaces, les expulsions, les sion touchant les dissidents s’atténuait. La libération licenciements et les restrictions touchant à la liberté de en 2002 de plusieurs prisonniers d’opinion, dont Juan circulation figuraient parmi les méthodes employées José Moreno Reyes, Vladimiro Roca Antúnez et Oscar contre les dissidents présumés. 151 DA Peine de mort l’organisation en vue d’obtenir l’autorisation de se Bien que le moratoire non officiel sur les exécutions rendre dans le pays.◆ adopté en 2001 soit apparemment resté en vigueur, trois détenus au moins – Ramón González, Iván Autres documents d’Amnesty International Rodríguez et Gabriel Lindón – ont été condamnés à Cuba: The situation of human rights in Cuba mort en 2002. Les procureurs ont requis la peine capi- [La situation des droits humains à Cuba] tale contre trois autres personnes au moins. À la fin de (AMR 25/002/02). l’année 2002, plus de 50 personnes se trouvaient tou- Cuba. Questions et réponses sur le travail d’Amnesty jours sous le coup d’une condamnation à la peine International (AMR 25/003/02). capitale. Cuba: Ill-health of Juan Carlos González Leyva – Medical action [Cuba. Mauvais état de santé de Juan Visites d’Amnesty International Carlos González Leyva. Action médicale] La dernière visite d’Amnesty International à Cuba (AMR 25/007/2002). remonte à l’année 1988. Le gouvernement cubain, Cuba. De nouveaux prisonniers d’opinion et d’autres n’a pas répondu aux demandes que lui a adressées susceptibles de l’être (AMR 25/008/02). DANEMARK ROYAUME DU DANEMARK océan mer Arctique ISLANDE CAPITALE : Copenhague du Nord 2 SUPERFICIE: 43 075 km Groenland

POPULATION: 5,3 millions Aalborg CHEF de l’ÉTAT: Margrethe II CHEF du GOUVERNEMENT : CANADA océan Anders Fogh Rasmussen DANEMARK 0 500 km Atlantique PEINE DE MORT: abolie Aarhus COUR PÉNALE INTERNATIONALE: SUÈDE Statut de Rome ratifié COPENHAGUE

Odense mer Baltique 0 100 km ALLEMAGNE

e recours persistant à l’isolement Surveillance internationale cellulaire constituait toujours En mars, le Comité des Nations unies pour l’élimina- Lun motif de préoccupation. Une loi tion de la discrimination raciale s’est déclaré préoccupé restreignant le droit d’asile ainsi que les par les informations faisant état d’une multiplication droits des étrangers résidant au Danemark des discours de haine et des actes de harcèlement a été adoptée. Le champ d’application visant les membres des communautés arabe et musul- de la législation « antiterroriste » a été élargi mane. Il a également exprimé son inquiétude face à à la suite des attentats perpétrés l’adoption de dispositions plus restrictives à l’égard des le 11 septembre 2001 aux États-Unis. demandeurs d’asile et des réfugiés, et à propos des Le gouvernement n’a pas veillé au respect informations selon lesquelles les autorités danoises des droits fondamentaux d’un ressortissant refuseraient de reconnaître l’existence des Inuits en danois détenu par les États-Unis dans la base tant qu’ethnie ou entité tribale distincte. américaine de Guantánamo, à Cuba. La justice En mai, le Comité contre la torture des Nations unies n’a pas engagé de poursuites contre les policiers a une nouvelle fois déploré que la torture ne soit pas impliqués dans une fusillade, en 2001, au cours définie comme une infraction dans la législation de laquelle deux personnes sont mortes. danoise et qu’il n’existe pas de procédures appropriées 152 DA de recours contre les décisions de placement à l’isole- supprimé la possibilité de demander l’asile dans une ment des prisonniers condamnés. ambassade du Danemark à l’étranger. Amnesty Au mois de septembre, le Comité européen pour la International s’est également inquiétée de l’éventua- prévention de la torture (CPT) a publié son rapport sur lité d’un usage accru par les autorités d’une procédure de recours contre les décisions de placement à l’isole- accélérée, qui ne garantirait pas un examen équitable ment des prisonniers condamnés. des demandes d’asile. Toujours en septembre, le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) a publié son rapport sur Akhmed Zakaïev la visite de sa délégation au Danemark au début de En octobre, Akhmed Zakaïev, envoyé du président l’année. Il a déploré le fait que certaines personnes pla- tchétchène au Congrès tchétchène mondial organisé à cées en détention provisoire soient enfermées dans leur Copenhague, a été arrêté à la suite d’une demande cellule jusqu’à vingt et une heures par jour sans avoir d’extradition du gouvernement russe se fondant sur des accès à des activités spécifiques, et a exprimé son allégations de crimes qu’il aurait commis entre 1996 et inquiétude à propos du recours à l’isolement cellulaire 1999. Il était à craindre qu’il ne soit soumis à la torture (voir ci-après). ou à d’autres formes de mauvais traitements s’il était remis aux autorités russes. En décembre, le ministre Isolement cellulaire danois de la Justice a décidé de libérer Akhmed Zakaïev Des garanties ont été instaurées pour limiter le recours au motif qu’il n’existait pas suffisamment d’éléments de au placement à l’isolement sur décision de justice pen- preuve pour justifier son extradition. dant la détention provisoire. Toutefois, aucune durée maximale d’isolement cellulaire n’a été fixée, et les pri- Détentions par les autorités américaines sonniers condamnés ne bénéficiaient pas de garanties d’un ressortissant danois à Cuba similaires. Ils se voyaient en outre refuser la possibilité Le gouvernement danois s’est abstenu d’intervenir de contester devant un juge la décision des autorités auprès des autorités américaines pour les exhorter à pénitentiaires de les maintenir indéfiniment à l’isole- respecter les droits fondamentaux d’un ressortissant ment. Les détenus placés à l’isolement sur décision danois détenu par les États-Unis à Cuba. Au mois de judiciaire continuaient d’être enfermés dans leur cel- novembre, la Commission parlementaire des lois a lule vingt-trois heures par jour. interrogé le ministre de la Justice et le ministre des Détenu à l’isolement depuis mars 1998, Hans Nati a Affaires étrangères sur cette affaire. Il est apparu que le été transféré, en février, dans le quartier de haute sécu- détenu danois s’était vu refuser l’assistance d’un avocat rité de la prison de Nyborg. En juin, les autorités péni- lors de son interrogatoire par les agents du renseigne- tentiaires ont fait savoir à Amnesty International qu’il ment américains et danois, en violation de ses droits était autorisé, depuis la fin avril, à fréquenter deux au regard de la législation danoise. autres prisonniers quatre heures par jour. En décembre 2001, le médiateur parlementaire avait dénoncé le Coups de feu tirés par des policiers non-respect par la direction de la prison de Nyborg de En décembre 2001, Claus Nielsen et Lars Jorgensen l’obligation de reconsidérer sérieusement chaque ont été abattus par la police à Tilst, non loin semaine la décision de maintenir ce détenu à l’isole- d’Aarhus. Les deux hommes étaient soupçonnés de ment cellulaire et de consigner les résultats de cet exa- vol qualifié. Compte tenu de la polémique qui entou- men dans un compte rendu. rait les circonstances des coups de feu, une informa- tion judiciaire a été ouverte. Le procureur régional a Législation « antiterroriste » décidé de ne pas engager de poursuites contre les deux La définition du « terrorisme » et le champ d’applica- policiers impliqués, malgré les conclusions du Conseil tion de l’infraction consistant à « favoriser et encoura- chargé d’examiner les plaintes contre la police indi- ger des activités terroristes » ont été élargis. Il était à quant que l’un d’entre eux aurait dû être inculpé pour craindre que cette mesure ne touche des personnes avoir tiré sur Claus Nielsen. Les familles des victimes exerçant des activités non violentes, notamment ont fait appel de cette décision, leur avocat ayant mis humanitaires, en relation avec des organisations soup- en évidence plusieurs contradictions dans le rapport çonnées de « terrorisme ». Les modifications apportées d’enquête du procureur régional. Le Conseil chargé à loi sur l’extradition pourraient entraîner le renvoi de d’examiner les plaintes contre la police n’a pas exercé « terroristes » présumés vers des pays où ils risquent de son droit de recours et le procureur général a subir de graves atteintes aux droits humains. confirmé, en juin, la décision du procureur régional de n’engager de poursuites contre aucun des deux Réfugiés et demandeurs d’asile policiers.◆ L’adoption d’une loi restreignant la protection des réfugiés a constitué un motif de préoccupation. Les Autres documents d’Amnesty International objecteurs de conscience et les personnes fuyant un Préoccupations d’Amnesty International en Europe, pays en proie à un conflit armé ou à la violence géné- janvier – juin 2002 (EUR 01/007/02). ralisée figuraient parmi les victimes potentielles des dispositions restrictives. Le nouveau texte de loi a 153 EG ÉGYPTE RÉPUBLIQUE ARABE mer Méditerranée ISRAËL IRAK D’ÉGYPTE ET T.O.

CAPITALE : Le Caire Alexandrie JORDANIE SUPERFICIE: 1 000 250 km2 POPULATION: 70,3 millions LE CAIRE ARABIE CHEF de l’ÉTAT: SAOUDITE Hosni Moubarak LIBYE CHEF du GOUVERNEMENT : Atef Mohamed Ebeid ÉGYPTE PEINE DE MORT: maintenue Assouan mer COUR PÉNALE Halaïb Rouge INTERNATIONALE: Statut de Rome signé SOUDAN

0 400 km

u moins 32 personnes ont été condamnées Liberté d'expression et d'association à des peines allant jusqu'à sept ans Comme les années précédentes, les partis politiques, d'emprisonnement.A Elles étaient considérées les organisations non gouvernementales (ONG), les comme des prisonniers d'opinion. Vingt-huit associations professionnelles, les syndicats et les prisonniers d’opinion, dont sept avaient été médias ont été soumis à des restrictions légales et au incarcérés au cours des années précédentes, contrôle des autorités. Le gouvernement a maintenu étaient toujours en détention à la fin de l'année. les interdictions prononcées les années précédentes Des milliers de sympathisants présumés de contre plusieurs partis politiques, ainsi que la suspen- groupes islamistes interdits, dont certains étaient sion de leurs publications. En juin, le Parlement a probablement des prisonniers d'opinion, étaient adopté une loi controversée aux termes de laquelle les toujours détenus sans inculpation ni jugement à ONG doivent obtenir l'autorisation des autorités pour la fin de l’année ; certains d'entre eux étaient élire un conseil d'administration, se lier à une organi- incarcérés depuis plusieurs années. D'autres sation située en dehors de l'Égypte ou recevoir des encore purgeaient des peines d'emprisonnement fonds de l'étranger. prononcées par des tribunaux militaires à l'issue Cette année encore, des personnes ont été arrêtées, jugées de procès manifestement inéquitables. et emprisonnées au mépris de leur droit à la liberté d'ex- La torture et les mauvais traitements de pression. Plusieurs personnes, dont des militants poli- détenus sont restés systématiques. Au moins tiques, des défenseurs des droits humains et des membres 48 condamnations à mort ont été de groupes religieux, ont été condamnées à des peines prononcées et 17 personnes exécutées. allant jusqu'à sept ans d'emprisonnement. Elles sont considérées comme des prisonniers d’opinion. Contexte ✔ Au mois de juillet, la Haute Cour militaire a Plusieurs dirigeants d'Al Djamaa al Islamiya (Groupe condamné 16 membres présumés d'Al Ikhwan al islamique), emprisonnés au cours des années précé- Muslimin (Les Frères musulmans) à des peines com- dentes pour avoir commis des exactions graves, ont prises entre trois et cinq ans d'emprisonnement pour condamné publiquement le recours à la violence et leurs activités politiques, pourtant non violentes. déclaré que l’islam interdit de tuer des civils. Ils ont Parmi eux figuraient des médecins, des professeurs ajouté qu'ils devaient des excuses au peuple égyptien d'université et des ingénieurs. et ont proposé d'indemniser les familles des personnes ✔ En octobre, une cour d'appel du Caire a confirmé tuées à la suite de leurs agissements. Al Djamaa al en son absence la peine d'un an d'emprisonnement Islamiya, qui avait annoncé, à la fin de 1997, qu'il prononcée contre Shohdi Naguib, fils du poète Naguib n'aurait plus recours à la violence, n'a perpétré aucune Surour, pour avoir diffusé sur Internet les poèmes poli- attaque violente depuis cette date. tiques de son père jugés « sexuellement explicites ». 154 EG Défenseurs des droits humains Neuf prisonniers d’opinion condamnés à l’issue de deux En juillet, après que la Cour de cassation eut ordonné procès distincts à la peine maximale de trois ans d’empri- en février un nouveau procès, la Haute Cour de sûreté sonnement prévue pour « pratique de la débauche » ont de l'État a confirmé au Caire la peine de sept ans d'em- été relaxés en appel. En avril, cinq hommes ont été prisonnement prononcée contre Saad Eddin Ibrahim, déclarés non coupables par une cour d’appel à défenseur éminent des droits humains et directeur du Damanhûr et en septembre quatre autres hommes ont Centre d'études sur le développement Ibn Khaldun. été relaxés en appel à Bulaq Dakrur (Le Caire). Nadia Abd al Nur, comptable du Centre, a été condam- Plusieurs hommes ont été arrêtés et jugés après avoir née à deux ans d'emprisonnement dans le même procès. accepté de rencontrer une personne avec laquelle ils Les charges retenues avaient essentiellement un rapport avaient été en contact sur Internet et qui était en fait avec des projets financés par l'Union européenne et un membre des services de sécurité ou un informateur visant à promouvoir la participation électorale. Après de la police. l'énoncé du jugement, le gouvernement des États-Unis a ✔ En janvier Zaki Sayid Zaki Abd al Malak a été annoncé la suspension de toute aide supplémentaire à arrêté dans des circonstances analogues et condamnés l'Égypte. La Cour de cassation a ordonné un nouveau à trois ans d’emprisonnement pour « pratique de la procès en décembre. Saad Eddin Ibrahim et Nadia Abd débauche ». Cete condamnation a été confirmée par la al Nur ont été remis en liberté. cour d’appel d’Agouza, un quartier du Caire. Il aurait été maltraité durant sa détention. Liberté de religion Cette année encore des personnes risquaient de voir Procès inéquitables leurs droits fondamentaux bafoués uniquement parce De très nombreuses personnes ont été déférées à des qu’ils avaient exercé leur droit à la liberté de religion. tribunaux d'exception, comme les cours de sûreté de ✔ En mars, un tribunal correctionnel de la cour de l'État, instaurées par la législation d'exception. Elles sûreté de l'État (instaurée par la législation d’excep- étaient poursuivies, entre autres, pour appartenance à tion), dont les décisions ne sont pas susceptibles d'ap- des organisations interdites, mépris de la religion, pel, a condamné Amin Youssef et Ali Mamduh à trois espionnage et corruption. Les procédures appliquées ans d'emprisonnement pour « mépris de la religion ». par ces juridictions étaient loin de respecter les normes Six autres personnes, dont l'épouse d'Amin Youssef, internationales d'équité. Les condamnés étaient ont été condamnées à un an d'emprisonnement avec notamment privés du droit à un réexamen complet de sursis. Il était reproché à Amin Youssef et Ali leur dossier par une juridiction supérieure. Mamduh, qui sont considérés comme des prisonniers ✔ Sharif al Filali, accusé d'espionnage pour le compte d'opinion, d'avoir organisé des réunions religieuses d'Israël, a été condamné, en mars, par la Haute Cour privées et d'avoir prôné des modifications de certaines de sûreté de l’État instaurée par législation d'excep- règles fondamentales de l'islam. tion, à quinze ans de détention. Il avait été acquitté en ✔ En septembre, un tribunal correctionnel de la cour juin 2001, mais le président Moubarak avait refusé de de sûreté de l'État a déclaré 21 hommes et femmes ratifier la décision d'acquittement et ordonné un nou- coupables de « mépris de la religion ». Le chef présumé veau procès. Cet homme a été détenu au secret pen- du groupe, Sayid Tolba, et l'un de ses coaccusés ont dant plusieurs mois avant son procès. été condamnés respectivement à trois ans et un an ✔ En septembre, la Haute Cour militaire a condamné d'emprisonnement ; les 19 autres ont été condamnés à 51 hommes à des peines comprises entre deux et des peines assorties du sursis. Ils étaient poursuivis en quinze ans d'emprisonnement pour, entre autres chefs, raison de leur interprétation déviante des croyances détention d'armes et appartenance à une organisation traditionnelles de l'islam. interdite désignée sous le nom de Tanzim al Waad ✔ Plusieurs Égyptiens convertis au christianisme ont fait (Organisation de la promesse). Quarante-trois autres état de détentions arbitraires et de tortures ou mauvais accusés ont été acquittés, mais la plupart étaient mainte- traitements, entre autres violations des droits humains. nus en détention administrative à la fin de l’année. Des dizaines de ces accusés – dont Magdi Hassan Idris Procès liés à l'orientation sexuelle supposée Muhammad, Omar Abd al Aziz Khalifa et Omar En mai, le président Moubarak a annulé la condamna- Hagayif Mahdi, condamnés à quinze ans d'emprisonne- tion de 50 des 52 hommes jugés en 2001 en raison de ment – ont affirmé avoir été soumis à la torture, notam- leur orientation sexuelle présumée ; 21 prisonniers d’opi- ment à des décharges électriques, par des membres du nion ont été libérés à la suite de cette décision. Il a Service de renseignements de la sûreté de l'État. confirmé les peines d'emprisonnement infligées aux Plusieurs accusés ont déclaré qu'ils avaient été deux autres hommes dans la même affaire par un tribu- contraints de faire des « aveux ». nal correctionnel de la Cour de sûreté de l'État ; Sherif ✔ Le procès de 26 hommes, dont trois Britanniques, Farahat et Mahmud Ahmed Allam Daqla étaient respec- s'est ouvert, en octobre, devant la Haute Cour de sûreté tivement condamnés à cinq et trois ans d'emprisonne- de l'État. Ils étaient accusés d'appartenance au Hizb al ment. Un nouveau procès des 50 prévenus s'est ouvert Tahrir al Islami (Parti de la libération islamique), mouve- en juillet devant un tribunal pénal du quartier de Qasr al ment interdit. Plusieurs d'entre eux auraient été torturés Nil au Caire ; il n'était pas terminé fin 2002. ou maltraités après leur arrestation en avril. 155 EG Détention au secret de proches de prisonniers Caire. Insultée par un agent, elle a protesté et a alors et de militants été frappée au visage et sur d'autres parties du corps Plusieurs proches de prisonniers et de militants poli- avec une ceinture. Les représentants d'Amnesty tiques ont été détenus en raison des activités de ceux- International qui l'ont rencontrée quelques jours plus ci. Ils ont été maintenus au secret pendant plusieurs tard ont constaté qu'elle avait toujours des ecchymoses semaines et risquaient d'être torturés ou victimes de et des tuméfactions au visage. Elle a déposé une mauvais traitements. plainte, mais ses avocats ont appris, en août, que l'af- ✔ En juillet, Aziza Abbas Muhammad, épouse d'un faire avait été classée sans qu'une enquête approfondie prisonnier politique, a été arrêtée pour la troisième fois ait été menée. en un mois. Elle a été maintenue au secret pendant près de deux mois dans un lieu inconnu, probable- Morts en détention ment par des membres du Service de renseignements Plusieurs membres des forces de sécurité ont été jugés de la sûreté de l'État. Transférée en septembre à la pri- à la suite de deux cas de mort en détention survenus son pour femmes de Qanatir, elle a été maintenue en au cours de l'année, apparemment des suites de détention administrative en vertu de la législation sévices. De nombreux autres cas, dont certains avaient d'exception. Ses deux fils, dont l'un était mineur, ont été recensés les années précédentes, n'ont pas fait l'ob- été interpellés au mois de juin alors qu'ils tentaient de jet d'enquêtes. Selon les éléments médicolégaux four- rendre visite à leur père en prison. Ils ont été détenus nis au cours de plusieurs procès, les marques relevées au secret pendant plusieurs semaines. À la fin de sur le corps des détenus morts en garde à vue corres- l’année tous les trois étaient toujours en détention. pondaient à des traces laissées par des décharges élec- ✔ Yahya Tawfiq Ali al Sirri, entraîneur de football, et triques, entre autres formes de torture. Muhammad Tawfiq Ali al Sirri, ingénieur, frères de ✔ Sayid Khalifa Isa est mort en mars après avoir été, Yasser al Sirri, un militant islamiste installé au semble-t-il, torturé au poste de police du deuxième Royaume-Uni, ont été arrêtés en août. Muhammad al secteur de Madinat Nasr. En août, le tribunal pénal Sirri a affirmé avoir été torturé et a subi un examen du Caire a condamné deux policiers à trois ans d'em- médical. En octobre, leur oncle Al Sayid Muhammad prisonnement. Un rapport d'expertise médicale a Hassan Abd al Ghani a été arrêté à l'aéroport du Caire signalé des marques sur le corps de Sayid Khalifa Isa et détenu au secret pendant quatre semaines. correspondant à des actes de torture, et notamment des traces de décharges électriques sur son pénis. Torture et mauvais traitements La torture demeurait systématique dans les centres de Renvois forcés détention de tout le pays et les autorités n'ont pris aucune Selon certaines sources, des Égyptiens renvoyés dans mesure pour ordonner sans délai des enquêtes approfon- leur pays contre leur gré en 2001, notamment de dies sur les cas signalés. Parmi les méthodes le plus fré- Suède et de Bosnie-Herzégovine, ont été torturés et quemment décrites figuraient les coups, les décharges maltraités pendant leur détention au secret. D’autres électriques, la suspension par les poignets ou les chevilles, personnes, renvoyées en 2002, ont été détenues au ainsi que diverses formes de torture psychologique, secret pendant plusieurs semaines. C'était notamment comme les menaces de mort, de viol ou d’autres sévices le cas de Nabil Ahmad Soleiman et de Muhammad al sexuels contre la victime ou des femmes de sa famille. Zahir, renvoyés des États-Unis respectivement en juin Les victimes de torture étaient de toutes conditions et en septembre. sociales ; parmi elles figuraient des militants politiques et des personnes placées en détention dans le cadre Recours excessif à la force d'enquêtes judiciaires. Le Comité contre la torture et le En avril, des milliers d'étudiants ont manifesté dans Comité des droits de l'homme des Nations unies ont tout le pays pour protester contre les incursions israé- exprimé leur préoccupation à propos de la persistance liennes dans les Territoires occupés. De nombreux du recours à la torture. étudiants ont été grièvement blessés après que la police ✔ Au mois de janvier, Wael Tawfiq, militant du eut fait un usage excessif de la force, en recourant Comité populaire égyptien de solidarité avec l'Intifada notamment à des tirs de chevrotine, pour disperser les palestinienne, a été interpellé à l’occasion de la Foire manifestants. internationale du livre qui se tenait au Caire. Il a affirmé ✔ Mohammed Ali al Sayid al Saqqa, un étudiant de avoir été torturé au siège du Service de renseignements l'université d'Alexandrie âgé de dix-neuf ans, a été tué, de la sûreté de l'État. Lors d’un examen médical, un pro- apparemment lorsque les forces de sécurité ont tiré des fessionnel indépendant a relevé sur Wael Tawfiq des décharges de chevrotine en direction des manifestants. traces concordant avec ses allégations. Wael Tawfiq a déposé une plainte, mais aucune enquête approfondie et Peine de mort impartiale susceptible de déboucher sur l'ouverture de La peine de mort a continué d'être largement appli- poursuites judiciaires contre les responsables des actes de quée. Au cours de l’année 2002, au moins cinq torture n'a été menée. femmes et 43 hommes ont été condamnés à la peine ✔ En février, Umm Hashim Abu al Izz, une jeune capitale par des juridictions pénales. Au moins actrice, a été détenue au poste de police d'Agouza au 17 hommes ont été exécutés. 156 EM Organisations intergouvernementales Le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture a En novembre, le Comité des droits de l'homme des signalé qu'il attendait depuis l’année 1996 une Nations unies a exprimé sa préoccupation à propos de réponse à sa demande d'effectuer une visite dans le l'état d'urgence quasi permanent en vigueur depuis pays. La représentante spéciale du secrétaire général 1981, ainsi que du grand nombre d'infractions pas- des Nations unies sur la situation des défenseurs des sibles de la peine de mort, du recours apparemment droits de l’homme et le rapporteur spécial sur l'indé- systématique à la torture, de la tenue de procès de pendance des juges et des avocats ont tous deux civils devant des tribunaux militaires et des restrictions affirmé qu'ils avaient sollicité en 2001 l'autorisation apportées aux activités des ONG. de se rendre en Égypte, mais qu'ils n'avaient pas reçu En novembre, le Comité des Nations unies contre la d'invitation. torture a exprimé sa profonde préoccupation quant à la pratique répandue de la torture dans les locaux du Visites d'Amnesty International Service de renseignements de la sûreté de l'État et aux Des délégués de l'organisation se sont rendus en nombreuses informations concernant des sévices com- Égypte en février et en septembre/octobre. Lors des mis par des responsables de l'application des lois sur deux visites, l'autorisation de rencontrer des détenus des mineurs, en particulier des actes de harcèlement leur a été refusée.◆ sexuel contre des fillettes. Il a également déploré les mauvais traitements infligés à des personnes en raison Autres documents d'Amnesty International de leur orientation sexuelle. Le Comité a recommandé Égypte. L'application croissante de la peine l'ouverture sans délai d'enquêtes impartiales sur toutes de mort (MDE 12/017/02). les allégations de torture ainsi que la suppression de la Égypte. Les détenus continuent d'être torturés faute de pratique de la détention au secret. mesures de protection efficaces (MDE 12/031/02). ÉMIRATS ARABES UNIS KOWEÏT ÉMIRATS ARABES UNIS golfe CAPITALE : Abou Dhabi Arabo- SUPERFICIE: 83 600 km2 Persique POPULATION: 2,7 millions IRAN CHEF de l’ÉTAT: BAHREïN Sheikh Zayed ben Sultan al Nahyan QATAR Doubaï CHEF du GOUVERNEMENT : golfe Sheikh Maktoum ben Rashed ABOU DHABI d'Oman al Maktoum PEINE DE MORT: maintenue ÉMIRATS ARABES UNIS COUR PÉNALE INTERNATIONALE: ARABIE SAOUDITE OMAN mer Statut de Rome signé 0 300 km d'Oman

usqu’à 250 Émiriens ont été arrêtés d'une politique persistante de restriction arbitrairement et détenus au secret en de la liberté d'expression et d'association. vertuJ de nouvelles dispositions plus vastes Des demandeurs d'asile, dont beaucoup avaient en matière de sécurité ; la plupart étaient peut-être été victimes de persécutions dans toujours incarcérés à la fin de l'année. leur pays d'origine, ont été expulsés ou renvoyés Les arrestations, qui avaient débuté vers la fin dans leur pays contre leur gré, parfois pour de 2001, ont été effectuées dans le contexte des motifs de sécurité nationale. Des de la lutte contre le « terrorisme ». Certaines des informations ont fait état de mauvais traitements personnes appréhendées auraient été lors de troubles dans une prison de Doubaï. maltraitées. Plusieurs dizaines de fonctionnaires De nouvelles condamnations à mort et peines des ministères de la Justice et de l'Éducation de flagellation ont été prononcées, ont été mis à la retraite ou mutés dans le cadre et une exécution a été signalée. 157 EM Arrestations politiques et mauvais traitements Afghanistan. La décision de renvoi n'a pas été examinée en détention par une autorité judiciaire et les représentants du HCR De très nombreux Émiriens étaient toujours détenus n'ont pas été autorisés à rencontrer ces Afghans. sans inculpation après avoir été arrêtés arbitrairement par Toujours en février, deux Libyens ont été renvoyés de les services d'Amn al Dawla (la Sûreté de l'État) à la suite force. L’un d’eux, Ahmad Muhammad Ali Akak, aurait des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Leur été retenu pendant quatre heures à l'aéroport à son arri- nombre s’élevait peut-être à plusieurs centaines, et parmi vée en Libye avant d'être autorisé à entrer dans le pays. eux figuraient des policiers et des enseignants. La plupart En avril, les autorités de l'aéroport de Doubaï ont arrêté étaient apparemment détenus au secret. Amnesty Sabrina Imtiaz Syed, une Pakistanaise de vingt-cinq ans International a exprimé à plusieurs reprises aux autorités résidant aux Émirats arabes unis qui rentrait d'un séjour ses préoccupations à propos de l'incarcération de ces per- en Allemagne. Elle a été transférée dans une « prison sonnes. Alors que le ministère de la Justice avait nié ces pour immigrés ». Son père, qui est allé la voir en prison, détentions lors de la visite d'une délégation d'Amnesty avait apparemment demandé l'annulation de son visa et International en septembre, des responsables du minis- son renvoi au Pakistan, où des membres de sa famille tère de l'Information ont reconnu l'arrestation d'un avaient, semble-t-il, menacé de la tuer car elle s'y était grand nombre de personnes et ont affirmé que celles-ci mariée contre l’avis de ses proches. Une fois remise en avaient été appréhendées « pour leur bien ». Aucune liberté, Sabrina Imtiaz Syed aurait été ramenée au inculpation n'avait été prononcée fin 2002. Pakistan par sa mère le 12 mai. Selon des informations non confirmées, des détenus ont été battus et maltraités, entre autres à Khor Organisations intergouvernementales Fakkan et à Ras al Khaimah. Beaucoup n'auraient été En mars, les Émirats arabes unis ont soumis un rapport libérés qu'après avoir signé un « engagement » de ne au Comité contre le terrorisme (du Conseil de sécurité pas fréquenter certains groupes. Certains auraient été des Nations unies), dans lequel ils présentaient en détail contraints de remettre aux services de sécurité des rap- les mesures visant à combattre le « terrorisme ». Celles- ports hebdomadaires détaillant leurs activités, et leurs ci, qui consistaient essentiellement en des contrôles proches étaient surveillés. financiers et en un renforcement de la coopération avec ✔ Ali Amish, l'un des cinq Libyens arrêtés entre mai les organes internationaux de maintien de l’ordre, men- et août 2001, a été libéré et renvoyé de force avec un tionnaient également l'adhésion des Émirats arabes unis de ses compagnons. Il a affirmé avoir été soumis à à la Convention arabe sur la répression du terrorisme, diverses formes de torture : il aurait notamment été en 1999. Amnesty International considère que les dis- privé de sommeil, battu de manière répétée au moyen positions de ce texte sont contraires aux normes inter- d'un bâton, d'un câble électrique ou d'un tuyau, ainsi nationales relatives aux droits humains. que suspendu par les mains et les pieds puis frappé sur En mai, le Comité des droits de l'enfant des Nations différentes parties du corps. Abdullah Abu al Qasim al unies a examiné le rapport initial des Émirats arabes unis Ghazal, qui figurait aussi parmi les cinq Libyens arrê- sur le respect des obligations découlant de la Convention tés, est mort en septembre 2001 pendant sa détention relative aux droits de l'enfant, à laquelle cet État est par- par les services de sécurité. Amnesty International ne tie. Dans ses Observations finales, en juin, le Comité a dispose d'aucune information sur le sort des deux salué différentes mesures prises par les Émirats arabes autres, Ali Bashir et Ahmad Ramadhan Hussain unis pour promouvoir les droits de l'enfant, mais il a Qanud. La raison pour laquelle ces cinq hommes ont recommandé le retrait de la réserve concernant l'article été arrêtés n’a jamais été dévoilée, mais il semble 14 de la Convention, lequel dispose que les États parties qu’elle soit liée à leurs activités politiques présumées. doivent respecter le droit de l'enfant à la liberté de pen- sée, de conscience et de religion. Le Comité a également Liberté d'expression et d'association demandé au gouvernement de relever l'âge minimum de Au mois de juillet, en vertu d'une décision administra- la responsabilité pénale conformément aux principes et tive considérée par beaucoup comme une sanction, dispositions de la Convention, d'abolir l'imposition de la 10 juges et 33 enseignants ont été mis à la retraite, flagellation et des autres formes de peines ou traitements 24 enseignants ont été mutés dans d'autres ministères cruels, inhumains ou dégradants aux personnes qui et au moins deux assistants universitaires se sont vu étaient âgées de moins de dix-huit ans au moment des notifier une interdiction d'enseigner. La justification faits, ainsi que de faire en sorte que le système de justice de ces mesures n'a pas été précisée, mais Amnesty pour mineurs comprenne des tribunaux distincts pour les International craint qu'elles ne soient liées aux opi- mineurs et soit pleinement conforme aux dispositions de nions politiques des personnes visées. la Convention. Enfin, le Comité a exprimé sa vive préoc- Renvois forcés cupation « devant les risques encourus par les enfants qui En février, des centaines d'Afghans, dont certains étaient participent aux courses de chameaux » (voir ci-après). détenus depuis un an, auraient été renvoyés de Doubaï en Afghanistan, bien que le Haut-Commissariat des Mauvais traitements en prison Nations unies pour les réfugiés (HCR) ait lancé un appel Plusieurs personnes auraient été blessées à la suite de contre ces renvois forcés. Amnesty International ignore troubles ayant éclaté dans la prison pour hommes de ce que ces personnes sont devenues après leur retour en Doubaï au mois de février. Les autorités ont démenti 158 EQ les informations faisant état de la mort de prison- Peine de mort et châtiments judiciaires cruels niers. Le 30 juillet, à l'issue d'une bagarre qui a sur- Au mois de mars, un Yéménite aurait été exécuté à tout opposé des détenus, les autorités auraient Doubaï après avoir été reconnu coupable du meurtre recouru à des mauvais traitements pour rétablir de quatre de ses proches. l'ordre et un détenu iranien aurait trouvé la mort à En avril, une cour d'appel de Doubaï a confirmé la cette occasion. condamnation à mort d'André Seïefred, ressortissant ukrainien de vingt-huit ans, et de Sergueï Doboni, res- Travail des enfants sortissant russe de vingt-quatre ans, qui avaient été Au mois de juillet, prenant une initiative en vue d'ap- reconnus coupables en février du meurtre d'un Indien pliquer une loi de 1993 qui prohibe l'utilisation de tué en juillet 2001. Au moins 20 personnes ont été jeunes garçons comme jockeys dans les courses de cha- condamnées à des peines de flagellation. meaux, le ministre des Affaires étrangères aurait annoncé l'interdiction de recourir à des enfants de Visites d'Amnesty International moins de quinze ans à cet effet. Des petits garçons âgés Des représentants d'Amnesty International se sont rendus de quatre ans seulement ont apparemment servi de aux Émirats arabes unis en février et septembre. Lors de jockeys. Certains ont été grièvement blessés, voire cette dernière visite, ils se sont entretenus avec des res- tués, lors des courses de chameaux. ponsables du gouvernement et des autorités judiciaires.◆ ÉQUATEUR océan RÉPUBLIQUE DE L’ÉQUATEUR COLOMBIE CAPITALE : Quito Pacifique SUPERFICIE: 272 045 km2 QUITO POPULATION: 13,1 millions CHEF de l’ÉTAT et du GOUVERNEMENT: ÉQUATEUR Gustavo Noboa Bejarano Guayaquil PEINE DE MORT: abolie COUR PÉNALE PÉROU INTERNATIONALE: îles Galapagos Statut de Rome ratifié 0 300 km

es défenseurs des droits humains ont été la pauvreté de l’immense majorité de la population et la cible de menaces, d’actes de harcèlement et contre la politique économique du gouvernement. Dde manœuvres d’intimidation. Bien que certains La construction d’un oléoduc devant acheminer du responsables se soient élevés contre la persécution pétrole depuis les forêts tropicales de l’est du pays des lesbiennes, des gays et des personnes jusqu’aux raffineries de la côte Pacifique a mobilisé les bisexuelles et transsexuelles, ces derniers ont écologistes et les groupes indigènes, vivement préoccu- continué d’être victimes de détentions arbitraires, pés par l’itinéraire établi, qui traverse plusieurs aires d’actes de torture et de mauvais traitements. Les protégées, dont la réserve de la Forêt de brouillard de membres des forces de sécurité soupçonnés Mindo-Manbillo. d’avoir commis des violations des droits Les effets du Plan Colombia (voir Colombie) sur humains étaient toujours déférés devant l’Équateur suscitaient de vives inquiétudes, notam- des tribunaux de police qui n’étaient ment dans les régions frontalières. Dans la province de ni indépendants ni impartiaux. Le recours Sucumbíos, par exemple, on a assisté à une nette aug- à la torture et à d’autres formes de mauvais mentation de la criminalité et de la délinquance. Les traitements demeurait une pratique généralisée. militaires ont réagi en transférant des troupes basées dans l’intérieur des terres vers de nouveaux postes éta- Contexte blis le long de la frontière nord. Tout au long de l’année, des syndicats et des organisa- Un nombre croissant de Colombiens sont arrivés en tions populaires, notamment des groupes indigènes, Équateur pour échapper au regain de violence dans ont organisé des manifestations pour protester contre leur pays. Selon les chiffres officiels, 3 744 demandes 159 EQ d’asile ont été enregistrées entre janvier et septembre. visite, ils ont demandé que les conditions de détention Plus de 95 p. cent des 8 482 demandes déposées en soient améliorées et qu’une enquête exhaustive soit Équateur entre janvier 2000 et septembre 2002 éma- ouverte sur les allégations d’atteinte aux droits fonda- naient de ressortissants colombiens. mentaux formulées par des détenus appartenant à la Trois attentats à la bombe, attribués par les autorités à communauté LGBT. de petits groupes armés opérant dans le pays, ont eu lieu en septembre à Guayaquil. Une personne a été Impunité blessée lors de ces événements. Les membres des forces de sécurité soupçonnés d’avoir L’élection présidentielle qui s’est tenue en octobre et en commis des atteintes aux droits humains continuaient novembre a été remportée par le candidat de l’Alianza d’être déférés devant des tribunaux de police qui Sociedad Patriótica–Pachakutic (Alliance Société patrio- n’étaient ni impartiaux ni indépendants. Les rares fois tique–Pachakutic), le colonel à la retraite Lucio où des agents des forces de l’ordre étaient placés en Gutiérrez Borbúa. Le nouveau chef de l’État devait détention en raison de leur implication présumée dans entrer en fonction en janvier 2003. Amnesty des violations des droits fondamentaux, les procédures International a exhorté les candidats à placer la protec- étaient si lentes qu’ils bénéficiaient généralement tion et la promotion des droits humains au cœur de d’une libération conditionnelle après un an, comme le leur programme politique. Cependant, ni le président prescrit la loi. Les personnes relâchées prenaient alors élu par la suite ni aucun autre candidat ne s’est engagé souvent la fuite. à respecter et à protéger ces droits pendant son mandat. Lorsqu’elles déposaient une plainte, les victimes d’atteintes aux droits humains, leurs proches et les Défenseurs des droits humains témoins étaient souvent la cible d’actes d’intimidation Des défenseurs des droits humains ont été détenus et de menaces, avant et pendant le procès. arbitrairement et ont fait l’objet de manœuvres de har- cèlement et d’intimidation. À plusieurs reprises, le Torture et mauvais traitements président Noboa a publiquement critiqué l’action des Les personnes détenues étaient encore couramment militants en faveur des droits de la personne. torturées et maltraitées. Ces violations étaient com- ✔ Des personnes ont pénétré par effraction dans les mises au moment de l’arrestation ou pendant le trans- bureaux d’une organisation équatorienne de défense fert jusqu’à un poste de police, ainsi que dans les des droits humains, la Fundación regional de asesoría postes de police, les centres de détention et les prisons. en derechos humanos (INREDH, Fondation régionale de ✔ Nicolás Agustín Tiluaño Cedeño a été arrêté au conseil en matière de droits humains), et ont fouillé mois d’avril par la police alors qu’il se rendait à dans ses dossiers, où ils ont trouvé des informations Guayaquil. Soupçonné d’appartenance à une bande confidentielles. Ils ont laissé de côté les objets de armée, il a été conduit au poste de police. Le lende- valeur qui se trouvaient dans les locaux. main, il a été amené à l’hôpital, où il est mort deux ✔ Au mois de juillet, huit écologistes ont été détenus jours plus tard. Ses proches ont indiqué qu’il avait été sans inculpation après avoir été interpellés alors qu’ils détenu au secret et que lorsqu’ils étaient allés le voir à manifestaient devant le siège de la compagnie pétro- l’hôpital, il présentait des traces de coups sur le corps et lière américaine Occidental, à Quito. Tous ont été avait un bras cassé. Une enquête aurait été ouverte par relâchés par la suite. un tribunal de police de Guayaquil. Les conditions de détention dans certains centres équiva- Lesbiennes, gays et personnes bisexuelles laient à un traitement cruel, inhumain et dégradant. Ne et transsexuelles disposant pas des ressources nécessaires pour accélérer les Bien que certains représentants de l’État aient procédures judiciaires permettant leur remise en liberté demandé qu’il soit mis fin à la discrimination dont ou leur transfert en prison, les détenus les plus pauvres sont victimes les lesbiennes, les gays et les personnes enduraient ces conditions parfois pendant des mois. bisexuelles et transsexuelles (LGBT), et en particulier ✔ En mai, une délégation de représentants de l’État et aux pratiques favorisant de graves atteintes aux droits d’ONG a visité le centre de détention provisoire de fondamentaux, cette année encore de nombreuses Guayaquil. Plus de 350 détenus y étaient entassés dans plaintes adressées aux autorités n’ont pas été traitées. une poignée de cellules surpeuplées, d’une capacité La torture et les mauvais traitements, notamment le trois fois inférieure à leur occupation réelle.◆ harcèlement sexuel, ont encore été utilisés pour humi- lier et punir des détenus de la communauté LGBT. Autres documents d’Amnesty International ✔ En avril, des gardiens du centre de détention provi- Équateur. La dignité et le mépris. Il est temps de briser soire de Guayaquil auraient « vendu » deux adoles- le cercle vicieux de l’impunité dont bénéficient les auteurs cents transgenre à d’autres détenus pour des actes d’atteintes aux droits fondamentaux des lesbiennes, sexuels. Au mois de mai, des responsables de l’État en des gays et des personnes bisexuelles et transsexuelles matière de droits humains et des représentants de (AMR 28/001/02). l’organisation non gouvernementale (ONG) Fundación Amigos por la Vida (FAV, Fondation des amis pour la vie) se sont rendus dans le centre. À la suite de leur 160 ER ÉRYTHRÉE ÉRYTHRÉE CAPITALE : Asmara mer ARABIE SAOUDITE SUPERFICIE : 117 400 km2 Rouge POPULATION : 4 millions ÉRYTHRÉE CHEF de l’ÉTAT SOUDAN et du GOUVERNEMENT : Asmara YÉMEN Issayas Afeworki PEINE DE MORT : maintenue COUR PÉNALE ÉTHIOPIE INTERNATIONALE : 0 600 km golfe Statut de Rome signé DJIBOUTI d'Aden

es dizaines de personnes arrêtées en poursuivis, sous les auspices du Comité international septembre et octobre 2001 et considérées de la Croix-Rouge (CICR), mais ils n’ont pu être Dcomme des prisonniers d’opinion étaient menés à leur terme. maintenues en détention secrète sans Au mois d’août, l’Érythrée a renvoyé dans leur pays les inculpation ni jugement fin 2002. Parmi elles 485 derniers prisonniers de guerre éthiopiens qu’elle figuraient d’anciens membres du gouvernement affirmait détenir, mais des inquiétudes subsistaient au favorables à des réformes démocratiques, ainsi sujet de la sécurité d’autres prisonniers dont on était que des journalistes. Cette année encore, sans nouvelles, notamment le colonel Bezabih Petros, nombreuses ont été les arrestations de un pilote éthiopien dont l’avion avait été abattu en personnes ayant critiqué le gouvernement ou 1998 et qui avait été placé en détention secrète. refusé de se plier à l’obligation d’effectuer leur Le gouvernement érythréen a apporté son soutien à service militaire. Des personnes ne voulant pas des groupes d’opposition armés éthiopiens et souda- rejoindre les rangs de l’armée auraient été nais, et les tensions se sont exacerbées lorsque, au mois victimes d’actes de torture ou de violences d’octobre, l’opposition armée soudanaise s’est briève- sexuelles. La plupart des prisonniers de guerre ment emparée, dans l’est du Soudan, de certains terri- éthiopiens ont été libérés. Plusieurs centaines toires bordant la frontière érythréenne. Le groupe de détenus politiques arrêtés au cours des années d’opposition armé Alliance des forces nationales éry- précédentes étaient toujours en détention thréennes (AFNE) était basé en Éthiopie et aucune secrète sans inculpation ni jugement. information confirmée n’a indiqué qu’il ait mené des opérations armées en Érythrée. Contexte Au mois d’avril, dans le prolongement de la signature Réfugiés en décembre 2000 du traité de paix qui a mis fin à En 2002, des centaines d’Érythréens craignant d’être deux années de conflit frontalier, la Commission du arrêtés pour des motifs politiques ou obligés de faire tracé de la frontière (réunie à La Haye, aux Pays-Bas) a leur service militaire ont fui à l’étranger. En mai 2002, rendu ses conclusions sur la délimitation de la fron- le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfu- tière entre l’Érythrée et l’Éthiopie. Les deux camps giés (HCR) a déclaré qu’à partir de la fin 2002, le statut étaient au préalable convenus qu’ils accepteraient les de réfugié serait retiré aux Érythréens ayant fui leur décisions de la Commission, mais à la fin de l’année il pays au cours des trente années de lutte armée au subsistait entre eux des désaccords qui retardaient la terme desquelles l’Érythrée a fini par arracher son démarcation de la frontière. indépendance à l’Éthiopie, en 1991, ainsi qu’aux Éry- Le mandat de la Mission des Nations unies en Éthio- thréens ayant fui lors du conflit frontalier de 1998- pie et en Érythrée (MINUEE), qui administre une zone 2000 avec l’Éthiopie. de sécurité temporaire entre les deux pays et mène des Plus de 100 000 Érythréens vivant au Soudan, pour opérations de déminage dans la région, a été prorogé certains depuis vingt-cinq ans, se sont ainsi vu proposer jusqu’en 2003 par le Conseil de sécurité des Nations soit un rapatriement volontaire (que beaucoup ont unies. Les échanges de prisonniers de guerre et de refusé), soit la possibilité d’obtenir le statut de résident civils détenus dans des camps d’internement se sont étranger au Soudan. Les rapatriements volontaires ont 161 ER

été suspendus par le HCR en octobre 2002 pour des rai- Journalistes sons de sécurité. Beaucoup ont cru comprendre, à tort, Dix journalistes arrêtés peu après que le gouvernement que la fin du statut de réfugié signifiait que tous les eut interdit l’ensemble de la presse indépendante, au réfugiés pouvaient revenir en Érythrée en toute sécurité mois de septembre 2001, ont été maintenus en déten- – ce qui n’était pas le cas. Nombre des personnes réfu- tion toute l’année sans inculpation ni jugement. Parmi giées depuis longtemps au Soudan craignaient d’être eux figuraient Seyoum Tsehaye, ancien directeur de la persécutées à leur retour en raison de leurs liens avec le télévision publique érythréenne, Fessaye Yohannes, Front de libération de l’Érythrée (FLE), rival du Front journaliste et dramaturge, et Dawit Habtemichael, populaire de libération de l’Érythrée (FPLE) qui a formé rédacteur en chef adjoint et professeur de sciences. Le le gouvernement d’indépendance en 1991, ou en raison gouvernement a fait savoir que ces 10 personnes de leur objection de conscience. Les soldats ayant avaient enfreint la Loi de 1996 relative à la presse, sans déserté pendant et après la guerre avec l’Éthiopie crai- toutefois fournir aucun détail. En mars, les 10 prison- gnaient également d’être persécutés à leur retour. Plus niers d’opinion ont entamé une grève de la faim pour de 10000 réfugiés ont demandé à être exemptés de la protester contre le caractère illégal de leur détention. clause de cessation du statut de réfugié. Au bout de trois jours, la police les a extraits du poste En septembre 2002, plus de 200 Érythréens qui, dans d’Asmara où ils étaient détenus pour les emmener vers un premier temps, avaient gagné le Soudan, ont été une destination inconnue. À la fin de l’année 2002, les renvoyés de Malte vers l’Érythrée et arrêtés dès leur autorités n’avaient pas divulgué leur lieu ni leurs arrivée. Ils ont été placés en détention au secret sans conditions de détention. avoir été inculpés ni informés du motif de leur arresta- Au moins quatre journalistes arrêtés début 2002 tion. Leur sécurité suscitait des inquiétudes, car étaient toujours détenus à la fin de l’année, sans incul- nombre d’entre eux étaient, semble-t-il, des déserteurs. pation ni jugement, notamment Saadia Ahmed et Semret Seyoum. Ce dernier avait été interpellé en jan- Prisonniers d’opinion vier alors qu’il tentait de quitter le pays. Des dizaines En février, les autorités ont accusé 11 anciens respon- d’autres journalistes ont fui à l’étranger. sables du gouvernement et dirigeants du parti au pou- voir, qui avaient été arrêtés en septembre 2001, de Conscrits trahison pendant la guerre avec l’Éthiopie. Leur sécu- Le service national, militaire et civil, d’une durée ini- rité suscitait des inquiétudes, les autorités refusant de tiale de dix-huit mois, est obligatoire pour les hommes révéler leurs lieux et conditions de détention et inter- et les femmes âgés de dix-huit à quarante ans. disant à leur famille de leur rendre visite. Ces per- Cependant, depuis 1994, il est prolongé indéfiniment. sonnes pourraient encourir la peine de mort ; à la fin Par ailleurs, les anciens conscrits et les combattants de l’année, elles n’avaient été ni présentées devant un démobilisés du FPLE sont astreints à des périodes de tribunal ni inculpées. réserve. L’Érythrée ne reconnaît pas le droit à l’objec- Parmi ces détenus figuraient un ancien vice-président, tion de conscience et les seules exemptions possibles Mahmoud Ahmed Sheriffo, et deux anciens ministres concernent les femmes ayant des enfants et certaines des Affaires étrangères, Haile Woldetensae et Petros catégories de travailleurs. Les personnes qui tentent de Solomon. Tous trois étaient considérés comme des se soustraire à la conscription ou de protester contre le prisonniers d’opinion, car ils ont été incarcérés pour service militaire sont, aux termes de la loi en vigueur, avoir, après la guerre, pris la tête du mouvement récla- passibles de trois ans d’emprisonnement ; dans la réa- mant une démocratisation des institutions et la mise lité, une fois arrêtées, elles sont soumises à des tortures, en place de réformes dans le domaine des droits détenues arbitrairement et contraintes d’exécuter des humains. travaux forcés pendant des mois avant d’être réincorpo- Un très grand nombre de personnes arrêtées fin 2001 rées contre leur gré dans les rangs de l’armée. Parmi les pour avoir demandé des réformes ont été maintenues méthodes de torture signalées figure celle consistant à toute l’année en détention au secret, sans inculpation abandonner des heures durant la victime sous un soleil ni jugement, dans un lieu inconnu. Parmi elles figu- brûlant, pieds et poings liés, au risque qu’un tel traite- raient Idris Abaere, un ex-combattant de la guerre ment laisse des séquelles irréversibles. Selon certaines d’indépendance gravement handicapé, également écri- informations, des femmes effectuant le service national vain et directeur de cabinet au ministère de l’Emploi, auraient été victimes de violences sexuelles. Au mois ainsi que Miriam Hagos, directrice de plusieurs salles de décembre, le gouvernement a annoncé la démobili- de cinéma, et Tesfaye Gebreab, haut fonctionnaire du sation des femmes appelées sous les drapeaux. ministère des Affaires étrangères. D’autres personnes arrêtées début 2002 étaient tou- Persécutions religieuses jours détenues au secret sans inculpation ni jugement Quatre témoins de Jéhovah qui, en raison de leurs à la fin de l’année, notamment Ali Muhammad Saleh, croyances religieuses, persistaient dans leur refus d’être ancien diplomate appréhendé en mai qui travaillait au enrôlés dans l’armée, étaient toujours en détention ministère des Affaires étrangères, ainsi qu’Ibrahim secrète sans inculpation ni jugement, depuis 1994. La Siraj, ancien directeur d’une maternité. Tous deux communauté des témoins de Jéhovah continuait d’être étaient également des prisonniers d’opinion. privée des droits civils et politiques fondamentaux. 162 ES Au cours de l’année, les autorités ont fait fermer plu- ou l’armée, ou encore dans des camps de détention sieurs églises évangéliques et pentecôtistes, et ont situés dans des zones rurales éloignées. interdit l’Église Mullu Wengel, établie en Érythrée depuis plusieurs décennies. Cette décision n’a été pré- Tribunal spécial cédée d’aucune déclaration officielle et ne reposait sur Plusieurs centaines de personnes purgeaient de aucun fondement juridique. longues peines d’emprisonnement prononcées par le Tribunal spécial à l’issue de procès inéquitables ou Prisonniers politiques de longue date étaient détenues en attendant d’être jugées par cette D’après certaines informations, des centaines, voire juridiction d’exception. Il semble que, dans certains des milliers d’opposants étaient maintenus en déten- cas, les dossiers avaient un caractère politique. Le tion secrète. Certains, anciens fonctionnaires de l’ex- Tribunal spécial, mis en place en 1996 pour juger les administration éthiopienne, s’étaient rendus en 1991 affaires de corruption, n’autorise pas la présence d’avo- ou avaient été enlevés à Addis-Abeba puis remis au cats et ne reconnaît pas le droit d’interjeter appel, et nouveau gouvernement érythréen. D’autres étaient des ses juges militaires n’ont aucune ou quasiment aucune combattants ou des partisans présumés du FLE qui formation juridique. avaient été capturés, ou des personnes critiques à l’égard du gouvernement ; parmi ces dernières figu- Visites d’Amnesty International : visas refusés raient des membres du FPLE ou des commandants En juillet, les délégués d’Amnesty International se sont ayant longtemps servi dans ses rangs. Certains étaient, vu refuser la délivrance d’un visa pour se rendre en semble-t-il, des prisonniers d’opinion. Érythrée.◆ Amnesty International a reçu de nouvelles informations au sujet de certains de ces prisonniers politiques et Autres documents d’Amnesty International d’autres personnes dont elle craignait la « disparition ». Eritrea: Arbitrary detention of government critics and Certains étaient apparemment en détention secrète dans journalists [Érythrée. Détention arbitraire de la prison Sembel d’Asmara, dans des prisons non offi- détracteurs du gouvernement et de journalistes] cielles de la capitale administrées par les forces de sécurité (AFR 64/008/02). ESPAGNE ROYAUME D’ESPAGNE océan FRANCE CAPITALE : Madrid Atlantique Bilbao SUPERFICIE: 504 782 km2 POPULATION: 39,9 millions Barcelone mer CHEF de l’ÉTAT: ESPAGNE Méditerranée er Juan Carlos 1 de Bourbon MADRID CHEF du GOUVERNEMENT : Valence José María Aznar López PORTUGAL îles Baléares PEINE DE MORT: abolie Séville COUR PÉNALE INTERNATIONALE: îles Canaries Gibraltar (R.-U.) ALGÉRIE Ceuta Statut de Rome ratifié Melilla 0 400 km MAROC

e groupe armé basque ETA a perpétré une d’autres personnes d’origine étrangère ainsi que Lnouvelle série d’attentats et de fusillades, par des personnes détenues au secret, dont la dont certains ont eu des conséquences fatales. majorité étaient des membres présumés de l’ ETA. Les allégations de torture et de mauvais Le Comité des Nations unies contre la torture traitements imputables à des policiers et à des a exprimé ses vives préoccupations concernant gardes civils étaient fréquentes. De nombreuses le régime de la détention au secret. Des plaintes ont été formulées par des immigrés et informations ont fait état de mauvais traitements 163 ES dans les prisons et de conditions inhumaines fois, le régime du général Franco (1939-1975) et sou- et dégradantes dans les centres où étaient tenu diverses initiatives visant à honorer la mémoire retenus les immigrés qui venaient de pénétrer des victimes de la guerre civile de 1936-1939, dont dans le pays. Des enfants étrangers non celle d’exhumer de fosses communes les restes de plus accompagnés, dont la plupart étaient de de 30000 personnes qui étaient probablement, pour la nationalité marocaine, ont affirmé avoir été plupart, des républicains. victimes de mauvais traitements et de sévices sexuels dans certains centres d’accueil. Des Torture et mauvais traitements liés à l’origine membres des forces de l’ordre, reconnus raciale de la victime coupables de torture et de mauvais traitements, En avril, Amnesty International a lancé une campagne dont des violences sexuelles contre des pour exhorter les autorités espagnoles à adopter une immigrées, demeuraient en liberté stratégie nationale de lutte contre le racisme. Un rap- en attendant qu’il soit statué sur leur appel. port important publié simultanément concluait que Dans certaines affaires, la décision du juge les plaintes pour mauvais traitements liés à l’apparte- a soulevé des inquiétudes quant à la persistance nance raciale de la victime étaient nombreuses et géné- de l’impunité dans les faits. ralisées. Bien que des lois et codes visent à protéger toute personne physique contre le comportement dis- Contexte criminatoire ou arbitraire des agents de l’État, la pra- Cinq personnes ont été tuées par le groupe armé basque tique du « profil racial » était monnaie courante en Euskadi Ta Askatasuna (ETA, « Le pays basque et sa Espagne. En raison des contrôles d’identité de nature liberté »), dont un conseiller du Partido Socialista discriminatoire, la situation était telle que des repré- Obrero Español (PSOE, Parti socialiste ouvrier espagnol), sentants de l’État soumettaient des personnes d’origine Juan Priede, abattu à Orio (Guipúzcoa) en mars, et une étrangère à des violations de leurs droits fondamen- fillette d’environ six ans, Silvia Martínez Santiago, tuée taux et à des mauvais traitements. Les étrangères sans lors de l’explosion d’une voiture piégée devant une papiers étaient particulièrement exposées au viol et aux caserne de la Guardia Civil (Garde civile) à Santa Pola autres formes d’agression sexuelle en détention. Dans (Alicante). Jusqu’à 90 personnes ont été blessées dans plusieurs affaires caractérisées par un manque de trans- des attaques de l’ETA. Au mois de septembre, le groupe parence, des immigrés visés par des procédures armé basque a annoncé que les bureaux et les rassemble- d’expulsion n’avaient pas été traités avec la dignité ments officiels du PSOE et du Partido Popular (PP, Parti requise. Par ailleurs, l’impunité s’observait plus parti- populaire) seraient considérés comme « des objectifs culièrement dans des cas touchant des membres de militaires », et a menacé de mort les militants de ces par- minorités ethniques et des étrangers. tis. Les différentes initiatives prises contre l’ETA s’inscri- Le ministre de l’Intérieur a affirmé à Amnesty vaient dans le cadre du renforcement de la coopération International que le gouvernement, l’appareil judi- transfrontalière avec la France. De nombreux membres ciaire et les organes chargés de faire respecter la loi présumés de l’ETA ont été arrêtés. étaient résolument engagés dans la lutte contre le Au mois d’août, un juge d’instruction de l’Audience racisme. En substance, il s’est refusé à reconnaître qu’il nationale a ordonné la suspension des activités poli- pouvait y avoir des problèmes liés à l’existence de tiques et économiques de la coalition nationaliste basque comportements racistes de la part de certains représen- Batasuna pendant une période de trois ans susceptible tants de l’État, en se gardant de répondre sur le fond. d’être prolongée jusqu’à cinq ans, au motif que cette En juin, il est intervenu devant la Commission de la coalition, qui fonctionnait comme un parti parlemen- justice et de l’intérieur du Congrès des députés pour taire légal, faisait partie intégrante de la structure de répondre aux nombreuses questions relatives au rap- l’ETA. Batasuna a démenti cette allégation. À la port d’Amnesty International. Le ministre a reconnu demande du Parlement, le gouvernement espagnol a qu’il y avait eu quelques cas de mauvais traitements, saisi la Cour suprême pour qu’elle déclare Batasuna illé- mais a assuré qu’ils étaient « isolés ». Certains députés gale. Parallèlement, le procureur général a soumis à la ont exhorté le gouvernement à donner suite à la Cour suprême une demande de dissolution de ce mou- recommandation d’Amnesty International d’établir un vement. La décision de suspendre Batasuna faisait suite plan national de lutte contre le racisme, ainsi qu’à à l’entrée en vigueur, dans le courant de l’année 2002, nombre de ses recommandations plus concrètes. d’une nouvelle loi sur les partis politiques, qui permet En novembre, le Comité contre la torture a examiné le de déclarer illégal tout parti qui ne respecte pas les prin- quatrième rapport périodique de l'Espagne concernant cipes démocratiques ni les valeurs constitutionnelles. la mise en œuvre de la Convention des Nations unies Au mois de novembre, le ministre de la Défense a cité contre la torture. Il a fait part de son inquiétude au sujet « l’immigration illégale massive » au nombre des menaces des allégations de mauvais traitements infligés à des présumées contre la sécurité nationale. Le gouverne- immigrés et liés à leur appartenance raciale ainsi que des ment a aussi tenté d’établir un rapprochement entre la informations sur des cas de viols et autres violences hausse de la criminalité et l’immigration illégale. sexuelles. Le Comité a exhorté les autorités à inclure Toujours au mois de novembre, les Cortes Generales « la discrimination sous toutes ses formes » parmi les cri- (Parlement national) ont condamné, pour la première tères définissant la torture dans le Code pénal espagnol. 164 ES ✔ Claudia Peña Ureña et sa sœur Brunilda Ureña au juge compétent. Le Comité a aussi recommandé Ureña, de République dominicaine, ont affirmé avoir que l’examen médical d’une personne détenue au été brutalisées, en mars, par deux agents de la police secret soit effectué à la fois par un médecin légiste et nationale qui ont en outre proféré des insultes racistes par un médecin ayant la confiance du détenu. à leur égard. Les policiers avaient été appelés à la suite ✔ Au mois de juillet, les avocats d’Unai Romano d’une altercation lors d’une fête d’anniversaire, à Igartua, qui avait affirmé avoir été torturé en sep- Torrejón de Ardoz. Après avoir été jetée à terre, tembre 2001, ont formé un recours contre la décision Claudia Peña aurait été frappée au visage et à la tête, de classer l’affaire et de ne pas retenir l’accusation por- devant plusieurs jeunes enfants, puis foulée aux pieds. tée contre trois gardes civils. Alors qu’il était au secret, Leur père a déclaré que lorsqu’il a voulu porter la tête d’Unai Romano avait enflé à un point tel qu’il plainte auprès de la police, on lui a dit que ce n’était était devenu pratiquement méconnaissable et qu’il n’y pas possible ; il a été expulsé du poste par la force, voyait plus, apparemment en raison des coups violents après avoir été insulté, menacé et frappé à coups de qui lui avaient été infligés. Les gardes civils ont affirmé poing et de pied. Le rapport médical se rapportant à qu’il s’était lui-même frappé. Claudia Peña faisait état de « contusions multiples ». ✔ En mars, un juge d’instruction a estimé qu’Iratxe Au mois de mai, un tribunal l’a acquittée ainsi que sa Sorzabal Diez, qui ferait partie de l’ETA, n’avait pas été sœur du chef de « désobéissance à l’autorité ». Dans le physiquement torturée par des gardes civils l’année cadre d’une autre procédure ouverte pour examiner précédente, tout en admettant qu’elle avait peut-être les plaintes de mauvais traitements déposées par les été menacée et harcelée. Iratxe Sorzabal a interjeté deux femmes, l’audience qui était prévue en sep- appel de cette décision. tembre a été reportée, apparemment parce que les policiers étaient en vacances. En décembre, ces der- Enfants étrangers non accompagnés niers ont été acquittés en raison de l’insuffisance des En mai, Amnesty International a fait part de sa vive preuves produites contre eux, et notamment parce préoccupation après que le gouvernement de la ville que certains des témoins cités à comparaître ne se autonome de Melilla eut annoncé sa décision de ne sont pas présentés. plus étendre sa protection aux enfants étrangers non ✔ En mars, un membre de la police nationale a été accompagnés qui entreraient dans la ville. L’organisa- condamné à une peine de douze ans de réclusion pour tion a réitéré les appels qu’elle avait déjà adressés au l’agression sexuelle, en 2001 à Valladolid, d’une gouvernement national espagnol, ainsi qu’aux gouver- Colombienne, désignée par la lettre J. En avril, un nements régionaux et autonomes du pays, les priant autre policier a été condamné à une peine de quatre de respecter les normes internationales relatives à la ans d’emprisonnement pour l’agression sexuelle, en prise en charge et à la protection des mineurs non 1998, d’une femme de nationalité péruvienne, Miriam accompagnés. Au mois de juin, le Comité des droits Rosa Verástegui Templo. À propos de J, le tribunal a de l’enfant des Nations unies s’est déclaré « alarmé par fait valoir que la victime était particulièrement vulné- les conditions dans lesquelles vivent les mineurs étrangers rable, dans la mesure où elle se trouvait en situation non accompagnés ». Le Comité a recommandé aux irrégulière en Espagne. Ces deux policiers ont interjeté autorités espagnoles de prendre de toute urgence neuf appel de leur condamnation, qui n’était pas ferme. Ils mesures pour améliorer leurs conditions de vie. Il leur sont par conséquent restés en liberté. a notamment recommandé de faire le nécessaire pour prévenir toute irrégularité dans l’expulsion de mineurs Détention au secret étrangers non accompagnés et d’enquêter diligemment De nombreux membres présumés de l’ETA ont déclaré sur les cas de mauvais traitements signalés. avoir été torturés ou maltraités par des gardes civils ou Après la publicité négative donnée à la situation des des policiers alors qu’ils étaient détenus au secret. En enfants marocains et un appel lancé par le représentant août et septembre, plusieurs personnes arrêtées dans le du ministère public attaché à la Haute Cour de justice cadre de la kale borroka (« violence urbaine »), une de Málaga, les cas d’enfants renvoyés ont considérable- campagne de violences au Pays basque qui était liée à ment diminué dans le courant de l’année 2002. Le pro- l’ETA, auraient été détenues au secret, certaines d’entre cureur demandait dans son appel l’annulation de la elles jusqu’à quatre jours. Nombre de détenus se sont plupart des expulsions de Melilla, au motif qu’elles plaints de coups et de harcèlement sexuel ; ils auraient étaient illégales. Une amélioration des conditions de aussi été forcés de faire des exercices physiques jusqu’à vie a également été signalée dans certains centres épuisement, ou soumis à des pratiques comme le sup- d’accueil. Cependant, en juin et juillet, des allégations plice de la bolsa (asphyxie provoquée par un sac en ont fait état de l’utilisation abusive d’une cellule disci- plastique refermé sur la tête). plinaire au centre Fuerte de la Purísima, à Melilla. Des En novembre, le Comité des Nations unies contre la enfants ont affirmé avoir été roués de coups pour man- torture s’est déclaré vivement préoccupé par la quement à la discipline et enfermés dans une cellule manière dont le maintien au secret favorise les actes de exiguë, sale et sans fenêtre. Un enseignant et un sur- torture. Il a préconisé, entre autres, que les interroga- veillant ont été accusés de les avoir frappés à l’intérieur toires effectués par la police et la Garde civile soient de la cellule et d’avoir encouragé des enfants plus âgés à enregistrés sur vidéo, et que les bandes soient remises les brutaliser. Par la suite, le procureur de Málaga a 165 ES ordonné la fermeture de cette cellule disciplinaire. Une mois de mars, et le second à Séville, au mois de juin –, information judiciaire a été ouverte sur ces allégations Amnesty International a exhorté les autorités à veiller et sur les plaintes individuelles déposées par les enfants à ce que le maintien de l’ordre pendant les manifesta- pour mauvais traitements et harcèlement sexuel. tions soit effectué dans le respect du droit de protester En décembre, le centre d’accueil de La Montañeta à pacifiquement. L’organisation s’est aussi dite préoccu- Las Palmas (île de Grande Canarie), où les mineurs pée par le fait que les autorités avaient décidé de blo- vivaient dans des conditions « effroyables », selon un quer les frontières pour empêcher l’entrée sur le représentant du ministère public, a été fermé après que territoire espagnol de certains groupes de manifestants plusieurs enfants se furent plaints d’avoir été maltraités qui étaient pourtant, semble-t-il, animés par des inten- et victimes de viols et d’autres violences sexuelles de la tions pacifiques, violant ainsi leurs droits à la liberté part d’enfants plus âgés. Des agressions contre des d’expression et de réunion. membres du personnel et des enseignants ont aussi été En septembre, après la suspension de Batasuna, un signalées. Il était à craindre que la situation conflictuelle juge d’instruction a pris une décision judiciaire qui prévalant dans les centres d’accueil aux Canaries, semblait élargir le champ de l’interdiction à « tout ras- notamment à Puerto del Rosario (Fuerteventura), ne semblement ou toute manifestation » organisés en réfé- contribue à l’intensification des pressions politiques rence à Batasuna ou à sa suspension. Une nouvelle demandant la reprise des renvois forcés d’enfants. décision de justice aurait toutefois spécifié que l’inter- diction ne concernait pas les manifestations organisées Prisons et centres de détention par d’autres partis ou par des particuliers. La portée Des informations ont fait état de tensions croissantes exacte de cette mesure restait néanmoins assez floue. dans les prisons, de violences entre détenus et de mau- Amnesty International a prié instamment les autorités vais traitements infligés par le personnel pénitentiaire. espagnoles et basques de veiller à ce que ces récentes La prison de Salto del Negro, à Las Palmas (Grande mesures législatives ne portent pas atteinte au droit à Canarie), figurait parmi les établissements où la surpo- la liberté d’expression et au droit de manifester pacifi- pulation carcérale était la plus grave. En mai, la prison quement au Pays basque. de Quatre Camins, en Catalogne, a été le théâtre de troubles graves ; une mutinerie de près de 130 détenus Visites d’Amnesty International se serait soldée par six blessés parmi les prisonniers et Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en cinq parmi les gardiens. En juin, Amnesty International Espagne en avril et en octobre pour le lancement du rap- a prié le gouvernement catalan de lui fournir des infor- port sur les tortures et mauvais traitements infligés par mations sur certaines allégations de mauvais traite- les agents de l’État, et pour participer à des réunions.◆ ments. L’organisation a aussi demandé quelles mesures avaient été prises pour résorber la surpopulation. Les Autres documents d’Amnesty International autorités catalanes ont répondu, en octobre, qu’il y avait Spain: Crisis of identity – race-related torture and eu « une augmentation spectaculaire » de la population ill-treatment by state agents [Espagne. L’identité en carcérale en Catalogne – comme ailleurs en Europe –, question. Tortures et mauvais traitements perpétrés due en partie à la politique nationale en matière pénale par les représentants de l’État et liés à l’appartenance et en partie à l’« augmentation incessante du nombre raciale de la victime] (EUR 41/001/02). d’étrangers », ceux-ci constituant quelque 28 p. cent de Spain: A Briefing for the UN Committee against Torture la population carcérale. Le gouvernement catalan a fait [Espagne. Briefing à l’intention du Comité des part de sa décision d’augmenter les sommes consacrées à Nations unies contre la torture] (EUR 41/012/02). la construction de prisons. Spain: A Briefing for the UN Committee against Torture Tout au long de l’année, l’arrivée incessante de candi- – Update [Espagne. Briefing à l’intention du Comité dats à l’immigration africains sur les plages des Canaries des Nations unies contre la torture : mise à jour] a constitué un motif de préoccupation quant à la situa- (EUR 41/014/02). tion humanitaire. Au mois de mars, sept organisations, Préoccupations d’Amnesty International en Europe, dont Amnesty International, ont exprimé leur inquié- janvier – juin 2002 (EUR 01/007/02). tude au sujet des « conditions inacceptables » qui préva- laient au centre de détention de l’ancien terminal de l’aéroport de Fuerteventura et des difficultés qu’éprou- vaient les immigrés pour être autorisés à consulter un avocat. De nouvelles installations ont été ouvertes par la suite pour résorber la surpopulation, mais elles sem- blaient tout aussi inadaptées. Les autorités ont reconnu que ces centres posaient de graves problèmes, et envisa- geaient de prendre de nouvelles mesures.

Droit de manifester pacifiquement À la veille des sommets de l’Union européenne qui se sont tenus en Espagne – le premier à Barcelone, au 166 ES ESTONIE RÉPUBLIQUE D'ESTONIE CAPITALE : Tallinn SUPERFICIE: 45 200 km2 TALLIN POPULATION: 1,4 million lac CHEF de l’ÉTAT: Arnold Rüütel ESTONIE des CHEF du GOUVERNEMENT : Tchoudes Mart Laar, remplacé par Siim Kallas le 28 janvier golfe PEINE DE MORT: abolie de Riga LETTONIE COUR PÉNALE RUSSIE INTERNATIONALE: 0 100 km Statut de Rome ratifié

es conditions de détention par la police de l’Estonie, soumis avec plus de huit ans de retard. Le et dans les prisons constituaient un motif Comité s’est inquiété de ce que des cas isolés de mau- Lde préoccupation. Des organes créés en vertu vais traitements infligés à des détenus par des agents d'instruments internationaux ont formulé de l'État aient continué d’être signalés dans des éta- des recommandations visant à renforcer blissements de détention de la police. Il a recommandé les garanties contre la torture et les mauvais aux autorités estoniennes de veiller à ce que les traitements, et à prévenir la violence membres des forces de l’ordre, les représentants de contre les femmes au sein de la famille. l’appareil judiciaire, les professionnels de la santé et tout autre personnel impliqué dans la garde à vue, la Conditions de détention détention, l’interrogatoire ou le traitement de détenus En octobre, le Comité européen pour la prévention de la ou de patients internés dans des établissements psy- torture (CPT) a rendu publiques ses conclusions concer- chiatriques suivent une formation sur l’interdiction de nant deux visites effectuées en Estonie, en 1997 et en la torture. Le Comité a également invité les autorités à 1999, et consacrées essentiellement aux préoccupations renforcer les garanties contre la torture et les autres relatives aux conditions de détention dans les locaux de la formes de mauvais traitements en veillant à ce que, police et dans les prisons. Dans la plupart des huit établis- légalement et dans la pratique, les détenus soient auto- sements de la police visités par le CPT en 1997, ces condi- risés à consulter le médecin de leur choix, à prévenir tions étaient « très mauvaises ». Selon le Comité, la un tiers de leur détention et à s’entretenir avec un avo- majorité des cellules qui lui ont été montrées étaient sales cat. Il a préconisé la poursuite de la rénovation de tous et mal aérées. Elles ne recevaient que peu, voire pas du les établissements accueillant des détenus, de façon à tout, de lumière naturelle, et l’éclairage artificiel était ce qu’ils soient conformes aux normes internationales. insuffisant. Les équipements sanitaires étaient rudimen- taires et dépourvus d’hygiène. La surpopulation, les Violence contre les femmes maigres rations alimentaires et l’absence de programmes En janvier, le Comité des Nations unies sur l'élimina- d’activités ne faisaient qu’aggraver ces conditions déplo- tion de la discrimination à l'égard des femmes a examiné rables. Au cours de visites de suivi effectuées en décembre la situation de l’Estonie. Parmi ses principaux motifs de 1999 dans quatre établissements, le CPT a constaté que, préoccupation figuraient les actes de violence perpétrés malgré certaines initiatives visant à leur amélioration, les contre des femmes et des fillettes, notamment dans la conditions de détention demeuraient globalement inac- famille. Le Comité a prié instamment les autorités esto- ceptables. La situation était tout aussi mauvaise dans les niennes « d'accorder un rang de priorité élevé à l'adoption établissements pénitentiaires, notamment dans la prison de toutes les mesures voulues pour faire face à la violence centrale de Tallinn, où les délégués du CPT ont constaté contre les femmes dans la famille et dans la société ». Il a en 1997 que les personnes en détention provisoire également recommandé à l’Estonie, entre autres, d’adop- vivaient dans des conditions « intolérables ». ter une loi spécifique interdisant la violence familiale à l'égard des femmes, et de faire en sorte que les auteurs de Allégations de torture et de mauvais traitements tels actes soient jugés et punis avec la sévérité et la rapi- En novembre, le Comité des Nations unies contre la dité requises, et que les femmes victimes de violences torture, qui siège à Genève, a examiné le rapport initial obtiennent sans délai réparation et protection.◆ 167 ET ÉTATS-UNIS RUSSIE

océan glacial Arctique Groenland Alaska (DANEMARK) ISLANDE Anchorage

CANADA

Hawaii

océan Atlantique ÉTATS-UNIS New Chicago York Los Angeles WASHINGTON océan Pacifique BERMUDES

BAHAMAS MEXIQUE golfe PORTO RICO du Mexique 0 1800 km RÉP. CUBA DOMINICAINE HAÏTI ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE refusaient de les reconnaître comme des prisonniers de guerre ou de confier la CAPITALE : Washington détermination de leur statut à un « tribunal SUPERFICIE: 9 809 378 km2 compétent », comme l’exigent les Conventions de Genève. La situation d’autres personnes, POPULATION: 288,5 millions détenues hors des États-Unis, certaines dans CHEF de l’ÉTAT des lieux tenus secrets, constituait un motif et du GOUVERNEMENT: de préoccupation. Un grand nombre des George W. Bush 1 200 étrangers arrêtés aux États-Unis durant les enquêtes ouvertes sur les attentats du PEINE DE MORT: maintenue 11 septembre 2001 contre le Pentagone et le COUR PÉNALE World Trade Center étaient également privés INTERNATIONALE: des garanties prévues par le droit international, Statut de Rome signé de même que deux hommes de nationalité américaine détenus au secret par l’armée aux États-Unis en tant que « combattants à la solde lus de 600 étrangers, arrêtés pour la plupart de l’ennemi ». De nouvelles condamnations à au cours du conflit militaire en Afghanistan, mort ont été prononcées et exécutées en vertu Pétaient détenus sans inculpation ni jugement sur du droit fédéral et des législations des États. Des la base navale américaine de Guantánamo Bay, informations ont fait état de brutalités policières, à Cuba, et privés de tout contact avec un avocat de morts en détention et de mauvais traitements et avec leur famille. Les autorités des États-Unis dans des établissements pénitentiaires. 168 ET Contexte En décembre, l’organisation a écrit au gouvernement L’opération militaire internationale déclenchée en américain pour répéter ses motifs de préoccupation, Afghanistan sous la conduite des États-Unis après les déjà exposés dans une note au mois d’avril. Elle a éga- attentats du 11 septembre 2001 s’est poursuivie en lement demandé que les personnes détenues à 2002. Des milliers de personnes ont été arrêtées et de Guantánamo soient rapatriées à moins d’être inculpées nombreux transferts de prisonniers ont eu lieu entre d’une infraction prévue par la loi, et qu’elles se voient les autorités américaines, afghanes et pakistanaises. accorder les droits en matière de procès qui sont légiti- Tout en demandant que les responsables présumés des mement les leurs en vertu du droit international. attentats du 11 septembre et d’autres crimes soient Un certain nombre de membres présumés d’Al Qaida traduits en justice, Amnesty International a dénoncé, (La Base) qui auraient été arrêtés par les autorités amé- parmi d’autres, le gouvernement américain pour avoir ricaines étaient toujours détenus dans des lieux tenus bafoué, dans le contexte de sa « guerre contre le terro- secrets. Le gouvernement américain n’a fourni aucun risme », les droits universellement reconnus des per- éclaircissement sur leur sort ni sur leur situation au sonnes placées en détention (voir ci-après). regard de la loi, et les a privés des droits que leur confè- rent les normes internationales, notamment le droit Détentions hors des États-Unis d’informer leur famille de leur lieu de détention et de Plus de 600 étrangers ont été transférés, à partir de jan- s’entretenir avec des représentants de leur pays. Un vier, vers la base navale de Guantánamo Bay, à Cuba, nombre indéterminé de personnes initialement déte- où ils étaient détenus sans inculpation ni jugement et nues par les autorités américaines auraient été transfé- n’avaient accès ni aux tribunaux, ni à un avocat, ni à rées vers des pays tiers, où il était à craindre qu’elles ne leurs proches. Bien que la plupart de ces détenus aient soient torturées durant leur interrogatoire. été arrêtés lors du conflit armé en Afghanistan, les États- À la fin de l’année, deux ressortissants américains étaient Unis refusaient de leur reconnaître le statut de prison- toujours détenus au secret par l’armée aux États-Unis nier de guerre conformément aux Conventions de sans inculpation ni jugement, en tant que « combattants à Genève ou de leur accorder d’autres droits prévus par la solde de l’ennemi ». Yaser Esam Hamdi se serait rendu les normes internationales relatives aux droits humains. aux forces de l’Alliance du Nord en Afghanistan à la fin Les actions intentées devant des juridictions américaines de 2001, avant d’être transféré de Guantánamo Bay en ou autres pour contester la légalité de ces détentions Virginie au mois d’avril 2002. José Padilla a été arrêté à n’ont pas abouti ; toutefois, plusieurs affaires étaient l’aéroport de Chicago en mai 2002 ; il faisait l’objet d’un toujours en instance fin 2002. Le gouvernement améri- mandat d’amener en tant que témoin essentiel – avec la cain n’a pas pris en considération l’appel urgent lancé possibilité de consulter un avocat – car il était soupçonné par la Commission interaméricaine des droits de d’être impliqué dans un complot présumé visant à faire l’homme et demandant qu’un tribunal compétent exploser une bombe sale radioactive sur un objectif amé- détermine le statut des détenus. ricain. Le 9 juin, il a été remis à l’armée américaine sans Les conditions de transfert et de détention des prison- que son avocat, commis d’office, n’en soit informé. Le niers à Guantánamo Bay ont suscité une profonde 4 décembre, un juge fédéral de district a rendu une déci- préoccupation. Pendant les vols, qui duraient jusqu’à sion autorisant José Padilla à s’entretenir avec son avocat, vingt-deux heures, les détenus, menottés et enchaînés, dans des conditions non encore fixées fin 2002. étaient contraints de porter des moufles, des masques chirurgicaux et des cache-oreilles ainsi que des Commissions militaires lunettes de ski couvertes de ruban adhésif qui leur En mars, le ministère de la Défense a publié les procé- masquaient totalement la vue. On leur coupait égale- dures devant s’appliquer au jugement des étrangers par ment la barbe et les cheveux. Les prisonniers étaient les commissions militaires qui avaient été créées en 2001 tout d’abord incarcérés au camp X-Ray, une installa- par décret présidentiel. À la fin de l’année, personne tion temporaire de la base navale constituée de petites n’avait été cité à comparaître devant ces commissions. cellules grillagées, exposées aux intempéries et éclai- Amnesty International considère que l’ouverture de pro- rées toute la nuit par de puissantes lampes à arc. Ils cès devant ces organes, qui auraient le pouvoir de pro- étaient enchaînés dès qu’on les sortait de leurs cellules noncer des condamnations à mort, serait contraire aux et presque totalement privés d’exercice physique à normes fondamentales relatives à l’équité des procès. l’extérieur de celles-ci. Une prison plus permanente, le camp Delta, a ensuite Violations des droits humains imputables aux été construite et a commencé à accueillir les détenus à forces américaines en Afghanistan et au Yémen partir du mois d’avril. Ceux-ci étaient toujours enfer- Certaines informations ont fait état de mauvais traite- més jusqu’à vingt-quatre heures par jour dans des cel- ments infligés à des civils durant des attaques menées lules plus petites que celles du camp X-Ray. Certains par les forces terrestres américaines en Afghanistan. ont entamé une grève de la faim au cours de l’année, Lors d’une incursion dans la province de l’Uruzgan, et plusieurs tentatives de suicide ont été signalées. au mois de janvier, les forces spéciales des États-Unis Amnesty International a demandé à plusieurs reprises ont tué au moins 16 villageois, dont certains ont été à visiter le centre de détention de Guantánamo, mais retrouvés avec les mains attachées dans le dos. Environ elle n’a reçu aucune réponse. 27 autres villageois arrêtés par les Américains durant 169 ET ce raid auraient été ligotés, avec la tête encagoulée et « départ volontaire ». Certains témoignages ont aussi fait les yeux bandés, puis transportés en avion vers la base état de mauvais traitements infligés aux détenus, qui américaine de Kandahar où des soldats américains les auraient notamment subi des insultes, des violences auraient roués de coups de pied et de poing. Un jeune physiques, de longues périodes d’isolement cellulaire et homme de dix-sept ans a affirmé avoir été placé à l’iso- auraient été entravés au moyen de lourdes chaînes au lement pendant huit jours dans un conteneur. Toutes cours des visites et des audiences au tribunal. les personnes arrêtées ont été relâchées deux semaines Le secret entourant les détentions demeurait un motif plus tard, après qu’il eut été établi qu’elles n’étaient ni de préoccupation. En août, à l’issue d’une action en des membres d’Al Qaida ni des talibans. Amnesty justice intentée par Amnesty International et d’autres International s’est demandé si les investigations rela- groupes de défense des droits humains en vertu de la tives aux allégations de mauvais traitements avaient été Loi sur la liberté d’information, un juge fédéral a suffisantes, mais elle n’a reçu aucune réponse des auto- ordonné au gouvernement de révéler les noms et lieux rités américaines sur ce point. Des allégations simi- de détention de tous les prisonniers relevant de l’INS laires ont été reçues d’un groupe de 31 personnes qui avaient été arrêtés au cours des enquêtes sur les arrêtées le 17 mars par des soldats américains durant événements du 11 septembre. Toutefois, l’exécution une attaque contre un complexe proche de Kandahar. de ce jugement a été suspendue en attendant qu’il soit Baryalai, un standardiste de dix-huit ans, a été arrêté statué sur un appel formé par le gouvernement. par les forces américaines à Sharan, dans la province En octobre, une cour d’appel fédérale a conclu que le du Paktika (Afghanistan), au mois de novembre. Il gouvernement avait agi en toute légalité lorsqu’il avait aurait été contraint de rester à genoux avec les mains ordonné le huit clos pour plusieurs centaines d’audiences liées dans le dos et le visage recouvert pendant environ concernant des affaires d’explusion, dans des cas présen- six heures, avant d’être conduit dans un lieu de déten- tant ce que l’INS a appelé un « intérêt spécial ». De nou- tion tenu secret. Au bout de deux semaines, les autori- veaux recours ont été formés contre ce jugement. tés américaines ont reconnu que Baryalai était détenu En septembre, la Commission interaméricaine des sur leur base aérienne de Bagrame à des fins d’enquête. droits de l’homme a exhorté le gouvernement des En décembre, le quotidien Washington Post a affirmé États-Unis à prendre d’urgence des mesures de précau- que le personnel de la Central Intelligence Agency (CIA, tion afin de protéger les droits fondamentaux des per- Services de renseignements des États-Unis) employait sonnes détenues en relation avec les événements du des techniques de « stress et contrainte » lorsqu’il inter- 11 septembre 2001 et qui ont fait l’objet d’un arrêté rogeait des détenus sur la base aérienne de Bagrame. d’expulsion ou d’une mesure de départ volontaire. Les techniques alléguées consistaient notamment à Les résultats d’une enquête sur le traitement des déte- maintenir les détenus debout ou à genoux pendant de nus, ordonnée par les Services de l’inspecteur général longues périodes, à leur couvrir la tête d’une cagoule, à du ministère de la Justice, n’avaient toujours pas été leur bander les yeux, à les priver de sommeil et à les communiqués à la fin de l’année. Les investigations soumettre à un éclairage électrique vingt-quatre heures portaient notamment sur les conditions de détention sur vingt-quatre. dans deux prisons du New Jersey sur lesquelles une Six hommes, dont un dirigeant présumé d’Al Qaida, délégation d’Amnesty International avait établi un ont été tués au Yémen en novembre. Il semble qu’ils rapport à l’issue d’une visite effectuée en février, ainsi aient été victimes d’exécutions extrajudiciaires, leur qu’au Metropolitan Detention Center (MDC, Centre de voiture ayant été touchée par un missile tiré d’un détention métropolitain), à New York, où plus de avion drone Predator sous contrôle de la CIA. 40 personnes étaient détenues dans une unité d’isole- ment. Les autorités ont rejeté la demande d’Amnesty Détentions aux États-Unis à la suite des attentats International de visiter le MDC. du 11 septembre Fin 2002, la plupart des personnes détenues à l’issue des Environ 1200 étrangers, pour la plupart des hommes premières vagues d’arrestations avaient été expulsées ou musulmans originaires de pays arabes ou de l’Asie du libérées, ou étaient inculpées d’infractions sans rapport Sud, ont été arrêtés durant les enquêtes ouvertes sur les avec le 11 septembre ni avec le « terrorisme ». Le minis- attentats du 11 septembre. Plus de 700 d’entre eux ont tère de la Justice a indiqué début décembre que seules été détenus en raison de simples infractions à la législa- six des 765 personnes appréhendées durant cette vague tion sur les visas, dont un grand nombre en vertu d’une d’arrestations pour des infractions à la législation sur réglementation permettant à l’Immigration and l’immigration étaient toujours détenues ; 500 avaient Naturalization Service (INS, Service d’immigration et de été expulsées, 134 autres se trouvaient sous le coup naturalisation des États-Unis) de maintenir des per- d’une inculpation pénale en vertu du droit fédéral et 99 sonnes en détention sans inculpation pendant une avaient été condamnées. Une étude réalisée plus tôt par période prolongée. Nombre de ces détenus n’ont pas le Washington Post avait révélé qu’au moins 44 per- été autorisés à contacter rapidement un avocat et cer- sonnes avaient été arrêtées et placées en détention en tains sont restés en détention pendant des mois en tant que « témoins essentiels » durant les investigations, attendant un avis favorable du gouvernement, et ce mais aucune information à leur sujet n’a été fournie par même après la décision d’un juge d’immigration de les le ministère de la Justice. Certaines personnes ont été libérer sous caution, de les expulser ou d’autoriser leur expulsées vers des pays – notamment le Pakistan, 170 ET l’Égypte et le Yémen – où il était à craindre qu’elles ne latino-américains de seize ans sont morts après qu’un subissent des atteintes à leurs droits fondamentaux, policier de Los Angeles eut ouvert le feu sur leur voi- telles que la détention au secret et la torture. ture, les touchant par balle et provoquant un accident. Des groupes d’immigrés et de défense des droits Deux autres adolescents et une personne âgée de vingt humains ont déploré le caractère discriminatoire d’un ans qui se trouvaient aussi dans le véhicule ont été bles- nouvel arrêté fédéral, en vertu duquel toutes les per- sés. La police, qui avait auparavant tenté d’interroger sonnes de sexe masculin âgées de seize ans ou plus, ori- deux jeunes ayant pris la fuite en voiture, a déclaré que ginaires de certains pays arabes ou musulmans et de le policier avait ouvert le feu en voyant le véhicule des Corée du Nord et n’ayant pas le statut de résident per- adolescents latino-américains accélérer dans sa direc- manent des États-Unis, devaient se présenter à l’INS tion. Toutefois, des proches des victimes ont remis en pour être interrogées et photographiées, et pour faire question la nécessité du recours à la force meurtrière relever leurs empreintes digitales. Plusieurs centaines dans de telles circonstances. Cette affaire faisait l’objet d’hommes et d’adolescents originaires du Moyen- d’une enquête de police à la fin de l’année. Orient qui avaient participé à la première série de for- ✔ En mars, un homme non armé qui était atteint de malités en décembre ont été arrêtés pour des troubles mentaux est mort par asphyxie dans le comté de irrégularités de visa présumées ; un grand nombre Prince George (Maryland) après avoir été immobilisé par d’entre eux ont été soumis à des traitements éprouvants, des policiers. Une enquête fédérale visant à déterminer si notamment le port de menottes aux poignets et de fers les services de police de ce comté avaient l’habitude de aux pieds ainsi que la détention dans des cellules non recourir à des brutalités était toujours en cours fin 2002. chauffées avec des vêtements ou des couvertures inadap- ✔ Chad Boggess est mort de ses blessures après avoir tés ; certains auraient été déplacés d’un lieu de déten- été, semble-t-il, roué de coups par des gardiens au tion à un autre sans pouvoir prendre contact avec un centre de détention du comté de Boyd (Kentucky) au avocat ni avec leur famille. Bien que la plupart de ces mois de mars. Un coroner (officier de justice chargé de détenus aient été libérés quelques jours plus tard, faire une enquête en cas de mort violente, subite ou nombre d’entre eux risquaient de faire l’objet d’un suspecte) a conclu qu’il était mort par asphyxie en rai- arrêté d’expulsion ; parmi eux figuraient des personnes son des méthodes de contrainte employées et, en par- qui avaient, semble-t-il, déposé une demande de régula- tie, des blessures qui avaient résulté d’un recours à une risation de leur statut avant leur arrestation. « force brutale ». Trois gardiens de prison ont été licen- ciés par la suite et l’un d’eux a fait l’objet d’une incul- Mauvais traitements et recours excessifs pation pour coups et blessures. à la force par des représentants de la loi Des informations ont fait état de morts en détention Conditions de détention dans les prisons ainsi que de mauvais traitements et de recours excessif à de très haute sécurité la force par des policiers et des membres du personnel Les actions en justice intentées par des groupes de pénitentiaire. Au moins trois personnes sont mortes défense des droits humains ont permis l’amélioration après avoir été atteintes par des fléchettes tirées par des des conditions de détention dans deux établissements pistolets incapacitants M26 ; ces pistolets qui envoient de de très haute sécurité où les prisonniers sont placés à fortes décharges électriques sont utilisés par un nombre l’isolement au moins vingt-trois heures sur vingt- croissant d’organes de police aux États-Unis. Bien que la quatre dans des conditions de stimulation sensorielle plupart des décès de ce type aient été attribués à d’autres réduite. Cependant, plus de 70 000 prisonniers étaient causes, Amnesty International était préoccupée par les toujours détenus dans des unités de très haute sécurité, dangers que représente l’emploi d’armes à électrochocs et où Amnesty International considère que les conditions par les risques d’utilisation abusive de ces armes. d’incarcération peuvent s’apparenter à un traitement ✔ Gordon Randall Jones est mort en juillet dans le cruel, inhumain ou dégradant. comté d’Orange, en Floride, après que la police eut ✔ En février, un juge fédéral de district a déclaré que le tiré sur lui à douze reprises avec un pistolet M26 alors régime sévère imposé dans le pénitencier de l’État de qu’il n’était pas armé. Le rapport d’autopsie a indiqué l’Ohio, prison de très haute sécurité prévue pour que sa mort résultait d’une « asphyxie posturale, consé- accueillir environ 500 détenus, constituait une « épreuve cutive à l’application de méthodes de contrainte dans une exceptionnelle et considérable ». Le tribunal a également situation d’intoxication aiguë par la cocaïne ». conclu que la procédure d’affectation des prisonniers à ✔ Chiquita Hammonds, une élève âgée de quinze ans, cet établissement – dont une action en justice avait a été aspergée de gaz poivre et atteinte par une fléchette dénoncé le caractère arbitraire – présentait un « impor- de pistolet incapacitant tirée par la police à Miramar, en tant risque d’erreur ». Cette action avait été intentée par Floride, après un incident mineur survenu dans un car l’American Civil Liberties Union (ACLU, Union améri- scolaire. Amnesty International a considéré que l’utilisa- caine pour les libertés publiques) et le Center for tion d’armes chimiques et électriques dans cette affaire a Constitutional Rights (Centre de défense des droits constitué un traitement cruel, inhumain ou dégradant. constitutionnels). Au cours de négociations préalables ✔ Des voix se sont élevées pour demander l’ouverture sur cette affaire, les autorités avaient accepté de retirer d’une enquête pour violation des droits civils à la suite de la prison les prisonniers atteints de graves maladies d’un événement survenu en novembre : deux garçons mentales et d’effectuer quelques autres réformes. 171 ET ✔ En mars, une action en justice portant sur les ✔ Napoleon Beazley, TJ Jones et Toronto Patterson conditions de détention à Boscobel, prison de très ont été exécutés au Texas respectivement le 28 mai, le haute sécurité du Wisconsin, a trouvé un règlement à 9 août et le 28 août, pour des meurtres commis l’amiable. L’accord conclu comprenait l’interdiction lorsqu’ils étaient âgés de dix-sept ans. d’incarcérer les prisonniers atteints de graves troubles ✔ Javier Suárez Medina, un Mexicain, a été exécuté mentaux dans cet établissement, une modeste amélio- en août au Texas ; il avait été privé de ses droits consu- ration des conditions d’exercice physique et des pro- laires après son arrestation. Les gouvernements de grammes de réinsertion, ainsi qu’une limitation du 16 pays ont lancé des appels à la clémence ou signé recours aux techniques de contrainte et aux appareils à avec le Mexique une note conjointe exhortant la Cour électrochocs pour maîtriser les détenus, même s’ils res- suprême à suspendre l’exécution et à tenir une taient autorisés. Certains prisonniers ont également eu audience plénière afin de déterminer quelles pouvaient le droit de rencontrer leurs proches en personne, mais être les implications juridiques de la violation de traité la plupart des détenus continuaient de ne recevoir de dans cette affaire, et de les régler. « visites » de leur famille que par l’intermédiaire de ✔ Le ressortissant pakistanais Mir Aimal Kasi a été matériel vidéo. exécuté en Virginie au mois de novembre. Il avait été déclaré coupable du meurtre de deux agents de la CIA Peine de mort en 1993. En fuite jusqu’en 1997, il avait été enlevé Soixante-neuf hommes et deux femmes ont été exécu- dans une chambre d’hôtel au Pakistan par des agents tés au cours de l’année 2002, ce qui portait à 820 le du Federal Bureau of Investigation (FBI, Bureau fédéral nombre total de prisonniers exécutés depuis la levée d'enquêtes) qui l’avaient placé en détention dans un du moratoire sur la peine de mort décidée en 1976 par lieu tenu secret avant de le renvoyer aux États-Unis. la Cour suprême. Les États-Unis ont continué de bafouer les normes internationales dans leur applica- La Cour pénale internationale tion de la peine capitale, notamment en exécutant des Le 6 mai, le gouvernement américain a écrit au secré- condamnés qui étaient âgés de moins de dix-huit ans taire général des Nations unies pour l’informer que les au moment de leur crime et des personnes dont la États-Unis n’avaient pas l’intention de ratifier le Statut défense n’avait pas été correctement assurée. Le de Rome de la Cour pénale internationale et 20 juin 2002, la Cour suprême des États-Unis a qu’aucune obligation juridique ne les liait à la signa- déclaré que l’exécution de retardés mentaux était ture de cet instrument, le 31 décembre 2000. Au contraire aux dispositions constitutionnelles interdi- cours de l’année, les États-Unis ont demandé à plu- sant les « châtiments cruels et exceptionnels ». Elle a sieurs gouvernements de s’engager, par des accords reconnu qu’« au sein de la communauté internationale » bilatéraux, à ne pas déférer à la nouvelle Cour pénale ce type d’exécution était « très largement désapprouvé ». internationale les ressortissants américains accusés de Dans l’Illinois, le moratoire sur les exécutions décrété génocide, de crimes de guerre ou de crimes contre par le gouverneur en janvier 2000 en raison du l’humanité. Dans certains cas, le gouvernement améri- nombre de condamnés à mort victimes d’erreurs judi- cain a menacé de retirer son assistance militaire aux ciaires était toujours en vigueur à la fin de 2002. En pays qui lui opposeraient un refus. Amnesty mai, le gouverneur du Maryland a annoncé un mora- International a condamné ces mesures qui constituent toire sur les exécutions dans cet État, dans l’attente des une menace pour le traité. conclusions d’une étude sur les inégalités raciales et géographiques dans l’application de la peine de mort ; Visites d’Amnesty International ces conclusions n’avaient pas encore été rendues Des délégués d’Amnesty International se sont rendus aux publiques à la fin de l’année. États-Unis en janvier, en octobre et en novembre. En Les exécutions se sont poursuivies dans le reste du pays ; février, une délégation a rendu visite à des immigrants 33 d’entre elles ont eu lieu dans le seul État du Texas. incarcérés dans des prisons du New Jersey. Un observa- Le Mississippi a procédé à sa première exécution teur de l’organisation a assisté à une audience prélimi- depuis 1989 ; des condamnés ont aussi été exécutés naire dans l’affaire en juillet.◆ dans 11 autres États. ✔ Au mois d’octobre, la Commission interaméricaine Autres documents d’Amnesty International des droits de l’homme a rendu sa décision dans États-Unis. Arbitraire, discrimination et cruauté : l’affaire Michael Domingues, condamné à mort au l’homicide par décision judiciaire vingt-cinq ans après Nevada pour un crime commis lorsqu’il avait seize (AMR 51/003/02). ans. Elle a conclu que l’interdiction d’exécuter des per- USA: The restraint chair -- how many more deaths? sonnes âgées de moins de dix-huit ans au moment des [États-Unis. La chaise d’immobilisation : combien de faits reprochés était « de nature suffisamment indélébile morts encore ?] (AMR 51/031/02). pour constituer désormais une norme de jus cogens », USA: Amnesty International’s concerns regarding post norme impérative s’imposant à tous les États à laquelle September 11 detentions in the USA [États-Unis. on ne peut valablement déroger ni à travers un traité Préoccupations d’Amnesty International relatives ni par l’objection d’un État, que ce soit de façon per- aux arrestations qui ont suivi les événements du manente ou non. 11 septembre] (AMR 51/044/02). 172 ET USA: Memorandum to the US Government on penalty against child offenders [États-Unis. L’exécution the rights of people in US custody in Afghanistan and de mineurs délinquants, pratique indécente et Guantánamo Bay [États-Unis. Note à l’intention contraire au droit international] (AMR 51/143/02). du gouvernement américain concernant les droits des USA: James Colburn – mentally ill man scheduled for personnes détenues par les États-Unis en Afghanistan execution in Texas [États-Unis. James Colburn : et à Guantánamo Bay] (AMR 51/053/02). un malade mental en passe d’être exécuté au Texas] USA: Joseph Amrine: Facing execution on tainted (AMR 51/158/02). testimony [États-Unis. Joseph Amrine risque d’être USA: Beyond the Law – Update to Amnesty exécuté sur la foi de faux témoignages] International’s April Memorandum to the US (AMR 51/085/02). Government on the rights of detainees held in US custody USA: Amnesty International’s Concerns on Police Abuse in Guantánamo Bay and other locations [États-Unis. in Prince George’s County, Maryland [États-Unis. Au-delà du droit : mise à jour de la note d’Amnesty Préoccupations d’Amnesty International concernant International adressée en avril au gouvernement les brutalités policières dans le comté de Prince américain concernant les droits des personnes George, Maryland] (AMR 51/126/02). détenues par les États-Unis à Guantánamo Bay USA: Indecent and internationally illegal – the death et ailleurs] (AMR 51/184/02). ÉTHIOPIE g RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE DÉMOCRATIQUE D’ÉTHIOPIE ÉRYTHRÉE YÉMEN CAPITALE : Addis-Abeba golfe 2 SOUDAN d'Aden SUPERFICIE : 1 133 880 km DJIBOUTI Socotra POPULATION : 66 millions (YÉMEN) CHEF de l’ÉTAT : ADDIS-ABEBA Girma Wolde Giorgis ÉTHIOPIE CHEF du GOUVERNEMENT : Meles Zenawi océan PEINE DE MORT : maintenue Indien SOMALIE COUR PÉNALE OUGANDA KENYA INTERNATIONALE : 0 600 km Statut de Rome non signé lVii ors de manifestations, pacifiques pour présumé à des groupes d’opposition armés ont Lla plupart, la police a abattu plus de été maintenues en détention sans inculpation ni 230 personnes et en a arrêté plusieurs centaines jugement. Les conditions carcérales étaient d’autres dans la région d’Oromia ainsi que éprouvantes. Beaucoup de prisonniers étaient dans celle des Peuples, nations et nationalités détenus au secret ou avaient peut-être « disparu ». du Sud. Actes de torture, viols et exécutions De nombreux procès de hauts responsables du extrajudiciaires figuraient parmi les nombreuses Dergue, ancien gouvernement, accusés de atteintes aux droits humains commises génocide ou d’autres crimes contre l’humanité, notamment dans les zones de conflit des régions se sont achevés cette année. Cependant, il restait oromo et somali. Des journalistes et des plus de 1 000 autres personnes dont le procès personnes critiques à l’égard du gouvernement était toujours en cours ou qui attendaient de ont été interpellés et, pour certains, traduits en passer en jugement. Plusieurs sentences justice. Un prisonnier d’opinion de premier capitales ont été prononcées, mais aucune plan, condamné à quinze ans d’emprisonnement exécution n’a été signalée. à l’issue d’un procès inéquitable, a été libéré après que sa peine eut été réduite en appel. Contexte Plusieurs milliers de personnes incarcérées Les Nations unies et les organismes d’aide humanitaire depuis longtemps en raison de leur soutien ont lancé des appels pour financer l’aide destinée à 173 ET quelque 14 millions de personnes qui, à la fin de nombreux blessés dans le camp de Fugnido (région de l’année, étaient menacées par la famine. Gambéla). La Commission nationale des droits humains et le Bureau du médiateur, créés aux termes d’une loi adoptée Journalistes en 2000, n’avaient toujours pas été constitués fin 2002. Le gouvernement a continué à harceler, menacer, arrê- En avril, dans le prolongement de la signature en ter et jeter en prison des journalistes indépendants – décembre 2000 du traité de paix qui a mis fin à deux dans une proportion moindre, cependant, qu’en 2001. années de conflit frontalier, la Commission du tracé Après avoir rédigé des articles critiques à l’égard des de la frontière (réunie à La Haye, aux Pays-Bas) a autorités, ces journalistes se sont vu accuser de diffa- rendu ses conclusions sur la délimitation de la fron- mation, de diffuser de fausses nouvelles, de causer la tière entre l’Érythrée et l’Éthiopie. Les deux camps panique et d’inciter à la violence, entre autres infrac- étaient au préalable convenus qu’ils accepteraient les tions tombant sous le coup de la Loi sur la presse. décisions de la Commission, mais à la fin de l’année il Deux journalistes étaient toujours incarcérés à la fin de subsistait entre eux des désaccords qui retardaient la l’année. Un certain nombre d’autres ont fui le pays. démarcation de la frontière. Le mandat de la Mission des Nations unies en Éthio- Homicides de manifestants et arrestations pie et en Érythrée (MINUEE), qui administre une zone massives de sécurité temporaire entre les deux pays et mène des La police a utilisé, de façon apparemment illégale, la opérations de déminage dans la région, a été prorogé force meurtrière contre des manifestants. Les autorités jusqu’en 2003 par le Conseil de sécurité des Nations ont déclaré qu’elles enquêtaient sur ces graves événe- unies. Les échanges de prisonniers de guerre et de ments, mais nul ne savait si les responsables présumés civils détenus dans des camps d’internement se sont seraient traduits en justice. poursuivis, sous les auspices du Comité international ✔ Le 10 mars à Teppi, ville du sud-ouest du pays, la de la Croix-Rouge (CICR). En novembre, l’Éthiopie a police a tué jusqu’à 200 manifestants appartenant aux renvoyé chez eux 1 568 prisonniers de guerre et civils ethnies shekicho et mezenger qui protestaient contre érythréens détenus ; il s’agissait des derniers prison- la modification de frontières administratives. Plus de niers de guerre ayant exprimé le souhait de rentrer 300 autres ont été arrêtés, dont des militants de dans leur pays. Par ailleurs, l’Éthiopie a une nouvelle l’opposition. Quatre-vingt-dix ont comparu devant un fois demandé que le colonel Bezabih Petros et plu- tribunal en août, puis ils ont de nouveau été placés en sieurs autres prisonniers de guerre éthiopiens toujours détention en attendant d’être jugés, notamment pour retenus en Érythrée soient renvoyés chez eux. le meurtre de quatre policiers commis lors des vio- En décembre, l’Éthiopie a ratifié la Charte africaine lences ayant accompagné la manifestation. des droits et du bien-être de l’enfant. ✔ En mars et en avril, dans différentes villes de la par- tie ouest de la région d’Oromia, des lycéens et des étu- Conflit armé diants ont organisé d’importantes protestations Dans le cadre des conflits régionaux en cours, l’Éthio- pacifiques contre la politique régionale en matière pie soutenait le groupe armé Alliance des forces natio- d’éducation et de taxes. La police a ouvert le feu, tuant nales érythréennes (AFNE), tandis que l’Érythrée plusieurs manifestants ; elle en a également blessé et apportait son appui à des opposants armés éthiopiens, frappé un certain nombre d’autres. Les policiers ont à savoir le Front de libération oromo (FLO), en lutte procédé à des arrestations massives, qui ont été suivies dans la région d’Oromia, et le Front de libération du placement en détention de centaines de fonction- nationale de l’Ogaden (FLNO), actif dans la région naires, notamment des enseignants, et d’autres per- somali aux côtés du FLO et d’Al Ittihad al Islamiya sonnes accusées d’avoir soutenu les manifestations ou (Unité de l’islam). Dans ces conflits comme dans d’en avoir été à l’origine. Des détenus placés au secret d’autres de moindre envergure qui touchaient l’Éthio- et soupçonnés d’entretenir des liens avec le FLO pie, les civils étaient souvent victimes de détention auraient été torturés ou maltraités. Les autorités ont arbitraire, d’exécution extrajudiciaire ou d’actes de tor- accusé le FLO, qui avait multiplié ses opérations dans ture (dont le viol), commis à titre de représailles par la région, d’avoir organisé les manifestations. Si la plu- des forces gouvernementales ayant essuyé des attaques part des détenus ont été relâchés à la mi-2002, il res- ou subi des pertes dans leurs rangs. tait néanmoins des personnes incarcérées sans Plusieurs affrontements intercommunautaires se sont inculpation ni jugement à la fin de l’année. soldés par des dizaines de morts et le déplacement de ✔ Le 24 mai à Awassa, capitale de la zone de peuple- milliers de personnes. En juillet 2002, un très grand ment sidama dans la région des Peuples, nations et nombre de membres des communautés nuer et anuak, nationalités du Sud, les polices régionale et fédérale opposées l’une à l’autre, ont été tués à Itang, une ville ont abattu au moins 25 personnes et en ont blessé de la région de Gambéla, dans le sud-ouest du pays. d’autres lors d’une manifestation qui s’est déroulée Quelques personnes ont été arrêtées, mais aucune pacifiquement jusqu’au moment où les policiers ont n’avait été déférée à la justice à la fin de l’année. tiré sans sommation. Deux policiers ont été tués – par En novembre, des affrontements interethniques entre des collègues, selon certaines sources. Au cours des réfugiés soudanais ont fait plus de 40 morts et de très semaines qui ont suivi, beaucoup de manifestants ainsi 174 ET que des personnes soupçonnées de les avoir soutenus locales de décembre 2001, avaient été arrêtés dans la ont été interpellés ; dans de nombreux cas, ils auraient région des Peuples, nations et nationalités du Sud pour été torturés. Parmi les gens arrêtés figuraient un méde- des motifs manifestement politiques ont été libérés sans cin, le docteur Million Tumato, et le directeur de inculpation au cours des premiers mois de 2002. l’Association pour le développement de Sidama, Mengistu Gonsamo ; tous deux étaient des prisonniers Procès politiques d’opinion. En novembre, ils ont été remis en liberté Les motifs de préoccupation concernant l’équité des provisoire, en même temps que de nombreux autres procès de détenus politiques étaient toujours d’actua- détenus, mais au moins 12 personnes ont été mainte- lité. Reconnaissant qu’il y avait des problèmes, le gou- nues en détention sans avoir été inculpées. Les autori- vernement a déclaré que l’amélioration du système tés de la région des Peuples, nations et nationalités du judiciaire et de la formation des juges constituait une Sud ont ouvert une enquête, mais celle-ci n’était pas priorité. indépendante et ses conclusions n’avaient pas été ren- ✔ Le procès d’une centaine de combattants du FLO dues publiques à la fin de l’année. détenus depuis 1992 s’est achevé en février ; deux ont été condamnés à mort et les autres se sont vu infliger Détention sans inculpation ni jugement des peines d’emprisonnement. Les arrestations arbitraires et les mises en détention au ✔ Mohamed Ahmed Abdi, président de l’Association secret sans inculpation ni jugement de personnes d’aide pour l’Ogaden, a été arrêté en août à Addis- soupçonnées d’être liées à des groupes d’opposition Abeba. Le gouvernement cherchait à interdire cette comme le FLO ou le FLNO continuaient d’être très fré- organisation non gouvernementale locale, dont plu- quentes. Dans la région somali, de nombreuses per- sieurs responsables avaient déjà été arrêtés par le passé. sonnes ont été arrêtées et torturées en raison de leurs Mohamed Ahmed Abdi, prisonnier d’opinion, a été liens présumés avec le FLNO, notamment à la suite conduit à Jijiga, soumis à des tortures et inculpé de d’opérations de ce mouvement dans la région. corruption. En novembre, il est parvenu à s’évader de ✔ Ziad Hussein Abarusky, employé des chemins de sa prison et il a fui le pays. fer et entraîneur national de football, a été arrêté en ✔ Le procès de Mesfin Wolde-Mariam, président du juin à Dirédaoua et accusé, avec 20 autres personnes, Conseil éthiopien des droits humains, et de Berhanu de participation à l’attentat à l’explosif perpétré le Nega, directeur de l’Association économique éthio- même mois par le FLO contre les locaux de la société pienne, n’a cessé d’être reporté et n’avait toujours pas des chemins de fer. Après avoir apparemment été tor- commencé à la fin de l’année. Les deux hommes, accu- turé, il a été transféré en septembre dans une prison sés à tort d’avoir été les instigateurs des manifestations d’Addis-Abeba, puis présenté à un tribunal. À la fin de étudiantes d’avril 2001 à l’université d’Addis-Abeba, l’année, il ne faisait l’objet d’aucune inculpation. étaient en liberté sous caution depuis juin 2001. ✔ Deux porte-parole de la communauté des réfugiés ✔ En mai, la Cour d’appel a ramené de quinze à six soudanais, qui avaient été arrêtés en décembre 2001 années d’emprisonnement la peine prononcée contre dans le camp de Fugnido (région de Gambéla) et, Taye Wolde-Semayat, président de l’AEE, et a ordonné semble-t-il, torturés pour avoir protesté contre les sa remise en liberté. Condamné pour complot armé à mauvais traitements infligés aux réfugiés, ont été libé- l’issue d’un procès inéquitable en 1999, il était prison- rés en mars sans inculpation. nier d’opinion depuis 1996. ✔ Abate Angore, secrétaire général par intérim de l’Association des enseignants éthiopiens (AEE), a été Procès des membres du Dergue arrêté en décembre et inculpé d’avoir voulu dresser Le procès-fleuve de 46 anciens hauts responsables du l’opinion publique contre le gouvernement. Cette gouvernement de Mengistu Hailé-Mariam (le Dergue), accusation était liée à un article publié vingt mois renversé en 1991, s’est poursuivi. Les accusés devaient auparavant dans un journal, dans lequel il avait répondre des chefs de génocide et d’autres crimes dénoncé la brutalité de la police contre les étudiants contre l’humanité. À la fin de 2002, plus de 1 000 res- qui manifestaient. Il a été libéré sous caution au bout ponsables de l’ancien gouvernement et du parti au de six jours de garde à vue. pouvoir étaient toujours en détention, dont Parmi les milliers de personnes arrêtées ces dernières Alemayehu Teferra, président d’une université. Ils années pour des raisons politiques dans les régions étaient accusés d’avoir commis des assassinats poli- oromo et somali, beaucoup étaient, semble-t-il, tou- tiques lors de la campagne dite de la « Terreur rouge », jours détenues sans inculpation et, très souvent, au déclenchée par le gouvernement contre ses opposants secret. Le lieu de détention de certaines était inconnu, à la fin des années 70. Entre juillet 2000 et juillet ce qui laissait craindre qu’elles n’aient « disparu » ou 2001, 478 personnes avaient été reconnues coupables, n’aient été exécutées de façon extrajudiciaire. Les tribu- et 328 acquittées. Le procureur spécial a fait savoir que naux régionaux d’Oromia ont examiné quelques dos- tous les procès seraient terminés d’ici 2004. siers de détenus et ont fait libérer plusieurs personnes, mais très peu d’informations officielles étaient dispo- Torture nibles à ce sujet. Un très grand nombre de sympathi- Les informations faisant état d’un recours à la torture sants de partis d’opposition qui, lors des élections contre les prisonniers politiques, notamment ceux 175 FI accusés d’être liés aux groupes d’opposition armés, res- sur le recours de la police à une force excessive à Teppi taient fréquentes. Plusieurs femmes soupçonnées et à Awassa ; quelques personnes ont été arrêtées, mais d’avoir été en contact avec ces groupes auraient été aucune n’était passée en jugement à la fin de l’année. violées. Les tribunaux n’enquêtaient que rarement sur les allégations de torture formulées par les accusés ; en Peine de mort août, toutefois, le tribunal régional d’Awassa a En février, deux membres du FLO ont été condamnés ordonné à la police de ne plus battre les personnes à mort pour complot armé et pour des homicides arrêtées à la suite de la manifestation de mai. commis en 1992. En avril, cinq Somali ont été Le 27 décembre, des centaines de religieux et de condamnés à la peine capitale pour avoir placé une fidèles – hommes et femmes – de l’Église orthodoxe bombe dans l’hôtel Tigray à Addis-Abeba en 1995 ; ils éthiopienne ont été frappés par la police alors qu’ils auraient agi pour le compte d’Al Ittihad al Islamiya manifestaient pacifiquement contre la nomination du (Unité de l’islam). Les recours formés par ces sept per- nouveau responsable de leur église de Lideta, à Addis- sonnes n’avaient pas été examinés à la fin de l’année. Abeba. Plus de 700 personnes auraient été arrêtées, Bien que les charges retenues contre les accusés, dans le puis torturées ou maltraitées pendant cinq jours dans cadre des procès du Dergue et de la « Terreur rouge », un camp d’entraînement de la police à Kolfe. Elles ont étaient généralement susceptibles de valoir à leurs ensuite été présentées devant un tribunal et placées en auteurs la peine capitale, tous les coupables se sont vu détention pour les besoins de l’enquête. Leur demande infliger des peines d’emprisonnement, à l’exception de libération sous caution a été rejetée. d’une poignée qui ont été condamnés à mort par contumace. Exécutions extrajudiciaires Plusieurs sentences capitales ont été prononcées par Selon des informations persistantes, des civils ont été des juridictions pénales, mais aucune exécution n’a été tués tant par des policiers que par des soldats dans des signalée. circonstances laissant à penser qu’il s’agissait d’homi- cides illégaux, ou plus précisément d’exécutions extra- Visites d’Amnesty International : visas refusés judiciaires. Des personnes auraient ainsi été tuées à En novembre, le gouvernement éthiopien a de nou- Addis-Abeba, mais surtout dans les régions oromo et veau refusé, comme il le faisait depuis 1995, d’accor- somali, où se déroulaient des affrontements. Le gou- der un visa à un représentant d’Amnesty International vernement a déclaré qu’une enquête avait été ouverte qui souhaitait se rendre sur place.◆ FIDJI RÉPUBLIQUE DE FIDJI CAPITALE : Suva SUPERFICIE: 18 330 km2 POPULATION: 0,83 million CHEF de l’ÉTAT: Ratu Josefa Iloilo Uluivuda océan CHEF du GOUVERNEMENT : Pacifique Laisenia Qarase SUVA PEINE DE MORT: abolie en mars, sauf pour crimes exceptionnels FIDJI COUR PÉNALE INTERNATIONALE: Statut de Rome ratifié 0 100 km

es droits constitutionnels de la personne commis lors du coup d’État, continuaient et l’état de droit restaient fragilisés par de jouir, de fait, d’une totale impunité ; Lla situation politique. Certains individus, d’autres ont été condamnés à l’issue de procès responsables de violences racistes, d’actes dans lesquels des preuves d’atteintes aux droits de torture et d’exécutions extrajudiciaires humains n’ont pas pu être présentées. 176 FI Quinze soldats ont été condamnés à des peines faire abolir la peine capitale pour tous les crimes, sauf d’emprisonnement pour leur participation en droit militaire. George Speight avait cependant à une mutinerie en 2000. Certains d’entre eux plaidé coupable avant l’adoption du projet de loi par ont été maltraités après leur arrestation. le Sénat, évitant ainsi que des éléments de preuve ne Des familles indo-fidjiennes ont été déplacées, soient présentés au tribunal contre des responsables après avoir été illégalement expulsées de terres gouvernementaux impliqués dans le coup d’État. louées à la communauté autochtone. George Speight a été condamné à mort mais, sur La peine de mort a été abolie pour tous recommandation du Comité des grâces, qui était pré- les crimes, sauf en droit militaire. sidé par le ministre de la Justice, sa peine a été com- muée en emprisonnement à vie par le président de la Contexte République. Les luttes de pouvoir au sein de la population autoch- En novembre, 15 anciens membres d’une unité mili- tone concernant le contrôle des terres et des ressources taire d’élite accusés de s’être mutinés deux ans plus tôt ainsi que les incertitudes constitutionnelles quant à la ont été condamnés à des peines allant de dix-huit mois composition du gouvernement ont empêché le pays de à la détention à vie. Leur procès s’est déroulé devant vraiment renouer avec la stabilité politique. Le Premier une cour martiale et n’était pas public. Ces hommes ministre, Laisenia Qarase, et son prédécesseur étaient passibles de la peine de mort, mais ils ont fina- Mahendra Chaudhry, qui avait été pris en otage lors du lement été condamnés à des peines de détention à la coup d’État de 2000, ont engagé des pourparlers infor- suite d’appels lancés par un groupe religieux favorable mels pour tenter de débloquer la situation. Ces discus- au gouvernement et après que le tribunal eut été sions ont malheureusement été sapées par les propos informé que certains d’entre eux avaient été torturés racistes tenus à l’égard de la minorité indo-fidjienne ou maltraités par les fonctionnaires qui les avaient (d’origine indienne) par certains responsables politiques arrêtés. Les membres des forces de sécurité accusés s’exprimant devant le Parlement. d’avoir torturé ou maltraité les suspects n’ont pas été L’émigration massive des travailleurs qualifiés, qui avait traduits en justice. débuté au lendemain du coup d’État de 2000 et qui Des preuves médicolégales émanant d’une source touche notamment les Indo-Fidjiens, s’est poursuivie. indépendante ont été produites au tribunal en février. Les litiges continuels concernant les ressources apparte- Elles tendaient à prouver que quatre autres mutins nant à la collectivité et les baux consentis sur certaines présumés avaient succombé à des blessures dont la terres ont porté préjudice à des milliers de propriétaires nature semblait confirmer certains témoignages, à indigènes, ainsi qu’aux exploitants agricoles indo-fid- savoir que les quatre hommes auraient été battus à jiens, dont beaucoup ont perdu leurs moyens de subsis- mort par des soldats restés fidèles au commandement tance après avoir été illégalement expulsés des terres militaire. L’armée a refusé de coopérer avec les fonc- qu’ils louaient. Des responsables gouvernementaux tionnaires de police chargés d’enquêter sur ces exécu- autochtones ont continué d’appliquer une politique tions extrajudiciaires présumées. fondée sur des critères d’appartenance ethnique et Le président de la Cour suprême, Timoci Tuivaga, visant à favoriser les Fidjiens de souche. selon lequel l’instabilité politique de Fidji était due à Le gouvernement a fait preuve, par ses actes, d’une la Constitution et qui avait préconisé de profonds prise de conscience croissante de la nécessité de respec- changements à ce texte, a quitté ses fonctions au mois ter les droits humains garantis par la Constitution et le de septembre. Il a été remplacé par Daniel Fatiaki, droit international, mais il s’est également montré peu nommé à ce poste malgré la controverse suscitée par enclin à mettre en œuvre certaines dispositions contro- le rôle qu’il avait joué, aux côtés de Timoci Tuivaga, versées, ainsi que les décisions de justice allant à au lendemain du coup d’État. Les deux hommes l’encontre de ses propres choix. L’absence de garanties avaient en effet rédigé ensemble, à l’époque, des et la passivité du gouvernement face à la discrimina- décrets visant à abolir la Cour suprême et la tion raciale restaient problématiques. Constitution. En novembre, le gouvernement a pré- senté la candidature de Timoci Tuivaga à la Cour Les répercussions juridiques du coup d’État pénale internationale. Le président de la Cour Les tribunaux chargés de juger des personnes inculpées suprême et plusieurs organisations non gouvernemen- d’infractions commises en relation avec le coup d’État tales locales avaient pour leur part soutenu la candida- n’ont pas donné suite aux allégations de mauvais trai- ture de Nazhat Shameem, magistrate indo-fidjienne tements, d’actes de torture et d’exécutions extrajudi- siégeant à la Haute Cour. ciaires qui leur étaient présentées, preuves à l’appui. Le gouvernement s’est efforcé de relancer le processus L’appareil judiciaire restait divisé, car certains juges de réforme juridique interrompu par le coup d’État de étaient déterminés à faire respecter la Constitution en 2000. Cependant il n’a pas inscrit au rang de ses prio- vigueur, et d’autres laissaient les considérations poli- rités l’examen des dispositions du Code pénal relatives tiques l’emporter sur les garanties constitutionnelles. aux châtiments corporels, déclarés inconstitutionnels Au mois de février, alors que George Speight, qui avait par les tribunaux fidjiens, ni la question de la crimina- mené le coup d’État, risquait d’être condamné à mort lisation de l’homosexualité et de certains actes sexuels pour trahison, le ministre de la Justice a entrepris de pratiqués en privé entre adultes consentants. 177 FI Le regard de la communauté internationale Commission nationale des droits humains En août, le Comité des Nations unies pour l’élimination Bien que deux des trois postes de commissaires soient de la discrimination raciale a repoussé à 2003 l’examen de restés toute l’année vacants, la Commission a confirmé la situation à Fidji. Les autorités fidjiennes n’avaient pas qu’elle avait un rôle crucial à jouer dans la promotion remis leur rapport général sur la mise en œuvre, depuis du respect des droits humains à Fidji. Au mois de 1982, de la Convention internationale sur l'élimination mars, elle a sensibilisé l’opinion publique à la question de toutes les formes de discrimination raciale. En de l’interdiction des châtiments corporels dans la légis- novembre elles ont néanmoins présenté une mise à jour lation tant nationale qu’internationale. La Haute au Comité. Celui-ci a accepté la proposition de Fidji de se Cour, suivant l’avis de la Commission, a déclaré que consacrer à certaines questions spécifiques d’ici à la session les châtiments corporels étaient contraires à la de mars 2003. Il a demandé des précisions sur un certain Constitution. La Commission a annoncé en mai nombre de sujets, notamment sur les tensions sociales et qu’elle travaillait à l’élaboration d’un Plan national sur la crise économique que connaît Fidji en raison de la d’action, qui instaurerait notamment un enseignement polarisation des relations interethniques dans l’archipel, et sur les droits humains dans les cursus scolaires. Elle a sur la disponibilité et l’efficacité des mécanismes de lutte accueilli en septembre un séminaire international, contre la discrimination raciale. Il a également prié le gou- auquel ont participé des représentants des divers vernement fidjien de fournir des explications quant au groupes ethniques et religieux de Fidji, ainsi que du retrait de l’agrément du Citizens Constitutional Forum gouvernement et de la société civile. Dans la droite (Forum constitutionnel des citoyens), importante organi- ligne de la Déclaration et du Programme d’action for- sation non gouvernementale (ONG) de défense des droits mulés en 2001 lors de la Conférence mondiale contre humains, qui avait contesté devant les tribunaux la consti- le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et tutionnalité de certaines décisions des pouvoirs publics. l’intolérance qui y est associée, les participants à ce Après avoir reçu une communication indépendante, sou- séminaire ont adopté des résolutions appelant le gou- mise à la demande des autorités par la NGO Coalition on vernement fidjien à financer la création d’une unité Human Rights (Coalition fidjienne des ONG de défense chargée des relations entre les communautés qui assis- des droits humains), le Comité a noté un début positif en terait la Commission, et demandant aux parlemen- matière de consultation entre le gouvernement et les ONG taires de s’abstenir de faire, dans l’exercice de leurs concernant les obligations de Fidji au titre de la fonctions, des commentaires dénigrant tel ou tel Convention. groupe ethnique ou religieux.◆ FINLANDE RÉPUBLIQUE DE FINLANDE vège NORVÈGE CAPITALE : Helsinki SUPERFICIE: 338 145 km2 POPULATION: 5,2 millions CHEF de l’ÉTAT: Tarja Halonen SUÈDE mer CHEF du GOUVERNEMENT : Blanche Paavo Lipponen PEINE DE MORT: abolie RUSSIE COUR PÉNALE INTERNATIONALE: FINLANDE Statut de Rome ratifié lac Onega ept objecteurs de conscience sont devenus des prisonniers d’opinion après avoir lac Sété emprisonnés en raison de leur opposition HELSINKI Ladoga à la législation sur le service militaire. Le ministre de la Justice a confirmé mer que le ministère participait à la mise Baltique 0 150 km en œuvre d’un Plan d’action contre le racisme. ESTONIE 178 FR Objection de conscience au service militaire Allégations de racisme En vertu de la Loi sur le service militaire, adoptée en Au mois de juin, le ministre de la Justice, conjointe- 1998, la durée du service civil de remplacement ment avec le ministre de l’Intérieur, a répondu à une demeurait punitive. Tous les objecteurs de conscience lettre de novembre 2001 dans laquelle Amnesty devaient effectuer un service de substitution de 395 International se déclarait préoccupée par des informa- jours, soit 215 jours de plus que le service militaire tions selon lesquelles certains membres de la police de accompli par la majorité des conscrits. Amnesty Hakunila, une banlieue de Vantaa, avaient fait preuve International a continué d’exhorter les autorités gou- de racisme et s’étaient livrés à des pratiques discrimi- vernementales à réduire la durée du service civil de natoires à l’égard de ressortissants somaliens. Le remplacement, de façon à l’aligner sur les normes ministre a confirmé que son ministère participait à la internationales relatives à l’objection de conscience. Le mise en œuvre d’un Plan d’action contre le racisme. ministère des Affaires étrangères a déclaré qu’il conti- ✔ Le réfugié somalien Farah Mouhamed a déposé une nuerait d’œuvrer pour une diminution de la période plainte auprès de la Cour européenne des droits de du service de substitution. l’homme. Le recours qu’il avait formé devant la Cour suprême finlandaise a été rejeté. Il avait été déclaré Prisonniers d’opinion coupable de tentative d’homicide à la suite d’un épi- Au cours de l’année 2002, Amnesty International a sode au cours duquel il avait roulé sur un homme adopté sept objecteurs de conscience en tant que pri- blanc après l’avoir heurté avec sa voiture, en 2000. sonniers d’opinion et a appelé les autorités finlandaises Farah Mouhamed avait déclaré que sa condamnation à les libérer immédiatement et sans condition. Ils résultait de l’attitude raciste et partiale dont les fonc- avaient tous été déclarés coupables d’« infraction à la tionnaires de police avaient fait preuve à son égard au législation relative au service civil », et la plupart cours de leur enquête.◆ condamnés à 197 jours d’emprisonnement. La majo- rité de ces hommes avaient refusé d’effectuer leur ser- Autres documents d’Amnesty International vice civil de remplacement en raison de sa durée Préoccupations en Europe, janvier – juin 2002 discriminatoire. (EUR 01/007/02). FRANCE mer RÉPUBLIQUE FRANÇAISE IRLANDE ROYAUME- du PAYS-BAS UNI CAPITALE : Paris Nord ALLEMAGNE 2 BELGIQUE SUPERFICIE : 543 965 km Manche POPULATION : 59,7 millions LUXEMBOURG PARIS CHEF de l’ÉTAT : Jacques Chirac CHEF du GOUVERNEMENT : FRANCE SUISSE Lionel Jospin, remplacé par océan Atlantique Lyon Jean-Pierre Raffarin le 7 mai ITALIE PEINE DE MORT : abolie

COUR PÉNALE Marseille INTERNATIONALE : ESPAGNE Statut de Rome ratifié Corse 0 400 km mer Sardaigne Méditerranée (ITALIE)

es juifs et des Arabes ont été victimes craindre une augmentation du nombre de d’une vague d’attentats racistes. Des cas de blessés. Les décisions de justice rendues dans Dbrutalités policières ont été signalés, notamment certaines affaires de recours excessif à la force contre des étrangers ou des ressortissants et de mauvais traitements par des membres des français d’origine étrangère. L’extension forces de l’ordre ont aggravé les préoccupations de l’utilisation par la police du flash-ball, une suscitées par l’impunité de fait dont semble arme à projectiles en caoutchouc souple, a fait bénéficier la police. La mort d’un ressortissant 179 FR argentin au cours d’une opération de renvoi d’actes de vandalisme. Une synagogue de Marseille a forcé a soulevé de nouvelles inquiétudes quant été totalement détruite par le feu, et une école juive de à l’utilisation de méthodes de contrainte. la banlieue de Paris a elle aussi été incendiée. Cette année encore, des étrangers ont fait l’objet Dans une déclaration commune du mois de mai, d’une mesure d’assignation à résidence (forme Amnesty International et Human Rights Watch ont de détention administrative). Les conditions dans condamné la vague d’attentats racistes qui ont visé les lesquelles étaient détenues certaines personnes juifs et les Arabes dans plusieurs pays d’Europe, qui seraient atteintes d’une maladie grave ont notamment en France. Les deux organisations ont suscité de vives inquiétudes pour leur intégrité appelé notamment les autorités françaises à redoubler mentale ou physique. d’efforts pour lutter contre le racisme sous toutes ses formes et traduire en justice les auteurs présumés de « Contexte crimes haineux ». Les débats parlementaires sur une À l’issue d’une campagne dominée par le thème de proposition de loi visant à aggraver les peines punis- l’insécurité, le scrutin présidentiel de mai a vu la sant les infractions « à caractère raciste, antisémite et réélection de Jacques Chirac à une écrasante majorité, xénophobe » ont débuté en décembre. après que le candidat socialiste, le Premier ministre Lionel Jospin, eut été battu au premier tour par le Brutalités policières représentant du Front national (FN, extrême droite), Les cas de brutalités policières signalés au cours de Jean-Marie Le Pen. La présence de celui-ci au second l’année étaient le plus souvent liés à des contrôles tour a donné lieu à des manifestations de grande d’identité. En avril, plusieurs associations de juristes se ampleur au cours desquelles plusieurs dizaines de mil- sont inquiétées du fait que ces contrôles – qui ont liers de personnes ont défilé pour protester contre le conduit, au cours des dernières années, à l’accroisse- FN, en particulier contre sa politique en matière ment du nombre d’infractions pour « outrage » ou d’immigration. Les élections législatives de juin se sont « rébellion » – étaient le plus souvent pratiqués dans des soldées par une très large victoire de l’Union pour la quartiers dits « sensibles », dont une grande partie des majorité présidentielle (UMP), un parti de centre droit. habitants sont des jeunes d’origine non européenne. Le nouveau gouvernement a rapidement instauré des ✔ Karim Latifi, de nationalité française, a déclaré mesures en matière de lutte contre la délinquance et la avoir subi, en février, des injures racistes et des vio- criminalité, dans le but notamment de renforcer les lences physiques qui lui auraient été infligées par des pouvoirs de la police. Les réformes judiciaires adoptées policiers après qu’il fut intervenu lors d’un contrôle dans le cadre d’une loi promulguée en septembre ont dans une rue de Paris. Dans sa plainte, il a expliqué autorisé, entre autres, le placement en détention provi- qu’une quinzaine de policiers étaient présents lors de soire de mineurs âgés de treize à seize ans et la création l’agression, durant laquelle il aurait reçu des coups de de « centres éducatifs fermés » pour certains enfants. Le matraque, de poing et de pied. Une fracture du nez et projet de loi sur la sécurité intérieure présenté en des contusions à la tête ont été constatées par la suite. octobre proposait de punir le racolage public, l’instal- Karim Latifi a été retenu dans un commissariat de lation non autorisée de gens du voyage sur un terrain, police pendant un quart d’heure environ, avant d’être la mendicité « en réunion et de manière agressive », et informé qu’aucune charge ne serait retenue contre lui. les rassemblements dans les parties communes Il a déposé une plainte devant la justice mais, au mois d’immeubles d’habitation. Le texte prévoyait aussi de de juillet, celle-ci a été classée sans suite par le parquet, punir de peines d’emprisonnement et d’amendes les au motif que l’enquête menée sur ses allégations personnes reconnues coupables d’avoir proféré des n’avait « pas permis de caractériser suffisamment l’infrac- injures contre un représentant de l’État. Par ailleurs, tion pour permettre d’engager la responsabilité pénale ». un avant-projet de loi mis au point à la fin de l’année La procédure judiciaire se poursuivait néanmoins, prévoyait la possibilité de prolonger la garde à vue Karim Latifi ayant décidé d’engager des poursuites par jusqu’à quatre-vingt-seize heures dans un plus grand voie de citation directe. nombre de cas, notamment pour les infractions liées à ✔ Le 31 décembre, un avocat, Me Daniel François, a la « criminalité organisée ». Si ce texte était adopté, on été sollicité pour assister un jeune homme de dix-sept peut craindre qu’un nombre accru de personnes se ans placé en garde à vue au commissariat d’Aulnay- trouvent dans l’impossibilité de faire appel à un avocat sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Il a informé l’agent de avant la 36e heure de garde à vue. permanence qu’il souhaitait rédiger une note en double exemplaire pour signaler que son client avait été bruta- Violences racistes lisé par des policiers, mais se serait heurter à un refus. Les Arabes ont continué d’être la principale cible Devant son insistance, six ou sept policiers l’auraient d’actes racistes au quotidien. En outre, l’importante forcé à sortir du commissariat, mais il serait revenu. communauté juive a été victime d’une vague d’atten- Accusé de « rébellion » et d’« outrage », il aurait alors tats. Pas moins de 395 actions à caractère antisémite été contraint de se déshabiller et aurait été retenu pen- ont été recensées pour les seuls mois de mars et avril, dant quinze heures. Me Daniel François a ensuite au cours desquels plusieurs synagogues – notamment à emmené son client à l’hôpital pour le faire soigner de Lyon, Montpellier et Strasbourg – ont fait l’objet ses blessures à la tête, au nez et aux jambes. 180 FR Flash-balls traitement cruel, inhumain et dégradant. Amnesty En mai, le ministre de l’Intérieur a annoncé que les International a demandé des informations sur la situa- membres de la police de proximité seraient progressive- tion dans laquelle se trouvaient quatre prisonniers qui ment dotés de flash-balls. Il s’agit d’armes de poing ont appartenu à l’ancien groupe armé Action directe, en « non létales » ou « à létalité réduite », qui tirent des particulier Georges Cipriani et Nathalie Ménigon, dont balles en caoutchouc souple censées s’étaler comme des l’état de santé, qui s’est détérioré après de longues crêpes lors de l’impact. La décision d’étendre l’usage de périodes d’isolement, constituait une source de préoccu- telles armes est intervenue à la suite de plusieurs agres- pation pour l’organisation depuis longtemps. sions contre des policiers. Amnesty International a ✔ Alain Solé se trouvait toujours en détention provi- adressé une lettre au ministre de l’Intérieur en juin pour soire à la fin de l’année, plus de trois ans après son lui faire part de l’inquiétude suscitée par cette mesure. arrestation, en octobre 1999, pour sa participation aux En effet, a souligné l’organisation, même si les normes activités illégales présumées du groupe nationaliste internationales encouragent le recours à des armes neu- breton Emgann. Ce diabétique n’aurait pas reçu les tralisantes non létales dans la mesure où elles permet- soins que nécessitait sa maladie au cours des premiers tent de maîtriser des situations dans lesquelles les mois de sa détention. Selon certaines sources, il est membres des forces de l’ordre feraient autrement usage devenu insulino-dépendant en prison et a fait une ten- d’armes à feu, il n’en demeure pas moins que, selon tative de suicide en mars 2001, après avoir été informé plusieurs informations, les flash-balls peuvent causer des qu’il était atteint d’une maladie virale. Souffrant de blessures graves, voire mortelles, lorsque la balle est tirée problèmes circulatoires dans une jambe qui nécessi- de près. Amnesty International a également exprimé la taient une intervention chirurgicale, il aurait été trans- crainte que les policiers prennent l’habitude de se servir féré à l’hôpital pénitentiaire de Fresnes en octobre. de ces armes au lieu d’utiliser des moyens non violents, Dans une lettre adressée en décembre au ministère de ou qu’ils tirent de trop près, à des distances dangereuses, la Justice, Amnesty International a indiqué qu’en s’ils ne suivent pas une formation rigoureuse compor- vertu des normes internationales, toute personne avait tant des séances d’entraînement régulières. Le ministre le droit d’être jugée dans des délais raisonnables ou de l’Intérieur a répondu, en octobre, que depuis la mise d’être libérée, et que le gouvernement devait s’acquit- en service des flash-balls, une seule information judi- ter de son obligation d’accélérer la procédure judiciaire ciaire a été ouverte quant à l’utilisation de ces armes, et pour les personnes en détention provisoire. L’organisa- que l’affaire avait été classée sans suite par le parquet. Il tion a souligné le caractère particulièrement préoccu- a ajouté que le nombre d’enquêtes pénales concernant pant du maintien en détention d’Alain Solé, s’il l’usage par la police des armes de service classiques avait s’avérait que son état de santé nécessitait de manière diminué d’un quart au cours de la dernière décennie, et permanente des soins médicaux spécialisés. qu’une formation était régulièrement dispensée sur toutes les armes à balle en dotation au sein de la police. Impunité de fait Les décisions judiciaires rendues dans certaines affaires Détenus malades de mort en garde à vue ont accentué les préoccupa- En septembre, Maurice Papon, ancien haut fonction- tions suscitées de longue date par l’apparente réticence naire et ancien préfet de police de Paris, a été remis en des tribunaux à prononcer des peines qui correspon- liberté alors qu’il purgeait une peine de dix ans de réclu- dent à la gravité de l’infraction commise. En juillet, un sion criminelle pour crimes contre l’humanité. En policier reconnu coupable d’avoir abattu un homme juillet, la Cour européenne des droits de l’homme avait non armé, Riad Hamlaoui, en avril 2000, a été estimé qu’il n’avait pas bénéficié d’un procès équitable, condamné à trois années d’emprisonnement avec sur- son pourvoi en cassation n’ayant pas été examiné. sis. Il était donc toujours en liberté à la fin de l’année. Maurice Papon a été libéré en vertu des dispositions Dans d’autres cas, comme celui de la mort en déten- humanitaires de la loi du 4 mars 2002 relative aux tion d’Édouard Salumu Nsumbu, un ressortissant de droits des malades et à la qualité du système de santé, la République démocratique du Congo, en octobre qui prévoit que les peines des prisonniers gravement 2001, il est apparu que l’enquête n’était pas menée malades ou atteints d’une pathologie chronique incom- avec la diligence requise. En octobre, le ministre de patible avec leur détention peuvent être suspendues l’Intérieur a informé Amnesty International que le indéfiniment. Évoquant les vives préoccupations susci- juge d’instruction n’avait pas encore terminé son tées par le nombre de détenus atteints du sida, de cancer enquête sur la mort d’Édouard Salumu. en phase terminale ou d’autres maladies graves ou chro- ✔ Plus de onze ans après la mort en garde à vue niques, Amnesty International a demandé au gouverne- d’Aïssa Ihich, âgé de dix-huit ans, la condamnation de ment, en décembre, des informations sur le nombre de deux policiers pour violences a été confirmée par la personnes ayant bénéficié d’une remise en liberté en cour d’appel de Versailles en février. Cependant, les vertu de la nouvelle loi. L’organisation a également peines de dix mois d’emprisonnement avec sursis qui exprimé, une fois de plus, son inquiétude quant aux leur avaient été infligées ont été réduites à huit mois effets potentiellement nocifs d’un isolement prolongé d’emprisonnement avec sursis. Les fonctionnaires ont sur la santé physique et mentale des détenus, des condi- ainsi pu bénéficier d’une amnistie et poursuivre leur tions qui pourraient s’apparenter dans certains cas à un carrière dans la police. La cour d’appel a également 181 GA confirmé la condamnation d’un médecin impliqué Détention administrative d’étrangers dans l’affaire. Aïssa Ihich est mort d’une crise Selon les informations recueillies, plusieurs étrangers – d’asthme, en mai 1991, dans les locaux du commissa- notamment des Kurdes d’Irak – qui ne pouvaient être riat de Mantes-la-Jolie (Yvelines). Des gendarmes ont renvoyés dans leur pays en raison des dangers qu’ils y témoigné qu’il avait été brutalisé par la police immé- encouraient étaient assignés à résidence en divers diatement avant sa mort. endroits du territoire français. Bien que cette forme de détention administrative, qui restreint les mouvements Mort au cours d’une opération de renvoi forcé de la personne à certaines zones géographiques spéci- Ricardo Barrientos, un ressortissant argentin, est mort fiques et limitées, puisse sembler préférable à l’expul- à bord d’un avion à l’aéroport de Roissy-Charles-de- sion, Amnesty International a néanmoins exprimé sa Gaulle alors qu’il était sur le point d’être renvoyé de préoccupation quant au fait qu’elle pouvait être impo- force dans son pays d’origine. Selon certaines informa- sée pour une durée illimitée sans possibilité de recours tions, il aurait été emmené sous escorte à l’avion avant judiciaire et sans que la personne concernée soit infor- l’embarquement des autres passagers. Il se serait mée du motif de l’assignation. débattu, et deux agents en uniforme lui auraient passé ✔ Salah ben Hédi ben Hassen Karker, un réfugié tuni- les menottes et l’auraient maintenu plié en deux sur sien, a été assigné à résidence à Digne-les-Bains (Alpes- un siège, en appuyant sur chacune de ses omoplates. de-Haute-Provence) en 1995 et n’en a jamais bougé Ricardo Barrientos aurait perdu connaissance avant le depuis. Amnesty International a demandé à plusieurs décollage. Quelques minutes plus tard, un médecin l’a reprises que son cas soit réexaminé. En décembre, examiné à bord et l’a déclaré mort. L’autopsie prati- l’organisation a une nouvelle fois écrit au gouvernement quée a conclu que la victime avait succombé à une pour obtenir des informations complémentaires sur la crise cardiaque. Selon l’enquête menée par la police, la situation de Salah Karker, sur le nombre total de per- marche à suivre a été respectée. Amnesty International sonnes assignées à résidence et sur le motif de la priva- a néanmoins estimé que cette mort soulevait de nom- tion de leur liberté de mouvement.◆ breuses questions quant aux méthodes de contrainte utilisées lors de renvois forcés ; l’organisation s’est éga- Autres documents d’Amnesty International lement demandé dans quelle mesure ces méthodes Préoccupations d’Amnesty International en Europe, étaient conformes aux normes internationales. janvier – juin 2002 (EUR 01/007/02). GAMBIE RÉPUBLIQUE DE GAMBIE CAPITALE : Banjul SÉNÉGAL 2 océan SUPERFICIE: 11 295 km Atlantique POPULATION: 1,4 million GAMBIE CHEF de l’ÉTAT et du GOUVERNEMENT: BANJUL Yahya Jammeh PEINE DE MORT: abolie en pratique GUINÉE-BISSAU COUR PÉNALE INTERNATIONALE: Statut de Rome ratifié 0 200 km

’année 2002 a été marquée par de nouvelles gouvernement en 1997 et en 2000 étaient atteintes à la liberté d’expression. Plusieurs toujours détenus sans jugement. Les mutilations Ljournalistes ont été arbitrairement détenus génitales féminines demeuraient une pratique pendant de courtes périodes. Un certain nombre très répandue. Plusieurs femmes accusées d’avoir de personnes ont été arrêtées en raison de leurs mutilé de force une fillette ont fait l’objet de liens présumés avec le réseau Al Qaida (La Base). poursuites. La loi garantissant l’immunité aux Des civils et des membres des forces de sécurité membres des forces de sécurité accusés d’avoir inculpés de complots en vue de renverser le recouru de façon excessive à la force meurtrière 182 GA et d’avoir maltraité des personnes en 2000 Elles ont été interrogées durant leur détention par des était toujours en vigueur. Les carences enquêteurs américains. En novembre, quatre hommes du système judiciaire continuaient de mettre ont été arrêtés. Deux d’entre eux, des ressortissants son indépendance en péril. À la connaissance britanniques, ont été relâchés un mois plus tard et ren- d’Amnesty International, aucune condamnation voyés au Royaume-Uni. Les deux autres, un Irakien et à mort n’a été prononcée. un Jordanien, étaient apparemment toujours détenus à la fin de l’année. Ces hommes auraient fait l’objet de Contexte menaces et de manœuvres d’intimidation de la part Des élections législatives ont eu lieu en janvier. Une des enquêteurs américains, et au moins l’un d’entre coalition de partis d’opposition dirigée par le United eux pourrait avoir subi des mauvais traitements. Dans Democratic Party (UDP, Parti démocratique unifié) a une affaire distincte, un ressortissant marocain a été refusé de participer au scrutin, dont elle a dénoncé les arrêté à son arrivée dans le pays, le 30 décembre, et irrégularités. La Alliance for Patriotic Reorientation and immédiatement placé en détention. Construction (APRC, Alliance pour la réorientation et la construction patriotiques), le parti du président Yahya Mutilations génitales féminines Jammeh, a remporté la quasi-totalité des sièges, La pratique des mutilations génitales féminines, l’opposition n’en obtenant que trois. L’ancien chef de qu’aucune loi spécifique n’interdisait, demeurait très l’État, Dawda Jawara, auquel le président Jammeh répandue, notamment dans les zones rurales. avait accordé en décembre 2001 une amnistie sans ✔ Le 15 octobre, une femme a comparu devant la condition, est rentré en Gambie en juin. magistrate’s court (juridiction répressive) de Brikama. Accusée d’avoir excisé de force une jeune fille de treize Liberté d’expression ans, elle devait répondre de complot visant à com- Plusieurs journalistes ont été détenus pendant de mettre un crime et de violences ayant causé des bles- courtes périodes pour avoir simplement exercé leur sures corporelles avérées. Ses six coaccusées ne s’étant métier. Les décrets limitant la liberté de la presse qui pas présentées à l’audience, elle a été placée en déten- avaient été pris peu de temps après l’arrivée au pouvoir tion provisoire jusqu’au 17 octobre, date à laquelle les du président Jammeh étaient toujours en vigueur, et sept femmes ont toutes comparu devant le tribunal. une nouvelle loi restrictive a été adoptée. L’affaire a ensuite été renvoyée à la demande de la ✔ Guy-Patrick Massoloka, un journaliste congolais police, au motif que de nouvelles investigations étaient travaillant pour l’Agence panafricaine d’information, a nécessaires, puis classée par le tribunal le 31 octobre. été détenu au secret du 19 juillet au 1er août au siège Un très grand nombre de femmes avaient manifesté de la National Intelligence Agency (NIA, Agence natio- devant le tribunal pour protester contre les poursuites nale de renseignements). Il était, semble-t-il, accusé de engagées contre les sept accusées. diriger un journal non autorisé ; toutefois, les motifs de l’accusation étaient flous, et selon toute apparence Impunité cet homme a été arrêté uniquement parce qu’il se La Cour suprême a considéré que la Loi de 2001 por- livrait à ses activités légitimes de journaliste. tant modification de la loi relative à l’indemnisation, ✔ Pa Ousman Darboe, reporter au périodique The ne pouvait être invoquée dans une procédure engagée Independent, a été arrêté le 2 août. Le lendemain, en mars 2001, avant sa promulgation. Cette nouvelle Alhaji Yoro Jallo, rédacteur en chef dans le même loi accordait l’immunité aux membres des forces de journal, a également été appréhendé par des agents de sécurité accusés d’avoir recouru de façon excessive à la la NIA. Leur interpellation était liée à la parution d’un force meurtrière en avril 2000, lors de manifestations article annonçant le mariage de la vice-présidente au cours desquelles au moins 14 personnes avaient été gambienne, Isatou Njie Saidy. Les deux hommes ont tuées et un grand nombre d’autres maltraitées, . été par la suite relâchés sans inculpation. L’action judiciaire avait été ouverte après qu’un ensei- À la mi-2002, un projet de loi portant création d'une gnant eut porté plainte contre le gouvernement pour National Media Commission (Commission nationale des coups et blessures infligés lors des manifestations. médias) a été adopté. Cette Commission dispose de pou- Un certain nombre de carences continuaient de fragili- voirs considérables, notamment celui d’accorder, de sus- ser l’indépendance du système judiciaire. En février, pendre ou de retirer l'agrément nécessaire aux l’Association gambienne des avocats inscrits au barreau professionnels de l'information et aux organes de presse. a protesté contre la nomination du président par inté- Elle peut également enquêter sur ces derniers, les juger, rim de la Cour suprême, les critères constitutionnels les contraindre à dévoiler leurs sources et, enfin, délivrer régissant ce type de désignation n’ayant pas été respec- un mandat d’arrêt à l’encontre de toute personne qui, tés. En juillet, des avocats ont effectué une courte convoquée devant la Commission, ne se présenterait pas. grève pour dénoncer la révocation d’un juge qui, dans plusieurs décisions, avait donné tort à l’État. Détention au secret de personnes soupçonnées de liens avec Al Qaida Détention prolongée sans jugement Plusieurs personnes soupçonnées d’entretenir des liens Plusieurs officiers des forces armées et civils soupçon- avec Al Qaida ont été détenues au secret par la NIA. nés d’avoir participé dans le passé à des tentatives 183 GE présumées de coup d’État étaient toujours détenus Organisations intergouvernementales sans inculpation ni jugement. En octobre, la Gambie a signé avec les États-Unis un ✔ Quatre membres des forces armées extradés du accord d’impunité aux termes duquel elle s’engageait à ne Sénégal en 1997 pour répondre devant la justice gam- pas remettre à la Cour pénale internationale les ressortis- bienne de leur rôle dans l’attaque, en juillet 1997, sants américains accusés de génocide, de crimes contre d’une base militaire à Kartong, n’avaient toujours pas l’humanité ou de crimes de guerre. Cet accord n’avait pas été inculpés ou jugés à la fin de 2002. été ratifié par le Parlement à la fin de l’année. ✔ Les audiences du procès de deux officiers de l’armée En juillet, les représentants du gouvernement gambien et de quatre autres personnes accusés d’avoir pris part n’ont pas assisté à la session du Comité des droits de à une tentative présumée de coup d’État en juin 2000 l’homme des Nations unies au cours de laquelle la n’ont cessé d’être reportées, et le procès n’était pas situation des droits humains en Gambie devait être achevé à la fin de l’année. Les accusés, détenus depuis examinée dans le cadre d’une procédure spéciale. juin 2000, étaient poursuivis pour trahison. L’adoption d’une telle procédure résultait du fait que le pays, tenu de soumettre des rapports périodiques Procès d’Ousainou Darboe sur la mise en œuvre des dispositions du Pacte interna- Ousainou Darboe, secrétaire général de l’UDP, et deux tional relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), autres personnes inculpées en 2000 du meurtre d’un n’avait pas respecté ses obligations.◆ partisan du gouvernement, ont été détenus pendant plusieurs jours en novembre. Leur placement en Autres documents d’Amnesty International détention faisait suite à la décision du ministère de la Gambie. Le gouvernement laisse passer une occasion Justice de refuser tout maintien en liberté sous caution de promouvoir les droits humains (AFR 27/002/02). aux auteurs de certaines infractions, dont l’homicide Gambie. Les atteintes à la liberté d'expression volontaire. se multiplient (AFR 27/005/02). GÉORGIE GÉORGIE CAPITALE : Tbilissi 2 SUPERFICIE : 69 700 km RUSSIE POPULATION : 5,2 millions CHEF de l'ÉTAT mer Noire et du GOUVERNEMENT : GÉORGIE Édouard Chevardnadze TBILISSI PEINE DE MORT : abolie COUR PÉNALE TURQUIE 0 200 km INTERNATIONALE : ARMÉNIE AZERBAÏDJAN Statut de Rome signé

elon certaines allégations, des personnes au mois de juin. Elles auraient été marquées par de en détention auraient cette année encore nombreuses irrégularités. Sété victimes d’actes de torture et de mauvais Les régions contestées d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud traitements. Des fidèles de religions minoritaires échappaient toujours au contrôle des autorités géor- ont été agressés et les pouvoirs publics giennes et les pourparlers de paix visant à définir leur n’auraient guère cherché à les protéger. statut n’ont guère progressé. Les enquêtes officielles menées sur les affaires Un accord conclu au mois d’avril entre la Géorgie et de torture comme sur les agressions de membres l’Abkhazie s’est toutefois traduit par le retrait des de minorités religieuses n’auraient troupes géorgiennes qui occupaient les gorges de pas été satisfaisantes, permettant aux auteurs Kodori, en Abkhazie. L’annonce faite en février du de tels actes d’agir en toute impunité. déploiement en Géorgie de forces spéciales des États- Unis chargées d’entraîner et d’équiper l’armée locale Contexte s’est traduite par une détérioration des relations avec la Deux membres éminents du gouvernement se seraient Fédération de Russie. Le gouvernement russe a pressé suicidés cette année. Les élections locales, qui en 2001 la Géorgie de chasser les combattants tchétchènes réfu- avaient été reportées à une date ultérieure, ont eu lieu giés dans les gorges de Pankissi, situées dans une 184 GE région frontalière avec la Tchétchénie. Plusieurs res- avait finalement confirmé la première hypothèse, à ponsables des États-Unis ont de même demandé à la savoir que le détenu s’était pendu. Elle indiquait toute- Géorgie de débarrasser la zone des « militants afghans » fois qu’il subsistait, à son avis, de sérieux doutes sur et des membres présumés de l’organisation Al Qaida cette affaire, mais qu’elle craignait de ne pas être en (La Base) censés s’y trouver. Selon certaines informa- mesure de pousser plus loin l’enquête. tions, des avions militaires russes auraient bombardé les gorges de Pankissi au mois d’août. Les forces géor- Médiatrice publique giennes auraient mené au moins deux opérations, en Le Bureau de la médiatrice a publié en 2002 un rapport janvier et en décembre, destinées à déloger les combat- sur les droits humains en Géorgie, qui couvrait le tants de ces gorges. second semestre de l’année précédente. Il en ressortait que la police soumettait très fréquemment les détenus à Torture et mauvais traitements la torture ; le rapport dénonçait en outre les violentes Des informations persistantes ont fait état d’actes de agressions dont étaient victimes les membres des torture et d’autres formes de mauvais traitements en groupes religieux minoritaires, ainsi que la passivité des garde à vue. Dans bien des cas, la police cherchait pouvoirs publics, très laxistes face aux responsables de apparemment arracher des « aveux » aux détenus ou à tels actes. Il déplorait également la non-application de la les dissuader de faire appel à un avocat. loi prévoyant un service civil en remplacement du ser- ✔ Mamouka Roukhadze a été arrêté le 7 avril dans le vice militaire, ainsi que l’insuffisance des moyens juri- district de Gldani-Nadzaladevi, à Tbilissi, par des diques et financiers mis à la disposition de la médiatrice, agents de la police judiciaire, qui dépend du ministère insuffisance qui limitait l’efficacité de son action. de l’Intérieur. Ses avocats affirment que, lors de leur première visite, il avait des traces de sang sur la tête et Le Comité des droits de l’homme des Nations unies les oreilles. Il avait du mal à bouger ses membres et à Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a parler. Lors de leur deuxième visite, son état général formulé en avril un certain nombre d’observations avait, semble-t-il, empiré et il ne sentait plus du tout concernant l’application par la Géorgie du Pacte inter- l’une de ses jambes. Mamouka Roukhadze a ensuite national relatif aux droits civils et politiques. Amnesty été transféré à l’hôpital central des prisons, où il est International lui avait soumis antérieurement une note resté pendant deux mois. Selon un rapport médical écrite énumérant ses sujets de préoccupation. Le officiel, les lésions dont il souffrait à la jambe et au Comité s’est inquiété de la « persistance généralisée de la pied droits étaient dues à des décharges électriques. torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou ✔ Alexandre Gougouneïchvili a été arrêté le 20 avril par dégradants » infligés aux prisonniers ; de l’insuffisance un groupe de policiers à Rustavi, une ville située à une des droits accordés aux détenus ; de la montée de l’into- trentaine de kilomètres au sud de Tbilissi. Au poste de lérance religieuse ; de l’absence d’un réel droit d’exercice police, des policiers l’auraient torturé pendant onze de la liberté de pensée, d’opinion et de religion ; de la heures, cherchant à lui faire « avouer » une série de vols. discrimination à l’égard des objecteurs de conscience ; Ils l’auraient tout d’abord suspendu pendant cinq ou six du manque de respect des droits des femmes ; du harcè- heures à une barre de fer placée entre deux tables. Ils lui lement dont étaient victimes certaines organisations auraient ensuite passé un masque à gaz, dont ils auraient non gouvernementales, notamment les organisations de recouvert les protections oculaires pour qu’il ne puisse défense des droits humains ; et des restrictions imposées rien voir, et l’auraient roué de coups. Ils lui auraient enfin aux pouvoirs de la médiatrice publique. administré plusieurs séries de décharges électriques. D’après les conclusions d’un examen pratiqué par un Agressions contre des défenseurs expert médicolégal rattaché au ministère de la Justice, les des droits humains lésions relevées sur Alexandre Gougouneïchvili tendaient Le 10 juillet, un groupe d’hommes armés de matraques à confirmer sa version des faits, y compris leur enchaîne- et de coups-de-poing américains a attaqué le bureau du ment chronologique. Liberty Institute, une organisation de défense des droits humains, à Tbilissi. Six permanents ont été blessés et les Morts en détention – mise à jour locaux ont été saccagés. Les témoins de cette agression, En mai 2000, dans un centre de détention provisoire de parmi lesquels figuraient trois membres du Conseil de Koutaïssi, on a trouvé Mamouka Rijamadze pendu l’Europe en mission d’information, ont noté que les dans sa cellule. Une autopsie pratiquée par les services auteurs avaient agi méthodiquement et sans précipita- médicolégaux de l’État avait conclu qu’il s’était suicidé, tion, ce qui pouvait laisser à penser qu’ils ne craignaient contrairement à certaines accusations selon lesquelles il guère d’être gênés par les forces de l’ordre. Le poste de était mort des suites d’actes de torture et de mauvais police voisin n’aurait pas répondu à un appel à l’aide et traitements. Une seconde autopsie, effectuée par un la police ne serait finalement arrivée sur les lieux expert indépendant, a toutefois conclu que Mamouka qu’après le départ des agresseurs. Une manifestation Rijamadze avait succombé à une lésion cérébrale, occa- hostile à Liberty Institute exigeant la fermeture de ses sionnée par un coup porté avec un lourd objet conton- locaux, avait eu lieu deux jours plus tôt devant son dant. La médiatrice publique a informé Amnesty siège. Fin 2002, une personne avait apparemment été International en février 2002 qu’une contre-expertise arrêtée pour son rôle présumé dans cette attaque. 185 GR Agressions contre des personnes appartenant Extraditions à des minorités religieuses Un certain nombre de détenus risquaient d’être extra- Des zélateurs extrémistes de l’Église orthodoxe ont dés vers des pays où leurs droits fondamentaux pou- continué de s’en prendre aux membres des confessions vaient ne pas être respectés. minoritaires, notamment aux témoins de Jéhovah et ✔ Au mois d’octobre, plusieurs Russes d’origine tché- aux baptistes. À de nombreuses reprises, la police tchène ont obtenu que la procédure d’extradition vers n’aurait pas pris les mesures nécessaires pour protéger la Russie les concernant soit suspendue, jusqu’à ce que les personnes visées par ces attaques. la Cour européenne des droits de l’homme ait statué ✔ Environ 150 personnes ont fait irruption, le sur leur cas. Au mois de novembre, la Cour a levé le 3 février, dans un entrepôt de l’Église baptiste, à sursis à l’extradition, au vu des garanties fournies par Tbilissi, et ont brûlé des milliers de livres, dont des les autorités russes, qui s’étaient engagées à respecter bibles. Le 15 août, un autre groupe, moins nombreux, les droits des personnes extradées (droit de bénéficier s’est introduit par effraction dans une maison à Kaspi, de soins médicaux appropriés et de consulter un avo- une ville de l’ouest du pays, où devait se tenir un cat, par exemple). Les violations de ces droits étaient congrès de témoins de Jéhovah. Ces deux attaques ont pourtant monnaie courante en Fédération de Russie. été reliées à la personne de Basil Mkalavichvili, déjà inculpé en 2001 de divers délits de même qu’une Visites d’Amnesty International autre personne également soupçonnée d’avoir mené Deux délégués d’Amnesty International se sont rendus des agressions de cette nature. La procédure judiciaire en mai à Tbilissi. Ils y ont rencontré des juristes, des les concernant a été retardée à plusieurs reprises pen- responsables du gouvernement et de l’État et des dant l’année 2002, soit parce que le procureur était membres d’organisations non gouvernementales.◆ absent, soit parce que la police n’assurait pas, semble- t-il, la protection des témoins contre les nombreux Autres documents d’Amnesty International extrémistes orthodoxes qui remplissaient pratiquement Préoccupations d’Amnesty International en Europe, la salle d’audience. janvier – juin 2002 (EUR 01/007/02). GRÈCE RÉPUBLIQUE HELLÉNIQUE mer Noire CAPITALE : Athènes Ex-Rép. y. BULGARIE de Macédoine SUPERFICIE: 131 957 km2 ALBANIE POPULATION: 10,6 millions ITALIE CHEF de l’ÉTAT: Constantin Stéphanopoulos GRÈCE mer CHEF du GOUVERNEMENT : Égée TURQUIE Costas Simitis mer PEINE DE MORT: abolie Ionienne ATHÈNES sauf pour crimes exceptionnels COUR PÉNALE INTERNATIONALE: Statut de Rome ratifié mer 0 300 km Méditerranée Crète

e nombreuses allégations ont fait état deux Albanais non armés qui tentaient de de mauvais traitements infligés par pénétrer clandestinement en Grèce, les Ddes policiers à des détenus. Deux personnes blessant grièvement. Des étrangers sans ont été abattues par des policiers qui auraient papiers se seraient vu refuser le droit de agi en état de légitime défense. Dans deux déposer une demande d’asile ; dans certains affaires distinctes, des soldats affectés à la cas, leurs conditions de détention étaient, selon surveillance des frontières auraient tiré sur certaines sources, inhumaines et dégradantes. 186 GR Les dispositions de la loi relative à la ✔ En mars, Ferhat Çeka, un Albanais âgé, a été inter- conscription n’étaient pas conformes pellé par des soldats alors qu’il franchissait la frontière aux normes internationales. entre l’Albanie et la Grèce. Il a déclaré que les soldats l’avaient tout d’abord frappé, puis que l’un d’entre eux Contexte lui avait tiré dans le dos. Il a été transporté à l’hôpital, Au mois de mai, la Grèce a signé le Protocole n°13 à la où il a subi l’ablation d’un rein et d’une partie du foie, Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des avant d’être renvoyé en Albanie pour y recevoir d’autres libertés fondamentales, relatif à l’abolition de la peine de soins. Les autorités ont mené sur les faits une enquête mort en toutes circonstances. En octobre, le Parlement a administrative qui s’est terminée en mai. Un soldat a voté un texte de loi classant le trafic de femmes et par la suite été inculpé de blessures provoquées de façon d’enfants à des fins d’exploitation sexuelle dans la caté- accidentelle. Le procès devait se tenir en 2003. gorie des crimes organisés. La loi prévoit des sanctions ✔ En octobre, un policier a tiré sur un jeune Grec, plus dures et des mesures de protection pour les témoins. Anastassios Limouras, le blessant mortellement. Selon certaines informations, Anastassios Limouras aurait Mauvais traitements attaqué le policier alors que ce dernier était en train de En dépit des affirmations du gouvernement à l’adresse l’observer au moment où il s’apprêtait, semble-t-il, à du Comité des Nations unies contre la torture selon voler un sac à main. Le policier, inculpé de meurtre et lesquelles l’application des dispositions de la accusé d’avoir outrepassé les limites de la légitime Convention contre la torture était totalement garantie, défense, a été placé en détention provisoire. de nombreuses allégations faisant état de mauvais trai- tements infligés par la police à des détenus au moment Investigations et impunité de leur arrestation et pendant leur garde à vue ont été Un certain nombre d’allégations de mauvais traite- enregistrées cette année encore. Il y aurait parmi les ments n’ont pas donné lieu à l’ouverture d’une victimes des Rom, des immigrants clandestins et des enquête judiciaire. Les investigations qui ont été membres de la population majoritaire. menées ont progressé très lentement. Aucun policier ✔ En juin, un immigré nigérian, Joseph Emeka n’a été reconnu coupable de mauvais traitements. Les Okeke, a affirmé que des policiers l’avaient battu et policiers condamnés pour homicide involontaire se soumis à des décharges électriques alors qu’il leur résis- sont vu infliger des peines non privatives de liberté ou tait lors d’une tentative de renvoi. Après avoir déposé des peines d’emprisonnement d’une durée inférieure à une plainte, il aurait été menacé par trois policiers en trois ans. La législation grecque prévoit la possibilité civil. Les autorités ont indiqué par la suite qu’un exa- pour le condamné de ne pas effectuer ce type de peine men médicolégal et une enquête policière interne moyennant le versement d’une somme d’argent. avaient fait apparaître que ces allégations n’étaient pas ✔ En avril, Arnesto Nesto, un immigré albanais, a été fondées et que Joseph Emeka Okeke avait retiré sa arrêté et accusé de tentative de meurtre et d’autres plainte, ce que l’intéressé aurait démenti. infractions. Il s’est plaint par la suite auprès d’un juge ✔ Au mois d’août, Yannis Papakostas, un soldat du d’instruction et d’un procureur que des policiers contingent qui avait été arrêté pour avoir conduit une l’avaient frappé au moment de son arrestation et pen- moto sans permis, a affirmé qu’un policier en civil lui dant sa garde à vue pour le forcer à « avouer ». Selon avait infligé des décharges électriques sur les épaules et les informations recueillies, il présentait des blessures les organes génitaux au poste de police d’Aspropyrgos. bien visibles, mais sa demande d’examen médicolégal ✔ Thomas Mihalopoulos, un Rom, a indiqué qu’en n’a pas été prise en compte et aucune enquête judi- juillet, son cousin Georgios Mihalopoulos et lui-même ciaire n’a été ouverte pour vérifier ses allégations. avaient été giflés et frappés à coups de pied et de poing par ✔ En janvier, Nikos Kambourelis a déposé une des agents au poste de police de Zefyri. Ils avaient été arrê- plainte après avoir été, selon ses affirmations, frappé et tés pour conduite sans permis d’un véhicule automobile. blessé par des policiers qui l’avaient arrêté à Salonique alors qu’il se trouvait en possession d’une petite quan- Coups de feu tirés par des responsables tité de cannabis. Selon les informations recueillies, sa de l’application des lois plainte était étayée par les témoignages de deux per- On a recensé plusieurs affaires dans lesquelles des poli- sonnes ayant assisté aux faits et par un certificat médi- ciers ou des soldats auraient tué ou blessé des per- cal attestant qu’il avait été blessé au visage, aux mains sonnes en ayant recours à des armes à feu en violation et aux pieds. Une enquête préliminaire a été ouverte, des conventions internationales relatives à leur utilisa- mais ce n’est qu’en septembre que deux policiers ont tion. En novembre, un projet de loi sur l'utilisation été inculpés de coups et blessures. des armes à feu par la police et sur la formation des Deux policiers ont été reconnus coupables d’homicide policiers à l’usage de ces armes a été rendu public. involontaire. Au moins deux cas ont été signalés dans lesquels des ✔ En février, le policier Athanassios Ziogas a été ressortissants albanais non armés qui tentaient d’entrer condamné à une peine de quatre ans et demi d’empri- clandestinement en Grèce pour y chercher du travail sonnement. Il a été reconnu coupable d’avoir blessé ont été grièvement blessés par balle par des gardes- mortellement par balle Stephanos Sapounas en 1996. frontières grecs. Il avait tiré parce que ce dernier ne s’était pas arrêté à 187 GR un barrage de police dans les environs d’Athènes. En apparemment égarés dans des champs de mines balisés à septembre, sa peine a été ramenée en appel à trois ans la frontière avec la Turquie. En mars, la Grèce a ratifié la d’emprisonnement. Athanassios Ziogas pouvait verser Convention d’Ottawa sur l’interdiction des mines anti- une somme d’argent le dispensant d’aller en prison. personnel, mais à la fin de l’année 2002, elle n’avait pro- ✔ En avril, le policier Dimitrios Trimmis s’est vu infli- cédé ni à leur retrait ni à leur destruction. ger une peine de deux ans d’emprisonnement avec sur- sis pour avoir abattu un Rom, Anastassios Mouratis, en Liberté d’expression et de religion 1996. Le tribunal a estimé que le policier avait acciden- En avril, la Cour suprême a infirmé en appel la tellement appuyé sur la détente de sa mitraillette alors condamnation à quatre mois d’emprisonnement pro- qu’il procédait à un contrôle sur un groupe de Rom. noncée contre Mehmet Emin Aga, un musulman de Dimitrios Trimmis a fait appel de sa condamnation. souche turque, pour usurpation de la fonction de ✔ En juillet, un policier a été inculpé d’homicide mufti (dignitaire religieux). Il avait été condamné involontaire pour avoir tué par balle, en novembre pour avoir envoyé des messages à caractère religieux 2001, un immigré albanais, Gentjan Çelniku. Des aux musulmans de Xanthi en les signant « Le mufti de craintes ont été émises quant au caractère exhaustif et Xanthi ». En octobre, la Cour européenne des droits impartial de l’enquête. Les proches de la victime, qui de l’homme, statuant sur deux requêtes qu’il avait souhaitaient que le policier soit inculpé de meurtre, introduites en 1999 à la suite de huit condamnations n’ont pas eu le droit de former un recours. Amnesty pour la même infraction, a conclu que la Grèce n’avait International a appelé le procureur de la Cour pas respecté son droit à la liberté de religion. suprême à veiller à ce qu’une enquête exhaustive et impartiale soit menée sur tous les éléments de l’affaire, Objecteurs de conscience avant que celle-ci soit renvoyée devant les tribunaux ; Les dispositions de la loi relative à la conscription l’acte d’inculpation n’a toutefois pas été modifié. n’étaient pas conformes aux normes internationales. La durée du service civil de remplacement conservait Immigrants clandestins et demandeurs d’asile un caractère punitif et discriminatoire. Les autorités auraient fait obstacle au dépôt de Au moins 25 personnes, parmi lesquelles huit témoins demandes d’asile en n’informant pas de leurs droits de Jéhovah et un évangéliste, se sont vu refuser – ou des requérants potentiels et en refusant de leur retirer – le statut d’objecteur de concience. Selon cer- remettre des formulaires ad hoc. Certains immigrants taines informations, elles risquaient d’être emprison- clandestins ou demandeurs d’asile arrêtés peu après nées. Dans certains cas, la lenteur des autorités à leur entrée irrégulière sur le territoire auraient été fournir les informations nécessaires aux candidats au jugés sans bénéficier de l’assistance d’un avocat et statut a entraîné le rejet de leur demande. Afin d’amé- condamnés à des peines d’emprisonnement ou de ren- liorer la situation, l’un des secrétaires d’État au minis- voi au terme de procès expéditifs. Nombre d’entre eux tère de la Défense nationale a décidé, en septembre, de étaient détenus dans des conditions déplorables, voire modifier la législation et la réglementation relatives au inhumaines et dégradantes. En juin, la Commission service civil de remplacement. nationale des droits humains a rendu publiques des ✔ Au mois de septembre, l’objecteur de conscience propositions visant à améliorer l’accueil des deman- Lazaros Petromelidis a été arrêté et incarcéré à la pri- deurs d’asile et à garantir leur droit d’accès aux procé- son de Korydallos pendant trois jours. Il a de nouveau dures en matière d’asile. été inculpé d’« insubordination en période de mobilisa- En juin, le Commissaire aux droits de l’homme du tion générale », parce qu’il ne s’était pas conformé à Conseil de l’Europe s’est rendu dans les locaux de la son ordre d’incorporation. Il avait fait appel de sa Direction générale de la police d’Attique, à Athènes, condamnation à quatre ans d’emprisonnement pro- où plusieurs dizaines d’étrangers étaient retenus en noncée sur ce même chef d’accusation, mais son pro- attente de leur renvoi. À la suite de sa visite, il a indi- cès a de nouveau été reporté. En 1998, il a été privé de qué que le manque de place manifeste, l’absence de son droit au statut d’objecteur de conscience pour possibilité d’activités physiques et de promenades à avoir refusé d’effectuer un service civil de remplace- l’air libre ainsi que les « conditions sanitaires très pré- ment au motif que celui-ci revêtait un caractère puni- caires » équivalaient à un traitement dégradant. Le tif en raison de sa durée. ministre de l’Ordre public lui a ultérieurement fait savoir que les conditions seraient améliorées et que les Conditions de détention locaux ne seraient plus utilisés pour retenir des étran- Le cas de 18 membres présumés du mouvement gers en attente d’expulsion. Selon plusieurs informa- « 17 novembre », un groupe clandestin accusé d’avoir tions cependant, des étrangers étaient encore retenus perpétré 23 homicides à caractère politique et d’autres dans des conditions très dures dans ces locaux à la fin infractions entre 1975 et 2000, a suscité des inquié- de l’année. Leur nombre avait toutefois diminué. tudes. Le 29 juin, Savvas Xiros a été conduit à l’hôpital Dans deux affaires distinctes, au moins quatre candidats pour y faire soigner de graves blessures, vraisemblable- à l’immigration, dont trois Kurdes de Turquie, ont été ment subies alors qu’il transportait des explosifs au tués par des mines, et cinq autres ont été blessés. En ten- Pirée. Il est resté sous surveillance policière à l’hôpital tant de pénétrer clandestinement en Grèce, ils s’étaient pendant plusieurs semaines, et les autorités ont restreint 188 GU de façon draconienne le droit de visite de ses proches, Visites d’Amnesty International invoquant des raisons de santé et de sécurité. Toutefois, Des délégués d’Amnesty International se sont rendus un procureur a été en mesure de l’interroger – en tant en Grèce en septembre à l’occasion de la publication que témoin, selon les autorités – de façon prolongée. du rapport référencé ci-après ; ils ont également assisté Savvas Xiros n’a été inculpé que le 31 juillet. Certains à des audiences de procès et rencontré des responsables des 17 autres suspects arrêtés en juillet et ultérieurement gouvernementaux.◆ ont été détenus dans des conditions d’isolement total. En octobre, la seule femme incarcérée, Angeliki Autres documents d’Amnesty International Sotiropoulou, s’est plainte de ses conditions de déten- Greece: In the shadow of impunity – ill-treatment and tion et a fait savoir qu’elle n’était pas autorisée à échan- the misuse of firearms [Grèce. Le règne de l’impunité : ger des documents avec son avocat. Elle a en outre mauvais traitements et utilisation abusive d’armes affirmé que le contenu des informations parues dans la à feu] (EUR 25/022/02), publié conjointement avec presse indiquait que ses communications téléphoniques la Fédération internationale Helsinki pour les droits avec son avocat étaient interceptées. de l’homme. GUATÉMALA RÉPUBLIQUE DU GUATÉMALA CAPITALE : Guatémala SUPERFICIE : 108 890 km2 POPULATION : 12 millions MEXIQUE BÉLIZE CHEF de l’ÉTAT mer des et du GOUVERNEMENT : Antilles Alfonso Portillo Cabrera PEINE DE MORT : maintenue, GUATÉMALA mais un moratoire sur les exécutions est en vigueur depuis juillet COUR PÉNALE GUATÉMALA HONDURAS INTERNATIONALE : Statut de Rome non signé SALVADOR océan Pacifique 0 150 km

a situation des droits humains a continué de d’une exécution extrajudiciaire en 2001 ont été se dégrader. Les personnes les plus visées par infirmées. Les tentatives de condamnation, au Lles violences étaient celles qui s’efforçaient de niveau local, d’autres violations des droits mettre en application les dispositions des accords humains très médiatisées ont continué de se de paix de 1996 portant sur les droits des heurter à des atermoiements, à des irrégularités indigènes et les droits relatifs à la terre et au et à des entraves juridiques. Les procès relevant travail, et celles qui tentaient de lutter contre de la compétence universelle qui se déroulaient l’impunité permanente dont jouissaient les à l’étranger n’étaient pas encore arrivés à terme. auteurs d’atteintes flagrantes aux droits Les patrouilles civiles sont réapparues, exigeant fondamentaux commises pendant les années de d’être rétribuées pour les actes qui leur ont guerre civile. La mise en œuvre des accords et des souvent été imposés pendant le conflit. Les recommandations de la Commission pour la efforts déployés par le gouvernement pour clarification historique, constituée sous l’égide satisfaire à leurs revendications semblaient des Nations unies et financée par celles-ci, n’a indiquer une reconnaissance officielle de ces guère progressé. Un responsable des forces patrouilles et des exactions qu’elles ont commises armées a été condamné pour avoir ordonné une pendant le conflit, ce qui se révélait incompatible exécution extrajudiciaire durant le conflit mais, avec les accords de paix. Cette année encore, des peu après, les condamnations de trois autres informations ont fait état de lynchages commis responsables de l’armée reconnus coupables par d’anciens membres de ces patrouilles civiles. 189 GU Contexte qui militait au sein de la Coordinadora Nacional de Le Guatémala a été en proie à un conflit interne pendant Viudas de Guatemala (CONAVIGUA, Coordination plus de trente ans, jusqu’aux accords de paix de grande nationale des veuves du Guatémala) pour l’exhumation envergure conclus en 1996 par les militaires et l’opposi- des cadavres de charniers situés dans des régions indi- tion armée. L’entrée en fonction du président Alfonso gènes du Guatémala et pour la protection des droits des Portillo en 2000 a marqué le retour au pouvoir du populations indigènes, a été capturé, torturé et tué en Frente Republicano Guatemalteco (FRG, Front républicain septembre dans le département d’El Quiché. guatémaltèque), parti étroitement lié aux militaires. Son ✔ En mars, des menaces ont visé 11 experts près les gouvernement était communément considéré comme tribunaux qui participaient à des exhumations dans le étant sous le contrôle du général Efraín Ríos Montt but de recueillir des preuves au sujet des massacres – président du Congrès et chef militaire durant l’une des imputables à l’armée pendant les années de conflit. Les pires périodes de la répression – et par les « structures du auteurs de ces menaces avaient manifestement des pouvoir parallèle » qui lui étaient liées. liens avec l’armée. Le tristement célèbre Estado Mayor Presidencial (EMP, État-major présidentiel), qui aurait dû être démantelé Conflits fonciers et atteintes aux droits humains aux termes des accords, n’a pas cessé d’exister et son Les atteintes aux droits humains se sont multipliées budget a été augmenté. Le gouvernement a continué à contre ceux qui œuvraient pour obtenir la mise en faire appel à l’armée pour des opérations de maintien application des dispositions des accords de paix rela- de l’ordre. L’EMP aurait bénéficié de crédits initiale- tives aux droits à la terre. ment prévus pour le Secrétariat de la paix, créé pour ✔ En mars, plusieurs porte-parole d’ouvriers agricoles surveiller la mise en œuvre des accords. indigènes ont fait l’objet de menaces dans les départe- L’influence ininterrompue du général Ríos Montt et ments de Retalhuleu et de San Marcos. Dans ce der- de ses partisans ainsi que la passivité dont ont fait nier, plusieurs personnes proches de l’Église ont été preuve les autorités pour traduire en justice les per- victimes de menaces de mort et d’autres manœuvres sonnes soupçonnées de violations flagrantes des droits d’intimidation en raison de leurs tentatives de média- humains commises par le passé, sauf dans une poignée tion entre de puissants propriétaires terriens et des d’affaires âprement défendues, ont encouragé les paysans indigènes revendiquant, en vertu de la auteurs de ces violences et d’autres à abuser de leur réforme agraire de 1944, leur droit à la terre. pouvoir et à continuer de commettre en toute impu- ✔ Toujours en mars, la police et des paramilitaires nité d’autres atteintes aux droits fondamentaux. proches de propriétaires terriens locaux ont agressé des L’incapacité de l’État à lutter contre l’impunité ou à militants qui faisaient valoir leurs droits sur des plan- assurer réparation et mettre en place des programmes tations de bananiers à Morales, dans le département d’assistance psychologique aux victimes, notamment d’Izabal. Un militant de premier plan a été tué. aux femmes indigènes victimes de viols et d’autres ✔ Dans le département d’Alta Verapaz, plusieurs diri- agressions sexuelles perpétrés par des membres de geants paysans ont fait état de menaces de mort l’armée et des patrouilles civiles au cours conflit, a qui leur auraient été adressées au mois d’octobre. Le plongé bien des gens dans ce que l’on a appelé un « 14 octobre à Senahú, un millier de policiers de la traumatisme national ». Cela étant, des parents proches Force de police spéciale et de la Police nationale civile de quelques enfants ayant survécu aux massacres et qui ont délogé par la violence des femmes et des enfants devaient être donnés pour adoption ont été retrouvés, des terres qu’ils occupaient ; quatre femmes et huit et de nouveaux groupes ont poursuivi la recherche des enfants auraient « disparu ». enfants « disparus » pendant le conflit. La corruption généralisée et l’aggravation de la tension Violences liées à des affaires de corruption lors de la campagne pour les élections qui doivent se Un nombre croissant d’atteintes aux droits fondamen- dérouler en 2003 étaient liées à de nouvelles atteintes taux ont été attribuées à l’« État mafieux » ou ont été aux droits humains. commises en son nom. Il s’agit d’une alliance crimi- nelle regroupant des fonctionnaires gouvernementaux, Agressions contre les défenseurs des personnalités du monde des affaires, des membres des droits humains de la police et des forces armées ainsi que des criminels Les défenseurs des droits humains ont continué à faire de droit commun. Son objectif est d’accroître son presque quotidiennement l’objet de menaces de mort contrôle sur les industries légales d’extraction ainsi que et de manœuvres d’intimidation. Des descentes ont sur des opérations illégales, parmi lesquelles le trafic été effectuées dans de nombreux locaux et du matériel d’armes et de stupéfiants, le blanchiment d’argent, le de bureau et des archives informatiques ont été volés. vol de voitures, les enlèvements contre rançon, les Deux exécutions probablement extrajudiciaires sem- adoptions illégales et l’exploitation illicite de terres blaient avoir eu pour but d’intimider des groupes protégées par l’État. influents de défense des droits humains. Le Departamento de Operaciones Anti Narcóticas ✔ Guillermo Ovalle de León, de la Fondation (DOAN, Service de lutte contre les stupéfiants) a été Rigoberta Menchú, a été abattu en octobre dans la capi- régulièrement impliqué dans des affaires de trafic de tale, Guatémala. Manuel García de la Cruz, un homme stupéfiants, en complicité, semble-t-il, avec des cartels 190 GU de trafiquants, le pouvoir judiciaire, la police et avait, vers le milieu de l’année 2002, enregistré les dépo- l’armée ainsi qu’avec des fonctionnaires gouvernemen- sitions d’une centaine de témoins oculaires et réalisé taux haut placés. Le DOAN aurait, selon certaines quatre inspections sur des lieux de massacres. Il avait en sources, commis de graves violations des droits outre pris connaissance des rapports d’expertise médico- humains afin d’écarter la concurrence. Le démantèle- légale concernant les exhumations effectuées dans tous ment de ce Service, réclamé par les autorités des États- les lieux où des massacres s’étaient produits. Ces pour- Unis, a été annoncé en octobre. suites avaient été engagées au Guatémala par des survi- ✔ En janvier, des agents du DOAN ont fait une incur- vants réunis au sein de l’Asociación Justicia y sion dans le petit hameau de Chocón, Livingston, Reconciliación (Association pour la justice et la réconci- dans le département d’Izabal. Deux villageois ont été liation). Trois des accusés dans l’affaire Ríos Montt ont tués et un autre a « disparu ». D’autres habitants du également remis des documents et témoigné devant le village ont été arrêtés et torturés, puis accusés d’avoir procureur spécial désigné à cet effet. commis ces meurtres. Affaire de la Fondation Rigoberta Menchú À la fin de l’année, la Cour suprême d’Espagne ne Poursuite des efforts de lutte contre l’impunité s’était toujours pas prononcée sur l’arrêt rendu par Affaire Myrna Mack l’Audience nationale espagnole en décembre 2000. L’anthropologue Myrna Mack a été victime d’une exé- Celle-ci s’était déclarée incompétente pour examiner cution extrajudiciaire en 1990, quelques mois après la la plainte pour génocide et autres crimes contre publication des conclusions de son enquête qui révé- l’humanité déposée en 1999 par la Fondation contre laient que les politiques anti-insurrectionnelles du gou- d’anciens militaires guatémaltèques, dont le général vernement étaient à l’origine du déplacement interne de Ríos Montt. Amnesty International a rendu publique populations indigènes guatémaltèques et des souffrances sa propre analyse juridique, qui concluait que les tri- qui en résultaient. En 1993, au terme d’une campagne bunaux espagnols avaient bien compétence pour exa- menée par sa sœur Helen Mack, un agent subalterne de miner l’affaire. l’EMP a été déclaré coupable du meurtre et condamné à Requêtes auprès du système interaméricain de une peine de réclusion de vingt-cinq ans. Toutefois, protection des droits humains Helen Mack a continué de faire pression pour obtenir la Malgré les « règlements amiables » conclus sous l’égide traduction en justice des responsables de l’armée qui de la Commission interaméricaine des droits de ont, selon elle, ordonné l’exécution de sa sœur. Trois l’homme, par lesquels le gouvernement guatémaltèque responsables militaires de haut rang ont finalement été admettait la responsabilité de l’État dans certaines vio- accusés, et l’affaire a été portée devant les tribunaux en lations passées des droits humains et acceptait de ver- 2002 ; cependant, à l’approche de la date du jugement, ser des indemnisations pour ces actes, les poursuites les personnes qui assistaient Helen Mack ont fait l’objet judiciaires contre les responsables présumés n’ont pas de menaces. En août, son avocat, Roberto Romero, a progressé. En ce qui concerne le massacre de Las Dos reçu des menaces de mort anonymes par téléphone et Erres (département du Petén), au cours duquel des coups de feu ont été tirés sur sa maison. En octobre, 300 personnes ont été tuées par les kaibiles, une unité un colonel de l’armée a été condamné à une peine de de l’armée guatémaltèque, les mandats d’arrêts décer- trente ans de réclusion pour avoir ordonné l’exécution nés par le ministère public étaient toujours suspendus, de Myrna Mack. Ses deux supérieurs hiérarchiques à huit ans après le début des poursuites judiciaires. l’EMP ont été acquittés. Lynchages Annulation des verdicts dans l’affaire Gerardi Des lynchages ordonnés ou perpétrés par d’anciens Quelques jours après le dénouement de l’affaire Myrna membres des patrouilles civiles ont continué d’être Mack, les déclarations de culpabilité des trois militaires signalés, alors même que la criminalité augmentait et condamnés au cours de l’année 2001 pour le meurtre que la population faisait moins confiance au système de Mgr Juan José Gerardi ont été infirmées. Mgr Gerardi judiciaire dans sa lutte contre le crime et l’impunité. a été tué en 1998, deux jours après avoir présenté un Selon la Mission de vérification des Nations unies au rapport détaillé de l’Église guatémaltèque sur les Guatémala, 354 personnes auraient été lynchées entre atteintes aux droits humains commises pendant les 1996 et le milieu de l’année 2002. années de conflit armé. Un prêtre condamné en tant que complice a lui aussi été déclaré non coupable. Peine de mort L’affaire sera peut-être de nouveau jugée un jour ; de Trente personnes se trouvaient encore sous le coup nombreux témoins de l’époque sont toutefois en exil à d’une sentence capitale, mais aucune condamnation à l’étranger ou morts, victimes d’exécutions manifeste- mort n’a été prononcée et aucune exécution n’a eu ment extrajudiciaires. lieu. En juillet, à la suite d’un appel du Vatican en Poursuites judiciaires pour génocide faveur d’un moratoire avant la visite du pape Jean- Dans le cadre des poursuites pour génocide et autres Paul II au Guatémala, le président Portillo a annoncé crimes contre l’humanité engagées contre les hauts son intention de faire en sorte qu’aucune autre exécu- commandements militaires des généraux Romeo Lucas tion n’ait lieu pendant son mandat. Il a soumis au García (1978 – 1982) et Ríos Montt (mars 1982 – août Congrès une proposition de loi visant à abolir la peine 1983), le Département des affaires spéciales du parquet de mort, mais elle n’a pas été approuvée. 191 GU Préoccupations internationales rencontrer des représentants de la communauté des En février, le Groupe consultatif des principaux pays défenseurs des droits humains. Au mois de juillet, une donateurs et des institutions internationales a défini délégation d’Amnesty International a participé à la plusieurs domaines, notamment la protection des droits Deuxième Consultation régionale sur les défenseurs humains et l’impunité, dans lesquels il souhaitait des droits humains en Amérique latine et aux constater des progrès avant la répartition des fonds. Caraïbes, qui s’est tenue au Guatémala.◆ La représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits Autres documents d’Amnesty International de l’homme, Hina Jilani, s’est rendue au mois de juin Guatémala. Un héritage fatal. Impunité pour le passé et au Guatémala et a appelé le gouvernement à prendre retour des violations des droits humains (AMR 34/001/02). des mesures pour lutter contre l’impunité et protéger Guatémala. Un héritage fatal. Appels contre l’impunité les défenseurs des droits humains contre les menaces et (AMR 34/003/02). les actes d’intimidation. Guatemala: Briefing Prepared for Hina Jilani, Special En octobre, plusieurs personnalités du gouvernement Representative on human rights defenders of the United des États-Unis ont exprimé au Congrès américain Nations [Guatémala. Dossier préparé pour Hina Jilani, leurs préoccupations au sujet de la corruption qui représentante spéciale du secrétaire général des régnait au Guatémala, de la détérioration de la situa- Nations unies sur la situation des défenseurs des droits tion des droits humains, de la paralysie des accords de de l’homme] (AMR 34/040/02). paix et des liens existant entre les organismes et res- Guatemala: In the Wake of the Pope's Visit - A Window ponsables gouvernementaux et le crime organisé. of Opportunity to Abolish the Death Penalty? [Guatémala. Après la visite du pape – une période Visites d’Amnesty International propice à l’abolition de la peine de mort ?] Une délégation d’Amnesty International s’est rendue (AMR 34/054/02). au Guatémala en février pour y recueillir des informa- Guatemala: The Civil Defence Patrols Re-emerge tions relatives aux droits humains, faire part de ses pré- [Guatémala. Le retour des patrouilles civiles occupations aux représentants du gouvernement et d’autodéfense] (AMR 34/055/02). GUINÉE RÉPUBLIQUE DE GUINÉE GUINÉE- CAPITALE : Conakry BISSAU SUPERFICIE: 245 857 km2 MALI POPULATION: 8,4 millions GUINÉE CHEF de l’ÉTAT: Lansana Conté Kankan CHEF du GOUVERNEMENT : CONAKRY Lamine Sidime océan PEINE DE MORT: maintenue Atlantique SIERRA LEONE COUR PÉNALE CÔTE INTERNATIONALE: D'IVOIRE Statut de Rome signé 0 300 km LIBÉRIA

ette année encore, la principale menaçant les femmes et les jeunes filles préoccupation concernant la situation réfugiées ou déplacées en contact avec Cdes droits humains dans le pays touchait au sort des personnes travaillant pour des des réfugiés sierra-léonais et libériens, dont organisations d’aide humanitaire nationales les droits étaient bafoués. En février, un rapport ou internationales. du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ( HCR) et de l’organisation Save Contexte the Children – Royaume-Uni a mis en lumière Prévues depuis longtemps et reportées à plusieurs les risques importants d’exploitation sexuelle reprises, des élections législatives ont finalement eu 192 GU lieu en juin. Le Parti de l'unité et du progrès (PUP, au l’Union du fleuve Mano – la Guinée, le Libéria et la pouvoir) a remporté plus des deux tiers des sièges à Sierra Leone –, le Bureau des services de contrôle l’Assemblée nationale. Redoutant des irrégularités, interne de l’ONU (BSCI) a conclu que « l’impression don- l’Union européenne a refusé d’apporter une aide née dans le rapport [du HCR et de Save the Children], à financière et d’envoyer des observateurs pour surveiller savoir que l’exploitation sexuelle par les agents des orga- le scrutin. Douze partis politiques étaient en lice, mais nismes d’assistance, en particulier les relations sexuelles en certains ont par la suite affirmé que ces élections échange de services, était très répandue, était fallacieuse et étaient truquées et que des électeurs avaient fait l’objet inexacte ». Amnesty International estimait toutefois que de manœuvres d’intimidation et de menaces de la part le mandat du BSCI était trop restreint. de représentants du gouvernement. Le Front républicain pour l’alternance démocratique, Arrestations une nouvelle coalition de partis d’opposition, a boy- Alcoumba Diallo, rédacteur en chef de l’hebdomadaire cotté les élections et dénoncé des fraudes massives. Aurore, a été arrêté le 30 janvier et relâché deux jours Selon certaines informations, des représentants du plus tard sans inculpation ni jugement. Peu avant son gouvernement auraient usé de l’intimidation et de interpellation, il avait publié un article affirmant que menaces contre des électeurs lors du scrutin. Des cas certains navires de la marine guinéenne appartenaient de recours excessif à la force et de brutalités impu- à des proches du président Conté. tables aux forces de sécurité ont également été signalés. Des réfugiés ont été arrêtés, puis remis en liberté au Le lendemain de l’annonce des résultats, le président bout de quelques jours après l’intervention d’organisa- Lansana Conté a interdit toute manifestation de rue. tions d’aide humanitaire. En novembre, le jour de la fête de l’Armée, le chef de l’État s’en est vivement pris au crime organisé et a cri- Transferts d’équipements ou de compétences dans tiqué tous ceux qui utilisaient l’uniforme militaire les domaines militaire, de sécurité et de police pour commettre des vols à main armée. Dans son dis- Au cours de l’année, le Groupe d’experts des Nations cours, il a ordonné aux forces de sécurité de tirer sur unies sur le Libéria a publié plusieurs rapports indi- toute personne portant l’uniforme qui serait prise en quant que la Guinée avait fourni un appui aux LURD flagrant délit de vol. en 2001 avec des tirs d’artillerie transfrontaliers, et que des officiers de liaison guinéens avaient pénétré dans le Réfugiés comté de Lofa afin d’évaluer l’avancée des LURD. Le Des personnes fuyant les conflits armés dans les pays rapport d’octobre contenait des informations sur la voisins, notamment la Côte-d’Ivoire et le Libéria, ont présence de combattants des LURD dans des villes continué de franchir la frontière pour se réfugier en frontalières guinéennes, et sur le fait que des obus de Guinée ; elles étaient environ 30 000 à être entrées mortier originellement fournis à la Guinée par les dans le pays au cours de l’année. Il est toutefois arrivé Émirats arabes unis dans le cadre d’un programme que les forces de sécurité guinéennes ferment la fron- d’assistance militaire étaient parvenus entre les mains tière aux réfugiés, au mépris du principe de non-refou- des LURD. Les autorités guinéennes ont nié apporter lement qui interdit tout renvoi forcé de personnes vers un soutien aux LURD.◆ un pays où leur vie ou leur liberté pourraient être menacées. La Guinée accueillait plus de 90 000 réfu- Autres documents d’Amnesty International giés originaires du Libéria et de Sierra Leone, dont la Guinée. Le maintien de l’ordre au mépris du droit grande majorité recevait de l’aide dans des camps à la vie (AFR 29/001/02). administrés par le HCR. Selon certaines informations, le groupe libérien d’opposition armée baptisé Liberians United for Reconciliation and Democracy (LURD, Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie) aurait enrôlé de force des réfugiés dans des camps de Guinée et empêché des Libériens de pénétrer dans ce pays. Au mois de février, un rapport du HCR et de Save the Children – Royaume-Uni a fait état d’un certain nombre de graves motifs de préoccupation touchant à l’exploitation sexuelle présumée de femmes et de jeunes filles venues du Libéria et de Sierra Leone par des personnes travaillant pour des organisations non gouvernementales d’aide humanitaire nationales ou internationales ainsi que pour des agences des Nations unies. Les faveurs sexuelles auraient été obtenues en échange d’une aide humanitaire. En octobre, après avoir mené une enquête de six mois sur les allégations d’exploitation sexuelle dans les trois pays membres de 193 GU GUINÉE-BISSAU RÉPUBLIQUE DE GUINÉE-BISSAU SÉNÉGAL CAPITALE : Bissau GUINÉE-BISSAU 2 SUPERFICIE: 36 125 km BISSAU Bafatá POPULATION: 1,3 million archipel des CHEF de l’ÉTAT: Bissagos Kumba Yalá CHEF du GOUVERNEMENT : Alamara Ntchia Nhasse, remplacé GUINÉE par Mário Pires le 16 novembre 0 100 km océan PEINE DE MORT: abolie Atlantique COUR PÉNALE promulguée, ce qui aggravait l’instabilité politique. Les INTERNATIONALE: fonctionnaires, qui n’avaient pas été payés depuis des Statut de Rome signé mois – notamment les enseignants et les employés de la télévision nationale – se sont mis en grève à plusieurs n certain nombre de militants des droits reprises pour exiger le versement de leurs salaires. humains et d’autres personnes ont été Des allégations de tentatives de coup d’État ont été appréhendésU au cours de l’année pour des formulées, qu’aucune preuve n’est venue étayer. En raisons politiques. Les soldats arrêtés en 2000 juin, le président Kumba Yalá a accusé le gouverne- pour avoir, selon l’accusation, cherché ment gambien d’avoir pris part au mois de mai à un à renverser le gouvernement ont été jugés complot visant à le renverser, et il a menacé d’envahir et condamnés à diverses peines la Gambie. Plusieurs personnes auraient été arrêtées, d’emprisonnement. D’autres soldats arrêtés mais aucune information précise n’a été rendue en 2001 ont été détenus au secret jusqu’à leur publique. Les autorités gambiennes ont opposé un libération, intervenue en juin. De fréquents démenti aux accusations portées contre elles. remaniements au sein de l’équipe Les promesses du gouvernement, qui s’était engagé à gouvernementale, ainsi que des allégations promouvoir les droits humains et l’indépendance de la non fondées de tentatives de coup d’État, ont justice, n’ont pas toujours été suivies d’effet. En contribué à alimenter une instabilité politique février, une unité de défense des droits humains char- persistante. Les ingérences du pouvoir gée de réformer le système judiciaire a été créée au politique ont empêché le système judiciaire ministère de la Justice. Les ingérences dans les affaires de fonctionner normalement et entravé judiciaires n’ont toutefois pas cessé pour autant. C’est les activités des organisations non ainsi qu’au mois de juillet, le président Kumba Yalá gouvernementales. La presse a fait l’objet aurait ordonné l’arrestation, puis la libération vingt- d’attaques visant à restreindre sa liberté. quatre heures plus tard, de l’ancien Premier ministre, Faustino Fadut Embali, qu’il accusait d’avoir détourné Contexte des fonds dans l’exercice de ses fonctions, de mai à Le climat politique était toujours alourdi par de vives ten- décembre 2001. En juin, se passant de l’approbation sions. Tout au long de l’année, le gouvernement a fait du Parlement, le président Kumba Yalá a accordé une l’objet de nombreux remaniements qui n’ont fait amnistie aux soldats accusés d’avoir préparé un coup qu’envenimer les relations entre lui-même, le parti au d’État en décembre 2001. pouvoir et les autres forces politiques. Accusé de corrup- Les participants à différents séminaires organisés aux tion et d’incurie dans la gestion économique du pays, sa mois d’avril et de mai par le Bureau d’appui de l’ONU démission a été exigée à de nombreuses reprises. Le prési- pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau dent Kumba Yalá a dissous l’Assembleia Nacional Popular (UNOGBIS) ont invité l’Assemblée nationale à créer (Assemblée nationale) et le gouvernement en novembre, une commission pour la vérité et la réconciliation, et un gouvernement intérimaire a été désigné en atten- ainsi qu’à faire respecter les droits humains et l’indé- dant la tenue de nouvelles élections, prévues pour février pendance de la justice. Un nouveau représentant du 2003 puis reportées à avril 2003. secrétaire général des Nations unies a pris ses fonctions La Constitution révisée, qui avait été approuvée par en février. En août, le mandat de l’UNOGBIS a été pro- l’Assemblée nationale en 2001, attendait toujours d’être rogé jusqu’à fin décembre 2003. 194 GU Arrestations de militants des droits humains Atteintes à la liberté d’expression Des groupes et des militants issus de la société civile Cette année encore, le gouvernement a cherché à muse- ont été harcelés par les autorités. Le gouvernement ler les médias et à restreindre la liberté d’expression. Des s’est immiscé dans les affaires internes de la Liga personnes travaillant dans les médias ont été harcelées, et Guineense dos Direitos Humanos (LGDH, Ligue gui- des journalistes ont été détenus pendant de courtes néenne de défense des droits humains) et a fait procé- périodes pour avoir critiqué le gouvernement. En avril, der à l’arrestation de plusieurs de ses membres, ainsi le procureur général en place à l’époque a rendu une qu’à la fermeture temporaire de ses bureaux. En jan- ordonnance interdisant à tous les organes d’information vier, un conflit a éclaté au sein de l’organisation après de diffuser ou de publier des informations, quelles que les autorités furent entrées en possession, grâce à qu’elles soient, émanant de la LGDH ou la concernant. une fuite, d’un document financier de la LGDH. En ✔ Deux journaux indépendants dont les bureaux mars, les autorités ont refusé d’accorder à la LGDH avaient été fermés en octobre 2001, Gazeta de Notícias l’autorisation de manifester pour protester contre et Diário de Bissau, ont recommencé à paraître en jan- l’ingérence de l’État dans ses affaires internes et contre vier, le second sous le nouveau nom de Correio de l’arrestation de certains de ses membres, en arguant du Bissau. Une émission de radio hebdomadaire consa- fait qu’elles ne pouvaient assurer la sécurité des mani- crée aux droits humains et diffusée par la LGDH a été festants. Par ailleurs, le gouvernement a exigé en avril suspendue en janvier. de l’União Nacional dos Trabalhadores da Guiné-Bissau ✔ En février, une radio privée, Rádio Bombolom, et (UNTG, Union nationale des travailleurs de Guinée- deux radios locales ont été menacées de fermeture : il leur Bissau), établie de longue date, qu’elle prouve qu’elle était reproché d’émettre sans licence et de ne pas avoir avait été constituée sur des bases légales. payé les taxes dont, pourtant, les stations de radio locales ✔ João Vaz Mané, vice-président de la LGDH, et sont exemptées ; en outre, Rádio Bombolom avait, Fernando Gomes, fondateur et premier président de semble-t-il, déjà transmis aux autorités tous les docu- cette organisation, ont été arrêtés respectivement fin ments nécessaires à son enregistrement. Ces trois stations janvier et début février après qu’un document interne ont pu continuer à émettre tout au long de l’année. de la LGDH fut parvenu, grâce à une fuite, entre les ✔ João de Barros, directeur et propriétaire du Correio mains du gouvernement. Ils étaient accusés d’avoir de Bissau, a été arrêté en juin à la suite d’un entretien détourné des fonds qui leur avaient été attribués en donné à Rádio Bombolom, dans lequel il critiquait le 1999 par une organisation non gouvernementale président Kumba Yalá, lui reprochant d’avoir accusé le (ONG) étrangère, bien que ni la LGDH ni ladite ONG gouvernement gambien de participation à une tenta- n’aient porté plainte contre eux. Les deux hommes ont tive présumée de coup d’État, et d’avoir menacé été libérés sous caution après plusieurs jours de déten- d’envahir la Gambie à titre de représailles. João de tion. Ils devaient se présenter chaque semaine au tri- Barros a été détenu pendant deux jours avant d’être bunal régional de Bissau, et il leur était interdit de libéré sous caution avec l’obligation de se présenter quitter le pays. Leurs procès se sont déroulés d’octobre chaque semaine aux autorités. Il n’avait été ni inculpé à décembre. Bien que leur culpabilité n’ait pas été ni jugé à la fin de l’année. démontrée, ils ont été condamnés, Fernando Gomes à ✔ L’avocat Carlos Vamain, qui présentait chaque une peine de deux mois d’emprisonnement avec sursis semaine sur une station de radio privée une émission en décembre, et Joao Vaz Mané au paiement d’une d’actualité, a été condamné en août à payer une amende d’environ 240 euros. Les appels interjetés par amende équivalant à 4500 euros pour avoir fait à les deux hommes aussi bien contre les déclarations de l’antenne des commentaires que les autorités ont culpabilité que contre les condamnations n’avaient jugées diffamatoires et susceptibles de porter atteinte à toujours pas été examinés à la fin de l’année. l’unité nationale. Apparemment, il avait accusé le pré- ✔ Deux membres de la LGDH, Mário Sá Gomes et sident Kumba Yalá de soumettre l’administration à Formozinho da Costa, ont été interpellés en mars et l’influence d’un certain tribalisme en plaçant au gou- inculpés de désobéissance parce qu’ils avaient changé vernement et au sommet de la hiérarchie militaire des les serrures du bureau de la LGDH à la suite de l’exclu- membres de l’ethnie balanta. Quelque temps aupara- sion, au cours d’une réunion extraordinaire, du prési- vant, il avait dénoncé les ingérences du président dans dent et d’un vice-président de l’organisation. Les les affaires judiciaires, l’accusant d’avoir ordonné la autorités ont refusé de reconnaître la légitimité du libération de certains prisonniers sans suivre les procé- nouveau conseil d’administration de la LGDH, et elles dures légales. Après s’être vu condamner à une ont fait fermer temporairement ses locaux. Mário Sá amende, Carlos Vamain a fait l’objet d’un mandat Gomes et Formozinho da Costa ont été jugés de façon d’arrêt qui a, par la suite, été annulé, apparemment sur expéditive une semaine après leur arrestation et intervention du représentant à Bissau du secrétaire condamnés respectivement à des peines de deux ans et général des Nations unies. d’un an et demi d’emprisonnement ; par la suite, les condamnations ont été commuées en des peines Mises à jour d’amende. En octobre, la condamnation de Mário Sá ✔ Quelque huit militaires de haut rang, qui avaient été Gomes a été annulée en appel, mais celle de arrêtés en novembre 2000 puis libérés sous caution sept Formozinho da Costa a été confirmée. mois plus tard, ont été jugés en mai et en juillet. 195 GU Accusés d’avoir tenté de renverser le gouvernement, ils voulu renverser le gouvernement, ont été détenus sans ont été reconnus coupables et condamnés à des peines inculpation, au secret et dans des conditions éprou- d’emprisonnement allant de trois à dix ans. Les autori- vantes jusqu’au mois de juin, date à laquelle ils ont été tés ont renoncé à poursuivre une centaine d’autres offi- libérés à la faveur d’une grâce présidentielle. Aucune ciers soupçonnés des mêmes faits. Parmi les personnes infraction n’avait été retenue contre eux. condamnées figuraient l’ancien chef d’état-major de la ✔ Emiliano Nosolini dos Reis et Venâncio Martins, marine, Mohamed Laminé Sanhá et le général Augusto respectivement ancien président et ancien vice-prési- Sá Gomes, connu sous le nom de « Patchanga ». Les dent de la Cour suprême, ont été inculpés de détour- peines d’au moins quatre autres personnes ont été assor- nement de fonds, une accusation qui semblait obéir à ties d’un sursis de quatre ans. des considérations politiques. Les deux hommes ont ✔ Une quarantaine de soldats, arrêtés au mois de été libérés sous caution en février et, à la fin de décembre 2001 parce qu’ils étaient soupçonnés d’avoir l’année, ils attendaient toujours d’être jugés.◆ GUINÉE ÉQUATORIALE RÉPUBLIQUE DE GUINÉE ÉQUATORIALE MALABO CAPITALE : Malabo Bioko CAMEROUN SUPERFICIE: 28 051 km2 POPULATION: 0,48 million GUINÉE CHEF de l’ÉTAT: ÉQUATORIALE Bata Teodoro Obiang Nguema Mbasogo golfe CHEF du GOUVERNEMENT : de Guinée Evinayong Candido Muatetema Rivas PEINE DE MORT: maintenue SÃO TOMÉ- ET-PRINCIPE GABON COUR PÉNALE INTERNATIONALE: Statut de Rome non signé 0 200 km

près une ou deux années de relative de laquelle plus d’une centaine de prisonniers A diminution du nombre des atteintes aux ont recouvré la liberté. Toutefois, peu de droits humains, le pays a connu une nouvelle prisonniers d’opinion ont bénéficié de cette vague d’arrestations, d’actes de torture et de mesure d’amnistie. procès inéquitables lorsque les autorités ont prétendu en mars avoir déjoué une tentative Contexte de coup d’État. Plus de 150 personnes ont été Bien que les autorités aient, depuis 1992, accepté le arrêtées, dont beaucoup ont subi des tortures principe du multipartisme et de la démocratie, la destinées à leur arracher des « aveux ». Ces « répression a continué de frapper les opposants paci- aveux » ont, lors d’un procès qui fut inéquitable, fiques, qui ne jouissaient pas du libre exercice de leurs été utilisés pour condamner 67 personnes droits fondamentaux. Au cours de cette période, le à de lourdes peines d’emprisonnement. pays a vu son importance croître aux yeux de la com- Ces personnes étaient, selon toute apparence, munauté internationale, parallèlement à l’augmenta- des prisonniers d’opinion. Elles ont connu des tion de sa production pétrolière, dont les retombées conditions carcérales éprouvantes, que ce soit n’ont pourtant guère bénéficié à la population dans avant, pendant ou après le procès, et les détenus son ensemble. En mars, les autorités ont dissous qui avaient été torturés ont plus particulièrement l’Ordre des avocats au prétexte que certains avocats souffert de l’insuffisance de la nourriture et du n’étaient pas assez qualifiés pour exercer leur profes- manque de soins. Du fait de ces conditions, deux sion. En mai, le vice-ministre de l’Information a prisonniers sont morts et au moins deux autres demandé que l’Asociación de la Prensa de Guinea ont dû être hospitalisés. En octobre, les autorités Ecuatorial (ASOPGE, Association de la presse de ont proclamé une amnistie générale à la faveur Guinée équatoriale) soit interdite. 196 GU

Prisonniers d’opinion d’État imputée à la FDR ont été jugées à Malabo, la Entre la mi-mars et le mois de mai, plus de 150 per- capitale, pour atteinte à la sûreté de l’État. Le procès, sonnes ont été arrêtées, parmi lesquelles figuraient auquel a assisté un observateur d’Amnesty d’anciens membres des forces armées et des proches de International, a été marqué par de graves violations Felipe Ondó Obiang, ancien député et dirigeant de la des droits humains et par d’innombrables irrégularités Fuerza Demócrata Republicana (FDR, Force démocrate de procédure, telles que l’utilisation d’« aveux » obte- républicaine), une formation politique non autorisée. nus sous la torture et retirés par l’accusé au cours de Toutes ces personnes ont été accusées d’avoir voulu por- l’audience, l’absence de défense appropriée et le ter atteinte à la sûreté de l’État. Selon toute apparence, manque d’indépendance des juges, qui avaient été elles étaient des prisonniers d’opinion, n’ayant été arrê- nommés directement par les autorités. tées qu’en raison de leurs liens avec la FDR. Nombre En dépit de ces graves violations des droits des accusés, d’entre elles ont été condamnées en mai à l’issue d’un le tribunal a condamné 64 d’entre eux (plus trois par procès inéquitable (voir ci-après). Les dirigeants des deux contumace) à des peines allant de six à vingt ans principaux partis d’opposition officiellement reconnus, d’emprisonnement. Felipe Ondó Obiang s’est vu infli- qui sont tous les deux avocats, ont également été arrêtés. ger une peine de vingt ans de réclusion. En juin, le ✔ Plácido Micó, secrétaire général de la Convergencia Parlement européen a adopté à l’unanimité une résolu- para la Democracia Social (CPDS, Convergence pour la tion demandant l’annulation du procès et la libération démocratie sociale), a été arrêté puis reconnu coupable immédiate des prisonniers. À la suite de l’amnistie pro- de faits liés au présumé complot imputé à la FDR. Il a clamée en octobre, cinq seulement des personnes été condamné à six ans d’emprisonnement. condamnées lors de ce procès ont recouvré la liberté. ✔ Fabián Nsué Nguema Obomo, dirigeant de l’une des factions composant l’Unión Popular (UP, Union Conditions carcérales éprouvantes populaire), a été arrêté et condamné en juillet à une Les conditions de détention des personnes arrêtées peine d’un an d’emprisonnement pour « diffamation à dans le cadre du complot imputé à la FDR étaient l’égard du chef de l’État ». Il a été libéré à la faveur cruelles, inhumaines et dégradantes. Les détenus, d’une amnistie intervenue en octobre. complètement nus, étaient entassés dans des cellules ✔ En mai, plus de 10 membres de l’ethnie bubi ont été exiguës. Aucun n’a été examiné par un médecin, et cer- arrêtés lors d’une cérémonie traditionnelle qui se dérou- tains se sont vu refuser la nourriture apportée par leur lait dans la ville de Moka. Ils ont été accusés d’avoir famille. Ces conditions de détention se sont encore « tenté de porter atteinte à la sûreté de l’État ». Ils ont été dégradées en juin lorsque les autorités ont interdit aux libérés en novembre, toutes les charges retenues contre proches des prisonniers de venir leur rendre visite et de eux ayant été abandonnées lors de leur procès. leur apporter de la nourriture. En conséquence, les pri- sonniers ne mangeaient pas à leur faim et beaucoup Torture souffraient apparemment de malnutrition ; de plus, ils La plupart des personnes arrêtées en raison de leurs liens n’étaient pas soignés pour les blessures causées par les présumés avec la FDR ont été soumises à des tortures tortures. Deux prisonniers, Juan Ondó Nguema et alors qu’elles étaient détenues au secret dans l’attente de Juan Sumu Sima (âgé de quatre-vingts ans), sont leur procès, tortures destinées à leur faire « avouer » leur morts, et deux autres au moins ont dû être hospitalisés. participation ou celle d’autres personnes à la tentative présumée de coup d’État. Nombre d’entre elles ont été La Commission des droits de l’homme ligotées avec une corde puis suspendues à une barre des Nations unies dans une position telle que les os de leurs avant-bras, et En avril, malgré les graves atteintes aux droits humains parfois de leurs jambes, devaient inévitablement finir auxquelles a donné lieu la révélation du présumé com- par se briser. Elles ont également été battues, parfois très plot attribué à la FDR, la Commission des droits de violemment, à coups de bâton ou de fouet. Elles ont en l’homme des Nations unies a décidé de mettre fin au outre eu les yeux bandés pendant de longues périodes. mandat de son représentant spécial pour la Guinée Tortures et mauvais traitements se sont poursuivis équatoriale qui, depuis plus de vingt ans, surveillait la pendant le procès. Certains accusés qui avaient fait situation des droits humains dans le pays. part au tribunal de leur souhait de revenir sur leurs déclarations ont ensuite été torturés en prison, appa- Visites d’Amnesty International remment à titre de punition. Une délégation d’Amnesty International a assisté au Les femmes de deux prisonniers qui apportaient de la procès qui s’est tenu en mai et en juin à Malabo.◆ nourriture à leur mari ont également été battues et torturées. L’une d’entre elles a été violée par plusieurs Autres documents d’Amnesty International soldats, d’après une déclaration faite par son mari Equatorial Guinea : A parody of a trial in order to crush devant le tribunal. the opposition [Guinée équatoriale. Une parodie de procès qui vise à bâillonner l’opposition] Procès inéquitable (AFR 24/014/02). En mai et en juin, 144 personnes arrêtées en raison de leur implication dans la tentative présumée de coup 197 GU GUYANA RÉPUBLIQUE DU GUYANA CAPITALE : Georgetown océan Atlantique SUPERFICIE: 214 969 km2 VÉNÉZUÉLA POPULATION: 0,765 million GEORGETOWN CHEF de l’ÉTAT: Bharrat Jagdeo Guyane (FRANCE) CHEF du GOUVERNEMENT : SURINAME Samuel Hinds PEINE DE MORT: maintenue BRÉSIL GUYANA COUR PÉNALE INTERNATIONALE: Statut de Rome signé 0 300 km

es lois « antiterroristes » ont ouvert la voie à Guyana Trades Union Congress (Congrès des syndicats du des violations des droits humains. De Guyana) ont tenté d’obtenir des partis parlementaires la Dnouvelles condamnations à la peine capitale ont signature d’un communiqué commun sur la criminalité. été prononcées. Certaines informations ont fait Aucun texte définitif n’avait été adopté à la fin de l’année. état d’homicides commis dans des circonstances laissant à penser qu’il s’agissait d’exécutions Nouvelle législation extrajudiciaires. Les prisons étaient surpeuplées à La Loi portant modification du Code pénal (infrac- l’extrême, et des cas de torture et de mauvais tions) a été adoptée en septembre. Certaines disposi- traitements infligés à des détenus ont été signalés. tions relatives à la définition de l’« acte terroriste » en tant qu’infraction n’étaient pas conformes, entre autres, Contexte aux normes internationales reconnaissant le droit à la Le 3 juillet, deux personnes ont été abattues par la liberté d’expression et d’association. Le texte a élargi le police après l’attaque du palais présidentiel menée au champ d’application de la peine capitale obligatoire. terme d’une manifestation organisée par l’opposition. La Loi portant modification de la loi sur la prévention Accusés d’avoir pris la tête du défilé de protestation, le de la criminalité a accordé à l’exécutif de nouveaux journaliste Mark Benschop et le militant politique pouvoirs, notamment celui de placer certaines per- Phillip Bynoe ont été inculpés de trahison. Les avocats sonnes en résidence surveillée. Il était à craindre que de Mark Benschop ont affirmé qu’il avait été soumis à les nouvelles dispositions facilitent le maintien en des mauvais traitements pendant sa garde à vue. détention, pendant une durée illimitée, de personnes La criminalité violente aurait augmenté et au moins n’ayant pas été inculpées. 11 policiers ont été tués. Face à cette situation, les auto- rités ont multiplié les opérations menées conjointement Peine de mort par la police et par l’armée, notamment les contrôles Les tribunaux ont prononcé des condamnations à mort systématiques et les fouilles, et ont davantage recouru à pour meurtre ; à la fin de l’année, 23 personnes, dont l’imposition du couvre-feu. Selon certains groupes de la deux femmes, étaient sous le coup d’une sentence capi- communauté guyanienne d’origine indienne, le nombre tale. Il n’y a pas eu d’exécution. Une nouvelle loi a de crimes et de délits motivés par la haine raciale s’est étendu le champ d’application de la peine de mort. accru. En février, le People's Progressive Party (PPP, Parti progressiste populaire), au pouvoir, a attribué ces vio- Violations imputables aux responsables lences à des prisonniers évadés, tandis qu’en mai, le pré- de l’application des lois sident a accusé des membres du People’s National Un certain nombre de personnes ont été abattues par Congress Reform (PNC/R, Congrès national du peuple / la police. Certains de ces homicides étaient apparem- Réforme), un parti d’opposition, d’en être à l’origine. ment des exécutions extrajudiciaires ou étaient interve- Le PNC/R a démenti ces allégations. nus parce que des policiers avaient eu recours à la En juillet, l’Ordre des avocats du Guyana, la Private force meurtrière de manière injustifiée. Des cas de tor- Sector Commission (Commission du secteur privé) et le ture et de mauvais traitements ont été signalés. 198 HA ✔ Shaka Blair a été tué par balle le 6 avril. Selon les mois d’août 2001. L’enquête n’avait pas débuté à la fin policiers, cet homme a ouvert le feu lorsque, munis de l’année 2002. d’un mandat de perquisition, ils se sont présentés à ✔ En février, des proches de Mohammed Shafeek ont son domicile à la recherche d’armes. Des témoins ont déposé un recours contre l’annulation de la décision toutefois affirmé que Shaka Blair avait été abattu alors rendue à l’issue de l’enquête sur la mort de celui-ci, sur- qu’il ne constituait pas une menace. Au mois de mai, venue en septembre 2000 alors qu’il était détenu au des membres de sa famille ont fait appel de la décision poste de police de Brickdam, à Georgetown. En du Director of Public Prosecutions (DPP, équivalent du novembre 2001, le tribunal du coroner (qui statue à procureur général) d’abandonner les poursuites l’issue des investigations menées par cet officier judi- pénales engagées à la diligence de la partie civile. ciaire en cas de mort violente ou suspecte) avait conclu L’enquête ouverte en juillet pour déterminer les causes à l’unanimité que la police devait être tenue pour péna- de sa mort n’était pas achevée à la fin de l’année 2002. lement responsable de la mort de Mohammed Shafeek. La Haute Cour avait infirmé cette décision à la fin du Enquêtes sur des brutalités imputables même mois. Aucune décision concernant le recours à la police et à l’armée n’avait été prise à la fin de l’année. Aucun policier n’a été tenu pour pénalement respon- ✔ Fin 2002, aucune enquête n’avait été ouverte sur la sable de violations des droits humains. Le gouverne- mort d’Anthony Brumesh, survenue en mai 2001 au ment a rejeté un appel en faveur d’une enquête sur les centre de détention de la police d’Aurora. Des témoins activités de la Brigade spéciale de la police, une unité ont affirmé qu’il avait été torturé par des policiers et privé spéciale qui serait à l’origine de nombreuses exécutions de soins médicaux. extrajudiciaires. En septembre, des responsables de la police ont indiqué que 44 policiers faisaient l’objet de Prisons poursuites devant des juridictions pénales. Les conditions de détention restaient déplorables et ✔ Au mois de janvier, une décision de justice rendue en s’apparentaient dans certains cas à un traitement cruel, appel a ordonné l’ouverture d’une enquête pour recher- inhumain ou dégradant. Le placement en détention cher les causes de la mort de Shazad Bacchus, Azad provisoire de nombreuses personnes ne faisait Bacchus et Faddil Ally, tués dans des circonstances qu’aggraver le problème déjà dramatique de la surpo- controversées par des membres des forces de sécurité au pulation carcérale.◆ HAÏTI RÉPUBLIQUE D’HAÏTI BAHAMAS CAPITALE : Port-au-Prince SUPERFICIE : 27 750 km2 POPULATION : 8,4 millions CUBA océan Atlantique CHEF de l’ÉTAT : Jean-Bertrand Aristide Cap-Haïtien

CHEF du GOUVERNEMENT : Gonaïves Jean Marie Chérestal, remplacé par île de la Gonâve RÉPUBLIQUE le Yvon Neptune 13 mars HAïTI DOMINICAINE PEINE DE MORT : abolie PORT-AU-PRINCE COUR PÉNALE Les Cayes INTERNATIONALE : mer Statut de Rome signé des Antilles 0 150 km

es partisans armés du parti au pouvoir, sympathisants, semblait indiquer que les forces Fanmi Lavalas (FL), ont été accusés de de police et le pouvoir judiciaire abandonnaient Dnombreuses atteintes aux droits humains. toute tentative sérieuse de faire face aux L’évasion du militant populaire Amiot « Cubain » partisans de FL accusés d’atteintes aux droits Métayer, orchestrée en août par un groupe de humains. Des militants favorables au 199 HA gouvernement auraient été la cible d’actes de Violence politique violence commis par des personnes liées aux La classe politique haïtienne n’a pas su faire avancer le partis d’opposition. Le 25 décembre, des processus devant mener à des élections, pourtant récla- hommes armés non identifiés ont attaqué mées depuis longtemps. Cette incapacité a provoqué, la maison de Michèle Montas, la veuve du aux mois de novembre et décembre, une vague sans journaliste de radio Jean Dominique, et tué précédent de violents affrontements impliquant des son garde du corps. Les agresseurs tentaient sympathisants de parties adverses et, dans certains cas, apparemment de dissuader le juge chargé la police. Au moins cinq personnes auraient été tuées de l’enquête sur le meurtre de Jean Dominique et de nombreuses autres blessées. de publier un rapport exhaustif contenant ses Le 17 novembre, à Cap-Haïtien, a eu lieu la plus conclusions. Ces faits, conjugués à de nombreux grande manifestation jamais organisée contre le gou- autres actes de violence et menaces visant des vernement de Jean-Bertrand Aristide. Elle s’est dérou- journalistes, ont mis en évidence la persistance lée dans le calme. En revanche, les manifestations qui de l’impunité et la poursuite des atteintes à la ont suivi dans d’autres régions du pays ont été mar- liberté d’expression. Témoins d’une évolution quées par des violences de la part de partisans du gou- tout aussi inquiétante, un certain nombre de vernement et, parfois, d’opposants. La Police nationale « disparitions » et d’exécutions extrajudiciaires d’Haïti (PNH) a été accusée d’avoir réprimé des mani- ont été signalées en 2002. festations hostiles au gouvernement et de n’avoir rien fait face à des rassemblements violents de partisans du Relations avec la communauté internationale pouvoir en place. Les tensions ont été accrues par Après avoir tenté, pendant deux ans, de faciliter les l’émergence, sur la scène politique, de dirigeants mili- négociations entre le gouvernement haïtien et l’opposi- taires et paramilitaires ressurgis du passé répressif tion, l’Assemblée générale de l’Organisation des États d’Haïti. En outre, les autorités ont dénoncé ce qu’elles américains (OEA) a adopté, au début du mois de sep- considéraient comme des attaques armées, menées par tembre, la résolution 822. Ce texte a constitué la pre- d’anciens soldats près de la frontière avec la mière étape en vue de la préparation d’élections qui République dominicaine. doivent se tenir en 2003. Toutefois, l’échéance initiale- ✔ Christophe Lozama, un juge de paix qui soutenait ment fixée à novembre pour la formation d’un nou- le FL, a été abattu le 28 novembre lors d’un affronte- veau Conseil électoral provisoire a été dépassée, et les ment entre partisans du gouvernement et opposants à actes de violence se sont généralisés entre partisans de Quimpe 8 (commune de Lascahobas), dans la région différentes formations politiques. La résolution 822 du Plateau central. Une vague de perquisitions et appelait également à la normalisation des relations d’arrestations a suivi, visant principalement les oppo- entre Haïti et les donateurs internationaux, qui avaient sants. Deux personnes ont été arrêtées, mais auraient gelé leur aide à la suite des élections contestées de été libérées par des hommes armés qui ont attaqué le 2000. Cette aide n’avait pas été débloquée fin 2002. poste de police de Lascahobas le 10 décembre. Lors de La résolution 822 exhortait en outre Haïti à mettre en cette attaque, un passant a été tué devant le poste de œuvre aussi bien un programme de désarmement que police ; la même nuit trois autres personnes ont été les recommandations de la commission mise en place, tuées par balle dans le secteur. sous l’égide de l’OEA, pour enquêter sur les événe- ✔ Beaucoup de personnes ont, semble-t-il, été blessées ments du 17 décembre 2001, lors de l’attaque du lorsque des partisans du gouvernement ont violemment Palais national, et des jours suivants. L’enquête avait interrompu, à coups de fouet et de jets de pierres, une conclu qu’il ne s’agissait pas d’une tentative de coup manifestation de l’opposition à Port-au-Prince, le d’État ; elle laissait entendre que certains membres des 3 décembre. Selon les informations recueillies, la police forces de l’ordre avaient agi en complicité avec les était présente mais n’est pas intervenue. Le 20 décembre, assaillants et avec les auteurs pro-gouvernementaux les autorités ont annoncé que les manifestations poli- des actes de représailles, manifestement prémédités, tiques étaient interdites jusqu’au 8 janvier 2003. qui avaient suivi. Le gouvernement a rendu public, en septembre, la première partie de son propre rapport et L’évasion d’Amiot Métayer et ses conséquences annoncé qu’il avait commencé à verser des indemnités Amiot « Cubain » Métayer, ancien militant dont la à certaines des victimes. tentative d’arrestation aurait été, selon certains, à l’ori- En avril, l’OEA a mis sur pied une Mission spéciale gine du massacre de Raboteau en 1994 (voir le Rapport visant à renforcer la démocratie en Haïti. En outre, une 1995 d’Amnesty International), a été arrêté le 3 juillet délégation de la Commission interaméricaine des droits aux Gonaïves, dans le département de l’Artibonite. Il de l’homme, à laquelle prenait part le rapporteur spé- semblerait que cette arrestation ait été liée à la mort du cial de la Commission pour la liberté d’expression, s’est gardien du siège d’un parti de l’opposition, tué au len- rendue en Haïti au mois d’août, en réponse à une invi- demain de l’attaque du 17 décembre 2001 contre le tation du gouvernement. Au mois de septembre, le Palais national. Détenu tout d’abord à Port-au-Prince, nouvel expert indépendant de la Commission des droits Amiot « Cubain » Métayer a été transféré le 10 juillet à de l’homme chargé d’étudier la situation des droits de la prison des Gonaïves, à la suite de plusieurs jours l’homme en Haïti a effectué une visite dans le pays. d’émeutes organisées par ses sympathisants. 200 HA Le 2 août, ceux-ci l’ont aidé à s’évader de la prison des femme de vingt et un ans, Sherline Coriolan. Une Gonaïves. Plus de 150 prisonniers se seraient enfuis, femme enceinte et un enfant auraient été blessés. notamment Jean-Pierre Baptiste, alias « Jean Tatoune », ✔ Fleury Lysias, membre de la Commission épisco- ancien chef paramilitaire bien connu, condamné aux pale nationale Justice et Paix, aurait été torturé par des travaux forcés à perpétuité pour sa participation au policiers après son arrestation à Bon Repos le 24 juin massacre de Raboteau, commis en 1994. Lors des (voir plus loin). affrontements survenus à la fin de l’année entre parti- ✔ Le 20 novembre, à Petit Goâve, au moins sept sans du gouvernement et opposants, Amiot Métayer manifestants auraient été blessés lorsque la PNH a et Jean Tatoune ont pris la tête de bandes armées ouvert le feu sur des étudiants qui manifestaient à la rivales, qui ont toutes deux été accusées d’atteintes suite d’une rumeur selon laquelle les droits d’examen aux droits humains. allaient être augmentés.

Graves violations commises par la police Enquête sur le meurtre de Jean Dominique Plusieurs « disparitions » et exécutions extrajudiciaires L’enquête sur le meurtre de Jean Dominique, journa- imputables à la police ont été signalées, ce qui témoi- liste à Radio Haïti Inter, et de Jean-Claude Louissaint, gnait d’une évolution inquiétante des choses. En le gardien de la station, continuait de jouer un rôle outre, on a enregistré de nombreuses plaintes faisant déterminant pour l’affirmation de l’état de droit en état de brutalités policières. Haïti. Le juge d’instruction Claudy Gassant, dont « Disparitions » et exécutions extrajudiciaires nombre de personnes ont salué la ténacité dans cette ✔ Le 17 septembre, Félix Bien-Aimé, militant de FL affaire malgré les nombreuses menaces reçues, a quitté du quartier de Martissant, à Port-au-Prince, aurait été le pays en janvier après que le président Aristide eut arrêté par la police en compagnie de deux autres mili- décidé de ne pas renouveler son mandat. À l’occasion tants, Paul Muzac Jean et Djal Normil. Des sympathi- du deuxième anniversaire de ces homicides, au mois sants ont affirmé que personne n’avait revu les trois d’avril, le président Aristide a annoncé qu’il avait hommes depuis lors ; néanmoins, la voiture de Félix renouvelé le mandat du juge Gassant ; toutefois, ce Bien-Aimé aurait été retrouvée carbonisée dans les dernier a affirmé qu’on ne lui avait jamais officielle- environs de Titanyen, une décharge bien connue où ment signifié ce renouvellement et que d’après le étaient jetés les corps de personnes « disparues » pen- silence du gouvernement sur ce point sa sécurité serait dant la période de la dictature militaire. De grandes mal assurée s’il retournait en Haïti. manifestations ont été organisées pour exiger de savoir En juillet, un autre juge d’instruction, Bernard Saint Vil, où se trouvait cet homme, mais la PNH a nié qu’il ait a été saisi de l’affaire. Celui-ci a entendu de nombreuses été placé en détention. personnes, dont le sénateur Dany Toussaint, qui avait ✔ Jean Lewis Bourgouin, ancien commissaire de résisté à la citation à comparaître devant le juge Gassant police, aurait été arrêté la nuit du 13 novembre dans malgré l’inculpation dont il avait fait l’objet. Plusieurs une rue de Pétionville, près de Port-au-Prince, par des mandats d’arrêt décernés dans cette affaire n’ont eu hommes vêtus d’uniformes noirs de la police. Ceux-ci aucune suite, et la question de l’immunité parlementaire l’auraient fait entrer de force dans un véhicule dont les de Dany Toussaint demeurait sans réponse. Le rapport plaques d’immatriculation étaient celles de la police. final du juge Saint Vil, qui devait servir de base à toute Malgré les nombreuses demandes formulées par sa action en justice ultérieure, n’avait toujours pas été rendu famille, on était toujours sans nouvelles de lui à la fin public à la fin de l’année. de l’année 2002. Le 25 décembre, des hommes armés non identifiés ont ✔ Dans la nuit du 7 décembre, des policiers auraient attaqué le domicile de Michèle Montas, veuve de Jean enlevé trois frères, Andy Philippe, Angélo Philippe et Dominique, qui est elle-même une journaliste prônant Vladimir Sanon, après s’être présentés à leur domicile ouvertement le respect de la justice dans cette affaire. à Waney 89 (quartier de Carrefour à Port-au-Prince). Avant de prendre la fuite, les agresseurs ont abattu Leurs corps, qui présentaient des blessures par balle à Maxime Séïde, l’un des agents chargés d’assurer la la tête, ont été retrouvés à la morgue le lendemain. sécurité de Michèle Montas. Leurs parents ont déposé une plainte formelle auprès du procureur. À la suite d’une enquête interne, le res- Liberté d’expression ponsable de la police municipale a été démis de ses Durant toute l’année, les autorités ont affirmé à plu- fonctions et trois agents de police, ainsi que plusieurs sieurs reprises leur attachement au principe de la autres personnes, auraient été placés en garde à vue ; liberté d’expression, tout en introduisant de plus en un autre policier impliqué dans cette affaire se serait plus de clauses restrictives qui faisaient douter de la caché pour ne pas être arrêté. Selon certaines informa- sincérité de leur engagement. tions, un témoin potentiel aurait été tué à Carrefour, Persistance des menaces et des agressions le 17 décembre, par des hommes encagoulés. contre les journalistes Brutalités policières Une dizaine de journalistes auraient quitté le pays à la ✔ En février, un policier qui poursuivait, semble-t-il, suite de l’attaque du 17 décembre 2001 contre le Palais un voleur au milieu de la foule d’un marché de Port- national et des violences qui avaient suivi. De nombreux au-Prince a fait feu sans discernement, tuant une jeune reporters avaient, au cours de ces journées, fait l’objet de 201 HA manœuvres d’intimidation ou de menaces. D’autres Berthony Philippe, est entré dans la clandestinité après journalistes ont été en danger tout au long de l’année. avoir reçu des menaces de mort similaires. ✔ Darwin St Julien, du journal Haïti Progrès et Allan ✔ Fleury Lysias, membre de la commission épiscopale Deshommes, reporter à Radio Atlantique, figurent nationale Justice et Paix, a été arrêté le 24 juin, à son parmi les personnes arrêtées le 27 mai à la suite d’un domicile de Bon Repos, par des policiers sans mandat mouvement de protestation ouvrier à la plantation de d’arrêt accompagnés de trois hommes armés en civil. Guacimal, près de St-Raphaël, dans le nord du pays. Les Fleury Lysias a été emmené au poste de police de Bon deux journalistes auraient été gravement blessés, mais se Repos où les policiers lui auraient donné des coups de seraient vu refuser, après leur mise en détention, les pied et l’auraient battu à l’aide de matraques avec une soins dont ils avaient un besoin urgent. Ils ont été remis telle violence qu’il a eu un bras cassé. Ils l’ont égale- en liberté le 8 juin. À la fin de l’année, les deux hommes ment frappé à plusieurs reprises sur les oreilles, causant souffraient toujours des séquelles de leurs blessures. des lésions aux tympans. Il aurait été remis en liberté ✔ En juillet, Jacky Cantave, journaliste d’investiga- le lendemain, sans inculpation. tion à Radio Caraïbes, a été enlevé et frappé par des ✔ Le 16 juillet, des personnes anonymes ont attaqué hommes armés. Après sa libération, intervenue le len- le domicile de Jean Claude et Sylvie Bajeux, défen- demain, la police l’a interrogé sur sa version des faits ; seurs des droits humains et membres du Centre œcu- les autorités ont prétendu qu’il avait menti. ménique des droits humains. Tous deux militent ✔ Le 20 août, Joseph Claudy Milord, directeur de depuis longtemps pour la défense de ces droits et ont Radio Saca, aurait été frappé par le maire de Grand fait l’objet de mesures de répression sous des gouver- Goâve (département de l’Ouest) dans l’enceinte du nements précédents. tribunal de paix de cette localité. Selon les témoi- gnages recueillis, le maire était furieux que la station Répression des activités syndicales de radio ait mentionné son implication présumée dans Deux syndicalistes d’un certain âge, Francilien Exilien et des transactions foncières. Par la suite, le maire a été Ipharès Guerrier, ont été tués le 27 mai lors d’affrontements arrêté sur injonction du parquet, puis remis en liberté à la plantation de Guacimal, au cours desquels se sont oppo- un peu plus tard, le même jour. sés des ouvriers et des personnes défendant les propriétaires Enquête sur le meurtre de Brignol Lindor de la plantation. Parmi ces dernières se trouvaient des res- En septembre, le juge d’instruction a remis au procu- ponsables locaux. Six syndicalistes, leurs trois chauffeurs et reur son rapport final sur le meurtre de Brignol deux journalistes, soit 11 personnes, ont été arrêtés. Les jour- Lindor, directeur de l’information de Radio Echo nalistes ont été relâchés le 8 juin (voir plus haut), les chauf- 2000, qui avait été tué à coups de machette en feurs et quatre des six militants quelque temps après. Les décembre 2001, à Petit Goâve, par une foule rassem- deux derniers, Jérémie Dorvil et Urbain Garçon, ont été blant notamment des membres d’une organisation détenus sans inculpation, puis libérés le 2 décembre. Les syn- favorable au parti FL. Plusieurs de ceux-ci auraient dicats ont exigé l’ouverture d’une information sur la mort de reconnu leur participation au meurtre. Dix hommes, Francilien Exilien et Ipharès Guerrier mais, d’après les infor- parmi lesquels des membres de cette organisation, ont mations recueillies, rien n’avait encore été fait fin 2002. été inculpés, et des mandats d’arrêt ont été décernés contre ceux qui n’étaient pas déjà détenus. Toutefois, Nouveaux éléments en matière de justice l’ancien maire de Petit Goâve, au pouvoir au moment En mars, Ronald « Cadav » Camille, proche d’organi- des faits, n’a pas été inculpé bien qu’il ait été entendu sations populaires favorables au parti FL, a été arrêté par le juge. Quelques jours avant le meurtre, il avait pour le meurtre d’un autre militant FL commis le 10 publiquement appelé à la « zéro tolérance » à l’égard de septembre 2001 devant le bâtiment du Parlement. Des Brignol Lindor, au motif que celui-ci soutenait un sympathisants de Ronald Camille ont protesté avec parti d’opposition. Protestant contre cette omission, violence contre cette arrestation mais les autorités l’Association des journalistes haïtiens a déposé une n’ont pas cédé aux pressions demandant sa libération. plainte devant la cour d’appel de Port-au-Prince, au En Suisse, l’Office fédéral de la justice a rejeté une nom de la famille de la victime. demande d’extradition déposée en 1986 par Haïti concernant l’ancien dictateur Jean-Claude Duvalier. Les Agressions de défenseurs des droits humains avocats de ce dernier avaient soutenu que l’on ne pou- Les défenseurs des droits humains continuaient de vait garantir que le système judiciaire haïtien respecte les faire l’objet de menaces et d’agressions. procédures légales en la matière ; ils avaient également ✔ En mars, Patrick Mérisier, militant de la Coalition affirmé que les quinze années écoulées depuis les faits nationale des droits des Haïtiens, a été blessé par balle dont il était accusé excluaient toute éventualité de pour- à la poitrine et au bras gauche alors qu’il se trouvait suites judiciaires en vertu de la législation helvétique. En dans un restaurant à Port-au-Prince. Selon certaines décembre, Jean-Claude Duvalier a annoncé sur une informations, il avait reçu, en janvier, des tracts ano- chaîne de télévision des États-Unis son intention de nymes l’avertissant qu’on le tuerait s’il ne cessait pas retourner en Haïti compte tenu du climat d’agitation ses activités de surveillance de la situation des droits politique régnant dans le pays. En avril, une cour humains et ses interventions à la radio locale sur ce d’appel a ordonné la libération du général Prosper même sujet. Un autre militant de l’organisation, Avril. Cet homme, qui avait organisé un coup d’État 202 HO dans le passé, était détenu pour une affaire de torture Autres documents d’Amnesty International dont auraient été victimes des prisonniers politiques Haïti. « Je n’ai d’autre arme que mon métier de en 1989. Il a été remis en liberté, puis à nouveau journaliste » : l’enquête Jean Dominique et les droits immédiatement arrêté et inculpé dans l’affaire du mas- humains (AMR 36/001/02). sacre de fermiers à Piâtre, en 1990.◆ Haïti. Mise à jour : l’affaire Jean Dominique et la situation des journalistes (AMR 36/013/02). HONDURAS RÉPUBLIQUE DU HONDURAS BÉLIZE mer CAPITALE : Tegucigalpa des Antilles SUPERFICIE: 112 088 km2 POPULATION: 6,7 millions GUATÉMALA HONDURAS CHEF de l’ÉTAT et du GOUVERNEMENT: TEGUCIGALPA Carlos Flores Facussé, remplacé par SALVADOR Ricardo Maduro le 27 janvier océan NICARAGUA PEINE DE MORT: abolie Pacifique COUR PÉNALE INTERNATIONALE: 0 300 km Statut de Rome ratifié COSTA RICA

lusieurs dizaines d’enfants et de jeunes gens Le nouveau gouvernement en place a conclu un cer- ont été tués dans des circonstances laissant tain nombre d’accords avec des organisations de Pà penser qu’il s’agissait d’exécutions défense des droits humains et d’autres organisations extrajudiciaires. Cette année encore, des émanant de la société civile. Il s’est notamment engagé défenseurs des droits humains ont été victimes à réexaminer les cas de violations des droits fondamen- d’atteintes à leurs libertés fondamentales. Selon taux – dont plus de 100 « disparitions » – perpétrées des témoignages, des policiers ont fait un usage dans les années 80 et dont personne n’a jamais été excessif de la force contre des manifestants. amené à rendre compte, malgré les efforts soutenus des organisations non gouvernementales (ONG). Contexte Ricardo Maduro, élu président en novembre 2001, a Enfants pris ses fonctions au mois de janvier 2002. Arrivé au Des morts d’enfants et de jeunes gens, tués dans des pouvoir avec un programme de lutte contre la crimi- circonstances faisant parfois penser à des exécutions nalité, il n’a pas tardé à mettre en œuvre des mesures extrajudiciaires, ont continué d’être signalées réguliè- de « tolérance zéro » et à recourir à l’armée pour le rement. Selon Casa Alianza, une ONG qui s’occupe des maintien de l’ordre public. Il semble toutefois que ces enfants des rues et s’est penchée sur ces cas, quelque mesures aient eu peu d’incidence sur le taux de crimi- 1500 enfants et jeunes ont été tués depuis 1998, dont nalité ; aucun recul significatif de celui-ci n’avait été 556 dans la seule année 2002. enregistré à la fin de l’année. En janvier, le Commissaire national pour la protection Les conditions économiques des couches les plus des droits humains a publié un rapport intitulé démunies de la société ont continué à se détériorer ; Informe Preliminar sobre Muertes Violentas de Niños, des cas de faim extrême et de malnutrition ont été Niñas y Adolescentes en Honduras (Rapport prélimi- signalés dans certaines zones rurales. La chute des prix naire sur la mort violente de garçons, de filles et d’ado- du café, ainsi que plusieurs mauvaises récoltes au lescents au Honduras). Le rapport a rejeté l’explication début de l’année, ont rendu la situation encore plus selon laquelle ces morts résulteraient de violences entre critique. Des manifestants ont protesté contre les plans bandes ; il a en revanche accrédité la thèse selon gouvernementaux visant à privatiser des services essen- laquelle elles seraient le résultat d’une entreprise de tiels tels que l’éducationt et la distribution de l’eau « purification sociale ». Il a aussi établi que la majorité (voir ci-après). des victimes n’avaient pas d’antécédents judiciaires, 203 HO contrairement à une idée répandue dans l’opinion Populations indigènes publique. Le nouveau gouvernement a promis que les commu- Le rapport de la rapporteuse spéciale des Nations nautés autochtones ne seraient plus laissées de côté et a unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou pris quelques engagements en vue de les protéger arbitraires concernant sa visite au Honduras en août contre toute discrimination. Cependant, des litiges 2001 a été rendu public en octobre. Dans ses observa- demeuraient concernant les droits fonciers et les res- tions finales, la rapporteuse spéciale indique que « des sources naturelles, et la discrimination persistait. enfants ont été tués par des membres des forces de sécurité » Au moins un dirigeant indigène a été tué en 2002. et que, dans nombre de cas, les victimes n’étaient pas Aucune enquête n’a été diligentée sur les meurtres de armées et n’avaient donné aux policiers aucune raison membres de communautés autochtones survenus au d’employer la force. La rapporteuse a fait observer que cours des années précédentes. le gouvernement n’avait pas indiqué clairement aux ✔ Au mois de mai, Luis Soto, membre de la tribu membres de la police qu’ils seraient traduits devant les xicaque, a été tué dans le département de Yoro. Bien tribunaux en cas de violation des droits humains. que l’homicide ait eu lieu en présence de témoins, Au mois de septembre, le ministère de la Sécurité a aucune enquête n’a été ordonnée par les autorités sur créé la Unidad Especial de Tratamiento de Muertes de les circonstances des faits. Menores (Unité spéciale d’enquête sur les morts de mineurs), lui donnant pour mission d’enquêter sur la Police nationale mort de 15 mineurs dont les dossiers avaient été pré- Selon certaines informations, des violations des droits parés et présentés par Casa Alianza, et d’en éclaircir les humains auraient été commises par des membres de la circonstances dans un délai de quatre-vingt-dix jours. police nationale, en particulier lors de manifestations. À la fin de l’année rien n’avait encore été fait. ✔ En octobre, la police aurait tenté de disperser des Le gouvernement en place, tout comme le précédent, manifestants en employant des gaz lacrymogènes, des a régulièrement omis de répondre aux demandes lances à eau, des bâtons et des matraques. Parmi les d’enquête sur ces morts et de prendre des mesures manifestants se trouvaient des professeurs et des propres à assurer la protection des personnes en dan- employés des services de l’eau et des égouts qui protes- ger. Le manque d’empressement de la police et de taient contre des projets de privatisation et la mise en l’appareil judiciaire à respecter les procédures les plus place de services payants dans l’enseignement public. élémentaires en vigueur dans les cas de mort violente Un des dirigeants du syndicat des enseignants a été constituait un autre motif de préoccupation. frappé au visage alors qu’il était immobilisé par plu- sieurs agents de police. Défenseurs des droits humains Cette année encore, les défenseurs des droits humains La Cour pénale internationale ont été exposés à des violences. Personne n’a été tra- En juillet, le Honduras a ratifié le Statut de Rome de la duit en justice pour les atteintes aux droits fondamen- Cour pénale internationale (CPI). En septembre, toute- taux dont ils ont été victimes au cours des années fois, l’État signait un accord avec les États-Unis par précédentes. lequel il s’engageait à ne pas procéder à l’extradition de ✔ Au mois d’août, José Santos Callejas, membre du soldats américains passibles de poursuites devant la CPI. Comité de Derechos Humanos en Honduras (CODEH, Amnesty International a demandé aux autorités de Comité pour la défense des droits humains au réexaminer cet accord et de ne pas adopter de mesures Honduras) de la communauté de San Antonio (muni- qui seraient contraires aux obligations que le Honduras cipalité de La Masica, département d’Atlántida), a été a contractées aux termes du droit international, à savoir abattu par au moins deux inconnus alors qu’il quittait de veiller à ce que les auteurs présumés de génocide, de l’école où il donnait des cours d’alphabétisation. Deux crimes contre l’humanité ou de crimes de guerre soient semaines auparavant, il avait échappé de peu à une poursuivis en justice et les coupables punis.◆ tentative d’homicide. José Santos Callejas apportait son soutien aux victimes de violences dans la région. Peu de temps après sa mort, la police a entrepris une enquête dont les conclusions n’étaient pas connues à la fin de l’année. Mise à jour Aucun progrès n’a été constaté dans l’affaire concer- nant Carlos Roberto Flores, dirigeant associatif et militant écologiste abattu au mois de juin 2001 devant sa maison d’El Ocotal (municipalité de Gualaco, département d’Olancho). Bien qu’en août 2001, des poursuites aient été engagées contre cinq gardes char- gés de la sécurité, et que des mandats d’arrêt aient été délivrés contre eux, aucune procédure ultérieure n’était intervenue à la fin de 2002. 204 HO HONGRIE RÉPUBLIQUE DE HONGRIE RÉP. TCHÈQUE

CAPITALE : Budapest UKRAINE SUPERFICIE: 93 030 km2 SLOVAQUIE POPULATION: 9,9 millions AUTRICHE CHEF de l’ÉTAT: BUDAPEST Ferenc Mádl ROUMANIE HONGRIE CHEF du GOUVERNEMENT : Viktor Orbán, remplacé par SLOVÉNIE 0 200 km Peter Medgyessy le 27 mai CROATIE YOUGOSLAVIE PEINE DE MORT: abolie COUR PÉNALE générale dont étaient victimes les Rom, ainsi que « le INTERNATIONALE: nombre excessivement élevé de Roms dans les prisons, les Statut de Rome ratifié mauvais traitements dont ils seraient victimes pendant la garde à vue, et le maintien d'écoles séparées ». Il s’est déclaré préoccupé à la fois par la durée de la phase ini- es mauvais traitements perpétrés par des tiale de détention provisoire (jusqu'à soixante-douze policiers sur des détenus ont constitué, cette heures) et par les difficultés que les détenus rencon- Lannée de nouveau, un sujet de préoccupation. traient pour prendre contact avec leur famille et Certaines des victimes étaient des Rom consulter un avocat, en particulier lorsqu'ils n’avaient (Tsiganes). Une nouvelle réglementation a pas les moyens d'engager leur propre défenseur. Le encore porté atteinte aux droits des demandeurs Comité s’est également dit profondément préoccupé d’asile et amoindri leur protection. par la pratique de la détention provisoire dans les locaux de la police, où les risques de mauvais Mauvais traitements traitements étaient élevés. Il s’est en outre inquiété du Des brutalités policières ont continué d’être signalées, grand nombre d'informations faisant état de mauvais notamment contre des membres de la communauté traitements infligés par des services de police, du rom. nombre limité d'enquêtes menées en pareil cas, et du ✔ Au mois de novembre, six policiers auraient agressé nombre très restreint de condamnations dans les une quarantaine de Rom réunis à l’hôpital de affaires faisant l'objet d’une enquête Gyöngyös autour d’un proche décédé. « Je vais tous Le Comité a recommandé au gouvernement hongrois vous descendre, sales romanichels », aurait déclaré l’un de prendre des mesures pour se doter d'un texte légis- des policiers. Femmes et enfants auraient été poussés latif de portée générale contre la discrimination et de sans ménagement dans les escaliers, du troisième étage renforcer les mesures visant à améliorer la situation des jusqu’au rez-de-chaussée. Un fils du défunt aurait été Rom. Il l’a également invité à revoir les dispositions de attaché à une porte avec des menottes et roué de coups la nouvelle loi sur la procédure pénale en vue de de matraque. Cinq hommes ont ensuite été arrêtés et réduire la durée maximum autorisée de la garde à vue inculpés de coups et blessures sur la personne des poli- à quarante-huit heures, voire moins. Le Comité a en ciers. Le chef de la police locale aurait justifié le outre demandé aux autorités hongroises d’attirer l'at- recours à la force par la nécessité de « briser la résis- tention des juges sur les risques particuliers de mauvais tance des Rom », dont la conduite à l’hôpital consti- traitements dans les locaux de la police, et de prendre tuait, selon lui, un trouble à l’ordre public. des mesures appropriées pour garantir le droit qu'ont les détenus de contacter leur famille et d'obtenir une Le Comité des droits de l’homme des Nations unies assistance juridique. Le Comité a également appelé de Au mois d’avril, le Comité des droits de l’homme des ses vœux la mise en place d’un système indépendant Nations unies, examinant le quatrième rapport pério- d'enquête sur les plaintes relatives à des mauvais traite- dique de la Hongrie sur la mise en œuvre du Pacte ments infligés par des membres de la force publique. international relatif aux droits civils et politiques, a constaté avec inquiétude que ce pays ne disposait Demandeurs d’asile d’aucun texte législatif de portée générale contre la dis- Une nouvelle réglementation concernant les deman- crimination. Il a également déploré la discrimination deurs d’asile et, d’une manière générale, les étrangers 205 IN est entrée en vigueur au mois de janvier. Elle a fixé des la frontière ou s’étant présenté de son plein gré aux conditions encore plus restrictives pour les demandes pouvoirs publics. Il en résulte que, dans les mois qui d’asile. Celles-ci sont examinées en première et en ont suivi l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementa- deuxième instance par un même service qui fait partie tion, des personnes en quête d’asile ont été menacées du ministère de l’Intérieur et qui semble jouir d’une d’expulsion vers les pays qu’elles avaient fuis (en parti- indépendance très limitée. Ce service est également culier l’Irak). En contravention avec le droit interna- chargé de la police des étrangers, une fonction qui a tional, les autorités semblent décider de renvoyer ou priorité sur ses attributions en matière de demandes non un demandeur d’asile non pas en prenant en d’asile. Ainsi, un demandeur d’asile qui se présente compte les risques qu’une telle mesure ferait courir à rapidement et de son plein gré aux autorités, mais qui l’intéressé, mais plutôt en se fondant sur des directives est entré clandestinement en Hongrie, peut faire générales internes relatives à tel ou tel pays. l’objet d’une décision d’expulsion pour immigration Il est également devenu encore plus difficile pour un illégale, alors même qu’il ne peut être renvoyé à demandeur d’asile placé en détention de prendre l’étranger tant que sa demande d’asile n’a pas été exa- contact avec un défenseur, aux termes d’un décret minée. La personne peut alors passer jusqu’à un an en ministériel limitant les contacts aux seuls avocats ayant détention, et être finalement expulsée. déjà obtenu au moins une autorisation orale. En sep- La nouvelle réglementation dispose en outre que les tembre, des avocats travaillant pour le Comité Helsinki services de police chargés des étrangers n’ont plus de Hongrie, une organisation hongroise de défense des besoin de solliciter un « avis d’expert » auprès des auto- droits humains, ont obtenu de pouvoir se rendre, mal- rités chargées des questions relatives aux réfugiés avant gré certaines restrictions, dans des prisons où des d’ordonner le renvoi d’un demandeur d’asile arrêté à demandeurs d’asile ont pu leur demander conseil.◆ INDE RÉPUBLIQUE DE L’INDE CAPITALE : New Delhi Srinagar CHINE SUPERFICIE: 3 065 027 km2 PAKISTAN POPULATION: 1,04 milliard NÉPAL CHEF de l’ÉTAT: Kocheril Raman Narayanan, remplacé NEW DELHI BHOUTAN par Abdul Kallam le 25 juillet INDE BANGLADESH CHEF du GOUVERNEMENT : Calcutta Atal Behari Vajpayee MYANMAR PEINE DE MORT: maintenue Mumbai golfe du Bengale COUR PÉNALE INTERNATIONALE: mer d'Oman océan Indien Statut de Rome non signé Madras îles Andaman

îles Laquedives SRI îles es représentants du gouvernement fédéral et LANKA Nicobar des États ainsi que les agents non Lgouvernementaux ont de plus en plus souvent 0 900 km remis en cause le droit des minorités à l’égalité, INDONÉSIE pourtant clairement énoncé par la Constitution. Les membres des minorités religieuses, et plus particulièrement les musulmans, ont été la cible matière de sécurité, qui confère à la police de d’un nombre croissant d'atteintes à leurs droits vastes pouvoirs d'arrestation et de placement en fondamentaux. Dans l'État du Gujarat, les détention, a été utilisée abusivement pour musulmans ont été victimes de massacres qui réprimer la dissidence politique tant dans les auraient été planifiés par des groupes régions en proie au conflit armé que dans les nationalistes avec la connivence des autorités. La autres parties du pays. Les défenseurs des droits nouvelle législation particulièrement stricte en humains ont été fréquemment harcelés par les 206 IN autorités et par les agents non gouvernement de l'Andhra Pradesh et des groupes naxa- gouvernementaux, et leurs activités ont été lites (gauche armée) ont échoué en juillet. dénoncées comme « antinationales ». Il était Dans le cadre de la libéralisation de l'économie, les toujours difficile aux personnes appartenant aux projets de développement économique ont continué catégories socioéconomiques défavorisées, de porter atteinte au droit des communautés locales notamment aux membres des basses castes et d'accéder aux ressources naturelles ; ils ont en outre aux femmes, d'accéder au système de justice entraîné d’importants déplacements de population. pénale, qui restait extrêmement lent et manquait de moyens. les protections politiques et certaines Massacres au Gujarat dispositions spécifiques des lois relatives à la Le 27 février un train a été attaqué à Godhra (État du sécurité permettaient aux membres des forces de Gujarat), et 59 passagers, probablement tous hindous, sécurité de bénéficier d'une quasi-impunité pour ont été tués. Des violences sans précédent visant la les violations des droits humains commises dans communauté musulmane se sont alors propagées dans le passé. Les observateurs internationaux de la tout l'État et se sont poursuivies pendant trois mois. situation des droits humains, et notamment Ces attaques auraient été orchestrées par des groupes les experts indépendants des Nations unies nationalistes hindous. Selon certaines sources, les auto- et les organisations internationales de défense rités de l’État, l'administration et la police n'auraient des droits fondamentaux, étaient empêchés pas pris de mesures suffisantes pour protéger les civils ; de facto de se rendre dans les régions en proie elles auraient été, dans de nombreux cas, complices des au conflit armé ; ils n'avaient par ailleurs agresseurs et auraient pris part activement aux vio- qu'un accès très limité au reste du pays. lences. Les groupes de défense des droits humains esti- ment que 2 000 à 2 500 personnes ont trouvé la mort. Contexte Des maisons, des lieux de culte et des moyens de sub- L'Alliance nationale démocratique, conduite par le sistance de milliers de civils ont également été détruits. Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien), est Quelque 140 000 personnes ont fui leur foyer à la suite restée au pouvoir pendant toute l'année. Les élections des massacres ; beaucoup étaient sans abri à la fin de qui ont eu lieu en février dans plusieurs États y ont mis l'année. Le gouvernement du Gujarat a failli à son en évidence l'affaiblissement croissant du BJP et le devoir de porter secours aux survivants et de les aider à retour du Congress Party (Parti du Congrès). En se réinstaller. La police qui avait été accusée de collu- décembre, cependant, le BJP a remporté les élections au sion avec les agresseurs a elle-même été chargée de Gujarat avec un programme communautaire. Au mener des enquêtes sur les massacres, ce qui a mis à niveau national, cette victoire a renforcé la position des mal le processus devant permettre aux victimes d'obte- extrémistes hindous à l’intérieur du parti. Un gouverne- nir justice. Une commission d'enquête a été désignée ment de coalition regroupant le People's Democratic pour établir les responsabilités des violences, mais ses Party (PDP, Parti démocratique du peuple) et le Parti du progrès étaient extrêmement lents. Amnesty Congrès est entré en fonction en novembre dans l'État International a demandé l'autorisation d'envoyer une de Jammu-et-Cachemire où les élections ont mis fin à la délégation au Gujarat en juillet pour enquêter sur les domination exercée depuis plusieurs décennies par le violences, autorisation qui a été refusée. National Conference (Parti de la conférence nationale) sur la politique locale. Législation relative à la sécurité Les tensions entre l'Inde et le Pakistan, deux puis- La Prevention of Terrorism Act (POTA, Loi relative à la sances nucléaires, ont été exacerbées après que le gou- prévention du terrorisme), en vigueur depuis octobre vernement indien eut réaffirmé que les groupes armés 2001 sous forme d'ordonnance, a été approuvée par le d’opposition au Cachemire étaient soutenus par le Parlement en mars. Elle confère à la police de vastes Pakistan. Cette affirmation a été légitimée sur le plan pouvoirs en matière d'arrestation et prévoit le main- international dans le cadre de la campagne contre le tien en détention des suspects politiques, sans inculpa- « terrorisme » menée par les États-Unis et soutenue tion ni jugement, pendant une durée qui peut aller par le gouvernement indien. Il en est résulté une esca- jusqu’à six mois. Cette loi introduit de facto un certain lade militaire à la frontière indo-pakistanaise, où la contrôle politique dans la procédure judiciaire et tension n’est retombée qu'au mois d'octobre. réduit la portée des règles de la preuve énoncées par la Les groupes nationalistes hindous ont continué de pro- législation indienne. Elle a été utilisée au cours de l'an- mouvoir leur programme communautaire, qui compre- née pour emprisonner des opposants politiques, nait notamment la reconstruction d'un temple hindou à notamment dans l'État de Jammu-et-Cachemire ; elle Ayodhya sur le site où une mosquée avait été détruite en a aussi été appliquée dans d'autres États, dont 1992. Ils ont eu recours pour cela à la violence et à l'in- l'Andhra Pradesh, le Bihar, le Jharkhand, le Tamil filtration des institutions, ce qui a entraîné une frag- Nadu, l'Uttar Pradesh et le territoire de l'Union mentation croissante de la société selon des bases indienne de New Delhi. De nouvelles lois relatives à la religieuses. Le processus de paix engagé entre le gouver- sécurité similaires à la POTA ont été promulguées au nement central et des groupes armés naga dans le nord- niveau des États en Andhra Pradesh, en Arunachal est du pays n'a pas progressé. Les pourparlers entre le Pradesh, au Karnataka et dans le territoire de l'Union 207 IN indienne de New Delhi. Les autorités ont continué Discrimination d'utiliser la Terrorist and Disruptive Activities Comme les années précédentes, les personnes apparte- (Prevention) Act (TADA, Loi de 1987 relative à la pré- nant à des catégories socioéconomiques défavorisées vention des activités terroristes et déstabilisatrices), comme les femmes, les dalits (opprimés), les adivasis devenue caduque, pour placer en détention des per- (aborigènes) et les membres des minorités religieuses, sonnes dans l'État de Jammu-et-Cachemire en reliant ont été victimes de la discrimination exercée à leur leur affaire à des procédures en instance ouvertes avant égard tant par la police et le système de justice pénale 1995. Plusieurs centaines de personnes étaient appa- que par des agents non gouvernementaux, malgré remment maintenues en détention en vertu de la l'existence de lois visant à protéger certains de ces TADA. Les dispositions en matière d'arrestation et de groupes. Ces personnes risquaient tout particulière- détention préventive contenues dans les lois relatives à ment d'être victimes d'actes de torture et de mauvais la sécurité et dans le Code de procédure pénale ont traitements qui restaient monnaie courante dans tout également été utilisées contre des militants politiques le pays. La poursuite de la campagne contre le « terro- et des défenseurs des droits humains. risme » ainsi que l'aggravation de la tension entre l'Inde et le Pakistan conféraient une légitimité indue Impunité aux différentes formes de discrimination à l'égard de la Les membres des forces de sécurité impliqués dans des minorité musulmane ; celle-ci était notamment la violations des droits humains continuaient de bénéfi- cible d'actes de violence et privée d'accès à la justice. cier d'une quasi-impunité grâce aux dispositions La police continuait de faire un usage excessif de la contenues dans les lois d'exception relatives à la sécu- force contre les communautés adivasis qui protestaient rité, dont la POTA, ainsi que dans la Loi de 1993 rela- contre leur déplacement, provoqué par la construction tive à la protection des droits humains. Cette tendance de grands barrages ou par des projets industriels. était renforcée par les protections politiques ainsi que L'attention de la communauté internationale conti- par le fait que les recommandations émises par diffé- nuait de se porter sur les droits fondamentaux des rentes commissions d'enquête restaient souvent lettre dalits; le Comité des Nations unies pour l'élimination morte. Au Pendjab, dans les années 80 et au début des de la discrimination raciale a notamment organisé, en années 90, plusieurs milliers de personnes ont « disparu » août, une discussion thématique sur la discrimination ou auraient été victimes d’exécutions extrajudiciaires basée sur l'origine. Toutefois, les communautés dalits imputables aux forces de sécurité ; les investigations étaient toujours l'objet de réactions violentes lors- confiées à la Commission nationale des droits qu'elles réclamaient le respect de leurs droits ; en outre humains ont peu progressé. Ceci révélait que l'obliga- leur possibilité d'accès au système de justice pénale tion pour les forces de sécurité déployées dans les pour obtenir réparation demeurait limitée. régions en proie au conflit armé de rendre compte de leurs actes n'était pas une priorité. Défenseurs des droits humains Dix ans après les émeutes intercommunautaires de Les défenseurs des droits humains étaient de plus en Mumbai (Bombay) qui avaient entraîné la mort de plus isolés, leurs activités étant fréquemment dénon- 1788 personnes, et cinq ans après que la commission cées comme « antinationales » par les autorités et par d'enquête Srikrishna eut mis en cause plusieurs poli- des agents non gouvernementaux. C'était particulière- ciers accusés d'avoir soutenu activement des groupes ment le cas lorsqu'ils tentaient d'évoquer leurs préoc- hindous violents pendant ces troubles, aucune mesure cupations relatives aux droits humains dans le cadre de significative n'avait encore été prise pour traduire les débats sur la sécurité du pays. Tout au long de l'année, responsables présumés en justice. des militants ont subi des manœuvres de harcèlement Dans son programme commun minimum rendu de la part d’agents de l'État et de personnes privées. public au mois d’octobre, le nouveau gouvernement Leurs activités légitimes ont fait l’objet de nombreux de l'État de Jammu-et-Cachemire s'est engagé à cas d'ingérence indue, et on a également signalé des ordonner l’ouverture d’une enquête sur tous les cas menaces physiques et verbales, des inculpations men- d'atteintes aux droits humains signalés. Amnesty songères faites par la police pour les intimider ou les International a rappelé aux autorités de cet État qu'un placer en détention, des recours à l'arrestation préven- grand nombre d'atteintes aux droits humains perpé- tive et à la détention ainsi que des actes de violence, y trées par le passé n'avaient fait l'objet d'aucune compris quelques homicides. enquête indépendante. Elle leur a demandé de rendre ✔ Le 19 juin, Navleen Kumar, une militante qui œuvrait publiques les conclusions des commissions d'enquête en faveur de la protection des droits fonciers des commu- désignées par le gouvernement précédent, notamment nautés tribales, a été tuée à coups de couteau à son domi- la commission Pandian sur les homicides illégaux per- cile de Nallasopara, dans le district de Thane (État du pétrés en avril 2000, et de les mettre en application. Maharashtra). La police a interpellé quatre personnes qui Le rapporteur spécial des Nations unies sur l’indépen- étaient, semble-t-il, liées aux entrepreneurs locaux et à la dance des juges et des avocats et le rapporteur spécial sur mafia foncière et qui opéraient dans la région avec le sou- les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires tien de certains éléments de l'administration locale. Les n’avaient toujours pas reçu, à la fin de l’année, de réponse poursuites ont apparemment été suspendues après la à leur demande d’autorisation de se rendre dans le pays. remise en liberté sous caution de ces quatre personnes. 208 IN Le représentant spécial du secrétaire général des toutefois affirmé qu'il fallait prononcer davantage de Nations unies sur la situation des défenseurs des droits condamnations dans les affaires de viol plutôt que de l’homme et le rapporteur spécial sur la promotion recourir à la peine capitale. La promulgation en mars et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'ex- de la POTA (Loi relative à la prévention du terrorisme) pression n'avaient toujours pas été invités à la fin de a étendu le champ d'application de cette peine aux l'année à se rendre dans le pays. actes de « terrorisme » entraînant mort d'homme. La POTA laisse la porte ouverte à des procès inéquitables, Exactions des groupes d’opposition armés ce qui renforce les inquiétudes quant à l’application de Des groupes armés actifs au Cachemire et dans les la peine de mort. En effet la nécessité de combattre le États du Nord-Est ont continué à prendre pour cible « terrorisme » est parfois considérée, en l'absence d'élé- des civils, les torturant ou les tuant délibérément. Ces ments de preuve tangibles, comme une justification groupes ont intensifié leurs activités dans la période suffisante pour appliquer cette sentence. précédant les élections au Cachemire et tué de nom- ✔ Davinder Pal Singh Bhuller, condamné à mort breuses personnes, dont le ministre de la Justice de pour des actes de « terrorisme » qu'il aurait commis en l'État et plusieurs candidats. Huit cent trente homi- 1993, a interjeté appel, en décembre 2001, auprès de cides imputables aux agents de l'État et aux groupes la Cour suprême. Son appel a été rejeté par deux des d'opposition ont été recensés entre le début du mois trois juges, qui l'ont déclaré coupable sur la base de ses d'août et le scrutin de la mi-octobre. Des civils ont « aveux». Cet homme s'était rétracté après avoir également été victimes d'exactions perpétrées par des affirmé que ses déclarations, qui n’ont été corroborées groupes armés naxalites dans certaines régions de par aucun autre élément de preuve, avaient été extor- l'Andhra Pradesh, du Bihar, du Madhya Pradesh, de quées sous la torture. Le troisième juge a conclu à l'in- l'Orissa et du Bengale occidental. nocence de Davinder Pal Singh Bhuller, ce qui est inhabituel. La décision contestée rendue en appel a été Commissions des droits humains confirmée à la mi-décembre par un collège de trois La Commission nationale des droits humains a pris juges siégeant à la Cour suprême. une position indépendante à la suite des violences au Gujarat. Elle a recommandé au gouvernement local de Visites d'Amnesty International prendre des mesures préventives pour protéger les Des délégués d'Amnesty International se sont rendus minorités, de faire en sorte que justice soit rendue et en Inde en avril ; ils ont rencontré un certain nombre que les victimes d'actes de violence ainsi que leurs de responsables, entre autres du gouvernement, ainsi proches bénéficient de secours et d’une aide à la que des groupes de défense des droits humains. L'accès réadaptation. Toutefois, le gouvernement du Gujarat au pays pour effectuer une mission de recherche au n'a pratiquement pas tenu compte des recommanda- Gujarat à l'issue des massacres a été de facto refusé par tions de la Commission. Celle-ci avait en outre recom- les autorités en juillet.◆ mandé en 2000 certaines modifications à la Loi de 1993 relative à la protection des droits humains, en Autres documents d'Amnesty International vertu de laquelle elle a été créée, mais le gouvernement India: Evaluation of the South Asia Human Rights n'a pas examiné ces modifications dans le courant de Defenders Project [Inde. Évaluation l’année. La Commission nationale des droits humains du projet des défenseurs des droits humains n'a donc pas été en mesure d'enquêter sur les viola- en Asie du Sud] (ASA 04/002/02). tions présumées de ces droits perpétrées par les forces India: The state must ensure redress for the armées et paramilitaires ni sur les faits qui se sont pro- victims. A memorandum to the Government duits plus d'un an avant qu'une plainte n’ait été dépo- of Gujarat on its duties in the aftermath of the violence sée. Les recommandations de la Commission n'étaient [Inde. L'État doit accorder réparation aux victimes. pas contraignantes et elles n'étaient que très peu appli- Mémorandum au gouvernement du Gujarat à propos quées par les gouvernements auxquels elles s’adres- de ses devoirs à l'issue des violences] saient. Les commissions locales des droits humains (ASA 20/005/02). créées dans 13 des 28 États continuaient de manquer Inde. Lettre ouverte au ministre de la Justice de moyens et de personnel compétent. à propos du procès d'Abdul Rehman Geelani et de trois autres accusés (ASA 20/011/02). Peine de mort India: Open letter to the Chief Minister Mufti Au moins 29 personnes ont été condamnées à mort au Mohammad Sayeed [Inde. Lettre ouverte cours de l'année. On ignorait si des exécutions avaient au Chief Minister Mufti Mohammad Sayeed] eu lieu et quel était le nombre exact des sentences capi- (ASA 20/020/02). tales prononcées, le gouvernement indien ne publiant pas de statistiques sur l'application de la peine de mort. En novembre, le Parlement et le gouvernement central se sont déclarés favorables à ce que le champ d'applica- tion de la peine de mort soit étendu au viol. La majo- rité des groupes de défense des droits des femmes ont 209 IN INDONÉSIE

VIÊT-NAM THAïLANDE PHILIPPINES Banda Aceh BRUNÉI océan Pacifique DARUSSALAM MALAISIE mer SINGAPOUR MALAISIE des Célèbes PAPOUASIE- NOUVELLE- GUINÉE Kalimantan Sulawesi Moluques Sumatra Papouasie océan Indien DJAKARTA Java TIMOR-LESTE INDONÉSIE

0 1200 km AUSTRALIE

RÉPUBLIQUE D’INDONÉSIE n’a fait que renforcer le phénomène de l’impunité. Au moins neuf personnes ont été CAPITALE : Djakarta condamnées à des peines d’emprisonnement SUPERFICIE : 1 919 445 km2 pour avoir exprimé leurs opinions et quatre POPULATION : 217,5 millions autres attendaient, à la fin de l’année, d’être jugées pour des motifs de même nature. Des CHEF de l'ÉTAT défenseurs des droits humains ont eux-mêmes et du GOUVERNEMENT : été en butte à des atteintes à leurs droits Megawati Sukarnoputri fondamentaux (exécutions extrajudiciaires, torture, arrestations arbitraires notamment). PEINE DE MORT : maintenue COUR PÉNALE Contexte INTERNATIONALE : Les réformes ont avancé dans certains domaines. Un mode d’élection présidentielle au suffrage direct a été Statut de Rome non signé adopté et les autorités ont annoncé qu’il serait mis fin d’ici à 2004 au système tant décrié consistant à réser- a situation en matière de droits humains est ver un certain nombre de sièges parlementaires à restée très préoccupante dans les provinces l’armée et à la police. La réforme du système judiciaire Lde Nanggroe Aceh Darussalam et de Papouasie n’a cependant guère progressé et les projets de révision (anciennement désignées sous les noms d’Aceh du Code pénal et du Code de procédure pénale n’ont et d’Irian Jaya), où des centaines d’exécutions pas encore été mis en œuvre cette année. extrajudiciaires, de « disparitions », de cas de Un certain nombre de procès pour corruption très torture et d’arrestations illégales ont été médiatisés ont eu lieu cette année. Ils n’ont en rien signalés. L’incapacité du gouvernement à se amélioré l’image qu’avait la population du système mobiliser pour mettre un terme aux atteintes judiciaire et de l’élite politique du pays. Parmi les per- aux droits humains a compromis les efforts de sonnes condamnées à une peine d’emprisonnement à résolution de conflits qui étaient eux-mêmes l’issue d’un de ces procès figurait Akbar Tandjung, la résultante d’une longue période de leader du Golongan Karya (littéralement groupe fonc- revendications indépendantistes. Le tribunal tionnel), connu sous l'acronyme Golkar, l’un des prin- spécial des droits humains pour le Timor cipaux partis politiques. Malgré sa condamnation, oriental n’a pas su juger de manière satisfaisante celui-ci n’a pas renoncé à son poste à la tête de sa for- les auteurs de crimes graves, y compris de mation ni à ses fonctions de président du Parlement, crimes contre l’humanité, commis en 1999 au la Dewan Perwakilan Rakyat (DPR, Chambre des Timor oriental (Timor-Leste depuis 2002), et cela représentants du peuple). 210 IN Législation sécuritaire Des centaines d’autres crimes graves perpétrés au Un Décret gouvernemental sur l’élimination du terro- Timor oriental en 1999 n’ont donné lieu à aucune risme a été promulgué au lendemain de l’attentat à la enquête. L’Indonésie a également persisté dans son bombe commis le 12 octobre contre une discothèque refus de coopérer dans les enquêtes et les procès menés de Bali, dans lequel près de 200 personnes ont trouvé au Timor-Leste. Elle a notamment omis de transférer la mort. Ce Décret punissait de la peine de mort cer- au Timor-Leste des nationaux indonésiens ou des per- tains actes considérés comme relevant du « terrorisme ». sonnes résidant en Indonésie qui faisaient l’objet de Il ne garantissait pas suffisamment le droit des suspects mandats d’arrêt émis par le Groupe d'enquête sur les à bénéficier d’un procès équitable, notamment le droit crimes graves (ONU). à la présomption d’innocence et le droit d’être assisté Autres affaires en suspens d’un avocat. Une loi destinée à se substituer à ce texte Rien ou presque n’a été fait pour traduire en justice les a été soumise au Parlement, mais elle n’avait pas été auteurs présumés d’autres atteintes aux droits adoptée à la fin de l’année. humains. Des milliers d’affaires n’ont donné lieu à Quinze personnes ont été arrêtées dans le cadre de aucune enquête et, dans les quelques cas où des inves- l’enquête sur l’attentat de Bali. Un dignitaire religieux tigations ont été effectuées il n’y a pas eu de procès, à musulman a été interpellé pour le rôle qu’il aurait joué une exception près. Trois enquêtes menées sur des dans d’autres attentats perpétrés ces dernières années affaires particulièrement graves de crimes contre en Indonésie. Il était à craindre que les procès de ces l’humanité n’ont finalement débouché sur aucune personnes ne soient pas conformes aux normes inter- inculpation ni aucun jugement. nationales d’équité. En janvier, un tribunal militaire a condamné neuf membres de la Brigade Mobil (Brimob, brigade de Impunité police mobile) à des peines comprises entre trois et six Les tentatives visant à en finir avec l’impunité n’ont années d’emprisonnement pour leur responsabilité guère donné de résultats. Les résistances des milieux dans la mort de quatre étudiants de l’université politiques et les faiblesses des systèmes juridique et ins- Trisakti à Djakarta, tués par balles en 1998. Un cer- titutionnel compromettaient toujours les enquêtes et tain nombre de hauts responsables de l’armée et de la les procès des individus soupçonnés d’avoir commis police ont cependant refusé de comparaître devant la des atteintes aux droits humains. commission chargée d’enquêter sur l’exécution extra- Les quatre tribunaux permanents chargés de juger les judiciaire de ces quatre étudiants et des 19 autres, auteurs de telles violences, prévus par une loi adoptée voire plus, qui ont été tués à Djakarta, en 1998 et en 2000, n’avaient toujours pas été mis en place à la 1999, lorsque les forces de sécurité ont ouvert le feu fin de l’année. Ces tribunaux devaient être compétents sur des manifestants. La commission a indiqué au pour juger les auteurs présumés de crimes contre mois d’avril 2002 que 49 membres de la police ou de l’humanité et d’actes de génocide. l’armée étaient impliqués dans ces homicides. Elle a Procès au Timor-Leste recommandé au procureur général de poursuivre Un tribunal spécial s’est réuni au mois de mars pour l’enquête sur cette affaire, mais rien n’avait été fait en examiner les affaires de crimes contre l’humanité per- ce sens à la fin de l’année. pétrés au Timor-Leste avant et après le référendum Les services du procureur général ont envoyé un sur l’indépendance (août 1999). Dix-huit personnes groupe d’enquêteurs en Papouasie au mois d’avril, au ont été jugées pour leur rôle présumé dans quatre vu des conclusions d’une autre commission d’enquête, affaires. Abilio Jose Osorio Soares, ancien gouverneur qui avait recueilli un certain nombre d’éléments ten- provincial du Timor oriental, le lieutenant-colonel dant à prouver que des atteintes graves aux droits Sujarwo, commandant des forces armées de Dili, et humains avaient été commises à Abepura en décembre Eurico Guterres, chef de la milice, ont été respective- 2000. Trois étudiants auraient notamment été tués et ment condamnés à trois, cinq et dix ans d’emprison- une centaine d’autres auraient été illégalement placés nement. Onze autres accusés ont été acquittés. Les en détention et torturés. Aucune inculpation n’avait quatre derniers procès n’étaient pas encore terminés à été prononcée dans cette affaire à la fin de l’année. la fin de l’année. Amnesty International a fait part de Quatorze personnes, dont le chef du Komando son inquiétude quant à l’attitude du parquet qui, Pasukan Khusus (KOPASSUS, commandement des selon elle, n’avait pas poursuivi les accusés en bonne forces spéciales), ont été citées comme suspects dans et due forme, dans le respect du droit international. l’affaire du massacre de Tanjung Priok (Djakarta), En effet, certains éléments de preuve pertinents et perpétré en 1984 par les forces de sécurité, qui avaient dignes de foi n’ont pas été pris en compte par les pro- ouvert le feu sur des manifestants. Ces personnes cureurs saisis des affaires. Le parquet n’a pas démon- n’avaient pas été traduites en justice à la fin de l’année. tré la nature généralisée et systématique des crimes commis au Timor oriental en 1999 ; en outre, les Répression des mouvements indépendantistes témoins et les victimes n’ont pas bénéficié lors de ces Nanggroe Aceh Darussalam procès d’une protection suffisante ; plusieurs témoins Le dialogue engagé entre le gouvernement et les oppo- ont refusé de comparaître parce que leur sécurité ne sants armés du Gerakan Aceh Merdeka (GAM, pouvait pas être garantie. Mouvement pour l’Aceh libre) a débouché en 211 IN décembre sur la signature d’un accord de cessez-le-feu, du PDP, Theys Eluay. À la fin de l’année sept personnes présenté comme une première étape sur la voie de la avaient été inculpées. Leurs procès devant un tribunal résolution de la crise. Les organisations locales de militaire devaient s’ouvrir en janvier 2003. défense des droits humains estimaient que le conflit Un certain nombre d’atteintes aux droits humains ont avait fait plus de 1 300 victimes en 2002. été commises au cours d’activités d’exploitation des De très nombreuses arrestations illégales, par la police ressources minières et forestières de Papouasie. Ainsi, et par l’armée, ont été signalées. La torture et les mau- un Indonésien et deux citoyens des États-Unis ont été vais traitements des détenus restaient monnaie cou- tués au mois d’août, lors d’une attaque menée près de rante. Les victimes étaient aussi bien des personnes la mine PT Freeport Indonesia, dans le district de soupçonnées d’appartenir ou d’être favorables au GAM Mimika. L’armée en a rejeté la responsabilité sur le que des militants politiques ou des défenseurs des groupe rebelle Organisasi Papua Merdeka (OPM, droits humains. Dans certains cas, des proches de Organisation de la Papouasie libre). La police et plu- membres présumés du GAM ont été mis en détention sieurs organisations locales de défense des droits à la place de ces derniers. Il est arrivé que les forces de humains ont toutefois déclaré publiquement qu’elles sécurité exigent des sommes d’argent pour relâcher soupçonnaient l’armée indonésienne d’être impliquée telle ou telle personne. dans ces homicides. Le GAM s’est lui aussi rendu responsable de graves Le sous-district de Wasior (district de Manokwari) res- exactions, n’hésitant pas à se livrer à des enlèvements tait interdit d’accès depuis le déclenchement, en 2001, et à des homicides illégaux. L’accord de cessez-le-feu d’opérations de police visant à arrêter les auteurs présu- ne prévoyait rien pour que les victimes d’atteintes aux més de deux attaques menées contre des entreprises droits humains et leurs familles obtiennent justice. d’exploitation forestière. Vingt-sept personnes appré- ✔ Junaidi, responsable du mouvement indépendan- hendées lors de ces opérations ont été condamnées à des tiste Sentral Informasi Referendum Aceh (SIRA, Centre peines d’emprisonnement à l’issue de procès non équi- d’information sur le référendum en Aceh) pour le dis- tables. Toutes avaient été remises en liberté à la fin de trict d’Aceh Besar, a été arrêté le 8 janvier par des sol- l’année, sauf Marthinus Septinus Daisiwa, condamné à dats du Komando Strategis Angkatan Darat (KOSTRAD, sept ans d’emprisonnement. Les allégations selon les- commandement de la réserve stratégique), puis a « dis- quelles les 27 accusés auraient été torturés et victimes de paru ». Il a pu téléphoner à l’un de ses proches pour diverses autres violations de leurs droits fondamentaux dire qu’il était détenu dans la région de Seulimeum, n’ont donné lieu à aucune enquête. une sous-division du district d’Aceh Besar. L’armée a ✔ Quarante-neuf personnes ont été arrêtées pour affirmé ne pas détenir Junaidi. avoir participé, en novembre et décembre, à des céré- ✔ Hasan Basri, cinquante ans, originaire du sous- monies pacifiques visant à exprimer leur soutien à district de Krueng Sabee (district d’Aceh occidental) a l’indépendance. Quarante et une d’entre elles étaient passé cinq mois en détention, aux mains de l’armée. Il originaires de Manokwari, chef-lieu du district du a été torturé. Il a notamment été menacé de mort et même nom. Ces 41 personnes ont, dans un premier contraint d’assister à l’exécution d’un autre prisonnier. temps, été détenues sans pouvoir communiquer ni Il aurait été arrêté parce que l’armée soupçonnait avec des avocats ni avec leurs proches. Huit d’entre apparemment deux de ses enfants d’appartenir au elles étaient toujours en détention à la fin de l’année. GAM. Des avocats qui ont essayé d’entrer en contact avec lui ont fait l’objet de menaces de mort. Prisonniers d’opinion Papouasie Les autorités ont eu davantage recours, cette année, à Les initiatives en vue d’une solution pacifique aux pro- des lois répressives pour arrêter et incarcérer des indivi- blèmes politiques et autres que connaissait la Papouasie dus pour des raisons d’opinion. Deux personnes ont été ont cette année encore été compromises par les viola- condamnées à des peines d’emprisonnement et trois ont tions des droits humains perpétrées par les forces de été inculpées d’insulte au chef de l’État, au titre d’une sécurité. Les restrictions qui pesaient sur la liberté loi qui n’avait pas été utilisée depuis 1998. Sept autres, d’expression limitaient sérieusement les activités du dont des militants syndicaux et indépendantistes, ont mouvement indépendantiste civil. Les procès de trois été condamnées en vertu d’autres lois à des peines membres éminents de la principale formation politique d’emprisonnement en raison de leurs activités, pourtant indépendantiste, le Presidium Dewa Papua (PDP, pacifiques. Un autre militant politique qui, s’il était Conseil du présidium de Papouasie), se sont poursuivis. condamné, serait considéré comme un prisonnier d’opi- Les trois hommes ont été acquittés en mars des charges nion, était toujours en attente de jugement fin 2002. qui pesaient sur eux et qui étaient liées à leurs activités ✔ Muzakkir et Nanang Mamija ont été condamnés au politiques non violentes. Quatre membres de la cellule mois d’octobre à un an d’emprisonnement chacun, du district de Jayawijaya du PDP, condamnés en 2000 à pour avoir insulté la présidente de la République. Il quatre ans d’emprisonnement, restaient assignés à rési- leur était reproché d’avoir dégradé un portrait du chef dence dans la ville de Wamena. Ces quatre personnes de l’État lors d’une manifestation à Djakarta. Ricky étaient des prisonniers d’opinion. Tamba et Frederik ont été détenus pendant deux jours Des membres du KOPASSUS ont été mis en examen dans pour des actes qui auraient été commis au cours de l’affaire du meurtre, en novembre 2001, du président cette manifestation. 212 IN ✔ Raihana Diany, coordinatrice de l’Organisasi qu’il menait contre les violations des droits humains Perempuan Aceh Demokratik (ORPAD, Organisation dans cette province. des femmes démocrates de l’Aceh), a été arrêtée en juillet, lors d’une manifestation pacifique organisée Peine de mort pour dénoncer la politique du gouvernement et les Neuf personnes au moins ont été condamnées à la violations des droits humains dans la province de peine capitale, ce qui portait à au moins 58 le nombre Nanggroe Aceh Darussalam. Elle a été inculpée de condamnés à mort en Indonésie. Vingt-cinq d’injure au chef de l’État. Son procès s’est ouvert en d’entre eux avaient été reconnus coupables d’infrac- octobre, mais n’était pas terminé à la fin de l’année. tions à la législation sur les stupéfiants. Il n’y a pas eu d’exécution. Défenseurs des droits humains Les observateurs nationaux et internationaux des droits Organisations intergouvernementales humains n’avaient toujours pas librement accès en Les rapporteurs spéciaux des Nations unies sur l'indé- Nanggroe Aceh Darussalam et en Papouasie. Dans ces pendance des juges et des avocats et sur le droit à deux provinces, les défenseurs des droits humains conti- l’éducation se sont rendus en Indonésie au mois de nuaient d’être victimes d’atteintes à leurs droits les plus juillet. Le rapporteur spécial sur l'indépendance des fondamentaux, notamment d’exécutions extrajudi- juges et des avocats a demandé à pouvoir aller en ciaires, d’actes de torture et d’arrestations illégales. Nanggroe Aceh Darussalam, ce qui lui a été refusé. Nombre d’entre eux ont également affirmé avoir été Le rapporteur spécial sur la promotion et la protection menacés et harcelés au cours de leur action. Deux défen- du droit à la liberté d'opinion et d'expression a été seurs des droits humains ont été exécutés de manière invité à se rendre en Indonésie. Ni le rapporteur spé- extrajudiciaire en Nanggroe Aceh Darussalam. Vingt- cial sur la torture ni la représentante spéciale du secré- trois autres au moins ont été placés en détention pen- taire général des Nations unies sur la situation des dant l’année – 14 d’entre eux auraient été passés à tabac. défenseurs des droits de l’homme, qui avaient exprimé Sept personnes ont été condamnées chacune à deux le souhait d’effectuer une visite en Indonésie, n’ont mois et dix jours d’emprisonnement pour leur partici- reçu de réponse à leur requête. pation à une attaque menée en mars contre les bureaux de Djakarta d’une ONG, la Komisi untuk Orang Hilang Visites d’Amnesty International dan Korban Tindak Kekerasan (KONTRAS, Commission Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en des disparus et des victimes de la violence). Indonésie au mois de janvier. Ils ont notamment effec- Cependant, rares étaient les affaires élucidées ; ainsi, tué une brève visite dans la province de Papouasie.◆ les meurtriers présumés de trois membres du Rehabilitation Action for Torture victims in Aceh (RATA, Autres documents d’Amnesty International Action pour la réadaptation des victimes de la torture Indonesia: Impunity and human rights violations en Aceh), tués en décembre 2000 en Nanggroe Aceh in Wasior, Papua [Indonésie. Impunité et atteintes Darussalam, n’avaient toujours pas été traduits en jus- aux droits humains dans le sous-district de Wasior, tice fin 2002 alors qu’ils avaient été identifiés comme Papouasie] (ASA 21/015/02). suspects dès l’année 2000. Indonesia: Grave human rights violations in Papua ✔ Au mois de mars, Nasrullah Ibrahim, Muhammad [Indonésie. Graves atteintes aux droits humains et Riza Pahlevi, tous trois membres de Solidaritas en Papouasie] (ASA 21/032/02). Persaudaraan Korban Pelanggaran Hak Asasi Manusia (SPKP HAM, Solidarité pour les victimes d'atteintes aux droits humains), ont été placés en détention au secret pendant quatre jours par la police, avant d’être finale- ment relâchés sans inculpation. Un autre membre de cette association, Koes Sofyan, a été arrêté par des agents du KOPASSUS et détenu pendant près de trois mois avant d’être libéré, également sans inculpation. Ces quatre personnes ont été torturées. ✔ Le dirigeant de la Koalisi Aksi Gerakan Mahasiswa dan Pemuda Aceh Barat (KAGEMPAR, Coalition des étu- diants et des jeunes de l’Aceh-Ouest), Musliadi, a été arrêté en novembre par six hommes en civil au siège de son organisation, à Banda Aceh, la capitale de Naggroe Aceh Darussalam. Son corps a été retrouvé flottant dans une rivière quatre jours plus tard, à 70 kilomètres de Banda Aceh. Il présentait des ecchymoses aux jambes, au dos et à la poitrine, ainsi qu’une blessure à l’arme blanche à la nuque. Amnesty International était préoc- cupée à l’idée que sa mort pouvait être liée aux activités 213 IR IRAK RÉPUBLIQUE D’IRAK TURQUIE mer Caspienne CAPITALE : Bagdad SUPERFICIE : 438 317 km2 Arbil POPULATION : 24,2 millions SYRIE IRAN CHEF de l’ÉTAT LIBAN et du GOUVERNEMENT : BAGDAD Saddam Hussein PEINE DE MORT : maintenue JORDANIE IRAK COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Bassorah Statut de Rome non signé ARABIE SAOUDITE KOWEïT golfe Arabo- Persique 0 400 km

e très nombreuses personnes, parmi contrôle, de vérification et d'inspection des Nations lesquelles figuraient des prisonniers unies (COCOVINU) ainsi qu'à l'Agence internationale Dd'opinion présumés, ont été exécutées. de l'énergie atomique (AIEA) de vastes pouvoirs et Une amnistie générale pour tous les prisonniers notamment celui d'accéder « immédiatement [et] sans a été proclamée, mais le sort de dizaines de entrave » à la totalité des sites irakiens. milliers de personnes « disparues » au cours L'Irak disposait d’un délai d’une semaine pour accep- des années précédentes n'a pas été élucidé. ter cette résolution, en vertu de laquelle il avait un Des familles non arabes, pour la plupart des mois pour fournir une déclaration à jour, exacte et Kurdes de la région de Kirkouk, continuaient complète sur ses programmes de développement d'être expulsées vers le Kurdistan irakien. d'armes chimiques, biologiques et nucléaires et de mis- Comme les années précédentes, des proches siles balistiques. Elle menaçait l'Irak de « graves consé- de militants de l'opposition ont été menacés. quences » s'il ne mettait pas à profit « une dernière possibilité » de coopérer et de s'acquitter de ses obliga- Contexte tions en matière de désarmement. La menace d'intervention militaire américaine contre L'Irak a accepté la résolution. Les inspecteurs ont l'Irak s'est considérablement renforcée vers la fin de commencé leur travail à la fin du mois de novembre. l'année. Au mois de janvier, le président américain En décembre, l'Irak a remis sa déclaration au Conseil George W. Bush a affirmé que l'Irak faisait partie d'un de sécurité. Le président de la COCOVINU, Hans Blix, « axe du mal » ; au cours de l'année, il a préconisé un a déclaré que celle-ci comportait des « lacunes » ; le « changement de régime » dans le pays. Le gouverne- gouvernement américain, pour sa part, a affirmé que ment américain a accusé l'Irak de détenir, en violation la déclaration était incomplète et que l'Irak était cou- des résolutions du Conseil de sécurité des Nations pable de « manquement » à ses obligations. unies, des armes de destruction massive susceptibles de Le pays restait soumis aux sanctions économiques représenter une « menace pour la sécurité des États- imposées depuis 1990 par les Nations unies. En mai, Unis ». Dans un discours prononcé en septembre le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1409 qui devant l'Assemblée générale des Nations unies, le pré- autorisait l'Irak à importer des marchandises sans avoir sident américain a exhorté les Nations unies à veiller à obtenu l'accord préalable du Comité des sanctions des ce que l'Irak respecte toutes les résolutions adoptées et Nations unies. Le Conseil de sécurité a également il a menacé de déclencher une opération militaire adopté une liste de produits utilisables à des fins mili- contre l'Irak en cas d'échec des Nations unies. taires ou à double usage dont l'importation nécessitait Au mois de novembre, à l'issue de deux mois de négo- l'autorisation préalable du Comité des sanctions. Le ciations, le Conseil de sécurité des Nations unies a programme « pétrole contre nourriture » a été prorogé adopté la résolution 1441, qui exigeait l'abandon par une première fois pour une durée de six mois après l'Irak de son programme d'armes de destruction mas- l'acceptation par l'Irak de la résolution 1409, et à nou- sive et conférait aux inspecteurs de la Commission de veau pour six mois en décembre. 214 IR Des morts de civils ont été signalées à la suite de l'inten- Peine de mort sification des bombardements américains et britan- La peine de mort continuait d'être largement appli- niques contre des cibles irakiennes à l'intérieur des quée. De très nombreuses personnes, dont certaines zones d'exclusion aérienne. Selon les autorités ira- pouvaient être des prisonniers d'opinion, ont été exé- kiennes, quatre civils ont trouvé la mort, en février, lors cutées. Parmi elles figuraient des membres ou des sym- d'attaques américaines et britanniques contre des cibles pathisants de groupes d'opposition politique ou irakiennes dans la région septentrionale de Mossoul. En religieuse ainsi que des officiers de l'armée soupçonnés juillet, le gouvernement a affirmé que cinq personnes, d'entretenir des liens avec l'opposition irakienne à dont quatre appartenaient à la même famille, avaient été l'étranger. Dans bien des cas, en raison du secret qui tuées à la suite d'un bombardement américain dans la les entourait, il n'a pas été possible d'établir s'il s'agis- région d'Al Diwaniyah, dans le sud du pays. sait d'exécutions judiciaires ou extrajudiciaires. Le rapporteur spécial des Nations unies sur l'Irak s'est ✔ Au mois de mars, cinq personnes ont été exécutées rendu dans le pays en février ; c’était la première fois dans les locaux de la Direction de la sûreté générale à que le gouvernement irakien autorisait une visite du Bagdad, apparemment parce qu'elles avaient tué un rapporteur spécial depuis 1992. Lors de ses entretiens responsable du parti Baas et un policier dans le village avec des responsables gouvernementaux, il a évoqué des d'Al Wahabi, non loin de Koufa. Hussain al Sayyid préoccupations de longue date en matière de droits Hammadi al Buhadma, Kamil al Sayyid Muhsin humains. Il a visité deux prisons et a rencontré d'autres Abbas al Buhadma, Hamza Uwayd Jouida Idan, personnes, parmi lesquelles figuraient des dignitaires Qassem al Sayyid Jaber Hamza et Inad al Sayyid religieux et des juges. La Commission des droits de Abbas Hamza avaient été arrêtés au mois de décembre l'homme des Nations unies a adopté, en avril, une 2001. Leurs familles n'auraient pas été autorisées à résolution qui accusait le gouvernement irakien de pra- organiser des funérailles. On ignorait si ces suppliciés tiquer une « répression et une oppression omniprésentes, avaient été jugés. reposant sur une discrimination de grande ampleur et une ✔ Trois officiers de l'armée, dont Mohammad terreur généralisée ». La Commission a prorogé d'un an Abdallah Shahin et Mohammad Najib, auraient été le mandat du rapporteur spécial. exécutés à Mossoul, en mars, apparemment pour avoir Au mois d’octobre, le président Saddam Hussein a été critiqué le président irakien. réélu pour un nouveau mandat de sept ans après avoir, ✔ Cinq personnes originaires de Bassora ont été exé- selon les informations données, remporté 100 p. cent cutées, en juillet, dans la prison d'Abou Ghraib à des voix lors d'un référendum présidentiel. Il était le Bagdad. Fadhel Mrawwadh Inaya al Hamdani, Salah seul candidat. Jabr al Hamdani, Falah Jabr al Hamdani, Jassem Ahmad al Hamdani et Ali Jawwad al Haydari avaient Amnistie générale été arrêtés à la fin de l’année 2001. On leur reprochait, En octobre, le Conseil de commandement de la révo- semble-t-il, d'appartenir à des groupes d'opposition lution (CCR), plus haute instance du pouvoir exécutif chiites interdits. irakien, a promulgué le décret n° 25 signé par le prési- dent Saddam Hussein et censé ordonner la libération Expulsion de personnes non arabes de tous les prisonniers. Parmi les personnes bénéficiant Comme les années précédentes, des habitants non de l'amnistie figuraient « les prisonniers et fugitifs arabes de la région de Kirkouk, kurdes pour la plupart emprisonnés pour des motifs politiques et pour tout autre mais également turkmènes et assyriens, ont été motif de droit commun, y compris [ceux] condamnés à envoyés vers le Kurdistan irakien. D'autres ont été mort [...] en Irak ou en dehors du pays ». Toutefois, envoyés dans le sud de l'Irak. Plusieurs milliers de per- l'amnistie ne s'appliquait pas aux Arabes condamnés sonnes ont été ainsi expulsées ces dernières années pour espionnage au profit d'Israël et des États-Unis ou pour des raisons liées à leur origine ethnique, à l'im- accusés de tels faits. Les autorités n'ont pas publié les portance stratégique de Kirkouk et aux ressources noms des bénéficiaires de l'amnistie. La plupart des pétrolières de cette province. Les autorités ont encou- prisonniers élargis avaient apparemment été poursuivis ragé les Arabes vivant dans le centre et le sud du pays à pour, entre autres infractions, trafic de stupéfiants, s'installer à Kirkouk. détention d'armes, collaboration avec l'Iran, corrup- ✔ En juillet, Akbar Omar, Saadi Ali Karimand, Haji tion active ou passive. Les remises en liberté ont été Mohammad Khosro et leurs familles, qui vivaient dans rendues conditionnelles au mois de novembre, date à le district de Shorja, province de Kirkouk, ont été laquelle un nouveau décret a précisé que les prison- expulsés vers le Kurdistan irakien. niers élargis ne seraient pas graciés s'ils commettaient ✔ En septembre, Maid Abd al Hammed, Basin Thai, de nouveaux délits. Nazim Shuat, Ashy Ahmad et leurs familles ont été Plusieurs centaines d'Irakiens vivant à l'étranger, dont expulsés de Kirkouk vers le Kurdistan irakien. Le des militants d'opposition, seraient rentrés en Irak même mois, Omar Uman Hassan, Baqi Fathallah, après la proclamation de l'amnistie. Le sort de dizaines Najat Abdallah Hassan et leurs familles ont été forcés de milliers de personnes « disparues » dans les années de quitter la ville de Makhmur pour le Kurdistan ira- 80 et en 1991, parmi lesquelles figuraient des ressortis- kien. Toujours en septembre, Abd al Rahman Abd al sants étrangers, n'avait toujours pas été élucidé. Hamid Shafiq, Jangi Abd al Hamid Shafiq, Yussef 215 IR Jalal Rahman, Mohammad Hama Ali, Hussain Omar fusion de deux groupes armés – Jund al Islam (Soldats et leurs familles ont été expulsés de la ville de Tuz de l'islam) et un groupe dissident du Mouvement de Khormatu et envoyés dans le sud de l'Irak. l'unité islamique – la responsabilité d'attentats à l'ex- plosif visant des responsables et des locaux de l’UPK. Menaces contre des proches de militants En août, les dirigeants de l'UPK et du PDK ont promul- de l'opposition gué une loi rendant passibles de la peine de mort les Des parents de plusieurs personnalités de l'opposition meurtres pour des questions d'honneur. irakienne en exil ont été contraints par les services de Arrestations d'opposants politiques sécurité à dénoncer les activités de leurs proches à ✔ Mohammad Ahmad Mahmoud al Zahawi, ancien l'étranger dans des émissions de la télévision irakienne membre de l'Organisation des droits humains du diffusée par satellite. Cette mesure avait manifeste- Kurdistan, a été arrêté en avril à Kalar, dans la région ment pour but de réduire les opposants au silence. contrôlée par l'UPK, car on le soupçonnait d'espion- ✔ En janvier, la mère, deux sœurs et un frère de Faiq nage au profit d'un pays étranger. Sa famille est restée Al Shaikh Ali, un journaliste irakien vivant en exil à sans nouvelles de lui jusqu'à la mi-juin, date à laquelle Londres, ont été interviewés par la télévision irakienne elle a appris qu'il était détenu à Sulaimaniyah par le à leur domicile d'Al Jaf, une ville située au sud de Dezgay Zanyari (Bureau d’information), service de Bagdad. Chacun d'entre eux a dû, tour à tour, sécurité et de renseignements de l'UPK. Mohammad al condamner les activités politiques de Faiq Ali et lui Zahawi a été libéré en septembre. On ignorait s'il avait demander d'y mettre un terme. Les membres de cette été inculpé ou jugé. famille avaient été arrêtés et détenus pendant plusieurs ✔ Au mois de septembre, Burhan Qani, rédacteur en jours avant ces interviews. Leur interpellation était liée chef du journal Ray Gishti (Opinion publique), et aux critiques contre le gouvernement irakien formu- Imad Shekhani, écrivain, ont été arrêtés dans la région lées par Faiq Ali dans un débat sur la chaîne de télévi- contrôlée par le PDK. Ces deux hommes étaient, sion qatarienne Al Jazira diffusée par satellite. semble-t-il, toujours incarcérés à la fin de l'année. On ✔ Au mois d’octobre, les frères d'Al Shaikh Hajem ignorait les motifs de leur arrestation et de leur main- Hazzara, militant de l'opposition basé en Jordanie et tien en détention. membre de l'Alliance des tribus, une organisation politique créée par des Irakiens vivant en exil, ont été Action d'Amnesty International convoqués aux fins d'interrogatoire au siège des ser- En septembre, Amnesty International a exhorté tous vices de renseignements. On les aurait menacés de les les membres du Conseil de sécurité des Nations unies éliminer si leur frère ne mettait pas un terme à ses acti- à veiller à ce qu'aucun effort ne soit épargné pour vités antigouvernementales. Des proches d'autres régler la crise irakienne par des moyens pacifiques.◆ membres de l'Alliance des tribus auraient fait l'objet de menaces similaires.

Le Kurdistan irakien Dans les provinces du nord de l'Irak, le Parti démocra- tique du Kurdistan (PDK) et l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) ont annoncé, en septembre, le démarrage d'un processus de réunification. Ils sont convenus de mettre en œuvre l'accord de paix conclu en 1998 à Washington (États-Unis). Les dirigeants de ces deux groupes se sont rencontrés à plusieurs reprises. Citons, parmi les initiatives qu'ils ont décidé de prendre en vue de la normalisation, la réouverture des bureaux de chacun des partis dans les zones contrôlées par l'autre, la restitution des biens saisis pendant les affrontements au milieu des années 90, la possibilité de circuler plus facilement entre leurs zones respectives, et la libération des prisonniers maintenus en détention depuis la guerre civile qui avait opposé les deux mouvements de 1993 à 1997. Le Parlement régional kurde, qui s'est réuni en octobre pour la pre- mière fois en six ans, a annoncé, en novembre, la dési- gnation d'un comité chargé de préparer les élections législatives qui doivent se dérouler en juillet 2003. Des combats sporadiques ont opposé tout au long de l'année les forces de sécurité de l'UPK à des membres du groupe armé islamiste Ansar al Islam (Partisans de l'islam). On attribuait à ce mouvement issu de la 216 IR IRAN RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE ARMÉNIE AZERBAÏDJAN TURQUIE D’IRAN mer TURKMÉNISTAN CAPITALE : Téhéran Caspienne 2 SUPERFICIE : 1 648 000 km Meched POPULATION : 72,4 millions TÉHÉRAN GUIDE : Ali Khamenei IRAK AFGHANISTAN PRÉSIDENT: Mohammad Khatami IRAN PEINE DE MORT : maintenue Ispahan COUR PÉNALE INTERNATIONALE : KOWEïT golfe PAKISTAN Statut de Rome signé ARABIE Arabo- SAOUDITE Persique BAHREÏN QATAR 0 600 km golfe d'Oman E.A.U. OMAN

e très nombreuses personnes ont été Le pouvoir judiciaire a réagi aux critiques sociales et poli- incarcérées pour des raisons politiques ; tiques en réprimant plus sévèrement la liberté d'expres- Dparmi elles figuraient des prisonniers d'opinion. sion et d'association. Il y a lieu de citer, entre autres D'autres étaient maintenues en détention mesures, les arrestations arbitraires, les poursuites pour prolongée sans avoir été jugées ou purgeaient des motifs politiques engagées contre des étudiants, des des peines d'emprisonnement infligées à l'issue écrivains, des universitaires, des parlementaires et des de procès inéquitables. Certains détenus ont été partisans éminents des réformes, ainsi que l'interdiction privés de tout contact avec un avocat ou leur arbitraire de publications réformistes. Selon de nouvelles famille. Le pouvoir judiciaire a continué de informations, des personnes entrant dans ces catégories réprimer la liberté d'expression et d'association, ont été jugées au cours de procès inéquitables ; des cas de ce qui s'est traduit par l'arrestation de très torture et des « aveux » télévisés ont également été signa- nombreux étudiants, journalistes et intellectuels. lés. Le pouvoir judiciaire a utilisé la peine de mort et la Au moins 113 personnes (dont des prisonniers flagellation à titre de châtiment judiciaire dans des pro- politiques détenus de longue date) ont été cès liés à la liberté d'expression. exécutées, certaines par lapidation publique, Le rapport de l'Iran au Comité contre le terrorisme et plusieurs des 84 personnes flagellées (du Conseil de sécurité des Nations unies) exposait les ont elles aussi subi leur peine en public. mesures de sécurité déjà mises en œuvre ; aucune nou- velle mesure n'a été prise dans ce domaine. Contexte Le représentant spécial de la Commission des droits de Les tensions politiques et sociales se sont exacerbées, avec l'homme des Nations unies chargé d'étudier la situa- des conséquences négatives pour les droits humains. La tion des droits de l'homme en Iran a soumis son rap- rivalité politique s'est accentuée entre, d'une part, les port à la Commission en avril. Celle-ci a mis fin à son partisans du président Khatami et l’importante majorité mandat à une faible majorité. En juillet, le gouverne- parlementaire favorable aux réformes sociales et, d'autre ment a annoncé son intention d'autoriser des respon- part, les sympathisants de l'approche conservatrice du sables de mécanismes thématiques à se rendre en Iran. Guide suprême, l'ayatollah Khamenei, le pouvoir judi- ciaire et de nombreux responsables des services de sécu- Liberté d'expression et d'association rité. Ces facteurs, auxquels s'est ajoutée la montée du De très nombreux étudiants, universitaires et journa- chômage, ont contribué à accroître le mécontentement, listes ont été arrêtés arbitrairement ; bon nombre notamment parmi les jeunes qui souhaitaient une plus d'entre eux ont été inculpés, pour des motifs politiques, grande liberté sociale. Les manifestations étudiantes, qui d'infractions aux lois sur la diffamation ou la sécurité. ont débuté en octobre après la condamnation à mort de Comme les années précédentes, des personnes ont été Hashem Aghajari (voir ci-après) et qui ont duré plu- emprisonnées du seul fait de leurs opinions à l'issue de sieurs semaines, avaient pour thème principal l'absence procès qui se sont déroulés, le plus souvent à huis clos, de liberté d'expression. devant des juridictions d'exception qui appliquaient 217 IR une procédure non conforme aux normes internatio- pour raison médicale pour une durée maximale de six nales d'équité. Beaucoup d'arrestations arbitraires de mois. En novembre, Abdollah Nouri, personnalité dirigeants étudiants, qui ont eu lieu en janvier et en politique de premier plan et ancien directeur d'un novembre, ont pris la forme d'enlèvements : plusieurs journal, condamné à cinq ans d'emprisonnement, a été étudiants ont « disparu » pendant plusieurs jours. Des libéré au terme de trois ans. En octobre, Manuchehr prisonniers d'opinion, parmi lesquels figurait le diri- Mohammadi, militant étudiant, a été remis en liberté geant étudiant Ali Afshari (voir ci-après), ont fait l'objet pour raisons médicales pendant une semaine environ. de nouvelles inculpations qui visaient apparemment à Cette mesure a été prise à la suite de son transfert, en prolonger leur incarcération. D'autres ont été à nouveau juillet, dans la prison de Qaemshahr où il avait, arrêtés immédiatement après leur remise en liberté. semble-t-il, été maltraité par des gardiens et par des ✔ L'hodjatoleslam Hasan Yousefi Eshkevari, journa- codétenus. Son frère, Akbar Mohammadi, a lui aussi liste et chercheur, incarcéré pour avoir participé à une été remis en liberté pendant à peu près une semaine conférence universitaire à Berlin (Allemagne) au mois pour raisons médicales au mois de novembre. Ahmed d’avril 2000, a contre toute attente été remis en liberté Batebi, un autre étudiant emprisonné à la suite des au début du mois d'août. De nouveau arrêté quelques manifestations étudiantes de juillet 1999, a bénéficié, semaines plus tard sans mandat ni explication, il a été en août, d'une permission de sortie d'un mois. condamné à une peine supplémentaire de sept ans d'emprisonnement. Harcèlement d'avocats et de défenseurs ✔ Le procès d'une trentaine de prisonniers d'opinion, des droits humains parmi lesquels figuraient des universitaires, des journa- Les avocats, qui ne pouvaient exercer leur profession sans listes et des intellectuels liés au Milli Mazhabi (une asso- l'autorisation du pouvoir judiciaire, ont cette année ciation nationale religieuse) et plus particulièrement au encore été victimes de harcèlement judiciaire, et en par- Nehzat-e Azadi-ye Iran (Mouvement pour la liberté de ticulier ceux qui étaient spécialisés dans la défense des l'Iran), a repris en janvier. Ils étaient accusés, entre droits humains. Des représentants du pouvoir judiciaire autres, d’« actes contre la sécurité de l'État », de « complot ont, dans certains cas, pris contact avec des avocats et en vue d'affaiblir le sentiment religieux des étudiants » et leur ont enjoint de ne pas assister certaines personnes de « tentative de renversement du gouvernement par des sous peine d’être cités à comparaître en justice. Dans une moyens illégaux », chefs d'accusation à la formulation affaire au moins, la citation adressée à un avocat a été vague. L'un des avocats de la défense s'est retiré du pro- annulée à la suite de protestations de l'Ordre des avocats. cès en affirmant qu'il ne lui était pas possible d'assurer ✔ En août, six avocats – au nombre desquels figu- la défense de ses clients sans avoir accès au dossier. Un raient Mohammad Ali Dadkhah et Abdolfattah de ses confrères, Mohammad Ali Dadkhah, aurait été Soltani – qui avaient tous défendu des personnes empêché d'assister à l'audience. Il a été condamné par la poursuivies pour avoir exercé leur liberté d'expression suite à cinq ans d’emprisonnement et interdit d’exercice et d'association, ont été inculpés d'infractions définies de la profession d’avocat pendant dix ans. Ces sanctions en des termes vagues, telles que « diffusion de men- étaient liées à la défense qu’il avait assurée dans cette songes », et rattachées à leur exercice de la profession. À affaire (voir ci-après). Les accusés ont tous été condam- l'issue de procès qui constituaient une violation des nés, le 27 juillet, à des peines allant jusqu'à dix ans lois régissant la profession d'avocat, ils ont été d'emprisonnement. Le tribunal a également prononcé condamnés à des peines leur interdisant d'exercer ainsi la dissolution du Mouvement pour la liberté de l'Iran. qu’à des peines d'emprisonnement, souvent assorties ✔ Hashem Aghajari, universitaire membre de du sursis. Ces affaires ont suscité de nombreuses pro- l'Organisation des moudjahidin de la révolution isla- testations, notamment de l'Ordre des avocats. Les pro- mique, un mouvement réformiste, a été jugé pour un cédures d'appel étaient en instance à la fin de l'année. discours qu'il avait prononcé en juin dans la ville de Hamedan, dans l'ouest du pays. Il avait prôné une L'affaire des « meurtres en série » réforme de la religion et déclaré que les fidèles ne La procédure engagée contre les fonctionnaires soup- devaient pas « suivre aveuglément » les chefs religieux. çonnés d'être impliqués dans l'exécution extrajudiciaire, Cet homme a été condamné à mort et à 74 coups de en 1998, de trois écrivains et de deux militants poli- fouet sur la base de chefs d'accusation formulés en des tiques, aussi appelée l'affaire des « meurtres en série », a termes vagues et concernant l'atteinte à la religion et la connu des rebondissements. En mars, cinq responsables diffamation de dignitaires religieux. Fait exceptionnel, du ministère des Renseignements qui avaient interrogé le Guide suprême a ordonné le réexamen de cette sen- les fonctionnaires accusés de ces meurtres ont été tence par une autorité judiciaire. condamnés à des peines d'emprisonnement et de flagel- lation à la suite de la diffusion clandestine d'une vidéo- Libérations cassette qui révélait qu'ils avaient maltraité les suspects. Un petit nombre de prisonniers politiques ont bénéfi- Ils étaient en instance d'appel fin 2002. cié de libérations provisoires ou conditionnelles, entre Nasser Zarafshan, avocat de plusieurs familles de vic- autres. C'est ainsi qu'en février, Abbas Amir Entezam, times, a été détenu pour avoir fait des commentaires à prisonnier d'opinion incarcéré pour espionnage à l'is- propos de cette affaire. Jugé à huis clos par un tribunal sue d'un procès inique en 1979, a été remis en liberté militaire, il a été condamné, au mois de mars, à l'issue 218 IR d'un procès inéquitable, à cinq ans d'emprisonnement judiciaire ou des services de sécurité empêchaient les et à 50 coups de fouet, ainsi qu’à l'interdiction d'exer- détenus de rencontrer proches et avocats. cer sa profession. Cette sentence a été confirmée, le ✔ Siamak Pourzand, soixante-douze ans, a été 16 juillet, par une cour d'appel. condamné, en avril, à onze ans de réclusion à l'issue d'un Dans une lettre au Tribunal révolutionnaire, le succes- procès inéquitable. Il s’était apparemment déclaré cou- seur de Nasser Zarafshan a demandé que le ministre pable de toute une série d'accusations portées contre lui, des Renseignements, Dorri Najafabadi, soit entendu et notamment d'« entretenir des liens avec des monarchistes sur son rôle dans les meurtres. Ce responsable gouver- et des contre-révolutionnaires » et de « susciter la désillusion nemental avait été dispensé de témoigner car son nom au sein de la jeunesse ». En avril il avait également fait des ne figurait pas dans les dossiers. Toutefois, la vidéocas- « aveux » télévisés. Ce même mois Siamak Pourzand sette a révélé que les personnes interrogées n'avaient aurait eu une crise cardiaque et aurait été privé des soins pas été autorisées à citer son nom ni à faire état de son médicaux nécessités par son état. Amnesty International implication présumée dans cette affaire. craignait qu'il n'ait été contraint de renoncer à interjeter appel de sa condamnation, qui a été confirmée au début Propositions de loi et débat sur les droits humains de juillet. Siamak Pourzand a été maintenu en détention En mai, le Parlement a adopté un projet de loi interdi- dans un lieu tenu secret jusqu'à sa remise en liberté pro- sant le recours à la torture en vue d'obtenir des « aveux » visoire en décembre. ou des informations. Ce projet de loi a été rejeté, en ✔ En février, pendant une courte permission de sor- juin, par le Conseil des gardiens – plus haute instance tie, Ali Afshari, dirigeant étudiant, a déclaré à des jour- législative chargée d'examiner les lois et de veiller à leur nalistes que des pasdaran (gardiens de la révolution) conformité avec les préceptes de l'islam et la l’avaient contraint à faire de faux aveux. Ceux-ci Constitution iranienne – pour plusieurs motifs, notam- avaient été diffusés, en mai 2001, par la télévision ment parce qu'il ne donnait pas une définition précise nationale alors qu'Ali Afshari était interrogé dans un de la torture. Une version modifiée a été présentée, en centre de détention de l'armée où il a été maintenu à décembre, au Conseil des gardiens. Le Parlement a l'isolement pendant près d'un an. Dans une lettre adopté, également en décembre, une loi qui définit pré- ouverte adressée en août au Guide suprême, Ali cisément les crimes politiques ; un projet précédent Afshari a décrit les circonstances de son arrestation, de avait été rejeté en 2001 par le Conseil des gardiens. sa détention, de son interrogatoire et de ses « aveux » Deux projets de loi déposés au cours du second télévisés forcés. Il demandait au Guide suprême de semestre de l'année ont accentué les tensions politiques. prendre des mesures contre les fonctionnaires qui Le premier, introduit fin septembre, a été adopté ulté- l'avaient maltraité. Alors qu'il purgeait une peine d'un rieurement par le Parlement ; il visait officiellement à an d'emprisonnement pour sa participation à la confé- garantir au président le pouvoir d’exercer ses responsa- rence de Berlin en avril 2000, il a fait l'objet de nou- bilités constitutionnelles et, en particulier, d’annuler les velles inculpations pour diffamation et atteintes à la décisions de justice considérées comme contraires à la sécurité. Il a par la suite été condamné à une nouvelle Constitution. Le deuxième, qui portait modification peine d'un an d'emprisonnement. des critères que doivent remplir les candidats aux élec- tions législatives, a été adopté en octobre. Il proposait, Peine de mort et châtiments judiciaires cruels, entre autres, que le Conseil des gardiens ne soit plus inhumains et dégradants habilité à accepter les candidatures. Ce texte n'avait pas La peine de mort ainsi que des châtiments cruels, inhu- été ratifié par le Conseil des gardiens fin 2002. mains et dégradants ont été infligés à des personnes La Commission parlementaire de l'article 90, chargée poursuivies pour avoir exercé leur droit à la liberté d'ex- par la Constitution d'enquêter sur les plaintes déposées pression et d'association. Au moins 113 personnes, par les citoyens, restait le principal moyen d'évoquer dont six femmes, ont été exécutées, souvent en public. des cas de violation des droits humains ; elle a publié Deux personnes, peut-être plus, auraient été lapidées et plusieurs rapports. Un Comité des droits humains a une exécution au moins a été retransmise par la télévi- également été constitué à l’intérieur de la Commission sion. Comme les années précédentes, on a observé une par certains de ses membres, soucieux de promouvoir le forte augmentation des exécutions et des flagellations en respect des normes relatives à ces droits. public entre les mois de juillet et de septembre. Au Le « dialogue sur les droits de l’homme » entre l'Union moins 84 personnes ont été flagellées. Le chiffre réel des européenne et l'Iran s'est ouvert en décembre. Les délé- exécutions et des flagellations était vraisemblablement gués proposés par Amnesty International et l’organisation beaucoup plus élevé. Ainsi, selon certaines organisations internationale de défense des droits humains Human politiques, 450 personnes ont été exécutées en 2002. Rights Watch n'ont pas été autorisés à y participer. ✔ En avril, à Qom, ville du centre de l'Iran, Ali Firouzi, reconnu coupable de meurtre, a bénéficié du pardon des Torture et mauvais traitements parents de sa victime quelques minutes avant son exécu- Cette année encore des personnes (notamment des tion. Ceux-ci ayant apparemment changé d'avis peu après, prisonniers d’opinion) ont été torturées et soumises à Ali Firouzi a été exécuté une heure et demie plus tard. d’autres formes de mauvais traitements, particulière- ✔ Cinq hommes appartenant, semble-t-il, au gang des ment dans les cas où les membres de l'appareil Vautours noirs et qui avaient été reconnus coupables 219 IR de nombreuses infractions, ont été pendus simultané- ✔ Hoseyn Mojahed et Mojtaba Heydari, militants ment dans deux lieux publics à Téhéran le 30 sep- réformistes jugés avant le procès de Hashem Aghajari tembre. Ces exécutions ont relancé le débat sur (voir ci-dessus) ont été condamnés, en septembre, à l'application de la peine de mort. des peines d'emprisonnement et à 74 coups de fouet.◆ IRLANDE IRLANDE canal CAPITALE : Dublin du Nord 2 SUPERFICIE : 70 282 km océan POPULATION : 3,9 millions Atlantique ROYAUME-UNI CHEF de l’ÉTAT : Mary McAleese CHEF du GOUVERNEMENT : IRLANDE Bertie Ahern PEINE DE MORT : abolie DUBLIN ROYAUME-UNI COUR PÉNALE Cork INTERNATIONALE : canal 0 200 km Statut de Rome ratifié Saint-George

e traitement réservé aux demandeurs multipliés pour demander la création d’un organe de d’asile et les fautes imputées à la police surveillance indépendant qui soit chargé d’enquêter Ldemeuraient des motifs de préoccupation. sur les allégations de racisme et de discrimination.

Contexte Demandeurs d’asile et réfugiés Le gouvernement n’a toujours pas pris de mesures En 2002, des demandeurs d’asile ont été pour la pre- pour intégrer dans la législation nationale les disposi- mière fois placés en détention en vertu de la Loi de tions de la Convention de sauvegarde des droits de 1996 relative aux réfugiés : la Garda Síochána (police l'homme et des libertés fondamentales (également irlandaise) a arrêté en juillet un grand nombre de per- appelée Convention européenne des droits de sonnes dont la demande d’asile avait été rejetée. Le l’homme). Il n’a pas non plus adopté de loi pour gouvernement a par ailleurs annoncé qu’il avait l’inten- contrôler les transferts d’équipements militaires, de tion de procéder à davantage d’expulsions. sécurité et de police à destination de l’étranger. En mai, le projet de loi de 2002 sur l’immigration, dont En mai, l’Irlande a ratifié le Protocole n° 13 à la certaines dispositions prévoyaient notamment de sanc- Convention de sauvegarde des droits de l'homme et tionner les transporteurs qui permettaient à des deman- des libertés fondamentales, relatif à l'abolition de la deurs d’asile d’entrer en Irlande, a été mis de côté en peine de mort en toutes circonstances. raison des élections législatives. Il a été réintroduit au En juin, le Comité des droits économiques, sociaux et Parlement en décembre, avec de nouvelles mesures res- culturels des Nations unies s’est déclaré préoccupé par trictives en matière d’asile. la persistance d’une discrimination à l’égard des per- sonnes souffrant d’un handicap physique ou mental. Maintien de l’ordre Fin 2002, un projet de loi « antiterroriste » élaboré En mars, un tribunal d’investigation a été créé pour en réaction aux attentats perpétrés aux États-Unis le enquêter sur les plaintes visant des agents de la division 11 septembre 2001 était en cours d’examen devant le de Donegal de la Garda Síochána. En décembre, Parlement. À la fin de l’année, la Commission irlan- Amnesty International a demandé qu’une aide judi- daise des droits humains n’était toujours pas totale- ciaire complète soit accordée à la famille McBrearty, ment opérationnelle. étant donné que les allégations formulées par celle-ci au sujet de pratiques policières répréhensibles revêtaient Racisme une importance cruciale pour les investigations du tri- Amnesty International demeurait préoccupée par les bunal. L’organisation a également demandé que cette violences racistes et les mesures de harcèlement visant instance examine le rôle de toutes les autorités suscep- les minorités ethniques, ainsi que par les insuffisances tibles d’avoir contribué à l’immobilisme qui a appa- de la législation dans ce domaine. Les appels se sont remment prévalu dans ces affaires de plaintes. 220 IS En mai, des policiers auraient eu recours à une force Prisons excessive durant une manifestation organisée à Dublin Le traitement réservé aux détenus souffrant de troubles par le mouvement Reclaim the Streets. En novembre, le mentaux dans les prisons irlandaises continuait de sus- Service des plaintes contre la police a indiqué que cer- citer des inquiétudes. Au mois de novembre, le gou- tains membres de la Garda Síochána n’avaient pas vernement a refusé que les chercheurs participant à un coopéré lors de l’enquête qu’il a menée sur le maintien projet conjoint d’Amnesty International et de l’Irish de l’ordre pendant cette manifestation. Il a été annoncé Penal Reform Trust (IPRT, Fonds pour la réforme du que sept agents avaient été assignés à des tâches de système pénal irlandais) visitent certaines prisons afin bureau et allaient être inculpés de coups et blessures. d’enquêter sur le racisme dans les établissements péni- La publication d’un rapport de la médiatrice de la police tentiaires du pays. Amnesty International a déploré d’Irlande du Nord a donné lieu à de nouvelles alléga- cette décision. tions, selon lesquelles la Garda Síochána aurait été avertie de l’attentat à la bombe d’Omagh, commis en 1998. Les Attentats de Dublin et de Monaghan autorités ont ouvert une enquête interne en mai. La Commission d’enquête indépendante sur les atten- En octobre, le gouvernement a annoncé qu’il présente- tats à l’explosif de Dublin et de Monaghan en 1974, rait en 2003 une loi instituant un corps d’inspection continuait, semble-t-il, de rencontrer des difficultés chargé d’enquêter sur les plaintes déposées contre des pour obtenir la coopération du gouvernement du membres de la Garda Síochána. Royaume-Uni. L’enquête a été prolongée afin d’éclair- ✔ En juillet, l’enquête sur la mort de John Carthy, cir les circonstances de la mort de Seamus Ludlow, un abattu en avril 2000 par l’Emergency Response Unit (ERU, catholique abattu en 1976 par des paramilitaires loya- Unité d’intervention urgente), est entrée dans une nou- listes avec la complicité présumée de l’Ulster Defence velle phase avec la nomination du magistrat Robert Barr Regiment (UDR), régiment de l’armée britannique basé au poste de juge unique d’un tribunal d’investigation. en Irlande du Nord.◆ ISRAËL ET TERRITOIRES OCCUPÉS ÉTAT D’ISRAËL ISRAËL ET LIBAN CAPITALE : le gouvernement israélien TERRITOIRES a désigné Jérusalem comme capitale officielle OCCUPÉS bien que non reconnue par les Nations unies ; SYRIE la plupart des gouvernements étrangers (y compris les territoires maintiennent leur ambassade à Tel-Aviv Golan relevant SUPERFICIE : 20 770 km2 2 de l'Autorité (Territoires occupés : 7 630 km ) palestinienne) POPULATION : 6,3 millions Cisjordanie (compte tenu des Territoires occupés) Ramallah TEL-AVIV CHEF de l’ÉTAT : mer JÉRUSALEM Moshe Katzav Méditerranée bande mer CHEF du GOUVERNEMENT : de Gaza Morte Ariel Sharon JORDANIE PEINE DE MORT : abolie sauf pour crimes exceptionnels COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Signature du Statut de Rome annulée ÉGYPTE u moins 1 000 Palestiniens ont été tués 0 150 km par l'armée israélienne ; la plupart ont été mer Rouge victimesA d'homicides illégaux. Parmi eux ARABIE SAOUDITE figuraient quelque 150 enfants et au moins 221 IS 35 personnes qui ont été la cible d'assassinats. Des Opérations des FDI dans les Territoires occupés membres de groupes armés palestiniens ont tué Le soulèvement palestinien (Intifada d'al Aqsa) s'est dans des attaques ciblées ou aveugles plus de 420 poursuivi tout au long de 2002. Les incursions de l'ar- Israéliens, dont au moins 265 civils parmi lesquels mée israélienne dans les zones relevant de l'Autorité figuraient 47 enfants, ainsi qu’une vingtaine palestinienne se sont intensifiées au début de l'année. d’étrangers. Des bouclages et des couvre-feux À partir du mois de mars, à la suite d'une série d'at- prolongés ont été imposés dans les Territoires taques contre des civils israéliens menées par des occupés, et plus de 2 000 habitations ont été groupes armés palestiniens, les FDI ont lancé des offen- démolies. Des milliers de Palestiniens ont été sives de grande ampleur contre des camps de réfugiés arrêtés. La plupart ont été relâchés sans avoir été et contre la plupart des villes dans toute la Cisjordanie. inculpés, mais plus de 3 000 étaient toujours L'opération Mur de protection a démarré le 29 mars incarcérés dans des prisons militaires à la fin de par une attaque contre le quartier général du président l’année. Plus de 1 900 ont été maintenus en de l'Autorité palestinienne, Yasser Arafat, à Ramallah. détention administrative sans inculpation ni Les FDI ont ensuite pénétré dans les villes de jugement et environ 5 000 ont été accusés Bethléem, Tulkarem, Qalqilya, Jénine et Naplouse, d’infractions liées à la sécurité, notamment d'avoir qui ont été déclarées « zones militaires fermées » et iso- participé à des attaques contre des Israéliens. Plus lées du monde extérieur. Les FDI ont, dans la plupart de 3 800 ont été traduits devant des tribunaux des cas, imposé un couvre-feu strict et coupé l'eau et militaires qui appliquent une procédure non l'électricité. Les organisations non gouvernementales conforme aux normes d'équité internationalement (ONG) internationales et les médias ont souvent été reconnues. Les prisonniers palestiniens étaient empêchés de pénétrer dans ces zones, et une mission régulièrement maltraités. Des soldats israéliens d'enquête des Nations unies n'a pas été autorisée à ont utilisé des Palestiniens comme boucliers entrer en Israël. Au cours de cette opération et d’autres humains au cours d'opérations militaires. incursions, les FDI ont démoli plus de 2 000 habita- Certaines des violations des droits humains tions palestiniennes et de très nombreux édifices commises par l’armée israélienne constituaient publics ; elles ont en outre détruit ou endommagé les des crimes de guerre. Parmi ces actes figuraient les canalisations d'eau et les câbles électriques. Des soldats homicides illégaux, les entraves apportées à l’aide ont également saccagé et pillé des centaines d'autres médicale et la prise pour cible du personnel maisons ainsi que des bâtiments publics et privés, médical, la destruction de biens exécutée sur une notamment des bureaux d’ONG. grande échelle et de façon injustifiée, les actes de Comme les années précédentes, les FDI ont démoli des torture et autres traitements cruels et inhumains, habitations et détruit des terres agricoles et des instal- la détention illégale et l’utilisation de boucliers lations industrielles dans toute la bande de Gaza, en humains. Les homicides délibérés de civils particulier à proximité des implantations juives, des perpétrés par des membres de groupes armés routes empruntées par les colons et de la frontière. palestiniens constituaient des crimes contre L'armée a recommencé à détruire à l'explosif les mai- l’humanité. Au moins 158 objecteurs de sons de proches de personnes ayant participé – ou conscience ou réservistes israéliens qui refusaient soupçonnées d'avoir participé – à des attaques contre de servir dans les Territoires occupés ont été des Israéliens. Des milliers de personnes, essentielle- incarcérés au cours de l'année. Plusieurs soldats ment des enfants, étaient sans abri à la suite des démo- et colons israéliens soupçonnés d’avoir vendu des litions de maisons palestiniennes. La première phase armes et des munitions à des groupes palestiniens de la construction d'un mur autour de certaines villes armés ont été arrêtés. Quatre colons israéliens de Cisjordanie a entraîné la destruction de vastes ont été interpellés et inculpés à la suite superficies de terres agricoles palestiniennes. D'autres d'une tentative d'attentat à l'explosif formes de sanctions collectives, comme les bouclages contre une école palestinienne. et les couvre-feux, ont revêtu cette année une ampleur sans précédent dans tous les Territoires occupés. Contexte Les FDI utilisaient régulièrement des avions de chasse Le Parti travailliste s'est retiré, en novembre, de la coali- F-16, des hélicoptères de combat et des chars pour tion gouvernementale dirigée par le Premier ministre bombarder des zones d'habitation palestiniennes à Ariel Sharon. Le président de ce parti, Benyamin Ben partir desquelles des Palestiniens avaient ouvert le feu Eliezer, a démissionné de ses fonctions de ministre de la ou tiré des obus de mortier, ainsi qu'en représailles à Défense et a été remplacé par Shaul Mofaz, ancien chef des attentats-suicides et à d’autres attaques menées par d'état-major des Forces de défense d'Israël (FDI). des groupes armés palestiniens dans des villes israé- Comme les années précédentes, les colonies israéliennes liennes ou contre des implantations israéliennes dans dans les Territoires occupés, généralement connues sous les Territoires occupés. le nom d'implantations, ont été étendues, tandis que Les soldats israéliens ont souvent utilisé des d'autres étaient créées. Israël a poursuivi sa politique de Palestiniens comme boucliers humains au cours d'opé- confiscation de terres palestiniennes pour développer les rations militaires, contraignant ceux-ci à effectuer des infrastructures autour des implantations. tâches qui mettaient leur vie en danger. Ils les ont 222 IS notamment obligés à pénétrer dans des habitations ministre Ariel Sharon a affirmé que cette attaque pour demander aux habitants de partir, à fouiller des comptait parmi les « opérations les mieux réussies ». maisons à la recherche d'explosifs, à déplacer des ✔ Le 22 septembre, Baba al Bahesh, treize ans, a été objets potentiellement dangereux et à couvrir des sol- tué à Naplouse d'une seule balle tirée depuis un véhi- dats tirant sur d’autres Palestiniens. Au moins un cule blindé de transport de troupes des FDI alors qu'il Palestinien a été tué en servant de bouclier humain se trouvait aux côtés de quatre employés du pour les forces armées israéliennes. Mouvement international de solidarité, une organisa- L’impunité des membres des FDI restait un problème tion humanitaire internationale. majeur. Plusieurs soldats ont été jugés pour avoir ✔ Le 17 octobre, Shaima Abu Shammala, neuf ans, a dérobé des biens appartenant à des Palestiniens. Deux été tuée à l'intérieur de la maison familiale sous les autres qui avaient utilisé un Palestinien comme bou- yeux de ses parents et de ses frères et sœurs par un tir clier humain ont été condamnés à vingt-huit jours d'obus des FDI contre un quartier très peuplé du camp d'emprisonnement ; un autre s’est vu infliger une de réfugiés de Rafah, dans la bande de Gaza. Cinq peine de soixante-cinq jours d’emprisonnement pour autres personnes ont trouvé la mort, dont un adoles- un homicide commis sur la personne d’une cent de quinze ans et une femme de soixante-dix ans. Palestinienne âgée de quatre-vingt-quinze ans. Selon ✔ Le 22 novembre, Iain Hook, un ressortissant britan- les FDI, la police militaire a effectué 127 enquêtes nique travaillant pour l'Office de secours et de travaux contre des membres des FDI depuis le début de des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le l’Intifada. Douze d’entre elles ont débouché sur une Proche-Orient (UNRWA), a été abattu par des soldats mise en accusation, et huit condamnations ont été israéliens. Iain Hook se trouvait dans les locaux de prononcées. Toutefois, à la connaissance d'Amnesty l'UNRWA du camp de Jénine et est mort peu après avoir International, aucune enquête indépendante et impar- été touché, l'ambulance ayant été empêchée d’arriver tiale n'a été effectuée dans l’immense majorité des mil- immédiatement sur place par les FDI. Le même jour, liers de cas d'homicides illégaux et d’autres violations Cahoime Butterly, une Irlandaise employée d'une orga- graves des droits humains perpétrées par des soldats nisation humanitaire, a été blessée à l’intérieur du camp israéliens depuis le déclenchement de l'Intifada ; le de réfugiés de Jénine par un tir provenant d'un véhicule gouvernement s'était pourtant engagé, en octobre, à blindé de transport de troupes des FDI. ordonner une enquête sur tous les cas d'homicides commis sur la personne d’enfants. Homicides imputables aux groupes armés palestiniens Homicides imputables à l'armée israélienne Au moins 265 civils israéliens, dont 47 enfants, et une Des centaines de Palestiniens non armés, dont plus de vingtaine d’étrangers, ont été tués par des groupes 100 enfants, ont été tués par des membres des FDI à la armés palestiniens. Environ 180 d’entre eux ont suite de tirs aveugles et inconsidérés, de bombarde- trouvé la mort à la suite d'attentats-suicides perpétrés ments et de tirs d'artillerie, ou en raison d'une utilisa- le plus souvent dans des endroits très fréquentés – tion excessive de la force, notamment pour faire comme des cafés – ou lors d'autres attaques commises respecter le couvre-feu. Des centaines d'autres ont à l'intérieur d'Israël. Plus de 80 ont été abattus par trouvé la mort lors d'affrontements armés avec des sol- balle ou ont été tués dans d’autres actions menées dans dats israéliens, et 35 au moins ont été la cible d'assassi- les Territoires occupés. Par ailleurs, plus de 150 sol- nats au cours desquels de simples passants ont dats ont été tués, dont plus de 100 dans les Territoires également été tués. Des Palestiniens sont morts sous occupés et 47 en Israël. les décombres de leur maison démolie par les FDI alors ✔ Le 27 janvier, Pinhas Tokatli, âgé de quatre-vingt- qu'ils se trouvaient à l'intérieur. un ans, a été tué, et plus de 100 autres personnes ont ✔ Ahmad Ghazawi, six ans, et son frère Jamil, douze été blessées, lorsque Wafa Idris a actionné la bombe ans, ont été tués, le 21 juin, lorsqu'un char israélien a qu'elle transportait dans la rue de Jaffa à Jérusalem. tiré un obus dans un quartier résidentiel aux abords de Cet attentat-suicide – le premier à être commis par la ville de Jénine. Leur frère Tareq, onze ans, et un une femme – a été revendiqué par les Brigades des voisin, Samer al Ahmad, ont été grièvement blessés martyrs d'al Aqsa, un groupe issu du Fatah. lors de cette attaque qui a été enregistrée sur vidéocas- ✔ Le 27 avril, Danielle Shefi, cinq ans, a été abattue sette par un habitant du quartier. par trois Palestiniens armés à Adora, une implantation ✔ Dans la nuit du 22 juillet, un avion F-16 des FDI a israélienne dans les Territoires occupés. Sa mère et ses largué une bombe d'une tonne sur un quartier très deux frères, âgés de deux et quatre ans, ont été blessés ; peuplé de la ville de Gaza, causant la mort de Salah trois autres adultes ont été tués dans l’implantation. Shehada, un militant du Hamas (Mouvement de la Les Brigades Ezzedine al Qassam, branche militaire du résistance islamique) qui était la cible de cette attaque. Hamas, ont revendiqué cette attaque qu'elles ont qua- Sept autres adultes et neuf enfants ont également été lifiée d’« opération héroïque et audacieuse ». tués, et plus de 70 personnes ont été blessées. Les FDI ✔ Levina Shapira, cinquante-trois ans, et David accusaient Salah Shehada d'avoir organisé des attentats Ladovski, vingt-neuf ans, figuraient parmi les sept per- contre des citoyens israéliens. Six maisons voisines ont sonnes tuées le 31 juillet lors d’un attentat à l'explosif par ailleurs été détruites. Le lendemain, le Premier perpétré dans une cafétéria d’un centre pour étudiants 223 IS étrangers de l'université hébraïque de Jérusalem. Plus Démolitions de maisons et destructions de terres de 70 personnes ont été blessées dans cette attaque agricoles et d'autres biens revendiquée par les Brigades Ezzedine al Qassam. L'armée israélienne a démoli plus de 2 000 habitations ✔ Onze personnes ont été tuées et 47 autres blessées, palestiniennes ainsi que de vastes superficies de terres le 21 novembre, lorsqu'un Palestinien a actionné la agricoles, où des dizaines de milliers d'arbres ont été bombe qu'il transportait dans un autobus qui circulait arrachés. En général, les FDI démolissaient les maisons dans le quartier de Kiryat Menachem à Jérusalem. sans avertir au préalable les habitants, qui n'étaient pas Parmi les victimes figuraient Hadassah Ben David, autorisés à sauver leurs biens. treize ans, et Michael Sharshevsky, seize ans. Le Des centaines de maisons ont été détruites au cours Hamas et le Djihad islamique ont tous deux revendi- d'opérations militaires. En avril, à la suite d’affronte- qué cet attentat. ments entre des Palestiniens armés et les FDI, celles-ci ont détruit tout un quartier du camp de réfugiés de Attaques contre des Palestiniens perpétrées par Jénine, laissant quelque 800 familles sans abri. des colons israéliens dans les Territoires occupés ✔ Le 6 avril à Naplouse, les FDI ont démoli au moyen À maintes reprises, des colons israéliens ont attaqué d'un bulldozer une maison dans laquelle se trouvaient des Palestiniens dans les Territoires occupés et ont 10 membres de la famille Al Shubi. Huit d’entre eux, détruit leurs biens. En octobre, pendant la récolte des dont trois enfants, leur mère enceinte et leur grand- olives, des colons israéliens ont régulièrement agressé père âgé de quatre-vingt-cinq ans, ont été tués. Deux des villageois palestiniens, les empêchant de cueillir les autres personnes âgées ont été retrouvées vivantes sous fruits ; ils ont également détruit et brûlé des oliviers et les décombres une semaine plus tard. d’autres biens. Plusieurs de ces actions se sont dérou- Des centaines de maisons et de vastes superficies de lées dans la région de Naplouse. À Yanun, tous les terres cultivées ont été détruites par les FDI dans la habitants palestiniens ont été contraints de quitter le bande de Gaza, à proximité d’implantations israé- village à la suite des multiples attaques perpétrées par liennes et de routes empruntées par les colons, ainsi des colons israéliens. Ils sont ensuite rentrés dans leurs que le long des frontières israélienne et égyptienne. foyers sous la protection de militants pacifistes israé- ✔ Le 10 janvier, les FDI ont démoli une soixantaine liens et étrangers. Dans la plupart des cas, les FDI n'in- d'habitations dans le camp de réfugiés de Rafah, lais- tervenaient pas pour protéger les Palestiniens attaqués ; sant quelque 500 personnes sans abri. elles ont en outre souvent interdit aux agriculteurs Les FDI ont par ailleurs détruit une centaine de mai- palestiniens l’accès des zones visées. En août, six sons appartenant aux proches d'auteurs, avérés ou pré- colons israéliens ont été arrêtés au moment où ils sumés, d'attaques contre des Israéliens. Cette pratique, posaient une bombe devant une école de filles à utilisée par les FDI au cours des décennies précédentes, Jérusalem-Est. Leur procès, ouvert en septembre, avait été abandonnée en 1993. Dans la plupart des cas, n'était pas terminé à la fin de l'année. les FDI ont démoli les habitations au moyen d'explo- ✔ Le 28 juin, Nivin Jamjun, quatorze ans, a été tuée sifs, détruisant les maisons voisines ou leur occasion- par balle à Hébron par des colons israéliens qui ont nant des dégâts importants. Dans certains cas, les détruit et saccagé des maisons et des biens appartenant habitants ont été blessés. à des Palestiniens. Au cours du second semestre, de vastes superficies de terres agricoles ont été détruites par les FDI aux alen- Bouclages et couvre-feux tours de Qalqilya, de Tulkarem et de Jénine, afin de Les FDI ont imposé des bouclages et des couvre-feux permettre la construction d'un mur destiné à empêcher d'une ampleur sans précédent dans les Territoires les Palestiniens de Cisjordanie de pénétrer en Israël. occupés. La plupart des villes et des villages palesti- Construit à l'est de la Ligne verte (qui sépare Israël des niens ont été isolés du monde extérieur pendant la Territoires occupés), à l'intérieur de la Cisjordanie, ce plus grande partie de l'année, et des couvre-feux pro- mur privait les agriculteurs locaux d'accès à une bonne longés ont été imposés dans les localités les plus peu- partie de leurs terres, qui constituent leur principal, plées. La ville de Naplouse, où vivent près de 120 000 voire leur seul, moyen de subsistance. Palestiniens, a été soumise à partir du début du mois d'août à un couvre-feu permanent strict pendant cent Arrestations massives, détention, torture et six jours consécutifs. Ces sanctions collectives draco- mauvais traitements infligés à des Palestiniens niennes ont touché des millions de Palestiniens qui, Des milliers de Palestiniens, dont plusieurs centaines pendant la plus grande partie de l’année, ont rencon- de mineurs, ont été arrêtés par les FDI dans les tré d'énormes difficultés pour se rendre à leur travail Territoires occupés. La plupart ont été relâchés sans ou à l'école et recevoir des soins médicaux, et même avoir été inculpés et, dans bien des cas, sans avoir été en ont été empêchés. Des délégués d'Amnesty interrogés. Les personnes arrêtées étaient régulière- International, des employés d'organisations humani- ment maltraitées au moment de leur interpellation et taires internationales, des membres du personnel pendant les interrogatoires ; de nombreuses informa- médical et des journalistes se sont vu refuser à plu- tions ont également fait état d'actes de torture infligés sieurs reprises l'accès à la Cisjordanie et à la bande de pendant la détention. Des détenus ont signalé avoir Gaza par des soldats israéliens à des postes de contrôle. été soumis à diverses formes de torture et de mauvais 224 IS traitements, notamment avoir été menottés et ligotés territoires palestiniens, le bombardement de zones civiles, pendant de longues périodes dans des positions incon- les exécutions extrajudiciaires, l'usage disproportionné de fortables. Parmi les méthodes décrites figuraient égale- la force par les Forces de défense israéliennes, la démoli- ment les passages à tabac, la privation de sommeil et tion d'habitations, la destruction d'infrastructures, les res- les menaces à l’égard des détenus et de leurs proches. trictions à la liberté de circulation et l'humiliation Une personne au moins est morte en détention après quotidienne des Palestiniens [continuaient] de nourrir le avoir été battue. cycle de la violence ». Plus de 1 900 personnes interpellées ont été mainte- nues en détention administrative, dans certains cas Visites d'Amnesty International pendant un an. Elles ne faisaient l'objet d'aucune Des délégués d'Amnesty International se sont rendus en inculpation et étaient détenues sur la base d'« éléments Israël et dans les Territoires occupés en janvier, mars, de preuve secrets ». Ni elles ni leurs avocats n'avaient avril, mai, juin, juillet, août, octobre et novembre. La accès à ces éléments, qui ne pouvaient être contestés secrétaire générale de l'organisation est allée dans la devant les tribunaux. Environ 1000 autres personnes région en avril et en mai. Les délégués de l’organisation interpellées ont été poursuivies pour leur participation ont rencontré des représentants du gouvernement et des présumée à des attaques contre des Israéliens. Plus de FDI à plusieurs reprises. Ils ont fait part de leurs préoccu- 3800 ont été traduites devant des tribunaux militaires, pations et demandé des éclaircissements sur des dizaines qui appliquent une procédure non conforme aux de cas. Amnesty International a reçu des réponses sur normes d'équité internationalement reconnues. deux d’entre eux, concernant des détenus.◆ La plupart des prisonniers palestiniens n'étaient pas autorisés à recevoir la visite de leurs proches, même Autres documents d'Amnesty International dans les cas où, selon le Comité international de la Israël, Territoires occupés et Autorité palestinienne. Croix-Rouge (CICR), ceux-ci remplissaient les condi- Atteintes au principe de distinction : les attaques contre tions de sécurité requises. des civils perpétrées par des groupes armés palestiniens (MDE 02/003/02). Objecteurs de conscience Israël, Territoires occupés et Autorité palestinienne. Au moins 158 juifs israéliens qui refusaient d'accom- L'avenir assassiné : les enfants en ligne de mire plir leur service militaire ou de servir dans les (MDE 02/005/02). Territoires occupés ont été condamnés à des peines Israël et Territoires occupés. Le lourd tribut des allant jusqu'à six mois d'emprisonnement. Il s'agissait incursions israéliennes (MDE 15/042/02). de prisonniers d'opinion. Israël et Territoires occupés. Détention massive dans des conditions cruelles, inhumaines et dégradantes Transfert forcé (MDE 15/074/02). Le 4 septembre, Intisar et Kifah Ajuri ont été transfé- Israël et Territoires occupés. À l'abri des regards : rés contre leur gré de leur ville natale de Naplouse à la les violations des droits humains commises par les Forces bande de Gaza, au motif qu’ils auraient aidé leur frère, de défense d'Israël (FDI) à Jénine et à Naplouse assassiné le 6 août par les FDI, à commettre des (MDE 15/143/02). attaques contre des Israéliens. Intisar et Kifah Ajuri étaient détenus respectivement depuis le 4 juin et le 18 juillet. Ils n’ont pas été inculpés et aucune procé- dure n'a été ouverte en vue de les traduire en justice.

Nations unies En avril, une délégation des Nations unies menée par le haut-commissaire aux droits de l'homme a été empêchée de se rendre dans les Territoires occupés en raison du manque de coopération des autorités israé- liennes. Le gouvernement, qui avait dans un premier temps accepté la venue d'une mission d'enquête des Nations unies, conformément à la résolution 1405 adoptée le 19 avril par le Conseil de sécurité, lui a refusé l'accès au pays. La mission a été dissoute le 3 mai par le secrétaire général des Nations unies. Au mois d’août, le gouvernement israélien a informé le secrétaire général des Nations unies qu'il annulait sa signature du Statut de Rome de la Cour pénale inter- nationale (CPI). Au mois d’octobre, le Comité des droits de l'enfant a recommandé à Israël de ne pas prendre les enfants pour cible. Il a constaté que l’« occupation illégale des 225 IT ITALIE RÉPUBLIQUE ITALIENNE SUISSE AUTRICHE HONGRIE CAPITALE : Rome SLOVÉNIE SUPERFICIE: 301 245 km2 FRANCE Milan CROATIE POPULATION: 57,4 millions SAINT- MARIN BOSNIE- CHEF de l’ÉTAT: HERZÉGOVINE Carlo Azeglio Ciampi mer Ligurienne CHEF du GOUVERNEMENT : ITALIE mer YOUGOSLAVIE Silvio Berlusconi Corse Adriatique (FRANCE) PEINE DE MORT: abolie ROME COUR PÉNALE Naples ALBANIE INTERNATIONALE: Sardaigne Statut de Rome ratifié GRÈCE mer Tyrrhénienne

mer Méditerranée mer Sicile Ionienne ALGÉRIE TUNISIE 0 300 km

ette année encore, des membres des forces Un groupe politique armé, les Brigate C de l’ordre et du personnel pénitentiaire Rosse per la costruzione del Partito comunista ont fait un usage excessif de la force et infligé combattente (BR-PCC, Brigades rouges pour la des mauvais traitements qui, dans certains cas, construction du Parti communiste combattant), s’apparentaient à des actes de torture. Plusieurs a revendiqué le meurtre par balle, en mars, détenus et prisonniers condamnés sont morts d’un conseiller économique du gouvernement. dans des circonstances controversées. Le fonctionnement du système de justice pénale Contexte a fait l’objet de nouvelles critiques de la part Au mois de janvier, à la suite d’un mouvement de pro- d’organes nationaux et intergouvernementaux. testation de magistrats de tout le pays, le rapporteur L’un des trois hommes condamnés en 1995, spécial de la Commission des droits de l’homme des au terme d’une procédure pénale d’une équité Nations unies sur l’indépendance des juges et des avo- contestable, pour leur participation à un cats a fait part de ses préoccupations quant aux dissen- assassinat politique commis en 1972, était sions croissantes entre le gouvernement et l’appareil toujours incarcéré, purgeant une peine de judiciaire, susceptibles, selon lui, de mettre à mal l’état vingt-deux années d’emprisonnement dans de droit dans le pays. Il s’est rendu en Italie en mars et l’attente d’une décision sur une requête en novembre pour étudier les causes de ce conflit et présentée devant la Commission européenne des tenter de trouver des solutions appropriées. droits de l’homme. Les organisations de défense Dans les rapports préliminaires et les déclarations des droits des réfugiés ont fait part de leur publiés à l’issue de ces visites, le rapporteur spécial préoccupation face à l’absence persistante d’une s’est déclaré convaincu que les procureurs et les juges loi générale sur l’asile. Elles se sont également avaient de bonnes raisons de craindre pour leur indé- inquiétées de l’adoption d’une nouvelle loi sur pendance. À la suite de sa visite du mois de mars, il a l’immigration comportant des dispositions en exhorté les personnalités politiques de premier plan matière d’asile qui entravaient l’exercice concret impliquées dans des procès pour corruption et falsifi- du droit d’asile prévu par le droit international cation de comptabilité, dont le Premier ministre, des réfugiés et le droit international humanitaire Silvio Berlusconi, à respecter les principes de la légalité et qui accroissaient le risque de renvoi forcé et à ne pas user de leur rang pour retarder indûment la dans leur pays d’origine de personnes menacées procédure. Il a recommandé la mise en place d’un de graves violations des droits humains. comité de coordination représentant tous les secteurs 226 IT du système judiciaire afin que ses membres abordent la transparence quant à leurs résultats. Elle a ajouté que réforme de l’appareil judiciaire de manière globale et « les personnes exprimant leur intention de porter plainte exhaustive. Au cours de sa visite du mois de contre les forces de l’ordre pour mauvais traitements novembre, le rapporteur spécial a constaté que la sus- feraient fréquemment l’objet ou seraient menacées de picion mutuelle résultant de la tension entre les magis- poursuites en représailles ». L’ECRI a souligné l’« urgente trats et le gouvernement persistait. Selon lui, cette nécessité » d’améliorer les réponses aux plaintes pour situation était due aux lourdeurs du système judiciaire comportement abusif de la police à l’égard de membres italien et à la lenteur des procédures, sources d’abus de des groupes minoritaires et a recommandé, entre toutes sortes, ainsi qu’aux procès impliquant des res- autres, la création d’une commission indépendante ponsables politiques de haut rang qui exploitent de chargée de mener des enquêtes sur toutes les alléga- façon voyante les faiblesses du système et, dans cer- tions de violations des droits humains par la police. tains cas, se servent à leurs propres fins du processus parlementaire. Il a également noté que peu de progrès Mises à jour avaient été enregistrés en matière de réforme du sys- Les enquêtes judiciaires sur les violations des droits tème de justice, soulignant en outre que le Comité des humains commises au cours des opérations de main- ministres du Conseil de l’Europe, lui aussi préoccupé tien de l’ordre qui ont accompagné les manifestations par la lenteur excessive des procédures judiciaires en de grande ampleur lors du troisième Forum mondial, Italie, se penchait actuellement sur l’efficacité du sys- tenu à Naples en mars 2001, et du sommet du G8 de tème de justice pénale italien. Gênes, en juillet 2001, étaient toujours en cours. Dans son second rapport sur l’Italie, publié en avril, la ✔ De très nombreux membres de la police de Naples Commission européenne contre le racisme et l’intolé- faisaient l’objet d’une information judiciaire. En avril, rance (ECRI) a reconnu que le pays avait pris ces der- le juge d’instruction chargé de l’affaire a approuvé la nières années un certain nombre de mesures pour requête du procureur de la République demandant le lutter contre le racisme et l’intolérance. Notant que placement en détention de huit des policiers mis en ceux-ci persistaient néanmoins et se traduisaient par cause. Ceux-ci étaient notamment accusés d’avoir des préjugés sociaux, la discrimination et des cas de transféré dans un lieu de détention, illégalement et violence, l’ECRI a souligné le « rôle joué par certains sans discernement, un grand nombre de personnes qui hommes politiques ayant recours à une propagande xéno- s’étaient rendues dans des hôpitaux de la ville afin de phobe et à des discours provocateurs à caractère raciste recevoir des soins urgents pour des blessures infligées dans l’origine de cette situation », laquelle doit faire au cours des manifestations. Il leur était également l’objet d’« une attention particulière et urgente ». Les reproché d’avoir empêché les personnes arrêtées de autorités italiennes ont répondu en faisant observer communiquer avec leurs proches ou de consulter un qu’« aucun parti politique italien n’est inspiré, dans son avocat ; de les avoir soumises à des fouilles à corps illé- programme ou son attitude, par une quelconque intolé- gales et humiliantes, ainsi que de les avoir frappées, rance raciste ou xénophobe ». notamment à coups de matraque ; de les avoir intimi- dées et menacées, et de leur avoir fait subir d’autres Mauvais traitements et recours excessif à la force formes de mauvais traitements ; d’avoir endommagé par des membres des forces de l’ordre des biens leur appartenant et d’avoir confisqué illégale- De nombreux cas de mauvais traitements et de recours ment des pellicules et des appareils photographiques, excessif à la force imputables à des membres des forces des caméras, des téléphones portables ainsi que de l’ordre faisaient l’objet de procédures pénales, enta- d’autres objets, dans le but de dissimuler des infrac- mées en 2002 ou auparavant. Des informations judi- tions imputées à des membres des forces de l’ordre. En ciaires concernaient également des cas d’usage d’armes mai, la chambre d’appel du tribunal de Naples a à feu dans des circonstances controversées et ayant annulé cette ordonnance de mise en détention, consi- parfois entraîné la mort. dérant que l’accusation d’enlèvement n’était pas suffi- L’ECRI s’est dite préoccupée par des informations fai- samment fondée. Il a néanmoins souligné qu’il existait sant état d’abus de la part de certains responsables de des éléments concordants indiquant qu’il y avait eu l’application des lois, « tels que des contrôles discrimina- coups et blessures et recours à la contrainte, et qu’il ne toires, des paroles injurieuses et insultantes, des mauvais faisait « aucun doute » que la police s’était comportée traitements et des actes de violence, voire dans certains cas de manière « violente et oppressive, […] en violation [l’]utilisation illégale d’armes à feu ». La Commission manifeste des dispositions législatives », en particulier s’est également déclarée inquiète de ce que certains dans le lieu de détention, et que ce qui s’était passé groupes de personnes, « notamment les Roms/Tsiganes, avait été « anormal et absolument injustifiable ». les étrangers et les ressortissants italiens d’origine immi- ✔ De nombreuses informations judiciaires ouvertes grée, [soient] particulièrement susceptibles de devenir les par le parquet de Gênes à la suite des événements qui victimes de ce genre de comportement ». Elle a constaté se sont déroulés pendant le sommet du G8 étaient que la plupart de ces faits ne débouchaient générale- toujours en cours, notamment celle concernant la ment pas sur le dépôt d’une plainte par la victime, que mort par balle d’un manifestant, Carlo Giuliani. Le ces affaires faisaient « rarement » l’objet d’enquêtes carabinier ayant tiré le coup de feu depuis un véhicule internes au sein de la police, et qu’il y avait peu de des forces de l’ordre pris d’assaut par les manifestants 227 IT faisait l’objet d’une enquête pour homicide volontaire, trationpénitentiaire, étaient toujours en cours. tandis que l’analyse des preuves apportées par les Certaines ne progressaient cependant que très lente- témoins et les résultats des expertises médicolégales se ment. Il était à craindre que le régime de haute sécu- poursuivait. En décembre, le parquet a demandé que rité dit « 41 bis », qui prévoit un isolement strict des la juge d’instruction prononce un non-lieu, au motif détenus incarcérés pour des affaires de criminalité que le carabinier aurait agi en état de légitime défense. organisée, ne s’apparente, dans certains cas, à un trai- Les avocats de la famille de Carlo Giuliani ont fait tement cruel, inhumain et dégradant. Le Parlement a opposition à cette requête. La juge n’avait pas rendu sa approuvé, en décembre, une loi étendant l’application décision à la fin de l’année. de cette disposition aux prisonniers incarcérés pour L’enquête judiciaire sur le comportement des forces de trafic de personnes ou pour des délits commis « aux l’ordre au cours d’une descente de police dans un bâti- fins de terrorisme ou de subversion de l’État ». ment occupé légalement par le Forum social de Gênes ✔ Au mois de mai, plus de 70 détenus de la prison était elle aussi toujours en cours. Au moins 62 des provinciale de Trente ont signé une plainte accusant 93 personnes arrêtées au cours de cette intervention ont des membres du personnel pénitentiaire d’avoir roué été blessées. Certaines ont dû être hospitalisées de coups un détenu d’origine marocaine. La plainte d’urgence et plusieurs ont subi une intervention chirur- faisait également état de fréquents abus de pouvoir de gicale. Des dizaines de policiers faisaient l’objet d’une la part du personnel. Le ministère de la Justice a fait enquête qui concernait initialement leur éventuelle mise savoir, en juin, que les services du procureur du dis- en cause pour abus de pouvoir, coups et blessures, trict avaient ouvert une enquête tant sur les allégations injures ou incapacité à empêcher les fonctionnaires pla- des détenus que sur un rapport présenté par le person- cés sous leurs ordres de commettre de telles infractions. nel de la prison affirmant que des gardiens avaient été Par la suite, l’enquête a pris plus d’ampleur car de nom- violemment agressés par des détenus en mai et que breux éléments concouraient à indiquer que des agents certains prisonniers d’origine marocaine avaient parti- avaient effectué de faux témoignages et falsifié des cipé à des violences. preuves contre les 93 personnes placées en garde à vue, ✔ En septembre, le parquet de Palerme a ouvert une dans le but, semble-t-il, de justifier la descente, le degré information judiciaire à la suite d’une plainte écrite de force utilisé par la police, ainsi que l’arrestation de déposée par quelque 25 détenus de la prison de ces 93 personnes. Celles-ci étaient accusées de résistance Pagliarelli. Ils affirmaient avoir fait l’objet d’agressions aux forces de l’ordre, de vol, de port d’armes offensives physiques, d’actes d’intimidation et de pressions psy- et d’appartenance à une association de malfaiteurs ayant chologiques de la part de membres du personnel péni- pour but le pillage et la destruction de biens. En tentiaire. L’un d’entre eux aurait tenté de se suicider. décembre, le parquet a demandé l’abandon des charges ✔ Selon les informations recueillies, les fenêtres des concernant les trois premières accusations. Une infor- cellules occupées par des détenus incarcérés sous le mation judiciaire relative à la quatrième était toujours régime « 41 bis » dans les prisons de Cuneo, de en cours à la fin de l’année. L’Aquila et de Viterbo, étaient munies de vitres faites Une enquête sur le comportement de membres des de trois couches de verre armé et équipées de barreaux forces de l’ordre et du personnel pénitentiaire au métalliques de sécurité, ce qui restreignait considéra- centre de détention provisoire de Bolzaneto, dans blement l’apport d’air et de lumière et aurait grave- lequel ont séjourné plus de 200 détenus, était égale- ment affecté la vue de ceux qui ont été maintenus ment en cours. D’après les informations reçues, plus dans ce type de cellule pendant de longues périodes. de 30 personnes, parmi lesquelles des agents de ✔ Le procès des huit fonctionnaires de l’administra- l’administration pénitentiaire, des médecins, des cara- tion pénitentiaire, accusés de coups et blessures sus- biniers et des policiers, faisaient l’objet d’une enquête ceptibles d’entraîner la mort sur la personne de Luigi à la fin de l’année pour abus d’autorité, coups et bles- Acquaviva, mort dans la prison de Bad’e Carros sures, injures ou manquement à leur devoir d’interve- (Sardaigne) en janvier 2000, s’est ouvert en décembre nir pour empêcher de telles infractions. 2002. Une autopsie et des examens médicolégaux ont permis d’établir que son corps, retrouvé pendu dans Prisons une cellule d’isolement placée sous surveillance élec- La surpopulation carcérale constituait toujours un pro- tronique, présentait de nombreux traumatismes résul- blème chronique ; cette année encore, des informations tants de blessures reçues avant sa mort, ainsi que des ont fait état d’une insuffisance de soins médicaux, de lésions au cou tendant à confirmer la thèse du suicide. conditions sanitaires déplorables et d’un taux élevé L’un des gardiens était également accusé d’homicide d’actes d’automutilation, de suicides et de tentatives involontaire, pour ne pas avoir surveillé le détenu et de suicide. Il y a eu de nombreux mouvements de pro- empêché qu’il se suicide. testation dans les prisons, provoqués par la détériora- tion des conditions de vie des détenus et des Compétence universelle en matière conditions de travail du personnel pénitentiaire. De de crimes contre l’humanité nombreuses poursuites pénales ouvertes à la suite Au mois de février, un ressortissant rwandais résidant d’allégations de mauvais traitements, parfois assimilés en Italie s’est envolé pour la Tanzanie afin de se livrer à des actes de torture, de la part d’agents de l’adminis- au Tribunal pénal international pour le Rwanda 228 JA

(TPIR), à Arusha. En 2001, les autorités italiennes Une loi sur la coopération de l’Italie avec le TPIR est avaient refusé d’appliquer un mandat d’arrêt interna- entrée en vigueur en août.◆ tional décerné à son encontre pour génocide et crimes contre l’humanité, au motif que le droit national ne Visites d’Amnesty International contenait aucune disposition permettant de procéder à Des déléguées d’Amnesty International se sont ren- cette arrestation. Amnesty International avait dues en Italie au mois d’avril.◆ demandé à l’Italie de s’acquitter immédiatement de ses obligations internationales et de prendre les mesures Autres documents d’Amnesty International nécessaires pour que les auteurs présumés de violations Préoccupations d’Amnesty International en Europe, graves des droits humains soient traduits en justice. janvier – juin 2002 (EUR 01/007/02). JAMAÏQUE JAMAÏQUE CUBA CAPITALE : Kingston Grande Inagua (BAHAMAS) SUPERFICIE: 10 991 km2 POPULATION: 2,6 millions CHEF de l’ÉTAT: Elizabeth II, mer représentée par Howard Felix Cooke des Antilles CHEF du GOUVERNEMENT : Montego Bay Percival James Patterson HAïTI JAMAïQUE KINGSTON PEINE DE MORT: maintenue COUR PÉNALE

INTERNATIONALE: 0 200 km Statut de Rome signé

e nouveaux cas de brutalités policières deux grands partis politiques se seraient livrés récipro- et de recours excessif à la force par quement à des attaques contre les manifestations orga- Ddes policiers ont été rapportés. Au moins nisées par le camp adverse. Un médiateur a été 133 personnes ont été tuées par la police, nommé en juillet pour tenter de réduire les tensions souvent dans des circonstances controversées politiques, conformément à une recommandation du laissant à penser qu’il s’agissait peut-être National Committee on Crime and Violence (Comité d’exécutions extrajudiciaires. Des cas de mauvais national contre le crime et la violence). traitements et de détention sans inculpation Le ministre de la Sécurité nationale a annoncé, au ni jugement ont été signalés. Les conditions de mois d’octobre, que des soldats des Forces de défense détention constituaient fréquemment, de fait, de la Jamaïque allaient être déployés au cœur des un traitement cruel, inhumain et dégradant. villes pour lutter contre les « groupes terroristes para- Au moins cinq personnes ont été condamnées militaires ». à mort, mais il n’y a pas eu d’exécution La situation économique restait très difficile et un en 2002. En janvier, le gouvernement grand nombre de personnes vivaient au-dessous du a refusé d’abroger les lois faisant de seuil de pauvreté. La société jamaïcaine souffrait tou- l’homosexualité une infraction pénale. jours d’un taux de criminalité violente extrêmement élevé ; au moins 1045 personnes, dont 416 policiers, Contexte auraient été victimes de meurtre. Le People's National Party (PNP, Parti national popu- laire) a été reconduit à la tête du pays à la faveur des Brutalités commises par les forces de sécurité élections du 16 octobre 2002, qui ont été marquées Au moins 133 personnes ont été tuées par la police au par une recrudescence de la violence politique. Au cours de l’année 2002. Nombre d’entre elles auraient moins 60 personnes ont été tuées dans les jours qui été victimes d’exécutions extrajudiciaires. Des arresta- ont précédé la consultation. Les sympathisants des tions et des détentions illégales ont de nouveau été 229 JA signalées, tandis que les cas de mauvais traitements en l’homicide, en 1999, de Patrick Genius, alors qu’un garde à vue, pouvant s’apparenter à une forme de tor- tribunal du coroner (qui statue à l’issue de l’enquête ture, se sont accrus. menée par cet officier judiciaire chargé d’effectuer des ✔ Glenroy Stewart, vingt-deux ans, Jovan Campbell, investigations en cas de mort violente ou suspecte) vingt ans, Gregory Sharpe, dix-neuf ans, et Douglas avait estimé que la responsabilité pénale de la police Rhoden, dix-sept ans, ont été abattus par la police était engagée dans cette affaire. Le DPP a expliqué que dans des circonstances controversées le 6 mars à rien ne permettait de remettre en cause les déclarations Worthy Park. La police a affirmé qu’ils avaient été des policiers, qui affirmaient avoir agi en état de légi- tués dans un échange de coups de feu après une pour- time défense, choisissant d’ignorer tous les éléments suite en voiture. Selon des témoins, des agents qui tendaient à prouver le contraire. En novembre, la auraient menotté les quatre jeunes gens dans une bou- Cour suprême a déclaré recevable la demande de tique, puis les auraient roués de coups avant de les réexamen déposée par les proches de Patrick Genius. emmener à bord d’un véhicule de police. Par la suite, Celle-ci n’avait pas été étudiée à la fin de l’année. des policiers auraient menacé certains habitants du ✔ Au mois d’octobre, le coroner chargé d’enquêter sur quartier qui protestaient contre ces homicides, afin de la mort de sept jeunes gens (les « Sept de Braeton »), les contraindre au silence. tués le 14 mars 2001 par des hommes de la Crime ✔ Jason Smith, âgé de quinze ans, a été abattu par la Management Unit (CMU, Unité de lutte contre le police au mois de juillet. Selon cette dernière, il aurait crime), un service de police spécialisé, a conclu que sorti un revolver lorsque des agents l’abordaient alors personne n’était pénalement responsable dans cette qu’il circulait à bicyclette, et aurait été tué au cours de affaire. Plusieurs témoins ont pourtant déclaré que les l’échange de coups de feu qui a suivi. Selon des jeunes hommes avaient été roués de coups, puis som- témoins, Jason Smith aurait en fait tenté d’échapper à mairement exécutés, l’un après l’autre, dans une mai- un groupe de policiers parce que son vélo n’avait pas son de Braeton. Un médecin légiste qui a assisté aux d’éclairage, mais aurait été rattrapé. Une personne a autopsies a estimé qu’il était « hautement improbable » déclaré avoir vu l’adolescent tomber par terre et sup- que les victimes aient été tuées lors d’une fusillade, plier les policiers de lui laisser la vie sauve. L’un des comme l’indiquait la police. Amnesty International a agents lui aurait donné un coup de pied, puis un autre critiqué sur de nombreux aspects la procédure utilisée aurait tiré sur lui. Le rapport d’autopsie indiquait que dans l’enquête du coroner, notamment le fait que le le corps de Jason Smith portait des traces de coups. magistrat n’avait pas obligé quatre des policiers impli- Au mois de septembre, la Commission interaméri- qués à témoigner. caine des droits de l’homme a demandé à la Jamaïque ✔ Le procès du policier accusé du meurtre, commis de faire le nécessaire pour que la sécurité des habitants en mars 2000, de Janice Allen, âgée de treize ans, de West Kingston soit assurée. Cette intervention fai- n’avait toujours pas eu lieu. Son ouverture était prévue sait suite à une pétition déposée par l’organisation de pour le début de l’année 2003. Il a été indiqué à plu- défense des droits humains Jamaicans for Justice sieurs reprises que des proches de la victime avaient été (Jamaïcains pour la justice) et faisant état de viola- menacés par des policiers, qui cherchaient à les intimi- tions des droits humains qui auraient été commises der à l’approche du procès. D’importants documents par des policiers du poste de Hunts Bay, auxquelles relatifs à cette affaire ont en outre disparu des archives les pouvoirs publics n’auraient pas donné les suites de la police. nécessaires. Commission d’enquête sur les violences Impunité de West Kingston Les auteurs d’atteintes aux droits humains conti- La Commission d’enquête sur les violences de West nuaient de jouir de l’impunité et leurs victimes ne Kingston a publié son rapport au mois de juin. Elle n’a pouvaient toujours pas espérer obtenir réparation. Les pas été en mesure d’établir l’identité des 27 personnes enquêtes menées dans certaines affaires relatives à des qui ont trouvé la mort lors des troubles survenus à exécutions extrajudiciaires présumées ou à d’autres West Kingston entre le 7 et le 10 juillet 2001, ni celle violations des droits humains n’étaient pas satisfai- de leurs meurtriers. Elle a cependant mis totalement santes. Bien souvent, la police ne protégeait pas les hors de cause les forces de sécurité, tout en recomman- lieux où avaient été commis les homicides et les dant que leurs agents reçoivent une formation sur le enquêteurs tardaient à arriver, permettant ainsi que recours aux armes non meurtrières. Le rapport présen- d’importants éléments de preuve soient altérés ou tait de graves lacunes, tant sur le plan du droit que sur détruits. Il est certes arrivé que des policiers soient celui des faits, et ses auteurs semblaient bien souvent inculpés d’infractions relatives à des violations des reprendre à leur compte les déclarations des autorités, droits humains mais, à la connaissance d’Amnesty en dépit de l’existence de témoignages contradictoires. International, aucun membre de la police ou de En juin, le Premier ministre a annoncé que le gouver- l’armée n’a été reconnu coupable de tels actes. nement acceptait dans le principe les recommandations ✔ En janvier, le Director of Public Prosecutions (DPP, de la Commission. Cette dernière suggérait notam- équivalent du procureur général) a refusé d’entamer ment de remplacer les mécanismes disciplinaires des poursuites contre les policiers impliqués dans internes existant au sein de la police par un conseil civil 230 JA de révision, qui imposerait des sanctions plus lourdes policiers, ont été signalées cette année. En janvier, le aux personnes refusant de témoigner devant une com- gouvernement a refusé d’étudier la possibilité d’abro- mission d’enquête et appliquerait aux policiers la Loi ger les dispositions légales qui interdisent les relations sur la prévention de la corruption. Le Public Defender homosexuelles entre hommes en privé ; ce faisant, elle (médiateur) a déclaré en août qu’il examinait avec le n’a pas tenu compte de la recommandation d’une gouvernement la possibilité d’accorder des réparations commission mixte spéciale chargée de travailler sur le aux proches des personnes tuées. Aucune décision projet de Charte des droits. En octobre, le Royaume- n’avait été prise à la fin de l’année. Uni a accordé le statut de réfugié à un homosexuel, estimant que l’homophobie extrême qui régnait en Torture et mauvais traitements en détention Jamaïque constituait une menace pour sa sécurité. Les conditions de vie dans les prisons et les autres lieux de détention étaient très dures et constituaient souvent, Visites d’Amnesty International de fait, un traitement cruel, inhumain et dégradant. De Au mois de février, puis au mois d’août, Amnesty nombreux établissements étaient surpeuplés et les International a envoyé un observateur pour suivre maladies graves y étaient fréquentes. Dans le centre de l’enquête du coroner sur la mort des « Sept de Braeton ». détention de la police de Spanish Town, par exemple, En avril, une délégation d’Amnesty International a ren- 131 détenus étaient entassés dans des cellules initiale- contré le procureur général et les ministres des Affaires ment prévues pour 46 personnes. De nombreux cas de étrangères, de la Sécurité nationale et de l’Information, viol d’homme ont été signalés. Les victimes étaient sou- afin d’évoquer le recours à la peine capitale.◆ vent des détenus souffrant de troubles mentaux. ✔ Au mois de mai, plus de 600 des 800 surveillants de Autres documents d’Amnesty International prison qui avaient été suspendus pour avoir fait grève State killing in the English speaking Caribbean: a legacy illégalement en 2000 ont commencé à être progressi- of colonial times [Les exécutions judiciaires dans vement réintégrés dans leurs fonctions. Des cas de vio- les Caraïbes anglophones : un héritage de l'époque lences physiques ayant provoqué des blessures, coloniale] (AMR 05/003/02). perpétrées par des gardiens sur des détenus, ont été signalés peu après à la prison du district de Sainte- Catherine et au centre pénitentiaire de Tower Street.

Peine de mort Au moins cinq personnes ont été condamnées à mort, ce qui portait à au moins 50 le nombre des détenus se trouvant sous le coup d’une condamnation à la peine capitale. Aucune exécution n’a eu lieu. En janvier, le chef de l’opposition a demandé que le champ d’appli- cation de la peine de mort soit étendu aux trafiquants de drogue et aux « terroristes ». En février, le ministre de la Sécurité nationale a déclaré que les personnes coupables d’avoir importé des armes à feu en grande quantité devraient être exécutées. En juin, la Police Federation (Fédération de la police) a demandé la reprise des exécutions, notamment pour les personnes reconnues coupables du meurtre d’un policier. En sep- tembre, le Premier ministre a annoncé que si son parti était reconduit aux affaires, il procéderait à une modi- fication de la Constitution afin de faciliter la reprise des exécutions.

Violence contre les femmes Une coalition d’organisations de femmes a soumis une pétition aux différents partis politiques jamaïcains en octobre, avant les élections législatives. Le texte dénon- çait le nombre élevé de viols et d’autres formes de vio- lence dont les femmes étaient victimes, et demandait que des mesures soient prises pour en finir avec ces pratiques et avec la discrimination sexiste.

Homosexualité De nouvelles agressions contre des homosexuels, per- pétrées aussi bien par des particuliers que par des 231 JA JAPON JAPON CAPITALE : Tokyo SUPERFICIE : 377 727 km2 POPULATION : 127,5 millions CHEF de l’ÉTAT : Akihito CHEF du GOUVERNEMENT : Junichiro Koizumi PEINE DE MORT : maintenue COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome non signé

eux personnes ont été exécutées en 2002 commune, la Déclaration de Pyongyang, qui conte- et plus d’une centaine demeuraient sous nait notamment des excuses du Japon pour son passé Dle coup d’une condamnation à mort. Un grand colonial ainsi qu’un accord pour une normalisation nombre d’entre elles avaient été reconnues rapide des relations entre les deux pays. Au cours de la coupables sur la base d’« aveux » extorqués au rencontre, Kim Jong-il a admis que des agents nord- cours de leur détention provisoire. De nouvelles coréens avaient enlevé 13 ressortissants nippons à la informations ont fait état de mauvais traitements fin des années 70 et au début des années 80. Huit et d’actes de torture contre des prisonniers. d’entre eux sont morts; les cinq autres ont pu rendre L’absence de procédure indépendante d’examen visite à leurs proches au Japon au mois d’octobre. Les des plaintes déposées par les détenus était pourparlers de normalisation des relations entre les préoccupante. La procédure de détermination deux pays ont commencé ce même mois, mais ils ont du statut de réfugié était contraire aux normes été suspendus lorsque le gouvernement japonais a internationales. Plusieurs réfugiés et une insisté pour que ces cinq personnes soient autorisées à vingtaine de demandeurs d’asile ont été détenus. rester au Japon et à y faire venir les membres de leur famille se trouvant en Corée du Nord. Contexte Au cours de l’année, les médias ont accordé une place Peine de mort très importante aux questions concernant la Deux personnes ont été exécutées par pendaison le République populaire démocratique de Corée (Corée 17 septembre, alors que l’attention des médias se foca- du Nord). Au mois de mai, des policiers chinois sont lisait sur la rencontre au sommet entre le Japon et la entrés à l’intérieur du consulat japonais de la ville de Corée du Nord. Les exécutions se sont, une fois Shenyang, en République populaire de Chine, et en encore, déroulées en secret. Les prisonniers n’ont été ont fait sortir par la force cinq demandeurs d’asile de informés du moment de leur exécution que quelques nationalité nord-coréenne. Les hauts fonctionnaires heures à l’avance et ont ainsi été privés, dans les faits, japonais ont affirmé que la police chinoise avait agi de toute possibilité de prendre contact avec leurs sans avoir obtenu l’autorisation de franchir l’enceinte proches ou leur avocat. Les deux exécutions ont eu du consulat. Les responsables chinois, quant à eux, ont lieu durant les vacances parlementaires, ce qui excluait soutenu avoir reçu cette autorisation de la part des toute possibilité de débat au sein de la Diète autorités japonaises. (Parlement). Une rencontre au sommet d’importance historique En 2001, le Conseil de l’Europe avait menacé de retirer entre le Premier ministre japonais Junichiro Koizumi au Japon son statut d’observateur s’il ne prenait pas, et le chef de l’État nord-coréen Kim Jong-il s’est tenue dans les délais les plus brefs, les mesures nécessaires au mois de septembre à Pyongyang, en Corée du pour abolir la peine de mort. Après les exécutions de Nord. À l’issue de cette réunion, les gouvernements septembre, le Conseil de l’Europe a publié une déclara- japonais et nord-coréen ont publié une déclaration tion dans laquelle il condamnait ces exécutions et 232 JA qualifiait d’effrayant le fait qu’elles ont eu lieu sans détenus, notamment la façon dont ils doivent s’asseoir que les familles aient été prévenues de la date. et les périodes durant lesquelles ils sont autorisés à par- À la fin de l’année 2002, plus d’une centaine de pri- ler. Selon certaines informations persistantes, des pri- sonniers restaient sous le coup d’une condamnation à sonniers ont été forcés à rester sans bouger, assis en mort, dont 57 qui ont vu leur peine confirmée par la tailleur ou les jambes repliées sous le corps, pendant de Cour suprême. Les conditions de vie dans les quartiers très longues périodes. des condamnés à mort s’apparentaient à un traitement Les tribunaux continuaient de statuer en se fondant sur cruel, inhumain et dégradant. De nombreux condam- les « aveux » obtenus dans le cadre du système des « pri- nés, placés à l’isolement, n’avaient que des contacts sons de substitution » (daiyo kangoku), qui permet de limités avec le monde extérieur. Certains étaient déte- détenir les suspects au secret jusqu’à vingt-trois jours nus dans ces conditions depuis plus de dix ans. avant toute inculpation. Dans certains cas, les « aveux » étaient extorqués grâce à des méthodes telles que les Demandeurs d’asile interrogatoires menés sans interruption du matin au Fin 2002, en dépit de l’augmentation du nombre de soir ou le placement du suspect dans des conditions demandes d’asile, seules 11 personnes s’étaient vu physiques et psychologiques qui, par leur dureté, reconnaître la qualité de réfugié. La procédure de déter- s’apparentent à des actes de torture. L’absence de procé- mination de ce statut demeurait sujette à de longs dure indépendante d’examen des plaintes déposées par délais et à un manque extrême de transparence. De les détenus était préoccupante. Il semble que plusieurs nombreux étrangers se sont vu, par exemple, refuser prisonniers qui avaient porté plainte pour actes de tor- l’asile sans que les motifs précis du rejet de leur ture ou mauvais traitements aient été roués de coups et demande leur aient été communiqués. Quatre réfugiés harcelés, le but étant de leur faire retirer leur plainte. au moins, dont le statut avait été reconnu par le Haut- ✔ Un prisonnier de quarante-neuf ans est mort en mai Commissariat des Nations unies pour les réfugiés dans la prison de Nagoya après que les gardiens lui (HCR), étaient détenus dans des centres de rétention eurent placé autour de l’abdomen un instrument de pour immigrés, tels que le Centre pour immigrés du contrainte constitué de menottes fixées à une ceinture. Japon occidental. Les conditions qui régnaient dans ce Laissé sans surveillance dans une cellule d’isolement, dernier étaient contraires aux normes internationales, l’homme est mort d’une crise cardiaque le jour même. étant donné que les détenus avaient très peu d’occa- Deux des cinq membres du personnel pénitentiaire sions de faire de l’exercice en plein air et ne recevaient arrêtés en septembre dans le cadre d’une autre affaire des soins médicaux que de manière limitée. Plusieurs (voir ci-dessous) ont été inculpés à la suite de ce décès. détenus se sont automutilés pour protester contre leur ✔ Cinq fonctionnaires de la prison de Nagoya accu- détention illimitée. Certains demandeurs d’asile étaient sés de violences contre un détenu âgé de trente ans ont incarcérés dans ce centre depuis plus d’un an. été arrêtés en septembre. Ils l’auraient attaché à l’aide Selon les informations reçues, les autorités auraient d’un instrument de contrainte en cuir, puis placé à continué de renvoyer des demandeurs d’asile vers des l’isolement. Apparemment victime d’une hémorragie pays où ils risquaient d’être victimes de graves viola- interne, le prisonnier a dû être hospitalisé pendant tions des droits humains, ce qui est contraire au prin- trois semaines. En novembre, le ministère de la Justice cipe universellement reconnu du non-refoulement. a annoncé que le directeur de la prison et deux autres Un grand nombre de ces rapatriements se sont dérou- hauts responsables seraient rétrogradés et mutés au lés en secret. Dans quelques cas, l’attention des médias Bureau régional des services pénitentiaires. a réussi à les empêcher. ✔ En mars, selon certaines sources, les autorités japo- Législation naises avaient prévu de renvoyer au moins 19 deman- En mars, le gouvernement a présenté un projet de loi deurs d’asile en Afghanistan. Il semble qu’un grand sur la protection des droits humains à la Chambre des nombre d’entre eux appartenaient au groupe ethnique conseillers (la Chambre haute du Parlement). Des voix hazara, dont les membres étaient persécutés lorsque les se sont élevées pour exprimer la crainte que la talibans, essentiellement pachtounes, étaient au pou- Commission nationale des droits humains, dont la voir. En dépit de l’effondrement du régime des tali- création est proposée par ce projet de loi, ne soit pas bans, ces demandeurs d’asile risquaient toujours d’être indépendante du gouvernement mais soit placée sous torturés et persécutés en cas de renvoi en Afghanistan. la responsabilité du ministère de la Justice. La plupart d’entre eux ont fait l’objet d’un arrêté Au mois de mai, le gouvernement a signé les proto- d’expulsion, mais à la suite de pressions internationales coles facultatifs se rapportant à la Convention des tous ont bénéficié d’une libération provisoire. Nations unies relative aux droits de l’enfant.

Torture et mauvais traitements Visites d’Amnesty International De nouvelles allégations ont fait état d’actes de tor- Une délégation d’Amnesty International s’est rendue ture et de mauvais traitements infligés aux prisonniers au Japon au mois de décembre.◆ par des membres du personnel pénitentiaire. Des règlements intérieurs d’une complexité et d’une sévé- Autres documents d’Amnesty International rité extrêmes régissent tous les moments de la vie des Japon. Bienvenue au Japon ? (ASA 22/002/02). 233 JO JORDANIE ROYAUME HACHÉMITE DE JORDANIE CAPITALE : Amman SUPERFICIE : 89 206 km2 POPULATION : 5,2 millions CHEF de l’ÉTAT : Abdallah bin Hussein CHEF du GOUVERNEMENT : Ali Abou Ragheb PEINE DE MORT : maintenue COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome ratifié

u moins six prisonniers politiques ont été Israël. Les manifestations de protestation contre les acquittés et remis en liberté à l'issue d'une relations avec Israël et la guerre en Irak ou de soutien à procédureA d'appel. Plusieurs centaines de l'Intifada palestinienne se sont poursuivies. personnes ont été arrêtées à la suite de En octobre, l'assassinat à Amman du diplomate améri- manifestations ou parce qu'elles étaient cain Laurence Foley a entraîné l'arrestation de nom- soupçonnées de liens avec des groupes islamistes breuses personnes qui auraient été liées à des groupes et d'activités « terroristes ». Certaines étaient islamistes ou palestiniens. En novembre, les forces de considérées comme des prisonniers d’opinion. sécurité ont mené des opérations dans la ville de Maan Des détenus auraient été torturés ou soumis à et dans la région voisine, au cours desquelles au moins d’autres formes de mauvais traitements. Des quatre civils, un policier et un soldat auraient trouvé la prisonniers politiques ont été jugés par la Cour mort. De très nombreux islamistes présumés ont été de sûreté de l'État, dont la procédure ne interpellés par la suite et 136 d'entre eux auraient été respectait pas les normes internationales présentés au parquet aux fins d'interrogatoire. Les auto- d'équité. Selon certaines informations, des rités ont affirmé que ces arrestations étaient en rapport défenseurs des droits humains ont été harcelés et avec des trafics d'armes et de stupéfiants. En décembre, victimes de répression. Au moins 15 personnes les autorités ont annoncé que deux membres présumés ont été condamnées à mort et 14 au moins ont d’Al Qaida (La Base), un Libyen et un Jordanien, été exécutées. Vingt-deux cas de meurtre au sein avaient été interpellés. Ces arrestations étaient liées à de la famille (meurtres pour des questions l’assassinat de Laurence Foley ; en fin d’année, les deux d'honneur) ont été recensés. Deux Irakiens, qui hommes étaient apparemment détenus au secret. étaient apparemment des demandeurs d'asile, En novembre, le Bureau spécial de la Cour de cassa- auraient été renvoyés en Irak. tion chargé de l'interprétation des lois a jugé « illégaux » le Majlis al Nuqabaa (Conseil des prési- Contexte dents de syndicats), organisme représentant les syndi- Les lois promulguées dans la précipitation en 2001 à cats professionnels jordaniens, ainsi que son la suite des attentats du 11 septembre aux États-Unis Sous-comité antinormalisation. Cette décision était sont restées en vigueur et ont continué d'être utilisées apparemment liée aux activités politiques de ces orga- pour restreindre la liberté d'expression. En août, les nismes au sujet des relations jordano-israéliennes. autorités ont fermé le bureau local de la chaîne de télé- vision par satellite Al Jazira basée au Qatar, à la suite Libérations de la diffusion d'une émission au cours de laquelle les En octobre, la Cour de sûreté de l'État a acquitté six téléspectateurs pouvaient appeler la chaîne et qui a été des neuf hommes qui, en juillet 2001, avaient été jugée insultante pour la famille royale : il y avait eu déclarés coupables d'attentats à l'explosif commis pour notamment des critiques contre le roi Hussein à pro- des motifs politiques, ainsi que d'appartenance à l'or- pos du traité de paix signé en 1994 entre la Jordanie et ganisation illégale Jamaat al Islah wal Tahaddi 234 JO (Groupe de réforme et de résistance). Le 26 juin la été détenus jusqu'à quatre jours durant. Cinq d'entre prisonnière d’opinion Toujan al Faisal a été libérée de eux ont été inculpés, et il semble qu’ils étaient en ins- la prison pour femmes de Jweidah à la faveur d'une tance de jugement devant la Cour de sûreté de l'État à mesure de clémence accordée à titre personnel; sa la fin de l'année. déclaration de culpabilité n'a toutefois pas été annulée. Des dizaines d'autres prisonniers d'opinion présumés Cette ancienne députée avait été condamnée, en mai, étaient en détention pour leur appartenance à des à dix-huit mois d'emprisonnement à l'issue d'un pro- organisations interdites et notamment au Hizb al cès inéquitable devant la Cour de sûreté de l'État, Tahrir (Parti de la libération), ainsi que pour leur par- pour avoir critiqué publiquement le gouvernement ticipation à des activités de soutien à l'Intifada ou leur jordanien; elle a été détenue pendant trois mois. opposition à la normalisation des relations avec Israël. ✔ Trois syndicalistes et membres du Comité antinor- Arrestations malisation, Ali Abu Sukkar, Badi Rafayah et Maysarah Plusieurs centaines de personnes ont été arrêtées pour Malas, ont été arrêtés en octobre pour leurs opinions. des motifs politiques. Un très grand nombre ont été Ils ont été inculpés d'appartenance à une organisation interpellées pour avoir exercé leur droit à la liberté interdite parce qu’ils avaient, semble-t-il, distribué des d'expression et de réunion, entre autres en participant tracts critiquant la position officielle de la Jordanie à à des manifestations de soutien à l'Intifada ou de pro- l'égard d'Israël. Détenus pendant près de trois mois testation contre une guerre en Irak. Des dizaines dans la prison de Jweidah avant d’être libérés, ils d'autres personnes ont été arrêtées car on les soupçon- étaient toujours inculpés à la fin de l'année. nait d'être liées à des groupes islamistes, de se livrer à des activités « terroristes » ou de faire du trafic d'armes Défenseurs des droits humains pour soutenir l'Intifada. Les défenseurs des droits humains ont été victimes Plus d'une centaine de militants islamistes présumés d’actes de répression et de harcèlement. En octobre, le auraient été arrêtés à la suite d'un attentat à l'explosif ministère de l'Intérieur a dissous arbitrairement la perpétré à Amman, en février, devant le domicile du Société jordanienne pour les droits des citoyens. Cette responsable de la section antiterroriste du Département mesure semble avoir été prise à la suite des critiques des renseignements généraux (DRG) et qui a coûté la formulées par la Société à l’égard de la situation des vie à deux passants. La plupart des gens interpellés sem- droits humains dans le pays et des nouvelles lois blaient avoir été remis en liberté au bout de quelques restreignant la liberté d'expression et de réunion. jours, mais une personne aurait été inculpée de réten- ✔ Hisham Bustani, un syndicaliste membre de tion d'informations, et six autres d’actes de l'Organisation arabe pour les droits humains, a été « terrorisme ». Parmi ces dernières, deux ont été incul- détenu à deux reprises en 2002. Après avoir été arrêté pées par défaut. L'affaire a été renvoyée devant la Cour en avril par des membres de la Sûreté préventive, il a été de sûreté de l'État. détenu pendant cinq jours, la plupart du temps dans la prison de Jweidah. Il avait participé à une réunion au Torture et mauvais traitements cours de laquelle avait été discutée l'utilisation de gaz Des prisonniers politiques auraient été torturés ou lacrymogène par la police pour disperser les manifesta- maltraités par des membres des services de sécurité et tions. Hisham Bustani a été soupçonné de « diffusion de des gardiens de prison. fausses informations susceptibles de porter atteinte à la ✔ De très nombreuses personnes auraient été interpel- réputation de l'État ». Le procureur a ensuite abandonné lées et maltraitées à Amman à la suite, semble-t-il, les poursuites faute de preuves suffisantes. Hisham d'une manifestation de soutien à l'Intifada. Des pas- Bustani a été de nouveau arrêté en décembre par le DRG sants figuraient apparemment au nombre des per- après la parution, dans le journal Al Arab al Yawm, d’un sonnes arrêtées. Celles-ci auraient été battues dans des article dans lequel il parlait des mauvais traitements postes de police de quartier avant d'être transférées à la infligés aux détenus de la prison de Jweidah. Il a été prison de Jweidah où elles auraient été frappées à détenu pendant cinq jours, essentiellement dans cette coups de pied et au moyen de câbles, de ceintures et même prison, avant d’être libéré sous caution. de tuyaux. La plupart des personnes interpellées ont apparemment été libérées au bout de quelques jours, Procès devant la Cour de sûreté de l'État mais trois au moins auraient été inculpées et déférées Comme les années précédentes, des prisonniers poli- devant la Cour de sûreté de l'État. tiques ont été jugés par la Cour de sûreté de l'État, dont la procédure n’a pas respecté les normes interna- Prisonniers d'opinion tionales d'équité. Les personnes déférées devant cette De très nombreuses personnes, qui étaient peut-être des juridiction étaient poursuivies pour activités « terro- prisonniers d'opinion, ont été incarcérées. Des journa- ristes » ou pour publication d'informations considérées listes, qui seraient au nombre de huit, ont été détenus comme « portant atteinte à la réputation de l'État ». Au pour avoir publié de « fausses » informations, considé- moins 13 procès politiques se sont déroulés devant la rées comme « portant atteinte à la réputation de l'État et Cour de sûreté de l'État. de ses fonctionnaires », aux termes des nouvelles modifi- ✔ Le 11 février, la Cour de sûreté de l’État a condamné cations apportées à l'article 150 du Code pénal. Ils ont Raed Muhammad Hijazi, à l'issue d'un procès inique, à 235 KA la peine capitale pour sa participation à un complot en Réfugiés vue de perpétrer des actes de « terrorisme », et pour Des informations ont fait état du renvoi forcé d'au fabrication illégale et détention d'explosifs. La Cour l’a moins deux demandeurs d'asile présumés en Irak. en revanche déclaré non coupable d’autres infractions ✔ Deux Irakiens, Ammar Sami Muhammad Ali et dont il était accusé, notamment son appartenance pré- Zayed Sami Muhammad Ali, ont été arrêtés en février. sumée à Al Qaida. Cet homme aurait été contraint, Après avoir été harcelés en Jordanie par des membres sous la torture, de faire des « aveux ». Il a interjeté appel des services de sécurité irakiens, ces deux hommes du verdict, et la Cour de cassation a ordonné qu'il soit avaient apparemment tenté de se rendre en Syrie d’où rejugé par la Cour de sûreté de l'État. ils avaient été refoulés. Il semblerait qu’ils aient été renvoyés en Irak, où ils risquaient de voir leurs droits Peine de mort fondamentaux bafoués. Au moins 15 personnes ont été condamnées à mort; deux ont bénéficié par la suite d'une commutation de Meurtres au sein de la famille ou meurtres pour leur peine en réclusion à perpétuité, et trois autres en des questions d'honneur une peine de quinze ans d'emprisonnement. Au moins Au moins 17 femmes et cinq enfants ont été victimes 14 exécutions ont été signalées. de meurtres au sein de la famille ou pour des questions ✔ Yaser Muhammad Ahmad Salamah Abu Shannar a d'honneur. Dix hommes au moins qui avaient tué des été exécuté le 4 décembre dans la prison de Swaqa. Ce femmes pour des questions d'honneur ont bénéficié Palestinien avait été condamné à mort en décembre 2001 des dispositions de l'article 98 du Code pénal ; celui-ci par la Cour de sûreté de l'État pour l'assassinat d'un prévoit que lorsqu’un crime a été perpétré dans «un diplomate jordanien commis en 1994 et dont il avait nié accès de rage » suscité par un acte illégal ou dangereux être l’auteur. Il aurait été forcé de faire des « aveux », sous commis par la victime, son auteur doit pouvoir bénéfi- la torture. Le 17 décembre, Jamal Darwish Fatayer a été cier de l’indulgence du tribunal.◆ condamné par la Cour de sûreté de l’État à la peine capi- tale dans la même affaire, apparemment à l’issue d’un Autres documents d'Amnesty International procès non équitable. Ses « aveux » auraient également Jordanie. Les mesures de sécurité violent les droits été extorqués sous la torture. humains (MDE 16/001/02). KAZAKHSTAN RÉPUBLIQUE DU KAZAKHSTAN CAPITALE : Astana RUSSIE SUPERFICIE : 2 717 300 km2 POPULATION : 16 millions ASTANA CHEF de l’ÉTAT : Noursoultan Nazarbaïev KAZAKHSTAN CHEF du GOUVERNEMENT : Kassymjomart Tokaïev, mer Almaty remplacé par Imangaly d'Aral CHINE Tasmagambetov le 28 janvier mer KIRGHIZISTAN PEINE DE MORT : maintenue Caspienne OUZBÉKISTAN COUR PÉNALE TURKMÉNISTAN INTERNATIONALE : 0 1000 km Statut de Rome non signé

n grand nombre de condamnations à mort l’opposition ont été emprisonnés et des et d’exécutions ont encore eu lieu cette membres des milieux d’opposition ont fait état année.U De nouvelles allégations ont fait état de mesures de harcèlement. Les autorités ont d’actes de torture et de mauvais traitements, continué de renvoyer de force des réfugiés dans et au moins deux détenus sont morts dans des des pays où ils risquaient de subir de graves circonstances suspectes. Deux dirigeants de violations de leurs droits fondamentaux. 236 KA Protection des droits humains Renvois forcés En septembre, le président a créé un poste de commis- Le Kazakhstan a continué de renvoyer des réfugiés saire aux droits humains. Tout en saluant cette mesure, contre leur gré dans des pays où ils risquaient de subir l’Organisation pour la sécurité et la coopération en de graves atteintes à leurs droits fondamentaux. Ainsi, Europe (OSCE) a demandé que le mandat de ce com- au moins cinq personnes réclamées par les autorités missaire soit renforcé afin d’être en conformité avec les ouzbèkes pour des chefs d’inculpation d’« extrémisme normes internationales en la matière. religieux » ont été renvoyées de force en Ouzbékistan. Au moins deux d’entre elles auraient été torturées au Peine de mort sous-sol du bâtiment du Service de la sécurité natio- De nouveau, en 2002, de nombreuses condamnations nale à Tachkent, la capitale de l’Ouzbékistan. à mort ont été prononcées et il y a eu un nombre élevé Néanmoins, fait positif, le Kazakhstan n’a pas renvoyé d’exécutions. Le nouveau commissaire aux droits au Turkménistan l’ancien prisonnier politique turk- humains ainsi que plusieurs hauts responsables du gou- mène Goulgueldi Annaniazov. Après s’être vu accorder vernement, dont le président, ont fait des déclarations le statut de réfugié au Kazakhstan par le Haut- en faveur d’une évolution vers l’abolition de la peine de Commissariat des Nations unies pour les réfugiés mort. Le président de la Cour suprême demeurait pour (HCR), cet homme a été envoyé en Norvège fin sep- sa part favorable au maintien de ce châtiment. tembre pour y suivre un traitement médical. Plusieurs condamnés à mort ou prisonniers passibles de la peine capitale auraient été torturés et maltraités. Liberté d’expression Il semble en outre que le traitement réservé aux Les militants de l’opposition traditionnelle ont signalé proches des prisonniers condamnés s’apparentait à une que les autorités avaient renforcé leurs mesures de har- forme de cruauté psychologique : les familles n’étaient cèlement après la création du mouvement Choix pas informées à l’avance de la date de l’exécution et ne démocratique du Kazakhstan (CDK), fin 2001. l’apprenaient généralement qu’une semaine après ✔ Moukhtar Abliazov et Galimjan Jakianov, deux celle-ci, par télégramme. La législation en vigueur pré- anciens hauts responsables gouvernementaux et diri- voyait en outre que pendant un délai de deux ans elles geants bien connus du CDK, ont été condamnés respec- ne devaient pas être informées du lieu où leur proche tivement à six et sept années d’emprisonnement, en était enterré. juillet et en août, pour « abus de pouvoir » et pour des délits à caractère financier – notamment pour détour- Torture et morts en détention nement de fonds publics. La corruption des fonction- Les allégations faisant état d’actes de torture et de mau- naires était un problème endémique au Kazakhstan, où vais traitements sur la personne de détenus se sont pour- elle bénéficiait d’une impunité généralisée. Il semble suivies. Au moins deux personnes sont mortes en que Moukhtar Abliazov et Galimjan Jakianov aient été détention provisoire, apparemment des suites de torture. pris pour cibles en raison de leurs activités, pourtant ✔ Vladislav Chichov est mort le 11 septembre pen- pacifiques, au sein de l’opposition. Malgré une nette dant son transfert du poste de police au centre de détérioration de l’état de santé de Galimjan Jakianov à détention au secret pour enquête de Pavlodar, ville du la suite des interrogatoires qu’il avait subis en mai et en nord du pays. Il avait été arrêté le 7 septembre pour juin, l’enquêteur aurait insisté pour continuer à l’inter- une infraction à la législation sur les stupéfiants. Le roger. Les procès des deux hommes ne répondaient pas directeur du poste de police aurait dit à la mère de aux normes d’équité internationalement reconnues. Vladislav Chichov que celui-ci n’avait pu être maîtrisé Plusieurs journalistes connus pour leur position cri- et qu’il s’était infligé lui-même ses blessures. Il semble tique vis-à-vis du gouvernement ont fait l’objet de bri- que le médecin des services de santé pénitentiaires ait mades, d’agressions et d’accusations apparemment refusé de le soigner. Selon un rapport d’autopsie, son forgées de toutes pièces. corps présentait de multiples blessures, notamment à ✔ Le journaliste indépendant Sergueï Douvanov a été la tête, à la poitrine et au ventre, ainsi qu’un éclate- inculpé en juillet d’« atteinte à l’honneur et à la dignité ment du foie. En septembre, une information judi- du président ». Cette inculpation était liée, semble-t-il, ciaire a été conduite en six jours sur la mort de à la publication d’un article dans lequel il dénonçait Vladislav Chichov ; elle a conclu que les responsables l’implication de certains responsables gouvernemen- étaient ses codétenus. Il semble que des poursuites taux dans des délits à caractère financier. Le 28 août il pénales aient été engagées contre deux de ses compa- a dû être hospitalisé après avoir été agressé par trois gnons de cellule, et que deux hauts responsables du hommes en civil non identifiés. En novembre, Sergueï personnel de la prison aient été inculpés de « négli- Douvanov a été accusé de viol sur mineur et son pro- gence criminelle » et de manquements à leurs devoirs cès a débuté le 24 décembre au tribunal de district de en tant que membres du personnel médical. L’enquête Karasay, dans la région d’Almaty. Selon certaines judiciaire n’aurait pas pris en compte les allégations informations, cette affaire aurait été forgée de toutes selon lesquelles le personnel s’est délibérément abstenu pièces pour le discréditer. de protéger Vladimir Chichov, ni celles faisant état Les locaux de certains médias indépendants ont été d’une participation active des policiers dans les pas- incendiés et cambriolés, apparemment à l’initiative de sages à tabac. personnes proches du gouvernement qui avaient pour 237 KE but d’intimider les journalistes indépendants. Il semble Respublika. Quelques jours plus tard ces mêmes locaux que les autorités n’aient pas enquêté sérieusement sur ont été réduits en cendres lors d’une attaque au cock- ces faits. Plusieurs sociétés de diffusion indépendantes tail Molotov.◆ ont été contraintes de suspendre temporairement leurs émissions. Autres documents d’Amnesty International ✔ Le 19 mai, un chien décapité a été retrouvé dans les Préoccupations d’Amnesty International en Europe, bureaux d’Almaty du journal d’affaires indépendant janvier – juin 2002 (EUR 01/007/02). KENYA RÉPUBLIQUE DU KENYA SOUDAN ÉTHIOPIE CAPITALE : Nairobi SUPERFICIE: 582 646 km2 POPULATION: 31,9 millions SOMALIE CHEF de l’ÉTAT OUGANDA KENYA et du GOUVERNEMENT: Kisumu Daniel arap Moi, remplacé par lac Mwai Kibaki le 30 décembre Victoria NAIROBI PEINE DE MORT: maintenue océan Indien COUR PÉNALE INTERNATIONALE: TANZANIE Mombasa Statut de Rome signé 0 400 km

e nouvelles condamnations à mort ont former qu’un seul parti baptisé New KANU (la été prononcées, mais aucune exécution n’a Nouvelle KANU). Dans la foulée, Raila Odinga et Deu lieu. Plus de 100 personnes auraient été tuées d’autres responsables du NDP se sont vu confier des par la police dans des circonstances laissant portefeuilles ministériels. Comme la Constitution à penser qu’il pourrait s’agir d’exécutions interdisait au président Moi de briguer un nouveau extrajudiciaires. La torture demeurait une mandat, ce dernier a annoncé, en juin, que son choix pratique courante. La police a recouru à la pour la présidence se portait sur Uhuru Kenyatta, un violence pour disperser des rassemblements nouveau venu au gouvernement remplissant les fonc- pacifiques, et elle a brutalement réprimé des tions de ministre des Administrations locales. En manifestations. Des responsables des services octobre, lors de la conférence nationale de la KANU, de sécurité et des partisans de la formation Uhuru Kenyatta a été officiellement désigné comme politique au pouvoir ont commis en toute candidat du parti à la présidence. impunité des violations des droits humains. Ce choix a provoqué des dissensions au sein de la KANU. Au mois d’août, ceux qui demandaient que la Contexte désignation du candidat à l’élection présidentielle se Des élections législatives et présidentielle ont eu lieu le fasse à bulletins secrets plutôt que par acclamation ont 27 décembre. La période préélectorale a été assombrie formé la Rainbow Alliance (Alliance Arc-en-ciel). par des violences à caractère politique. Des opposants Celle-ci a décidé de ne pas participer à la conférence ont été victimes de harcèlement et d’intimidation de la de la KANU et, le 14 octobre, ses membres se sont part de membres et de sympathisants de la Kenya donné le nom de Liberal Democratic Party (LDP, Parti African National Union (KANU, Union nationale afri- démocratique libéral). caine du Kenya, au pouvoir) et d’autres candidats. Des En avril, les principaux partis d’opposition ont fondé milices privées et des « jeunes à louer » ont participé à la National Alliance for Change (NAC, Alliance natio- ces violences sur fond d’élections, mais au total les nale pour le changement), comprenant notamment le atteintes aux droits humains commises lors du scrutin Democratic Party (DP, Parti démocratique), le FORD- ont été moins nombreuses que ce que l’on craignait. Kenya et le National Party of Kenya (NPK, Parti natio- En mars, la KANU et le National Development Party nal du Kenya). En juillet, la NAC s’est constituée en (NDP, Parti national pour le développement), que diri- parti politique et a annoncé qu’elle comptait dans ses geait l’opposant Raila Odinga, ont fusionné pour ne rangs plusieurs candidats à l’élection présidentielle. En 238 KE octobre, l’Alliance Arc-en-ciel/LDP et la NAC ont auraient été tuées par des policiers dans des circons- fusionné pour former la National Rainbow Coalition tances suspectes. (NARC, Coalition nationale Arc-en-ciel). Cette der- ✔ Le 18 juillet, la police a tué un étudiant de l’univer- nière a présenté Mwai Kibaki, du Parti démocratique, sité de Nairobi, ce qui a donné lieu à une importante comme candidat à la présidence. manifestation à travers la ville. La police antiémeutes Mwai Kibaki est devenu le troisième président du aurait tiré à balles réelles et utilisé des grenades lacry- Kenya et a prêté serment le 30 décembre. Lors du mogènes pour tenter de disperser les étudiants. scrutin législatif, la NARC a remporté 125 sièges, la ✔ En septembre 2000, six détenus de la prison de KANU 64 et les autres partis 21. King’ong’o, à Nyeri (province du Centre), ont été tués La Commission de révision de la Constitution a pour- par des gardiens. Le gouvernement a été accusé d’avoir suivi ses travaux sous la présidence du professeur Yash cherché à étouffer l’affaire. Le 14 mai 2002, 11 gar- Pal Ghai jusqu’à la dissolution du Parlement, en diens soupçonnés d’être impliqués dans ces homicides octobre. La KANU et la NAC ont toutes deux soumis à ont été arrêtés. Leur procès n’avait pas encore com- cette Commission des propositions relatives à un mencé à la fin de l’année. nouvel exécutif, qui serait formé d’un président, d’un La police a dispersé, parfois violemment, de nom- vice-président et d’un Premier ministre élu. La breuses réunions et manifestations, notamment celles Commission a rassemblé les conclusions de ses travaux organisées par les partis d’opposition, les membres de dans un rapport national en vue de le soumettre au l’Alliance Arc-en-ciel et les groupes de défense des Parlement, et elle a élaboré un projet de Constitution libertés fondamentales. dont il devra être débattu lors d’une Conférence ✔ Des manifestations organisées par des enseignants constitutionnelle nationale. Le rapport national faisait kenyans en grève, qui entendaient protester contre le notamment observer que de nombreux Kenyans fait que le gouvernement ne leur avait pas versé inté- n’avaient plus confiance en la justice de leur pays, une gralement une prime de salaire négociée en 1997, ont considération qui a valu au président de la été violemment dispersées par la police, qui a utilisé Commission et à celle-ci dans son ensemble deux du gaz lacrymogène. La grève, entamée à la fin sep- plaintes pour outrage à l’autorité de la justice, l’une tembre, a duré environ six semaines. déposée par deux avocats et l’autre par deux juges. En mai, des centaines de réfugiés originaires d’Éthio- Le Parlement a adopté, en juin, un projet de loi por- pie, de Somalie et d’autres pays ont été arrêtés par la tant création de la Kenya National Commission on police qui les soupçonnait d’être des immigrants clan- Human Rights (Commission nationale kenyane des destins. Ils ont été détenus dans des conditions diffi- droits humains), indépendante du pouvoir, appelée à ciles pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines. remplacer le Comité permanent des droits humains. Des cas de violences sexuelles contre des femmes ont Ce projet de loi n’avait pas encore reçu l’aval présiden- été signalés. Un grand nombre des personnes interpel- tiel à la fin de l’année. lées ont été relâchées moyennant le versement d’un pot-de-vin, ce qui semblait être l’objectif premier de la Peine de mort plupart des arrestations. Au moins 126 personnes ont été condamnées à mort en 2002, mais aucune exécution n’a eu lieu. Lors de la Violences perpétrées par le groupe Mungiki 58e session de la Commission des droits de l’homme Des actes de violence de plus en plus nombreux ont de l’ONU, le Kenya a refusé de voter en faveur d’une été commis par le groupe Mungiki, qui se réclame des résolution des Nations unies demandant que la peine valeurs traditionnelles africaines. de mort soit abolie. Il s’est également abstenu de voter ✔ Le 4 mars, au moins 23 personnes ont été tuées et une résolution condamnant les exécutions arbitraires de nombreuses autres blessées lors d’une attaque menée et l’impunité. Par ailleurs, il n’a toujours pas signé le par quelque 300 membres du groupe Mungiki dans le Deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte quartier de Kariobangi à Nairobi. Il s’agissait, semble-t- international relatif aux droits civils et politiques, il, d’une action de représailles contre un groupe local visant à l’abolition de la peine de mort. d’autodéfense, connu sous le nom de , que des membres de Mungiki avaient affronté peu de temps Violations commises par les forces de sécurité auparavant. À la suite de ce massacre, plus de 100 Les accusations d’homicide et de mauvais traitements membres de Mungiki ont été arrêtés et le groupe a été mettant en cause les forces de sécurité étaient toujours interdit, de même que 17 autres milices et groupes aussi nombreuses. Dans un rapport sur les brutalités d’autodéfense. Cette mesure n’a toutefois pas empêché policières rendu public en juin, le Comité permanent Mungiki de multiplier ses interventions pendant la des droits humains a indiqué que des suspects mou- période préélectorale. C’est ainsi qu’en août des cen- raient pendant leur garde à vue des tortures qu’ils taines de membres du groupe, certains armés de avaient subies et du manque de soins. Le rapport éta- machettes et de gourdins, se sont rassemblés dans le blissait que le recours par la police à une force exces- centre de Nairobi pour exprimer leur soutien à Uhuru sive avait une incidence directe sur le nombre de Kenyatta, le candidat de la KANU à l’élection présiden- personnes qui mouraient dans les cellules des postes de tielle. La police, présente pour surveiller le rassemble- police. Au cours de l’année, plus de 100 personnes ment, n’est toutefois pas intervenue. Toujours au mois 239 KE d’août, Mungiki a menacé d’utiliser la violence contre Présenté au Parlement en 2000, le projet de loi sur la toute personne qui offenserait le président Moi. violence domestique (et la protection de la famille), qui vise à assurer aux femmes une meilleure protection Violences ethniques contre les violences au sein du foyer, n’avait toujours Les violences ethniques se sont poursuivies tout au pas été adopté à la fin de l’année. Il est passé en long de l’année. Dans le centre du pays, notamment seconde lecture en juillet à l’Assemblée nationale mais dans le district d’Isiolo, des milliers de personnes ont n’a pas été transmis à la commission parlementaire dû partir de chez elles en raison d’affrontements inter- chargée de l’étudier plus avant, procédure nécessaire ethniques qui ont, le plus souvent, opposé les guerriers avant qu’il soit examiné en troisième lecture par les des communautés turkana et borana. députés. Le texte prévoit la création d’un fonds d’aide En octobre, la Haute Cour a ordonné que soit rendu aux victimes et la possibilité pour les tribunaux public le rapport d’une enquête judiciaire sur les vio- d’engager des poursuites afin de protéger les femmes lences ethniques qu’a connues le Kenya entre 1991 et contre des conjoints violents. Cela étant, il ne consi- 1998. La « Commission Akiwumi » mise en place par le dère pas explicitement le viol conjugal comme une président Moi en 1998 a enquêté sur ces violences, infraction pénale ni ne remet en cause l’idée reçue notamment celles survenues en 1992 et 1997, respec- selon laquelle le mariage implique l’acceptation de tivement dans la province de la Vallée du Rift et dans rapports sexuels. la province de la Côte. La Commission a remis son rapport au président en mars 1999, mais le gouverne- Droits des enfants ment a refusé de le rendre public. Le document éta- La Loi relative aux enfants est entrée en vigueur le blissait que les violences équivalaient à des actes de 1er mars. Elle interdit les mutilations génitales fémi- purification ethnique et demandait qu’un certain nines, la prostitution enfantine et le travail des nombre de personnalités kenyanes, notamment des enfants. Au moins 43 tribunaux pour enfants ont été ministres, des dirigeants de l’opposition et d’autres créés dans le cadre de l’application de la loi. Toutefois, responsables, fassent l’objet d’une enquête afin que la un certain nombre de communautés, notamment dans lumière soit faite sur leur rôle dans ces sanglants l’ouest du pays, continuaient de pratiquer des mutila- affrontements. Le gouvernement a rejeté les conclu- tions génitales féminines. sions du rapport, le qualifiant de « tendancieux ». ✔ En avril, 17 jeunes filles d’Eldoret ont fui de chez elles après que leur communauté eut refusé d’aban- Liberté d’expression donner cette pratique rituelle au profit d’une autre. Le projet de loi portant modification des lois et règle- Elles ont demandé la protection de la justice pour ne ments écrits, qui impose aux médias de nouvelles res- pas être obligées de subir ce type de mutilations. trictions, a été adopté en mai. Aux termes de la nouvelle loi, les éditeurs devaient déposer à titre de Indemnisation accordée par le Royaume-Uni garantie une somme exorbitante, ce qui menaçait de Le ministère britannique de la Défense a accepté, en réduire au silence des centaines d’organes de presse. juillet, de verser au moins 4,5 millions de livres (envi- En outre, toute personne vendant un journal n’ayant ron 6,9 millions d’euros) d’indemnité – et d’acquitter pas versé ce dépôt pouvait se voir condamner à une en outre les frais de justice – à 228 pasteurs masaï et peine de six mois d’emprisonnement. samburu, qui ont perdu des proches ou ont été blessés ✔ Deux éminents médecins légistes, Moses Njue et dans des accidents provoqués par du matériel militaire Andrew Gachie, qui avaient procédé en avril à l’autopsie non explosé laissé par l’armée britannique lors de d’une personne apparemment morte sous la torture, ont manœuvres effectuées sur leurs terres de pâture. reçu des menaces de mort. Ils ont également été mena- D’autres affaires semblables devraient suivre. cés d’être radiés s’ils ne modifiaient pas leur rapport d’autopsie. Le docteur Njue a été démis de ses fonctions Visites d’Amnesty International de médecin légiste provincial. En mai, une nouvelle Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au réglementation a été introduite exigeant des médecins Kenya en février pour y mener des recherches, en mars appointés par l’État qu’ils demandent une autorisation à pour le lancement du rapport de l’organisation sur les leur employeur avant de procéder à l’autopsie d’un par- violences contre les femmes dans le pays, en juillet et ticulier. Elle a été rapidement abandonnée. août pour tenir un atelier avec des organisations non gouvernementales, et en novembre et décembre pour Violences contre les femmes effectuer des recherches sur les violations des droits Bien que le droit international relatif aux droits humains à caractère politique commises au cours des humains, la Constitution et le droit interne kenyans périodes préélectorale et électorale.◆ interdisent les violences contre les femmes, celles-ci étaient toujours monnaie courante. Le gouvernement, Autres documents d’Amnesty International qui n’a cessé de proclamer son intention de promou- Kenya. Le viol, un crime passé sous silence voir l’égalité des sexes dans la législation, n’a toutefois (AFR 32/001/02). pris aucune disposition susceptible de faire progresser et de protéger les droits des femmes. 240 KI KIRGHIZISTAN RÉPUBLIQUE KIRGHIZE KAZAKHSTAN CAPITALE : Bichkek (ex-Frounzé) BICHKEK SUPERFICIE: 198 500 km2 POPULATION: 5 millions KIRGHIZISTAN CHEF de l’ÉTAT: Askar Akaïev OUZBÉKISTAN CHEF du GOUVERNEMENT : Kourmanbek Bakiev, remplacé Och par Nikolaï Tanaïev le 30 mai CHINE PEINE DE MORT: maintenue, 0 250 km mais un moratoire sur les exécutions TADJIKISTAN est en vigueur depuis 1998 La coalition menée par les États-Unis a utilisé des COUR PÉNALE bases militaires kirghizes dans le contexte de l’inter- INTERNATIONALE: vention militaire en Afghanistan. En décembre, la Statut de Rome signé Fédération de Russie a déployé des avions militaires au Kirghizistan. n mars, la police a fait un usage abusif de la force en dispersant des manifestants, dont au Usage abusif de la force par la police Emoins cinq ont été tués. Des défenseurs des droits Les 17 et 18 mars, au moins cinq manifestants sont humains et des personnalités de l’opposition ont morts lors d’affrontements avec la police dans le dis- été harcelés, placés en détention et emprisonnés. trict d’Aksy, région de Djalal-Abad. Les protestataires Des réfugiés ont été renvoyés de force dans leur réclamaient la libération d’Azimbek Beknazarov (voir pays, où leurs droits fondamentaux risquaient ci-après). Il semble que des policiers et des manifes- d’être sérieusement bafoués. tants aient été blessés. Le Premier ministre en exercice au moment des faits a Contexte déclaré que la police avait tiré en état de légitime défense Divers mouvements de protestation antigouvernemen- quand la manifestation a dégénéré en violences. taux ont eu lieu pendant l’année. En mars, au moins Toutefois, dans un rapport rendu public le 17 mai, la cinq personnes sont mortes dans le district d’Aksy, dans commission mise en place par les autorités pour enquêter le sud du pays, après que la police eut ouvert le feu sur sur ces événements a déclaré que le recours à la force par des manifestants (voir ci-après). Des centaines de mani- les organes chargés du maintien de l’ordre public avait été festants ont été interpellés et l’un d’eux, qui faisait la injustifié et l’usage des armes à feu illégal. Fin août, une grève de la faim, est mort en janvier. À plusieurs occa- procédure pénale a été engagée contre plusieurs fonction- sions, des manifestants ont pris en otage des représen- naires, accusés de s’être rendus coupables d’abus de pou- tants de l’État et des policiers pour protester contre voir lors des manifestations de mars au cours desquelles l’action du gouvernement. des personnes sont mortes. Le procès a été reporté à plu- La commission nationale enquêtant sur les événements sieurs reprises pour complément d’enquête et, dans deux pendant lesquels cinq manifestants ont été abattus par la cas au moins, parce que plusieurs accusés ne se sont pas police à Aksy a attribué la responsabilité de ces morts à présentés au tribunal. À la fin du mois de décembre, le des hauts fonctionnaires. À la suite de cela, le Premier tribunal militaire d’Och, dans le sud du pays, a ministre et son cabinet ont démissionné, le 22 mai. condamné quatre personnes, hauts responsables de En août, le président a mis en place un Conseil des l’application des lois au moment des événements d’Aksy, réformes constitutionnelles composé de représentants à des peines allant de deux à trois ans d’emprisonnement. de l’État, de parlementaires, de personnalités de l’oppo- Trois fonctionnaires ont été mis hors de cause. sition et de personnes militant pour les droits humains. Un référendum national portant sur des modifications Défenseurs des droits humains de la Constitution a été prévu début 2003. Bakhadir Akhmedov, un homme de trente-sept ans La Loi sur le médiateur a été adoptée en juin et la pre- d’origine ouzbèke et président adjoint du Comité mière personne à occuper cette fonction a été élue au pour la protection des droits des musulmans, a été mois de novembre. interpellé le 11 janvier à Djalal-Abad, dans le sud du Cette année encore, des membres présumés du parti pays ; apparemment la police, en perquisitionnant islamique interdit Hizb-ut-Tahrir (Parti de la libéra- dans son appartement, avait placé des munitions à tion) ont été arrêtés. l’intérieur de son four afin de l’incriminer. Accusé de 241 KO « détention illégale d’armes à feu », Bakhadir Akhmedov a Le 11 octobre, le tribunal municipal de Bichkek a été transféré le 13 janvier au centre de détention au secret confirmé la condamnation de Félix Koulov, président du pour enquête de Bichkek. Le 12 août, il a en outre été parti d’opposition Ar Namys (Dignité) et ancien haut accusé d’appartenir au Mouvement islamique fonctionnaire du gouvernement. Il avait été condamné d’Ouzbékistan (MIO). Il y avait tout lieu de croire que ces en mai à dix années d’emprisonnement dans un camp à accusations ne reposaient pas sur des preuves détermi- régime sévère pour abus de pouvoir et détournement de nantes. Le 30 décembre, l’inculpation d’appartenance au fonds commis alors qu’il était gouverneur de la région de MIO a été abandonnée. En revanche, Bakhadir Akhmedov Tchouï, dans le nord du pays, de 1993 à 1997, puis demeurait inculpé de « détention illégale d’armes à feu », maire de Bichkek en 1998 et 1999. Il était à craindre que mais le tribunal l’a remis en liberté, estimant qu’il avait ces accusations n’aient des motivations politiques. purgé sa peine alors qu’il était en détention provisoire. Réfugiés Prisonniers politiques Le Kirghizistan a continué d’expulser des réfugiés vers Azimbek Beknazarov, homme politique et parlementaire des pays où ils risquaient de graves violations de leurs de l’opposition, a été interpellé le 5 janvier dans la région droits fondamentaux. de Djalal-Abad ; il était accusé de ne pas avoir mené ✔ Début août, deux Ouïghours, tous deux de nationalité d’investigation sur un meurtre survenu en 1995, alors chinoise, auraient été renvoyés en Chine où ils risquaient qu’il était enquêteur au service d’un procureur de la de subir de graves atteintes aux droits humains. En juillet, région. Les personnes qui le soutenaient pensaient que le ministre de l’Intérieur kirghize avait apparemment ces inculpations avaient été prononcées contre lui en déclaré à des journalistes que les deux hommes seraient guise de sanction pour avoir formulé des critiques contre jugés au Kirghizistan et ne seraient pas extradés vers la le gouvernement ; Azimbek Beknazarov avait notam- Chine. Ils étaient accusés d’avoir tué un haut fonction- ment reproché aux autorités d’avoir cédé une partie du naire à l’ambassade de Chine au Kirghizistan, fin juin. territoire kirghize à la Chine dans le cadre d’un accord frontalier. Le 19 mars, à la suite des importantes mani- Peine de mort festations qui se sont déroulées dans le district d’Aksy en Fin 2002, il y avait, semble-t-il, au moins 160 condam- vue d’obtenir sa libération, il a été remis en liberté à la nés à mort au Kirghizistan. Le moratoire de décembre condition de ne pas quitter le pays. Le 24 mai, le tribu- 1998 sur les exécutions était encore en vigueur.◆ nal du district de Toktogul l’a condamné à douze mois d’emprisonnement pour abus de pouvoir, condamna- Autres documents d’Amnesty International tion qui entraînait la perte de son siège de député. Kyrgyzstan: Open letter from a coalition of non- Azimbek Beknazarov a toutefois été libéré sur-le-champ, governmental organizations to Askar Akayev, President le juge estimant qu’il avait purgé une peine suffisante en of the Republic of Kyrgyzstan. [Kirghizistan. Lettre détention provisoire. Le 28 juin, le tribunal régional de ouverte adressée à Askar Akaïev, président de la Djalal-Abad a clos le dossier et rétabli Azimbek République kirghize, par une coalition d’organisations Beknazarov dans ses fonctions parlementaires. non gouvernementales] (EUR 58/001/02). KOWEÏT ÉTAT DU KOWEÏT CAPITALE : Koweït IRAN SUPERFICIE : 17 818 km2 IRAK POPULATION : 2 millions CHEF de l’ÉTAT : KOWEïT Sheikh Jaber al Ahmed al Sabah golfe CHEF du GOUVERNEMENT : KOWEïT Arabo-Persique Sheikh Saad al Abdullah al Salem al Sabah PEINE de MORT : maintenue ARABIE COUR PÉNALE SAOUDITE INTERNATIONALE : Statut de Rome signé 0 150 km

242 KO es effets des attentats perpétrés le ✔ Le 15 octobre, les forces de sécurité koweïtiennes 11 septembre 2001 aux États-Unis ont auraient fait irruption aux domiciles de Mohammad Lcontinué d'être ressentis au Koweït. Des dizaines Youssef al Malifi et de Jaber al Jalahima pour les inter- d'hommes soupçonnés d'activités « terroristes » peller. Les deux hommes auraient été arrêtés à la ont été arrêtés. Plus de 30 prisonniers politiques, demande des services de sécurité américains, après condamnés en 1991 à l'issue de procès avoir exprimé devant les médias leur soutien aux manifestement inéquitables, ont été maintenus attaques des troupes américaines, sur l'île de Failaka. en détention ; parmi eux figuraient des Ils devaient répondre notamment de « diffusion de pro- prisonniers d'opinion. On ignorait toujours le pagande en temps de guerre ». sort de plus de 70 personnes qui avaient ✔ Deux soldats américains ont été grièvement blessés « disparu » en détention, en 1991. Quatre par balles le 21 novembre, alors qu’ils s’éloignaient hommes ont été exécutés et au moins quatre d’une base militaire américaine à bord d’un véhicule. autres ont été condamnés à mort. Des cas de Les coups de feu ont été imputés à un policier koweï- torture ont été signalés ; aucun ne semblait avoir tien, Khaled Messier al Shimmari, qui s’est enfui en fait l'objet d'une enquête indépendante. Arabie saoudite, où il a été arrêté. Il a ensuite été ren- voyé au Koweït par les autorités saoudiennes. Selon Suites des attentats du 11 septembre 2001 des responsables koweïtiens, Khaled al Shimmari En avril, des hommes qui rentraient d'Afghanistan et souffre de troubles mentaux et a déjà fait un séjour à du Pakistan auraient été détenus pendant une courte l’hôpital pour un traitement psychiatrique. période, puis remis en liberté sans avoir été inculpés. Le traitement infligé aux Koweïtiens détenus en Peine de mort Afghanistan et dans la base américaine de Guantánamo Quatre hommes ont été condamnés à mort. L'un Bay, à Cuba (voir États-Unis d'Amérique), était source d'entre eux avait été déclaré coupable du meurtre de préoccupation. En juillet, un tribunal de Washington, d'une journaliste, perpétré en mars 2001. Les trois États-Unis, a rejeté une requête introduite par les autori- autres, un Koweïtien et deux Saoudiens, ont été décla- tés koweïtiennes et qui contestait le bien-fondé de la rés coupables en juillet de l'enlèvement suivi du viol et détention de 12 Koweïtiens dans cette base. du meurtre d'une fillette bidun (apatride) de six ans, Le gouvernement a pris diverses mesures pour lutter commis en mai. Au début du procès ils auraient contre le « terrorisme ». Il a notamment imposé des affirmé que leurs « aveux » avaient été obtenus sous la contrôles sur le financement des associations carita- contrainte, mais ceux-ci ont pourtant été retenus par tives ainsi qu’une réglementation de leurs activités. Le le tribunal à titre de preuve. Koweït a signé en avril 1998 la Convention arabe sur Quatre hommes ont été exécutés. Parmi les suppliciés la répression du terrorisme. Amnesty International figuraient trois ressortissants bangladais, pendus en déplorait le fait que de nombreuses dispositions de public le 30 juin après avoir été reconnus coupables du cette Convention bafouaient les normes internatio- viol et du meurtre d'une Sri-Lankaise. Les corps des nales relatives aux droits humains et craignait qu'elles trois hommes sont restés exposés pendant dix minutes ne favorisent des violations de ces droits. après leur exécution, « afin que les passants les voient ». Ils Plusieurs dizaines d'hommes auraient été arrêtés en avaient apparemment été battus à plusieurs reprises octobre à la suite d'attaques menées contre des mili- pendant leur détention et privés des soins médicaux taires américains. Ceux-ci étaient stationnés au Koweït nécessités par leur état. L'un des avocats a affirmé que dans la perspective d'une attaque hautement prévisible leurs « aveux » avaient été obtenus sous la torture. contre l'Irak. ✔ Le 8 octobre, un membre des marines (infanterie de Torture marine des États-Unis) a été tué à la suite d'une Des cas de torture ont été signalés; aucun ne semblait attaque visant la base américaine de l'île de Failaka. avoir fait l'objet d'une enquête indépendante. Deux Koweïtiens, Anas Ahmad Ibrahim al Kandari et ✔ Six ressortissants philippins accusés du meurtre Jassem Hamad Mubarak al Hajeri, auteurs présumés d'un Canadien commis en octobre 2001 auraient été de l’opération, ont ensuite été abattus par des soldats torturés pendant leur interrogatoire. Il était à craindre américains. En réponse à cette attaque ainsi qu'à que leurs « aveux » n’aient été extorqués sous la d'autres opérations visant les forces américaines, les contrainte. Ils étaient maintenus en détention à la fin autorités auraient interrogé quelques centaines de de l'année au mépris d'une décision de justice qui, à la Koweïtiens soupçonnés d'entretenir des liens avec Al suite de l'annulation de leurs condamnations, avait Qaida (La Base) et en auraient arrêté plusieurs dizaines. ordonné leur remise en liberté. À la fin de l'année huit personnes, peut-être plus, étaient encore détenues et au moins quatre avaient été Prisonniers politiques inculpées. D’après leur avocat, Mohsen al Fadli, Au moins 30 prisonniers politiques, ressortissants ira- Maqbool Fahad al Maqbool, Mohammed al Mutairi et kiens pour la plupart, condamnés en 1991 à l'issue de Adel Yusif Buhaimed ont déclaré au juge qu’ils procès inéquitables, ont été maintenus en détention; n’étaient coupables d’aucun des faits dont ils étaient parmi eux figuraient des prisonniers d'opinion. Ils accusés. Leur procès se poursuivait fin 2002. devaient en outre être expulsés à l'expiration de leur 243 LA peine d'emprisonnement. Dans la plupart des cas, les Droits des femmes condamnés qui ont purgé leur peine ou bénéficié La Cour constitutionnelle a rejeté trois nouvelles requêtes d’une mesure d’amnistie sont transférés, en attente de en contestation de la légitimité du Code électoral koweï- leur expulsion du pays, dans un centre où ils sont tien, qui privait les femmes du droit de vote. Le détenus pour une durée illimitée. 17 février, lors de l'inscription annuelle sur les listes élec- On ignorait toujours le sort de plus de 70 personnes torales, plusieurs dizaines de militantes pour les droits de « disparues » en détention en 1991. la femme qui réclamaient leurs droits sociaux et politiques ont tenté de s'inscrire en vue des élections prochaines. Amnisties Des fonctionnaires leur ont dit qu'ils n'étaient pas autori- Quatre prisonniers d'opinion palestiniens auraient été sés à inscrire des femmes sur les listes électorales. élargis en février à la faveur d'une amnistie accordée par l'émir. En septembre, ce dernier a en outre gracié Visites d'Amnesty International quatre prisonnières politiques irakiennes, parmi les- En février, une délégation d'Amnesty International quelles figuraient Ibtisam al Dakhil et Intisar Rasan s'est rendue au Koweït pour effectuer des recherches et Khallati. Cependant, il semblait qu’à la fin de l'année s’entretenir avec les familles de Koweïtiens détenus par ils étaient tous les huit toujours détenus dans un les forces américaines en Afghanistan et dans la base de centre pour personnes en instance d'expulsion. Guantánamo Bay, à Cuba.◆ LAOS RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE POPULAIRE VIÊT-NAM LAOTIENNE MYANMAR CAPITALE : Vientiane 2 LAOS SUPERFICIE: 236 800 km golfe POPULATION: 5,5 millions du Tonkin VIENTIANE CHEF de l’ÉTAT: Khamtay Siphandone mer CHEF du GOUVERNEMENT : Savannakhet de Chine Bounyang Vorachit méridionale THAïLANDE PEINE DE MORT: maintenue COUR PÉNALE INTERNATIONALE: Statut de Rome non signé CAMBODGE 0 500 km

a torture, les conditions de détention, Contexte l’emprisonnement arbitraire et Des élections législatives ont eu lieu en février. Khamtay Ll’absence d’impartialité et d’équité Siphandone a été réélu à la tête de l’État, tout en gar- du pouvoir judiciaire ont été autant de dant la direction du Parti populaire révolutionnaire lao- sujets de préoccupation majeure. tien (PPRL). Celui-ci détenait 108 des 109 sièges électifs Au moins huit prisonniers d’opinion de l’Assemblée nationale. La plupart des membres et deux prisonniers politiques étaient influents du gouvernement sont restés en place. Le incarcérés. Trois personnes ont été général Soutchay Thammasith a remplacé à la tête du condamnées à mort pour infraction ministère de la Sécurité le général Asang Laoly, qui a été à la nouvelle législation sur les stupéfiants, nommé Vice-Premier ministre. Le Laos n’avait toujours qui renforçait les peines encourues. pas ratifié les deux pactes des Nations unies relatifs aux Elles ont interjeté un ultime recours, sur droits humains, signés en décembre 2000. lequel la justice n’avait pas encore statué Les autorités laotiennes cherchaient toujours à obtenir à la fin de l’année. Les libertés fondamentales, l’extradition de Thaïlande de 17 de leurs ressortissants, en particulier les libertés d’expression, accusés d’appartenir à un groupe d’opposition impli- d’association et de religion, sont restées qué dans une attaque armée lancée en 2000 dans la strictement limitées. province de Champassak. 244 LA Torture et mauvais traitements fois en juin 2002, lors d’entretiens tenus à Strasbourg, Selon certaines informations, la torture et les mauvais en France, avec des membres du Parlement européen, traitements étaient monnaie courante dans les postes que cinq hommes appartenant à un groupe connu de police et les prisons du pays. Des témoins affir- sous le nom de Mouvement des étudiants laotiens maient avoir vu des policiers maltraiter des détenus pour la démocratie avaient été condamnés en juin pendant leur interrogatoire. Parmi les méthodes de 2001 et qu’ils étaient incarcérés à la prison de Samkhe. torture et les mauvais traitements signalés figuraient Ils avaient tenté de manifester à Vientiane, en octobre notamment les passages à tabac à coups de poing, de 1999, pour le respect des droits humains, la libération pied, de bâton ou de matraque, les menaces de mort, des prisonniers politiques, l’instauration d’un régime les simulacres d’exécution, l’isolement cellulaire et politique pluraliste et l’organisation de nouvelles élec- l’immobilisation prolongée dans des carcans de bois. tions législatives. Les cinq hommes, Thongpaseuth On signalait également des cas de suffocation, de Keuakoun, Khamphouvieng Sisaath, Seng-Aloun quasi-noyade, de torture à l’électricité, de brûlures à la Phengphanh, Bouavanh Chanhmanivong et Keochay cigarette ou d’exposition à des températures extrêmes. étaient des prisonniers d’opinion. ✔ Un détenu de la prison de Phonthong a déclaré Feng Sakchittaphong et Latsami Khamphoui, deux dans une lettre avoir été roué de coups à plusieurs autres prisonniers d’opinion, étaient toujours incarcé- reprises. Il a également expliqué que des policiers lui rés au camp n° 7, dans une région reculée de la pro- avaient posé une planche sur les pieds, qu’ils étaient vince de Houaphan. Anciens hauts fonctionnaires, ces montés dessus et y étaient restés pendant plus de cinq deux hommes ont été arrêtés en 1990 pour s’être pro- heures, si bien qu’il ne pouvait plus marcher. Il aurait noncés en faveur d’un changement non violent du également été frappé à la poitrine et se serait mis à cra- régime politique et du système économique. Ils ont été cher du sang. On lui aurait brûlé le pénis. Il était, condamnés en 1992 à quatorze ans d’emprisonne- disait-il, « en train de mourir à petit feu ». ment, en vertu de la législation sur la sécurité natio- Certains prisonniers ont été maintenus pendant des nale et à l’issue d’un procès non équitable. Ils étaient mois dans des carcans de bois, contraints de rester toujours détenus dans des conditions extrêmement allongés dans leurs propres excréments. Les carcans de pénibles et le droit de visite de leurs proches était sou- bois étaient apparemment utilisés de façon courante mis à des restrictions draconiennes. dans certaines prisons, notamment dans la prison de Détenu depuis 1996, également au camp n° 7, Samkhe, à Vientiane. Khamtanh Phousy était lui aussi prisonnier d’opinion. Cet ancien officier converti au christianisme était Conditions de détention condamné à sept ans d’emprisonnement pour des Les soins médicaux étaient insuffisants dans les pri- motifs apparemment politiques. On était par ailleurs sons et les centres de détention, et rien n’était prévu sans nouvelles de deux autres prisonniers politiques, pour les détenus souffrant de troubles mentaux. Ces qui devaient vraisemblablement toujours se trouver au derniers étaient tout simplement catalogués comme camp n° 7. Sing Chanthakoummane et Pangtong « fous » par les gardiens et étaient particulièrement Chokbengboun ont été placés en détention en 1975 exposés aux violences. pour « rééducation », sans inculpation ni procès. Ils ont Les détenus, condamnés ou en attente de procès, ont été condamnés en 1992 à l’emprisonnement à vie, à vu leur santé se détériorer pendant leur détention, à l’issue d’un procès non équitable. cause de la malnutrition. Les rations alimentaires étaient insuffisantes. Les prisonniers démunis, sans Persécutions pour motifs religieux famille ou n’ayant pas le soutien d’un consulat dépen- Un décret du Premier ministre « garantissant la liberté daient, semble-t-il, des rations de base et de la bonne religieuse » a été publié en juillet. Plusieurs articles de volonté des autres détenus, sans laquelle ils souffraient ce texte limitaient sévèrement la liberté de religion, de graves carences alimentaires. soumettant de nombreux points de l’organisation du ✔ Un couple australien incarcéré à la prison de culte à une autorisation officielle. Phonthong en 2000 et 2001 a vu mourir dans sa cel- Selon certaines informations, les membres de plusieurs lule un ressortissant français, Francis Prasak, le 5 jan- petites congrégations chrétiennes non autorisées vier 2001, vraisemblablement d’une crise cardiaque. étaient toujours l’objet d’arrestations et de manœuvres Ses codétenus ont en vain supplié les gardiens de lui de harcèlement. D’autres informations, qui n’ont pas porter secours. pu être confirmées, faisaient également état de la libé- ration de quelques personnes emprisonnées pour Prisonniers politiques motifs religieux. Il était extrêmement difficile d’obte- Le sort des prisonniers politiques a, cette année nir des renseignements vérifiables sur les persécutions encore, fait l’objet du plus grand secret de la part des religieuses au Laos. autorités. L’impossibilité d’enquêter sur place et les restrictions pesant sur la liberté d’expression rendaient Peine de mort très aléatoire toute recherche indépendante et impar- Trois trafiquants de drogue ont été condamnés à mort tiale d’informations. Des représentants du gouverne- au mois de juin. Il s’agissait de la première sentence de ment laotien ont toutefois reconnu pour la première cette gravité depuis l’introduction, en 2002, de la peine 245 LE capitale pour les trafiquants de drogue. Les trois Autres documents d’Amnesty International condamnés auraient introduit un recours devant la Cour République démocratique populaire du Laos. « Les lois sont suprême. Un certain nombre d’infractions sont passibles promulguées, mais restent sans effet pour les gens » : de la peine de mort, mais, selon les autorités laotiennes, torture, mauvais traitements et souffrances cachées la dernière exécution remonterait à plus de dix ans.◆ en détention (ASA 26/004/02). LETTONIE RÉPUBLIQUE DE LETTONIE ESTONIE CAPITALE : Riga mer Baltique 2 RUSSIE SUPERFICIE: 63 700 km golfe POPULATION: 2,4 millions de Riga CHEF de l’ÉTAT: Vaira Vike-Freiberga RIGA CHEF du GOUVERNEMENT : Andris Berzins, remplacé par LETTONIE Einars Repse le 7 novembre PEINE DE MORT: abolie Daugavpils sauf pour crimes exceptionnels 0 100 km LITUANIE COUR PÉNALE INTERNATIONALE: Statut de Rome ratifié intéressé aux centres de détention de la police et aux prisons de Riga), le CPT avait estimé que les conditions ne loi visant à instaurer un service civil de détention étaient souvent inacceptables, voire de substitution au service militaire a été qu’elles constituaient parfois un traitement inhumain adoptéeU par le Parlement. Les conditions de vie et dégradant. Les conclusions du CPT ont été confir- dans les prisons n’étaient généralement pas mées par le Rapport régulier 2002 de la Commission conformes aux normes minima internationales. européenne, publié au mois d’octobre, concernant les La Lettonie a fait un pas dans la voie de progrès réalisés par la Lettonie sur la voie de l’adhésion l’abolition totale de la peine de mort. à l’Union européenne. Selon les auteurs de ce rapport, qui reconnaissaient que des mesures avaient été prises Objecteurs de conscience pour améliorer les conditions de détention, la situa- Le 30 mai, le Parlement letton, le Saeima, a adopté tion dans les prisons était toujours considérée comme une loi instaurant un service civil de substitution au critique « pour ce qui est de la santé et des conditions service militaire. Préparé en 2000 – 2001 par un sanitaires, de la surpopulation et des mesures d’occupa- groupe de travail ad hoc, le projet de loi sur le service tion des personnes incarcérées ». En outre, la longueur de substitution avait été adopté par le gouvernement de la détention provisoire, notamment dans le cas des vers le milieu de l’année 2001, puis transmis début mineurs, constituait toujours un grave motif de préoc- février 2002 au Saeima. La loi est entrée en vigueur le cupation. Elle contribuait à ralentir le fonctionnement 1er juillet. Comme on l’avait craint, elle conservait un de la justice et à accentuer la surpopulation dans les caractère punitif pour les objecteurs de conscience, centres de détention. contraints d’effectuer un service d’une durée de deux ans (dix-huit mois pour les diplômés de l’enseigne- Peine de mort ment supérieur), contre un an pour le service militaire. Le 3 mai, la Lettonie a signé le Protocole n° 13 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et Conditions de détention des libertés fondamentales (Convention européenne À la fin du mois de septembre le Comité européen des droits de l’homme), faisant ainsi un premier pas pour la prévention de la torture (CPT) a envoyé pour la vers l’abolition de la peine capitale en toutes circons- deuxième fois une délégation en Lettonie. Elle a ins- tances, y compris en temps de guerre. ◆ pecté un certain nombre de lieux de détention dans tout le pays. Dans son rapport de novembre 2001, Autres documents d’Amnesty International concernant sa première visite en Lettonie en février Préoccupations d’Amnesty International en Europe, 1999 (au cours de laquelle il s’était essentiellement janvier – juin 2002 (EUR 01/007/02). 246 LI LIBAN RÉPUBLIQUE LIBANAISE CAPITALE : Beyrouth SUPERFICIE : 10 452 km2 POPULATION : 3,6 millions CHEF de l’ÉTAT : mer LIBAN Émile Lahoud Méditerranée CHEF du GOUVERNEMENT : BEYROUTH Rafic Hariri PEINE DE MORT : maintenue SYRIE COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome non signé ISRAËL lusieurs dizaines de personnes ET TERRITOIRES appartenant à des groupes OCCUPÉS Pd'opposition chrétiens et islamistes ont été arrêtées pour des motifs politiques. JORDANIE Au moins 12 autres ont été placées en 0 100 km détention en raison de leurs liens présumés avec Al Qaida (La Base) ou avec d'autres groupes considérés comme Au mois de juin, le Liban et l'Union européenne ont « terroristes ». De très nombreuses personnes, conclu un accord d’association dans les domaines poli- parmi lesquelles figuraient des détenus tique et économique comportant une clause relative politiques et des membres présumés de aux droits humains. l'ancienne milice de l'Armée du Liban-Sud ( ALS), En septembre, le procureur général a ordonné la déli- ont été jugées par le Tribunal militaire vrance de mandats de perquisition permettant de sur- pour « collaboration » avec Israël. veiller, au Liban et à l'étranger, les personnes Plusieurs dizaines de prisonniers politiques soupçonnées d'activités antigouvernementales, notam- liés à des groupes islamistes ont été maintenus ment de « contacts » avec Israël et d'activités « portant en détention prolongée sans jugement. préjudice » aux relations du Liban avec ses voisins Des informations ont fait état d'actes arabes. Cette initiative faisait suite à des actions contre de torture ou de mauvais traitements la présence syrienne au Liban menées aux États-Unis infligés aux prisonniers politiques. par le général Michel Aoun, ancien commandant de On a recensé au moins un assassinat politique. l'armée libanaise vivant en exil et responsable d’un Les violences à l'égard des femmes au sein de mouvement d’opposition, le Courant national libre. la collectivité ont augmenté au cours de l'année. Sur fond de mécontentement croissant, en particulier Au moins 10 condamnations à mort ont été parmi les groupes chrétiens d'opposition, quant à la prononcées, mais aucune exécution n'a présence militaire syrienne au Liban, le commandant eu lieu. Des informations ont fait état des services de renseignements militaires syriens au d'expulsions, d'arrestations et de mauvais Liban a été rappelé dans son pays et remplacé. traitements infligés à des réfugiés et à des demandeurs d'asile. Les réfugiés palestiniens Arrestations continuaient d'être victimes de discrimination. Des dizaines de membres de groupes d'opposition chrétiens et islamistes ont été arrêtés. Parmi eux figu- Contexte raient des personnes appartenant aux Forces libanaises Les autorités ont introduit de nouvelles mesures de (FL), mouvement interdit, des membres présumés de lutte contre le « terrorisme ». Les dispositions de la Loi groupes islamistes sunnites, notamment le Hizb al antiterroriste de 1958 ont notamment été remises en Tahrir (Parti de la libération islamique), et d'autres application. Les groupes islamistes sunnites tradition- personnes soupçonnées d'appartenir à Al Qaida. nellement opposés au gouvernement ont été pris pour Les membres des FL et du Courant national libre ont, cible, et les droits légitimes à la liberté d'expression et dans la plupart des cas, été arrêtés pour avoir participé d'association ont été supprimés. à des manifestations de protestation contre la présence 247 LI des forces armées syriennes au Liban et distribué des d'emprisonnement. Les trois hommes étaient accusés tracts politiques. de « contacts » avec Israël. Ces condamnations ont été ✔ Au moins trois étudiants de l'Université libanaise, prononcées à l'issue d'un nouveau procès ordonné par dont Bachir Matar et Charbel Ayoub, ont été interpel- la Cour de cassation, qui avait annulé les peines de lés, au mois de mars, par des membres des Forces de trois et quatre ans d'emprisonnement prononcées sécurité intérieure. Ils ont ensuite été relâchés sans auparavant par le Tribunal militaire. Les procès se inculpation. Ils avaient participé à un rassemblement sont avérés inéquitables et les accusés étaient suscep- politique organisé par les FL, auquel des membres du tibles d'être considérés comme des prisonniers d'opi- Courant national libre et du Parti national libéral nion. Ils auraient été torturés ou maltraités et ont (PNL) assistaient également. affirmé tout au long de leur procès que les aveux leur ✔ En mars, trois hommes ont été arrêtés pour avoir, avaient été extorqués sous la contrainte. Tawfiq al semble-t-il, distribué pendant le sommet arabe de Hindi et Habib Younès ont été remis en liberté en Beyrouth un tract du Hizb al Tahrir qui critiquait novembre après avoir purgé leur peine. l'initiative saoudienne de paix au Moyen-Orient. Wisam Husain al Humsi, Muhammad Nayef al Torture Humsi et Khaled Nayef al Humsi ont été interpellés Des informations ont fait état d'actes de torture et de dans l'ouest de la Bekaa. D'autres personnes qui mauvais traitements infligés aux détenus politiques auraient distribué des tracts dans des villages de la dans les centres de détention administrés par les ser- région étaient toujours recherchées. Les trois hommes vices de renseignements militaires. ont été transférés au bureau antiterroriste des Forces de ✔ Au mois d’août, le militant islamiste sunnite Fadi sécurité intérieure à Beyrouth pour y être interrogés. Taybah aurait subi des tortures et des mauvais traite- ✔ En octobre, à la veille de l’ouverture du Sommet de ments au centre des services de renseignements mili- la francophonie qui s'est tenu à Beyrouth, au moins taires de Baabda. Arrêté à Tripoli le 12 août, il a été 10 étudiants, parmi lesquels figuraient Édouard conduit à Baabda, où il aurait été torturé pendant trois Chamoun, Cynthia Zaraziri et Richard Younan, ont jours et privé de nourriture et d'eau. Il a affirmé que été interpellés au cours d'une manifestation de protes- les membres des services de renseignements qui l'inter- tation contre le gouvernement et contre la présence rogeaient lui avaient assené des coups de câble sur les militaire syrienne au Liban. Ces trois étudiants pieds. Il s'est également plaint d'avoir été frappé à la auraient été blessés lorsque des membres des Forces de tête, sur les mains et à l'estomac. Il a été remis en sécurité intérieure ont fait un usage excessif de la force liberté le 20 août. pour disperser les manifestants devant l'université ✔ En octobre, Khaled Minaoui, âgé de dix-huit ans, Saint-Joseph de Beyrouth. aurait été torturé et maltraité durant les cinq jours ✔ Aux mois de septembre et d’octobre, des membres qu’a duré sa détention au secret au centre de détention des services de renseignements militaires ont arrêté du ministère de la Défense. Il aurait été soumis au Khaled Minaoui, un Libanais de dix-huit ans (voir ci- supplice du balanco (suspension par les poignets préa- après), Muhammad Ramiz Sultan, qui possède la lablement attachés dans le dos) et violemment frappé à double nationalité libanaise et australienne, et Ihab l'estomac et au visage ; il aurait également été privé de Husain Dafa, un ressortissant saoudien. Ces trois nourriture pendant cinq jours. Ce jeune homme avait hommes ont été détenus au secret avant d'être incul- déjà été détenu au secret et torturé en 2000, alors qu'il pés, entre autres charges, de formation d'une « organi- n'avait que seize ans. sation terroriste » et de constitution d'une « cellule » appartenant à Al Qaida. On les aurait torturés et mal- Conditions carcérales traités pour leur extorquer des « aveux ». Les conditions de détention se sont quelque peu amé- liorées, apparemment à la suite d'une campagne Procès menée par des groupes locaux et internationaux de De très nombreuses personnes, parmi lesquelles défense des droits humains. La prison pour femmes de figuraient des détenus politiques et des membres pré- Tripoli a été transférée dans un nouveau bâtiment, sumés de l'ancienne milice de l'ALS, ont été traduites tandis qu’à Baabda, les gardiens de sexe masculin, devant le Tribunal militaire pour « collaboration » avec jusqu’alors logés à l'intérieur de la prison pour Israël. Cette juridiction a appliqué une procédure non femmes, ont été installés dans un autre édifice. Par conforme aux normes internationales d'équité, et de ailleurs, les pouvoirs publics ont autorisé, en octobre, nombreuses informations ont fait état d'aveux obtenus les représentants du Comité international de la Croix- sous la contrainte. Des dizaines de prisonniers poli- Rouge (CICR) à visiter les prisons libanaises. tiques membres de groupes islamistes ont été mainte- nus en détention prolongée sans jugement. Assassinats politiques ✔ Au mois de juillet, la Cour d’appel militaire a Au moins un homicide à caractère politique a été condamné Tawfiq al Hindi, un responsable des FL, et signalé. Habib Younès, un journaliste, à quinze mois d'empri- ✔ En mai, la police a découvert dans le quartier de sonnement ; un autre journaliste, Antoine Bassil, s’est Karkas à Beyrouth le corps décomposé de Ramzi Irani, vu infliger pour sa part une peine de trente mois un militant des FL exerçant la profession d’ingénieur. 248 LI Cet homme avait « disparu » le 7 mai en allant cher- ✔ En octobre, le tribunal des publications a confirmé cher son fils à l'école dans le centre de la capitale. Une une décision antérieure ordonnant la fermeture de la autopsie de sa dépouille, retrouvée dans le coffre de sa chaîne de télévision MTV, à laquelle on reprochait voiture, a été pratiquée. Aucune enquête ne semble d'avoir enfreint l'article 68 de la Loi sur les élections avoir été effectuée sur la « disparition » et le meurtre législatives en ayant diffusé des publicités électorales de Ramzi Irani. non autorisées. À la suite de la décision du tribunal, des groupes d’opposition chrétiens ont manifesté dans « Disparitions » le centre de Beyrouth, mais le rassemblement a été dis- La commission d'enquête sur les « disparitions » mise persé par les forces de sécurité. Au moins six manifes- en place par le gouvernement en février 2001 a ter- tants, dont certains étaient des employés de MTV, ont miné ses investigations, mais ses conclusions n'ont pas été blessés. Cette chaîne de télévision appartenait à été rendues publiques. Des organisations locales de Gabriel al Murr, un député de l'opposition. Des mou- défense des droits humains et des familles de victimes vements politiques, notamment le Rassemblement de ont intensifié leur campagne en vue de connaître le Kornet Chehwane, qui regroupe des parlementaires de sort des Libanais qui ont « disparu » pendant la guerre l'opposition, ont protesté contre la décision du tribu- civile ou qui seraient détenus en Syrie. nal. Le ministre de l'Intérieur a interdit les manifesta- Au mois de juillet, des membres du Comité des tions publiques à ce sujet. En novembre, à l'issue familles de détenus libanais incarcérés en Syrie ont d'une procédure inéquitable sans possibilité d'appel, le rencontré, à Damas, le ministre syrien de l'Intérieur. Conseil constitutionnel a déchu Gabriel al Murr de Ils lui ont fait part de leur inquiétude à propos des son mandat de député au motif qu'il n'aurait pas Libanais détenus en Syrie. Le ministre s'est engagé à déclaré ses actifs financiers. examiner leurs sujets de préoccupation dans un délai de deux mois, mais aucune réponse n'était parvenue à Peine de mort la fin de l'année 2002. Au moins 10 personnes ont été condamnées à mort. Aucune exécution n'a eu lieu. Le moratoire de facto sur Violences à l'égard des femmes les exécutions, en vigueur depuis novembre 1998, a Les violences contre les femmes au sein de la collecti- été maintenu. vité, notamment les meurtres pour des questions d'honneur ou de famille, les viols et les passages à Réfugiés tabac, ont augmenté. Les hommes auteurs de meurtres Réfugiés palestiniens pour des questions d'honneur ont continué à bénéfi- Des milliers de réfugiés palestiniens vivant dans des cier d'une quasi-impunité. camps au Liban continuaient d'être soumis à une discri- ✔ En juillet, Ziyad Misbah Shahab a poignardé son mination systématique. Ils risquaient d'être détenus arbi- épouse, Widad Muhammad al Nabulsi, ainsi que sa trairement, leur liberté de mouvement était restreinte et fille Nasrin, au domicile familial de Beyrouth. Il aurait l'exercice de dizaines de professions leur était interdit. déclaré à la police qu'il avait des « soupçons » à propos ✔ En septembre, deux civils palestiniens ont été tués de la « conduite » de sa femme et de sa fille. La législa- lors de l’assaut donné par l'armée libanaise au camp de tion libanaise prévoit des peines peu importantes lors- réfugiés surpeuplé d'Al Jalil, à Baalbek ; officiellement, qu'un homme tue une parente dans « un accès de l’armée intervenait pour récupérer des armes et des rage » car il la « soupçonne » d'entretenir des relations documents dans un local abandonné du Fatah – avec un autre homme. Conseil révolutionnaire (groupe Abou Nidal). Autres réfugiés Droits des enfants Les violations des droits fondamentaux des réfugiés et En janvier, le Comité des droits de l'enfant des des demandeurs d'asile, notamment les arrestations Nations unies a examiné le rapport périodique du arbitraires et les mauvais traitements, ont continué. Liban sur l'application de la Convention relative aux Des dizaines de demandeurs d'asile, dont des Irakiens, droits de l'enfant. Il s'est déclaré préoccupé par les des Soudanais, des Somaliens et des Tunisiens aux- allégations selon lesquelles des enfants de quinze ans quels le statut de réfugié avait été reconnu, ont été avaient été torturés et maltraités pendant leur déten- maintenus en détention. Selon certaines sources, tion au secret. Il a recommandé aux autorités d'ordon- 300 Irakiens, parmi lesquels se trouvaient des réfugiés ner une enquête sur les cas de mauvais traitements et des demandeurs d'asile, ont été expulsés du Liban infligés à des enfants qui sont signalés et de prendre vers des pays où ils n'étaient pas à l'abri d'un renvoi des mesures pour empêcher que des mineurs soient forcé vers leur pays d'origine. maintenus au secret. ✔ Le Soudanais Yasser Akrach, un réfugié reconnu, a été arbitrairement maintenu en détention après avoir Liberté d'expression purgé une peine d'emprisonnement pour entrée irré- Les médias, en particulier ceux qui critiquaient le gou- gulière au Liban. En septembre, il a observé une grève vernement et dénonçaient la présence militaire de la faim de deux jours pour protester contre sa situa- syrienne au Liban, ont fait l'objet d'une répression tion ; il aurait été battu et suspendu par les poignets à accrue. titre de sanction. 249 LI ✔ Deux demandeurs d'asile irakiens, Khaled Salem du gouvernement et des membres d'organisations non Azzaoui et Ali Alkout, seraient morts, en mars, dans la gouvernementales et ont mis en œuvre un programme prison de Roumié, apparemment en raison de l'insuf- de formation sur les droits humains.◆ fisance de soins médicaux. Autres documents d'Amnesty International Visites d'Amnesty International Liban. Amnesty International rappelle ses motifs Des délégués d'Amnesty International se sont rendus à de préoccupation concernant la situation des réfugiés plusieurs reprises au Liban. Ils ont effectué des et des demandeurs d'asile recherches, se sont entretenus avec des représentants (MDE 18/005/02). LIBÉRIA RÉPUBLIQUE DU LIBÉRIA CAPITALE : Monrovia SIERRA LEONE GUINÉE SUPERFICIE : 111 369 km2 POPULATION : 3,3 millions CHEF de l’ÉTAT Gbarnga CÔTE D'IVOIRE et du GOUVERNEMENT : Charles Ghankay Taylor MONROVIA PEINE DE MORT : maintenue COUR PÉNALE Buchanan INTERNATIONALE : océan Atlantique Statut de Rome signé LIBÉRIA

0 200 km

lors que le conflit se poursuivait, et d’infrastructures et les déplacements de populations les forces gouvernementales et, dans ont été innombrables. La situation humanitaire s’est uneA moindre mesure, l’opposition armée sérieusement aggravée du fait qu’un grand nombre de ont illégalement exécuté ou torturé un grand personnes ne pouvaient plus accéder à aucune aide. Il nombre de civils. Les deux camps ont enrôlé de était souvent difficile de vérifier les informations fai- force des enfants dans leurs rangs. Les transferts sant état d’atteintes aux droits humains, et parfois d’armes ont continué, au mépris de l’embargo impossible d’établir avec certitude qui, des forces gou- imposé par les Nations unies. Des centaines vernementales ou des LURD, en était responsable. de milliers de civils ont pris le chemin de l’exil Le conflit menaçait la stabilité de la Guinée et de la ou ont été déplacés dans leur propre pays. Sierra Leone voisines qui, avec le Libéria, composent La proclamation de l’état d’urgence a entraîné l’Union du fleuve Mano. Les forces des LURD ont une répression accrue contre les opposants lancé des opérations à partir du territoire guinéen et politiques, les journalistes et les personnes reçu une aide de la Guinée, ce que le gouvernement de militant pour les droits humains. Les auteurs ce pays a démenti. de violations de ces droits ont bénéficié La communauté internationale a pris plusieurs initia- d’une impunité quasi totale. tives pour tenter de résoudre le conflit. En février, les chefs d’État des trois pays se sont rencontrés au Contexte Maroc, sans guère de résultats. Au mois de novembre, Le conflit armé opposant les forces gouvernementales le président Charles Taylor a exprimé le souhait de aux Liberians United for Reconciliation and Democracy nouer un dialogue avec les LURD. Un Groupe de (LURD, Libériens unis pour la réconciliation et contact international sur le Libéria s’est réuni en la démocratie), un groupe armé d’opposition, s’est décembre, sous l’égide de la Communauté écono- poursuivi tout au long de l’année dans le nord et mique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), et l’ouest du Libéria. Les morts, les destructions de biens il a appelé à l’ouverture rapide de négociations afin de 250 LI parvenir à une solution, notamment à un cessez-le-feu, ✔ Lors des combats qui se sont déroulés à la mi-avril à au désarmement et au respect de l’état de droit et des Sawmill, des hommes et des jeunes garçons qui refu- droits fondamentaux de la personne. saient de se battre dans les rangs des forces gouverne- Affirmant que les LURD menaçaient Monrovia, la mentales ont été sommairement exécutés. Fofoe capitale, le président Taylor a proclamé l’état Kanneh, un homme de l’ethnie mandingue, figurait d’urgence au début du mois de février et l’a maintenu parmi les victimes. jusqu’en septembre. Les activités politiques et les ✔ En mai, dans la banlieue de Monrovia, plus d’une réunions publiques ont été interdites, et la liberté dizaine de jeunes garçons – le plus jeune avait quinze d’expression a été restreinte. ans – et d’hommes ont été enrôlés de force ; par la En septembre, le secrétaire général des Nations unies a suite, quatre d’entre eux ont été sommairement exécu- nommé un représentant spécial au Libéria, et le tés parce qu’ils refusaient de se battre. Conseil de sécurité des Nations unies a par la suite Arrestations et détentions arbitraires, torture décidé d’élaborer une stratégie globale concernant la et mauvais traitements situation libérienne. Amnesty International a demandé Toute personne soupçonnée d’être un dissident ou que le Bureau d’appui des Nations unies pour la d’avoir des contacts avec les LURD, notamment tout consolidation de la paix au Libéria (BANUL), dont le membre des ethnies krahn et mandingue, courait le mandat a été prorogé jusqu’à fin 2003, fasse une large risque d’être arbitrairement arrêtée et placée en déten- place aux droits humains, notamment qu’il surveille la tion. Après la proclamation de l’état d’urgence, des situation des droits humains et qu’il en signale les vio- unités des forces de sécurité ont procédé à des opéra- lations. Par la suite, le Conseil de sécurité a recom- tions quotidiennes de ratissage à Monrovia et dans les mandé d’étendre le mandat du BANUL, appelé à mettre environs, y compris dans les camps pour personnes davantage l’accent sur les droits humains et à veiller à déplacées, à la recherche de membres des LURD. Des ce qu’ils soient respectés, ainsi qu’à rédiger des rap- centaines de garçons et de jeunes gens ont été battus et ports périodiques sur la situation dans ce domaine. arrêtés. Certains n’ont été relâchés qu’après versement d’une somme d’argent par leur famille. Bien souvent, Violations commises par les forces de sécurité les personnes arrêtées étaient conduites au palais prési- libériennes dentiel à Monrovia pour y être interrogées. Les enrôle- Des violations des droits humains ont été commises ments forcés s’accompagnaient souvent d’arrestations sur une grande échelle par les Armed Forces of Liberia arbitraires et de mauvais traitements. Le recours à la (AFL, Forces armées du Libéria), ainsi que par deux torture et aux brutalités était monnaie courante et se sections spéciales des forces de sécurité – l’Unité de serait soldé par des dizaines de morts. lutte antiterroriste et la Division des opérations spé- En mars, le rapporteur spécial des Nations unies sur la ciales – et des milices à la solde du gouvernement. Ces torture a fait savoir qu’aucune institution pour la pro- violations se sont multipliées de façon spectaculaire tection des droits humains n’avait été créée et après la proclamation de l’état d’urgence. Le gouverne- qu’aucune formation dans le domaine des normes ment n’a quasiment rien fait pour les empêcher, et il internationales relatives aux droits humains n’était n’a pas cherché à traduire leurs auteurs en justice. prévue pour les unités spéciales de sécurité, notam- Exécutions sommaires ment l’Unité de lutte antiterroriste et la Division des Les forces de sécurité libériennes ont sommairement exé- opérations spéciales, connues pour recourir régulière- cuté des civils, y compris des femmes et des enfants, dans ment à la torture contre les détenus. les zones touchées par les combats. Une fois les combat- ✔ Le 24 février, l’Unité de lutte antiterroriste et la tants des LURD chassés d’une zone, elles battaient, tortu- Division des opérations spéciales ont arrêté 45 jeunes raient ou tuaient les civils soupçonnés de soutenir ce gens dans un camp pour personnes déplacées installé à mouvement. À plusieurs reprises, selon certaines infor- Monrovia. Ils ont été relâchés le lendemain après ver- mations, des garçons et des jeunes gens ont été enlevés sement d’une somme d’argent par leur famille. puis sommairement exécutés parce qu’ils refusaient de se ✔ Au mois de février, à Tubmanburg, quatre hommes battre aux côtés des forces gouvernementales. Après la soupçonnés d’être des « dissidents » auraient été tortu- proclamation de l’état d’urgence, un grand nombre de rés par des agents de l’Unité de lutte antiterroriste ; personnes ont été regroupées dans Monrovia et alentour, l’un de ces hommes est mort par la suite. Un survivant puis contraintes d’aller au combat. a déclaré qu’on l’avait frappé sur les testicules à coups ✔ En janvier, des soldats des AFL ont abattu une femme de marteau. et blessé son fils de quatre ans à leur domicile de Les opposants présumés ont encore été victimes Sawmill, près de Tubmanburg, dans le comté de Bomi. d’arrestations et de mauvais traitements après la levée ✔ Le 20 mars, un membre d’un parti d’opposition du de l’État d’urgence, en septembre. comté de Bong, Henry Cooper, a apparemment été ✔ Le 14 décembre, Throble Suah, un journaliste de arrêté par la police ; son corps a été retrouvé un peu The Inquirer, a été accosté dans une rue de Monrovia plus tard, criblé de balles. par des membres des forces de sécurité – probable- ✔ En mai, 11 personnes de l’ethnie mandingue ont été ment des agents de l’Unité de lutte antiterroriste – qui tuées à Gbaney et huit autres à Gbeka, deux localités l’ont sauvagement frappé. Il a dû recevoir d’urgence situées non loin de Gbarnga, dans le comté de Bong. des soins médicaux. 251 LI ✔ Le 11 décembre, cinq membres de partis d’opposi- charge n’a été retenue contre eux. En octobre, le gou- tion ont été interpellés dans le comté de Grand Bassa vernement a fait savoir que les deux hommes allaient puis conduits à Monrovia, où ils ont été détenus sans être libérés ; toutefois, Hassan Bility a été maintenu en inculpation avant d’être finalement relâchés. détention jusqu’en décembre, date à laquelle il a été ✔ Fin décembre, deux membres éminents de l’Inter- remis à des responsables de l’ambassade des États-Unis Religious Council of Liberia (Conseil interreligieux du qui l’ont fait sortir du pays. Sheikh Sackor était tou- Libéria), David Kiazolu et Christopher Toe, ont été jours détenu à la fin de 2002. arrêtés. Ils étaient, semble-t-il, soupçonnés de collabo- ✔ Aloysius Toe, militant des droits humains de pre- rer avec les LURD. mier plan, a dû se cacher, fin octobre, après que la Viols et autres violences sexuelles police eut fait une descente à son domicile et retenu Dans les zones touchées par les combats, les femmes et pendant une courte durée sa femme et trois autres les jeunes filles ont fréquemment été victimes de viols défenseurs des droits humains. Ces interpellations fai- et d’autres formes de violences sexuelles. saient suite au lancement d’une campagne organisée ✔ En février, une femme âgée de vingt-trois ans qui par la Liberia Coalition of Human Rights Defenders avait fui de chez elle a été victime d’un viol collectif et (Coalition libérienne des défenseurs des droits sauvagement battue par des agents des forces de sécu- humains) en vue d’obtenir la libération de Hassan rité dans le comté de Margibi. Bility et de Sheikh Sackor. Lorsqu’il a décidé de ne ✔ En mai, alors que des milliers de civils fuyaient les plus se cacher, Aloysius Toe a été arrêté et inculpé de combats autour de Gbarnga, au moins 20 femmes trahison. Ce chef d’inculpation reposait sur le simple auraient, selon leurs propres témoignages, été violées fait qu’il aurait reçu par courrier électronique un par les forces de sécurité. Parmi elles figurait une jeune document des LURD, par ailleurs largement diffusé. fille de dix-neuf ans, qui a été violée par quatre mili- Aloysius Toe a été mis en détention à la prison cen- ciens progouvernementaux. Une autre femme a été trale de Monrovia. enlevée et détenue pendant deux jours, au cours des- quels elle a été violée à maintes reprises par un agent Exactions commises par l’opposition armée de l’Unité de lutte antiterroriste. Il était difficile, en l’absence de sources indépendantes, Attaques contre la communauté des défenseurs de vérifier les informations faisant état d’atteintes aux des droits humains droits humains par les LURD. Un certain nombre Les personnes dénonçant les violations des droits d’éléments de preuve indiquaient néanmoins que les humains étaient accusées de diffuser de fausses nou- civils continuaient d’être victimes d’exactions, moins velles en vue de « ternir l’image » du Libéria aux yeux nombreuses et moins systématiques toutefois que de la communauté internationale ou de soutenir les celles imputables aux forces gouvernementales. Les LURD. Les attaques contre les militants des droits LURD se sont notamment rendus coupables d’homi- humains se sont multipliées pendant l’état d’urgence. cides illégaux et d’actes de torture, dont des viols, et ils Certains ont été détenus pendant de courtes périodes, ont recruté des enfants pour se battre dans leurs rangs. mais d’autres étaient toujours incarcérés à la fin de Des civils sierra-léonais vivant près de la frontière figu- l’année 2002. raient au nombre des victimes, les troupes des LURD ✔ Frances Johnson-Morris, ancienne présidente de la opérant des incursions en Sierra Leone. Cour suprême et responsable de la Commission justice Au début de l’année 2002, en plusieurs occasions dis- et paix, un mouvement catholique, a été arrêtée en tinctes, des personnes soupçonnées de collaborer avec le février après avoir publiquement mis en doute la léga- gouvernement ont été tuées, et d’autres ont été violées lité constitutionnelle de l’état d’urgence. Elle a été ou enrôlées de force. Les informations signalant des détenue pendant une courte durée, avec des hommes, exactions se sont multipliées à mesure que les forces avant que le ministre de la Justice n’ordonne sa remise gouvernementales intensifiaient leurs offensives. Les en liberté sans inculpation. réfugiés fuyant en Guinée et les personnes déplacées ✔ Tiawan Gongloe, avocat spécialisé dans la défense étaient plus particulièrement menacés. Des centaines de des droits humains, a été interpellé en avril. Torturé garçons et de jeunes gens ont été enrôlés de force pour pendant sa garde à vue, il a dû être hospitalisé en rai- combattre, et les civils, y compris des femmes et des son de ses blessures. Ayant d’abord été empêché de enfants, étaient systématiquement utilisés comme main- quitter le pays, il a de nouveau été détenu en mai, d’œuvre forcée. Les dirigeants des LURD auraient fait pour une brève période. quelques efforts pour veiller à ce que leurs combattants ✔ Hassan Bility, un journaliste de The Analyst, a été respectent les droits humains des civils. arrêté en juin, en même temps que deux autres colla- ✔ Au mois de janvier, un commandant des LURD a borateurs du journal après la publication d’articles contraint plusieurs hommes originaires de Kolahun dénonçant les atteintes aux droits humains. Sheikh (comté de Lofa) à transporter des munitions. Deux Sackor, directeur général d’Humanist Watch, a été d’entre eux ont reçu des balles dans la jambe parce appréhendé le mois suivant. Les deux hommes ont été qu’ils ne marchaient pas assez vite ; l’un est mort peu détenus au secret et torturés. Le gouvernement les a de temps après. accusés d’être membres des LURD, et il a annoncé ✔ En août, trois femmes qui fuyaient vers la Guinée qu’ils seraient jugés par un tribunal militaire. Aucune ont été enlevées par des combattants des LURD entre 252 LI Kotolahun et Honyahun. Elles ont d’abord été trop limité et ne permettait donc pas d’arriver à des contraintes de porter de lourdes charges, puis violées. conclusions donnant une véritable image de la réalité. Par la suite, les responsables ont été battus par leurs commandants. Assistance militaire extérieure ✔ Enlevées au mois de juin lors d’une attaque des Le Groupe d’experts mis en place par le Conseil de LURD menée contre un camp de réfugiés installé à sécurité des Nations unies pour surveiller l’application Sinje (comté de Grand Cape Mount), cinq infirmières de l’embargo imposé par les Nations unies au Libéria employées par une organisation libérienne d’assistance en 2001 et qui interdisait notamment tout transfert médicale ont été détenues jusqu’en septembre. d’armes et toute exportation de diamants bruts a publié des rapports en avril et en octobre. Ces derniers indi- Réfugiés et personnes déplacées quaient que le gouvernement avait continué à se procu- Le sort des réfugiés et des personnes déplacées s’est rer des armes. En mai, le Conseil de sécurité a encore aggravé de façon alarmante. Les combats ont reconduit l’embargo pour une période de douze mois. provoqué le déplacement de centaines de milliers de Le gouvernement libérien a protesté en déclarant que Libériens, auxquels il fallait ajouter les quelque l’interdiction relative aux transferts d’armes l’empêchait 200 000 autres Libériens ayant pris le chemin de l’exil de protéger le pays contre l’opposition armée. Le vers les pays voisins. Une fois arrivés à la frontière, ils Groupe d’experts, qui a précisé que l’interdiction se voyaient fréquemment interdire l’accès au pays. Des s’appliquait également aux LURD, a découvert que des réfugiés libériens ont été harcelés par les forces de armes étaient parvenues entre les mains des LURD après sécurité, notamment en Côte d’Ivoire et en Guinée. être passées par des pays voisins, dont la Côte d’Ivoire, Les forces de sécurité guinéennes ont empêché des la Guinée et la Sierra Leone. Libériens de franchir la frontière et les ont remis Les rapports du Groupe d’experts faisaient apparaître contre leur gré entre les mains des LURD. Au Ghana, clairement les liens qui existaient entre l’industrie du les réfugiés libériens étaient également en danger en bois au Libéria et le commerce des armes. Amnesty raison de la présence de forces de sécurité libériennes International a soutenu la recommandation du Groupe et du manque de sécurité qui régnait dans les camps d’experts visant à faire procéder à un audit financier à de réfugiés. long terme de l’industrie du bois par un cabinet d’audit Les forces de sécurité ivoiriennes extorquaient de international.◆ l’argent et volaient les biens des personnes traversant la frontière, et elles arrêtaient les Libériens des ethnies Autres documents d’Amnesty International mandingue ou krahn. À partir de septembre, la situa- Guinée, Libéria et Sierra Leone. Contrôler et surveiller tion de quelque 72 000 Libériens ayant le statut de le commerce de diamants depuis l’extraction jusqu’à réfugiés s’est dramatiquement dégradée à mesure que l’exportation (AFR 05/001/02). la violence et l’insécurité gagnaient du terrain en Côte Libéria. L’état d’urgence accroît la nécessité d’un d’Ivoire. Plus de 30 000 d’entre eux étaient rentrés au engagement international en faveur de la protection Libéria à la fin de l’année 2002. Quelque 20 000 res- des droits humains (AFR 34/002/02). sortissants ivoiriens ont également fui vers le Libéria. Libéria. Hassan Bility. Détention au secret sans À la fin de l’année 2002, on estimait à 130 000 le inculpation (AFR 34/011/02). nombre des personnes déplacées regroupées dans des Libéria. Atteintes aux droits humains des civils libériens à camps reconnus, tandis que 200 000 autres se trou- l’intérieur comme à l’extérieur des frontières vaient toujours dans des zones de conflit où l’achemi- (AFR 34/020/02). nement de l’aide humanitaire était soumis à des Liberia: Aloysius Toe – Human rights activist on trial for restrictions draconiennes. L’attaque par les LURD du treason [Libéria. Aloysius Toe. Un défenseur des droits camp de réfugiés de Sinje, au mois de juin, a contraint humains jugé pour trahison] (AFR 34/029/02). quelque 25 000 réfugiés sierra-léonais et Libériens déplacés à fuir. En février, un rapport du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et de Save the Children – Royaume-Uni a fait état des risques de vio- lences et d’exploitation sexuelles auxquels étaient expo- sés les enfants réfugiés ou déplacés en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone de la part de personnes tra- vaillant pour des organisations non gouvernementales nationales ou internationales, ou pour le HCR et d’autres agences des Nations unies, ainsi que de la part des forces de sécurité ou d’autres réfugiés ou personnes déplacées. Le Bureau des services de contrôle interne (BSCI) des Nations unies a mené une enquête sur ces allégations et publié un rapport en octobre, mais Amnesty International a considéré que son mandat était 253 LI LIBYE

JAMAHIRIYA ARABE MALTE LIBYENNE POPULAIRE ET SOCIALISTE C mer Méditerranée CAPITALE : Tripoli TUNISIE TRIPOLI SUPERFICIE : 1 759 540 km2 Benghazi POPULATION : 5,5 millions CHEF de l’ÉTAT : Mouammar Kadhafi ALGÉRIE LIBYE CHEF du GOUVERNEMENT : ÉGYPTE Ambarak Abdallah al Chamek PEINE DE MORT : maintenue COUR PÉNALE INTERNATIONALE : NIGER Statut de Rome non signé 0 500 km TCHAD SOUDAN

uelque 65 prisonniers politiques, dont cinq en Libye qu'à l'étranger, risquaient de faire l'objet de Q prisonniers d'opinion détenus depuis 1973, représailles s'ils communiquaient des informations à ont été libérés. Des centaines d'autres seraient des organisations de défense des droits humains. restés en prison. Les autorités ont informé les familles de plusieurs dizaines de prisonniers que Prisonniers politiques et prisonniers d'opinion leurs proches étaient morts en détention, sans Quelque 65 prisonniers politiques ont été libérés. toutefois préciser ni la date ni la cause de leur Parmi eux figuraient Muhammad Ali al Akrami, al décès. Plusieurs cas de « disparition » n'ont Ajili Muhammad Salah Abd al Rahman al Azhari, toujours pas été élucidés. Deux personnes Muhammad Ali al Kajiji, Salih Omar al Qasbi et susceptibles d'être considérées comme des Muhammad al Sadiq al Tarhuni, cinq prisonniers prisonniers d'opinion ont été condamnées à d'opinion incarcérés depuis près de trente ans en rai- mort. De nouvelles informations ont fait état son de leurs activités, pourtant non violentes, au sein d'actes de torture, qui n'auraient fait l'objet du Hizb ul Tahrir al Islami (Parti de la libération isla- d'aucune enquête. Les dispositions législatives mique), mouvement interdit. faisant des activités politiques non violentes une Bien que les autorités aient affirmé qu'il n'y avait plus infraction pénale et donnant lieu à des procès de prisonniers politiques en Libye, plusieurs centaines inéquitables étaient toujours en vigueur. de personnes étaient apparemment encore maintenues en détention. Contexte ✔ Ahmad Abd al Qadir al Thulthi, un ingénieur Après l'annonce de la libération de prisonniers politiques arrêté en avril 1986, était, semble-t-il, toujours incar- et de prisonniers d'opinion, le colonel Mouammar céré malgré l’acquittement prononcé par un tribunal Kadhafi a déclaré, le 1er septembre, dans son discours en 1987 faute de preuves de sa culpabilité. Cet annuel prononcé à l'occasion de l'anniversaire de la homme avait apparemment été accusé de sabotage et révolution de 1969, que « les prisons libyennes allaient d'appartenance à une organisation politique interdite. être vidées de leurs prisonniers », à l'exception d'«un groupe d'hérétiques qui seraient liés à ce que l'on appelle Al Procès inéquitables Qaida (La Base) et aux talibans ». Il a ajouté que ces pri- De nouvelles informations ont fait état de procès sonniers seraient traités comme les États-Unis traitent inéquitables, notamment devant les tribunaux popu- les détenus de Guantánamo Bay, en affirmant : « Les laires instaurés en 1988. Dans un courrier commen- États-Unis ont dit que ces personnes n'avaient pas le droit tant le Rapport 2002 d’Amnesty International, les de se défendre, nous ne leur fournirons jamais d’avocats et autorités ont réaffirmé que les tribunaux populaires leurs droits fondamentaux ne seront pas respectés. » étaient des « organes indépendants » qui « présentaient Un climat de peur continuait de régner et les victimes toutes les garanties légales en matière de procédure et de de violations des droits humains ou leurs proches, tant droits de la défense ». Malgré des éléments positifs dans 254 LI le procès concernant le virus du sida, le caractère sur les allégations de torture formulées par certains des inéquitable de la justice demeurait préoccupant. accusés. Les condamnés et le parquet ont interjeté ✔ En février, un tribunal populaire de Tripoli a aban- appel du verdict. donné l'accusation de complot contre l'État formulée contre sept professionnels de la santé, un Palestinien et Torture et mauvais traitements six Bulgares, accusés d'avoir contaminé volontaire- Le recours à la torture est resté monnaie courante dans ment par le virus du sida près de 400 enfants hospitali- les centres de détention. D’après les informations par- sés et dont le procès s'était ouvert au mois de venues à Amnesty International, les autorités n'ont février 2000. Le dossier a été renvoyé au parquet. pris aucune mesure pour enquêter sur les allégations En juin, celui-ci a formulé les mêmes accusations que de torture ni pour indemniser les victimes. Les châti- lors du premier procès, à l’exception de « complot ments corporels prévus par la loi restaient en vigueur contre l'État ». Au mois d’août, la chambre d'accusa- et étaient apparemment appliqués. tion a ordonné le renvoi des accusés devant une juri- ✔ Le 5 septembre, Muhammad Masud Zubaida s'est diction pénale. Selon certaines sources, les membres rendu au bureau du Comité révolutionnaire de Beni des services de sécurité qui avaient interrogé les accusés Walid pour savoir si son fils, Abdullah Muhammad et qui les auraient torturés après leur arrestation au Masud, détenu depuis 1994, allait faire partie du der- cours de l’année 1999 ont également été renvoyés nier groupe de prisonniers élargis. Muhammad Masud devant une juridiction pénale. Zubaida aurait été arrêté, puis libéré le lendemain; il serait mort peu après. Il aurait torturé et maltraité Appel dans l’affaire Lockerbie durant sa détention. Au mois de mars, une cour d'appel écossaise siégeant ✔ Selon des informations rapportées par les médias aux Pays-Bas où le procès en première instance avait libyens, quatre hommes déclarés coupables de vol ont eu lieu a confirmé la peine de détention à perpétuité subi l'amputation de la main droite et de la jambe prononcée contre Abdel Basit al Megrahi. Ce ressortis- gauche, le 3 juillet, après l’approbation de ce châti- sant libyen avait été reconnu coupable en 2001 d'avoir ment par la Cour suprême. participé à l'attentat à l'explosif qui, en 1988, avait détruit un avion de la compagnie Pan Am au-dessus Morts en détention de la ville écossaise de Lockerbie (Royaume-Uni), pro- Les allégations faisant état de nombreux cas de mort voquant la mort de 270 personnes. En septembre, les en détention n'ont fait l'objet d'aucune enquête. Les avocats d'Abdel Basit al Megrahi auraient adressé une autorités ont informé des dizaines de familles de déte- requête à la Cour européenne des droits de l'homme nus que leurs proches étaient morts, mais elles ont en arguant que leur client n'avait pas bénéficié d'un apparemment refusé de fournir le moindre détail à procès équitable. propos de la date ou de la cause du décès. On aurait dit à certaines familles que le corps de leur proche ne Peine de mort pouvait pas leur être restitué car la mort remontait à La législation prévoyant la peine de mort pour des plusieurs années. Ces affirmations ont laissé à penser activités constituant simplement l'exercice du droit à que ces prisonniers étaient peut-être parmi les très la liberté d'expression et d'association est restée en nombreux détenus qui auraient été tués illégalement vigueur. Comme les années précédentes, des condam- en juillet 1996 par les forces de sécurité dans la prison nations à mort ont été prononcées. Aucune exécution d'Abou Salim à Tripoli. n'a été signalée. Depuis 1988, les autorités ont réguliè- rement exprimé leur intention d'œuvrer pour l'aboli- « Disparitions » tion de la peine de mort, mais aucune initiative Les autorités ont été soumises à des pressions de plus concrète n'a toutefois été prise. en plus fortes pour élucider plusieurs cas de « dispari- ✔ Le 16 février, deux prisonniers d'opinion présumés, tion ». Elles n'avaient toutefois ordonné aucune Abdullah Ahmed Izzedin et Salem Abu Hanak, ont été enquête exhaustive, indépendante et impartiale à la fin condamnés à mort à l'issue d'un procès inéquitable de l'année 2002. qui s'est déroulé devant un tribunal populaire de ✔ Le 1er septembre, dans son discours annuel, le colo- Tripoli. De très nombreuses autres personnes poursui- nel Mouammar Kadhafi a déclaré officiellement que vies dans le cadre du même procès ont été condamnées l'imam Moussa al Sadr, éminent dignitaire chiite à des peines comprises entre dix ans d'emprisonne- d'origine iranienne qui vivait au Liban, avait « disparu ment et la détention à perpétuité. en visite en Libye » en 1978. Tous ces détenus figuraient parmi les 152 personnes ✔ Les autorités n'ont fourni aucune information sur exerçant différentes professions ou poursuivant des Mansour Kikhiya, ancien ministre des Affaires étran- études qui avaient été arrêtées en 1998 pour leurs gères et militant éminent des droits humains, vu pour sympathies présumées à l’égard du mouvement inter- la dernière fois au Caire en décembre 1993. Elles dit Al Jamaa al Islamiya al Libiya (Groupe islamique n’ont pas non plus fourni d’éclaircissements sur libyen). À la connaissance d'Amnesty International, Jaballah Matar ou Izzat Youssef al Maqrif, deux per- ce dernier n'a jamais eu recours à la violence ni prôné sonnalités de l'opposition libyenne qui ont « disparu », son usage. Aucune enquête ne semble avoir été menée également au Caire, en mars 1990. 255 MA Communications avec le gouvernement d’Amnesty International n’étaient absolument pas fon- Dans un courrier commentant le Rapport 2002 dées. L'organisation n'avait reçu aucune réponse, à la fin d’Amnesty International, le Comité populaire pour la jus- de l'année, à ses courriers portant sur des cas individuels tice et la sûreté générale a affirmé que les préoccupations et ses préoccupations relatives aux droits humains.◆ MACÉDOINE EX-RÉPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACÉDOINE YOUGOSLAVIE

CAPITALE : Skopje BULGARIE SUPERFICIE : 25 713 km2 SKOPJE POPULATION : 2,1 millions mer EX-RÉPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE Adriatique CHEF de l’ÉTAT : MACÉDOINE Boris Trajkovski ALBANIE CHEF du GOUVERNEMENT : GRÈCE Ljubco Georgievski, remplacé par Branco Crvenkovski le 30 octobre 0 200 km PEINE DE MORT : abolie COUR PÉNALE octroyées en décembre 2001, a permis la libération de INTERNATIONALE : 54 détenus. En octobre, la Chambre de première ins- Statut de Rome ratifié tance du Tribunal a estimé que cinq affaires relevaient de la compétence de celui-ci et non de la justice macé- ien que la situation en matière de droits donienne. Quatre d’entre elles concernaient des exac- humains ait continué de s’améliorer, tions qui auraient été commises par des membres de Bdes exécutions extrajudiciaires pourraient l’UÇK. La cinquième mettait en cause les forces de avoir eu lieu ; des cas d’usage inconsidéré sécurité, accusées d’avoir tué au moins six Albanais à et meurtrier d’armes à feu par des membres des Ljuboten en août 2001. Dans cette dernière affaire, forces de sécurité ont été signalés. Cette année l’exhumation des corps s’est achevée en avril, mais les encore, des policiers et des membres d’autres résultats des analyses médicolégales n’avaient pas été services de sécurité auraient torturé et maltraité rendus publics à la fin de l’année. des personnes. Des homicides illégaux et des Diverses actions de la communauté internationale ont prises d’otages auraient également été perpétrés continué de soutenir le processus de paix. Quelque par des groupes armés. D’après certaines 200 observateurs de l’Organisation pour la sécurité et sources, des agressions ont été commises la coopération en Europe (OSCE) et de l’Union euro- par des « inconnus » soupçonnés d’être liés péenne étaient notamment déployés en Macédoine, aux forces de sécurité. Des défenseurs sous la protection d’un contingent de l’Organisation des droits humains ont fait l’objet du traité de l'Atlantique nord (OTAN) comprenant des de menaces et des journalistes membres originaires de 11 pays différents. de l’opposition ont été agressés. Le nombre d’épisodes violents a diminué, mais les ten- sions restaient fortes. Des attentats à la bombe et des Contexte tirs, parfois meurtriers, ont été signalés. Des unités de Les répercussions du conflit déclenché en 2001, dans police mixtes, composées de membres des communau- le nord et l’ouest du pays, entre les forces de sécurité tés macédonienne et albanaise, ont néanmoins pu être macédoniennes et le groupe armé d’opposition alba- redéployées, avec succès, sous la houlette d’observa- nais Ushtria Çlirimtare Kombetare (UÇK, Armée de teurs de l’OSCE. L’UÇK s’est dissoute et a remis une libération nationale), ont continué de se faire sentir. partie de ses armes à l’OTAN, mais des groupes dissi- En mars, une amnistie a été accordée à toutes les per- dents albanais ont continué d’agir. Des affrontements sonnes ayant pris part au conflit, à l’exception de celles armés mettant aux prises différentes factions albanaises accusées de crimes de guerre par le Tribunal pénal ont éclaté de façon sporadique, accompagnant l’entrée international pour l’ex-Yougoslavie (le Tribunal). en politique d’un certain nombre d’anciens comman- Cette amnistie, qui résultait des grâces présidentielles dants de l’UÇK. 256 MA À l’issue des élections législatives du mois de sep- responsables de l’application des lois allait être établi. tembre, le gouvernement dirigé par le Vntrasnata Les autorités n’ont pas rendu publics les éléments makedonska revoluciolarna organizacija-Demokratska recueillis par le Comité européen pour la prévention partija za makedonsko nacionalno edinstvo (VMRO- de la torture (CPT) lors de ses visites d’octobre 2001 et DPMNE, Parti démocrate pour l'unité nationale macé- de juillet et novembre 2002. donienne), essentiellement implanté dans la ✔ Le 3 avril, Cano Canoski et Vebija Saloski, deux communauté macédonienne, a été remplacé par une musulmans de Macédoine qui ramassaient du bois coalition emmenée par l’Union sociale-démocrate de près de Struga, auraient été passés à tabac et menacés Macédoine (SDSM) et l’Union démocratique pour avec des armes à feu et des couteaux par six à huit l’intégration (BDI), créée par l’ancien dirigeant de membres de l’unité des Lions. l’UÇK, Ali Ahmeti. ✔ Le 9 octobre, Arben Ismaili, qui est atteint d’infir- mité motrice cérébrale et ne peut se déplacer qu’en Homicides perpétrés par les forces de sécurité fauteuil roulant, aurait été maltraité par des policiers Plusieurs cas d’usage intempestif et meurtrier d’armes alors qu’il venait de quitter son domicile de Nerezi, à feu par des membres des forces de sécurité ont été près de Skopje, en compagnie d’un voisin. Les deux déplorés. Dans l’un d’entre eux, il s’agissait apparem- hommes, qui appartiennent à la communauté alba- ment, d’après les éléments disponibles, d’une exécu- naise, auraient été arrêtés dans la rue par des policiers. tion extrajudiciaire. Ceux-ci auraient proféré des injures racistes à leur ✔ Le 2 mars, la police a abattu sept hommes (six égard, puis auraient donné plusieurs coups de poing Pakistanais et un Indien) dans une embuscade tendue dans la figure d’Arben Ismaili, qui les aurait pourtant à Rashtanski Lozja, près de Skopje. Les autorités ont suppliés d’arrêter, criant qu’il était handicapé et qu’il soutenu que les victimes étaient des « terroristes » isla- n’avait rien fait de mal. mistes radicaux proches de l’UÇK et des groupes ayant pris sa relève, et qu’ils préparaient des attentats contre Agressions par des « inconnus » des ambassades de pays occidentaux à Skopje. Les élé- Plusieurs personnes ont été victimes d’agressions per- ments disponibles indiquaient toutefois que ces pétrées par des « inconnus » qui pourraient être liés aux hommes étaient en fait des migrants cherchant à pouvoirs publics. gagner la Grèce pour y trouver du travail. ✔ Le 23 janvier, un groupe d’hommes masqués et ✔ Le 18 octobre, des policiers ont ouvert le feu sur munis d’armes automatiques a attaqué et grièvement une voiture qui ne s’était pas arrêtée à un barrage rou- blessé Pavle Todorovski, vice-président du conseil tier dressé à Tetovo, tuant un membre de la commu- municipal de Tearce, près de Tetovo, l’accusant d’être nauté albanaise, Metin Adili, et blessant deux autres un « traître à la cause macédonienne ». Aucune enquête personnes. Un porte-parole de la police a déclaré que de police sérieuse n’a apparemment été menée sur les occupants du véhicule avaient tiré les premiers, cette agression, dont les auteurs pourraient en fait mais des observateurs de l’OSCE n’auraient relevé appartenir aux forces de sécurité. Pavle Todorovski aucun élément susceptible d’étayer cette thèse. aurait été attaqué en raison de son attitude conciliante vis-à-vis de la communauté albanaise. Torture et mauvais traitements par des policiers Un certain nombre de journalistes considérés comme Cette année encore, la police s’est rendue responsable opposés aux autorités ont également été victimes de mauvais traitements au moment des arrestations et d’agressions. pendant la détention. Dans de nombreux cas, notam- ✔ Le 16 juillet, Mare Stoilova, correspondante de A1 TV, ment lorsque les victimes appartenaient aux commu- a été agressée par huit hommes. La chaîne de télévi- nautés albanaise ou rom (tsigane), les mauvais sion avait auparavant évoqué des informations faisant traitements présumés avaient un caractère raciste. Bon état d’actes de corruption qui auraient été commis par nombre de brutalités signalées étaient le fait de poli- un responsable du VMRO-DPMNE. ciers appartenant aux Lions, une unité paramilitaire mise en place par le ministère de l’Intérieur au lende- Défenseurs des droits humains main du soulèvement de l’UÇK. Les membres de ce En janvier, le Comité Helsinki de Macédoine, une corps, qui recrutait exclusivement au sein de la com- organisation non gouvernementale, a fait l’objet de cri- munauté macédonienne, étaient généralement consi- tiques répétées à la télévision macédonienne et dans les dérés comme favorables au VMRO-DPMNE. Les cas autres médias, lors d’une campagne orchestrée par des soumis au ministère de l’Intérieur par le médiateur membres du gouvernement, notamment par le Premier national ont été rejetés au motif qu’ils n’étaient pas ministre et par le ministre de l’Intérieur. Ce dernier a fondés, parfois en dépit d’éléments accablants tendant notamment qualifié Mirjana Najcevska, la présidente à prouver le contraire. Toutefois, le nouveau gouver- du Comité, d’« ennemie publique n°1 », d’« anti-macé- nement a fait savoir à Amnesty International, au mois donienne » et d’« avocate des Albanais », parce que son de novembre, que conformément aux recommanda- organisation avait dénoncé les violations des droits tions formulées par l’organisation, un projet visant à la humains perpétrées par les autorités contre des formation des policiers et à la mise en œuvre des membres de la communauté albanaise. La présidente, normes européennes relatives au comportement des qui se trouvait à l’époque en France, a été avertie 257 MA qu’elle pourrait être arrêtée à son retour en d’attentats à la bombe et à la grenade ont été perpétrés Macédoine. Mais grâce aux pressions exercées par contre des bâtiments de partis politiques représentant Amnesty International et d’autres organisations, elle a la communauté albanaise. Mais les élections se sont pu rentrer chez elle sans être inquiétée et les pouvoirs finalement déroulées sans incident notable. publics ont nié qu’elle ait jamais été menacée. Mirjana Najcevska a également été attaquée personnellement Réfugiés et personnes déplacées dans une déclaration du ministère de l’Intérieur émise En octobre, la Croix-Rouge macédonienne a indiqué après la publication, le 3 septembre, d’un communi- que le nombre de personnes déplacées à l’intérieur du qué de presse dans lequel le Comité s’interrogeait sur pays à la suite des combats de 2001 s’élevait à 9 013. l’impartialité politique de la police. Dans cette même Parmi elles, 6 826 étaient hébergées dans des familles déclaration, les autorités menaçaient de poursuites d’accueil et 2 187 dans des structures collectives.◆ pénales les rédacteurs en chef de médias d’opposition. Autres documents d’Amnesty International Exactions perpétrées par des groupes armés Ex-République yougoslave de Macédoine. Jours sombres à Des exactions, notamment des homicides, ont été Tetovo (EUR 65/007/02). commises tout au long de l’année par des groupes Macedonia: Possible extra-judicial killing of seven men armés vraisemblablement issus, pour la plupart, de in Rashtanski Lozja [Macédoine. Sept hommes l’UÇK dissoute. La période qui a précédé les élections a pourraient avoir été exécutés de façon extrajudiciaire été marquée par une recrudescence des tensions. à Rashtanski Lozja] (EUR 65/012/02). Plusieurs anciens membres de l’UÇK ont été assassinés Macedonia: The “Lions” beat tonight: alleged ill- par des rivaux au sein de la communauté albanaise, treatment of citizens by paramilitary police [Macédoine. deux policiers ont été abattus par des hommes armés à Les « Lions » rôdent ce soir : la police paramilitaire Gostivar, un certain nombre de personnes ont été serait responsable de mauvais traitements] enlevées – puis rapidement relâchées –, et une série (EUR 65/025/02). MADAGASCAR

RÉPUBLIQUE DE MADAGASCAR COMORES CAPITALE : Antananarivo SUPERFICIE : 587 041 km2 POPULATION : 16,9 millions Mayotte CHEF de l’ÉTAT : (FRANCE) Didier Ratsiraka, remplacé par Marc Ravalomanana le 6 mai MADAGASCAR CHEF du GOUVERNEMENT : Tantely Andrianarivo, remplacé Toamasina par Jacques Hugues Sylla le 26 février ANTANANARIVO PEINE DE MORT : abolie en pratique COUR PÉNALE océan Indien INTERNATIONALE : Statut de Rome signé

e scrutin contesté de décembre 2001 Lvisant à élire un nouveau président a provoqué une crise politique majeure 0 300 km ainsi que des troubles et des affrontements localisés. Dans ce contexte, de nombreuses atteintes aux droits humains ont été Contexte enregistrées, notamment des exécutions Le 22 février, après plusieurs semaines de manifesta- illégales, des actes de torture, des détentions tions organisées par ses partisans à Antananarivo, la arbitraires et des procès iniques. capitale du pays, pour protester contre les résultats 258 MA officiels de l’élection, Marc Ravalomanana, principal haut d’une falaise. Lalason Rajaobelina a survécu mais adversaire du président sortant Didier Ratsiraka, s’est Olivier Ratsimba est mort. Une enquête aurait été autoproclamé président. Didier Ratsiraka a établi son ouverte pour faire la lumière sur ces événements. gouvernement dans la ville portuaire de Toamasina, ✔ Le 14 mars, des membres de l’Organe mixte de dans l’est du pays, soutenu par cinq des six gouver- conception (OMC), un organisme chargé du maintien neurs de province, cependant que les partisans de de l’ordre composé de militaires et de policiers, ont Marc Ravalomanana installaient les ministres désignés ouvert le feu sur des pillards présumés dans le quartier par ce dernier dans les bâtiments gouvernementaux de Morarano à Toamasina, tuant au moins deux per- d’Antananarivo. Les hommes de Didier Ratsiraka ont sonnes. Selon les informations recueillies, les hommes érigé des barrages et détruit des ponts, ce qui a eu pour avaient reçu l’ordre de tirer sur les pillards, en viola- effet d’isoler la capitale, située à l’intérieur des terres, tion du droit international qui autorise l’usage d’armes des provinces côtières. Dans certaines provinces les à feu avec intention de tuer dans le seul cas où les res- sympathisants de Marc Ravalomanana ont ensuite été ponsables de l’application des lois ou d’autres per- pris pour cibles par des membres des forces de sécurité sonnes sont confrontés à une menace imminente de et des partisans de Didier Ratsiraka. Des atteintes aux mort ou de blessure grave. La tension s’était accrue droits humains ont été commises au mois d’avril au dans la ville, où les troubles entre défenseurs de Didier cours d’affrontements entre les deux camps dans la Ratsiraka et de Marc Ravalomanana n’avaient fait que province de Fianarantsoa. s’accentuer. Après un nouveau décompte des voix, la Haute Cour constitutionnelle a proclamé Marc Ravalomanana Torture vainqueur de l’élection. Il a été investi président le Des dizaines de personnes ont été torturées ou sou- 6 mai. Didier Ratsiraka a contesté la décision et les mises à d’autres formes de mauvais traitements par des gouverneurs de quatre provinces ont fait « sécession ». agents des forces de sécurité et des gens de Didier Marc Ravalomanana a envoyé l’armée reprendre par la Ratsiraka, pendant les émeutes dans les provinces. De force le contrôle des provinces. Le 7 juillet, Didier leur côté, certains partisans présumés de ce dernier ont Ratsiraka a quitté le pays pour se réfugier en France, et été torturés ou maltraités lors de leur arrestation par des centaines de ses partisans présumés ont été inter- les forces armées de Marc Ravalomanana. pellés par l’armée. À la fin de l’année 2002, certaines ✔ Le 23 juin, alors qu’ils rentraient à Ambilobe, dans des personnes arrêtées avaient été jugées et d’autres la province d’Antsiranana, en provenance de la capi- attendaient de l’être; dans la plupart des cas, les procé- tale, 73 marchands ambulants sont tombés dans une dures judiciaires n’ont pas respecté les normes interna- embuscade tendue par des militaires et des agents des tionales d’équité. forces de sécurité soutenant Didier Ratsiraka et qui Conformément à la condition fixée par les médiateurs auraient, semble-t-il, été aidés par des habitants de la internationaux, des élections législatives se sont dérou- région. Les marchands ont été battus, attachés les uns lées le 15 décembre, alors que de nombreux membres aux autres avec des cordes et conduits dans un camion de partis d’opposition étaient encore détenus. Selon les militaire jusqu’à la ville d’Antsiranana, capitale de la témoignages d’observateurs internationaux, il n’y a eu province du même nom. Ils ont été placés en déten- aucun acte de violence, même si l’on a enregistré des tion dans le camp militaire du 2e Régiment des forces cas isolés d’intimidation visant des candidats de d’intervention (RFI), tout près du Bureau du gouver- l’opposition. Le parti du président Ravalomanana, neur, où ils ont été frappés à coups de crosse et de Tiako i Madagasikara (TIM, J’aime Madagascar), a pierres, menacés de mort, humiliés et dépossédés de obtenu 125 des 160 sièges au Parlement. leurs effets personnels. Certains ont été forcés de rester debout pendant toute la nuit avec une grenade sur la Exécutions illégales tête. Le lendemain, ils ont été attachés à la grille Des dizaines de personnes ont été tuées pendant cette d’entrée du Bureau du gouverneur où ils sont restés période de tensions. Il semblerait que certaines aient toute la journée, apparemment comme « otages » pen- été exécutées de façon extrajudiciaire. D’autres ont été dant que les forces armées de Marc Ravalomanana tuées par les forces de sécurité lors de manifestations avançaient vers la ville. Les soldats de Didier Ratsiraka ou de troubles dans des circonstances qui donnent à ont fini par les laisser partir, non sans avoir obligé cer- penser qu’il y a eu recours excessif à la force. tains d’entre eux à verser une « rançon ». ✔ Le 2 mars, Olivier Ratsimba et Lalason Rajaobelina, ✔ Said Ibrahim, un policier, a été arrêté sans mandat deux partisans de Marc Ravalomanana résidant sur l’île le 15 juin et torturé par des partisans de Marc de Nosy Be (province d’Antsiranana), dans le nord du Ravalomanana dans une pièce du Bureau du nouveau pays, ont été arrêtés à leurs domiciles respectifs et vio- gouverneur de la province de Mahajanga, récemment lemment battus par des membres armés des forces de nommé par le nouveau président. Selon les informa- sécurité et des hommes de Didier Ratsiraka. Lorsque tions recueillies, les hommes lui ont bandé les yeux, Lalason Rajaobelina a repris connaissance, il se trouvait l’ont frappé à coups de crosse, déshabillé et contraint dans une voiture conduite par ses agresseurs; Olivier de boire sa propre urine. Il a été transféré au centre de Ratsimba était à ses côtés, inconscient. Les deux détention de Tsiafahy, à Antananarivo, inculpé d’avoir hommes, puis le véhicule, ont ensuite été précipités du participé à l’érection de barrages. 259 MA Arrestations arbitraires et détentions puis il a été placé en détention au secret. Le lendemain De nombreux sympathisants présumés de Marc sa famille, qui avait réussi à savoir où il se trouvait, l’a Ravalomanana auraient été arbitrairement arrêtés et emmené à l’hôpital. Il a par la suite été accusé de «dif- détenus par des hommes de Didier Ratsiraka pendant fusion de fausses nouvelles » et de « provocation aux la période d’agitation. Après la reprise du contrôle des crimes et délits », au motif qu’il aurait soutenu les pro- provinces par l’armée de Marc Ravalomanana, de pos du gouverneur de Mahajanga déclarant la province nombreux partisans présumés de Didier Ratsiraka ont en « sécession ». Les demandes de transfert à l’hôpital été arrêtés ou détenus de manière arbitraire par des n’ont pas été prises en compte, alors que les coups qu’il soldats qui n’étaient pas habilités à procéder à des avait reçus au moment de son arrestation avaient pro- arrestations. voqué des blessures graves. Il a été déclaré coupable à ✔ Au mois d’avril, au moins 19 personnes ont été inter- l’issue d’un procès inique et sommaire le 23 août, et pellées par des agents de sécurité et des partisans de condamné à une peine d’emprisonnement de deux ans Didier Ratsiraka en différents endroits de la province avec sursis. Durant sa détention, il était considéré d’Antsiranana. Elles étaient soupçonnées d’avoir accordé comme un prisonnier d’opinion. leur soutien à Marc Ravalomanana durant la période électorale. Toutes ont été torturées lors de leur arresta- Restrictions à la liberté de réunion et d’expression tion, puis transférées au camp Pardes à Antsiranana. Le Des attaques ont été menées contre les bureaux de tribunal d’Antsiranana n’a pas pu les inculper d’une divers médias; des manifestations ont été réprimées infraction prévue par la loi. La plupart de ces personnes dans la violence pendant la période d’agitation qui a ont par la suite été renvoyées dans leur ville d’origine. secoué le pays. Certaines ont été relâchées sans inculpation; d’autres ✔ Durant la nuit du 23 février, des hommes armés non ont été mises en examen par des instances judiciaires identifiés ont attaqué les locaux de la station de radio locales, à l’évidence sous la pression des forces de sécu- Madagascar Broadcasting Service (MBS), à Fianarantsoa, rité provinciales. Il n’y a eu aucun jugement. Au moins dont Marc Ravalomanana est le propriétaire. Un incen- l’une d’elles, Jonathan Odilon Venor, est morte au mois die a détruit les locaux et trois gardiens ont été griève- d’octobre, apparemment de blessures résultant d’actes ment blessés. Le 27 février, la station de radio de torture. Tsiokavao a également été détruite par un incendie; ✔ Le 27 mai, Tantely Andrianarivo, Premier ministre celui-ci avait été allumé par des partisans de Marc du gouvernement de Didier Ratsiraka, a été arrêté à sa Ravalomanana, en représailles à l’attaque de la station résidence par les forces de sécurité loyales à Marc de radio MBS. Ravalomanana. Emmené tout d’abord à un poste de police, il a ensuite été placé en résidence surveillée pen- Visites d’Amnesty International dant près de cinq mois. Durant toute cette période, il Des délégués d’Amnesty International se sont rendus à n’a fait l’objet d’aucune inculpation et n’a pas été auto- Madagascar du 14 au 28 août.◆ risé à consulter ses avocats. Ceux-ci n’ont pu lui rendre visite que le 7 ou le 8 octobre. Le 21 octobre, il a été Autres documents d’Amnesty International inculpé de diverses infractions, notamment d’« atteinte Madagascar. Une justice sélective (AFR 35/004/02). à la sûreté intérieure de l’État » et de « détournement de deniers publics ». Il a été transféré à la prison d’Antanimora à Antananarivo le même jour.

Procès inéquitables Des centaines de sympathisants présumés de Didier Ratsiraka et de membres des forces de sécurité ont été arrêtés après que l’armée de Marc Ravalomanana eut repris le contrôle des provinces. La plupart d’entre eux ont été inculpés, et leurs infractions présumées allaient de la tentative d’atteinte à la sûreté intérieure de l’État à la participation à l’érection de barrages. Certains étaient considérés comme des prisonniers d’opinion. Dans la plupart des cas, la procédure judiciaire n’a pas respecté les normes internationales en matière d’équité: certains prévenus ont été torturés au moment de leur arrestation et se sont vu refuser le droit de consulter un avocat pendant leur interroga- toire ou de recevoir des soins médicaux appropriés. ✔ Le 14 juin, Venance Raharimanana, éducateur, a été arrêté par des soldats de l’armée de Marc Ravalomanana à Mahajanga et transféré à Antananarivo. Dès son arri- vée il a été battu à coups de crosse au visage et à la tête, 260 MA MALAISIE MALAISIE golfe VIÊT-NAM CAPITALE : Kuala-Lumpur du Siam mer de Chine PHILIPPINES SUPERFICIE : 332 965 km2 THAïLANDE méridionale POPULATION : 23 millions BRUNEÏ CHEF de l’ÉTAT : DARUSSALAM Raja Tuanku Syed Sirajuddin KUALA-LUMPUR mer CHEF du GOUVERNEMENT : MALAISIE de Célèbes Mahathir Mohamad PEINE DE MORT : maintenue SINGAPOUR COUR PÉNALE INTERNATIONALE : INDONÉSIE Statut de Rome non signé

0 500 km

es autorités ont utilisé une série de lois gouvernement », ce qui remettait en question les liber- restrictives, en particulier la Loi relative à la tés universitaires. Lsécurité intérieure qui permet la détention sans Après vingt et un ans au pouvoir, le Premier ministre procès, pour imposer des limitations injustifiées Mahathir Mohamad a annoncé brutalement sa démis- aux droits fondamentaux, et notamment à la sion en août, précisant qu'il quitterait ses fonctions en liberté d'expression et de réunion. Trente-sept octobre 2003. Fadzil Noor, président du Parti Islam personnes soupçonnées de liens avec des se-Malaysia (PAS, Parti islamique panmalaisien), prin- organisations qui auraient projeté des actes de cipal parti d'opposition, est décédé au mois de juin ; il violence ont été arrêtées et incarcérées aux a été remplacé par Abdul Hadi Awang, Premier termes de la Loi relative à la sécurité intérieure ; ministre de l'État de Terengganu. elles risquaient d'être victimes d'actes de torture En juillet l'Assemblée de l'État de Terengganu, et de mauvais traitements. Des personnalités de contrôlée par le PAS, a adopté le Hudud (Code pénal l'opposition ont fait l'objet de poursuites et islamique de la Syariah), qui prévoit, entre autres d'arrestations motivées par des préoccupations peines, la bastonnade, l'amputation et la peine de d'ordre politique. Certaines d'entre elles ont été mort. Toutefois, aux termes de la Constitution malai- maintenues en détention aux termes de la Loi sienne, le droit pénal relevait du pouvoir fédéral et son relative à la sécurité intérieure. La police a entrée en application n’était donc pas certaine. empêché la tenue de manifestations et de Le gouvernement a justifié l'utilisation persistante de rassemblements pacifiques ou les a dispersés ; la Loi relative à la sécurité intérieure en invoquant les l'interdiction des réunions politiques publiques attaques perpétrées en septembre 2001 aux États-Unis (ceramah) a été maintenue. Des informations et l'attentat à l'explosif commis à Bali, en Indonésie, ont fait état de mauvais traitements infligés par au mois d’octobre 2002. les autorités malaisiennes dans des camps de détention, lors d'une campagne d'expulsion Détention sans procès massive d'immigrants en situation irrégulière. La Loi relative à la sécurité intérieure autorisait la déten- À la suite de certaines modifications de la Loi tion sans procès de toute personne constituant, aux yeux relative à l'immigration, plusieurs centaines de des autorités, une menace potentielle pour la sûreté natio- personnes ont été condamnées à la bastonnade. nale ou l'ordre public. Sa formulation ne donnait cepen- Au moins sept condamnations à mort ont été dant aucune définition précise ni aucun critère prononcées et trois personnes, peut-être plus, permettant d’établir quels étaient les individus qui repré- ont été exécutées. sentent une menace. Les personnes interpellées aux termes de cette loi pouvaient être maintenues en déten- Contexte tion pendant soixante jours à des fins d'enquête. Il est Tous les universitaires ainsi que les étudiants, les ensei- arrivé que des détenus soient maltraités, torturés même, gnants et les fonctionnaires ont été obligés de signer et maintenus au secret sans pouvoir rencontrer un avocat, un engagement de loyauté envers « le roi, le pays et le leurs proches ou un médecin indépendant ; certains ont 261 MA été placés à l'isolement. À l'issue de cette période de islamique. Tous ont été remis en liberté sous caution. soixante jours, le ministère de l'Intérieur pouvait émettre Le siège du Parti d'action démocratique a été perquisi- une ordonnance de placement en détention pour une tionné par la police qui a saisi 5 000 exemplaires du période de deux ans, renouvelable indéfiniment. tract litigieux. La Loi relative à la sédition imposait des À la suite de deux décisions de justice déclarant illégale restrictions importantes à la liberté d'expression, notam- la détention qui avait été imposée à plusieurs per- ment sur des questions politiques sensibles. sonnes aux termes de la Loi relative à la sécurité inté- ✔ Gopala Krishnan, membre éminent du PKN, a été rieure, le gouvernement a proposé des modifications arrêté, en octobre, en vertu de cette loi pour avoir, restreignant encore davantage les contrôles judiciaires. semble-t-il, dénoncé le traitement infligé aux per- Trente-sept personnes, accusées de liens avec le sonnes d’origine indienne placées en garde à vue. Kumpulan Mujahidin Malaysia (KMM, Groupe des L'interpellation de cet homme faisait suite à une moudjahidin malaisiens) ou la Jemaah Islamiyah (JI, médiatisation accrue des cas de mort en garde à vue, Communauté islamique), ont été arrêtées en vertu de dont 19 ont été recensés au cours de l'année. Gopala la Loi relative à la sécurité intérieure, ce qui a porté le Krishnan a été remis en liberté sous caution. nombre total de détenus à au moins 71. Les autorités ✔ En juillet, l'ancien vice-Premier ministre Anwar ont affirmé que ces deux groupes projetaient de recou- Ibrahim a été débouté de son appel contre la peine de six rir à des moyens violents pour instaurer un État panis- ans d'emprisonnement à laquelle il avait été condamné lamique en Asie du Sud-Est. Aucun élément de preuve pour corruption en 2000, à l'issue d'un procès inéqui- étayant ces allégations n'a été rendu public et aucun table. Fin 2001, ce prisonnier d'opinion attendait tou- des détenus n'a été traduit devant un tribunal. jours l’issue de son appel contre une autre condamnation, ✔ Nasharuddin Nasir, arrêté en avril pour son apparte- prononcée pour sodomie ; la peine imposée dans cette nance présumée au KMM, a fait l'objet d'une ordon- affaire était de neuf ans d'emprisonnement. nance de placement en détention pour une durée de ✔ Mohamad Ezam Mohamad Nor, dirigeant de l'or- deux ans. Une haute cour a conclu, en novembre, que ganisation de jeunesse du PKN, a été condamné au la détention de cet homme était illégale et a ordonné sa mois d’août à deux années d'emprisonnement en vertu remise en liberté. Nasharuddin Nasir a été réarrêté dès de la Loi relative aux secrets d'État pour avoir lu à voix sa sortie de prison et a fait l'objet d'une nouvelle ordon- haute, lors d'une conférence de presse en 1999, des nance de placement en détention pour deux ans. documents sur une enquête menée par l'Agence de lutte contre la corruption et visant des ministres. La Militants de l'opposition Loi relative aux secrets d'État imposait des restrictions Les militants de l'opposition continuaient d'être la importantes au droit à la liberté d'expression. cible d'arrestations, de poursuites et d'incarcérations pour des motifs politiques. Immigrants en situation irrégulière et réfugiés ✔ Six militants réformistes, dont certains étaient La Loi relative à l'immigration a été modifiée de membres du Parti Keadilan Nasional (PKN, Parti de la manière à prévoir, impérativement, des peines pou- justice nationale), ont été maintenus en détention en vant aller jusqu'à six coups de bâton et cinq ans d'em- vertu de la Loi relative à la sécurité intérieure. Arrêtés prisonnement pour les étrangers qui séjournent en en avril 2001, ils avaient été accusés d'avoir projeté de Malaisie sans être en possession des documents néces- renverser le régime par des moyens « militants ». saires. La bastonnade ne s'appliquait auparavant qu'en Aucune preuve à l'appui de cette accusation n'a toute- cas de récidive. Le nouveau texte prévoyait désormais fois été rendue publique. Toutes ces personnes étaient en outre, pour les personnes hébergeant cinq étrangers des prisonniers d'opinion. La Cour fédérale a conclu, ou plus en situation irrégulière, une peine statutaire de le 6 septembre, que la détention initiale de certains de bastonnade. Plusieurs centaines de personnes avaient ces militants durant soixante jours était illégale. Elle été condamnées à cette peine à la fin de l'année. n'a toutefois pas ordonné leur remise en liberté, car Une amnistie en vigueur du mois de mars à la fin son arrêt ne concernait que les soixante jours de garde juillet a permis aux étrangers sans papiers de quitter le à vue et non pas l'ordonnance de placement en déten- pays sans être arrêtés. Elle a été prolongée de quinze tion pour deux ans émise par le ministère de jours afin que les personnes qui souhaitaient bénéficier l'Intérieur. Aux termes de la Loi relative à la sécurité de l'amnistie mais n'avaient pas réussi à trouver un intérieure, les ordonnances du ministère de l'Intérieur moyen de transport puissent quitter le pays. ne pouvaient être contestées devant les tribunaux, hor- Des dizaines de milliers de personnes, originaires pour mis sur des points de procédure. En décembre, le la plupart des Philippines et d'Indonésie, ont été déte- comité d’examen de cette loi a annoncé qu’il recom- nues dans des camps en attendant leur expulsion. mandait la remise en liberté des militants, mais cela L'hygiène était déplorable et les détenus étaient mal- n’a été suivi d’aucune action concrète. traités et privés de soins médicaux. Plusieurs dizaines ✔ Plusieurs membres du mouvement d’opposition de personnes, dont des enfants, seraient mortes de Parti d'action démocratique ont été arrêtés entre juin et déshydratation et de maladie dans les camps de l'État août, en vertu de la Loi relative à la sédition, pour avoir de Sabah. Des réfugiés et des demandeurs d'asile ont distribué des tracts critiquant une déclaration du également été arrêtés et détenus dans des camps pen- Premier ministre selon laquelle la Malaisie était un État dant cette opération d'expulsion. 262 MA ✔ Une adolescente de treize ans aurait été violée par La Suhakam a mené au cours de l’année une enquête trois policiers dans un centre de détention de l'État de sur les conditions de vie dans le camp de Kamunting où Sabah. On avait d'abord pensé que cette jeune fille qui étaient détenues des personnes incarcérées en vertu de la a été expulsée en août était originaire des Philippines, Loi relative à la sécurité intérieure. Elle a organisé en mais les investigations menées par la suite ont révélé août un séminaire sur la liberté d'expression et notam- qu'elle était de nationalité malaisienne. La police a ment sur les lois relatives à la presse et aux publications, ouvert une enquête, mais personne n'avait été arrêté à aux secrets d'État, à la sécurité intérieure et à la sédition. la fin de l'année. Le gouvernement s'est engagé à construire quatre nou- velles prisons à la suite d'un rapport de la Suhakam Commission malaisienne des droits humains dénonçant la surpopulation carcérale et l'absence d'ins- Deux ans après son instauration, la Suruhanjaya Hak tallations séparées pour les mineurs. La Suhakam a criti- Asasi Manusia (Suhakam, Commission malaisienne qué l'interdiction des réunions politiques et des droits humains) suscitait des critiques croissantes recommandé que les organisateurs soient simplement de la part des groupes de défense des droits humains. tenus d'informer la police de la tenue de ces rassemble- Une coalition de 32 organisations non gouvernemen- ments et non pas de solliciter une autorisation. tales malaisiennes a mené pendant cent jours une cam- pagne de désengagement pour protester contre Visites d'Amnesty International l'inefficacité de la Suhakam et l’inaction du gouverne- Un délégué d'Amnesty International s'est rendu en ment face à ses recommandations. Malaisie au mois d'août.◆ MALAWI RÉPUBLIQUE DU MALAWI CAPITALE : Lilongwé TANZANIE SUPERFICIE: 118 484 km2 POPULATION: 11,8 millions CHEF de l’ÉTAT et du GOUVERNEMENT: Mzuzu Bakili Muluzi ZAMBIE lac PEINE DE MORT: maintenue Malawi COUR PÉNALE INTERNATIONALE: MOZAMBIQUE Statut de Rome ratifié LILONGWÉ

es tensions politiques se sont accrues avant les élections législatives prévues pour 2004. MALAWI LAucune enquête policière n’a été ouverte à la suite des différents cas de violences politiques Blantyre commises contre l’opposition par des sympathisants du parti au pouvoir, le United Democratic Front (UDF, Front démocratique uni). L’État a multiplié les atteintes aux libertés d’expression et de réunion. Une vingtaine ZIMBABWE 0 300 km de personnes ont été condamnées à mort. Aucune exécution n’a eu lieu depuis 1992. des bailleurs de fonds occidentaux. L’article 83-3 de la Contexte Constitution du Malawi, adoptée en 1994 après l’ins- Le gouvernement a poursuivi ses efforts en vue de tauration dans le pays d’une démocratie pluraliste, réviser la Constitution et de permettre ainsi au prési- n’autorisait le président à briguer que deux mandats. dent Muluzi de briguer un troisième mandat, suscitant À la suite du rejet, en juillet, d’une proposition de loi des critiques de plus en plus vives de la part des Églises présentée par quelques députés en vue de modifier cet locales, des groupes de défense des droits humains et article, le ministre de la Justice a élaboré un nouveau 263 MA projet de loi prévoyant la possibilité de se présenter mécontentement quant à la modification de la pour un troisième mandat. Ce projet de loi devait être Constitution permettant un troisième mandat. Il a été soumis au Parlement en janvier 2003. inculpé dans un premier temps de « comportement sus- ceptible de porter atteinte à la paix ». Toutefois, après Maintien de l’ordre que la Haute Cour eut annulé l’interdiction de mani- La police a, cette année encore, commis d’innom- fester imposée par le président Muluzi, Danga brables abus de pouvoir. Les suspects étaient couram- Mughogho a été inculpé d’« utilisation abusive du ment torturés et la police a souvent eu recours à une klaxon », une infraction moins grave qui tombait sous force excessive lors de manifestations publiques. le coup de la Loi relative à la circulation routière. Plusieurs personnes sont mortes en garde à vue. La détention de suspects de droit commun sans inculpa- Pénurie de nourriture tion ni jugement et le refus de laisser les détenus Fin 2002, des inondations ont provoqué de graves s’entretenir avec un avocat ont également constitué pénuries de nourriture, menaçant quelque 3,3 millions des pratiques usuelles. Cette année encore environ les de Malawiens de disette, voire de famine. Cette pénu- deux tiers des prisonniers, dont des mineurs, étaient rie aurait été aggravée par la vente, fin 2001, de prati- incarcérés pour de longues périodes sans inculpation quement toutes les réserves de céréales du Malawi. En ni jugement, souvent dans des conditions éprouvantes. décidant de vendre les réserves, le gouvernement aurait En outre, les viols et autres violences sexuelles commis suivi les conseils donnés par des agences donatrices par des détenus adultes sur des détenus mineurs ont dépendant du Fonds monétaire international (FMI), été, semble-t-il, très fréquents. alors que différents indicateurs laissaient déjà prévoir ✔ Michael Chauluka est mort en garde à vue en avril. une aggravation de la pénurie de nourriture.◆ Soupçonné de cambriolage, il aurait été battu à mort par des policiers lors de son interrogatoire. En août, le Autres documents d’Amnesty International procureur général a dégagé la police de toute responsa- Maintien de l’ordre et protection des droits humains. bilité après qu’une autopsie eut été pratiquée par des Bilan des pratiques policières dans la Communauté de services gouvernementaux. Toutefois, une enquête développement de l’Afrique australe (1997-2002) menée par la Commission des droits humains du (AFR 03/004/02). Malawi a fait apparaître que les blessures de Michael Chauluka avaient été causées par les coups des poli- ciers. Par la suite, le coroner (officier judiciaire chargé de faire une enquête en cas de mort violente, subite ou suspecte) a été chargé d’ouvrir une enquête.

Liberté d’expression et de réunion Parallèlement aux efforts déployés par l’État en vue de permettre au président de se présenter une troisième fois devant les électeurs, la répression s’est intensifiée. Les manœuvres de harcèlement et d’intimidation se sont multipliées envers les journalistes ayant écrit des articles jugés critiques à l’égard du gouvernement. Face aux protestations persistantes de la population, le président Muluzi a pris en mai une directive interdi- sant toute manifestation publique pour ou contre un troisième mandat. Cette directive a par la suite été annulée par la Haute Cour, qui l’a jugée contraire à la Constitution et de nature à restreindre la liberté de réunion et d’association. Malgré cet arrêt de la Haute Cour, la police anti-émeutes a, au mois de novembre, utilisé des grenades lacrymogènes contre des manifes- tants hostiles au troisième mandat. Dans le cadre de la campagne menée par l’État pour supprimer toute contestation, des députés et des sympathisants de l’opposition auraient été victimes d’actes d’intimida- tion et de harcèlement de la part de partisans de l’UDF. ✔ Danga Mughogho, président régional du Malawi Forum for Unity and Development (Mafunde, Forum du Malawi pour l’unité et le développement) a été arrêté au mois de septembre. Il était accusé d’avoir organisé une manifestation en invitant les automobi- listes à faire usage de leur klaxon afin d’exprimer leur 264 MA MALDIVES RÉPUBLIQUE DES MALDIVES INDE CAPITALE : Malé SUPERFICIE: 298 km2 POPULATION: 0,31 million CHEF de l’ÉTAT MALDIVES et du GOUVERNEMENT: Maumoon Abdul Gayoom PEINE DE MORT: abolie en pratique COUR PÉNALE INTERNATIONALE: MALÉ Statut de Rome non signé océan Indien e gouvernement a continué d’imposer de graves restrictions à la liberté Ld’expression. Les détracteurs du régime étaient toujours détenus ou condamnés à des peines d’emprisonnement, à l’issue procès iniques ; ils étaient considérés comme 0 200 km des prisonniers d’opinion. Contexte Les partis politiques n’étaient pas autorisés et, à la fin articles critiques à l’égard du gouvernement. Les de l’année, le Parti démocratique maldivien, une for- quatre personnes ont été placées à l’isolement et pri- mation politique indépendante, n’était toujours pas vées de droit de visite pendant environ cinq mois. reconnu par les autorités. Le 7 juillet, Mohamed Zaki, Ibrahim Luthfee et Ahmad Didi ont été condamnés à la détention à per- Prisonniers d’opinion pétuité pour avoir « injurié » le président, incité à ren- Au moins sept prisonniers d’opinion ou personnes qui verser le gouvernement, semé la haine dans les esprits pourraient être des prisonniers d’opinion ont été déte- à l'égard du gouvernement, propagé de fausses infor- nus en 2002. Certains ont été condamnés à des peines mations et diffusé Sandhaanu par courrier électro- d’emprisonnement. Ils n’ont pas été autorisés à bénéfi- nique. Fathimath Nisreen a été condamnée à dix ans cier de l’assistance d’un avocat avant ou pendant leur de détention pour avoir écrit de « fausses informations » procès. Amnesty International a demandé au gouver- dans Sandhaanu, critiqué la politique des autorités, nement de fournir des informations sur la détention incité à renverser le gouvernement et aidé les créateurs de prisonniers politiques et de réformer son système de Sandhaanu. Les quatre personnes étaient détenues juridique afin de garantir les droits fondamentaux. dans l’île prison de Mafushi où, selon les informations ✔ Mohamed Nasheed a été « exclu » du Parlement en recueillies, la nourriture est malsaine et l’accès aux mars après le rejet de l’appel contre sa condamnation, en soins très limité, et où les prisonniers sont parfois novembre 2001, pour le vol de quelques cahiers d’écolier menottés pendant plusieurs jours. lors d’une vente aux enchères ; il semble que le véritable ✔ Naushad Waheed, artiste et homme d’affaires main- motif de sa condamnation ait obéi à des considérations tenu en détention ou en résidence surveillée depuis le politiques. Dans un premier temps, Mohamed Nasheed 9 décembre 2001, a été condamné, le 14 octobre, à a été relégué dans une île éloignée, puis il a été placé en quinze ans de détention par un tribunal de Malé, appa- résidence surveillée à Malé. Il a été libéré le 29 août, mais remment en raison de sa participation à des débats n’a pas été autorisé à retrouver son siège au Parlement. publics considérés comme critiques à l’égard du gou- ✔ Quatre prisonniers d’opinion, Mohamed Zaki, vernement. Il pourrait être un prisonnier d'opinion. Ibrahim Moosa Luthfee, Ahmed Ibrahim Didi et Son lieu de détention n’était pas connu. Fathimath Nisreen, ont été arrêtés entre le 30 janvier ✔ Ibrahim Fareed, un universitaire spécialiste de la et le 1er février par la Sécurité nationale. Ils étaient charia (droit musulman), a été arrêté le 8 juin à Malé accusés d’avoir écrit pour Sandhaanu, un bulletin dif- par des membres de la Sécurité nationale qui l’accu- fusé sans autorisation sur Internet et contenant des saient, d’après les informations recueillies, d’incitation 265 MA à la désobéissance civile. Il pourrait s’agir d’un prison- Flagellation nier d’opinion. À la fin de l’année, on pensait qu’il Un homme et une femme reconnus coupables d’adul- était détenu dans l’île prison de Guraidhu ou dans tère ont été condamnés à 15 coups de fouet chacun. celle de Dhoonidhoo. La peine a été exécutée en public le 9 octobre.◆ MAROC ET SAHARA OCCIDENTAL ROYAUME DU MAROC CAPITALE : Rabat océan RABAT 2 Atlantique SUPERFICIE : 710 850 km Casablanca POPULATION : 31 millions Madère CHEF de l’ÉTAT : (PORTUGAL) Marrakech Mohammed VI CHEF du GOUVERNEMENT : Abderrahmane Youssoufi, remplacé par Driss Jettou le 9 octobre PEINE DE MORT : maintenue îles Canaries (ESPAGNE) COUR PÉNALE MAROC INTERNATIONALE : ALGÉRIE Statut de Rome signé Laayoune ET SAHARA OCCIDENTAL ans le dossier des « disparus » et des personnes ayant fait Dl'objet de détention arbitraire, le processus d'indemnisation des victimes et ayants droit, qui a débuté en 1999, s'est poursuivi. Toutefois, les autorités n'ont MALI toujours pas fourni MAURITANIE d'éclaircissement sur le sort de plusieurs centaines de personnes, 0 400 km sahraouies pour la plupart, ayant « disparu » entre les années 60 et le début des années 90. Des Sahraouis membres Contexte de la société civile et défenseurs des droits Après les élections législatives de septembre, un nou- humains ont été arrêtés, placés en détention veau gouvernement dirigé par le Premier ministre puis emprisonnés. Plusieurs dizaines Driss Jettou, ancien ministre de l'Intérieur, est entré de manifestants poursuivis pour trouble en fonction en novembre. Le roi Mohammed VI à l'ordre public au Sahara occidental auraient conservait le pouvoir de désigner les principaux été torturés ou maltraités, de même que ministres, notamment ceux de la Justice et de de très nombreux islamistes maintenus l'Intérieur ainsi que le Premier ministre. en détention secrète et accusés d'actes Le roi a nommé, en décembre, les nouveaux dirigeants de violence. Plus de 30 prisonniers politiques du Conseil consultatif des droits de l'homme (CCDH), condamnés au cours des années précédentes organisme officiel de défense des droits fondamentaux. au terme de procès inéquitables restaient Le mandat de la Mission des Nations unies pour l'organi- incarcérés. Le fait que les responsables sation d'un référendum au Sahara occidental (MINURSO) présumés de violations des droits humains a de nouveau été prorogé, aucun progrès n'ayant été n'étaient toujours pas traduits en justice accompli dans le processus qui doit mener à la tenue d’un demeurait un motif de préoccupation majeur. référendum sur la souveraineté de cette région. 266 MA Les organisations marocaines de défense des droits avaient enlevé, placé en détention secrète et torturé humains et les associations féminines ont poursuivi plusieurs milliers de personnes, dont Mehdi Ben leurs campagnes sur plusieurs questions. Elles ont Barka. À la suite de ces accusations, les autorités maro- notamment réclamé des éclaircissements sur toutes les caines l'ont empêché à plusieurs reprises de compa- « disparitions » non élucidées ainsi que la révision de la raître à titre de témoin dans le cadre de l'information Moudawana (Code de statut personnel), discrimina- judiciaire française, en refusant de renouveler son toire à l'égard des femmes. passeport. L'appel interjeté par Ahmed Boukhari contre cette décision était en instance à la fin de l'an- Impunité née. Ce dernier faisait par ailleurs l'objet de plusieurs Le processus d'indemnisation des victimes et ayants poursuites en diffamation. Parmi les plaignants figu- droit s'est poursuivi dans le dossier des « disparus » et raient trois de ses anciens collègues, offensés d'avoir été des personnes ayant fait l'objet de détention arbitraire. décrits comme des agents de l’État impliqués dans des Les familles des « disparus » et les anciens « disparus » violations graves et systématiques des droits humains ont continué d'insister sur le fait que l'indemnisation ne commises durant plusieurs années. Ces affaires étaient représentait qu'un aspect du processus de réparation. également en instance à la fin de l'année. Bien que les autorités aient pris l'engagement de se pen- cher sur toutes les violations – passées et présentes – des Militants sahraouis droits humains, aucune nouvelle initiative n'a été prise Plusieurs dizaines de Sahraouis membres de la société pour remédier aux graves atteintes commises entre le civile et défenseurs des droits humains, surtout ceux milieu des années 60 et le début des années 90, plus qui étaient perçus comme des partisans de l'indépen- particulièrement à la « disparition » de plusieurs cen- dance du Sahara occidental, ont fait l'objet de mesures taines de personnes, dont une majorité de Sahraouis. de harcèlement et de manœuvres d'intimidation. ✔ Hamudi ould Mohamed-Lahbib ould Baba Biri se Nombre d'entre eux faisaient partie de la section sah- trouvait parmi les dizaines de Sahraouis arrêtés le raouie du Forum pour la vérité et la justice, une orga- 10 juillet 1976 par les forces de sécurité marocaines à nisation de défense des droits humains. Certaines de Erbeib, non loin de Smara, ville du Sahara occidental. ces personnes ont été arrêtées, placées en détention et Son épouse, Safiya L'mbarek, avait été interpellée cinq jugées pour des infractions qui avaient visiblement un jours plus tard. Selon ses dires, après l’avoir torturée, caractère politique. D'autres ont été interpellées puis les forces de sécurité l'ont emmenée par deux fois voir relâchées après avoir été interrogées sur leur soutien son mari, qui avait également subi des tortures d’après présumé au Frente Popular para la Liberación de elle. Par la suite, elle ne l'a plus revu et n’a eu aucune Saguia el Hamra y Río de Oro (Front populaire pour la nouvelle de lui, bien qu'elle ait demandé à maintes libération de la Saguia el Hamra et du Rio de Oro, reprises aux autorités marocaines des renseignements connu sous le nom de Front Polisario), mouvement sur le lieu où il se trouvait. Plus de vingt-six ans après, indépendantiste basé en Algérie. Plusieurs de ces mili- le sort de Hamudi ould Mohamed-Lahbib ould Baba tants se seraient vu refuser un passeport. Biri n'était toujours pas élucidé et aucune enquête ✔ Le 24 octobre, Ali-Salem Tamek, prisonnier d'opi- approfondie, indépendante et impartiale n'avait été nion et militant influent de la section sahraouie du ouverte sur cette « disparition ». Forum pour la vérité et la justice, a été condamné en À la fin de l'année, les autorités n'avaient toujours pas appel à deux ans d'emprisonnement et à une amende reconnu la mort de très nombreux « disparus » ; les de 10 000 dirhams marocains (environ 900 euros) familles ne pouvaient récupérer les dépouilles pour les pour « atteinte à la sûreté intérieure de l'État ». Cette inhumer ni être informées du lieu où celles-ci se trou- condamnation reposait sur deux éléments : d’une part vaient. Parmi les victimes figuraient environ la conviction proclamée d’Ali–Salem Tamek que le 70 Sahraouis ayant « disparu » dans les centres de Sahara occidental devrait être un État indépendant ; détention secrets d'Agdz, de Kalaat M'Gouna et de d’autre part les déclarations, apparemment arrachées Laayoune entre 1976 et 1991. Aucune enquête ne sous la torture, de trois anciens prisonniers d’opinion semblait avoir été ouverte pour établir les responsabili- sahraouis interrogés par les forces de sécurité maro- tés dans ces violations graves et systématiques des caines en 1999. Ceux-ci avaient affirmé qu'Ali-Salem droits humains ayant eu lieu dans le passé. Les cou- Tamek recevait des fonds du Front Polisario. Les allé- pables présumés, notamment ceux qui se seraient gations de torture formulées par ces trois anciens pri- livrés à de tels agissements pendant de longues sonniers n'ont jamais fait l'objet d'une enquête. périodes, n'avaient pas été traduits en justice. ✔ Le 16 décembre, les autorités marocaines ont Torture et mauvais traitements annoncé qu'un magistrat marocain allait être chargé Selon certaines sources, des tortures ou d’autres mau- de recueillir le témoignage d'Ahmed Boukhari dans le vais traitements ont été infligés à de très nombreuses cadre de l'information judiciaire ouverte en France sur personnes en garde à vue pour les faire « avouer » ou la « disparition » de Mehdi Ben Barka, figure de proue les contraindre à signer des déclarations qu’elles de l'opposition marocaine enlevé à Paris en 1965. niaient. Une bonne partie des informations recueillies Ahmed Boukhari, agent des services de sécurité à la par Amnesty International concernaient de très nom- retraite, avait affirmé que les services secrets marocains breux islamistes maintenus en détention secrète et 267 MA accusés d'avoir commis ou préparé des actes de vio- novembre 2001, à quatre mois d'emprisonnement et à lence, ainsi que des dizaines de manifestants poursuivis une amende pour « diffusion de fausses informations » à pour trouble à l'ordre public au Sahara occidental. la suite de la parution d'un article sur la vente possible ✔ Le procès de trois Saoudiens et de sept Marocains d'un palais royal à des investisseurs étrangers. En (dont les épouses de deux des Saoudiens) arrêtés aux décembre 2002, le procès a été ajourné jusqu'en mois de mai et juin s'est ouvert le 28 octobre. Ils octobre 2003. Ali Lmrabet a été maintenu en liberté étaient accusés de différentes infractions liées à la pré- en attendant qu'il soit statué sur son appel. S'il était paration présumée d’attentats contre des navires de incarcéré, Amnesty International le considérerait guerre de l'Organisation du traité de l’Atlantique comme un prisonnier d'opinion. Nord (OTAN) dans le détroit de Gibraltar, ainsi que contre des cafés et des autobus à Marrakech. Certaines Camps du Front Polisario charges leur faisaient encourir la peine capitale. La liberté d'expression, d'association et de mouvement Plusieurs des accusés auraient été maintenus en déten- demeurait restreinte dans les camps contrôlés par le tion secrète jusqu'à un mois durant. Les avocats des Front Polisario près de Tindouf, dans le sud-ouest trois Saoudiens ont affirmé que les autorités avaient algérien. Les auteurs d'atteintes aux droits humains tenté de dissimuler cette grave irrégularité de procé- commises dans ces camps continuaient de jouir de dure en inscrivant comme date d'arrestation, dans les l'impunité. Les responsables présumés qui s'y trou- registres, le 12 juin au lieu des 12 et 13 mai. vaient n'avaient toujours pas été remis par le Polisario Dans le cadre de cette affaire, nombre des accusés ont aux autorités algériennes pour être déférés à la justice. affirmé que les personnes qui les interrogeaient pen- Quant aux autorités marocaines, elles n'avaient pas dant leur détention secrète les avaient torturés et mal- traduit en justice les personnes présentes sur leur terri- traités pour les contraindre à signer des « aveux » dont toire et soupçonnées d’atteintes aux droits humains ils rejetaient le contenu. Les méthodes de torture signa- dans les camps du Polisario. lées consistaient par exemple à les suspendre, à les frap- Au mois de janvier, le Front Polisario a annoncé la per ou à les menacer de viol. Les accusés ont en outre libération de 115 prisonniers de guerre détenus dans affirmé qu'on les avait menacés de nouvelles tortures ses camps, parfois depuis plus de vingt ans. Des cen- juste avant leur comparution devant le juge d'instruc- taines d'autres étaient maintenus en détention bien tion afin de les obliger à répéter leurs « aveux ». que les hostilités opposant le Front Polisario aux auto- ✔ Le 25 avril, 14 hommes ont été condamnés à des rités marocaines aient pris fin en 1991, à la suite d'un peines comprises entre six mois et deux ans d'empri- cessez-le-feu conclu sous l'égide des Nations unies. sonnement pour avoir participé à une manifestation organisée à Smara le 18 novembre 2001, qui avait été Visites d'Amnesty International violemment dispersée par les forces de sécurité. Des Aux mois de juin et de juillet, des délégués d'Amnesty tortures, notamment des coups de matraque et de International ont rencontré des dizaines de proches de fouet, auraient été infligées à ces détenus afin qu’ils « disparus » et d'anciens « disparus » à Rabat, fassent des « aveux ». Bien qu'ils aient dénoncé ces Casablanca, Laayoune et Smara.◆ agissements à l'audience, aucune enquête n'a été ordonnée et leurs « aveux » ont été retenus comme principal élément de preuve pour motiver leur condamnation. Les avocats des accusés ont affirmé que certains d’entre eux présentaient des traces visibles de torture lorsqu’ils ont été présentés au procureur et au juge d'instruction.

Journalistes Comme les années précédentes, des journalistes ont été condamnés à des peines d'emprisonnement pour avoir rédigé des articles sur des sujets sensibles. ✔ Le 14 février, la cour d'appel de Casablanca a assorti du sursis les peines de trois et deux mois d'emprisonne- ment qui avaient été prononcées en mars 2001 respec- tivement contre Aboubakr Jamaï et Ali Amar, deux journalistes travaillant pour Le Journal hebdomadaire. Ils étaient poursuivis pour une série d'articles accusant le ministre des Affaires étrangères, Mohamed Benaïssa, d'avoir détourné des fonds publics lorsqu'il était ambassadeur du Maroc aux États-Unis. ✔ Plusieurs audiences ont eu lieu dans le procès en appel d'Ali Lmrabet, rédacteur en chef de l'hebdomadaire marocain Demain magazine. Il avait été condamné, en 268 MA MAURICE RÉPUBLIQUE DE MAURICE CAPITALE : Port-Louis SUPERFICIE : 2 040 km2 POPULATION : 1,2 million CHEF de l’ÉTAT : Cassam Uteem, remplacé par Karl Auguste Offmann le 25 février CHEF du GOUVERNEMENT : Anerood Jugnauth PEINE DE MORT : abolie COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome ratifié

e président Cassam Uteem a démissionné de accusait de l’avoir passé à tabac à Roche-Bois et dans le ses fonctions en février pour protester contre poste de police d’Abercrombie, non loin de là. Le CIB Lles projets de loi « antiterroristes » déposés par le a ouvert une enquête, et le plaignant a identifié trois gouvernement. Au moins trois personnes ont suspects parmi les policiers. À la fin de l’année cepen- accusé des policiers de les avoir maltraitées lors dant, aucune autre information n’avait été rendue de leur arrestation. La police a harcelé deux publique. militants des droits humains. Militants des droits humains Législation « antiterroriste » La police a harcelé deux personnes en raison de leurs Des partis d’opposition, des groupes issus de la société activités en faveur des droits humains. civile et Amnesty International ont exprimé leur Deux membres du Parti Lalit, une organisation non inquiétude concernant les dispositions de la législation gouvernementale de défense des droits humains, ont « antiterroriste » proposée par le gouvernement, non été arrêtés en mars par des policiers alors qu’ils conformes aux normes internationales relatives aux recueillaient des informations sur des brutalités poli- droits humains. Si elles étaient adoptées, ces lois auto- cières. Les charges retenues contre eux ont été aban- riseraient la police à détenir au secret pendant trente- données par la suite.◆ six heures les personnes soupçonnées d’activités « terroristes » ; le gouvernement pourrait en outre extra- Autres documents d’Amnesty International der ces personnes, leur refuser l’asile et les renvoyer Maurice. La législation antiterroriste ne doit pas remettre dans des pays où leurs droits humains risqueraient en cause les droits fondamentaux de la personne d’être bafoués. (AFR 39/001/02). Maintien de l’ordre et protection des droits humains. Torture et mauvais traitements Bilan des pratiques policières dans la Communauté de Au moins trois personnes ont accusé des policiers de développement de l’Afrique australe (1997-2002) les avoir maltraitées ou torturées. Elles se sont plaintes (AFR 03/004/02). soit auprès du Complaints Investigation Bureau (CIB, Bureau d’enquête chargé des plaintes), une unité des services de police, soit auprès de la Commission natio- nale des droits humains, mais en dépit des enquêtes menées sur ces affaires et sur d’autres survenues anté- rieurement (notamment des cas de mort suspecte en garde à vue), aucun policier n’a été déféré à la justice. ✔ Le 22 avril, Kevin Besage, âgé de dix-sept ans, a porté plainte contre des membres de la Special Supporting Unit (SSU, Unité spéciale de soutien) qu’il 269 MA MAURITANIE RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE îles Canaries DE MAURITANIE (ESPAGNE) MAROC ALGÉRIE CAPITALE : Nouakchott ET SAHARA SUPERFICIE : 1 030 700 km2 océan OCCIDENTAL Atlantique POPULATION : 2,8 millions CHEF de l’ÉTAT : Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya CHEF du GOUVERNEMENT : Cheikh el Avia Ould Mohamed Nouâdhibou MALI Khouna PEINE DE MORT : maintenue MAURITANIE

COUR PÉNALE NOUAKCHOTT INTERNATIONALE : Statut de Rome non signé T SÉNÉGAL 0 500 km

rois prisonniers d’opinion sont demeurés La Mauritanie et les États-Unis ont continué de ren- incarcérés. D’autres personnes détenues forcer leurs liens. En septembre, le gouvernement pendantT de courtes périodes cette année, mauritanien a signé un accord avec les États-Unis aux dont un militant des droits humains, étaient termes duquel il s’engageait à ne pas remettre les res- considérées comme des prisonniers sortissants américains accusés de génocide, de crimes d’opinion. Plusieurs personnes ont été arrêtées, contre l’humanité ou de crimes de guerre à la Cour apparemment de façon arbitraire, en raison pénale internationale. L’accord n’avait pas été ratifié de leurs liens présumés avec un groupe par le Parlement à la fin de l’année. La famine mena- politique armé. L’une d’entre elles au moins çait plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, dont la aurait été torturée. Des suspects ont été détenus Mauritanie. Selon certaines informations, le nombre au secret, notamment lorsqu’ils étaient de personnes dans le pays nécessitant une aide alimen- impliqués dans des affaires politiquement taire d’urgence dépassait les 400 000 en décembre. Les sensibles. Un grand nombre de protestataires récoltes de l’année 2002 ont été considérablement ont été brutalisés par la police lors de la moins importantes que les années précédentes, ce qui dispersion de manifestations. Le gouvernement a entraîné une hausse des prix spectaculaire. a continué de nier l’existence de l’esclavage. De nouvelles atteintes à la liberté d’expression Esclavage ont été signalées. Des organisations de défense En novembre, vingt et un an après que l’esclavage eut des droits humains n’étaient toujours pas été officiellement aboli pour la troisième fois en reconnues officiellement. Des menaces Mauritanie, Amnesty International a publié un rapport pesaient sur l’indépendance du système sur l’esclavage, les pratiques esclavagistes ainsi que les judiciaire. Un homme a été condamné atteintes aux droits humains et actes discriminatoires à mort, mais aucune exécution n’a eu lieu. connexes dans le pays ; il examinait aussi l’action des autorités mauritaniennes en vue d’y mettre fin. Dans Contexte une réponse adressée à la secrétaire générale d’Amnesty En janvier, le parti politique Action pour le change- International, un diplomate représentant le gouverne- ment, qui avait dénoncé avec vigueur la discrimina- ment s’est refusé à reconnaître la persistance de l’escla- tion, a été interdit pour incitation à la violence, au vage, tout en admettant que la discrimination sociale racisme et à l’intolérance. Une nouvelle formation a constituait toujours un problème. alors vu le jour, la Convention pour le changement, À la suite de la publication du rapport de l’organisa- mais les autorités ont refusé de la reconnaître, arguant tion, des militants mauritaniens des droits humains qui qu’elle n’était que la copie conforme du parti dissous. avaient fait activement campagne contre l’esclavage ont 270 MA été stigmatisés par la presse. Le rapport avait été rendu Menaces sur l’indépendance du système judiciaire public lors d’une conférence de presse organisée à En juin, les autorités auraient tenté de s’immiscer dans Dakar, au Sénégal, par Amnesty International et les l’élection du bâtonnier de l’Ordre des avocats dans le militants en question. but, semble-t-il, de voir élire une personne favorable au gouvernement. Plusieurs vices de procédure graves Mauvais traitements et recours excessif à la force ont été constatés. Bien que le bâtonnier sortant ait été En avril, un grand nombre de manifestants, parmi les- réélu à la majorité absolue des suffrages, un nouveau quels figuraient beaucoup d’étudiants, ont été frappés tour de scrutin a été organisé, qui s’est soldé par la par la police et ont subi d’autres formes de brutalités désignation d’un nouveau bâtonnier proche du gou- alors qu’ils défilaient contre l’intervention militaire vernement. Dans les faits, deux Ordres des avocats israélienne dans les Territoires occupés. Plusieurs per- fonctionnaient à la fin de l’année. sonnes ont dû être hospitalisées d’urgence, et un homme est resté dans le coma pendant plusieurs jours Organisations intergouvernementales après avoir été grièvement blessé à la tête. À la En juin, lors d’une conférence de l’Organisation inter- connaissance d’Amnesty International, aucune nationale du travail (OIT), la Commission de l’applica- enquête n’a été menée. tion des normes et le Comité d’experts ont relevé avec préoccupation que les organisations de travailleurs Prisonniers d’opinion continuaient de dénoncer l’existence de pratiques de Trois prisonniers d’opinion membres du Front popu- travail forcé, l’absence de sanctions à l’égard des res- laire mauritanien (FPM), un parti d’opposition, sont ponsables et l’ambiguïté des dispositions juridiques en demeurés incarcérés toute l’année. Ils étaient détenus matière de réquisition de main-d'œuvre. Le Comité a dans des conditions très pénibles à la prison d’Aïoun, à pris note du fait que le gouvernement avait donné son 800 kilomètres environ de Nouakchott, la ville où ils accord pour que le Bureau international du travail résidaient. Ils avaient été condamnés en 2001 pour envoie dans le pays une mission d’assistance technique sabotage et « terrorisme ». À la fin de l’année 2002, les afin d’examiner les modalités d’une étude sur le travail droits de visite de l’un de ces prisonniers d’opinion, forcé et le travail des enfants.◆ Mohammed Lemine Chbih Ould Cheikh Melaïnine, le responsable du FPM, ont été sévèrement restreints. Autres documents d’Amnesty International Obligés de mener leurs activités hors de tout cadre Mauritanie. Un avenir sans esclavage ? légal, des membres d’organisations de défense des (AFR 38/003/02). droits humains étaient particulièrement exposés au actes de harcèlement et aux arrestations. ✔ Boubacar Ould Messaoud, président de SOS Esclaves, a été arrêté au mois de mai par les services de la Direction de la sûreté de l’État. Lors d’une émission diffusée sur Radio France Internationale (RFI), il avait dénoncé les actes de torture qui, selon certaines infor- mations, ont été infligés à un homme placé en déten- tion en raison de ses liens présumés avec un groupe d’opposition. Boubacar Messaoud a été libéré sans inculpation au bout de deux jours.

Liberté d’expression Les atteintes à la liberté d’expression se sont poursui- vies toute l’année. ✔ En juillet, des exemplaires du journal indépendant Le Rénovateur ont été saisis, apparemment parce que l’édition contenait un article sur l’augmentation du prix des denrées de première nécessité. ✔ En août, la version en arabe du journal indépen- dant Le Calame a été censurée. La raison en était, semble-t-il, la présence d’un article sur les manifesta- tions qui s’étaient déroulées en France lors de la visite du président Taya, à l’appel de mouvements d’opposi- tion mauritaniens et d’organisations françaises de défense des droits humains. ✔ En octobre, les autorités ont levé l’interdiction frap- pant depuis avril 2001 le correspondant mauritanien de RFI. Les autorités avaient accusé la radio de donner une image négative de la Mauritanie. 271 ME MEXIQUE ÉTATS-UNIS DU MEXIQUE ÉTATS-UNIS CAPITALE : Mexico SUPERFICIE : 1 972 545 km2 POPULATION : 101,8 millions CHEF de l’ÉTAT Monterrey golfe du et du GOUVERNEMENT : Mexique Vicente Fox Quesada MEXIQUE PEINE DE MORT : abolie océan sauf pour crimes exceptionnels Pacifique MEXICO COUR PÉNALE BÉLIZE INTERNATIONALE : 0 700 km Statut de Rome signé GUATÉMALA

e gouvernement mexicain a réitéré, mais aucune décision définitive n’avait encore été à ses interlocuteurs tant nationaux prise à la fin de l’année. La plupart des gouverne- Lqu’internationaux, son attachement à la ments des 31 États du Mexique n’ont pas pris de protection et à la promotion des droits humains. réelles mesures pour tenter de lutter contre les Cependant, de nombreuses informations atteintes aux droits humains, bien que nombre ont fait état de détentions arbitraires, de torture d’entre elles aient été commises dans des territoires et de mauvais traitements dans tout le pays. placés sous leur juridiction. Malgré les politiques et Des cas de menaces contre des défenseurs des les initiatives lancées par le gouvernement fédéral, il droits humains, ainsi que des campagnes de restait encore à aborder les causes sous-jacentes des dénigrement, ont de nouveau été signalés dans exactions et des violations. plusieurs États. L’enquête sur le meurtre d’une Sur le plan international, le gouvernement mexicain a avocate de premier plan spécialisée dans la joué un rôle important en matière de promotion des défense des droits humains s’est poursuivie. Le questions relatives aux droits humains. Il a maintenu gouvernement a rencontré des défenseurs des son soutien à la Cour pénale internationale et a pris droits humains afin d’asseoir des mesures de des mesures en vue de la ratification du Statut de protection et de promotion. Il y aurait eu des Rome. Le Sénat a toutefois soumis son approbation de exécutions extrajudiciaires et au moins une la ratification à certaines conditions qui pourraient, personne a « disparu ». Un procureur spécial a dans la pratique, entraver les activités de la Cour et se commencé à enquêter sur des violations des traduire par un manquement aux obligations qui sont droits humains commises par le passé. Le celles du Mexique en vertu du droit international. général José Francisco Gallardo, prisonnier d’opinion, a été libéré après de longues années Organisations intergouvernementales derrière les barreaux. Des populations indigènes Le Mexique a reçu la visite de plusieurs rapporteurs ont encore été en butte à des violences et à la spéciaux des Nations unies et du Groupe de travail sur marginalisation. Le Mexique a ratifié 13 traités la détention arbitraire. La rapporteuse spéciale sur les internationaux. Cependant, la réserve apportée à droits des femmes de la Commission interaméricaine la Convention interaméricaine sur la disparition des droits de l’homme s’est également rendue dans le forcée des personnes a renforcé l’impunité. pays. Des représentants de l’appareil judiciaire et du corps législatif ont cherché à dénigrer le rapport fourni Contexte par le rapporteur spécial des Nations unies sur l’indé- Pendant la deuxième année de mandat du président pendance des juges et des avocats. Fox, la politique intérieure a été centrée sur l’harmoni- Le Mexique a négocié et signé avec la haut-commissaire sation du droit interne avec le droit international, la aux droits de l’homme un accord couvrant la deuxième coopération avec les organisations internationales et le phase d’exécution du programme de coopération tech- dialogue avec la société civile. Un service chargé des nique, qui revêt une importance décisive. En décembre, droits humains a été créé au sein du ministère de le Sénat a approuvé la création d’un bureau du Haut- l’Intérieur. Les débats sur la réforme visant à améliorer Commissariat aux droits de l’homme, chargé de sur- la protection des droits humains se sont poursuivis, veiller la mise en œuvre de ce programme. 272 ME Fonctionnement de la justice Défenseurs des droits humains et journalistes Des institutions clés au niveau fédéral et des États, De nouvelles informations ont fait état de menaces, comme la police, l’armée, le ministère public et l’appa- d’actes de harcèlement et de campagnes de dénigre- reil judiciaire, se sont souvent rendues coupables de ment visant des défenseurs des droits humains. À la violations des droits humains ou en ont été complices suite des discussions engagées avec le gouvernement en ne prenant aucune mesure pour les empêcher ou fédéral, plusieurs d’entre eux ont bénéficié de mesures pour enquêter efficacement sur ces affaires. La de protection, mais la question de leur efficacité restait Comisión Nacional de Derechos Humanos (CNDH, ouverte. Ces initiatives n’ont pas été suivies d’effets au Commission nationale des droits humains) et les com- niveau des États. Les enquêtes ouvertes sur des missions des droits humains créées au niveau des États menaces, récentes ou non, dont ont fait l’objet des se sont montrées incapables de garantir les droits fon- défenseurs des droits humains n’ont guère progressé, damentaux dans les faits ou d’obliger les autorités à ce qui a contribué au climat d’impunité. Amnesty rendre compte de leur action à cet égard. International a été informée que des journalistes Ces institutions devaient revoir en profondeur leur étaient menacés, ou allaient être poursuivis pour diffa- mode de fonctionnement afin de garantir la transpa- mation, pour avoir couvert des affaires de corruption rence, l’obligation de rendre des comptes et l’adhésion ou de violation des droits humains. aux normes internationales en matière de droits ✔ Le meurtre, en octobre 2001, de Digna Ochoa, humains, mais les réformes structurelles indispensables avocate spécialisée dans la défense des droits humains, pour ce faire n’ont pas été engagées. n’avait toujours pas été élucidé à la fin 2002. La qua- lité de l’enquête officielle a été mise en question plus Détention arbitraire, torture d’une fois. L’équipe chargée des investigations aurait et mauvais traitements divulgué des informations tendant à indiquer que Les forces de police, l’armée et les représentants du Digna Ochoa s’était suicidée. À la fin de l’année, un ministère public continuaient d’avoir très largement nouveau représentant du ministère public avait été recours à la détention arbitraire, à la torture et aux mau- chargé de l’affaire et l’on attendait la visite d’une vais traitements, aussi bien au niveau fédéral qu’à celui équipe d’experts de la Commission interaméricaine des États. Plusieurs détenus seraient morts des suites de des droits de l’homme, qui devait s’attacher à analyser tortures. Les juges n’accordaient généralement pas les éléments de preuve disponibles. l’importance voulue aux allégations selon lesquelles des ✔ En janvier, des coups de feu ont été tirés sur la mai- « aveux » auraient été obtenus sous la torture, contri- son de Pedro Raúl López, président de la Commission buant ainsi à perpétuer le recours à de telles pratiques à des droits humains de l’État du Chiapas. En octobre, des fins d’enquête. Les déclarations de culpabilité il aurait été roué de coups par trois hommes armés. sujettes à caution, fondées sur des « aveux » extorqués Ses agresseurs l’auraient averti que la Commission sous la contrainte, étaient monnaie courante. Aucun devait cesser de mettre en cause la politique des autori- responsable de l’État n’a été poursuivi pour torture. Le tés locales en matière de droits humains. pouvoir excessif du ministère public, qui n’était soumis à aucune obligation de rendre des comptes, ni au niveau Libération d’un prisonnier d’opinion fédéral ni à celui des États, rendait quasiment impos- En février, le général Gallardo, prisonnier d’opinion sible la conduite d’enquêtes indépendantes crédibles sur incarcéré depuis plus de huit ans, a été remis en liberté des allégations d’atteintes aux droits fondamentaux. après que le président Vicente Fox eut ordonné que la Cette situation a constitué un véritable déni de justice durée de sa peine soit ramenée à la période qu'il avait pour les victimes et favorisé l’impunité. déjà passée derrière les barreaux. Aucune enquête n’a ✔ Le 29 mars, Guillermo Vélez Mendoza est mort été ouverte sur l’utilisation abusive du système judi- dans les heures qui ont suivi son placement en déten- ciaire qui avait conduit à sa condamnation. tion par des agents du Bureau du procureur général de la République, pour des faits liés à plusieurs affaires Mauvaise utilisation de l’appareil judiciaire d’enlèvement. L’autopsie réalisée dans un premier Selon certaines informations le système judiciaire a fait temps a indiqué qu’il était mort des suites de tortures. l’objet d’une utilisation abusive, en particulier au niveau Cependant, selon les conclusions de l’enquête des États, où des personnes militant en faveur des droits conduite par le Bureau, il aurait fait accidentellement sociaux ont été maintenues en détention provisoire pen- une chute mortelle alors qu’il tentait de s’enfuir. Les dant des périodes prolongées et condamnées à des irrégularités de la procédure ont sapé la crédibilité de peines d’emprisonnement excessives. Des projets de l’enquête et souligné les lacunes des investigations offi- développement et de création d’infrastructures ont sus- cielles menées dans de telles affaires. cité des tensions sociales. Les populations locales ont ✔ En janvier, après un hold-up à main armée dans également exprimé leurs inquiétudes au sujet de l’État du Chiapas, des agents de la police judiciaire de l’impact potentiel des projets prévus dans le cadre du l’État ont détenu Miguel Ángel Gómez, Andrés plan Puebla Panamá, une initiative de développement Gómez Luna et Mariano Cruz Hernández et les des États du sud du Mexique et de l’Amérique centrale. auraient torturés, en présence de représentants du ✔ En février, le président Fox a annulé les peines de ministère public, pour leur arracher des « aveux ». vingt ans d’emprisonnement qui avaient été infligées à 273 ME Aurelio Guzmán Mateo et Leocadio Ascencio Amaya, continuait à empêcher que des poursuites soient enga- deux pêcheurs indigènes originaires de Pátzcuaro (État gées contre des responsables présumés de violations de du Michoacán). Ces deux hommes avaient été condam- droits humains. La réserve relative à la Convention nés, en 2000, pour leur rôle dans un mouvement de interaméricaine sur la disparition forcée des personnes a protestation contre les restrictions imposées aux terri- renforcé le rôle de la justice militaire. À la fin de toires de pêche de leur communauté. Aucune enquête l’année, la Cour suprême ne s’était pas encore pronon- n’a été ouverte pour déterminer comment la procédure cée sur un recours contestant la légalité de cette réserve. judiciaire a pu conduire à leur condamnation initiale. ✔ Une menace d’expropriation de terres situées sur le Populations indigènes territoire d’une communauté, aux fins de la construction Cette année encore, les populations indigènes ont été d’un nouvel aéroport à Atenco (État de Mexico), s’est en butte à la marginalisation et à la discrimination. La soldée par des placements en détention, de violents Cour suprême a rejeté les recours formés contre des affrontements entre policiers et manifestants et des alléga- dispositions législatives controversées se rapportant tions de mauvais traitements et d’usage abusif de la force. aux indigènes. Ces mesures, approuvées par le Congrès ✔ En août et en octobre, des personnes qui manifestaient en 2000, ont fait l’objet d’une vive opposition dans la contre les projets de développement du site naturel de mesure où elles n’assuraient pas une reconnaissance et Casino de la Selva, une zone écologiquement fragile une protection réelles des droits des communautés située à Cuernavaca, dans l’État de Morelos, ont été déte- indigènes. Le non-respect des principes négociés avec nues et auraient été victimes d’un usage abusif de la force. l’Ejército Zapatista de Liberación Nacional (EZLN, Armée zapatiste de libération nationale) a accru les Exécutions extrajudiciaires et « disparitions » tensions au Chiapas, où le conflit persistait faute de Des exécutions extrajudiciaires et des « disparitions » solution à la crise. La présence militaire restait forte de personnes principalement soupçonnées d’infrac- dans cet État où ont été de nouveau signalées des tions de droit commun ont continué à se produire ; attaques et des menaces émanant de groupes de civils certaines avaient des fins directement criminelles. Les en armes, se définissant eux-mêmes comme des para- liens étroits entre les autorités chargées des enquêtes et militaires et opérant avec la protection ou la compli- les représentants de l’État impliqués dans ces affaires cité manifestes des autorités locales ou municipales. encourageaient l’impunité. ✔ Le 7 août, trois hommes armés ont abattu José ✔ En mars, Jesús Ángel Gutiérrez Olvera aurait été López Santis, dirigeant de la communauté zapatiste arrêté par la police judiciaire du district fédéral et détenu autonome 6 de Agosto. pour des faits liés à plusieurs affaires d’enlèvement. Bien Plusieurs membres du groupe paramilitaire Paz y qu’une enquête officielle ait été ouverte, aucune infor- Justicia (Paix et justice) ont été détenus dans le cou- mation n’a permis de savoir ce qu’il était advenu de lui. rant de l’année, et 19 autres personnes condamnées à Un défenseur des droits humains qui avait pris en des peines d’emprisonnement, pour des faits liés au charge cette affaire a été menacé par téléphone et soumis massacre, en 1997, de 45 personnes de la commu- à une surveillance destinée à l’intimider. nauté indigène d’Acteal. Selon certaines sources, dans les États d’Oaxaca et de Impunité Guerrero, des groupes armés ou des responsables Au mois de janvier, un procureur spécial a été nommé locaux agissant pour le compte de personnalités poli- à la tête du bureau du procureur spécial chargé tiques locales ont menacé ou attaqué des factions d’enquêter sur les crimes commis par le passé contre opposées de la communauté. Les autorités de ces États des membres de mouvements sociaux et politiques. Le n’auraient pas pris de mesures pour prévenir de tels nouveau procureur a rouvert de nombreux dossiers actes ou enquêter sur les cas signalés, contribuant ainsi pour faire droit aux plaintes déposées par les victimes, au climat d’impunité. relatives notamment à plus de 500 « disparitions » ✔ Le 2 mai, 26 indigènes ont été abattus dans la muni- ayant eu lieu au cours des trente dernières années. cipalité de Santiago Textitlán (Oaxaca). Les autorités de Plusieurs témoins et accusés, dont un ancien prési- l’État n’auraient pas pris au sérieux des avertissements dent, ont été interrogés. Cependant, à la fin de annonçant des violences imminentes. Après le massacre, l’année, les enquêtes ne semblaient guère avoir pro- des arrestations massives ont été effectuées dans une gressé. Des inquiétudes ont été exprimées concernant communauté voisine ; on aurait torturé les personnes les ressources limitées du service, son manque d’indé- détenues pour leur arracher des « aveux ». pendance par rapport au Bureau du procureur général de la République, et le fait que celui-ci n’ait pas exigé Violences contre les femmes de connaître d’importantes affaires dans lesquelles des L’immobilisme du gouvernement, qui s’est abstenu de militaires étaient mis en cause. mener des enquêtes exhaustives sur les affaires de Le rôle des forces armées dans des activités civiles de meurtres et de « disparitions » de femmes à Ciudad maintien de l’ordre demeurait un motif de préoccupa- Juárez et à Chihuahua (État de Chihuaha), demeurait un tion. Des militaires de haut rang occupaient toujours motif d’inquiétude. De nouveaux cas ont été signalés, et des postes clés au sein du Bureau du procureur général des restes humains ont été découverts. Le 5 février, Mario de la République, tandis que la juridiction militaire Escobedo Anaya, avocat de l’une des personnes accusées 274 MO dans ces affaires de meurtres, a été tué par des agents de la Ayutla pour y recevoir des soins médicaux. Malgré les police judiciaire de l’État. Ces derniers ont été innocentés recours formés par diverses organisations de défense par la suite, le juge ayant estimé qu’ils avaient agi en état des droits humains, cette affaire était traitée par un de légitime défense. Des journalistes et les familles de vic- procureur militaire. times qui s’étaient mobilisés pour alerter l’opinion sur ces affaires ont été harcelés. Visites d’Amnesty International Dans l’État de Guerrero, au moins deux femmes indi- Une délégation d’Amnesty International s’est rendue gènes auraient été violées par des militaires pendant au Mexique en juillet, notamment dans les États des opérations anti-insurrectionnelles. d’Oaxaca, de Guerrero et du Chiapas.◆ ✔ Le 16 février, à Barranca Bejuco (municipalité d’Ayutla), une jeune fille âgée de dix-sept ans aurait Autres documents d’Amnesty International été violée non loin de son domicile par des membres Mexique. Les « disparitions » se poursuivent du 41e bataillon. Le médecin du dispensaire local (AMR 41/020/02). ayant refusé de lui délivrer un certificat attestant les Summary of Amnesty International’s concerns on Mexico violences subies, par crainte des représailles des mili- [Résumé des préoccupations d’Amnesty International taires, elle a dû faire un trajet de six heures jusqu’à au sujet du Mexique] (AMR 41/037/02). MOLDAVIE RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA CAPITALE : Chisinau SUPERFICIE : 33 700 km2 POPULATION : 4,3 millions MOLDAVIE UKRAINE CHEF de l'ÉTAT : Vladimir Voronine CHISINAU République moldave CHEF du GOUVERNEMENT : ROUMANIE du Dniestr Vasile Tarlev Tiraspol PEINE DE MORT : abolie COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome non signé mer 0 100 km Noire

ans la capitale, Chisinau, la police Manifestations antigouvernementales a arrêté arbitrairement quelques Entre le 9 janvier et le 29 avril, des dizaines de milliers Dmanifestants et les a soumis à des actes d’étudiants, d’élèves et de membres de certains partis de harcèlement. Un dirigeant de l’opposition d’opposition ont organisé presque quotidiennement a été enlevé, puis libéré au bout de deux mois ; des manifestations dans les rues de Chisinau pour pro- l’enquête menée pour déterminer l’identité de tester contre les projets du gouvernement visant à ses ravisseurs n’a donné aucun résultat. réintroduire l’enseignement de la langue et de l’his- Des actes de torture et d’autres mauvais toire russes. En février, les autorités ont annoncé que traitements infligés par la police continuaient ces projets étaient suspendus, mais les protestataires d’être signalés. Les conditions de détention ont poursuivi leur action, réclamant la démission du dans la plupart des cellules des établissements gouvernement. Des poursuites judiciaires ont alors été de détention provisoire de la police engagées pour interdire les manifestations et déférer à et dans de nombreuses prisons la justice les députés du Parti populaire démocrate- s’apparentaient à un traitement cruel, chrétien (PPDC). En vertu de l’article 52 de la inhumain et dégradant. Au moins trois Convention de sauvegarde des droits de l’homme et prisonniers politiques étaient toujours des libertés fondamentales (également appelée incarcérés en République (autoproclamée) Convention européenne des droits de l’homme), moldave du Dniestr. Walter Schwimmer, secrétaire général du Conseil de 275 MO l’Europe, a demandé aux autorités moldaves de s’expli- potable, à une nourriture suffisante et à des conditions quer sur la décision de suspendre temporairement le permettant un niveau d’hygiène adéquat; enfin, de PPDC. Il a aussi demandé des éclaircissements sur mettre immédiatement hors service une cellule de d’autres mesures contraires aux articles fondamentaux l’établissement de détention provisoire de la police à de la Convention européenne, tels que le droit à la Comrat, qui ne disposait d’aucun équipement et qui liberté d’association, de réunion et d’expression. mesurait seulement 1,25 m2. Aucun témoignage n’a fait état d’un recours excessif à la Le CPT a reçu de nombreuses informations faisant état force contre les manifestants, mais certains de ces der- de mauvais traitements subis par des hommes, des niers, notamment des mineurs, ont été victimes d’actes femmes et des mineurs arrêtés par la police. Dans bien de harcèlement et de manœuvres d’intimidation. des cas, ces brutalités qui s’étaient produites principa- ✔ Au cours des manifestations, la police a arrêté six lement pendant les interrogatoires menés par la police jeunes, dont trois mineurs, qu’elle a retenus dans un pouvaient être assimilées à des tortures. Un certain poste de police pendant six heures. Les jeunes gens ont nombre de victimes examinées par les experts médico- été placés dans une pièce sans électricité et se sont vu légaux du CPT présentaient des blessures qui tendaient refuser le droit de contacter leurs parents ou un avo- à confirmer les allégations de torture. Le CPT a renou- cat. Ils ont été interrogés par un inspecteur qui les velé les recommandations très vastes qu’il avait émises aurait menacés, insultés et mis en garde contre toute pour la première fois après sa visite de 1998 et qui participation aux manifestations. Selon les informa- portaient sur les garanties visant à prévenir la torture tions recueillies, la police a affirmé que les jeunes gens et les autres mauvais traitements. avaient été arrêtés et interrogés parce qu’ils avaient Le Comité Helsinki de Moldavie, organisation non tenté de « mobiliser les étudiants de l’université d’État de gouvernementale locale qui s’est rendue dans Moldavie afin qu’ils participent à des mouvements de 13 postes de police au cours de l’année, a indiqué que protestation illégaux ». Ils ont par la suite été inculpés certaines autorités locales avaient amélioré les condi- de délit dans le cadre d’une procédure administrative. tions de vie des détenus. Toutefois, aucun progrès n’a ✔ En mars, Vlad Cubreacov, un cadre du PPDC, a été été observé en ce qui concerne les fautes commises par enlevé devant son domicile. Il a été libéré en mai par des policiers, notamment celles qui s’apparentaient à des hommes dont l’identité n’a pu être établie au des actes de torture ou à d’autres formes de mauvais terme de l’enquête menée sur cette affaire. Le procu- traitements. reur chargé du dossier a été suspendu en août, puis démis de ses fonctions au mois de septembre pour Prisonniers politiques en République avoir commis, semble-t-il, des « violations internes ». (autoproclamée) moldave du Dniestr Le 24 avril, l’Assemblée parlementaire du Conseil de Alexandru Lesco, Andreï Ivantoc et Toudor Petrov- l’Europe a appelé les forces politiques moldaves à pour- Popa, condamnés en 1993 pour « actes de terrorisme » suivre un dialogue constructif, et a demandé aux autori- par un tribunal de cette République à l’issue du procès tés d’adopter sans délai un certain nombre de mesures: des « Six de Tiraspol », étaient toujours emprisonnés. En un moratoire en vertu duquel le PPDC mettrait un septembre, la Grande Chambre de la Cour européenne terme à ses manifestations tandis que, dans le même des droits de l’homme a ordonné qu’une délégation de temps, les poursuites judiciaires engagées contre deux quatre juges mène une enquête sur place et que les par- dirigeants de ce parti seraient suspendues; la prolonga- ties fournissent de plus amples éclaircissements. tion du moratoire sur les réformes concernant l’ensei- Le premier et le plus connu des requérants, Ilie Ilascu, gnement de la langue russe et son statut, et la qui a été relâché en 2001, alléguait que leur droit à un modification des programmes d’enseignement de l’his- procès équitable avait été violé lors de la procédure toire; la révision de la loi sur l’audiovisuel et la transfor- ayant conduit à leur condamnation en 1993, que leur mation du statut de la compagnie Teleradio-Moldova détention était illégale depuis cette date, et que leurs en organisme public indépendant. Le Conseil de conditions de détention constituaient, de fait, un trai- l’Europe a également offert son assistance à propos de tement inhumain ou dégradant. Les requérants soute- l’enquête sur l’enlèvement de Vlad Cubreacov. naient que, aux termes de la Convention européenne des droits de l’homme, les autorités moldaves étaient Torture, mauvais traitements et conditions responsables des violations présumées de leurs droits de détention puisqu’elles n’avaient pas pris de mesures appropriées En juin, le Comité européen pour la prévention de la pour y mettre un terme. Ils affirmaient aussi que cette torture et des peines ou traitements inhumains ou responsabilité était partagée par la Fédération de dégradants (CPT) a publié un rapport sur la visite qu’il Russie, étant donné que le territoire de la Transnistrie a effectuée en Moldavie en juin 2001. Au cours de sa était de facto sous le contrôle de la Russie car les visite, le CPT avait demandé aux autorités d’ouvrir sans troupes de cette dernière y étaient stationnées et que la délai une enquête approfondie et indépendante sur les Russie soutenait apparemment le régime séparatiste. méthodes utilisées par la police pour interroger les Les négociations entre le gouvernement moldave et les détenus; de garantir à toutes les personnes privées de autorités de la République (autoproclamée) du Dniestr liberté par les forces de police – et ce quelle que soit la n’ont guère progressé au sujet du statut de ce territoire situation économique dans le pays – l’accès à l’eau séparatiste. En octobre, les représentants en Moldavie 276 MO de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en autorités moldaves d’avoir aboli la peine capitale et les Europe (OSCE) auraient déclaré que le retrait des a invitées à ratifier le Deuxième Protocole facultatif se troupes russes, de leurs armes et de leurs munitions ne rapportant au PIDCP, visant à abolir la peine de mort. serait pas achevé avant la fin de l’année, échéance qui Le Comité a déploré les conditions régnant dans les représentait la deuxième date butoir fixée en 1999 lors centres de détention et s’est dit troublé par la préva- du sommet de l’OSCE à Istanbul. lence de la maladie, en particulier la tuberculose. Il était également préoccupé par la longueur de la le comité des droits de l’homme période qui s'écoule avant qu'une personne soupçon- En juillet, le Comité des droits de l’homme des née d'une infraction pénale soit traduite devant un Nations unies a examiné le rapport initial de la juge, et par la durée excessive de la détention avant Moldavie portant sur le respect du Pacte international jugement. Le Comité a aussi exprimé des préoccupa- relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Le tions au sujet de la pratique apparemment fréquente Comité a regretté que le rapport ait été soumis avec un qui consistait à placer en internement administratif, retard considérable – il était attendu en 1994 – et pendant de longues périodes, des personnes qualifiées « qu’un grand nombre de […] questions soient restées de « vagabonds ». Enfin, le Comité était inquiet au partiellement ou totalement sans réponse à la fin du dia- sujet d’autres dispositions de la législation moldave qui logue » avec la délégation de l’État partie. Il a égale- faisaient naître des doutes concernant l'indépendance ment noté que la Moldavie n'avait pas apporté et l'impartialité des juges, entravaient l’exercice du d'informations plus détaillées sur la situation dans la droit à la liberté de religion et restreignaient les droits région de la Transnistrie. En revanche, il a félicité les à la liberté de réunion et d’association.◆ MOZAMBIQUE RÉPUBLIQUE DU TANZANIE MOZAMBIQUE CAPITALE : Maputo lac SUPERFICIE : 799 380 km2 Malawi POPULATION : 19 millions ZAMBIE

CHEF de l’ÉTAT : Nampula Joaquim Alberto Chissano MALAWI CHEF du GOUVERNEMENT : Pascoal Manuel Mocumbi ZIMBABWE PEINE DE MORT : abolie MOZAMBIQUE COUR PÉNALE Beira INTERNATIONALE : canal de Statut de Rome signé Mozambique

es informations ont fait état de violations D des droits humains commises par la police, océan Indien qui se serait notamment rendue coupable d’actes AFRIQUE de torture, de mauvais traitements et d’au moins DU SUD deux exécutions extrajudiciaires. MAPUTO Les initiatives visant à améliorer le professionnalisme de la police se sont heurtées 0 400 km à la passivité persistante des autorités, qui ne cherchaient pas à faire traduire en justice les auteurs d’atteintes aux droits humains. Contexte Le rapport présenté par une commission Les progrès économiques, la réduction de la dette et d’enquête parlementaire sur les violentes l’augmentation du budget social n’ont pas suffi pour manifestations politiques de novembre 2000 juguler la pauvreté qui sévissait dans l’ensemble du ne prenait que peu en compte les violations pays. La sécheresse qui a touché les provinces du Sud et des droits humains imputées à la police. du centre, ainsi que les inondations dans le Nord, ont 277 MO entraîné une grave pénurie alimentaire dont ont souffert Celui-ci avait enquêté sur des informations faisant état quelque 600 000 personnes. Le taux de criminalité est de fraudes bancaires et de corruption au sein de l’appa- demeuré élevé, particulièrement dans les villes. reil judiciaire. Les mesures de sécurité mises en place à Le procureur général, dans son rapport remis en mars la suite de cette évasion ont eu pour effet d’interdire aux à l’Assemblée de la République (Parlement), a sévère- prisonniers tout contact avec leurs avocats et avec leur ment critiqué la corruption rampante, y compris famille, qui n’était plus en mesure de leur apporter le parmi les hauts fonctionnaires et au sein du système supplément de nourriture nécessaire pour améliorer le judiciaire pénal. Exemples à l’appui, il a dénoncé les maigre ordinaire de la prison. Toutes les prisons du falsifications de preuves par la police dans les affaires pays connaissaient un grave problème de surpopulation, de fraude, les pots-de-vin versés aux juges et aux avo- et de nombreux prévenus étaient maintenus en déten- cats, et les évasions de détenus facilitées par la compli- tion pendant des mois, bien au-delà de la durée maxi- cité des gardiens de prison. mum légale de la détention provisoire. Dans le cadre d’un programme de longue durée visant à récupérer les armes illégalement détenues, les poli- Violations des droits humains commises ciers mozambicains, en coopération avec le pro- par la police gramme de récupération d’armes du Conselho Cristão Des initiatives ont été prises pour tenter d’accroître le de Moçambique (Conseil chrétien du Mozambique) et professionnalisme de la police. Le programme de for- avec l’assistance technique de leurs homologues sud- mation des policiers, soutenu par divers gouverne- africains, ont mis au rebut plusieurs tonnes de pièces ments étrangers, était toujours en place. Des dizaines d’artillerie, y compris des armes lourdes. Les opéra- de policiers, qui s’étaient rendus coupables notam- tions de déminage se sont poursuivies, mais il restait ment de corruption ou de prêt d’armes à des délin- encore plus d’un million de mines antipersonnel à tra- quants, ont été démis de leurs fonctions pour faute vers le pays, surtout dans les zones rurales. professionnelle. Il a été officiellement annoncé en avril que deux membres de la police paramilitaire avaient Commission d’enquête été relevés de leurs fonctions pour des « actes de vio- Le rapport de la commission d’enquête parlementaire lence gratuite » commis en 2001. Ils avaient notam- sur les manifestations violentes organisées en novembre ment, semble-t-il, roué de coups une femme enceinte. 2000 par la coalition d’opposition Resistência Nacional Un certain nombre de policiers responsables de viola- Moçambicana-União Eleitoral (RENAMO-UE, Résistance tions des droits humains ont été révoqués ou arrêtés, nationale mozambicaine – Union électorale) a été remis mais peu ont été déférés à la justice. à l’Assemblée de la République en avril. Les auteurs du ✔ Deux policiers ont été arrêtés à Maputo après la mort rapport reconnaissaient que, sur les quelque 500 per- de deux jeunes gens, Mário Alfredo et Gabriel Chilene, sonnes arrêtées lors des manifestations, 84 étaient abattus en octobre en deux occasions distinctes. Selon le mortes étouffées dans une cellule de police démesuré- porte-parole de la police, l’un des policiers pouvait être ment surpeuplée. Ils faisaient également état du fait que amené à répondre d’homicide pour avoir recouru à une la police avait ouvert le feu à diverses reprises, tuant plu- force meurtrière en vue de faire cesser une bagarre sans sieurs manifestants, mais ils n’ont toutefois pas éxaminé gravité qui avait éclaté dans un groupe de jeunes. Les les témoignages des personnes qui avaient dénoncé un enquêtes disciplinaires et pénales sur les deux affaires se usage excessif de la force. Les auteurs du rapport poursuivaient à la fin de l’année. concluaient contre toute attente que la police avait agi Selon diverses informations, des vendeurs de marché conformément à la loi, en faisant preuve de « prompti- et d’autres individus arrêtés au volant de leur voiture tude, de professionnalisme et de patriotisme ». Les députés ou dans les rues de Maputo et d’autres villes ont été de la RENAMO-UE ont refusé que le rapport soit inscrit à battus par des policiers parce que, dans certains cas, ils l’ordre du jour de l’Assemblée de la République au avaient refusé de se laisser extorquer de l’argent. En motif qu’il était tendancieux. Il a été publié dans la septembre et en novembre, des agents de la police presse. paramilitaire ont passé à tabac des manifestants non Quinze personnes inculpées notamment de rébellion violents à Maputo. armée et d’homicide volontaire à la suite des manifes- Un certain nombre de personnes soupçonnées tations de novembre 2000, puis jugées en novembre d’infractions de droit commun auraient été torturées 2001 par le tribunal de la province de Cabo Delgado, dans des postes de police, souvent au cours de leur ont été condamnées en janvier à des peines comprises interrogatoire. Dans au moins deux cas, les policiers entre deux et huit ans d’emprisonnement. Quatorze auraient retardé le moment de libérer des personnes autres accusés ont été acquittés. victimes de tortures, apparemment pour laisser le temps aux blessures de cicatriser. Prisons ✔ Vasco Juíz et son fils Virgílio Vasco Nhabinte, âgés Des policiers soupçonnés d’avoir favorisé une évasion respectivement de cinquante-neuf et de vingt-neuf ans, de la prison de haute sécurité de Maputo en septembre et deux autres hommes ont été violemment battus en ont été arrêtés. Le prisonnier évadé faisait partie d’un octobre dans un poste de police de Maputo. Ils avaient groupe de personnes accusées de complicité dans le été arrêtés peu de temps après que trois d’entre eux meurtre de Carlos Cardoso, un journaliste tué en 2000. eurent été les témoins d’une fusillade, au cours de 278 MY laquelle un policier avait été tué et un autre blessé. ✔ Amir Ali Mahomed a été arrêté en janvier pour vol Vasco Juíz souffrait d’hématomes et d’écorchures dans présumé de voiture. Des proches venus le voir au poste le dos, sur les fesses et aux bras. Son fils a été frappé à de police ont déclaré qu’il portait des menottes et qu’il coups de bâton et de crosse jusqu’à ce qu’il perde avait du sang sur le corps. Le lendemain, la police a fait connaissance. Vasco Juíz a été relâché sans inculpation savoir qu’elle l’avait transféré dans un autre poste de au bout de six jours. Les trois autres détenus ont été police. Après s’y être rendue, la famille a été renvoyée libérés sans inculpation trois semaines après, grâce à vers le premier poste. Une semaine après l’arrestation, la l’intervention de la Liga Moçambicana dos Direitos femme d’Amir Ali Mahomed a été informée que son Humanos (LMDH, Ligue mozambicaine des droits mari, blessé par balles, avait été retrouvé dans une ban- humains). Lorsque Virgílio Vasco Nhabinte a rendu lieue de Maputo. Avec l’aide de deux amis, elle l’a alors son uniforme de prisonnier, les marques des coups transporté de toute urgence à l’hôpital où, malgré son étaient encore visibles, et il a été soigné à l’infirmerie de état, il a été à peine examiné avant d’être reconduit à la la prison. À la fin de l’année une enquête judiciaire était prison de haute sécurité. La police a nié qu’Amir Ali en cours sur une plainte déposée par l’une des victimes. Mohamed avait été blessé durant sa garde à vue, décla- En février, la LMDH a fait savoir qu’elle avait reçu des rant qu’il s’était évadé de prison en décembre.◆ dizaines d’informations faisant état, pour l’année 2002 et les années précédentes, de l’utilisation par des poli- Autres documents d’Amnesty International ciers de leurs armes à feu, notamment pour perpétrer Maintien de l’ordre et protection des droits humains. des exécutions extrajudiciaires. La LMDH a déclaré Bilan des pratiques policières dans la Communauté qu’il était difficile d’arriver à convaincre les autorités de développement de l’Afrique australe (1997 – 2002) de traduire les responsables présumés en justice. (AFR 03/004/02). MYANMAR UNION DU MYANMAR CAPITALE : Yangon (ex-Rangoon) SUPERFICIE : 676 577 km2 BHOUTAN POPULATION : 49 millions INDE CHEF de l'ÉTAT et du GOUVERNEMENT : BANGLADESH Than Shwe CHINE PEINE DE MORT : maintenue Mandalay COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome non signé MYANMAR

THAïLANDE aw Aung San Suu Kyi, dirigeante du D principal parti d’opposition, la NLD, qui était golfe de fait assignée à domicile, a été libérée au mois du Bengale YANGON de mai. Aucun progrès n’avait été signalé dans les pourparlers confidentiels sur l’avenir du pays entamés entre Aung San Suu Kyi et les militaires au pouvoir réunis au sein du SPDC. Plus de 300 prisonniers politiques ont toutefois été libérés en cours d’année, ce qui portait à plus de Îles Andaman (INDE) 500 le nombre de libérations intervenues depuis janvier 2001. Quelque 1 300 prisonniers mer politiques arrêtés les années précédentes étaient d'Andaman toujours en détention et une cinquantaine de personnes ont été interpellées en 2002 pour des raisons politiques, malgré l’engagement pris par le SPDC, en gage de sa volonté de négocier avec la 0 400 km NLD, de libérer les personnes incarcérées pour ce î 279 MY type de motif. Des exécutions extrajudiciaires et notamment du riz, conjuguées à une grave pénurie des cas de travaux forcés ont cette année encore d’énergie et à l’absence d’une assistance au développe- été signalés dans la plupart des sept États ment digne de ce nom, ont aggravé les difficultés éco- peuplés par des minorités ethniques (en nomiques dans lesquelles la majorité de la population particulier dans les États chan et kayin). Les se débattait. Les agriculteurs étaient toujours tenus de méthodes anti-insurrectionnelles appliquées par remettre ou de vendre au gouvernement une partie de le SPDC dans certaines zones des États chan et leur récolte de riz, à des prix très en dessous de ceux kayin se sont de nouveau traduites par des du marché. Le SPDC ne consacrait toujours qu’une très violations des droits humains, dont a été victime faible part du budget de l’État à la santé, à l’enseigne- la population civile. ment et à la protection sociale. Dans les États peuplés par des minorités ethniques, et Contexte notamment dans les zones touchées par des opérations Comme les années précédentes, des accrochages se sont anti-insurrectionnelles, la pénurie alimentaire et la fré- produits entre l’armée et l’Union nationale karen quence de certaines maladies, qui n’étaient pourtant pas (UNK), le Parti national progressiste karenni et la Shan inévitables, rendaient plus aiguës encore les souffrances State Army-South (SSA-South, Armée de l’État chan – de la population. L’armée continuait d’astreindre des Sud). Cette dernière a pris le contrôle, en mai, d’un cer- civils à des travaux forcés et de commettre des exécu- tain nombre de positions gouvernementales dans l’est tions extrajudiciaires dans le sud de l’État chan, dans de l’État chan. Le State Peace and Development Council son action contre les insurgés de la SSA-South. Des mil- (SPDC, Conseil national pour la paix et le développe- liers de civils karen du district de Papun, dans le nord ment) a accusé les pouvoirs publics thaïlandais d’autori- de l’État kayin, se cachaient toujours pour tenter ser les combattants de la SSA-South à lancer des attaques d’échapper à l’armée, qui avait détruit leurs villages. Au depuis la Thaïlande, fermant jusqu’au mois d’octobre la mois d’avril, dans les districts de Kya In Seik Gyi et de frontière avec ce pays, longue de 2 000 kilomètres. Kya In (sud de l’État kayin), des civils ont été transférés En mars, le général Ne Win, qui a dirigé le régime de force, exécutés de manière extrajudiciaire ou soumis militaire à la tête du pays de 1962 à 1988, a été de fait à des travaux forcés, lors d’opérations anti-insurrection- assigné à domicile, en compagnie de sa fille, Sanda nelles visant l’UNK, toujours active dans ces zones. Des Win. Il est mort en décembre. Sanda Win était tou- civils ont également été astreints à des travaux forcés jours assignée à domicile à la fin de l’année. Le gendre dans certaines régions de l’État mon, en particulier dans de Ne Win et trois de ses petits-fils ont été arrêtés en le district de Ye, où l’armée s’est également livrée à des même temps et incarcérés à la prison d’Insein. Ils ont confiscations de terres. tous les quatre été condamnés à mort pour haute tra- hison au mois de septembre. Des recours ont été for- Prisonniers politiques més contre ces condamnations, mais le premier a été Une cinquantaine de personnes ont été arrêtées en rejeté ; à la fin de l’année, la justice ne s’était toujours cours d’année, la plupart, visiblement, en raison de leurs pas prononcée sur les autres appels interjetés. La activités politiques d’opposition pourtant non violentes. famille de Ne Win était, croit-on, impliquée dans des Quelque 1 300 prisonniers politiques, dont 18 élus au activités économiques contraires aux intérêts du SPDC Parlement, étaient toujours derrière les barreaux. et aurait tenté d’influencer certains militaires pour ✔ Parmi les prisonniers d’opinion détenus en 2002 qu’ils soutiennent ses entreprises. figuraient U Win Tin, Ma Khin Khin Leh, U Win Htein, Thet Win Aung (condamné à cinquante-neuf Évolution politique et économique ans d’emprisonnement en janvier 1999) et Paw U Sur les questions les plus importantes, le dialogue Tun, alias Min Ko Naing. Ce dernier était maintenu entre le SPDC et la National League for Democracy en détention administrative après expiration de sa (NLD, Ligue nationale pour la démocratie) n’a pas pro- peine, de même qu’une trentaine d’autres personnes. gressé cette année. La NLD a pu rouvrir un certain ✔ Salai Tun Than était lui aussi prisonnier d’opinion. nombre de bureaux dans plusieurs régions, mais n’a Ce professeur septuagénaire, qui appartient à la mino- pas été autorisée à publier des documents. Des repré- rité ethnique chin, a été arrêté en novembre 2001 sentants du parti ont appelé à plusieurs reprises le parce qu’il avait manifesté pacifiquement. Il a été SPDC à entamer des pourparlers et à libérer tous les condamné en février 2002 à sept ans d’emprisonne- prisonniers politiques. Les autorités ont arrêté en cours ment. Son état de santé était jugé préoccupant. d’année des étudiants, des membres de la NLD et ✔ Aung Thein et Kyaw Naing Oo, deux jeunes mili- d’autres militants favorables à une évolution de la tants de la NLD, ont été arrêtés au mois de juillet, parce situation politique ou trouvés en possession de docu- qu’ils étaient en possession de documents publiés par ments publiés par des groupes d’opposition en exil. un groupe d’opposition en exil. Ils auraient été passés à Vers la fin de l’année, la monnaie du Myanmar, le tabac pendant leur interrogatoire. Ils ont été condamnés kyat, s’échangeait à plus de 800 kyats pour un dollar en septembre à sept ans d’emprisonnement. des États-Unis, alors que le taux officiel était toujours ✔ Thet Maung Soe et Khin Maung Win, tous deux de six kyats pour un dollar. D’importantes hausses des étudiants, ont été interpellés au mois d’août parce prix d’un certain nombre de produits de base, et qu’ils avaient manifesté pacifiquement à l’hôtel de ville 280 MY de Yangon. En novembre, ils ont été condamnés, res- semblait pas appliquer l’ordonnance n° 1/99 qu’il avait pectivement, à quatorze et sept ans d’emprisonnement. prise lui-même, ni l’ordonnance complémentaire ; ces ✔ Ko Shwe Maung, partisan de la NLD, a été arrêté en textes interdisaient à l’armée et aux autres services de novembre à Mandalay pour avoir, selon certaines infor- l’État de recourir au travail forcé et prévoyaient des mations, distribué du riz à des enfants pauvres et fabriqué sanctions contre les contrevenants. Certains civils ont un chapeau de feuilles de bambou (le symbole de la NLD). été informés de l’existence de ces ordonnances par Libérations l’armée, mais la pratique du travail forcé n’a apparem- Daw Aung San Suu Kyi a été libérée en mai. Elle a été ment pas régressé pour autant. L’armée continuait, dans autorisée à circuler librement à l’intérieur du certaines zones des États chan, kayin, chin, mon et Myanmar. U Aye Tha Aung, prisonnier d’opinion et d’Arakan, ainsi que dans la division de Tanintharyi, à dirigeant de la Ligue de l'Arakan pour la démocratie, a contraindre des civils aux travaux forcés et non rémuné- été libéré en août. La femme pasteur Gracey, de l’eth- rés, et à extorquer à la population de l’argent, de la nie chin, a été libérée en février, ainsi que l’écrivain nourriture ou d’autres biens. L’armée s’efforçait de sub- Myo Mying Nyein. Ce dernier était emprisonné depuis venir elle-même à ses propres besoins, forçant une partie 1990. Bon nombre des prisonniers politiques libérés en de la population civile, dans certaines zones peuplées cours d’année avaient purgé la totalité de leur peine. par des minorités ethniques, à travailler sur des chan- tiers de travaux publics ou dans des fermes militaires Torture et mauvais traitements installées sur des terres confisquées au préalable aux pay- Amnesty International a continué de recevoir des sans locaux. Des civils étaient également contraints de informations selon lesquelles des prisonniers politiques travailler comme porteurs pour l’armée. Lourdement étaient torturés par des agents du Service de renseigne- chargés, ils devaient suivre les soldats pendant de ments de l’armée lors de leur premier interrogatoire. longues périodes sur des terrains accidentés, dans les Trois prisonniers politiques sont morts en détention zones d’opérations anti-insurrectionnelles. en 2002, ce qui, si l’on en croit les informations dont ✔ Une femme appartenant à la minorité mon, on disposait, portait à 73 le nombre de prisonniers ouvrière journalière dans le district de Thanbuyzat politiques morts en détention depuis 1988. (État mon), a été contrainte par l’armée de travailler ✔ Sai Phat, soixante et un ans, vice-président de la pendant dix jours à la construction d’une route, au NLD pour l’État chan, lui-même membre de la mino- mois de janvier. Elle était obligée d’effectuer des tra- rité chan, est mort en détention au mois d’octobre, à vaux forcés non rémunérés plusieurs jours par mois. Kengtung (État chan), dans des circonstances contes- ✔ Un homme chan, originaire du district de tées. Il avait été arrêté en septembre, alors qu’il organi- Namzarng, a été contraint en février de porter de la sait des activités locales de la NLD. Il était, semble-t-il, viande pour le compte de l’armée. Bien qu’il ait acquitté accusé d’inciter les agriculteurs à ne pas payer l’impôt deux fois par mois des droits pour ne pas être réquisi- sur le riz exigé par les autorités. Le SPDC a déclaré qu’il tionné comme porteur, il a été obligé de travailler dans avait succombé à un accès de paludisme cérébral. des fermes militaires et de creuser des tranchées. Selon des sources proches de l’opposition, il pourrait ne pas avoir reçu les soins médicaux que son état Exécutions extrajudiciaires nécessitait. Des civils membres de minorités ethniques auraient Conditions de détention cette année encore été exécutés de manière extrajudi- Les conditions de vie dans les prisons du Myanmar se ciaire, alors qu’ils ne participaient pas activement aux sont améliorées depuis que le Comité international de hostilités. Un certain nombre de personnes auraient la Croix-Rouge (CICR) a commencé à y effectuer des notamment été tuées dans le cadre des opérations anti- visites, en 1999. Les prisonniers ne disposaient tou- insurrectionnelles menées par l’armée, à titre de repré- jours pas, cependant, d’une nourriture et de soins sailles contre la population civile soupçonnée d’avoir médicaux suffisants. Les problèmes de santé d’un cer- eu des contacts avec des groupes d’opposition armés. tain nombre de prisonniers politiques étaient en ✔ Au mois de janvier, Lun Kon, Sai Ohn Ta, Sai grande partie dus à ces carences. Les condamnés de Nyunt, Pa Pan, Nang Leng et Naing Naing (un bébé droit commun risquaient d’être envoyés dans des de quatre mois), six civils chan du district de camps de travail, où les conditions de vie étaient par- Murngkerng, dans l’État chan, qui se rendaient en fois très dures, pour participer à des chantiers de Thaïlande, ont été abattus dans ce même district par construction d’infrastructures. Selon des informations des soldats du 281e bataillon d’infanterie. reçues, certains étaient également emmenés par l’armée qui les obligeait à travailler comme porteurs Initiatives internationales dans les zones d’opérations anti-insurrectionnelles, où Au mois d’avril, la Commission des droits de l’homme ils risquaient de mourir lors de combats, par suite de des Nations unies a adopté par consensus, pour la mauvais traitements ou par manque de soins. onzième fois, une résolution prolongeant d’une année le mandat du rapporteur spécial sur la situation des Travail forcé droits de l'homme au Myanmar. Dans cette résolu- Dans de nombreuses régions situées dans les sept États tion, la Commission s’est déclarée fortement préoccu- peuplés par des minorités ethniques, le SPDC ne pée par le nombre élevé de violations des droits 281 NA humains commises au Myanmar et a vivement engagé divers autres responsables, mais aucun mécanisme le SPDC à accélérer le rythme de la réconciliation indépendant permettant d’enquêter sur les cas de tra- nationale. Une résolution similaire a été adoptée par vail forcé signalés n’avait été mis en place par le SPDC consensus en décembre par l’Assemblée générale des à la fin de l’année. L’envoyé spécial du secrétaire géné- Nations unies. ral des Nations unies s’est rendu à trois reprises au Au mois de mai, les États-Unis ont reconduit les sanc- Myanmar pour tenter d’encourager le dialogue entre tions économiques limitées imposées au Myanmar. la NLD et le SPDC et d’obtenir la libération des prison- L’Union européenne, qui prévoyait également des sanc- niers politiques. Le rapporteur spécial sur la situation tions limitées, a de nouveau affirmé sa position com- des droits de l'homme au Myanmar a effectué deux mune en avril, puis en octobre. Trois représentants de visites dans le pays, l’une en février, l’autre en octobre. l’Union européenne se sont rendus au Myanmar en Il a pu se rendre librement dans plusieurs prisons et a février et en septembre. été autorisé à voyager hors de Yangon.◆ L’Organisation internationale du travail (OIT) a ouvert en juin un bureau de liaison à Yangon, la capitale, aux Autres documents d’Amnesty International termes d’un accord conclu en mars avec le SPDC. Au Myanmar. Absence de sécurité dans les zones de lutte mois de septembre elle y a nommé un chargé de liai- contre l’insurrection (ASA 16/007/02). son permanent. Ce dernier a rencontré les membres Myanmar. Craintes pour la sécurité / Craintes de torture/ du Comité de mise en œuvre du SPDC, ainsi que Prisonniers d’opinion présumés (ASA 16/011/02). NAMIBIE

RÉPUBLIQUE DE NAMIBIE ANGOLA ZAMBIE CAPITALE : Windhoek SUPERFICIE : 824 292 km2 POPULATION : 1,8 million CHEF del’ÉTAT : Samuel Shaafishuna Nujoma NAMIBIE CHEF du GOUVERNEMENT : Hage Geingob, remplacé par BOTSWANA Theo-Ben Gurirab le 27 août WINDHOEK PEINE DE MORT : abolie COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome ratifié océan Atlantique

AFRIQUE DU SUD 0 400 km

es informations ont fait état de violations des dans le nord-est du pays, a été la plus touchée. Bien droits humains commises par la police, que la peine de mort ait été abolie lors de l’accession Dnotamment des arrestations arbitraires et des du pays à l’indépendance, en 1985, l’éventualité de sa actes de torture. Des membres des forces de réintroduction a été soulevée par le Parlement pour sécurité se sont rendus coupables d’exécutions juguler la criminalité. extrajudiciaires dans la région de Caprivi. Atteintes aux droits humains Contexte commises par la police Plus de 345 000 Namibiens ont souffert d’une pénu- Cette année encore, la police nationale et l’unité de rie alimentaire provoquée par des alternances irrégu- police paramilitaire connue sous le nom de Special lières de pluie et de sécheresse ; la région de Caprivi, Field Force (SFF, Force d’intervention spéciale) se sont 282 NA rendues coupables d’arrestations arbitraires, de recours Détention sans inculpation ni jugement excessif à la force, de passages à tabac et de « dispari- Soixante-dix-huit hommes étaient détenus sans inculpa- tions », entre autres violations des droits humains. tion ni jugement à Dordabis, dans la région de Selon certaines informations, la police et la SFF Kavango. Accusés d’être des soldats ou des collabora- auraient utilisé la torture pour arracher des « aveux» à teurs de l’UNITA, ils avaient été placés en détention en des suspects. Entre 20 et 25 personnes sont mortes en juin et en juillet 2000. Au mois de décembre, détention au cours de l’année 2002. 74 d’entre eux ont été expulsés vers l’Angola. Deux ✔ En octobre, neuf mineurs soupçonnés de cambrio- autres ont été libérés le même mois et sont restés en lage ont été appréhendés. Plusieurs agents de police Namibie. À la fin de l’année, il en restait deux en déten- portant l’uniforme de la SFF, accompagnés de détec- tion en attendant qu’une nouvelle enquête soit ouverte tives en civil, les auraient frappés à coups de fouet et par les autorités. Bien que la Constitution namibienne torturés en les soumettant à des décharges électriques. impose que toute personne arrêtée soit inculpée dans les Cinq de ces mineurs étaient toujours en détention à la deux jours ou bien relâchée, aucun des détenus susmen- fin de l’année. La date de leur procès était prévue pour tionnés ne s’était vu notifier le moindre chef d’inculpa- le mois d’avril 2003. tion pénale au cours de sa détention.

Exécutions extrajudiciaires Liberté d’expression Les forces armées namibiennes ont exécuté de façon En août, le président Nujoma a placé sous sa tutelle le extrajudiciaire des personnes qu’elles soupçonnaient de ministère de l’Information, de la Radiodiffusion et de collaborer avec l’União Nacional para a Independência la Télévision en arguant de la nécessité de résoudre cer- Total de Angola (UNITA, Union nationale pour l'indé- tains problèmes techniques rencontrés par la Namibian pendance totale de l'Angola) dans le nord de la Broadcasting Corporation (NBC, Société de radiodiffu- Namibie. Trois rebelles présumés de l’UNITA ont été sion et de télévision de la Namibie), administrée par abattus en février dans l’ouest de la région de Caprivi, l’État. Le mois suivant, le président Nujoma a donné non loin de la frontière septentrionale. En novembre, l’instruction à la NBC de ne diffuser que des films cinq séparatistes présumés de la région de Caprivi ont offrant une image positive de la Namibie. La NBC s’est été tués par des soldats de la Namibian Defence Force également vu ordonner de cesser toute diffusion de (NDF, Force de défense namibienne) sur l’île de séries télévisées ou de films étrangers susceptibles Situngu, dans la région de Caprivi. La National Society d’exercer une influence néfaste sur la jeunesse nami- for Human Rights (Association nationale de défense bienne. La mainmise du président sur le ministère de des droits humains), organisation namibienne, a l’Information a suscité chez les journalistes namibiens demandé l’ouverture d’une enquête indépendante sur et au sein des organisations de professionnels des ces homicides. Cependant, aucune enquête officielle médias la crainte de voir s’étendre encore les restric- n’avait été menée à la fin de l’année. tions frappant la liberté d’expression.◆

Retard excessif concernant l’ouverture du procès Autres documents d’Amnesty International pour trahison des détenus de Caprivi Maintien de l’ordre et protection des droits humains. La durée de la détention des personnes non encore Bilan des pratiques policières dans la Communauté jugées continuait d’être excessive. L’exemple le plus de développement de l’Afrique australe (1997 – 2002) notable à cet égard était celui des 126 détenus origi- (AFR 03/004/02). naires de la région de Caprivi qui devaient répondre de 275 chefs d’inculpation : ils étaient notamment pour- suivis pour haute trahison, violences publiques, sédition et détention d’armes à feu et de munitions, en raison de leur participation présumée à des attaques contre des installations gouvernementales à Katima Mulilo, en août 1999, et de leur soutien présumé à la Caprivi Liberation Army (CLA, Armée de libération de Caprivi). La Cour suprême ayant fait droit à la requête intro- duite par les détenus en vue de bénéficier des services d’avocats commis d’office, trois avocats ont été dési- gnés pour les représenter. La date de l’ouverture du procès a été fixée à février 2003. Les détenus étaient incarcérés sans jugement depuis fin 1999 malgré plu- sieurs demandes de remise en liberté sous caution, toutes rejetées. Cette situation a vivement ému cer- taines organisations locales et internationales de défense des droits humains soucieuses de défendre le droit des détenus d’être jugés sans délai et avec équité. Huit détenus sont morts en détention depuis 1999. 283 NE NÉPAL ROYAUME DU NÉPAL CAPITALE : Katmandou CHINE SUPERFICIE : 147 181 km2 POPULATION : 24,2 millions NÉPAL CHEF de l’ÉTAT : BHOUTAN Gyanendra Bir Bikram Shah Dev INDE KATMANDOU CHEF du GOUVERNEMENT : Sher Bahadur Deuba, remplacé 0 300 km par Lokendra Bahadur Chand BANGLADESH le 11 octobre PEINE DE MORT : abolie l’administration locale. Des organes similaires étaient COUR PÉNALE toujours en place dans de nombreux autres districts, au INTERNATIONALE : niveau des villages ou des quartiers. Les « tribunaux Statut de Rome non signé populaires » instaurés par les maoïstes semblaient en revanche moins actifs dans certaines zones.

andis que la crise politique s’aggravait, on a L’état d’urgence et la Loi relative à la prévention constaté une forte augmentation du nombre et à la répression des activités terroristes d’homicidesT illégaux, de « disparitions », de cas de et déstabilisatrices torture et d’arrestations arbitraires imputables L’état d’urgence décrété en novembre 2001 a été aux forces de sécurité, ainsi que du nombre reconduit en février 2002, avec l’accord de tous les d’homicides délibérés, de prises d’otages et d’actes partis politiques. Le gouvernement n’est en revanche de torture perpétrés par les insurgés maoïstes. Ces pas parvenu à obtenir le soutien nécessaire pour le atteintes aux droits humains s’inscrivaient dans le proroger une nouvelle fois en mai. Après la dissolution cadre de la « guerre populaire » déclarée en 1996 du Parlement, en mai, le roi, agissant sur recomman- par le Parti communiste népalais ( PCN) maoïste, à dation du gouvernement provisoire, a rétabli l’état laquelle le gouvernement a répondu, fin 2001, en d’urgence pour trois mois. Cette mesure n’a pas été instaurant l’état d’urgence et en déployant l’armée renouvelée en août. Ces différentes périodes d’état dans le pays. d’urgence se sont accompagnées de la suspension de plusieurs droits fondamentaux, dont le droit à un Contexte recours en inconstitutionnalité (autre que la procédure L’instabilité politique au niveau tant national que d’habeas corpus), le droit à la liberté de réunion, le local était en partie responsable de l’aggravation de la droit à la liberté de pensée et d’expression et le droit situation des droits humains. Au mois de mai, le de ne pas être placé en détention provisoire sans Premier ministre, Sher Bahadur Deuba, a dissous le motifs suffisants. Parlement et annoncé la tenue d’élections législatives En avril, le Parlement a adopté la Loi relative à la pré- en novembre. En juillet, le gouvernement a remercié vention et à la répression des activités terroristes et les instances locales élues, pour les remplacer par des déstabilisatrices, qui a remplacé l’ordonnance du représentants nommés par ses soins. En octobre, le roi même nom promulguée en 2001. Prévue pour rester Gyanendra Bir Bikram Shah Dev a congédié Sher en vigueur pendant deux ans, la loi limitait certains Bahadur Deuba et décidé d’exercer lui-même le pou- des pouvoirs accordés aux forces de sécurité aux termes voir exécutif. Il a nommé un gouvernement provisoire de l’ordonnance, mais autorisait le placement en composé de personnes connues pour leur fidélité à son détention provisoire pour une durée pouvant atteindre égard, et a remis les élections législatives à une date quatre-vingt-dix jours. Toute personne arrêtée au titre ultérieure non précisée. L’année s’est achevée dans une de cette loi devait être présentée à un tribunal spécial, situation de blocage entre le roi et les partis politiques mais la constitution de ces tribunaux a pris du retard ; traditionnels. dans plusieurs régions, ils n’étaient toujours pas en La « guerre populaire » a vu l’intensification des com- place à la fin de l’année. bats, au cours desquels l’armée et la police auraient subi de lourdes pertes. Les maoïstes conservaient le contrôle Exécutions extrajudiciaires de plusieurs districts du Moyen-Ouest, où des « gou- Les forces de sécurité se sont encore rendues coupables vernements populaires » fonctionnaient parallèlement à d’homicides illégaux. Sur plus de 4 000 « maoïstes » 284 NE officiellement tués depuis novembre 2001, près de la des semaines, voire des mois. Parmi les méthodes de moitié pourraient l’avoir été en marge de toute léga- torture employées figuraient notamment le viol, la tor- lité. Parmi les victimes figuraient des civils soupçonnés ture à l’électricité, la belana (un bambou lesté est roulé d’avoir fourni un hébergement, de la nourriture ou de sur les cuisses de la victime, en lui écrasant les l’argent à des insurgés, ainsi que des membres du PCN muscles), les coups de barre de fer recouverte de plas- (maoïste) tués alors qu’ils auraient pu être arrêtés ou tique et les simulacres d’exécution. qu’ils avaient déjà été faits prisonniers. ✔ Des membres de la Force de police armée ont violé ✔ Trente-cinq ouvriers qui travaillaient sur un chan- Sita Chaudhary et tué son mari lors d’une opération de tier à l’aéroport de Suntharali, dans le district de ratissage menée le 10 septembre à Patariya, un village Kalikot, ont été traînés hors de leurs maisons et de du district de Kailali. Une voisine enceinte et âgée de leurs cabanes, le 24 février, et sommairement exécutés vingt ans, Sri Krishna Devi, aurait elle aussi été violée. par les membres d’une patrouille de l’armée. Les ✔ Arrêté le 20 mai, Krishna Sen, un journaliste connu militaires étaient à la poursuite de militants du PCN pour ses sympathies maoïstes, aurait été torturé au (maoïste) soupçonnés d’avoir participé, le 17 du même Club de la police de Mahendra, à Katmandou. Il serait mois, à Mangalsen (district d’Achham), à une attaque mort en détention au mois de juin. Les autorités ont qui avait fait 56 morts dans les rangs de l’armée. refusé de reconnaître qu’il avait été arrêté et son corps n’a pas été restitué à sa famille. « Disparitions » De nouvelles « disparitions » de personnes arrêtées par Arrestations et détentions arbitraires les forces de sécurité ont été signalées. Depuis la fin de Des milliers de personnes – juristes, étudiants, l’année 2001, on a recensé plus de 150 « dispari- journalistes, enseignants, agriculteurs, entre autres – ont tions ». Cette pratique était favorisée par la Loi relative été arbitrairement arrêtées et placées en détention parce à la prévention et à la répression des activités terro- qu’elles étaient soupçonnées d’appartenance ou de sou- ristes et déstabilisatrices, souvent invoquée pour placer tien au PCN (maoïste). Selon des chiffres officiels rendus des suspects en détention secrète dans des camps mili- publics au mois d’août, 9 900 « maoïstes » avaient été taires, sans contact avec l’extérieur, en toute illégalité interpellés depuis l’instauration de l’état d’urgence, en et pendant des périodes prolongées. novembre 2001, et 1 722 d’entre eux étaient toujours ✔ Cinq étudiants (Bipin Bhandari, Dil Bahadur, en détention. Les comités de coordination de district Ramhari Rupakheti, Shusila Thapa et Nita Gautam) décidaient des personnes à arrêter, à placer en détention accusés par les autorités d’appartenir à l’Union pan- ou à relâcher, bien souvent en fonction de renseigne- nationale révolutionnaire des étudiants libres du Népal ments communiqués par les partis politiques tradition- auraient été arrêtés par la police le 17 juin à nels. Les chefs de district établissaient pour les forces de Katmandou. Les pouvoirs publics ont affirmé ne pas sécurité des mandats d’arrêt vierges. Malgré les dénéga- être au courant de ces arrestations. À la fin de l’année, tions de l’armée, de nombreux éléments indiquaient on restait sans nouvelles de trois des cinq jeunes gens. que, de toute évidence, des personnes étaient détenues ✔ Bishnu Pukar Shrestha, ancien enseignant du au secret et de façon prolongée dans des casernes, géné- secondaire et militant des droits humains, a « disparu » ralement en dehors de tout cadre légal. Les personnes après avoir été arrêté, le 29 juillet, à son domicile du arrêtées en vertu de la Loi relative à la prévention et à la quartier de Thapatali (Katmandou), par des agents des répression des activités terroristes et déstabilisatrices forces de sécurité habillés en civil. Son nom et sa comparaissaient rarement devant un tribunal. photo figuraient sur une liste de dirigeants maoïstes recherchés, qui avait été diffusée quelques mois plus Impunité tôt dans une émission de télévision de l’armée. Une Les victimes de violations des droits humains ne pou- récompense en espèces était offerte à quiconque don- vaient pas obtenir réparation et les pouvoirs publics se nerait des informations permettant de les arrêter dispensaient généralement de l’obligation de rendre « morts ou vifs ». Bishnu Pukar Shrestha, qui a tou- compte de leurs actes. Le plus souvent, le pouvoir jours nié appartenir au PCN (maoïste), a été remis en judiciaire soit n’avait pas son mot à dire, soit ne par- liberté le 16 décembre. Selon les informations venait pas à imposer son autorité et à faire respecter recueillies, l’armée l’a maintenu en détention les yeux l’état de droit. La procédure de l’habeas corpus était bandés pendant près de cinq mois. sans effet dans les affaires de « disparition » ou de détention aux termes de la Loi relative à la prévention Torture et mort en détention et à la répression des activités terroristes et déstabilisa- Des cas de torture par des membres de l’armée, de la trices. La Cour suprême n’a cessé d’ajourner ses déci- police et de la Force de police armée ont été signalés sions sur la dizaine de requêtes en habeas corpus presque quotidiennement. Cette dernière, une unité déposées devant elle depuis la fin de l’année 2001. La de police militaire créée en 2001, était de plus en plus police et l’appareil judiciaire faisaient de l’obstruction souvent accusée d’actes de torture, à mesure que le lorsque des victimes tentaient de porter plainte ou nombre de ses interventions augmentait. L’armée avait demandaient un examen médical dans le but d’inten- pour pratique systématique de laisser les détenus les ter une action au titre de la Loi relative à l'indemnisa- yeux bandés et les mains menottées pendant des jours, tion des victimes de torture. Un fonctionnaire de 285 NI police impliqué dans la mort du journaliste Krishna même que Ram Prasad Subedi et Shobhakar Sharma, Sen a été désigné « policier de l’année ». tous deux du village de Pahalmanpur. ✔ Nawaraj Sharma, rédacteur en chef de l’hebdoma- Sévices sexuels infligés à des réfugiés daire Karnali Sandesh, a été enlevé à son domicile, Des femmes et des enfants vivant dans des camps de dans le district de Kalikot, le 1er juin. Son corps mutilé réfugiés bhoutanais auraient été victimes de sévices a été retrouvé le 13 août. sexuels. Une enquête du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a relevé dans ces camps Commission nationale des droits humains 18 cas d’exploitation et de sévices sexuels imputables à En juin, la Commission nationale des droits humains des membres d’organisations humanitaires ; l’une des a envoyé dans 35 districts des équipes chargées de véri- victimes était une fillette âgée de sept ans. fier les informations qui lui avaient été communiquées concernant des atteintes aux droits humains. Les Exactions perpétrées par le PCN maoïste conclusions ont été communiquées aux autorités et au À l’approche des élections prévues pour le mois de PCN (maoïste) au mois d’octobre. La Commission a novembre, les insurgés maoïstes ont intensifié leurs également formulé des recommandations visant à attaques contre les membres des partis politiques tradi- empêcher les homicides illégaux, les « disparitions », tionnels. Les militants du Parti du Congrès népalais ainsi que les arrestations et les détentions arbitraires. étaient les principales victimes de ces homicides délibé- Aucune des parties n’avait réagi à la fin de l’année. rés et illégaux, mais ceux du Parti communiste népalais (Union marxiste-léniniste) ont été de plus en plus fré- Visites d’Amnesty International quemment pris pour cible. Les maoïstes se sont égale- Des délégués d’Amnesty International se sont rendus ment rendus coupables d’actes de torture sur des au Népal en septembre, en particulier dans les régions prisonniers, ont recruté des enfants et ont enlevé des du Moyen-Ouest et de l’Extrême-Ouest. Ils ont ren- personnes, en soumettant leur libération à la satisfaction contré un certain nombre de responsables de l’armée, de certaines exigences. Ils ont aussi sommairement exé- de la police et de la Force de police armée.◆ cuté des membres des forces de sécurité faits prisonniers lors d’attaques, notamment contre des postes de police. Autres documents d’Amnesty International ✔ Trois membres du Parti du Congrès népalais ont Nepal: A spiralling human rights crisis [Népal. été tués, le 3 septembre, à Ramshikhar Jala et à La crise s’aggrave sur le plan des droits humains] Pahalmanpur, deux villages du district de Kailali, par (ASA 31/016/02). une quarantaine ou une cinquantaine de rebelles Nepal: A deepening human rights crisis [Népal. maoïstes. Jagat Bahadur Shaha, président du comité La situation des droits humains se détériore] de village du Parti du Congrès, a été décapité, de (ASA 31/072/02). NICARAGUA

RÉPUBLIQUE BÉLIZE DU NICARAGUA CAPITALE : Managua SUPERFICIE : 130 000 km2 POPULATION : 5,3 millions CHEF de l’ÉTAT HONDURAS et du GOUVERNEMENT : SALVADOR Arnoldo Alemán Lacayo, remplacé par NICARAGUA Enrique Bolaños Geyer le 10 janvier mer PEINE DE MORT : abolie MANAGUA des océan Lac Antilles COUR PÉNALE Pacifique Nicaragua INTERNATIONALE : Statut de Rome non signé 0 300 km COSTA RICA

286 NI es défenseurs des droits humains ont été en elle et pour sa famille. La juge Méndez était chargée butte à des attaques et à des menaces. La des poursuites engagées contre Arnoldo Alemán et Dpolice nationale a fait un usage excessif de la d’autres personnes pour actes de corruption. Par force contre des manifestants. ailleurs, des attentats à l’explosif ont eu lieu près du domicile de certains députés, qui ont eux aussi reçu Contexte des menaces, apparemment parce qu’ils avaient Élu à la présidence en novembre 2001, Enrique l’intention de voter la levée de l’immunité parlemen- Bolaños est entré en fonction en janvier 2002. Son taire d’Arnoldo Alemán. prédécesseur, Arnoldo Alemán Lacayo, à qui l’accord signé en 1999 avec le parti d’opposition Frente Usage abusif de la force par la police Sandinista de Liberación Nacional (FSLN, Front sandi- La police nationale a eu recours à une force excessive niste de libération nationale) garantissait un siège de contre des manifestants. député, a manœuvré de façon à devenir président de ✔ En février, 12 familles de Mérida, dans la munici- l’Assemblée nationale. palité d’Alta Gracia, sur l’île d’Omepete, ont été Les mesures prises par le nouveau chef de l’État pour expulsées par la police des terres sur lesquelles elles se conformer à son engagement de punir les actes de vivaient depuis plusieurs décennies. Leurs maisons et corruption ont provoqué une crise politique. Les leurs biens ont été détruits par les employés d’un pro- enquêtes menées ont débouché, en août, sur l’inculpa- priétaire foncier qui prétendait que ces terres lui tion d’Arnoldo Alemán et de 13 autres personnes, appartenaient. Un fonctionnaire de justice présent sur entre autres pour détournement de fonds publics, abus place a fait l’objet de vives critiques de la part d’orga- de confiance et blanchiment d’argent. En septembre, nisations de défense des droits humains, qui ont la juge Juana Méndez a statué contre la plupart des dénoncé son refus d’intervenir lors de la destruction. inculpés, dont Arnoldo Alemán, et a ordonné leur pla- Pendant l’expulsion, la police a ouvert le feu, blessant cement en détention. L’ancien chef de l’État a refusé quatre personnes ; certains agents ont également été de renoncer à l’immunité parlementaire qui le proté- blessés lorsque des manifestants ont utilisé des pierres geait des poursuites pénales, mais à l’issue d’une et des bâtons. En mai, huit policiers ont été condam- longue et difficile procédure, celle-ci a finalement été nés à des peines d’emprisonnement pour mise en dan- levée en décembre. Arnoldo Alemán a alors été placé ger d’autrui, abus de pouvoir et coups et blessures. en résidence surveillée. Aucune décision concernant leur appel n’était interve- Le chômage existant dans le secteur agricole n’a fait nue à la fin de l’année.◆ qu’aggraver une situation d’extrême pauvreté à l’ori- gine de la mort de dizaines d’enfants et d’adultes sous- alimentés. Dans le nord du pays en particulier, les autorités n’ont pas su faire face assez rapidement aux besoins des paysans. Un grand nombre d’habitants de zones rurales souffraient de malnutrition.

Des défenseurs des droits humains pris pour cible Des défenseurs des droits humains, des fonctionnaires de justice et des députés ont été agressés et menacés en raison de leurs activités. ✔ Une avocate des communautés indigènes, María Luisa Acosta, a reçu des menaces de mort ; Francisco García Valle, son époux, a été abattu, en avril, à leur domicile de Bluefields, dans la région autonome de l’Atlantique sud. Rien n’a été dérobé dans la maison et on a retrouvé la victime les mains attachées dans le dos. Il était à craindre que María Luisa Acosta n’ait été la véritable cible de cette attaque, qui pourrait être liée à son travail d’avocate. Selon les informations recueillies, la procédure judiciaire entamée a été enta- chée d’irrégularités. Le meurtrier a été identifié mais était toujours en fuite, et les instigateurs présumés ont bénéficié d’un non-lieu. ✔ En septembre, la juge Juana Méndez a reçu par téléphone des menaces de mort anonymes contre elle- même et contre ses enfants. Elle avait déjà été menacée auparavant. Une autre fois, un véhicule lui avait barré la route alors qu’elle se rendait à son travail. Les auto- rités ont mis en place une protection policière pour 287 NI NIGER RÉPUBLIQUE DU NIGER CAPITALE : Niamey LIBYE SUPERFICIE : 1 267 000 km2 POPULATION : 11,6 millions ALGÉRIE CHEF de l’ÉTAT : Mamadou Tandja CHEF du GOUVERNEMENT : NIGER Hama Amadou MALI PEINE DE MORT : abolie Agadez en pratique TCHAD COUR PÉNALE NIAMEY lac INTERNATIONALE : Zinder Tchad Statut de Rome ratifié BURKINA FASO NIGÉRIA BÉNIN 0 600 km

la suite d’une mutinerie de soldats qui a été détenue à deux reprises pendant une courte période au réprimée en août, le président a pris un mois d’août pour avoir critiqué le projet du gouverne- décretÀ restreignant sévèrement la liberté ment de juger les mutins devant une cour martiale. d’expression. Ce décret, qui a motivé ✔ Bagnou Bonkoukou, président de la Ligue nigé- l’arrestation de deux journalistes et de deux rienne de défense des droits de l’homme (LNDDH), a défenseurs des droits humains, a finalement été été arrêté en août et inculpé de diffusion de fausses annulé par la Cour constitutionnelle. nouvelles. Son organisation avait demandé qu’une enquête indépendante soit menée sur la mort des per- Contexte sonnes tuées lors de l’écrasement de la mutinerie. Au Les forces gouvernementales ont mis fin au bout de mois de septembre, Bagnou Bonkoukou a été dix jours à une mutinerie au sein de l’armée, menée en condamné à une peine d’un an d’emprisonnement. Il août par des soldats en garnison dans la ville de Diffa, a bénéficié d’une grâce présidentielle en novembre et située dans le sud-est du pays. Les mutins, qui exi- recouvré la liberté. geaient une augmentation de leur solde, ont pris plu- ✔ Dans une affaire sans lien avec la mutinerie, Morou sieurs otages, notamment un gouverneur civil de la Amadou, président de Croisade, une organisation de région. Cette mutinerie était la première depuis l’élec- défense des droits humains, a été arrêté en avril à tion du président Tandja en 2000, qui a marqué le Birnin N’Gaoure. Il avait tenté de régler un litige fon- retour du pays à un régime civil. En septembre, un cier opposant deux villages. Il a été inculpé d’« outrage décret présidentiel interdisant la diffusion d’informa- à magistrat » et de « jet de discrédit sur une décision de tions susceptibles de « nuire » aux opérations de justice ». Condamné au mois de mai à une peine de défense contre les mutins a été jugé contraire à la dix mois d’emprisonnement, il a toutefois été relâché Constitution. Au mois de novembre, le gouvernement en juillet après qu’une cour d’appel eut annulé l’un a adopté une loi visant à créer une cour martiale pour des chefs d’accusation. juger les mutins arrêtés. Harcèlement de journalistes Défenseurs des droits humains Le décret présidentiel pris en août a permis le même Deux défenseurs des droits humains ont été arrêtés. mois l’interpellation de deux journalistes. L’un d’eux a été condamné à une peine d’emprisonne- ✔ Moussa Kaka, directeur de Radio Saraounya et cor- ment pour avoir exprimé sa préoccupation concernant respondant de Radio France Internationale (RFI), a été la réaction des forces de sécurité face à la mutinerie du retenu pendant dix heures dans les locaux de la gen- mois d’août. darmerie de Niamey, où il a subi un interrogatoire. ✔ Amina Balla Kalto, présidente du Collectif d’orga- ✔ Boulama Ligari, un journaliste de Radio Anfani, une nisations de défense des droits de l’homme (CODDH), station privée, a été interpellé à Diffa et retenu durant qui rassemble un certain nombre d’organisations, a été quatre jours avant d’être relâché sans inculpation 288 NI Détention d’étudiants sans jugement sécurité à Niamey. Ils ont été poursuivis pour leur par- Deux étudiants, Ousmane Abdelmoumine et Chaibou ticipation aux violences, mais ne sont jamais passés en Issa, étaient toujours détenus à la fin de l’année 2002. jugement. Au mois de juillet, les deux étudiants ont Ils avaient été arrêtés en février 2001 après de violents entamé une grève de la faim ; ils ont été hospitalisés affrontements opposant des étudiants aux forces de puis renvoyés en prison.◆ NIGÉRIA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE DU NIGÉRIA NIGER lac Tchad CAPITALE : Abuja SUPERFICIE: 923 768 km2 TCHAD POPULATION: 120 millions BÉNIN NIGÉRIA CHEF de l’ÉTAT et du GOUVERNEMENT: Olusegun Obasanjo ABUJA PEINE DE MORT: maintenue COUR PÉNALE Lagos INTERNATIONALE: Warri Statut de Rome ratifié CAMEROUN Yenagoa Zone RÉPUBLIQUE de conflit CENTRAFRICAINE golfe de Guinée 0 400 km

a législation pénale fondée sur la charia sont rendus coupables d’arrestations illégales, (loi islamique), qui a été progressivement d’actes de torture et de « disparitions ». Dans Lintroduite depuis 1999 dans 12 États du nord la région du delta du Niger, des mouvements du Nigéria, a été appliquée tout au long de de protestation pacifiques organisés par l’année. Une personne a été exécutée pour des femmes devant les locaux de compagnies meurtre après avoir été condamnée à mort pétrolières ont été réprimés par l’armée en 2001 par un tribunal islamique de Katsina. et la police mobile paramilitaire, qui ont fait Au cours de l’année 2002, au moins cinq un usage excessif de la force. personnes ont été condamnées à mort en vertu de cette législation et des châtiments corporels Contexte (amputation de la main ou flagellation), ont été Cette année a été marquée par de nouvelles violences infligés dans au moins trois cas. Trois personnes intercommunautaires qui se sont soldées par des cen- se sont vu condamner à la peine capitale par des taines de morts lors d’affrontements entre ethnies ou hautes cours. Les forces de sécurité ont continué groupes religieux différents dans les États du Plateau, d’agir en toute impunité. Aucune inculpation de Taraba, de Kaduna, de Lagos et du Delta, ainsi n’a été prononcée à la suite de l’exécution que dans d’autres États. La Commission nationale extrajudiciaire de civils par l’armée dans les États électorale indépendante a annoncé que des élections de Bayelsa et de Benue, tués respectivement législatives et présidentielle allaient avoir lieu entre le en 1999 et en 2001. Des dizaines de suspects 12 avril et le 3 mai 2003. En août, la Chambre fédé- de droit commun ont été torturés par la police ; rale des représentants a adopté une motion conseillant d’après certaines informations, deux personnes au président Olusegun Obasanjo de se démettre de ses au moins seraient mortes sous la torture pendant fonctions, faute de quoi il ferait l’objet d’une procé- leur détention. Au moins cinq personnes ont été dure de destitution et devrait répondre d’une série tuées illégalement par la police. Des groupes d’accusations, notamment de corruption et violation d’autodéfense soutenus par les autorités de la Constitution. La situation dans la région du ont commis des centaines d’exécutions delta, riche en pétrole, s’est dégradée ; des femmes ont extrajudiciaires dans le sud-est du pays, et se occupé plusieurs terminaux pétroliers en exigeant des 289 NI emplois ainsi qu’une indemnisation appropriée pour dans d’autres États du nord du Nigéria. Au moins les terrains acquis par les compagnies pétrolières et les trois peines de flagellation ou d’amputation ont été dommages causés à l’environnement par ces dernières. exécutées dans les États de Zamfara et de Bauchi. La plupart des personnes condamnées aux termes des Peine de mort nouvelles dispositions législatives en matière pénale Au moins trois personnes ont été condamnées à mort étaient issues de milieux économiquement défavorisés. par des hautes cours ; le 27 mai, la Cour suprême a Dans la majorité des cas, les normes internationales confirmé les quatre condamnations à la peine capitale relatives à l’équité des procès, qui prévoient notam- prononcées par une haute cour de l’État d’Abia en 1999. ment le droit pour l’accusé d’être défendu par un avo- Aucune des condamnations prononcées en vertu des cat, n’ont pas été respectées. À plusieurs reprises, des codes pénaux non fondés sur la charia n’a été exécutée. peines de flagellation ou d’amputation ont été exécu- La législation pénale de la charia, qui prévoit que les tées, aussi bien dans des villes que dans des villages, rapports sexuels hors mariage et le meurtre sont obli- dans les heures qui ont suivi le prononcé de la peine. gatoirement passibles de la peine de mort, a continué En mars, le procureur général et ministre de la Justice d’être appliquée dans certains États du nord du a adressé une lettre aux gouverneurs des 12 États ayant Nigéria. Une personne a été exécutée pour meurtre, et adopté un code pénal islamique pour leur notifier que au moins cinq condamnations à mort ont été pronon- ces nouveaux codes étaient contraires à la Constitution cées par des tribunaux islamiques dans les États de en ce qu’ils introduisaient des discriminations fondées Bauchi, de Katsina, de Jigawa et du Niger pour des sur l’appartenance religieuse. Le ministre précisait : infractions liées au comportement sexuel. « Un musulman ne peut faire l’objet d’une peine plus ✔ Sani Yakubu Rodi, un homme de vingt-sept ans, a sévère que celle susceptible d’être prononcée contre été exécuté par pendaison le 3 janvier à la prison de d’autres Nigérians coupables de la même infraction ». Kaduna, après expiration du délai légal de trente jours Toutefois, le gouvernement fédéral n’a pris aucune pour interjeter appel de la sentence. Il avait été mesure en vue de modifier la nouvelle législation en reconnu coupable en novembre 2001 par un tribunal matière pénale ni pour en empêcher l’application. islamique de Katsina du meurtre d’une femme et de ✔ Mohammed Naila, juge dans un tribunal islamique de ses deux enfants. l’État de Zamfara, s’est vu infliger en public 80 coups de ✔ Amina Lawal, âgée de trente ans, a été déclarée cou- baguette le 18 janvier. Il avait été reconnu coupable de pable d’adultère par un tribunal islamique de Bakori consommation d’alcool par une haute cour islamique de (État de Katsina) et condamnée le 22 mars à la peine Kaura Namoda (État de Zamfara). de mort par lapidation. Elle aurait avoué, lors de son procès en première instance, avoir eu un enfant alors Homicides, actes de torture et brutalités qu’elle était divorcée. Le 19 août, la Cour d’appel isla- commises par la police mique de Funtua (État de Katsina) a confirmé la sen- À travers tout le pays, la multiplication des opérations tence capitale. Le recours déposé par Amina Lawal menées par la police fédérale pour juguler la crimina- devant la haute cour d’appel islamique de Katsina lité s’est soldée par un certain nombre d’exécutions n’avait pas encore été examiné à la fin de l’année. Le extrajudiciaires, de morts en détention, d’actes de tor- cas d’Amina Lawal a donné lieu à une campagne inter- ture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants nationale menée par plusieurs organisations non gou- dans les centres de détention de la police. Dans la plu- vernementales, dont Amnesty International, qui part des cas, les policiers responsables n’ont pas été entendaient dénoncer les sentences capitales et les déférés à la justice. peines cruelles, inhumaines et dégradantes prononcées ✔ Ndudiri Onyekwere, un étudiant de vingt-huit ans, par les tribunaux islamiques dans le nord du Nigéria. a été arrêté par la police le 11 juin à Onitsha (État ✔ Le 25 mars, la cour d’appel islamique de l’État de d’Anambra) puis conduit au poste de police d’Alausa. Sokoto a ordonné l’acquittement de Safiya Yakubu L’un de ses amis l’avait accusé de vol. Ndudiri Hussaini, qui encourait la peine de mort par lapida- Onyekwere est mort six jours plus tard, après son tion. Cette femme avait été condamnée à mort au transfert dans les locaux de la Brigade spéciale de mois d’octobre 2001 par un tribunal islamique de répression des vols, à Panti. Selon le témoignage de sa Gwadabawa (État de Sokoto). famille, il a été transporté le 17 juin à l’hôpital général d’Ikeja après s’être plaint de douleurs au ventre, et Châtiments cruels, inhumains et dégradants c’est là qu’il est mort quelques heures plus tard. Les tribunaux islamiques ont condamné plusieurs per- D’après le rapport d’autopsie, le jeune homme avait sonnes à des peines cruelles, inhumaines et dégra- été violemment battu et sa mort était due « à un choc dantes. Des dizaines de personnes ont été condamnées traumatique consécutif à de multiples blessures au niveau à des peines d’amputation de la main après avoir été des parties molles et du squelette ». accusées de vol ou de vol à main armée, ou bien à des peines de flagellation pour fornication, consommation Brutalités et homicides perpétrés d’alcool ou d’autres infractions. Ces sentences ont été par les groupes d’autodéfense prononcées dans les États de Sokoto, de Zamfara, de Des personnes prétendument coupables de délits de Kano, de Kebbi, de Bauchi, de Kaduna, de Jigawa et droit commun ont été victimes de groupes d’autodé- 290 NI fense, actifs surtout dans le sud et le sud-est du pays, Les massacres d’Odi et de Benue qui se sont rendus coupables d’homicides, d’actes de Personne n’a été déféré à la justice pour la mort de torture, de traitements cruels, inhumains ou dégra- plus de 250 civils non armés, tués lors d’une incursion dants, d’incarcérations illégales et de « disparitions ». de l’armée en 1999 dans la ville d’Odi (État de Certains de ces groupes avaient reçu le soutien tacite Bayelsa), ni pour celle de plus de 200 civils tués dans ou officiel des gouvernements des États pour assumer l’État de Benue en 2001. Le gouvernement fédéral n’a un rôle de maintien de l’ordre. présenté aucune excuse officielle pour ces deux mas- Au cours de l’année, des dizaines de personnes ont été sacres, et ni les victimes ni les familles des personnes exécutées de façon extrajudiciaire dans l’État tuées n’ont été indemnisées. d’Anambra par l’Anambra Vigilante Service (AVS, Une commission d’enquête judiciaire composée de dix Service d’autodéfense d’Anambra), un groupe d’auto- membres et mise sur pied par le gouvernement fédéral a défense reconnu officiellement aux termes d’une loi commencé de siéger en mai. Elle avait pour mandat adoptée en 2000 par le Parlement de cet État. Le d’enquêter sur les causes des violences intercommunau- 24 septembre, après avoir attaqué les locaux de l’AVS à taires qui s’étaient déroulées dans les États de Nassarawa, Onitsha (État d’Anambra) et dans les environs, des de Plateau, de Benue et de Taraba, et de définir des stra- agents de la police mobile ont découvert cinq centres tégies susceptibles de restaurer durablement la paix. Le de détention illégaux à Ihala, à Nnewi, à Onitsha, à mandat de la commission ne précisait pas explicitement Awka et à Ekulubia. Au moins 100 membres de ce si celle-ci était habilitée à enquêter sur l’implication des groupe ont été arrêtés, avant d’être relâchés sans incul- forces armées dans le massacre de Benue. pation. Des groupes d’autodéfense soutenus par les La Commission d’enquête sur les violations autorités se sont également rendus coupables d’exécu- des droits humains tions extrajudiciaires, d’actes de torture et d’incarcéra- La Commission d’enquête sur les violations des droits tions illégales dans les États d’Abia et d’Imo. humains, connue sous le nom de Commission Oputa, ✔ Le 5 février, au moins 10 personnes ont été tuées en mise en place en juin 1999 pour enquêter sur les viola- public par des membres de l’AVS armés de machettes tions des droits humains commises entre 1966 et mai sur le marché central d’Onitsha et dans d’autres 1999 (date du retour à un régime civil), a remis son rap- endroits de la ville. port final au président Obasanjo en mai. Le rapport n’a ✔ Le 10 avril, une délégation d’Amnesty International pas été rendu public et le gouvernement a refusé de a vu des membres de l’AVS qui tentaient de brûler vif révéler comment il entendait mettre en œuvre les un homme dans l'enceinte du palais du gouvernement recommandations formulées par la Commission. de l'État d'Anambra. Le gouvernement de l’État d’Anambra a refusé de s’expliquer sur cette affaire, et il Intérêts économiques et droits humains n’a fourni aucune information quant à l’identité de dans le delta du Niger l’homme et au sort qui lui a été réservé par la suite aux Les tensions ne cessaient de croître dans la région du mains de ce groupe d’autodéfense. delta, riche en pétrole. Les compagnies pétrolières et le gouvernement fédéral ont été la cible de mouvements Violences politiques de protestation massifs qui entendaient dénoncer les Des voix se sont élevées un peu partout dans le pays atteintes à l’environnement, l’absence d’indemnisation pour dénoncer des homicides et des manœuvres de har- et le manque d’aide au développement des commu- cèlement et d’intimidation à caractère politique, dans nautés locales. Le déploiement permanent des forces lesquels seraient impliqués des fonctionnaires des auto- armées et des troupes de la marine chargées de proté- rités locales et fédérales et des membres de partis poli- ger les compagnies pétrolières contre les « saboteurs » a tiques. Les violences politiques ont été particulièrement entraîné une série d’affrontements entre les militaires nombreuses dans les États d’Ebonyi et de Bayelsa. et des étudiants, des jeunes et des militants locaux. Treize personnes ont été arrêtées à la suite de l’assassinat ✔ Le 8 août, plusieurs centaines de femmes des ethnies en 2001 de Bola Ige, ministre de la Justice et procureur ijaw, itsekiri et urhobo ont organisé une manifestation général de la République. Elles ont été inculpées de pacifique devant le siège administratif des compagnies meurtre et de complicité de meurtre en octobre. pétrolières Shell et Chevron-Texaco à Warri (État du ✔ Le 1er septembre, Barnabas Igwe, président de Delta). Certaines de ces femmes, qui ont déclaré que la l’Ordre des avocats nigérians de l’État d’Anambra, et manifestation avait été violemment dispersée par les sol- sa femme ont été tués par un groupe de personnes dats et les agents de la police mobile, présentaient des armées de machettes. Barnabas Igwe s’était publique- plaies et des hématomes causés, selon leurs témoignages, ment opposé aux groupes d’autodéfense soutenus par par les policiers et les militaires qui les auraient battues, l’État d’Anambra, et il avait ouvertement critiqué le fouettées et frappées à coups de pied. gouverneur de l’État. ✔ En juin, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a rendu publique sa décision Impunité sur l’accusation portée en 1993 par un groupe nigérian Cette année encore, les autorités n’ont pris aucune de défense des droits humains contre le gouvernement mesure pour traduire en justice les auteurs présumés fédéral, relative à la violation des droits du peuple de violations des droits humains. ogoni dans l’État de Rivers. La Commission a estimé 291 NO que le gouvernement nigérian avait violé plusieurs articles Autres documents d’Amnesty International de la Charte africaine des droits de l’homme et des Nigéria. Baobab for Women’s Human Rights et Amnesty peuples. Elle a exhorté le gouvernement à interdire aux International. Déclaration conjointe sur forces de sécurité nigérianes toute attaque contre les com- l’application des nouveaux codes pénaux fondés sur la munautés ogoni et leurs dirigeants, à enquêter sur les charia (loi islamique) dans le nord du Nigéria atteintes aux droits humains commises dans cette zone, à (AFR 44/008/02). indemniser correctement les victimes de violations – en Nigéria. Des délégués d'Amnesty International ont été prodiguant notamment une aide à la réinstallation et en témoins d'une tentative d'exécution sommaire commise nettoyant les terres et les cours d’eau pollués par les opé- par une milice de l'État d'Anambra (AFR 44/009/02). rations liées à l’exploitation pétrolière –, à veiller à ce Nigeria: Vigilante violence in the south and qu’une évaluation adéquate de l’impact social et écolo- the south-east [Nigéria. La violence des groupes gique des opérations d’extraction soit menée dans la pers- d’autodéfense dans le Sud et le Sud-Est] pective de tout futur projet d’exploitation pétrolière, et à (AFR 44/014/02). fournir des informations sur les risques pour la santé et Nigéria. La peine de mort par lapidation prononcée l’environnement inhérents à ces opérations. contre Amina Lawal a été confirmée (AFR 44/017/02). Nigéria. Amina Lawal : le double langage du Visites d’Amnesty International gouvernement nigérian (AFR 44/022/02). Au mois de mars, une délégation d’Amnesty Nigeria: Security forces: Serving to protect and respect International a rencontré des responsables du gouver- human rights? [Nigéria. Les forces de sécurité nement et entrepris des recherches à Lagos, à Abuja et contribuent-elles à la protection et au respect des dans le sud-est du Nigéria. En octobre, des délégués droits humains ?] (AFR 44/023/02). de l’organisation ont mené des recherches à Lagos et Nigéria. Intimidation des défenseurs des droits humains dans la région pétrolière du delta du Niger.◆ (AFR 44/025/02). NOUVELLE-ZÉLANDE NOUVELLE-ZÉLANDE océan CAPITALE : Wellington Pacifique

2 SUPERFICIE: 270 534 km Île du Nord (île Fumante) POPULATION: 3,8 millions Auckland CHEF de l’ÉTAT: Elizabeth II, NOUVELLE- représentée par Silvia Cartwright détroit de Cook CHEF du GOUVERNEMENT : Helen Clark ZÉLANDE WELLINGTON PEINE DE MORT: abolie Christchurch COUR PÉNALE Île du Sud INTERNATIONALE: (île de Jade) Statut de Rome ratifié

0 600 km

n policier accusé d’homicide volontaire dans Une nouvelle loi relative aux droits humains l’affaire des coups de feu meurtriers tirés est entrée en application. parU la police en 2000 a été acquitté en décembre. La Haute Cour a considéré que le placement en Contexte détention, depuis septembre 2001, de En janvier, la Loi de 2001 portant modification de la loi pratiquement tous les demandeurs d’asile était relative aux droits humains est entrée en vigueur. Cette contraire aux normes tant nationales loi a entraîné une réorganisation de la Commission des qu’internationales relatives aux droits humains. droits humains et permis l’introduction, tant au niveau 292 NO des politiques des organismes gouvernementaux que ment en détention des demandeurs d’asile. Le rapport de leurs pratiques, de nouvelles garanties contre toute étudiait les conséquences du changement de politique discrimination fondée sur l’âge, les handicaps ou intervenu depuis septembre 2001, en vertu duquel l’orientation sexuelle. Le gouvernement a augmenté le pratiquement tous les demandeurs d’asile arrivant en budget de financement de la Commission, qui devait Nouvelle-Zélande étaient placés en détention. Au notamment servir à élaborer un Plan d’action national cours des deux années précédentes, cela avait été le cas visant à recenser les priorités dans la mise en œuvre de de seulement 5 p. cent des personnes en quête d’asile. mesures de protection des droits humains, dans le Critiquant l’absence de garanties en matière de droits cadre de ladite loi. humains dans les procédures de placement en déten- En juillet, le Comité des droits de l’homme des tion, le rapport recommandait que les enfants et les Nations unies s’est félicité de ce que les tribunaux néo- personnes vulnérables, notamment les victimes de tor- zélandais, lorsqu’ils statuaient sur les affaires dont ils tures et de traumatismes, ne soient pas mis en déten- étaient saisis, tenaient compte des obligations interna- tion et que, pour les autres, le placement en détention tionales contractées par le pays en matière de défense ne soit qu’une mesure à caractère exceptionnel, respec- des droits humains, ainsi que des Observations géné- tueuse des principes du HCR. rales du Comité. Cependant, le Comité notait avec Par la suite, ayant à se prononcer sur les conclusions préoccupation qu’il n’existait apparemment pas de de ce rapport, la Haute Cour a rendu deux arrêts « surveillance au jour le jour » du traitement des prison- importants concernant la détention des demandeurs niers et du respect du droit international dans une pri- d’asile en Nouvelle-Zélande, dans le cadre de l’applica- son dont la gestion et les services d’escorte des détenus tion du droit national et international relatif aux réfu- avaient été confiés à une société privée. Le Comité a giés. En mai, cette juridiction a estimé que les en outre constaté que la nouvelle politique adoptée en demandeurs d’asile détenus étaient en droit de deman- matière de détention des demandeurs d’asile ne pre- der leur libération sous caution et que dans la quasi- nait peut-être pas pleinement en considération les totalité des cas leur « placement en détention systéma- obligations contractées par le pays aux termes du Pacte tique », tel que pratiqué en vertu de la nouvelle poli- international relatif aux droits civils et politiques. tique gouvernementale, n’était certainement pas Les résultats des élections de juillet ont conduit la nécessaire. En juin, la Haute Cour a considéré qu’une Première ministre, Helen Clark, à former un nouveau directive portant sur les modalités de détention des gouvernement de coalition. demandeurs d’asile était contraire à la loi en ce qu’elle n’était pas conforme au droit national et international Procédure judiciaire relative aux coups de feu relatif aux réfugiés. Cette directive avait été prise en tirés par la police septembre 2001 par le Service d’immigration de la En février, deux juges d’un tribunal d’instance n’ont Nouvelle-Zélande dans le cadre de la nouvelle poli- pas retenu l’accusation de meurtre portée contre un tique gouvernementale. policier qui, en 2000, avait tué Steven Wallace à Au cours des mois qui ont suivi cet arrêt, les autorités Waitara. Les éléments de preuve produits au tribunal ont continué de placer en détention pratiquement par la police ont montré que le policier ne s’était pas tous les nouveaux demandeurs d’asile, au motif, conformé à la procédure normalement appliquée en semble-t-il, que leur identité restait à établir et qu’il pareil cas, mais le tribunal a considéré que le policier était donc impossible de savoir s’ils n’allaient pas com- avait agi en état de légitime défense. Toutefois, le pré- mettre une infraction ou s’évanouir dans la nature. sident de la Cour suprême a jugé en juin que l’accusa- Le gouvernement a fait appel de l’arrêt de la Haute tion de meurtre devait être examinée en Haute Cour Cour. L’examen du recours, commencé en novembre, par un jury. Le policier a été acquitté en décembre. se poursuivait à la fin de l’année.◆

Réfugiés et demandeurs d’asile Le gouvernement a réinstallé un très grand nombre de personnes reconPnues en tant que réfugiés par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfu- giés (HCR) et qui cherchaient à entrer en Australie. Elles se trouvaient dans un centre de détention situé dans le Pacifique et financé par les autorités austra- liennes. En mai, un rapport établi conjointement par le Refugee Council of New Zealand (Conseil néo-zélandais pour les réfugiés) et la Human Rights Foundation of Aotearoa New Zealand (Fondation des droits humains d’Aotearoa – Nouvelle-Zélande) a constaté que les res- ponsables officiellement chargés de traiter les dossiers de demande d’asile ignoraient les dispositions législa- tives nationales et internationales régissant le place- 293 OU OUGANDA RÉPUBLIQUE DE L’OUGANDA CAPITALE : Kampala SUPERFICIE: 241 038 km2 POPULATION: 24,8 millions CHEF de l’ÉTAT: Yoweri Museveni CHEF du GOUVERNEMENT : Apollo Nsibambi PEINE DE MORT: maintenue COUR PÉNALE INTERNATIONALE: Statut de Rome ratifié

es civils ont été tués par des membres des Les relations entre l’Ouganda et le Soudan ont conti- forces de sécurité dans le cadre d’une nué de s’améliorer au fil des mois, pour aboutir finale- Dnouvelle opération conjointe visant à lutter ment à un accord prévoyant le plein rétablissement contre la criminalité. Des civils arrêtés lors de des relations diplomatiques entre les deux pays. cette opération risquaient d’être déférés devant Plusieurs milliers d’Ougandais vivant en Tanzanie ont des juridictions militaires. Des soldats auraient été expulsés de ce pays en 2001 et renvoyés en commis des violations des droits humains Ouganda parce qu’ils n’auraient pas voté pour le parti au cours d’une opération de désarmement au pouvoir en Tanzanie lors des élections d’octobre conduite dans le nord-ouest du pays. Au moins 2000. En 2002, le gouvernement ougandais a entre- 24 personnes ont été condamnées à mort, pris de les réinstaller, certains dans le district de Rakai et deux soldats ont été exécutés. Cette année et d’autres dans un camp proche du poste frontalier de encore, la police a fait un usage excessif de la Katuna, à la frontière avec le Rwanda. force contre des journalistes. Une nouvelle loi Le président Museveni a fait savoir que son pays sou- a restreint les activités des partis politiques. tenait sans réserve la coalition internationale mise sur En 2002, la Lord’s Resistance Army (LRA, pied par les États-Unis au nom de la lutte contre le Armée de résistance du Seigneur), un groupe « terrorisme ». La Loi relative à la répression du terro- d’opposition armé, a multiplié les exactions, risme votée au mois de mars a permis, en se fondant alors que les violences imputables à d’autres sur une définition très large du « terrorisme », de doter groupes armés ont été moins nombreuses les responsables de l’application des lois de pouvoirs que les années précédentes. extraordinaires en vertu desquels, dans le cadre de leur mission de surveillance des « terroristes » présumés, ils Contexte pouvaient notamment avoir accès aux comptes ban- Une commission parlementaire chargée d’enquêter sur caires et contrôler les communications. les violences survenues lors des élections législatives et présidentielle de 2001 a conclu que 17 personnes Violations commises par les forces de sécurité avaient été tuées pendant cette période. La commis- Une nouvelle force de sécurité conjointe a été créée en sion a recommandé qu’une information judiciaire soit juin pour juguler la criminalité violente à Kampala et ouverte contre les membres des forces de sécurité mis dans les villes voisines. Les services de renseignements, en cause dans son rapport pour s’être livrés à des actes la police et l’armée ont été appelés à collaborer dans le de terreur et d’intimidation contre des candidats de cadre de l’opération Wembley. Les policiers et les sol- l’opposition aux législatives et leurs sympathisants. Le dats auraient été autorisés à tirer à vue sur les délin- rapport n’a pas fait l’objet d’un débat parlementaire au quants, ce qui a entraîné une hausse spectaculaire du cours de l’année. nombre de personnes tuées par les forces de sécurité. 294 OU Les personnes arrêtées dans le cadre de l’opération qu’ils se rendaient de Moroto à Kotido. Le 25 mars, Wembley étaient détenues sans inculpation et triées en les deux soldats ont été passés par les armes après fonction du type de juridiction, civile ou militaire, avoir été jugés par une cour martiale réunie en susceptible d’être saisie de leur dossier. Sur les urgence ; l’audience n’aurait duré que deux heures et quelque 450 suspects appréhendés jusqu’en trente-six minutes, empêchant qu’une enquête novembre, environ 200 devaient, semble-t-il, être exhaustive soit menée sur les circonstances de la mort jugés par des tribunaux de l’armée composés d’offi- de ces trois personnes. ciers militaires de haut rang. ✔ Le 16 septembre, des soldats ont fait irruption Liberté d’expression dans la prison centrale de Gulu, dans le nord de Les dispositions législatives visant à restreindre la l’Ouganda, pour emmener 21 prisonniers que, selon liberté de la presse se sont multipliées. La nouvelle Loi eux, la LRA avait l’intention de « secourir ». L’un des antiterroriste prévoyait de lourdes peines, pouvant prisonniers, Peter Oloya, un militant d’opposition, a aller jusqu’à dix ans d’emprisonnement, pour tout été tué dans l’enceinte de la prison, victime de ce qui journaliste accusé d’encourager le « terrorisme ». Les semblait être une exécution extrajudiciaire. Les journalistes risquaient d’être considérés comme « ter- 20 autres prisonniers ont été conduits dans la caserne roristes » dès lors qu’ils critiquaient la politique du de Gulu, où ils ont été détenus au secret jusqu’à la gouvernement à l’égard des groupes d’opposition mi-novembre, avant d’être transférés dans la prison de armés qualifiés de « terroristes » en vertu de la nouvelle Kigo à Kampala. législation. Un projet de loi à l’étude au Parlement prévoyait de Violences dans la région de Karamoja limiter de façon abusive les activités des organisations Dans l’est du pays, de nouvelles initiatives ont été non gouvernementales, ce qui constituerait une prises pour tenter de ramener la paix entre les commu- atteinte à la liberté d’association. nautés pastorales des districts de Moroto et de Kotido, La police a continué de faire un usage abusif de la situés dans la région de Karamoja, où l’insécurité et les force contre les journalistes. vols de bétail faisaient depuis longtemps partie de la ✔ En février, un membre de la police militaire a battu vie quotidienne. Les personnes détenant illégalement un reporter photographe de New Vision lors d’une des armes ont été appelées à les rendre volontairement expulsion opérée à Kampala. avant la date butoir du 15 février. Au cours de la ✔ Le journal The Monitor a fait l’objet d’une descente période qui a suivi, une campagne de désarmement de police avant d’être fermé pendant une semaine en forcé et d’arrestations menée par l’armée a été mar- octobre pour avoir publié un article affirmant qu’un quée, semble-t-il, par un certain nombre d’homicides, hélicoptère de l’armée avait été abattu dans le nord du ainsi que par des actes de pillage et des passages à tabac pays, où les militaires affrontaient les rebelles de la de civils à Moroto. Les soldats auraient reçu du chef LRA. L’auteur de l’article, Frank Nyakairu, a été arrêté d’état-major de l’armée l’ordre d’abattre tout guerrier et accusé d’avoir publié de fausses nouvelles « de karamojong qui tirerait sur eux. nature à susciter la peur et à alarmer la population ». ✔ L’armée a fait savoir qu’une enquête allait être ouverte sur des faits survenus le 8 mars à Kotido, au Harcèlement de l’opposition cours desquels deux hommes ont été tués et une Une nouvelle loi limitant les activités des partis et des femme enceinte a fait une fausse couche après avoir organisations politiques a été adoptée en mai. Au mois été, semble-t-il, battue et torturée par des soldats parti- de juin, sous la houlette du Democratic Party (DP, Parti cipant à l’opération de désarmement. démocrate), des membres de l’opposition ont déposé ✔ Le 4 mai, 20 Karamojong et deux soldats ont été une requête pour dénoncer le caractère anticonstitution- tués au cours d’un affrontement, après que des bergers nel de cette loi dont les dispositions, visant à restreindre karamojong eurent apparemment attaqué une autre les droits des formations politiques, ne s’appliquaient pas communauté pour lui voler son bétail. de la même façon au parti au pouvoir. ✔ Le 12 janvier, un rassemblement du Uganda Peine de mort People's Congress (UPC, Congrès du peuple ougandais) Au moins 24 personnes ont été condamnées à la peine devait se tenir sur la Place de la Constitution à capitale, ce qui portait, fin 2002, à 354 le nombre Kampala. La police ayant arrêté James Rwanyarare, total des condamnés à mort. Aucun civil n’a été exé- dirigeant de l’UPC, avant le rassemblement, des affron- cuté. Deux soldats ont été exécutés après avoir été tements avec la foule ont eu lieu devant le siège du condamnés par une juridiction militaire à l’issue d’un mouvement. Les forces de l’ordre ont tiré à balles procès qui n’a pas respecté les normes internationales réelles, tuant un jeune journaliste stagiaire, Jimmy d’équité. Des officiers militaires de haut rang auraient Ojotre Higenyi. Les policiers impliqués dans cet déclaré que l’armée était en droit de recourir aux exé- homicide ont été arrêtés, puis libérés sous caution cutions capitales à titre de sanction disciplinaire. policière. Une enquête de police a été ouverte, mais ✔ Michael Declan O’Toole, prêtre à Panyangara, aucune information n’a été rendue publique quant à dans le comté de Jie, son chauffeur et son cuisinier ses conclusions. La famille de Jimmy Ojotre Higenyi a auraient été tués le 22 mars par deux soldats alors engagé des poursuites contre l’État. 295 OU Persécution des minorités sexuelles et enlevant un certain nombre de personnes dans le Les discriminations ont continué envers les lesbiennes, nord de l’Ouganda et dans le sud du Soudan. En les gays et les personnes bisexuelles et transgenre, et les juillet, le président Museveni a accepté d’engager des lois discriminatoires visant les gays et les lesbiennes pourparlers avec la LRA, tout en insistant sur le fait que étaient toujours en vigueur. Au mois de mars, alors le gouvernement ne renonçait pas à l’action militaire qu’il s’adressait aux chefs de gouvernement du contre ce mouvement. Commonwealth réunis en Australie, le président En août, cédant aux pressions exercées par des diri- Museveni a déclaré que le succès relatif du combat geants ecclésiastiques, le président Museveni a écrit à mené par son pays contre le sida était dû à l’absence Joseph Kony afin de lui faire part des conditions d’homosexuels en Ouganda. Le 30 août, le ministre de posées par le gouvernement pour un éventuel accord l’Éthique et de l’Intégrité a ordonné à la police d’arrê- de paix, exigeant notamment que les forces rebelles ter les homosexuels et de les poursuivre en justice. Les acceptent de rester cantonnées dans trois zones du sud agents des forces de sécurité ont continué tout au long du Soudan et qu’elles décrètent un cessez-le-feu. La de l’année de harceler les minorités sexuelles, et plu- LRA a rejeté ces conditions et, le 24 août, elle a pro- sieurs personnes ont été arrêtées en raison de leur clamé un « cessez-le-feu unilatéral » sous réserve que orientation sexuelle. l’armée renonce à attaquer ses positions. Le gouverne- ✔ En décembre, la police a arrêté, puis relâché sous ment a refusé. Peu après, la LRA a rompu le cessez-le- caution policière, un membre important d’une asso- feu qu’elle avait elle-même décidé, et le président ciation de gays et de lesbiennes qui s’était présenté Museveni s’est rendu à Gulu pour diriger personnelle- dans un poste de police pour s’enquérir du sort de ment une offensive militaire, dont l’objectif déclaré deux membres de l’association interpellés, semble-t-il, était de détruire les camps de la LRA et de porter en raison de leur orientation sexuelle. secours aux enfants enlevés. Front de salut national de l'Ouganda II Groupes politiques armés Basés au Soudan depuis 1997, un millier de combat- Aux termes de la Loi relative à la répression du terro- tants du groupe politique armé Uganda National risme, plusieurs mouvements rebelles ont été qualifiés Rescue Front II (UNRF II, Front de salut national de de « terroristes ». Cette loi prévoyait de lourdes peines, l'Ouganda II) sont retournés en Ouganda au mois y compris la peine de mort, pour les « terroristes », d’avril, avec leur famille. À l'issue de négociations entre leurs sympathisants et leurs commanditaires. Tout au le gouvernement et le dirigeant de ce mouvement, long de l’année 2002, d’anciens rebelles qui avaient le général de division Ali Bamuze, l’UNRFII a remis bénéficié d’une mesure de grâce aux termes de la Loi 135 enfants soldats entre les mains du Fonds des d’amnistie ont été à nouveau arrêtés en vertu de la Loi Nations unies pour l’enfance (UNICEF). Le 22 juin, le relative à la répression du terrorisme. gouvernement et l’UNRF II ont signé un accord formel Armée de résistance du Seigneur de cessez-le-feu dans le nord-ouest de l’Ouganda. Au mois de juin, la LRA a entrepris de nouvelles incur- L’UNRF II a vu le jour en 1996 à la suite d’une scission sions dans le nord de l’Ouganda à partir du Soudan, avec le West Nile Bank Front (WNBF, Front de la rive provoquant une augmentation considérable de l’insé- occidentale du Nil), aujourd’hui pratiquement disparu. curité et obligeant les organisations d’aide humanitaire Front démocratique allié à réduire nombre de leurs activités. Les principales Les actions armées du groupe Allied Democratic Forces villes de la région, notamment Kitgum, Gulu et Pader, (ADF, Front démocratique allié) ont été moins nom- ont vu affluer un grand nombre de personnes dépla- breuses du fait des opérations lancées par l’armée et de cées en quête d’un lieu sûr. En mars, l’Ouganda et le la proposition d’amnistie limitée faite par le gouverne- Soudan ont signé un protocole autorisant les soldats ment aux rebelles acceptant de déposer les armes. À ougandais à pénétrer dans le sud du Soudan pour Kasese, plus de 500 combattants armés de l’ADF se pourchasser les rebelles de la LRA. sont rendus afin de bénéficier de la Loi d’amnistie. Au ✔ En mai, la LRA aurait tué plus de 470 habitants de début de l’année, l’armée aurait capturé un haut res- villages situés dans les monts Imotong. ponsable de l’ADF et en aurait tué deux autres. ✔ Début juillet, la LRA a attaqué un camp de réfugiés Le comportement de l’armée lors des opérations installé dans le district d’Adjumani, et elle a, le 26 du menées contre l’ADF a suscité un certain nombre de même mois, tué 42 civils. préoccupations. Un groupe local de défense des droits ✔ Le 5 août, la LRA s’est attaquée à un camp de réfu- humains a déclaré en mai que les arrestations arbi- giés soudanais dans le nord de l’Ouganda, tuant un traires, les actes de torture et les placements en déten- nombre indéterminé de personnes. Le camp d’Acholi tion de civils dans les casernes de l’armée étaient Pii accueillait 24 000 réfugiés soudanais, qui ont été monnaie courante dans les districts de Kasese et de réinstallés par la suite dans des zones plus sûres sur le Kabarole, dans l’ouest de l’Ouganda.◆ territoire ougandais. Les discussions entre le gouvernement et un groupe dissident de la LRA se sont poursuivies. Toutefois, la branche principale du mouvement, dirigée par Joseph Kony, a multiplié les actions violentes, tuant, mutilant 296 OU OUZBÉKISTAN RÉPUBLIQUE D'OUZBÉKISTAN CAPITALE : Tachkent SUPERFICIE : 447 400 km2 POPULATION : 25,6 millions CHEF de l’ÉTAT : Islam Karimov CHEF du GOUVERNEMENT : Outkour Soultanov PEINE DE MORT : maintenue COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome signé

n certain nombre de faits nouveaux positifs Contexte ont été enregistrés au cours de l'année : une L'Ouzbékistan a fourni à la coalition menée par les organisationU indépendante de défense des droits États-Unis des bases militaires pour ses vols vers humains a été reconnue officiellement, des l'Afghanistan. Les autorités ouzbèkes ont avancé tortionnaires ont été traduits en justice lors de l’argument de la « guerre internationale contre le terro- deux procès, le rapporteur spécial des Nations risme » pour justifier la répression des activités des dis- unies sur la torture a été invité à se rendre en sidents religieux et politiques. Ouzbékistan, au moins huit peines de mort ont été L'extension du mandat présidentiel de cinq à sept ans commuées et le Bureau de censure de la presse a et la création d'un Parlement bicaméral ont été été officiellement supprimé. La situation des droits approuvées par référendum le 27 janvier. Les autorités humains n’en demeurait pas moins désastreuse. ont indiqué que la première mesure prendrait effet à Des défenseurs des droits fondamentaux ont été compter de la prochaine élection présidentielle. harcelés et emprisonnés, plusieurs milliers de prisonniers politiques restaient incarcérés, et les Défenseurs des droits humains mesures de répression à l'égard de la dissidence L'Organisation indépendante de défense des droits politique et religieuse n’ont pas cessé, touchant un humains d'Ouzbékistan (NOPCHU) a été officiellement nombre croissant de femmes. Bien souvent, les enregistrée en mars et pourra donc désormais fonction- personnes concernées étaient soumises à des ner légalement. D'autres groupes de défense des droits tortures ou à d’autres formes de mauvais de la personne ayant demandé leur enregistrement traitements et ne bénéficiaient pas d’un procès n'avaient toujours pas été reconnus officiellement à la équitable. Cette année encore, des proches de fin 2002. Cette année encore, des défenseurs des droits prisonniers politiques ont été harcelés et humains ont été harcelés, intimidés, internés de force maltraités en raison de leurs liens de parenté avec dans des hôpitaux psychiatriques ou incarcérés. les détenus. À l’issue de sa visite dans le pays, le ✔ Iouldach Rassoulov, qui travaillait pour rapporteur spécial des Nations unies sur la torture l'Association des droits humains d'Ouzbékistan a conclu que cette dernière était systématique en (OPCHU), a été arrêté le 24 mai dans sa ville natale de Ouzbékistan. Au moins cinq hommes sont morts Karchi, dans la région de Kachka-Daria. Le lende- en détention ou peu de temps après avoir été main, il a été placé dans une cellule d’isolement au remis en liberté, apparemment des suites des sous-sol du ministère des Affaires intérieures, à tortures qu’ils auraient subies. La peine capitale Tachkent. Le 17 septembre, le tribunal du quartier de était toujours largement appliquée et les familles Iounoussabad, à Tachkent, l'a condamné à sept ans des condamnés à mort étaient soumises à une d'emprisonnement dans une colonie pénitentiaire à forme de cruauté mentale. La liberté d'expression régime sévère, après l'avoir déclaré coupable d’« extré- a continué d’être étouffée, les rédacteurs en chef misme religieux » et d'appartenance à une organisation des journaux poursuivant apparemment la tâche criminelle. L'enquêteur aurait lui-même tapé les du Bureau de censure de la presse. « aveux » et l’aurait contraint à signer ceux-ci. Tout 297 OU semblait indiquer que Iouldach Rassoulov a été incar- qu’ils subissaient. Ces manifestations ont été disper- céré en raison de son travail à l'OPCHU, qui consistait sées par la police et plusieurs femmes ont été détenues notamment à rassembler des informations sur les pendant de courtes périodes. Des policiers se ren- arrestations et les emprisonnements, à Karchi, de daient régulièrement au domicile des épouses de pri- membres – avérés ou présumés – du Hizb-ut-Tahrir sonniers politiques pour leur demander de s’engager (Parti de la libération) ou de confréries musulmanes par écrit à ne plus manifester à l'avenir. indépendantes. ✔ La militante en faveur des droits humains Elena Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture Ourlaïeva, et une autre femme, Larissa Vdovina, En novembre et décembre, le rapporteur spécial des auraient été internées de force dans un hôpital psychia- Nations unies sur la torture s'est rendu dans un cer- trique. Cette mesure visait, semble-t-il, à mettre un tain nombre de centres de détention situés dans diffé- terme à leurs activités de défense des droits fondamen- rentes régions du pays. Il n’a cependant pas été taux. Arrêtées le 27 août lors d'une manifestation orga- autorisé à pénétrer dans le centre de détention du nisée devant le ministère de la Justice pour protester Service de la sécurité nationale de Tachkent ; il a éga- contre les violations des droits humains imputables au lement déploré le fait qu’il n’avait pas pu visiter dans gouvernement, elles ont été transférées le lendemain à des conditions satisfaisantes et en totalité la colonie l'hôpital psychiatrique de Tachkent. Elena Ourlaïeva a pénitentiaire de Jaslyk, en République autonome de été libérée à la fin du mois de décembre, mais un tribu- Karakalpakie. À l’issue de sa visite, il a déclaré que la nal devait encore se prononcer sur son état mental. torture revêtait un caractère systématique en Ouzbékistan et que de nombreux « aveux » obtenus Liberté de religion sous la torture ou par d’autres moyens illégaux étaient ✔ En juillet, Marat Moudarissov, un témoin de par la suite retenus à titre de preuve au cours de cer- Jéhovah âgé de vingt-six ans, a été convoqué par le tains procès, notamment dans des affaires où l’accusé Service de la sécurité nationale du quartier Akmal encourt la peine de mort ou d’autres châtiments extrê- Ikramov de Tachkent. Les policiers ont confisqué les mement sévères. ouvrages religieux qu'il avait sur lui, affirmant que ceux-ci n’étaient pas autorisés. Marat Moudarissov Comité des Nations unies contre la torture ayant refusé de rédiger des « aveux » et de s’engager Après avoir examiné le deuxième rapport périodique par écrit à ne pas tenir de réunions religieuses à l'ave- de l’Ouzbékistan sur la mise en œuvre de la nir, un policier l'aurait frappé, puis lui aurait mis un Convention contre la torture, le Comité des Nations masque à gaz sur la tête en bloquant presque complè- unies contre la torture a noté, en juin, certains faits tement l'arrivée d'air. Comme Marat Moudarissov nouveaux positifs intervenus depuis son étude du rap- persistait dans son refus de passer aux « aveux », le port initial de ce pays, en 1999. Il s’agissait notam- policier aurait forcé la mère de celui-ci à écrire sous la ment des initiatives en vue d’établir une nouvelle dictée une déposition sur les activités religieuses de son définition de la torture conforme à la Convention et fils. L'acte d'accusation établi en septembre indiquait de la présentation au Parlement d'un projet de loi que la « diffusion de tout document écrit […] visant à visant à donner la possibilité aux citoyens de porter propager la foi professée par l'organisation des témoins de plainte en cas de torture. Toutefois, le Comité a égale- Jéhovah comme seule et unique religion véritable est illé- ment fait part d'importants sujets d'inquiétude. Il s’est gale ». Le 29 novembre, Marat Moudarissov a été déclaré préoccupé par exemple par les « allégations condamné à trois ans d’emprisonnement avec sursis particulièrement nombreuses, persistantes et concordantes par le tribunal du quartier Akmal Ikramov. Amnesty faisant état d'actes de torture et d'autres peines ou traite- International estimait que les accusations portées ments cruels, inhumains et dégradants particulièrement contre lui visaient uniquement à le punir d’avoir prati- brutaux perpétrés par les agents de l'État chargés de l'ap- qué sa religion et exercé son droit à la liberté d’expres- plication des lois ». Il a critiqué le nombre élevé de sion sans recourir à la violence ni prôner son usage. condamnations reposant essentiellement sur des « aveux », a considéré que les conditions de détention Prisonniers politiques dans les prisons étaient inacceptables et a jugé insuffi- Les membres de confréries musulmanes indépendantes santes les possibilités accordées aux détenus de consul- et leur famille, ainsi que les sympathisants, avérés ou ter un avocat ou un médecin de leur choix et de voir présumés, du Hizb-ut-Tahrir, risquaient toujours de les membres de leur famille. Il a estimé que le pouvoir subir des manœuvres d’intimidation, d’être arrêtés ou judiciaire n'était pas suffisamment indépendant et que d’être placés en détention. Les femmes ont été davan- la façon dont le ministère public fonctionnait soule- tage prises pour cible que précédemment, et plusieurs vait des doutes sérieux quant à son objectivité. Il a d'entre elles ont été condamnées, à l’issue de procès engagé l'Ouzbékistan à faire les déclarations prévues signalés comme étant inéquitables, à des peines allant aux articles 21 et 22 de la Convention et à reconnaître jusqu'à quatre années d’emprisonnement ferme ou ainsi la compétence du Comité pour recevoir et exa- avec sursis. Des épouses de prisonniers politiques ont miner des communications d’un autre État partie ou manifesté dans plusieurs villes pour protester contre la de particuliers affirmant qu’ils ont été torturés ou mal- détention de leurs proches et les mauvais traitements traités par des agents de l'État. 298 OU Torture et morts en détention soumis à une forme de cruauté mentale qui pourrait De nouveaux cas de torture et de mauvais traitements constituer un traitement cruel, inhumain ou dégra- dans des lieux de détention provisoire et des prisons ont dant interdit par les normes internationales. été signalés. Un grand nombre d’entre eux n’auraient ✔ Le 28 novembre, le tribunal municipal de Tachkent a pas fait l’objet rapidement d’une enquête impartiale. Au condamné à mort Iskandar Khoudoberganov. Cinq coac- moins cinq hommes sont morts en détention ou peu de cusés se sont vu infliger des peines allant de six à seize ans temps après avoir été remis en liberté, apparemment des d’emprisonnement. Ces hommes étaient accusés de suites des tortures qu’ils auraient subies. Toutefois, dans graves crimes contre l’État, notamment de « tentative de deux affaires distinctes jugées respectivement en janvier renversement de l'ordre constitutionnel » et de « création et en juin, sept membres des forces de l'ordre reconnus d'un groupe illégal ». Iskandar Khoudoberganov était coupables de torture ont été condamnés à des peines accusé en outre de « terrorisme » et de « meurtre avec pré- allant de cinq à vingt ans de réclusion. méditation et circonstances aggravantes » ; on lui reprochait ✔ Trois policiers ont été condamnés chacun à vingt ans aussi d’avoir suivi un entraînement dans des camps mili- d’emprisonnement par le tribunal municipal de taires de Tchétchénie et du Tadjikistan dans l’intention Tachkent le 30 janvier. Le 17 octobre 2001, ils avaient de renverser le gouvernement ouzbek par la violence. Le torturé à mort Ravchan Haïtov, âgé de trente-deux ans, procès s’est apparemment déroulé en violation des au poste de police du quartier Sabir Rakhimov de normes d’équité les plus élémentaires. Les avocats Tachkent, et battu son frère Rassoul si violemment qu’il d'Iskandar Khoudoberganov se sont par exemple vu refu- avait dû être hospitalisé dans un service de soins inten- ser l’autorisation de rencontrer leur client pendant au sifs. Les policiers étaient accusés de « coups et blessures moins deux mois. Des éléments sérieux laissaient penser avec préméditation ayant entraîné la mort ». Ravchan et que les condamnations avaient été prononcées sur la base Rassoul Haïtov avaient été arrêtés parce qu’on les accu- d’« aveux » arrachés sous la torture. Bien que les trois sait, entre autres, d’appartenir au Hizb-ut-Tahrir. En hommes aient fait état devant le tribunal des actes de tor- avril, les poursuites pénales engagées contre Rassoul ture qu'ils auraient subis, aucune enquête n'a été ouverte Haïtov ont été abandonnées « faute de preuves ». Aucune concernant ces allégations. Iskandar Khoudoberganov indemnité ne lui a été versée à titre de réparation pour aurait signé des « aveux » après avoir subi diverses formes les mauvais traitements et les blessures subies. de torture. Il aurait été notamment frappé, roué de coups ✔ Les corps de Mouzafar Avazov, âgé de trente-cinq ans de pied et privé de sommeil et de nourriture ; ses tortion- et père de quatre enfants, et de Khousniddin Alimov, naires auraient en outre menacé de violer les femmes de âgé de trente-quatre ans, ont été remis à leurs familles sa famille. Les proches de certains accusés ont indiqué respectives le 8 août à Tachkent. Les deux hommes qu’on les avait harcelés, torturés et menacés de torture et étaient détenus à la prison de Jaslyk, en Karakalpakie, de viol, dans le but de les contraindre à témoigner contre dans le nord du pays. Mouzafar Avazov aurait été tor- les membres de leur famille. turé à mort ; selon un témoin oculaire, son corps portait ✔ Le 12 février, les proches de Refat Toulyaganov, des traces de brûlures sur les jambes, les fesses, le bas du âgé de vingt et un ans, ont appris que celui-ci avait été dos et les bras. Il présentait une large blessure à l'arrière exécuté le 18 janvier. On ne les avait pas informés au de la tête et des hématomes sur le front ; ses mains préalable de la date de l'exécution, et lorsque la mère n'avaient plus d'ongles. Selon les informations reçues, de Refat Toulyaganov a voulu lui rendre visite le les autorités auraient refusé à certaines personnes l’auto- 24 janvier, le personnel de la prison lui aurait dit de risation de voir le corps de Khousniddin Alimov. revenir le lendemain. Le Comité des droits de l'homme des Nations unies avait demandé aux autori- Peine de mort tés ouzbèkes, le 24 décembre 2001, de surseoir à l’exé- Au moins 22 personnes ont été condamnées à mort et cution. Refat Toulyaganov avait été condamné à mort au moins 11 peines capitales prononcées ont été appli- par le tribunal municipal de Tachkent le 5 juillet 2001 quées. Deux hommes ont été exécutés en dépit des pour « meurtre avec préméditation et circonstances interventions du Comité des droits de l'homme des aggravantes ». La condamnation avait été confirmée Nations unies exhortant les autorités ouzbèkes à sus- par la chambre d’appel du tribunal municipal de pendre les exécutions. À la connaissance d'Amnesty Tachkent et par la Cour suprême, respectivement les International, au moins huit condamnations à mort 21 août et 4 octobre 2001. Selon certaines informa- ont été commuées ou infirmées. tions, Refat Toulyaganov aurait été violemment battu Les autorités continuaient de considérer les informa- durant sa détention. Ses tortionnaires voulaient le for- tions concernant la peine capitale comme un secret cer à signer des « aveux ». d'État et n’ont donc pas rendu public le nombre des condamnations prononcées, ni celui des exécutions. Visites d'Amnesty International Dans tous les cas dont Amnesty International a eu Des délégués d’Amnesty International se sont rendus connaissance, les prisonniers ont été exécutés en secret. en Ouzbékistan en juillet.◆ Bien souvent, les familles n'ont été prévenues que plu- sieurs mois plus tard ; aucune information ne leur était Autres documents d’Amnesty International communiquée sur le lieu de l'exécution, ni sur celui Préoccupations d'Amnesty International en Europe, où le corps avait été enterré. Les proches étaient ainsi janvier – juin 2002 (EUR 01/007/02). 299 PA PAKISTAN RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE DU PAKISTAN CAPITALE : Islamabad SUPERFICIE : 803 940 km2 POPULATION : 148,7 millions CHEF de l’ÉTAT : Parvez Moucharraf CHEF du GOUVERNEMENT : Mir Zafar Ullah Khan Jamali depuis le 21 novembre PEINE DE MORT : maintenue COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome non signé

e soutien du gouvernement à la « guerre sur le statut des femmes a annoncé son intention contre le terrorisme » menée par les États- d’examiner les lois discriminatoires, mais elle n'avait LUnis a provoqué de nouvelles violations des émis aucune recommandation à la fin de l'année. droits humains. Des centaines de personnes Les conditions à remplir pour faire acte de candidature soupçonnées de liens avec des organisations aux élections législatives ont été modifiées peu avant le « terroristes » ont notamment été arrêtées de scrutin d’octobre, empêchant un grand nombre façon arbitraire et livrées aux autorités d’anciens responsables politiques de se présenter. Des américaines. Par ailleurs, la torture, les morts en sièges étaient réservés aux femmes à l'Assemblée natio- détention et les exécutions extrajudiciaires, entre nale et dans les assemblées provinciales, mais aucune autres violations endémiques, étaient toujours mesure n’a été prise pour assurer la participation effec- présentes. Les autorités continuaient de fermer tive des femmes au scrutin ; dans de nombreux vil- les yeux sur les violences perpétrées contre les lages, des notables leur ont interdit de voter et ont femmes, les enfants et les membres de minorités menacé d'infliger des amendes aux hommes qui religieuses, notamment les chrétiens et les « autorisaient » leurs parentes à prendre part aux élec- musulmans chiites. Au moins 140 personnes ont tions. Dans certaines régions, moins de 10 p. cent des été condamnées à mort et huit ont été exécutées. électrices ont voté. Le scrutin a débouché sur la formation d'un Parlement Contexte sans majorité. Les partis islamistes, qui avaient pour la En janvier, le président a pris une ordonnance portant première fois constitué une coalition, sont devenus le modification de la Loi antiterroriste. Le nouveau texte troisième groupe à l'Assemblée nationale. En prévoyait la présence d’officiers de l’armée dans les tri- novembre, Mir Zafar Ullah Khan Jamali a succédé à bunaux chargés de juger les infractions « terroristes ». Parvez Moucharraf à la tête du gouvernement. En avril, l’extension pour cinq ans du mandat du pré- sident Parvez Moucharraf a été approuvée par référen- Arrestations arbitraires et remise de détenus aux dum. Marquée par une faible participation, la autorités américaines consultation aurait été entachée d’irrégularités, selon En janvier, quatre mouvements religieux ont été inter- certaines allégations. dits et des milliers d’islamistes ont été arrêtés et placés En août, l’article 58-2b de la Constitution a été remis en en détention administrative. Ils ont été remis en liberté vigueur en vertu de l’Ordonnance sur le cadre juridique. au bout de quelques jours ou de quelques semaines. Cet article permet au président de dissoudre le Parlement Plus de 400 personnes ont été arrêtées arbitrairement et institue un Conseil de sécurité nationale, une instance au nom de la « guerre contre le terrorisme » menée consultative formée de militaires et de civils. par les États-Unis. Ces détenus ont été livrés aux auto- En août, le gouvernement fédéral a approuvé rités américaines en l'absence de garanties suffisantes l'Ordonnance de 2002 sur la prévention et le contrôle en matière de droits humains, et en violation de la du trafic d'êtres humains. La Commission nationale législation pakistanaise sur l'extradition et du principe 300 PA international de non-refoulement. Parmi ces prison- toute action pendant quinze jours, a ensuite arrêté niers figuraient des Pakistanais, des Afghans et des plusieurs suspects. personnes originaires du Moyen-Orient. ✔ Moazzem Begg, qui possède la double nationalité Atteintes aux droits des enfants pakistanaise et britannique, dirigeait une école en Le gouvernement n'a pris aucune initiative pour faire Afghanistan. Il s’est installé avec sa famille à Islamabad en sorte que les membres de l'appareil judiciaire pren- au moment du déclenchement de l'opération militaire en nent bien connaissance de l'Ordonnance de 2000 rela- Afghanistan, en octobre 2001. En février 2002, il a été tive à la justice pour mineurs. Des enfants enlevé par des inconnus qui l'ont emmené dans le coffre continuaient de comparaître menottés et d’être jugés de leur voiture. En avril, le père de Moazzem Begg, qui par des magistrats non habilités à examiner leur cas. vit au Royaume-Uni, a reçu par l'intermédiaire du Des tribunaux ont en outre continué à prononcer des Comité international de la Croix-Rouge (CICR) une condamnations à mort contre des enfants, en violation lettre de son fils dans laquelle celui-ci l'informait qu'il de la législation nationale et du droit international. était détenu par les autorités américaines en Afghanistan. Le président Moucharraf avait annoncé, au mois de Selon les informations disponibles, il se trouvait toujours décembre 2001, la commutation des condamnations à en détention à la fin de l’année, dans des conditions très mort prononcées contre des mineurs avant l'abolition, dures et sans avoir été inculpé ni jugé. au mois de juillet 2000, de ce châtiment pour les enfants. Ce décret présidentiel n'était toutefois pas Absence de protection des minorités appliqué systématiquement. Les autorités continuaient de rester indifférentes aux ✔ En août, deux adolescents de quatorze et quinze ans violences perpétrées par des particuliers ou des groupes soupçonnés de vol ont comparu menottés devant un contre des membres de minorités. Au moins magistrat qui, bien qu’incompétent en l’espèce, a 40 chiites, pour la plupart des médecins et des ordonné leur placement en détention ; il n'a pas relevé membres de professions libérales, ainsi que 65 chré- le fait que les deux garçons portaient des menottes. tiens ou personnes d’origine occidentale, ont trouvé la ✔ Atif Zaman, âgé de seize ans, a été condamné à mort lors d'attentats ciblés. Les mesures préventives et mort en juillet par un tribunal « antiterroriste ». de protection étaient inexistantes ou insuffisantes; Examinant l’appel interjeté par le condamné, la haute quant aux enquêtes, elles n'étaient ouvertes qu'à la cour de Peshawar a demandé à la Cour suprême si les suite de pressions aux niveaux local et international. tribunaux « antiterroristes » étaient compétents pour ✔ En octobre, à Karachi, deux hommes ont pénétré dans juger des mineurs ou pour les condamner à la peine le bureau de la Commission justice et paix, une organisa- capitale. La Cour suprême n'avait pas statué à la fin de tion chrétienne. Ils ont tué tous les employés après les l'année et Atif Zaman était toujours incarcéré. avoir ligotés et bâillonnés. Aucun des responsables de ✔ Condamné à mort en janvier 2000 pour un cette attaque n'avait été arrêté à la fin de l'année. meurtre commis en 1998 alors qu'il avait seize ans, Muhammad Ameen a été débouté de son appel par la Utilisation abusive des lois relatives au blasphème haute cour de Lahore en septembre 2001. La Cour Plusieurs hommes ont été condamnés à mort pour suprême a refusé, en mars, d'examiner son appel, et blasphème. D'autres personnes accusées de blasphème n'avait pas statué à la fin de l'année sur une requête en ont été tuées, parfois dans des circonstances laissant à révision introduite devant elle. Muhammad Ameen penser que les autorités étaient complices des restait incarcéré dans le quartier des condamnés à mort homicides ou les approuvaient. de la prison d'Adiala, à Rawalpindi. ✔ Anwar Kenneth, un catholique qui avait prétendu être un prophète, a été condamné à mort en juillet. Droits des femmes Son état de santé mentale n'a pas été pris en considé- Comme les années précédentes, des femmes et des ration lors du procès. jeunes filles ont été victimes de violences dans leur ✔ Yousuf Ali, incarcéré dans la prison de Kot Lakhpat, famille, dans leur communauté ou en détention. à Lahore, a été abattu par un codétenu en juin. Les auteurs de tels agissements bénéficiaient toujours Condamné à mort pour blasphème deux ans aupara- de l'impunité. Plusieurs centaines de femmes ont été vant, cet homme s’était pourvu en appel, mais le tuées pour des questions d'honneur. Des initiatives recours n’avait pas encore été examiné. Le gouverneur privées ont été annoncées; c'est ainsi que le chef du Pendjab, Khalid Maqbool, a tenu le personnel de la de la tribu Leghari a affirmé, au mois de mars, que les prison pour responsable et a ordonné une enquête, mais crimes d'honneur ne seraient plus tolérés. L'État n'a les choses semblaient en être restées à ce point. toutefois pris aucune mesure pour interdire cette pra- ✔ En juillet, Zahid Mahmood Akhtar a été tué à tique ni pour faire en sorte que les auteurs de ces coups de pierres par une foule de villageois après meurtres rendent compte de leurs actes. La loi de qisas qu'un religieux eut réclamé sa mort. Accusé de blas- (châtiment égal au tort infligé) et diyat (prix du sang) phème pour avoir affirmé être un prophète de l'islam, concernant le meurtre n'a pas été modifiée. Ce texte, cet homme avait été remis en liberté sous caution en qui prévoit que des poursuites judiciaires peuvent être 1997 sur décision d’un tribunal car il souffrait de engagées uniquement si la famille de la victime le sou- troubles mentaux. La police, qui s’est abstenue de haite – ce qui est rare en cas de crime d’honneur – 301 PA entraîne la persistance de l’impunité. La police ne pre- Torture, morts en détention et exécutions nait aucune mesure idoine lorsque des cas de violences extrajudiciaires étaient dénoncés par des femmes. De nouveaux cas de torture en garde à vue ont été ✔ Razina a été tuée au mois de juillet 1999 par son cou- signalés; au moins 26 personnes seraient mortes des sin, qui considérait que la famille avait été « déshonorée » suites de sévices. car cette jeune femme avait choisi son mari. Le père de ✔ En mai, Kashmir Khan, âgé de seize ans, est mort Razina ayant accepté de renoncer aux poursuites, le au poste de police de Bhanamari (province de la meurtrier a été acquitté, en avril, par la haute cour de Frontière du Nord-Ouest). Les policiers ont affirmé Peshawar. qu'il avait été abattu lors d’un affrontement avec des ✔ En juin, un conseil tribal de Meerwala (province du agents qui l’avaient surpris en flagrant délit de vol qua- Pendjab) aurait « condamné » Mukhtaran Bibi, âgée de lifié. Le père du jeune homme a déposé une plainte, trente ans, à subir un viol collectif à titre de affirmant que les policiers avaient tiré sur son fils et « châtiment » en raison de la liaison présumée de son qu’ils l’avaient délibérément laissé mourir dans un frère cadet avec une jeune fille appartenant à une tribu fourgon. L'enquête officielle ordonnée n'a pas été considérée comme supérieure. Cette affaire ayant sus- effectuée. Le responsable présumé a été muté. Le cité une vive émotion, la police en a pris acte et a enre- directeur général de la police aurait déclaré: « Nous ne gistré une plainte. Les violeurs présumés et les membres souhaitons pas démoraliser les policiers en prenant des du conseil tribal ont été déférés à un tribunal « antiter- mesures contre ce fonctionnaire. » roriste ». Selon certaines allégations formulées lors du Le nombre de suspects de droit commun tués lors procès, le frère de Mukhtaran Bibi aurait été sodomisé d'« affrontements » avec des policiers a considérable- par des membres de la tribu, qui auraient inventé par la ment augmenté. Soixante-treize cas ont été recensés suite l'histoire de la liaison illicite. En août, six hommes, dans la seule province du Pendjab durant les sept pre- dont deux membres du conseil tribal, ont été condam- miers mois de l'année. Dans plusieurs affaires, les nés à mort, et huit autres ont été acquittés. Les condam- proches des victimes ont avancé que celles-ci avaient nés ont interjeté appel de leur sentence et le ministère été tuées pendant leur garde à vue. La police a affirmé public s’est pourvu contre les décisions d’acquittement. que certains suspects de droit commun s'étaient suici- L'affaire était en instance fin 2002. dés après avoir été encerclés par des policiers. ✔ En novembre, un conseil de notables de Manjhand À la suite d'une série d'homicides visant des membres (province du Sind) a ordonné à un homme qui n'était des minorités chiite et chrétienne, la police a apparem- pas en mesure de rembourser ses dettes de donner en ment pris pour cible les auteurs présumés de ces actes. mariage sa fille âgée de dix ans, à titre de compensa- S'exprimant à propos des responsables présumés de tion. L'enfant, qui devait vivre avec des proches jus- violences confessionnelles, le président Moucharraf qu'à sa puberté, aurait été enlevée par son « mari », âgé s’est félicité, en septembre, qu’ils aient été « arrêtés ou de quarante ans, et violée. Le viol a été confirmé par tués », dans une déclaration qui laissait à penser que un médecin qui l'a examinée. Une plainte a été dépo- l'homicide de suspects était une solution acceptable. sée auprès de la police, mais les notables locaux ont nié ✔ En mai, Riaz Basra, chef de la Lashkar-e-Jhangvi, les allégations formulées contre eux. une organisation sunnite considérée comme respon- La loi permettant à un meurtrier d'échapper aux pour- sable d'un certain nombre d'assassinats de membres de suites judiciaires s’il indemnise la famille de sa victime la minorité chiite, aurait été abattu par la police à entraînait des abus. Vihari. Cet homme faisait l'objet de plusieurs dizaines ✔ En juin, quelques jours avant l'exécution prévue de d'inculpations pénales. Selon les médias pakistanais, il quatre hommes reconnus coupables de meurtre, un aurait été arrêté six mois auparavant et aurait été tué conseil de notables a négocié un compromis prévoyant en détention. Aucune enquête sur les circonstances de la remise de huit jeunes filles et d’une somme d'argent sa mort n'avait été diligentée à la fin de l'année. à la famille des victimes, en échange d'un abandon des poursuites. Cet arrangement a été annulé à la suite de Peine de mort protestations publiques. Le ministre de la Justice du Au moins 140 condamnations à mort ont été pronon- Pendjab a déclaré, en juillet, que la pratique consistant cées, portant à plus de 5500 le nombre total de per- à donner des femmes à titre de compensation devait sonnes sous le coup d'une sentence capitale à la fin de être interdite, mais aucune mesure n'a été prise. De la l'année. Huit prisonniers au moins ont été exécutés. même façon, une décision rendue en 2000 par la ✔ En avril, Zafran Bibi a été condamnée à mort par haute cour de Peshawar selon laquelle les tribunaux ne lapidation. Cette femme affirmait avoir été violée par devaient pas accepter de tels compromis n'a pas été le frère de son mari, mais son beau-père a déclaré à la suivie d'effets. police qu'elle l’avait en fait été par un autre homme En novembre, la coalition des partis islamistes a dix jours plus tôt. Un examen médical ayant établi que annoncé qu'elle allait mettre fin à la mixité dans l'en- Zafran Bibi était enceinte de plusieurs semaines alors seignement et décréter l'éducation religieuse obliga- que son mari était absent, l’inculpation de viol a été toire pour tous. Les organisations de défense des droits remplacée par celle d’adultère. Le tribunal, qui a des femmes ont exprimé leur crainte d'un recul de ces acquitté l'homme accusé par le beau-père de Zafran droits sous le nouveau gouvernement. Bibi, a déclaré celle-ci coupable de zina (relations 302 PA sexuelles illicites) et l'a condamnée à mort par lapida- Pakistan: Transfers to US custody without human rights tion. Au mois de juin, dans une décision qui, de l’avis guarantees [Pakistan. Des prisonniers sont remis aux général, fera date, le tribunal fédéral de la charia (droit États-Unis en l'absence de garanties en matière de musulman) a acquitté Zafran Bibi, estimant qu'une droits humains] (ASA 33/014/02). victime de viol ne devait pas être considérée comme Pakistan. Le système de justice tribale (ASA 33/024/02). ayant commis un délit sexuel et qu'elle ne devait pas Pakistan: No protection against targeted killings être sanctionnée. [Pakistan. Absence de protection contre les homicides ciblés] (ASA 33/030/02). Visites d'Amnesty International Pakistan: Imminent execution of Mir Aimal Kasi raises Une délégation d'Amnesty International s'est rendue fears for others taken into US custody without human au Pakistan en avril.◆ rights safeguards [Pakistan. L'exécution imminente de Mir Aimal Kasi suscite l'inquiétude pour les autres Autres documents d'Amnesty International prisonniers livrés aux États-Unis en l'absence de Pakistan. Les femmes ne sont pas suffisamment protégées garanties relatives aux droits humains] (ASA 33/006/02). (ASA 33/034/02). PAPOUASIE NOUVELLE-GUINÉE PAPOUASIE- NOUVELLE-GUINÉE CAPITALE : Port Moresby INDONÉSIE SUPERFICIE : 462 840 km2 POPULATION : 5 millions CHEF de l’ÉTAT : Elizabeth II, représentée par Silas Atopare CHEF du GOUVERNEMENT : Mekere Morauta, remplacé par Michaël Somare le 5 août PEINE DE MORT : abolie en pratique COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome non signé

a mise en œuvre de certains accords de une répartition inégale des aides gouvernementales ont grande envergure portant sur la résolution du provoqué des réactions de violence armée. Lconflit de l’île de Bougainville a progressé malgré Au mois de mars, des soldats qui s’opposaient aux pro- quelques revers sur le plan local. Des allégations jets de réduction des effectifs de l’armée ont pris le ont fait état de brutalités policières et deux contrôle d’une caserne militaire située près de Wewak, journalistes ont été maltraités par les forces de mettant le feu aux bâtiments et s’emparant des armes. sécurité. Plusieurs centaines de réfugiés et de Ils réclamaient notamment la démission du gouverne- personnes en quête d’asile ont été placés ment et le retrait des organisations humanitaires étran- arbitrairement en détention dans des gères. La plupart des soldats ont été arrêtés après un établissements financés par l’Australie. bras de fer qui a duré quinze jours. En juin et en juillet, les élections nationales ont provo- Contexte qué une flambée de violence, en particulier dans les À plusieurs occasions les luttes de pouvoir d’ordre provinces montagneuses, qui s’est soldée par une tren- politique, la corruption et ce qui était perçu comme taine de morts. Les postes de police et les bureaux de 303 PA vote ont subi des attaques et des raids de clans armés. selon le Code de justice militaire. Cependant, à la fin Les districts victimes d’une violence de grande de l’année, on ne disposait d’aucune information sur ampleur et de fraude électorale se sont retrouvés sans une quelconque mesure allant dans ce sens. représentant au Parlement. En novembre, des agents armés de la brigade mobile En décembre, le ministre de la Justice a annoncé le ont emmené le journaliste et universitaire Kevin réexamen des lois relatives au choix des peines et fait Pamba à l’arrière du poste de police de Jomba, à savoir que des « mesures énergiques » pourraient être Madang. Ils voulaient l’interroger, quelques heures prises pour que les tribunaux appliquent les disposi- après que son journal eut raconté comment la police tions existantes concernant la peine capitale. avait expulsé des présumés squatters de leur logement. Les policiers auraient menacé de le frapper et exigé la Bougainville publication d’excuses ainsi que les noms des personnes En mars, le Parlement a adopté des textes législatifs qui lui avaient fourni l’information et lui avaient per- prévoyant l’autonomie politique de Bougainville et un mis de prendre des clichés des maisons détruites pen- référendum sur son indépendance vis-à-vis de la dant l’expulsion. Kevin Pamba a déclaré que, pendant Papouasie-Nouvelle-Guinée, qui interviendrait d’ici l’interrogatoire, les agents ont tenté de lui couper une dix à quinze ans. L’armée a commencé à se retirer de oreille et l’ont frappé à la tête à plusieurs reprises, la province et les dirigeants de Bougainville ont entre- occasionnant des coupures et des contusions. Il a été pris la rédaction d’un projet de constitution que le relâché sur intervention du commandant de la bri- public devait pouvoir consulter dès 2003. gade. À la fin de l’année, à la connaissance d’Amnesty Des ex-combattants ont exprimé certaines inquiétudes International, personne n’avait été déféré à la justice quant au rythme de redressement économique et poli- dans cette affaire ; un tribunal a cependant ordonné la tique de la région, ralentissant le processus de désar- suspension des expulsions. mement dans certains districts. En novembre, un Des soldats et des combattants des Resistance Forces rapport remis au gouvernement national relatait avec (Forces de résistance) de Bougainville tenus pour respon- une certaine précision que 212 armes avaient été sables, à la suite d’une enquête officielle datant de 1997, volées dans des conteneurs d’un programme de désar- du meurtre du premier ministre de Bougainville mement mené sous l’égide des Nations unies. Des Theodore Miriung, bénéficiaient toujours de l’impunité. chefs traditionnels ont rencontré le responsable de la mission des Nations unies à Bougainville chargée Réfugiés et demandeurs d’asile d’attester l’achèvement de la seconde étape du désar- Des organisations internationales de défense des droits mement, d’une importance décisive ; cependant ils ne humains, des avocats et des organisations humanitaires sont pas parvenus à garantir un nouveau déploiement se sont vu refuser la possibilité de se rendre dans un d’efforts pour que la date butoir du désarmement, centre de détention et de traitement des demandes reportée à décembre 2002, soit respectée. Le Conseil d’asile situé sur l’île de Manus. Ils n’ont pas pu étudier de sécurité a débattu au sujet d’une prolongation d’un les conditions de vie qui prévalaient dans ce centre, an de la mission des Nations unies. financé par l’Australie, où étaient détenus des per- sonnes en quête d’asile ainsi que des réfugiés recon- Mauvais traitements infligés nus ; ils n’ont pas non plus été en mesure d’enquêter par les forces de sécurité sur les allégations d’atteintes aux droits humains pré- En novembre, à la suite d’informations persistantes tendument commises dans ce centre. faisant état de coupes illégales d’arbres et de violences Au mois d’octobre, le gouvernement est revenu sur dans des provinces reculées, un comité parlementaire a son opposition première à la demande de l’Australie demandé à l’Administration nationale des forêts de prolonger d’une année supplémentaire l’accord sur d’enquêter sur les violations des droits humains perpé- le centre, qui est administré par l’Organisation inter- trées par la police envers les propriétaires qui s’oppo- nationale pour les migrations (OIM), un organisme saient à l’abattage d’arbres sur leurs terres. En intergouvernemental.◆ décembre, Robert Danaya, gouverneur de la province de l’Ouest, a déclaré que des policiers rétribués par des compagnies d’exploitation forestière avaient été filmés en train de rouer de coups un villageois. En octobre, un soldat a agressé et menacé la journa- liste Robyn Sela dans une caserne militaire de Port Moresby. La journaliste a déclaré que le soldat l’avait secouée et qu’il avait en outre menacé de la tuer si elle continuait à rédiger des articles sur les enquêtes liées à la corruption. D’autres militaires sont intervenus mais le soldat a pu quitter la caserne sans rencontrer de résistance. Robyn Sela a trouvé refuge auprès de sa famille dans une maison sûre. Un porte-parole de l’armée a annoncé par la suite que le soldat serait jugé 304 PA PARAGUAY RÉPUBLIQUE DU PARAGUAY CAPITALE : Asunción SUPERFICIE : 406 752 km2 POPULATION : 5,8 millions CHEF de l’ÉTAT et du GOUVERNEMENT : Luis Ángel González Macchi PEINE DE MORT : abolie COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome ratifié

es informations ont fait état d’un ✔ En mai et en juin, quelque 200 personnes, dont des recours excessif à la force par enfants, ont été arrêtées à San Patricio lors de manifes- Dles forces de sécurité contre des personnes tations. Le 4 juin, un agriculteur, Calixto Cabral, qui manifestaient contre le gouvernement, aurait été abattu par la police dans la capitale, ainsi que d’actes de torture et de mauvais Asunción. Le Bureau du médiateur a demandé qu’une traitements infligés à des détenus. enquête soit ouverte sur sa mort. Les tentatives visant à faire progresser les Amnesty International a demandé l’ouverture d’une enquêtes ouvertes sur des violations enquête à la suite d’informations dénonçant un usage des droits humains commises par le passé abusif de la force par la police contre des manifestants à n’ont pas permis de grandes avancées. Asunción, le 17 septembre ; 116 personnes ont alors été blessées et 250, pour la plupart des membres de Contexte partis d’opposition, ont été arrêtées. Dans plusieurs cas, L’année a été placée sous le signe de l’instabilité poli- il pourrait s’agir d’arrestations pour des motifs poli- tique. Les forces de sécurité ont réprimé des manifes- tiques. Certaines des personnes détenues par les forces tations organisées pour protester contre la politique de sécurité auraient été torturées. Le procureur général économique du gouvernement et demander la démis- a rendu hommage à la police pour son intervention, ce sion du président Luis Ángel González Macchi. qui suscitait des doutes quant à l’éventualité d’une D’autres mouvements de protestation ont montré enquête sur les allégations de brutalités policières. l’opposition au programme de privatisation et à un Selon la Coordinadora de Derechos Humanos del projet de loi « antiterroriste », qui donne une vague Paraguay (CODEHUPY, Coordination du Paraguay définition du « terrorisme ». Beaucoup se sont inquié- pour les droits humains), plusieurs paysans participant tés à l’idée que cette loi pourrait être utilisée pour à l’occupation de terres ont été tués ou blessés. Le réprimer le droit de contestation légitime des syndi- 6 octobre, Víctor Díaz Paredes aurait été tué quand la cats, des organisations de cultivateurs et autres. police a expulsé par la force 120 paysans qui occu- Le général Lino Oviedo était toujours en exil. Ses par- paient des terres à Cruce Kimex, dans le district de tisans ont continué à faire campagne pour demander San Rafael del Paraná (département d’Itapúa). Au dire l’annulation de la peine de dix ans d’emprisonnement des policiers, les manifestants auraient ouvert le feu sur prononcée contre lui pour sa participation, en 1996, à eux. Cette version des faits a été contestée par les une tentative avortée de coup d’État, au motif que son manifestants. procès avait été entaché d’irrégularités. Torture et mauvais traitements Recours excessif à la force par les forces de Amnesty International a reçu des informations faisant sécurité et homicides non suivis d’enquêtes état d’actes de torture et de mauvais traitements infli- Nombre de manifestations antigouvernementales ont gés à des détenus par les forces de sécurité. donné lieu à des violences. Plusieurs informations ont ✔ En janvier, Juan Arrom et Anuncio Martí, soup- fait état d’un usage abusif de la force par les forces de çonnés d’être impliqués dans une affaire d’enlèvement, sécurité et d’arrestations massives de manifestants, ont été gardés en détention pendant treize jours dans y compris de mineurs. un lieu tenu secret. Le médecin qui les a examinés par 305 PA la suite a constaté des traces de torture. L’implication mort, en mai et en novembre, après avoir rendu visite manifeste de hauts responsables et de hauts fonction- à un appelé qui affirmait avoir été victime de sévices naires de la police dans la détention illégale de ces sexuels dans une caserne. deux hommes a conduit à la démission de deux ministres le 1er février. Le même mois, deux journa- Impunité listes auraient été menacés par des policiers, après Le 10 mai, un juge qui enquêtait sur la « disparition », avoir divulgué l’identité d’agents mis en cause dans en 1977, d’Agustín Goiburu Frutos a déclaré que le cette affaire. Selon le Bureau du médiateur, qui s’est général Alfredo Stroessner, qui a exercé le pouvoir au activement employé tout au long de l’année à Paraguay de 1954 à 1989, entravait la bonne marche recueillir des informations sur les violations des droits de la justice en refusant de coopérer. En avril, un juge humains, deux autres suspects impliqués dans la même a ordonné l’arrestation du général Stroessner (exilé au affaire d’enlèvement ont également été torturés. Brésil) et de son ancien ministre de l’Intérieur, Sabino ✔ Un garçon de douze ans, Egidio Careaga, a déclaré Montanaro (exilé au Honduras), pour leur rôle pré- avoir été frappé au ventre et torturé à l’aide d’un sumé dans l’assassinat de Celestina Pérez en 1974. En aiguillon électrifié par deux policiers. Les faits se août, les autorités judiciaires ont été priées de vérifier seraient produits le 9 mai à Luque. Le Bureau du pro- auprès du ministère des Affaires étrangères s’il avait cureur général a été saisi de cette affaire. bien transmis la demande d’extradition du général Au mois de mars, une commission, composée de Stroessner, présentée en 2001 par un juge pour le rôle représentants du gouvernement et du Bureau du présumé de l’ancien chef de l’État dans la torture et médiateur, a publié un rapport sur les conditions de l’assassinat de deux frères en novembre 1974. détention des mineurs. Ses membres ont visité plu- En février, le Bureau du procureur général s’est opposé sieurs prisons pour adultes ainsi que des centres de à l’octroi d’indemnités aux victimes de violations des détention pour mineurs ; ils ont constaté que les droits humains en application de la Loi n° 838, au jeunes détenus étaient souvent entassés dans des cel- motif que cette loi n’était plus en vigueur. Au mois lules surpeuplées et forcés de côtoyer des adultes. La d’octobre, le Bureau du médiateur a insisté sur le fait commission a rapporté des allégations de mauvais trai- que les victimes devaient obtenir réparation au titre de tements infligés par des surveillants et par des prison- cette loi. En dépit de cette controverse, plusieurs vic- niers adultes, et elle a dénoncé la pratique persistante times ont commencé à recevoir des indemnités. de la mise à l’isolement cellulaire appliquée aux Napoleón Ortigoza, qui a été détenu illégalement pen- mineurs. Avec l’accord du vice-ministre de la Justice, dant vingt-six ans sous le gouvernement Stroessner, a elle a donné instruction aux responsables des prisons ainsi reçu les premiers versements en mai. ◆ d’interdire l’usage de ce procédé pour des mineurs.

Mauvais traitement de conscrits et recrutement de mineurs De nouvelles informations ont signalé des mauvais traitements infligés à des soldats du contingent dans les casernes. En mai, quatre jeunes appelés se sont enfuis de la caserne de Pozo Colorado (département du Chaco) et ont déclaré avoir subi des sévices sexuels de la part de leurs supérieurs. Bien qu’ayant, semble-t- il, mis en cause la véracité de leurs allégations, le ministre de la Défense a demandé l’ouverture d’une enquête. Toujours en mai, le Parlement a approuvé une loi autorisant la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (ONU), qui porte interdiction de recru- tement obligatoire de mineurs. En octobre, le média- teur pour les droits humains a dénoncé l’enrôlement de trois mineurs. En décembre, un projet de loi a été présenté au Parlement. Ce texte prévoyait de mettre un terme au service militaire obligatoire et à toutes les formes de conscription pour les jeunes âgés de moins de dix-huit ans, jusqu’à ce que leur sécurité et leur bien-être matériel soient garantis. María Noguera, présidente de l’Asociación de Familiares de Víctimas del Servicio Militar Obligatorio (AFAVISEM, Association des familles de victimes du service militaire obligatoire), a reçu des menaces de 306 PE PÉROU RÉPUBLIQUE DU PÉROU COLOMBIE CAPITALE : Lima ÉQUATEUR SUPERFICIE : 1 285 216 km2 POPULATION : 26,5 millions CHEF de l’ÉTAT : Alejandro Toledo Manrique BRÉSIL CHEF du GOUVERNEMENT : Roberto Enrique Dañino Zapata, remplacé par Luis María Santiago PÉROU Eduardo Solari De La Fuente le 13 juillet LIMA PEINE DE MORT : abolie sauf pour crimes exceptionnels Cuzco océan COUR PÉNALE Pacifique lac INTERNATIONALE : Titicaca Statut de Rome ratifié 0 600 km CHILI

es informations ont fait état d’actes de dirigée par l’ancien président Alan García, a remporté torture et d’autres formes de mauvais la majorité absolue dans le gouvernement régional de Dtraitements. Les responsables n’ont pas été 11 des 25 régions en jeu. déférés à la justice. Des personnes détenues La situation des droits humains s’est quelque peu amé- depuis plusieurs années sur la base de fausses liorée pendant la première année de mandat du prési- accusations, pour des faits « liés au terrorisme », dent Alejandro Toledo. Le gouvernement a affecté étaient toujours incarcérées. La législation l’équivalent de 15 millions d’euros à l’amélioration des « antiterroriste », qui a donné lieu à des procès équipements de tous les postes de police, conformé- inéquitables depuis son introduction en 1992, est ment aux recommandations de la Commission spé- restée en vigueur. Les dossiers des membres des ciale pour la restructuration de la police nationale. La forces de sécurité accusés de violations des droits Commission a aussi préconisé une refonte totale des humains ont, cette année encore, été transmis à modalités de recrutement, de formation profession- des tribunaux militaires. nelle et de remise à niveau des policiers, afin de garan- tir leur professionnalisme. Contexte Le fait que le poste de defensor del pueblo (médiateur) Les sondages d’opinion réalisés pendant l’année témoi- n’ait toujours pas été définitivement pourvu à la fin de gnaient du mécontentement général de la population l’année constituait un motif de préoccupation. Un face à la politique économique du gouvernement, médiateur provisoire était en place depuis février dont les programmes de privatisation ont rencontré 2001. Les détracteurs du gouvernement se sont une vive opposition. En avril, des manifestations de inquiétés du manque visible de volonté politique pour grande ampleur ont obligé le gouvernement à revenir établir un Bureau du médiateur bénéficiant d’une cer- sur son intention de privatiser en partie les usines taine autorité. d’électricité de la ville d’Arequipa. Deux personnes À la fin de l’année, le Congrès continuait à débattre sont mortes dans des circonstances donnant à penser du texte d’une nouvelle Constitution destinée à rem- que les forces de sécurité ont fait un usage abusif de la placer celle de 1993. force pour disperser les manifestants. Selon les informations reçues, des groupuscules du Lors des élections municipales et régionales qui se sont Sendero Luminoso (Sentier lumineux) continuaient à tenues en novembre, le parti du président Alejandro opérer dans des vallées fluviales isolées de la région de la Toledo a subi un revers cuisant dans toutes les régions jungle amazonienne. Des membres présumés de ce sauf une. L’Alianza Popular Revolucionaria Americana groupe d’opposition armé ont été inculpés d’avoir tué (APRA, Alliance populaire révolutionnaire américaine), neuf personnes, non loin de l’ambassade des États-Unis 307 PE à Lima, quelques jours avant la visite du président l’instauration d’une commission spéciale chargée de américain, George W. Bush, en avril. suivre la mise en œuvre de ses recommandations après l’expiration de son mandat. Tambogrande Au mois de juin, une consultation de l’opinion organi- Charniers sée par la municipalité et la population du district de Les enquêtes ouvertes sur les charniers découverts dans Tambogrande, dans le département de Piura (nord du plusieurs provinces depuis 2000 se sont poursuivies pays), a eu pour résultat une opposition massive à tout au long de l’année. Certaines informations l’extraction locale de minerais par une société minière feraient remonter ces charniers à la période allant de canadienne. En 1999, les pouvoirs publics avaient 1980 jusqu’au milieu des années 90. Les investigations autorisé des investissements privés en vue de la réalisa- ont été conduites par des anthropologues légistes péru- tion de l’exploitation du sous-sol de la région. viens et étrangers sous l’égide de la Commission vérité Les populations locales ont exprimé des craintes quant et réconciliation, du ministère public et du Bureau du au risque de pollution de l’eau et des sols induit par les médiateur ; le but de cette procédure était de garantir activités minières, qui pourrait compromettre les le bon déroulement des opérations et de veiller à ce récoltes. La région produit plus de 40 p. cent des qu’aucun élément de preuve décisif ne soit détruit. mangues et des agrumes du pays. Les autorités et la Depuis 2000, quatre charniers ont été examinés et société minière ont déclaré qu’une étude d’impact 73 corps ont été identifiés. Diverses organisations de environnemental permettrait de trancher cette ques- défense des droits humains ont demandé à la tion litigieuse. Cependant, les populations locales ont Commission vérité et réconciliation de faire le néces- constaté avec inquiétude que l’étude était financée par saire pour que, à la fin de son mandat, tous les élé- la société minière tandis qu’elles-mêmes ne jouaient ments de preuve rassemblés soient transmis aux aucun rôle ni dans sa mise en place ni dans son appro- autorités judiciaires, afin que les responsables de ces bation. À la fin de l’année, les autorités n’avaient pas crimes puissent être traduits en justice. encore décidé si la société serait ou non autorisée à réaliser ses projets. Torture et mauvais traitements Des dirigeants locaux qui s’étaient opposés au projet La pratique de la torture et d’autres formes de mauvais minier ont reçu des menaces de mort. Au mois de mai, traitements est restée un motif de préoccupation. De l’un d’entre eux a reçu un appel anonyme. L’auteur nouvelles informations ont fait état de violences contre menaçait d’enlever sa fille, âgée de dix-huit ans. de jeunes recrues dans les casernes de l’armée. De plus, L’agresseur de Godofredo García Baca, un militant tué Amnesty International a constaté avec beaucoup en mars 2001, lui aurait demandé de l’argent, ce qui d’inquiétude que, comme l’année précédente, des vic- portait à croire à un mobile criminel. Sa famille et ses times, leurs proches ou des témoins ont fait l’objet de compagnons pensent cependant que ce meurtre pou- manœuvres d’intimidation et de harcèlement, ce qui a vait être lié aux activités qu’il menait contre le projet. parfois entraîné le retrait des plaintes. On n’a compté que trois affaires dans lesquelles des membres des La Commission vérité et réconciliation forces de sécurité ont été jugés au titre de la loi de La Comisión de la Verdad y Reconciliación (Commission 1998, qui a érigé la torture en crime. vérité et réconciliation) a été créée en 2001 pour déter- miner les circonstances dans lesquelles, entre mai 1980 Conditions de détention et novembre 2000, des représentants de l’État et des La prison de Challapalca a continué de fonctionner, groupes d’opposition armés ont commis des atteintes en dépit des appels répétés lancés pour obtenir sa fer- aux droits humains. Elle a tenu sept audiences meture définitive. Depuis 1997, les défenseurs des publiques, dont une était axée sur la législation « anti- droits humains, dont la Commission interaméricaine terroriste » et les droits de la défense, une autre sur la des droits de l’homme, demandent sa fermeture en violence contre les femmes, et une troisième sur la vio- raison du caractère éprouvant des conditions de déten- lence dans les universités. Selon le président de la tion, qui s’apparentent à un traitement cruel, inhu- Commission, le but était de donner la parole à ceux main et dégradant. Cette prison est située dans le qui ont souffert en silence pendant les années 80 et 90. département de Puno, à plus de 4 600 mètres d’alti- Au mois de novembre, la Commission a dressé une tude. Elle est très difficile d’accès, ce qui limite l’exer- première liste de 7 000 cas de disparition forcée. cice du droit qu’ont les détenus de garder des contacts La publication de cette liste a marqué le lancement de avec le monde extérieur, notamment avec leur famille, la campagne Para que no te olvides (Pour ne pas des avocats et des médecins. Des prisonniers reconnus oublier), organisée par la Commission en liaison avec coupables de crimes politiques et d’infractions de droit des organisations de défense des droits humains. Cette commun y sont incarcérés. action vise à vérifier les informations collectées jusqu’à Cette année encore, des prisonniers politiques détenus présent afin de proposer des indemnisations aux dans plusieurs prisons de haute sécurité à travers le pays proches de victimes de disparitions forcées. ont organisé divers mouvements de protestation, dont La Commission, qui a prévu de publier son rapport des grèves de la faim, pour réclamer une amélioration définitif en 2003, a demandé au gouvernement de leurs conditions de détention. Ils demandaient aussi 308 PE que les prisonniers politiques ne soient plus envoyés à Impunité la prison de Challapalca. En mars, plus de 60 prison- Réfugié au Japon, l’ancien président Alberto Fujimori niers politiques ont été transférés dans cet établisse- a fait l’objet d’une demande d’extradition afin d’être ment. Depuis juillet 2001, date d’entrée en fonction jugé au Pérou du chef de crimes contre l’humanité. La du président Alejandro Toledo, au moins 90 prison- requête préparée par le gouvernement n’avait toutefois niers politiques y ont été incarcérés. Les autorités ont pas encore été transmise aux autorités japonaises à la affirmé qu’il s’agissait d’une mesure temporaire. fin de l’année, en raison des délais de traduction. Cependant, à la fin de l’année, ils n’avaient pas été En 2001, le procureur général péruvien avait formelle- renvoyés vers d’autres lieux de détention. ment inculpé Alberto Fujimori du meurtre, en 1991, de 15 personnes à Barrios Altos (Lima), et de la dispa- Prisonniers d’opinion rition forcée suivie de meurtre, en 1992, de neuf étu- De très nombreux prisonniers d’opinion, supposés ou diants et de leur professeur à l’université de La avérés, inculpés de crimes « liés au terrorisme » sur la Cantuta (Lima). base de fausses accusations, étaient toujours incarcérés. Sept membres du Grupo Colina (escadron de la mort La commission spéciale créée au sein du ministère de la lié au Service national de renseignements), réputés res- Justice pour examiner leurs dossiers a continué à pro- ponsables de ces crimes, ont été arrêtés dans le courant gresser très lentement, ce qui a alimenté les craintes de l’année. Le chef de l’escadron a été appréhendé au concernant le manque de volonté politique d’accélérer mois de novembre. Il vivait dans la clandestinité la procédure et de libérer tous ces hommes et toutes ces depuis l’amnistie de 1995 dont lui et d’autres per- femmes qui ont déjà passé plus de cinq ans derrière les sonnes avaient bénéficié après leur condamnation, en barreaux, sous l’inculpation arbitraire de « terrorisme ». 1994, à vingt ans d’emprisonnement pour la « dispari- tion » de ces neuf étudiants et du professeur. À la fin Prisonniers politiques et législation de l’année, plusieurs membres du Grupo Colina « antiterroriste » avaient été inculpés de crimes contre l’humanité com- Depuis son introduction en 1992, la législation « anti- mis sous le gouvernement d’Alberto Fujimori et atten- terroriste » a donné lieu à des milliers de procès inéqui- daient leur procès. tables. Elle est restée en vigueur en dépit des appels Le procès de Vladimiro Montesinos, principal répétés lancés, en particulier, par la Commission inter- conseiller d’Alberto Fujimori et ancien chef des ser- américaine des droits de l’homme en faveur de son vices de renseignements, était toujours en cours à la réexamen. En vertu de ce texte, les procès pour trahi- fin de l’année. Des violations des droits humains figu- son peuvent être portés devant des tribunaux militaires, rent au nombre des chefs d’accusation. qui ne sont ni indépendants ni impartiaux. On ne comptait qu’un nombre très restreint d’affaires dans Mise à jour lesquelles des personnes jugées par des tribunaux mili- Au mois d’août, la Cour suprême a décidé de trans- taires ont vu leur sentence annulée et leur dossier ren- mettre à la justice militaire le cas des 15 officiers de voyé devant une juridiction civile. l’armée accusés de l’exécution extrajudiciaire de ✔ Une citoyenne américaine, Lori Berenson, a été membres du groupe d’opposition armé Movimiento condamnée en 2001, à l’issue d’un second procès, Revolucionario Túpac Amaru (MRTA, Mouvement devant un tribunal civil, à une peine de vingt ans révolutionnaire Túpac Amaru). Ceux-ci avaient fait d’emprisonnement en vertu de la législation « antiter- irruption dans la résidence de l’ambassadeur du Japon, roriste ». Saisie de l’affaire, la Commission interaméri- en décembre 1996, et pris plusieurs personnes en caine des droits de l’homme a conclu que la procédure otages. Les forces de sécurité, intervenues sur l’ordre n’avait pas été conforme aux normes d’équité, notam- du président Alberto Fujimori, alors en exercice, ment parce que Lori Berenson avait été jugée en vertu avaient mis fin à la crise en avril 1997. Les de la législation « antiterroriste » de 1992 et que les 14 membres du commando du MRTA avaient été tués. éléments de preuve utilisés étaient les mêmes que ceux Selon des allégations, certains d’entre eux auraient été retenus contre elle en 1996, lors de son premier pro- exécutés de manière extrajudiciaire. cès, devant un tribunal militaire. La condamnation prononcée par cette juridiction avait été annulée. À la Visites d’Amnesty International fin de l’année, l’affaire avait été portée devant la Cour Des délégués d’Amnesty International se sont rendus interaméricaine des droits de l’homme. au Pérou en avril et en mai.◆ Plusieurs centaines de prisonniers politiques, jugés pen- dant les années 90 par des tribunaux militaires qui appli- Autres documents d’Amnesty International quaient une procédure sommaire, ont introduit des Pérou. Torture et mauvais traitements. Des bonnes requêtes en habeas corpus pour demander l’annulation de résolutions que l’on tarde à mettre en application leur condamnation et faire valoir leur droit de bénéficier (AMR 46/005/02). d’un procès équitable. Les tribunaux saisis de ces dossiers, y compris le Tribunal constitutionnel, leur ont parfois donné gain de cause. Fin 2002, certains prisonniers poli- tiques étaient jugés de nouveau, par des tribunaux civils. 309 PH PHILIPPINES RÉPUBLIQUE DES mer de océan PHILIPPINES Chine Pacifique méridionale CAPITALE : Manille Luçon SUPERFICIE : 300 000 km2 POPULATION : 78,6 millions PHILIPPINES CHEF de l’ÉTAT et du GOUVERNEMENT : MANILLE Gloria Macapagal Arroyo Naga PEINE DE MORT : maintenue, mais un moratoire sur les exécutions est en vigueur depuis l’an 2000 Iloilo Cebu Palawan COUR PÉNALE INTERNATIONALE : mer Statut de Rome signé de Sulu Davao Mindanao es négociations entre le gouvernement et National Democratic Front le (NDF, Front MALAISIE Ldémocratique national) – qui représentait la 0 500 km New People's Army (NPA, Nouvelle Armée du peuple) et le Communist Party of the Philippines (CPP, Parti communiste des Philippines) – étaient détachés en tant que conseillers, ont débuté au mois toujours suspendues. Les forces armées des de janvier à Mindanao. L’objectif déclaré de cet exer- Philippines ont lancé une nouvelle campagne cice était de former les forces armées des Philippines à contre la npa. De nouveaux accrochages se sont la « lutte antiterroriste » contre le groupe Abu Sayyaf, produits sur l’île de Mindanao entre l’armée et mouvement séparatiste musulman participant à des des groupes indépendantistes islamistes. Ces enlèvements suivis de demandes de rançon. Un accord conflits ont cette année encore donné lieu à de de soutien logistique mutuel portant sur cinq ans a été graves atteintes aux droits humains, notamment signé en novembre entre les deux pays. Aux termes de à des homicides illégaux, de la part des forces cet accord, les Philippines sont devenues un « point gouvernementales comme des groupes d’approvisionnement » pour les opérations militaires d’opposition armés. Des cas de harcèlement, des États-Unis. des homicides et des « disparitions » d’opposants Le gouvernement américain a inscrit la NPA et le CPP politiques, de militants et de journalistes ont sur sa liste d’« organisations terroristes étrangères », et a également été signalés. La police était accusée placé Jose Maria Sison, conseiller politique du NDF, d’avoir maltraité et torturé des suspects de droit sur sa liste de personnes physiques ou morales nom- commun ; des policiers se seraient notamment mément désignées et dont les avoirs sont bloqués. Le rendus coupables de viols et d’autres violences gouvernement philippin a déclaré que le CPP-NPA était sexuelles sur des détenues, ainsi que de mauvais une « organisation terroriste ». traitements contre des enfants. Ces accusations Le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits des mettaient en évidence les carences de la justice. populations autochtones s’est rendu dans plusieurs com- Les procédures de plainte ne permettaient pas munautés indigènes en décembre et a recueilli des alléga- aux victimes d’obtenir de réelles réparations. tions concernant de graves violations des droits humains. La présidente de la République, Gloria Macapagal Arroyo, a décrété un moratoire sur les L’insurrection communiste exécutions en attendant que le Congrès Les négociations de paix entre le gouvernement et le se prononce sur un projet d’abolition NDF, suspendues à la suite de l’assassinat par la NPA de de la peine de mort. deux parlementaires en 2001, n’ont pas repris officiel- lement, mais la présidente de la République s’est néan- Contexte moins dite intéressée par des discussions informelles. Des manœuvres militaires d’une durée de six mois et L’armée a annoncé en septembre le déclenchement de auxquelles participaient 650 soldats des États-Unis, l’Opération nœud gordien visant la NPA. 310 PH De hauts responsables des forces armées ont accusé des Philippine et un Américain) ont été tuées durant groupes légaux critiques à l’égard du gouvernement l’opération. De nouveaux enlèvements ont eu lieu en d’être étroitement liés à la NPA. Les personnes publique- cours d’année. En juillet, un soldat américain qui par- ment présentées comme des sympathisants actifs de la ticipait à un exercice militaire a été accusé d’avoir NPA risquaient d’être considérées par l’armée comme des abattu un membre présumé du groupe Abu Sayyaf. Les cibles légitimes des opérations anti-insurrectionnelles et autorités militaires américaines et philippines ont étaient par conséquent très exposées à de graves viola- démenti ces allégations. Les conclusions de l’enquête tions de leurs droits fondamentaux. Durant l’année, la ouverte sur cette affaire n’étaient pas connues à la fin NPA a lancé des attaques contre des objectifs civils et a de l’année 2002. tué plusieurs de ses adversaires politiques. Au moins 28 membres de groupes d’opposition cri- Impunité et administration de la justice tiques à l’égard de la politique gouvernementale Malgré l’existence d’un large éventail de garanties ins- auraient été tués par les forces régulières depuis le titutionnelles et procédurales, de mécanismes de début de l’année 2001. Quatre militants d’un parti plainte et de sanctions légales, les auteurs présumés politique, le Bayan Muna (Le peuple d’abord), étaient d’atteintes graves aux droits humains étaient rarement toujours « disparus » et il était à craindre qu’ils n’aient traduits en justice, d’où la persistance d’un climat été tués. Très souvent, les autorités affirmaient que les d’impunité. Les dysfonctionnements de la justice personnes tuées étaient des membres ou des sympathi- étaient souvent la conséquence du recours injustifié sants de la NPA. aux arrestations sans mandat, qui visaient la plupart ✔ La militante des droits humains Benjaline du temps de simples suspects de droit commun mais Hernandez, vingt-deux ans, et trois de ses camarades aussi, parfois, des personnes soupçonnées d’appartenir ont été abattus au mois d’avril. Des habitants ayant vu à un mouvement insurgé. les corps des victimes ont affirmé que la jeune femme Après leur arrestation, les suspects étaient placés en avait eu le crâne écrasé et que son visage avait été défi- garde à vue prolongée, en toute illégalité, avant d’être guré par les impacts de balles. Les autorités militaires éventuellement inculpés. À ce stade, ils étaient fré- ont déclaré que Benjaline Hernandez appartenait à la quemment torturés ou maltraités par l’armée ou la NPA et qu’elle avait été tuée lors d’un échange de police, qui cherchaient ainsi à leur extorquer des coups de feu entre des rebelles et des miliciens. Selon « aveux » ou des informations. Amnesty International, la jeune femme aurait en réa- Le droit des personnes victimes de tortures ou d’autres lité été sommairement exécutée en raison de son violations de voir leur plainte donner lieu dans les action légitime en faveur des droits humains. meilleurs délais à une enquête sérieuse et impartiale demeurait très restreint. Les organismes s’occupant des Le conflit armé sur l’île de Mindanao plaintes, comme la Commission philippine des droits Malgré l’existence d’un cessez-le-feu conclu entre le humains ou le Bureau du médiateur, n’inspiraient gouvernement et les séparatistes du Moro Islamic toujours qu’une confiance très limitée à la population. Liberation Front (MILF, Front de libération islamique La longueur de la procédure en cas de procès consti- moro), des accrochages sporadiques ont eu lieu tout au tuait souvent un obstacle insurmontable pour les plai- long de l’année, faisant des victimes d’un côté comme gnants, en particulier lorsqu’ils appartenaient aux de l’autre. Le conflit a également entraîné des déplace- groupes pauvres ou marginalisés. Les condamnations ments massifs de population et un certain nombre de dans ce genre d’affaire restaient rares. civils ont été tués par des balles perdues. Nur Misuari, chef du Moro National Liberation Front Enfants en détention (MNLF, Front de libération nationale moro), mouve- Les mineurs soupçonnés d’infractions, notamment les ment séparatiste islamiste, a été renvoyé aux Philippines enfants des rues, ainsi que les jeunes toxicomanes étaient par les autorités malaisiennes en janvier. Il semble que fréquemment placés en détention en étant privés, de cette extraction déguisée soit intervenue sans avoir été façon prolongée, de toute assistance sociale ou judiciaire. précédée d’une audience judiciaire. Inculpé de rébel- Ils étaient ainsi vulnérables à la torture et aux autres mau- lion, Nur Misuari a ensuite été placé en détention. vais traitements. Les mineurs étaient souvent incarcérés Ancien gouverneur de la Région autonome musulmane dans des établissements pour adultes (même lorsqu’il de Mindanao (RAMM), il s’était enfui en Malaisie en existait des établissements spéciaux pour mineurs) et obli- 2001, après que des unités du MNLF qui lui étaient gés de partager leur cellule avec des adultes, en violation fidèles eurent attaqué des installations militaires à des normes définies dans la Convention des Nations l’approche des élections prévues dans la région. unies relative aux droits de l’enfant. Les opérations de l’armée contre le groupe Abu Sayyaf se sont poursuivies. Le conflit, centré autour des îles Violence à l’égard des femmes de Basilan et de Jolo, a entraîné des déplacements de Malgré l’annonce par plusieurs organismes gouverne- population et fait des victimes civiles. Une ressortis- mentaux d’un certain nombre d’initiatives destinées à sante des États-Unis prise en otage a été libérée au renforcer la protection des femmes en détention, de mois de juin à la faveur d’une intervention militaire, nouveaux cas de viol, d’agression sexuelle et d’autres mais les deux autres personnes retenues avec elle (une tortures ou mauvais traitements ont été signalés. Les 311 PO enquêtes menées sur ces affaires n’étaient pas satisfai- 2002 ; la majorité de ces condamnés avaient été recon- santes et débouchaient rarement sur l’ouverture de nus coupables de viol. Fin 2002, environ 1 000 prison- poursuites contre les auteurs présumés. niers, dont au moins huit mineurs, se trouvaient sous le En l’absence d’une loi réprimant la violence domes- coup d’une condamnation à mort. tique, les victimes de tels actes ne disposaient de quasi- ment aucun recours. Deux projets visant à combler Homicides et exécutions extrajudiciaires cette lacune étaient en cours d’examen au Congrès à la Des homicides et des exécutions extrajudiciaires ont fin de l’année 2002. continué d’être signalés tout au long de l’année. Les victimes étaient souvent des suspects de droit com- Peine de mort mun. Sur l’île de Mindanao, de nombreux actes de ce La présidente Gloria Macapagal Arroyo a suspendu les type, dont certains contre des mineurs, ont été attri- exécutions à la fin du mois de septembre, en attendant bués à la milice privée appelée Davao Death Squad que le Congrès se prononce sur un projet de loi qui lui (Escadron de la mort de Davao). Dans certaines zones, était soumis et qui visait à abolir la peine capitale. les responsables locaux seraient partisans d’une poli- Cette suspension faisait suite à un sursis de quatre- tique visant à abattre les suspects de droit commun vingt-dix jours accordé à Rolando Pagdayawon, opposant une résistance à leur arrestation. Deux jour- Filemon Serrano et Eddie Sernadilla, qui auraient dû nalistes, Edgar Damalerio et Sonny Alcantara, ont été être exécutés respectivement aux mois d’août, de sep- tués dans des circonstances suspectes, respectivement tembre et d’octobre. en mai et en août. Plusieurs autres ont été victimes En arrivant au pouvoir en janvier 2001, la présidente de d’actes de harcèlement et d’intimidation. la République avait dans un premier temps reconduit le moratoire sur les exécutions décrété par son prédéces- Visites d’Amnesty International seur, Joseph Estrada, puis elle y avait mis fin en cours Des délégués d’Amnesty International se sont rendus d’année. Dix-sept exécutions auraient dû avoir lieu en aux Philippines en juin et en novembre.◆ PORTO RICO plusieurs reprises des membres de la marine manifestants s’entretenaient avec un groupe de soutien américaine ont utilisé du gaz poivre pour venu en visite des États-Unis, dans une zone connue disperserÀ des manifestants. La législation sous le nom de camp Luisa Guadalupe. Certains interdisant les relations homosexuelles entre d’entre eux se sont réfugiés dans un bus scolaire pour personnes consentantes était en cours de échapper aux émanations gazeuses, mais le bus et le révision devant le sénat portoricain. camp ont tous deux été aspergés de gaz pendant une vingtaine de minutes. Selon un témoin direct, des Contexte agents de la police locale, des journalistes, des enfants Vieques, petite île au large de la côte est de Porto et des manifestants ont présenté, sous l’effet des gaz, Rico, a été le théâtre de fréquentes manifestations des signes de suffocation ainsi que des problèmes ocu- regroupant la population locale, des personnes mili- laires et respiratoires. Un jeune homme aurait été tant en faveur des droits civils des minorités et des blessé à la tête par une bouteille de gaz qui avait été écologistes ; ils protestaient contre le fait que, depuis lancée dans le camp. Les forces navales américaines une soixantaine d’années, l’île était utilisée comme ter- ont indiqué que l’intervention du personnel militaire rain d’entraînement militaire par les forces armées des avait été appropriée face à la violence déployée par les États-Unis. Le président Bush a ordonné le retrait de manifestants. Cependant, le chef de la police portori- la marine américaine de Vieques au 1er mai 2003, mais caine aurait condamné l’action de la marine ; Sila cette échéance pourrait être reportée. Calderón, gouverneur de Porto Rico, a quant à elle exprimé sa préoccupation et demandé l’ouverture Traitement réservé aux manifestants d’une enquête. Une procédure civile engagée contre la En avril, lors de divers mouvements de protestation marine a été classée sans suite en septembre ; le minis- contre les manœuvres d’entraînement militaire, dont tère américain de la Justice a ouvert des investigations certains se seraient déroulés devant la base navale de sur ces incidents. Camp Garcia et à Monte Carmelo, des membres de la En septembre, du gaz lacrymogène a également été pul- marine américaine auraient aspergé les manifestants de vérisé sur des manifestants qui, semble-t-il, jetaient des grandes quantités de gaz poivre. pierres durant des exercices d’entraînement militaire. ✔ Le 6 avril, la marine américaine a pulvérisé du gaz Plusieurs manifestants, dont deux prêtres catholiques, poivre sur des personnes qui manifestaient pacifique- ont été arrêtés pour avoir pénétré sans autorisation ment en scandant des slogans antimilitaristes. Les dans la zone militaire. 312 PO ✔ Le manifestant Robert Rabin, qui avait été Réforme législative condamné à plusieurs mois d’emprisonnement en Un projet de loi était débattu par le corps législatif avril, aurait été placé sans motif à l’isolement à plu- portoricain dans le but d’abroger l’article 103 du Code sieurs reprises en raison de ses opinions politiques, pénal qui interdit et punit d’une peine de dix ans alors qu’il n’avait enfreint en aucune manière le règle- d’emprisonnement les relations homosexuelles entre ment pénitentiaire. personnes consentantes.◆ PORTUGAL

RÉPUBLIQUE PORTUGAISE archipel des Açores CAPITALE : Lisbonne SUPERFICIE : 88 940 km2 Ponta Delgada océan POPULATION : 10 millions Atlantique Porto CHEF de l’ÉTAT : 0 100 km Jorge Fernando Branco de Sampaio Madère CHEF du GOUVERNEMENT : océan Atlantique Funchal

António Manuel de Oliveira Guterres, 0 100 km remplacé par José Manuel Durao PORTUGAL Barroso le 6 avril PEINE DE MORT : abolie COUR PÉNALE océan INTERNATIONALE : Atlantique LISBONNE Statut de Rome ratifié

es cas de brutalités policières, dont des D passages à tabac, ont été signalés. Des personnes se sont plaintes d’avoir été insultées ESPAGNE en raison de leur race ou de leur orientation sexuelle. Deux personnes ont été tuées lorsque 0 150 km des policiers ont fait un usage contesté de leur arme à feu ; à d’autres occasions des policiers ont également eu recours à leur arme dans des de deux procureurs haut placés de la police judiciaire, circonstances controversées. Les autorités qui avaient été saisis d’affaires de corruption et de mal- n’avaient toujours pas pris de mesures afin versation financière. L’enquête diligentée par le d’assurer la sécurité des prisonniers, entre autres Parlement a pris fin quelques semaines plus tard, les pour les protéger des violences entre détenus ou membres de la commission n’ayant pas réussi à se les empêcher de s’infliger eux-mêmes mettre d’accord sur les personnes qui devaient témoi- volontairement des blessures. Les conditions de gner. Une importante enquête sur des affaires de détention dans certains établissements n’étaient corruption, de chantage et d’abus d’autorité dont se pas conformes aux normes internationales. La seraient rendus coupables des membres de la Garde surpopulation, l’accès beaucoup trop limité aux nationale républicaine (GNR) était également en cours. soins médicaux et l’absence d’équipements Au moins 17 personnes ont été placées en détention sanitaires dignes de ce nom figuraient au provisoire dans le cadre de cette procédure. nombre des principaux problèmes. La Constitution a été modifiée pour permettre l’extra- dition d’une personne vers un État membre de Contexte l’Union européenne quand les infractions dont elle est Au mois de novembre, une commission parlementaire accusée sont punies d’une peine de réclusion à perpé- a été créée pour enquêter sur des allégations selon les- tuité dans l’État requérant. Les modifications appor- quelles des membres du gouvernement s’ingéraient tées ont aussi autorisé la police à procéder à des dans les affaires de la police judiciaire. Ces affirma- perquisitions de nuit – sous réserve qu’elles soient tions avaient été formulées à la suite de la démission autorisées par un juge – au domicile de personnes 313 PO soupçonnées de crimes particulièrement violents ou suspendu pendant soixante-quinze jours pour avoir très organisés, tels que des actes de « terrorisme ». enfreint la réglementation relative à l’utilisation des La lenteur de l’appareil judiciaire, à tous points de armes à feu. Cette sanction disciplinaire a toutefois été vue, continuait d’avoir des répercussions négatives sur interrompue. Une information judiciaire était en la protection des droits fondamentaux. Le recours à la cours à la fin de l’année. détention provisoire prolongée – parfois sans inculpa- ✔ António Pereira a été tué par balle à Lisbonne, en tion – pendant les enquêtes judiciaires demeurait sys- juin, dans le quartier de Bela Vista. Cet ouvrier du tématique. De ce fait, près d’un tiers de la population bâtiment, âgé d’environ vingt-cinq ans et membre du carcérale était en attente de jugement. Centre culturel africain de Setúbal (au sud de Lisbonne), aurait tenté de s’interposer dans une dis- Brutalités policières pute entre deux hommes. Des policiers sont arrivés sur Des cas de mauvais traitements commis par des poli- place et ont fait usage de leur arme à feu dans des cir- ciers, notamment lors d’arrestations et dans les postes constances qui n’ont pas été élucidées. António Pereira de police, ont été signalés. Parmi les victimes présu- a été tué et les deux autres hommes ont été blessés. mées figuraient des femmes et des enfants ; certaines Plusieurs personnes auraient assisté à la scène. Après appartenaient à des minorités ethniques. Dans certains les faits, la foule s’est rassemblée autour du poste de cas, il aurait été fait obstacle aux tentatives des vic- police et a commencé à jeter des pierres. Les policiers times pour porter plainte. appelés en renfort pour disperser la foule auraient tiré ✔ En août, deux femmes, Mónica Godinho et des balles en caoutchouc et des balles réelles, faisant Cláudia Domingues, ont déclaré avoir été frappées à des blessés. La mort d’António Pereira aurait ravivé les coups de matraque, giflées et rouées de coups de pied tensions sociales dans le quartier de Bela Vista en par plusieurs membres de la police de sécurité accentuant un sentiment de marginalisation. publique (PSP) au poste de Cascais, non loin de Lisbonne, où elles avaient été conduites après un acci- Morts en garde à vue dent de voiture. Les policiers ont fait tomber Cláudia Au moins trois cas de suicide en garde à vue ont été Domingues et sa tête a heurté le sol. Elle et son amie signalés ; trois personnes d’origine ukrainienne se ont affirmé avoir été exposées à des injures en raison seraient suicidées dans la seule période de décembre de leur orientation sexuelle. Les deux femmes, qui ont 2001 à janvier 2002. Il s’agissait d’affaires isolées, sur- été inculpées de coups et blessures, ont déposé une venues dans différents postes de police. Selon les infor- plainte. Une information judiciaire était en cours à la mations reçues, deux de ces personnes avaient été fin de l’année. arrêtées dans des affaires de troubles sur la voie publique ; selon leurs déclarations elles avaient été Coups de feu tirés par la police menacées par des individus impliqués dans des activi- António Pereira et Nuno Lucas ont été abattus par des tés criminelles. L’une au moins avait sollicité la protec- membres de la PSP dans des circonstances controver- tion des autorités. Amnesty International a noté que sées. Il s’agit de deux affaires distinctes. Selon les selon le rapport d’activité de l’IGAI pour l’année 2001, informations recueillies, aucun des deux n’était armé dans plusieurs des cellules visitées les dispositifs de sus- ou ne mettait directement en danger la vie des poli- pension n’étaient pas suffisamment bien protégés ; ciers ni celle d’aucune autre personne. En décembre certaines contenaient des objets et matériaux dange- 2001, Ângelo Semedo, un jeune garçon âgé de dix- reux, ou étaient équipées de portes munies de barres sept ans originaire du Cap-Vert, avait également été de fer non protégées. Par ailleurs, certaines zones de tué dans des circonstances controversées. En octobre, détention étaient trop éloignées des policiers de service Amnesty International a écrit au gouvernement portu- pour qu’ils puissent répondre aux appels à l’aide. gais pour demander des éclaircissements sur les faits qui ont conduit à la mort de ces trois personnes. Prisons L’organisation a été informée, en décembre, que les En 2001, de graves épisodes de violences entre déte- enquêtes judiciaires ouvertes pour faire la lumière sur nus, survenus en différentes occasions, ont fait quatre la mort d’António Pereira et de Nuno Lucas suivaient morts et plusieurs blessés parmi les prisonniers, ce qui leur cours. L’Inspecção-Geral de Administração Interna a incité les autorités à entreprendre des mesures pour (IGAI, Inspection générale de l’administration interne) améliorer la sécurité dans les prisons. Les conditions avait également ouvert une procédure disciplinaire carcérales n’en demeuraient pas moins un sujet de pré- contre les policiers impliqués, mais aucun d’entre eux occupation sérieux. De nouveaux cas de mauvais trai- n’avait été suspendu ou ne s’était vu interdire le port tements infligés par des gardiens ont été signalés. La d’armes à feu. Le gouvernement a aussi expliqué grave surpopulation carcérale constituait par ailleurs qu’Ângelo Semedo avait été touché au ventre par une un danger pour les prisonniers ; dans certains établis- balle que le policier avait tirée alors qu’il le poursui- sements, les conditions de détention s’apparentaient à vait, à pied, pour une affaire de vol de voiture dans une forme de traitement inhumain et dégradant. Les laquelle le conducteur aurait été menacé de violences. possibilités d’accès aux soins médicaux et à une aide En octobre, à la suite de la procédure disciplinaire, psychologique ne répondaient toujours pas aux l’IGAI a décidé que le policier concerné devait être besoins ; en outre, des informations ont fait état de 314 QA nombreux cas de maladies infectieuses ainsi que d’un religieuses ou d’y encourager ; l’absence d’une clause trafic important et d’une consommation élevée de stu- générale prévoyant que la motivation raciste consti- péfiants, ce qui a suscité de profondes inquiétudes. tue un facteur aggravant pour toutes les infractions ; Selon un rapport soumis en avril au ministre de la certains aspects de la procédure de demande d’asile et Justice par le directeur général de l’administration péni- de la situation économique et sociale des personnes tentiaire, les menaces auxquelles étaient exposés les qui attendent une décision sur le fond de leur détenus résultaient de la combinaison d’une série de demande ; et l’absence d’informations fiables sur la facteurs. Il citait notamment le caractère inadapté des situation des différents groupes minoritaires qui mesures et des procédures destinées à protéger les pri- vivent dans ce pays. sonniers des violences entre détenus ; les problèmes qui L’ECRI a noté que « plusieurs cas ont été rapportés où des surgissaient lorsqu’il s’agissait de séparer, en perma- représentants de la loi auraient fait un usage excessif de la nence, les condamnés des personnes en détention provi- force contre des détenus ou autres personnes qui étaient soire ; le niveau déplorable des conditions d’hygiène entrées en contact conflictuel avec eux, parmi lesquelles dans plusieurs prisons, dû notamment à l’absence de une forte proportion d’immigrés et de Roms/Tsiganes ». toilettes adaptées. Ceci obligeait les détenus à utiliser Elle a souligné que les Roms/Tsiganes faisaient des seaux hygiéniques, une pratique jugée dégradante « l’objet de contrôles policiers fréquents, d’humiliations par les organismes internationaux de surveillance. mais également de mauvais traitements de la part des L’enquête judiciaire ouverte sur les homicides commis forces de police ». L’ECRI était particulièrement préoc- au pénitencier de Vale de Judeus (Alcoentre) en cupée par les allégations rapportant que des policiers octobre 2001 se poursuivait. À la fin de l’année, responsables de ces actes seraient restés impunis ; elle a aucune poursuite n’avait été engagée. Certaines très vivement recommandé aux autorités portugaises sources avaient indiqué que le personnel pénitentiaire de lutter contre cette impunité et de prendre à cette avait une part de responsabilité dans ces meurtres. fin toutes les mesures nécessaires afin que les enquêtes sur les mauvais traitements infligés aux membres de la Racisme communauté rom/tsigane soient dûment menées et En novembre, la Commission européenne contre le que les responsables soient identifiés et sanctionnés. racisme et l’intolérance (ECRI) a publié son second rapport sur le Portugal. L’ECRI a noté avec satisfac- Visites d’Amnesty International tion que les autorités avaient pris un certain nombre Des délégués d’Amnesty International se sont rendus de mesures positives pour lutter contre le racisme. au Portugal au mois de décembre pour y effectuer des Elle a néanmoins relevé des problèmes persistants, recherches.◆ dont le faible nombre de procédures engagées en vertu de l’article du Code pénal qui condamne les Autres documents d’Amnesty International activités entreprises avec l’intention d’inciter à la dis- Préoccupations d’Amnesty International en Europe, crimination, à la haine ou à la violence raciales ou janvier – juin 2002 (EUR 01/007/02). QATAR ÉTAT DU QATAR CAPITALE : Doha 2 SUPERFICIE : 11 437 km BAHREÏN POPULATION : 0,58 million CHEF de l'ÉTAT : Sheikh Hamad bin Khalifa al Thani

CHEF du GOUVERNEMENT : golfe Sheikh Abdallah bin Khalifa al Arabo- Thani DOHA Persique PEINE DE MORT : maintenue COUR PÉNALE QATAR INTERNATIONALE : ARABIE Statut de Rome non signé SAOUDITE 0 90 km

315 QA émir Sheikh Hamad bin Khalifa al Thani a Le gouvernement du Qatar a adressé à Amnesty instauré une commission gouvernementale International un commentaire sur des préoccupations L'des droits humains et annoncé l'introduction que l’organisation avait exprimées dans son Rapport future de modifications constitutionnelles qui 2002, mettant l’accent sur les modifications intro- pourraient avoir des effets positifs pour les duites à la suite de certaines de ces observations. droits fondamentaux de la personne. Des Toutefois, il rejetait les autres préoccupations, basées violations similaires à celles signalées selon lui sur des faits « inexacts », ou défendait ses les années précédentes ont toutefois continué actions comme étant fondées sur des considérations d'être perpétrées, encouragées par la politique juridiques ; Amnesty International estimait néanmoins sécuritaire mise en œuvre aux niveaux régional que celles-ci n’étaient pas conformes aux normes inter- et international à la suite des attentats commis nationales en matière de droits humains. le 11 septembre 2001 aux États-Unis. Un prisonnier d'opinion présumé a été condamné Prisonniers d'opinion présumés à mort ; un autre, qui avait été incarcéré en 2001, Une personne susceptible d’être considérée comme un a été remis en liberté. La situation de prisonnier d'opinion a été condamnée à mort. Un 39 prisonniers politiques arrêtés au cours des autre prisonnier, Luay Muhammad Abdullah, ressor- années précédentes, et dont certains pouvaient tissant américain d'origine palestinienne, qui purgeait être considérés comme des prisonniers une peine de deux ans d'emprisonnement, a été élargi d'opinion, n’a pas évolué. Des cas de mauvais en janvier (voir ci-après). traitements ont été signalés et de nouvelles ✔ Firas Nassuh Salim al Majali, un journaliste jordanien informations sont parvenues à propos de vingt-neuf ans qui travaillait pour la télévision natio- d'allégations de torture formulées au cours des nale qatarienne, a été condamné à mort, en octobre, par années précédentes. un tribunal pénal à Doha. Cet homme avait été reconnu coupable d'espionnage au profit des services de renseigne- Contexte ments jordaniens à l'issue d'un procès inique (voir Au mois de janvier, le Qatar a soumis au Comité ci-après). Il semble avoir été victime de la dégradation contre le terrorisme du Conseil de sécurité des des relations politiques entre la Jordanie et le Qatar, due Nations unies un rapport faisant état des mesures à plusieurs affaires et notamment à la diffusion, en août, prises « en vue de lutter contre le terrorisme ». Le docu- par la chaîne de télévision Al Jazira, d'une émission criti- ment affirmait notamment : « Les services compétents de quant la famille royale jordanienne et la politique de la l'État s'attachent actuellement à étudier un certain Jordanie à l’égard du Moyen-Orient. Fin 2002, Firas al nombre de projets d'accords bilatéraux avec certains États Majali attendait qu'il soit statué sur son appel. concernant la coopération dans le domaine de la fourni- ✔ Trente-neuf prisonniers politiques, parmi lesquels ture et de l'échange de renseignements relatifs aux crimi- figuraient des prisonniers d'opinion présumés, qui nels… » Un autre rapport, portant sur le terrorisme avaient été condamnés les années précédentes à l'issue de dans le monde en 2001 et publié au mois de mai par procès inéquitables pour leur participation à la tentative le Département d'État américain, indiquait que le de coup d'État de 1996, ont été maintenus en détention. Qatar avait étroitement collaboré avec les autorités des En mai 2001 la Cour d'appel avait alourdi les peines de États-Unis pour arrêter des « individus soupçonnés détention à perpétuité prononcées contre 19 d'entre eux d'actes de terrorisme » et pour mener des enquêtes. et les avait condamnés à mort. Les 20 autres purgeaient Quant au document du gouvernement qatarien, il ne des peines de détention à perpétuité. faisait aucune référence à la protection des droits humains ; il ne révélait pas l'identité des personnes Torture recherchées par les États-Unis et à l'interpellation des- Des cas de mauvais traitements ont été signalés et de quelles avaient contribué les autorités du Qatar, ni les nouvelles informations sont parvenues à propos d'actes procédures suivies pour mener à bien ces arrestations. de torture. Firas al Majali (voir ci-dessus) aurait été Il était à craindre que les normes relatives aux droits maintenu à l'isolement pendant une longue période humains n'aient été transgressées. avant son procès. On lui aurait infligé des sévices pour Un avocat et ancien ministre de la Justice, Najib al le contraindre à « avouer ». Aucune enquête n'a appa- Nuaimi, a envisagé la création d'un comité d'avocats remment été menée sur les allégations de torture formu- qui protégerait le droit, pour les personnes détenues à lées en 2001. Parmi les autres prisonniers qui se sont Guantánamo Bay (Cuba), de bénéficier d'une procé- plaints d'avoir été torturés figurait Luay Abdullah ; il a dure judiciaire. Il a affirmé avoir été mandaté par cer- été remis en liberté en janvier. Ce prisonnier d'opinion taines des familles de détenus, dans différents pays du présumé a affirmé avoir été battu et blessé à la tête. Golfe, et avoir sollicité l’autorisation de rencontrer des prisonniers ; les autorités américaines ont refusé de lui Peine de mort délivrer un visa. Parmi ces détenus figuraient le Au moins 20 prisonniers étaient sous le coup d'une Qatarien Jar Allah al Murri ainsi que Sami al Haj, un condamnation à mort fin 2002, mais le chiffre réel Soudanais résidant au Qatar qui travaillait pour la était probablement plus élevé. Aucune exécution n'a chaîne de télévision Al Jazira basée dans le pays. été signalée en 2002. 316 RE RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

RÉPUBLIQUE lac Tchad CENTRAFRICAINE

CAPITALE : Bangui TCHAD SUPERFICIE: 622 436 km2 NIGÉRIA SOUDAN POPULATION: 3,8 millions CHEF de l’ÉTAT: Ange-Félix Patassé RÉPUBLIQUE CHEF du GOUVERNEMENT : CENTRAFRICAINE Martin Ziguélé CAMEROUN PEINE DE MORT: abolie BANGUI en pratique RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE COUR PÉNALE DU CONGO INTERNATIONALE: 0 500 km Statut de Rome ratifié GABON CONGO

es dizaines de civils non armés ont été tués rebelle tchadien Abdoulaye Miskine, enrôlé dans le long de la frontière avec le Tchad lors de l’armée centrafricaine avec le grade de colonel. Les pré- Dcombats opposant les soldats gouvernementaux sidents des deux pays se sont rencontrés le 10 avril à aux forces rebelles. D’autres, également au N’Djamena, la capitale tchadienne, pour évoquer les nombre de plusieurs dizaines, ont été victimes tensions entre les deux États. Ils ont annoncé la réou- d’homicides illégaux pendant et après la verture immédiate de leur frontière commune. tentative de coup d’État du mois d’octobre, au En octobre, le général Bozizé a tenté une nouvelle fois de cours de laquelle des centaines de personnes, renverser le président Ange-Félix Patassé. Les combats elles aussi des civils non armés, ont été torturées. intervenus avant que les rebelles ne battent en retraite se À l’issue d’un procès inéquitable, 25 personnes sont soldés par des dizaines de morts et par la fuite de ont été condamnées à mort par contumace milliers de personnes vers la ville de Mbaiki, à quelque et quelque 600 autres, également jugées par 175 kilomètres au sud-ouest de Bangui, la capitale. contumace, se sont vu infliger des peines En novembre, environ 300 soldats de la Communauté d’emprisonnement sur la base d’accusations économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) liées à la tentative de coup d’État de mai 2001. sont arrivés à Bangui pour assurer la sécurité du prési- dent et patrouiller le long de la frontière entre le Tchad Contexte et la République centrafricaine. Le 11 novembre, le À la suite de la tentative de coup d’État perpétrée le Bureau de consolidation de la paix des Nations unies en 28 mai 2001 par des soldats armés de l’ancien chef de République centrafricaine (BONUCA) a mis sur pied une l’État, le général André Kolingba, l’instabilité politique commission chargée d’enquêter sur les atteintes aux et militaire a persisté dans le pays. En novembre 2001, droits humains commises lors de la tentative de coup le chef d’état-major des armées, le général François d’État d’octobre 2002. Bozizé, a fui au Tchad voisin avec ses sympathisants après avoir été accusé d’une autre tentative de coup Tentative de coup d’État d’octobre d’État. Par la suite, les autorités centrafricaines ont Entre le 25 et le 31 octobre, des forces restées fidèles à accusé les forces du général Bozizé de se livrer à des l’ancien général Bozizé ont tenté de renverser le prési- incursions armées dans le nord du pays, avec le soutien dent Patassé. Elles ont été chassées de la capitale par les du gouvernement tchadien. Au cours de l’année 2002, troupes gouvernementales appuyées par des soldats de des affrontements répétés ont eu lieu le long de la fron- l’armée libyenne et des combattants du Mouvement de tière tchadienne entre les partisans du général Bozizé et libération du Congo (MLC), venus de République les forces centrafricaines menées par l’ancien dirigeant démocratique du Congo. 317 RE Pendant et après la tentative de coup d’État à Bangui, débouché sur le procès par contumace de plus de y compris après le retrait des rebelles, des dizaines de 600 accusés. civils non armés ont été victimes d’homicides illégaux ✔ Le procès de l’ancien ministre de la Défense, Jean- et des centaines d’autres ont été passés à tabac par les Jacques Demafouth, de l’ex-président Kolingba et de forces soutenant le gouvernement centrafricain. Des 600 autres personnes, sur la base d’accusations liées à la centaines de femmes, de jeunes filles et de jeunes gar- tentative de coup d’État de mai 2001, s’est ouvert puis a çons ont été violés. Il semble que les auteurs de ces été immédiatement ajourné le 15 février, les avocats des actes étaient le plus souvent des combattants du MLC accusés ayant déclaré que la procédure ne respectait pas ou des soldats de l’armée libyenne ou centrafricaine. les droits de la défense. Les accusés n’avaient eu accès à Des membres d’organisations humanitaires locales et leur dossier que deux jours avant la première audience. internationales ont exprimé leur préoccupation, crai- Le procès a repris le 22 février en présence de Jean- gnant que nombre des personnes violées aient pu être Jacques Demafouth, poursuivi pour avoir organisé une infectées par le virus du sida. Les forces rebelles ont autre tentative de coup d’État. Le président de la Cour également commis des exactions, se livrant notam- criminelle a tenté, sans y parvenir, d’exclure du procès ment à des prises d’otages. l’un des principaux avocats de la défense, Zarambaud ✔ Des dizaines de ressortissants tchadiens non armés Assingambi. La Ligue centrafricaine des droits de ont été tués, le 31 octobre, dans le quartier PK12 de l’homme a protesté contre les injures dont les avocats Bangui, apparemment par des membres de la garde ont été la cible et contre les humiliations qu’ils ont présidentielle et d’autres forces gouvernementales cen- subies. La session a été ajournée le 8 mars. trafricaines. Le 21 août, le procès des 600 accusés a repris. À l'issue ✔ Le porte-parole de la présidence, Prosper Ndouba, de deux jours d’audience au cours desquels aucun a été pris en otage par des rebelles le 25 octobre et d’entre eux n’a pu disposer d’un avocat, les civils aussi détenu à quelque 300 kilomètres au nord de Bangui, bien que les anciens soldats qui étaient jugés se sont vu en direction de la frontière tchadienne. Il a été libéré infliger des peines allant jusqu’à vingt ans de travaux le 2 décembre. forcés pour trahison. Le 26 août, le général Kolingba, ses trois fils et 21 soldats ont été condamnés à mort Homicides illégaux par contumace pour atteinte à la sûreté de l’État, et Durant l’année 2002, des dizaines de civils non armés, 10 personnes accusées de complicité avec l’ancien prési- parmi lesquels figuraient des ressortissants tchadiens, dent ont été condamnées à vingt ans de travaux forcés. ont été tués dans le nord du pays lors d’affrontements Le 7 octobre, Jean-Jacques Demafouth a été acquitté. répétés entre les partisans du général Bozizé basés au Tchad et les soldats soutenant le gouvernement cen- Visites d’Amnesty International trafricain. En janvier, des délégués d’Amnesty International se ✔ En janvier, 11 civils tchadiens non armés ont été sont rendus à Bangui pour recueillir des informations tués près de M’Bari et de Batangafo, dans le nord de la sur les violations des droits humains commises au len- République centrafricaine. Les responsables seraient demain de la tentative de coup d’État de mai 2001 ; ils les forces gouvernementales centrafricaines. ont pu, à cette occasion, s’entretenir avec les autorités. Les délégués sont aussi allés interroger des réfugiés ori- Impunité ginaires de la République centrafricaine à Brazzaville, Les autorités n’ont pris aucune mesure pour traduire en République du Congo, et dans le nord-ouest de la en justice les membres des forces de sécurité soupçon- République démocratique du Congo. Ils ont égale- nés d’avoir perpétré de graves violations des droits ment soulevé avec des dirigeants du MLC la question humains. Aucune enquête n’a été ouverte sur les exé- des atteintes aux droits humains commises en mai cutions extrajudiciaires dont se sont rendues respon- 2001 par les combattants de ce groupe armé en sables les forces de sécurité après la tentative de coup République centrafricaine.◆ d’État de mai 2001.

Procès politique et peine de mort La Commission d’enquête judiciaire désignée par le gouvernement s’est elle-même rendue responsable d’atteintes aux droits humains lors de ses investiga- tions sur les exactions commises par les rebelles contre les forces de sécurité durant la tentative de coup d’État au mois de mai 2001. Entre autres viola- tions, elle a fait procéder à des arrestations sur la base de messages anonymes, n’a pas respecté la durée légale de garde à vue des suspects, a ordonné des per- quisitions illégales, bafoué les droits des prisonniers et fait entrave à l’exercice du droit à la liberté de mouvement. Les conclusions de la Commission ont 318 RE RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

RÉPUBLIQUE RÉPUBLIQUE SOUDAN DÉMOCRATIQUE DU CONGO CENTRAFRICAINE CAMEROUN CAPITALE : Kinshasa SUPERFICIE: 2 345 410 km2 GUINÉE OUGANDA POPULATION: 54,3 millions ÉQUATORIALE Kisangani lac CHEF de l’ÉTAT RÉPUBLIQUE Victoria GABON Goma et du GOUVERNEMENT: DÉMOCRATIQUE RWANDA Joseph Kabila Bukavu DU CONGO BURUNDI PEINE DE MORT: maintenue CONGO KINSHASA COUR PÉNALE Cabinda TANZANIE INTERNATIONALE: (ANGOLA) lac Statut de Rome ratifié Tanganyika océan Atlantique ANGOLA Lubumbashi 0 600 km

algré la signature d’accords de paix par bon l’Ouganda et le Rwanda, occupaient de larges portions nombre des acteurs du conflit, plusieurs de territoire dans l’est de la RDC. Des combats ont eu Mrégions de la République démocratique du Congo lieu d’une part entre différentes composantes du RCD, (RDC) ont continué d’être le théâtre d’autre part entre celles-ci et des groupes armés locaux d’affrontements. Les pays voisins ont retiré une tels les Maï maï (Eau eau), pour la plupart hostiles à la grande partie de leurs troupes au cours de la mainmise du RCD et du Rwanda sur le pays. seconde moitié de l’année, mais les combats En février, des Tutsi du Sud-Kivu – les Banyamulenge – impliquant groupes armés et milices ont redoublé ont lancé dans le territoire de Minembwe un mouve- d’intensité dans l’est et le nord-est du pays. Les ment de rébellion contre le RCD-Goma et l’influence populations, accablées par la faim, victimes de rwandaise. Un grand nombre de civils banyamulenge fréquentes violations des droits humains ont été tués au cours des combats et quelque 50 000 commises aussi bien par les forces personnes ont dû fuir de chez elles. Ces dernières gouvernementales que par les groupes années, les dirigeants du RCD-Goma et des forces d’opposition armés et les troupes étrangères, ont rwandaises avaient déclaré qu’ils se battaient pour pro- continué d’endurer des souffrances considérables. téger les Tutsi de la RDC contre le gouvernement. Au Parmi les atteintes aux droits humains recensées mois d’octobre, les Maï maï ont repris la ville d’Uvira figuraient notamment les assassinats de civils au RCD-Goma, qui s’en est à nouveau rendu maître non armés, les tortures, notamment les viols, par la suite avec l’appui des troupes rwandaises. À la et la répression de l’opposition politique. fin de l’année, les combats pour le contrôle du Sud- Kivu se poursuivaient. Contexte Les initiatives de paix ont débouché sur le retrait de Le gouvernement de Joseph Kabila, installé à Kinshasa nombreuses troupes étrangères et sur la mise au point et soutenu par l’Angola, la Namibie et le Zimbabwe, a d’un plan aux termes duquel Joseph Kabila conserve- dû mener bataille sur plusieurs fronts contre les rait la présidence au sein d’un gouvernement de coali- groupes d’opposition armés. Le Mouvement pour la tion, les représentants des principaux mouvements libération du Congo (MLC), appuyé par l’Ouganda, rebelles et groupes d’opposition non armés se voyant contrôlait avec ses alliés le nord du pays, tandis que octroyer des postes de vice-présidents. Les pourparlers diverses factions regroupées au sein du Rassemblement de Sun City (Afrique du Sud) ont abouti à une congolais pour la démocratie (RCD), soutenu par impasse, et la solution consistant en un partage du 319 RE pouvoir, acceptée tant par le président Kabila que par Dialogue intercongolais, lancé en vue de mettre sur le dirigeant du MLC, Jean-Pierre Bemba, ne s’est pas pied de nouvelles institutions. concrétisée. Au mois d’octobre, les négociations entre En juillet, la Cour pénale internationale a estimé le gouvernement et ses principaux opposants sur un qu’elle n’était pas compétente pour examiner la éventuel partage du pouvoir ont repris à Pretoria plainte déposée contre le Rwanda par la RDC pour (Afrique du Sud). agression présumée contre son territoire. En juillet, à l’issue de discussions qui se sont déroulées à Pretoria, le Rwanda a consenti à retirer ses troupes Conséquences du conflit de l’est du pays après avoir reçu l’assurance du gouver- On estimait à plus de trois millions le nombre de per- nement de Kinshasa que celui-ci désarmerait les sonnes tuées durant la guerre déclenchée en 1998 rebelles hutu, pour la plupart des Rwandais, et tradui- contre le gouvernement de la RDC, ou mortes des suites rait leurs dirigeants en justice. Au mois d’octobre et en du conflit. Le nombre des personnes déplacées s’élevait novembre, plusieurs dizaines de Hutu ont été renvoyés à quelque deux millions. Le Bureau de la coordination au Rwanda à l’initiative de responsables de la RDC et des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) de l’Afrique du Sud, ainsi que de membres de la considérait que dans la province du Nord-Kivu, quatre Mission de l'Organisation des Nations unies en personnes sur cinq habitant la campagne avaient, à un République démocratique du Congo (MONUC), char- moment ou à un autre, été déplacées depuis 1998. En gés de surveiller l’application du cessez-le-feu. Au raison de l’effondrement de la production agricole, les moins l’un de ces Hutu a été arrêté. Ces renvois ont personnes déplacées et les populations d’accueil souf- déclenché un mouvement de révolte parmi les anciens fraient de malnutrition et enregistraient un taux élevé combattants hutu du camp militaire de Kamina, qui de mortalité. Des années de conflit armé ont également s’est soldé par la mort de plusieurs mutins et soldats créé un environnement dans lequel d’innombrables gouvernementaux. femmes étaient victimes de violences, notamment de Le retrait des forces angolaises, namibiennes et zim- viols, et où les enfants étaient contraints de travailler babwéennes, qui soutiennent le gouvernement, s’est dans les mines ou d’aller se battre. accéléré. De son côté, l’Ouganda a accepté de retirer ses troupes à l’issue de discussions avec les autorités de Zones contrôlées par le gouvernement Kinshasa qui se sont déroulées en août à Luanda Peine de mort (Angola) ; toutefois, plusieurs bataillons sont restés en Plus de 80 personnes étaient toujours sous le coup République démocratique du Congo. d’une condamnation à mort, et les tribunaux ont Dans l’est et le nord du pays, les combats entre divers continué de prononcer des sentences capitales. En sep- groupes et factions armés se sont intensifiés après le tembre, le gouvernement a suspendu le moratoire sur retrait des troupes étrangères. Des violations massives les exécutions en vigueur depuis mars 2001. Depuis des droits humains ont été perpétrées (voir ci-après), 1997, la Cour d’ordre militaire (COM) avait entraînant de nouveaux déplacements de population à condamné à mort des centaines de personnes à l’issue l’intérieur de la RDC ou vers d’autres pays. de procès inéquitables ; au moins 200 d’entre elles ont Les effectifs de la MONUC ont été portés à plus de été exécutées. Bien que le gouvernement ait annoncé, 4200 personnes au cours de l’année 2002, et pour- en novembre, la promulgation d’une loi prévoyant ront atteindre 8700 personnes, en vertu d’une réso- l’abolition de la COM en décembre, le procès de lution approuvée par le Conseil de sécurité des quelque 135 personnes s’est poursuivi devant cette Nations unies en décembre. La mission de l’ONU a dernière (voir ci-après). supervisé le désengagement des forces gouvernemen- ✔ Le 15 mars s’est ouvert devant la COM le procès de tales et de leurs opposants armés des positions qu’ils quelque 135 personnes accusées d’avoir pris part, en occupaient sur les différents fronts. En octobre, un janvier 2001, à l’assassinat du président Laurent- groupe d’experts de l’ONU a fait savoir que les alliés Désiré Kabila. Il n’était pas achevé à la fin de l’année. du gouvernement comme ses opposants, notamment Parmi les accusés figuraient 19 anciens agents des les commandants militaires et les dirigeants poli- forces de sécurité de la région du Kivu qui avaient tiques rwandais, ougandais et zimbabwéens, profi- demandé l’asile en République du Congo voisine, taient du conflit pour piller les ressources naturelles mais que celle-ci avait remis, au mois d’avril 2001, aux du pays et faire durer les hostilités. En novembre, le autorités de la RDC. L’un des accusés, Antoine président Kabila a suspendu de leurs fonctions des Ngalamulume, était en détention à l’époque de l’assas- responsables du gouvernement et des forces de sécu- sinat du président Kabila ; deux autres sont les épouses rité mis en cause dans le rapport des experts. Les d’un commandant de l’armée de terre recherché par le Nations unies ont également annoncé l’ouverture gouvernement. Beaucoup des détenus auraient été tor- d’une enquête sur un massacre perpétré à Kisangani turés. En outre, les accusés n’ont pas disposé des en mai et sur les affrontements interethniques surve- moyens et du temps suffisants pour préparer leur nus entre Hema et Lendu dans le nord-est du pays défense. Le ministère public a requis la peine de mort (voir ci-après). Le rapporteur spécial de l’ONU sur la contre 115 des accusés, et l’on pouvait craindre que la situation des droits de l’homme en République suspension du moratoire décidée en septembre n’ait eu démocratique du Congo a appelé au soutien du pour but de permettre leur exécution. 320 RE Exécutions illégales ✔ José Feruzi Samwegele, qui travaillait pour la Des membres des forces de sécurité ont tué illégalement société de radio et de télévision du gouvernement, a des dizaines de civils non armés. Le gouvernement s’est, été arrêté le 3 avril par un service de sécurité de dans pratiquement tous les cas, abstenu de toute l’armée connu sous le nom de Détection militaire des action contre les auteurs de ces actes. activités anti-patrie (DEMIAP). Il était accusé d’avoir eu ✔ Les forces gouvernementales auraient tué au moins l’intention de diffuser une déclaration émanant de 100 civils non armés à Ankoro, dans la province du l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Katanga, à la suite d’un affrontement avec des Maï Il aurait été soumis à un simulacre d’exécution, avant maï en novembre. d’être remis en liberté, le 10 avril. À Mbuji-Mayi, haut lieu du commerce du diamant en ✔ Dieudonné Karl Nawezi, journaliste sportif à la RDC, les gardiens travaillant pour la MIBA – la société société de radio et de télévision officielle, a été arrêté le minière qui exploite les concessions et dont le capital 7 mai par l’Agence nationale de renseignements est détenu majoritairement par l’État – ont fréquem- (ANR). Il a été interrogé pendant deux jours dans les ment recouru à la force de façon excessive contre des locaux de l’ANR à Lubumbashi pour avoir, lors d’un mineurs illégaux. Des dizaines de ces derniers ont été reportage télévisé, montré des supporters congolais en abattus par des agents de la MIBA, et un nombre plus Afrique du Sud portant des tee-shirts sur lesquels était élevé encore ont été blessés. Pas un seul gardien n’a, imprimée la photographie de Katebe Katoto, un semble-t-il, été déféré à la justice pour avoir tué ou opposant au gouvernement. blessé un mineur illégal. ✔ Le 6 septembre, un tribunal de Kinshasa a Torture et mauvais traitements condamné Raymond Kabala et Delly Bonsange, du Dans les centres de détention non officiels adminis- journal Alerte Plus, à des peines respectives de douze et trés par les services de sécurité, hors de tout contrôle six mois d’emprisonnement, assorties d’une lourde de l’autorité judiciaire, les tortures et les mauvais amende. Les deux hommes avaient été arrêtés en juillet traitements continuaient d’être monnaie courante. après la publication d’un article affirmant qu’un Les détenus étaient presque toujours placés au secret ministre avait été empoisonné. Raymond Kabala aurait et se voyaient généralement refuser les soins médi- été soumis à des tortures durant sa détention, et l’avocat caux. Les passages à tabac, notamment les séances de des deux journalistes, Sébastien Kayembe, a été torturé flagellation à coups de cordelette (il s’agit en fait en octobre par des hommes armés portant l’uniforme d’une ceinture militaire), étaient une pratique parti- militaire. Dans une décision rendue en novembre, un culièrement fréquente. De nombreux témoignages tribunal a baissé le montant des amendes, ramené à sept faisaient état du viol, par des agents des services de mois la peine d’emprisonnement de Raymond Kabala, sécurité, de femmes mises en détention. Les tortures et remis en liberté Delly Bonsange. psychologiques, notamment les menaces de mort et Persécution d’étudiants les simulacres d’exécution, étaient également très Des étudiants qui manifestaient contre le gouverne- répandues. ment ont été arrêtés et maltraités. Parmi les victimes Dans nombre de centres de détention, les conditions figuraient des étudiants des universités de Kinshasa de vie étaient effroyables. Au moins 46 prisonniers (UNIKIN) et Lubumbashi (UNILU). auraient trouvé la mort entre mars et juin 2002 dans ✔ Frank Buruani Kitenge, un étudiant de l’UNILU ori- le Centre pénitentiaire et de rééducation de Kinshasa ginaire du Kivu, a été arrêté le 16 avril par la police de (CPRK), la prison centrale de la capitale, anciennement Lubumbashi. Il a été remis le 12 mai à l’ANR, puis appelée prison de Makala. Ils auraient succombé des transféré vers Kinshasa, où il était toujours détenu fin conséquences des mauvais traitements, du manque de 2002. Il était apparemment accusé, en raison de ses soins et de l’insuffisance de nourriture. origines géographiques, d’être un espion à la solde du Persécution de défenseurs des droits humains RCD-Goma et du Rwanda. Des défenseurs des droits humains qui enquêtaient sur des violations des droits fondamentaux perpétrées par Zones contrôlées par des groupes politiques armés les forces de sécurité du gouvernement ont été harce- et des forces étrangères lés, menacés et arrêtés. Dans certaines zones de l’est et du nord-est de la RDC, ✔ Nsii Luanda Shandwe, président du Comité des les combats se sont intensifiés. Des centaines de civils observateurs des droits de l’homme (CODHO), qui non armés ont été tués. La plupart des combats visant avait déjà été arrêté en 2001 puis relâché sans avoir été au contrôle des zones du Nord-Est riches en minerais inculpé, a été appréhendé une nouvelle fois le 19 avril ont opposé les forces du MLC et du RCD-National à 2002 et détenu sans inculpation au CPRK. Bien qu’il celles du RCD-Mouvement de libération (RCD-ML). soit très malade, il était maintenu en détention ; cet Ces trois groupes armés rivaux étaient soutenus par homme était un prisonnier d’opinion. l’Ouganda. Réunies à Kampala (Ouganda) en Persécution de journalistes novembre, les factions rivales du RCD-ML se sont La liberté de la presse était toujours menacée, les jour- mises d’accord pour mettre fin aux hostilités. Cet nalistes étant continuellement exposés au risque d’être accord n’avait pas été mis en œuvre à la fin de l’année. arrêtés – et de devenir alors des prisonniers d’opinion – Les atteintes aux droits humains ont été innombrables, et maltraités. allant des exécutions illégales de civils non armés et 321 RE des arrestations ou placements en détention arbitraires ✔ En mai, le prêtre catholique Xavier Zabalo a été aux actes de torture, y compris les viols. Dans l’est de arrêté et détenu pendant une courte période par le la RDC, dans la région sous contrôle du RCD-Goma, RCD-Goma, qui l’a interrogé sur la nature de ses liens un réseau local de défense des droits humains a avec un groupe local de défense des droits humains. recensé, sur une période de dix semaines à partir du Un autre prêtre travaillant avec lui, Guy Verhaegen, a 10 février, plus de 500 homicides, plus de 100 cas de dû recevoir des soins après avoir été agressé. Les deux viol et plusieurs enlèvements, sans compter les actes de hommes ont pu rentrer chez eux grâce aux pressions destruction par le feu et de pillage de villages entiers. de la communauté internationale. Massacres dans la province du Kibali-Ituri ✔ Honoré Musoko, avocat de profession et membre Le conflit armé entre les ethnies hema et lendu a de Justice Plus, une organisation de défense des droits continué de faire des victimes parmi les civils non humains, a été arrêté le 3 septembre dans la ville d’Aru armés dans la province du Kibali-Ituri, créée par les par des soldats du RCD-ML, après qu’il eut évoqué, lors autorités ougandaises, qui faisait précédemment partie d’un entretien radiophonique, la situation des droits de la Province-Orientale. Au moins 50000 personnes humains. Par la suite, il a été transféré vers le camp auraient été tuées depuis juin 1999, et le nombre des militaire du Mont Hawa, tenu par le RCD-ML. Il a été personnes déplacées s’élèverait à environ 500000. libéré le 7 septembre, après qu’Amnesty International L’intensification des violences a empêché les organisa- et d’autres organisations de défense des droits humains tions humanitaires d’avoir accès à cette zone. Sur les eurent lancé des appels à l’adresse du RCD-ML et des dizaines de milliers de Lendu qui ont fui de chez eux autorités ougandaises. pour gagner les forêts environnantes, beaucoup sont ✔ Le 27 mai à Goma, des soldats rwandais ont arrêté morts de faim, de maladie ou de froid. Zelote Farini Luendo, membre d’un groupe local de ✔ En février, des soldats ougandais auraient tué plus réinsertion des enfants, et deux autres personnes. Les de 70 civils non armés à Kogoro, Gety et trois hommes, les yeux bandés et les bras étroitement Chakurundu, dans le territoire d’Irumu. ligotés dans le dos, ont été détenus dans la maison d’un ✔ Un très grand nombre de civils – peut-être des cen- particulier à Goma. Le 31 mai, ils ont été présentés taines – auraient été tués à Bunia en août ; parmi les devant des journalistes lors d’une conférence de presse victimes figuraient un grand nombre de femmes et au cours de laquelle Zelote Farini Luendo s’est mis en d’enfants. Plusieurs dizaines de corps ont été décou- cause lui-même, apparemment sous la contrainte. Il verts dans un charnier non loin de la résidence du était toujours détenu à la fin de l’année. gouverneur, après que celle-ci eut été bombardée par Détention et torture les troupes ougandaises. Des personnes accusées de soutenir le gouvernement ✔ En août, des milices hema ont tué des dizaines de ou ses alliés ont été arrêtées, détenues et torturées, Lendu lors de la capture de la ville de Bunia. En repré- notamment à Kisangani, Goma et Bukavu. Certaines sailles, des Lendu, avec l’aide de milices alliées, ont tué ont été relâchées après avoir versé une somme des dizaines de Hema, y compris des malades de d’argent. Celles restées aux mains du RCD-Goma et l’hôpital de Nyakunde. des soldats rwandais étaient détenues dans des conte- Atrocités à Kisangani neurs en métal à Ndosho, près de Goma, dans des Au moins 200 personnes ont été tuées à Kisangani conditions qui s’apparentaient à une forme de traite- entre le 14 et le 17 mai. Des combattants du RCD- ment cruel, inhumain et dégradant. Goma et des soldats rwandais auraient violé et som- ✔ Raphael Paluku Kiyana, qui dirige une station de mairement exécuté des civils à la suite d’une mutinerie radio dans une zone contrôlée par le RCD-ML, a été survenue le 14 mai. Des mutins du RCD-Goma ont arrêté le 9 mars parce qu’il se trouvait dans un terri- occupé une station de radio de Kisangani et appelé la toire tenu par le RCD-Goma. Il a été libéré le 14 mars, population à mettre fin à l’occupation rwandaise de mais ses biens ne lui ont pas été restitués. l’est de la RDC. Répondant à cet appel, des centaines ✔ Un groupe de 18 hommes banyamulenge, dont de civils seraient descendus dans les rues et auraient quatre pasteurs, ont été arrêtés en juillet par le RCD- tué plusieurs soldats rwandais ainsi que des civils soup- Goma et détenus au secret. Nombre de ces personnes, çonnés d’être rwandais. parmi lesquelles figuraient des membres dirigeants de Le RCD-Goma a affirmé que 41 personnes seulement la communauté banyamulenge, étaient apparemment étaient mortes lors de la mutinerie et dans les jours qui ont des prisonniers d’opinion. Au moins 20 réfugiés suivi. Toutefois, d’après le rapporteur spécial des Nations banyamulenge qui avaient été arrêtés par les autorités unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou burundaises ont été renvoyés de force dans l’est de la arbitraires, les corps de plus de 100 civils et de 60 policiers RDC, où ils ont été placés en détention. Ils étaient tou- ou soldats ont été identifiés. En outre, 20 cadavres ont été jours détenus fin 2002, de même que d’autres aperçus flottant dans la rivière Tshopo. Banyamulenge arrêtés au Sud-Kivu (voir Burundi). Persécution de défenseurs des droits humains ✔ Pour avoir rendu compte de la terrible situation des Les défenseurs des droits humains étaient régulière- enfants soldats, Franklin Moliba-Sese, correspondant ment menacés par les combattants du RCD-Goma, qui d’Okapi, la station de radio de la MONUC, à leur reprochaient d’enquêter sur les exactions com- Gbadolite, a été arrêté le 13 septembre par le MLC et mises à Kisangani. détenu pendant une semaine. 322 RE ✔ Les journalistes Safari Ntamana, Bugumba les activités des défenseurs locaux des droits humains, et Tanganika et Zamukulu Mulungula ont été arrêtés fin pour faire part aux dirigeants du RCD-Goma de leurs septembre par des responsables du RCD-Goma. Les motifs de préoccupation. En avril, des représentants de trois hommes, qui travaillaient pour le compte d’une l’organisation ont informé le Conseil de sécurité de station de radio d’Uvira, avaient diffusé un débat sur l’ONU, à New York, de la dégradation de la situation des les conséquences d’un retrait des troupes rwandaises droits humains et de la crise humanitaire menaçant plus de la zone. Ils se sont évadés le 14 octobre, lorsque les particulièrement l’est de la RDC. Au mois de septembre, forces maï maï ont pris possession, pour une courte une délégation conduite par la secrétaire générale période, de la ville d’Uvira. d’Amnesty International a rencontré des défenseurs des droits humains de RDC en exil au Burundi.◆ Visites d’Amnesty International Des délégués de l’organisation se sont rendus dans le Autres documents d’Amnesty International nord-est de la RDC en janvier pour interroger des réfugiés République démocratique du Congo. centrafricains ; ils se sont également entretenus avec des Le commerce du diamant dans les régions dirigeants du MLC des atteintes aux droits humains com- de la RDC tenues par le gouvernement mises en mai 2001 par leurs combattants en RDC et en (AFR 62/017/02). République centrafricaine. Au mois de février, des délé- République démocratique du Congo. gués d’Amnesty International se sont rendus à Goma afin Après l’assassinat, des meurtres par l’État? d’évaluer les conséquences d’une éruption volcanique sur (AFR 62/023/02). RÉPUBLIQUE DOMINICAINE RÉPUBLIQUE DOMINICAINE CAPITALE : Saint-Domingue 2 SUPERFICIE : 48 442 km océan POPULATION : 8,6 millions Atlantique CHEF de l’ÉTAT HAïTI RÉPUBLIQUE et du GOUVERNEMENT : DOMINICAINE Hipólito Mejía SAINT-DOMINGUE PORTO PEINE DE MORT : abolie RICO COUR PÉNALE mer INTERNATIONALE : des Antilles Statut de Rome signé 0 150 km

e nombre d’homicides perpétrés pour le meurtre de Pedro Manuel Contreras par des policiers et des militaires dans relevaient de la compétence des juridictions Ldes circonstances controversées a quelque civiles plutôt que de celle des tribunaux de police. peu diminué à la suite de la nomination du Le débat portant sur la réforme pénitentiaire nouveau chef de la Police nationale. Toutefois, s’est intensifié après la mort de 30 détenus cette année encore, des informations ont dans un incendie qui s’est déclaré, signalé des homicides de ce type. Certaines lors d’une émeute, dans la prison des victimes auraient été abattues lors La Inmaculada Concepción à La Vega, de manifestations contre les coupures au mois de septembre. d’électricité ; d’autres ont, semble-t-il, été tuées lors d’ « échanges de coups de feu » Contexte présumés avec les forces de sécurité. Joaquín Balaguer Ricardo, ancien président de la On a appris en janvier que la Cour suprême République et dirigeant du Partido Reformista Social venait de créer un précédent important Cristiano (PRSC, Parti réformiste social-chrétien), est en confirmant la décision selon laquelle décédé à l’âge de quatre-vingt-seize ans. Au cours des les poursuites engagées contre un policier différents mandats qu’il avait remplis à partir de 1966, 323 RE plusieurs dissidents, notamment Orlando Martínez police n’étaient pas compétents pour juger ce type et Narciso González, avaient été tués ou avaient « dis- d’affaires en temps de paix. paru ». Lors des enquêtes conduites sur ces affaires (voir ci-après), Joaquín Balaguer avait été convoqué à Conditions de détention pénibles plusieurs reprises pour être entendu en qualité de Malgré quelques réformes – notamment, selon cer- témoin, mais il ne s’était jamais présenté. taines informations, la construction de nouveaux bâti- ments dans les prisons existantes afin de réduire la Police nationale surpopulation carcérale –, des sources indiquent que En janvier, le général de division Jaime Marte Martínez a les conditions de détention ne se sont pas sensible- remplacé Pedro de Jesús Candelier à la tête de la Police ment améliorées au cours de cette année. nationale. Il a fait plusieurs fois des déclarations souli- Les problèmes essentiels sont apparus pleinement le gnant l’importance des droits humains et critiquant 20 septembre, lorsque 30 détenus ont trouvé la mort l’usage abusif de la force par la police. Certaines informa- dans l’incendie de la prison La Inmaculada Concepción, tions ont toutefois fait état de cas de torture de détenus et à La Vega. Un groupe de détenus aurait mis le feu à des d’homicides dans des circonstances controversées, dont matelas et à des effets personnels pour empêcher les certains ont été décrits par les témoins dans des termes autorités du centre pénitentiaire de procéder à une ins- faisant penser qu’il pouvait s’agir d’exécutions extrajudi- pection ayant pour but de découvrir des armes et ciaires. À plusieurs reprises, la police aurait eu recours à d’autres objets interdits. Il semble que la prison, conçue une force excessive pour disperser des manifestants. pour 120 personnes, comptait quelque 600 détenus au ✔ Selon certaines informations, la police a tiré à plu- moment de l’incendie. Selon certaines informations, sieurs reprises sur Alejandro Peña Díaz, le 25 mai, alors l’une des victimes était un mineur, emprisonné avec des qu’il avait été placé en garde à vue par les agents de adultes. Certains détenus morts dans l’incendie étaient police qui l’avaient arrêté à Bonao. Après les coups de en instance de jugement et d’autres avaient, semble-t-il, feu, des témoins auraient vu les policiers emmener le exécuté leur peine mais restaient incarcérés parce qu’ils corps d’Alejandro Peña. Selon certaines sources, les n’avaient pas les moyens de payer les amendes qui leur agents auraient jeté le corps d’un fourgon de police en avaient été infligées. La commission chargée d’enquêter mouvement pour donner l’impression qu’Alejandro sur l’émeute et les morts qui se sont ensuivies, dont celle Peña était mort en tentant de s’enfuir. Son cadavre a été de deux membres des forces armées, a recommandé que retrouvé plus tard dans un autre lieu que celui où il six prisonniers soient jugés, notamment pour homicide aurait été abattu. Selon des informations parues dans la volontaire, que deux membres du personnel de la prison presse, les conclusions d’une enquête interne menée sur soient condamnés à trente jours de détention et qu’un cette affaire auraient établi la responsabilité d’un poli- certain nombre de soldats, accusés de négligence par le cier de haut rang et de deux agents de police dans le tribunal, soient mutés. meurtre d’Alejandro Peña. Ils ont été révoqués. ✔ Le 7 juin, Ramón Ureña, un homme de vingt-trois Renvois forcés ans atteint de troubles mentaux a, semble-t-il, été abattu Les forces de sécurité ont continué de procéder à des par un policier qui lui aurait tiré dans la tête. Les faits se renvois forcés de personnes sans papiers qu’elles pen- seraient produits à Los Gandules, un quartier de Saint- saient être de nationalité haïtienne et qui avaient été Domingue, la capitale. Le meurtre est intervenu lors de arrêtées lors d’opérations de police. Les services manifestations contre les coupures d’électricité. Les d’immigration de la province de Dajabón ont indiqué proches de Ramón Ureña ont affirmé qu’il avait été qu’ils avaient renvoyé plus de 7 000 Haïtiens entre abattu alors qu’il ne participait pas à la manifestation. janvier et juin 2002. Selon certaines sources, il était fréquent que les autorités ne donnent pas aux indivi- Tribunaux de police dus la possibilité de justifier de leur statut officiel, si La police et l’armée disposent l’une et l’autre de leur bien qu’un certain nombre de Dominicains d’origine propre code de justice qui détermine si certaines haïtienne ont été expulsés de leur propre pays. Parmi enquêtes relatives aux droits humains relèvent des tri- ceux qui ont été renvoyés figuraient peut-être des per- bunaux militaires ou de la police plutôt que de juridic- sonnes dont les droits humains risquaient d’être violés tions ordinaires. Le projet de loi sur la réforme de la en Haïti. D’autres informations ont fait état de bruta- police, approuvé en novembre par la Chambre des lités policières lors de renvois forcés. députés, n’y a pas apporté de modifications. Toutefois, la Cour suprême a pris une décision histo- Affaires en instance rique en statuant que les poursuites engagées contre Le 5 novembre, la cour d’appel de Saint-Domingue a deux policiers inculpés dans le cadre du meurtre de annulé pour vices de procédure les condamnations et Pedro Manuel Contreras, commis en septembre 2001, les peines de trente ans d’emprisonnement de quatre devaient être examinées par un tribunal ordinaire plu- hommes, dont deux militaires de haut grade, mis en tôt que par un tribunal de police. La Cour suprême a cause dans le meurtre du journaliste Orlando estimé que les militaires ne devaient être soustraits à la Martínez en 1975. À la fin de l’année, l’affaire avait compétence des juridictions ordinaires que dans des été portée devant la Cour suprême, qui examinait une circonstances exceptionnelles et que les tribunaux de requête déposée par les représentants de la victime 324 RE selon laquelle les magistrats de la cour d’appel journaliste et maître de conférences à l’université a n’avaient pas été impartiaux. « disparu » en 1994 après avoir été, semble-t-il, arrêté À la fin du mois de décembre, l’affaire Narciso dans les rues de Saint-Domingue par des membres des González n’avait toujours pas été jugée en appel. Ce forces armées.◆ RÉPUBLIQUE TCHÈQUE RÉPUBLIQUE TCHÈQUE CAPITALE : Prague ALLEMAGNE SUPERFICIE : 78 864 km2 POLOGNE POPULATION : 10,3 millions CHEF de l'ÉTAT : PRAGUE Václav Havel RÉPUBLIQUE CHEF du GOUVERNEMENT : TCHÈQUE Milos Zeman, remplacé par Brno Vladimir Spidla le 15 juillet AUTRICHE SLOVAQUIE PEINE DE MORT : abolie COUR PÉNALE INTERNATIONALE : 0 200 km Statut de Rome signé HONGRIE

es autorités n’ont mis en place aucun limité. Au cours de cette première phase de l’enquête, mécanisme permettant d’enquêter de l’Inspection générale joue un rôle particulièrement Lmanière exhaustive et impartiale sur les important dans la collecte d’éléments de preuve : elle violations de droits humains commises par des est habilitée à se rendre sur les lieux de l’infraction policiers. Un Rom (Tsigane) est mort en garde à présumée, à établir des rapports d’expertise et à vue dans des circonstances controversées. entendre des témoins. Par le passé, il lui est arrivé de ne pas diligenter des enquêtes impartiales alors que des Plaintes contre les forces de l’ordre plaintes pour mauvais traitements avaient été déposées L’Inspection générale du ministère de l’Intérieur a contre la police. Le fait que des responsables poursuivi les enquêtes sur les allégations d’infractions d’atteintes aux droits humains n’ont pas été poursuivis pénales commises par des policiers. Ce mécanisme, a ainsi créé un climat dans lequel les policiers avaient qui veut que des membres des forces de l’ordre fassent le sentiment de pouvoir bafouer ces droits en toute l’objet d’une enquête menée par des fonctionnaires impunité. relevant de la même autorité, à savoir le ministère de Les autorités se sont en outre abstenues de mettre en l’Intérieur, avait déjà suscité, en juillet 2001, des cri- place des mécanismes qui garantiraient l’application tiques de la part du Comité des droits de l’homme des des recommandations du Comité des droits de Nations unies. Celui-ci s’était inquiété du manque l’homme concernant le droit, pour les détenus, de d’objectivité et de crédibilité du système ; il avait en consulter un avocat dès le début de leur détention. outre recommandé aux autorités de « créer un organe indépendant habilité à recevoir et à instruire toutes les Mort dans des circonstances suspectes plaintes dénonçant l'usage excessif de la force et d'autres Le 19 juin 2002, Vladimír Pecha, un Rom âgé de abus de pouvoir de la part de la police ». vingt-trois ans, aurait sauté par la fenêtre du poste de En janvier, une modification du Code de procédure police de la rue Malátova, à Brno. Il est mort des pénale a étendu le droit de regard du parquet général suites de ses blessures. D’après deux policiers, Vladimír sur le travail de l’Inspection générale. Dans la pra- Pecha, qui mesurait 1,70 m et pesait 58 kilos, les a maî- tique, toutefois, cette modification a eu peu d’effet trisés alors qu’ils le raccompagnaient des toilettes, avant quant à l’objectivité des enquêtes dans la mesure où le de sauter par la fenêtre. Ce n’est que quand la com- procureur général ne peut intervenir que lorsqu’une pagne de Vladimír Pecha a déposé une plainte que information judiciaire a été ouverte ; l’Inspection l’Inspection générale a ouvert une information judi- générale continue de mener toutes les investigations ciaire préliminaire ; à trois reprises elle et son avocat se préliminaires, le parquet n’exerçant qu’un contrôle sont vu interdire l’accès au dossier, ce qui constitue une 325 RO infraction au Code de procédure pénale. Ils y ont finale- ordonné l’autopsie n’avait pas demandé que celle-ci ment été autorisés le 6 août ; le dossier ne contenait que cherche à déterminer si Vladimír Pecha avait reçu des procès-verbaux d’audition de trois policiers et trois d’autres blessures que celles résultant de la chute. À la photographies de l’endroit où Vladimír Pecha était suite de l’intervention de la Ligue des droits de tombé, prises cinq jours après les faits. Il ne renfermait l’homme, une organisation non gouvernementale notamment aucune information sur la position du locale, le procureur général a ordonné à l’Inspection de corps après la chute ni sur l’état des vêtements. Il mener à son terme l’enquête interrompue. Celle-ci sem- semble que le responsable du poste de police ayant blait toutefois avoir peu progressé fin 2002.◆ ROUMANIE Q ROUMANIE CAPITALE : Bucarest UKRAINE SUPERFICIE : 237 500 km2 POPULATION : 22,3 millions HONGRIE CHEF de l’ÉTAT : MOLDAVIE Ion Iliescu ROUMANIE CHEF du GOUVERNEMENT : CROATIE Adrian Nastase Timisoara PEINE DE MORT : abolie BOSNIE- BUCAREST COUR PÉNALE HERZÉGOVINE INTERNATIONALE : mer Noire Statut de Rome ratifié YOUGOSLAVIE BULGARIE 0 300 km

e nombreux cas de torture et de mauvais par une ordonnance d’urgence, une semaine après la traitements infligés par des policiers ont été réunion de ladite commission. Qui plus est, ce remanie- Dsignalés. Sept hommes au moins sont morts dans ment tardif n’avait pas fait disparaître du Code pénal des circonstances suspectes. La police a eu toutes les restrictions abusives du droit à la liberté recours à des armes à feu en violation des d’expression, contraires à la Convention de sauvegarde normes internationales réglementant leur usage. des droits de l'homme et des libertés fondamentales Les victimes appartenaient souvent à la (Convention européenne des droits de l’homme). En communauté rom (tsigane). Bien que le Code octobre, le président de la République, Ion Iliescu, a ren- pénal ait été remanié, le droit à la liberté voyé le texte du remaniement devant le Parlement. d’expression est resté soumis à des restrictions En juin, le Parlement a mis en place un comité chargé de abusives. Les conditions de détention étaient rédiger des propositions de réforme constitutionnelle sus- parfois inhumaines et dégradantes ; selon ceptibles de renforcer le fonctionnement des institutions certaines informations, des prisonniers ont été de l’État. Il importait d’améliorer notamment les méca- victimes de mauvais traitements. nismes législatifs (le gouvernement ayant trop souvent tendance à légiférer par voie d’ordonnances) et l’indépen- Contexte dance du pouvoir judiciaire (en l’absence de garanties suf- La Roumanie tardait à mettre sa législation en confor- fisantes le mettant à l’abri des pressions de l’exécutif). mité avec les normes internationales relatives aux En août, le gouvernement a nommé le conseil d’admi- droits humains. Une commission du Conseil de nistration du Conseil national pour la lutte contre la l’Europe a recommandé, en mai, la clôture du dia- discrimination. Ni les groupes minoritaires vulné- logue avec la Roumanie concernant le respect de ses rables ni les organisations non gouvernementales n’y engagements envers l’organisation ; le gouvernement étaient représentés. roumain l’avait en effet informée qu’il avait pris des Cédant aux pressions des États-Unis, la Roumanie a mesures pour remédier à toutes les préoccupations for- signé un accord aux termes duquel elle s’engageait à ne mulées, notamment en modifiant certaines dispositions pas remettre ni transférer de ressortissants de ce pays à du Code pénal. En réalité, il avait modifié le Code pénal la Cour pénale internationale. 326 RO Torture et mauvais traitements diminué. Selon la Commission, « peu de poursuites à Les brutalités policières étaient apparemment toujours l'égard des fonctionnaires de police aboutissent et les aussi fréquentes. Elles constituaient parfois de véri- enquêtes internes de la police ne donnent souvent aucun tables actes de torture. Sept hommes au moins sont résultat ». La Commission a instamment prié le gou- morts en garde à vue dans des circonstances suspectes. vernement roumain de rendre public le rapport rédigé Il s’agissait dans la plupart des cas de passages à tabac par le Comité européen pour la prévention de la tor- ou de mauvais traitements infligés à des détenus pour ture et des peines ou traitements inhumains ou dégra- leur arracher des « aveux ». Lorsqu’ils ne parvenaient dants (CPT) à l’issue de sa visite en Roumanie en pas à faire « avouer » leur victime, les policiers ten- 1999, qui examinait dans quelle mesure les recom- taient souvent de justifier les violences en l’inculpant mandations du CPT en matière de lutte contre la tor- de coups et blessures ou de diffamation. Dans un cer- ture et les mauvais traitements avaient été appliquées. tain nombre de cas, les victimes n’ont pas reçu les soins que leur état exigeait et n’ont pas été protégées La communauté rom contre les passages à tabac que pouvaient leur faire Les victimes d’actes de torture et de mauvais traite- subir les autres détenus. ments appartenaient souvent à la communauté rom. ✔ Mihai Iorga, trente-deux ans, a été arrêté en mars. Les brutalités policières s’accompagnaient fréquem- N’ayant pas payé une amende, il devait purger une ment d’insultes racistes. De nombreux incidents de ce peine d’emprisonnement. Il a été conduit au dépôt de genre se sont produits, mais bien peu ont donné lieu à la police de Ploiesti et placé dans une cellule où il a été une plainte en bonne et due forme. Amnesty roué de coups par un autre détenu, à l’instigation, International a eu connaissance du cas de la mère d’un selon certaines informations, de plusieurs policiers. Il a jeune garçon de quatorze ans, frappé par deux gen- té conduit le lendemain à l’hôpital, où il a reçu des darmes, qui a renoncé à porter plainte après qu’un res- soins, avant d’être placé dans une autre cellule ; là, il a ponsable local eut fait annuler l’amende qu’elle devait de nouveau été roué de coups. Les policiers de service payer. Cette amende lui avait été infligée pour trouble l’auraient alors extrait de sa cellule et l’auraient à leur à l’ordre public, parce qu’elle avait crié pour que les tour passé à tabac. Mihai Iorga est tombé dans le coma gendarmes arrêtent de frapper son fils. et est mort quatre jours plus tard à l’hôpital. Dans un ✔ En avril, Nelu Balasoiu, D.D. et M.C., âgés respec- premier temps, la police a déclaré qu’il avait succombé tivement de dix-huit, dix-sept et quinze ans, ont été à un « coma éthylique », puis qu’il avait en fait été arrêtés en avril à Tîrgu Carbunesti. Ces trois jeunes frappé par d’autres détenus. Le procureur militaire de Rom auraient été appréhendés en possession d’un Ploiesti a bouclé en quinze jours seulement – un pneu volé et auraient été roués de coups par des poli- temps record – une enquête préliminaire sur le com- ciers, au dépôt du poste de police. Ils ont été transfé- portement des policiers et du personnel médical du rés le 14 mai à l’établissement pénitentiaire de Târgu dépôt de la police. Il a estimé qu’il n’y avait pas lieu Jiu. Plusieurs hommes détenus dans la même cellule d’engager des poursuites contre les policiers impliqués que Nelu Balasoiu ont confié à des représentants du dans cette affaire. Comité Helsinki de Roumanie (APADOR-CH) que le Des cas de mauvais traitements sur des mineurs ont été jeune homme présentait des tuméfactions aux jambes signalés. La plupart du temps, ces brutalités auraient été et à la tête, qu’il avait vomi du sang et qu’il avait éga- infligées dans un poste de police, alors que l’enfant était lement du sang dans les urines. Nelu Balasoiu aurait interrogé en l’absence de ses parents ou de représentants été examiné par un membre du personnel médical de d’un organisme de protection de l’enfance. Les policiers la prison les 28 et 29 mai, mais il n’a été hospitalisé soupçonnés de tels actes n’ont qu’exceptionnellement que le 3 juin. Il a été transféré à l’hôpital péniten- fait l’objet de poursuites. tiaire de Jilava, où il est mort le 5. Une enquête ✔ Un policier de la municipalité de Hidis a été aurait été ouverte sur les circonstances de son décès inculpé, en juin, de mauvais traitements sur la per- et sur les actes de torture dont auraient été victimes sonne du jeune F.P., âgé de treize ans. Les faits remon- D.D. et M.C. taient au mois de juillet 2001. Soupçonné d’un menu La Commission européenne contre le racisme et l’into- larcin, le jeune garçon avait été conduit au poste par lérance (ECRI) a publié au mois d’avril son second rap- deux policiers. Il aurait été déshabillé et on lui aurait port sur la Roumanie, dans lequel elle déplore les attaché les mains avec des menottes derrière les genoux. problèmes persistant à travers le pays « du point de vue Il aurait ensuite été suspendu à une barre de fer posée de l’attitude et des comportements des forces de l’ordre vis- entre deux tables, puis frappé à coups de matraque. Le à-vis des membres de la communauté rom/tsigane ». La policier impliqué dans cette affaire avait déjà été Commission exhorte les autorités roumaines à entre- condamné à une amende pour « comportement abusif ». prendre un examen du fonctionnement du système Dans son rapport annuel sur les progrès réalisés par la judiciaire afin de vérifier l’étendue de la discrimination Roumanie sur la voie de l’adhésion à l’Union euro- dans l’administration de la justice. Elle recommande péenne, publié en octobre 2002, la Commission euro- également la mise en œuvre de mesures complémen- péenne indique que le nombre de cas de violences taires visant à lutter contre les pratiques discriminatoires excessives exercées par des policiers (en particulier en vigueur au sein de la police. L’ECRI demande en contre la communauté rom) n’a pas sensiblement outre la mise en place d’un mécanisme indépendant qui 327 RO serait chargé d’enquêter sur les abus de pouvoir de la responsables politiques contrôlaient la presse locale ou police, « avec possibilité d’action le cas échéant ». entretenaient des relations étroites avec elle.

Usage illégal d’armes à feu par la police Conditions de détention Trois personnes au moins ont été tuées par balle et plu- Selon les témoignages recueillis, de nombreuses pri- sieurs autres ont été blessées par des policiers dans des sons se caractérisaient par la surpopulation, de mau- circonstances contraires aux normes internationales en vaises conditions de vie, des activités insuffisantes et matière de droits humains. La nouvelle Loi relative à des services médicaux inadaptés. l’organisation et au fonctionnement de la police, entrée En juin 2002 le centre de détention provisoire de en vigueur en mai 2002, n’a pas modifié les dispositions Ploiesti accueillait 1 136 détenus pour seulement permettant aux forces de l’ordre d’ouvrir le feu sur des 760 lits (alors que sa capacité était officiellement de suspects tentant de leur échapper mais ne mettant pas 574 places). La surpopulation était particulièrement en danger la vie d’autrui. On ne disposait pas de chiffres aiguë dans les quartiers pour mineurs et pour délin- officiels concernant les cas d’usage d’armes à feu par des quants récidivistes, où les détenus étaient en moyenne fonctionnaires de police, ni d’informations à propos deux ou trois par lit. Au moins un cas de violences d’éventuelles enquêtes ouvertes sur les incidents de ce infligées à des mineurs par des surveillants a été signalé. type qui s’étaient soldés par des morts ou des blessés. La prison de Târgu Jiu, conçue pour 500 personnes, Un seul policier a été déclaré coupable d’usage abusif abritait en juillet 1 251 détenus, qui disposaient de d’une arme à feu, l’adjudant Ion Nicolae, condamné 892 lits seulement. La chaleur et le manque d’air se fai- par la Cour suprême en février à dix-huit mois d’empri- saient d’autant plus sentir que, dans certaines pièces, les sonnement pour avoir tué Tudor Palcu en mai 1996. fenêtres avaient été obstruées par des panneaux. Cette même juridiction n’avait toujours pas mené à Il y avait en octobre 1 291 détenus à la prison de Codlea, terme le procès, commencé en mars 2000, d’un autre conçue pour 640. Les prisonniers à l’isolement n’avaient policier accusé d’avoir tué Andrei Frumusanu et Aurica pas le droit de lire. En outre, les matelas et les draps Crainiceanu, en septembre 1991. étaient retirés des cellules de 6 heures à 22 heures. ◆

Liberté d’expression Autres documents d’Amnesty International Les dispositions de deux articles imposant des restric- Romania: Deaths in custody in suspicious circumstances tions excessives au droit à la liberté d’expression n’ont [Roumanie. Morts en détention dans des pas été modifiées lors de la révision du Code pénal. Il circonstances suspectes] (EUR 39/002/02). s’agit des articles 168 (diffusion de fausses informa- Romania: Ill-treatment of children [Roumanie. tions) et 236 (diffamation d’un État ou d’une nation). Des enfants maltraités] (EUR 39/005/02). ✔ Ovidiu Cristian Iane a passé trois jours en déten- tion, au mois de janvier, en vertu de l’article 168 du Code pénal. Il a ensuite été mis en examen, de même que Mugur Ciuvica, pour avoir diffusé sur Internet un rapport intitulé Armageddon II, dans lequel le Premier ministre était accusé d’être impliqué dans des transac- tions commerciales douteuses. Aux termes des articles 205, 206 et 239 du Code pénal remanié, les injures, les outrages et la diffamation à l’égard d’un agent de l’État restaient passibles d’empri- sonnement. Selon Academia Catavencu, une organisa- tion non gouvernementale qui suit la situation des médias, plus de 400 procès étaient en instance contre des journalistes qui, dans leurs articles, avaient critiqué des personnalités ou les pouvoirs publics locaux. La plu- part étaient accusés d’injure ou d’outrage. Certains d’entre eux ont été victimes de harcèlement et d’intimidation. Une journaliste qui, dans un article, avait dénoncé les activités illicites d’un homme d’affaires soutenu par le Parti social-démocrate (PSD), la formation au pouvoir, a été menacée de chantage. Un enregistrement vidéo embarrassant pour la journa- liste a par la suite été diffusé par une chaîne de télévi- sion de Bucarest. D’autres restrictions du droit à la liberté d’expression ont été imposées par le biais de pressions économiques, exercées au niveau régional, où les

328 RO ROYAUME-UNI ROYAUME-UNI DE GRANDE-BRETAGNE ET D’IRLANDE DU NORD mer océan du Nord CAPITALE : Londres Atlantique SUPERFICIE : 244 082 km2 POPULATION : 59,7 millions CHEF de l’ÉTAT : Elizabeth II CHEF du GOUVERNEMENT : Édimbourg Tony Blair ROYAUME- PEINE DE MORT : abolie Belfast UNI COUR PÉNALE IRLANDE INTERNATIONALE : Statut de Rome ratifié Birmingham

Cardiff e graves atteintes aux droits humains LONDRES ont eu lieu à la suite de la réaction Ddes autorités britanniques aux attentats Manche du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Aux termes d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, le Royaume-Uni a violé FRANCE le droit à la vie. David Shayler a été emprisonné pour avoir enfreint la Loi de 1989 relative 0 300 km aux secrets d’État. Les conditions de détention dans certains établissements pénitentiaires étaient inhumaines et dégradantes. En Irlande avocats ont déploré que le gouvernement britannique du Nord, au moins 12 homicides imputables n’ait pas mené d’enquêtes judiciaires publiques sur les à des groupes paramilitaires ont été recensés : meurtres de Patrick Finucane et de Rosemary Nelson, ils étaient attribués pour la plupart à des en Irlande du Nord. loyalistes. Des membres de groupes armés se En avril, le Comité européen pour la prévention de la sont également rendus coupables de blessures torture et des peines ou traitements inhumains ou par balle et de passages à tabac commis dégradants a rendu compte de la visite qu’il a effectuée «à titre punitif », ainsi que d’attaques motivées au Royaume-Uni en février 2001. Il a notamment par l’intolérance religieuse. relevé des allégations de mauvais traitements infligés à des jeunes gens par des policiers au Pays de Galles, et à Contexte des prisonniers par des membres du personnel péni- En octobre, le gouvernement du Royaume-Uni a dis- tentiaire au centre de détention pour mineurs de sous l’Assemblée d’Irlande du Nord et rétabli le Feltham et à la prison de Pentonville (Londres). régime d’administration directe, marquant ainsi la En octobre, le Comité des droits de l’enfant des rupture du processus de paix. Nations unies a déploré que de nombreuses préoccu- Selon certaines allégations, des peines disproportion- pations dont il avait précédemment fait état n’aient nées auraient été infligées à des membres de minorités pas été suffisamment prises en compte. Il a notam- ethniques à l’issue des procès qui ont fait suite aux ment recommandé de relever l’âge minimum de la res- émeutes raciales survenues en 2001 dans plusieurs ponsabilité pénale et de veiller à ce qu’aucun enfant ne villes d’Angleterre. soit jugé comme un adulte. En février, dans leurs rapports à la Commission des droits de l’homme des Nations unies, la représentante Réaction aux attentats du 11 septembre 2001 spéciale du secrétaire général sur la situation des défen- À la fin de l’année, 11 étrangers étaient retenus en seurs des droits de l’homme et le rapporteur spécial vertu de la Loi de 2001 relative à la sécurité et à la des Nations unies sur l’indépendance des juges et des lutte contre la criminalité et le terrorisme. Cette loi 329 RO permettait la détention illimitée, sans inculpation ni ministre de la Défense a accepté de publier les règles jugement et sur la base d’éléments de preuve secrets, d’engagement de l’armée concernant l’usage de ces d’étrangers qui ne pouvaient pas être expulsés. Les per- projectiles. Ces règles autorisaient les tirs de balles en sonnes détenues étaient des demandeurs d’asile ou des plastique sur des personnes perçues comme étant des réfugiés reconnus. meneurs, même si elles ne prenaient part à aucune Un grand nombre des personnes incarcérées au titre activité illégale. de la législation « antiterroriste » ou parce qu’elles fai- En mai, les gouvernements du Royaume-Uni et saient l’objet d’une demande d’extradition étaient d’Irlande ont annoncé la nomination d’un ancien juge détenues dans des conditions inhumaines ou dégra- de la Cour suprême canadienne, Peter Cory, pour dantes dans des prisons de haute sécurité. enquêter sur une série de meurtres commis avec la ✔ Lotfi Raissi, un Algérien arrêté en septembre 2001, complicité présumée des forces de sécurité. Il s’agissait a été maintenu en détention durant cinq mois après des assassinats de Patrick Finucane, Rosemary Nelson, que les autorités américaines eurent demandé son Robert Hamill, Harry Breen et Bob Buchanan (deux extradition pour son implication présumée dans les policiers), Lord Justice Maurice et Lady Cecily attentats du 11 septembre 2001. Au mois d’avril Gibson, et Billy Wright. Le juge Cory a commencé ses 2002, un juge britannique a rejeté cette demande investigations en juin. d’extradition au motif qu’il n’existait aucune preuve à ✔ En mai, deux personnes ont été condamnées après l’appui des allégations des États-Unis. Lotfi Raissi a avoir plaidé coupables de conspiration visant à entra- toujours clamé son innocence. ver l’action de la justice dans l’affaire de la mort de ✔ En juillet, Mahmoud Abu Rideh, un réfugié palesti- Robert Hamill, tué à coups de pied par une foule de nien victime d’actes de torture qui était détenu depuis loyalistes en 1997, à Portadown. Les deux accusés ont décembre 2001 à la prison de haute sécurité de reconnu avoir menti afin de protéger un policier qui Belmarsh, à Londres, a été transféré dans un hôpital avait téléphoné à l’un des responsables présumés de psychiatrique de haute sécurité. Amnesty International l’agression contre Robert Hamill, lui conseillant de a demandé qu’il soit placé dans un hôpital psychia- détruire toute preuve susceptible de démontrer sa par- trique à niveau de sécurité inférieur, plus proche de sa ticipation au meurtre. De nouvelles poursuites en rela- famille à Londres, car c’est à cette seule condition que tion avec cette affaire étaient prévues. pourrait s’améliorer l’état de santé mentale de cet ✔ À la fin de l’année, on attendait les conclusions homme, qui souffre de graves troubles psychologiques. d’un réexamen judiciaire visant à déterminer pour Le Royaume-Uni n’a pas fait les démarches qui quelles raisons la police n’avait pas communiqué ses s’imposaient auprès des autorités des États-Unis pour comptes rendus d’investigation sur la mort de Billy s’assurer que les droits fondamentaux de ses nationaux Wright. Ce dirigeant d’un groupe paramilitaire loya- détenus à la base américaine de Guantánamo Bay liste avait été abattu à la prison de Maze, en décembre (Cuba) étaient respectés. Ces Britanniques étaient 1997, par trois prisonniers membres de l’Irish détenus sans inculpation ni jugement, pour une durée National Liberation Army (INLA, Armée nationale de non spécifiée ; ils ne pouvaient pas saisir la justice et libération irlandaise). n’étaient autorisés ni à consulter un avocat ni à voir ✔ En avril, la famille de Peter McBride a échoué dans leurs proches. sa tentative de faire annuler une décision de l’armée ✔ Au cours de l’année, Feroz Abbasi, Asif Iqbal, britannique qui autorisait deux Gardes écossais recon- Shafiq Rasul ainsi que d’autres Britanniques détenus à nus coupables de l’assassinat de Peter McBride, en Guantánamo Bay ont reçu au moins deux fois la visite 1992, à continuer de servir dans ses rangs. de représentants du Royaume-Uni, dont des membres ✔ Au mois de mai, la Cour européenne des droits de des services de sécurité, qui se sont entretenus avec l’homme a estimé que le Royaume-Uni avait violé le eux ; leur situation juridique demeurait incertaine. droit à la vie de Dermot McShane en ne menant pas une véritable enquête sur sa mort, qui s’est produite Irlande du Nord en 1996 après qu’un véhicule de l’armée eut roulé sur Le degré de violence motivée par l’intolérance reli- un morceau de panneau derrière lequel il tentait de se gieuse a été particulièrement élevé au cours des émeutes protéger. qui, pendant plusieurs mois, ont secoué les quartiers est ✔ Les audiences du tribunal d’investigation enquêtant de Belfast. Des inquiétudes ont été exprimées face aux sur les événements du « Dimanche sanglant », au cours allégations selon lesquelles les mesures de maintien de duquel des soldats avaient tué 13 personnes non l’ordre déployées lors de ces émeutes et d’autres inci- armées en 1972, se poursuivaient à la fin de l’année. dents auraient été inadaptées et inéquitables et selon Exactions commises par des groupes armés lesquelles certains policiers et militaires auraient eu Au moins 12 homicides imputables à des groupes recours à une force excessive. Plusieurs personnes ont armés ont été recensés durant l’année : huit ont été été blessées par des tirs de balles en plastique. attribués à des loyalistes et quatre à des dissidents En juin, la médiatrice de la police d’Irlande du Nord républicains. s’est déclarée préoccupée par le manque de sur- ✔ Des paramilitaires loyalistes ont revendiqué le veillance dont l’armée britannique faisait l’objet quant meurtre de Daniel McColgan, un postier catholique à son utilisation de balles en plastique. En octobre, le de vingt ans tué en janvier. 330 RO ✔ En août, des dissidents républicains ont revendiqué par l’armée de l’air ou la marine à la fin de l’année. l’attentat à la bombe qui a tué David Caldwell, ouvrier Toutefois, il semble que des procédures aient été éta- du bâtiment protestant âgé de cinquante et un ans. blies, pour l’ensemble de ces trois armes, afin que D’après les chiffres de la police, 206 personnes ont été toute personne de moins de dix-huit ans soit, en prin- victimes de coups de feu ou d’agressions imputables à cipe, remplacée ou exclue lors de la préparation d’opé- des paramilitaires loyalistes et 106 ont subi des agres- rations où il existerait la moindre probabilité qu’elle sions ou des tirs venant de paramilitaires républicains. doive participer à des hostilités ou courir un risque du Un grand nombre de ces victimes étaient des enfants. fait de ces hostilités. ✔ En mai, un garçon de douze ans a eu la tête asper- gée d’essence et ensuite enflammée. Un adolescent a Morts à l’armée dans des circonstances été menotté à un lampadaire après avoir été enduit de controversées goudron et couvert de sciure. En mars, James Collinson, dix-sept ans, a été retrouvé mort au quartier général du régiment royal de logis- Morts en garde à vue au cours des années passées tique à Deepcut, dans le Surrey (Angleterre). Il avait, ✔ Au mois de mars, la Cour européenne des droits de semble-t-il, une seule balle dans la tête. Des respon- l’homme a conclu que le Royaume-Uni avait violé le sables des forces armées auraient indiqué à ses parents droit de Christopher Edwards à la vie ; cet homme de qu’il s’agissait d’un suicide. En septembre 2001, un trente ans ayant des antécédents psychiatriques avait autre adolescent de dix-sept ans, Geoff Gray, avait lui été tué à coups de pied en novembre 1994 par son aussi été retrouvé mort à la même caserne, avec deux compagnon de cellule, qui souffrait lui-même de blessures par balles à la tête. L’enquête menée en mars troubles mentaux à l’époque. pour déterminer les causes de la mort de Geoff Gray a ✔ Le procès des cinq policiers mis en cause dans la conclu qu’elles ne pouvaient être établies. Le coroner mort de Christopher Alder, en 1998, a pris fin au aurait néanmoins déclaré qu’il ne pensait pas que le mois de juin, après la décision du juge de rejeter toutes jeune homme se soit suicidé. les accusations au motif que des expertises médicales Il est apparu en juin que deux autres personnes étaient divergentes ne permettaient pas de déterminer la cause mortes à Deepcut, en juin 1995. Cheryl James, dix- du décès. huit ans, avait été retrouvée morte avec une seule bles- ✔ En juillet, le rapport de la première enquête sure par balle à la tête ; selon l’enquête du coroner les publique ouverte sur une mort en détention, en causes de la mort ne pouvaient être établies. Sean l’occurrence celle de Paul Wright, a reproché aux Benton, vingt ans, avait lui aussi été retrouvé mort, autorités pénitentiaires et au ministère de l’Intérieur avec cinq blessures par balles. L’enquête avait conclu à de n’avoir pas veillé à ce que des soins médicaux adé- un suicide. Une enquête de police sur ces quatre quats et suffisants soient fournis à ce détenu et d’avoir affaires était toujours en cours à la fin de l’année. caché des informations à sa famille au cours de précé- dentes enquêtes. Paul Wright est mort en prison en Prisons 1996 d’une crise d’asthme. Les autorités britanniques n’ont pas rempli l’obliga- tion qui est la leur de protéger les droits humains fon- Coups de feu meurtriers imputables à la police – damentaux des enfants et des jeunes incarcérés dans mise à jour certaines prisons d’Angleterre et du pays de Galles. En juin, à l’issue d’une enquête du coroner (menée en Les mécanismes de prévention des suicides et des bles- cas de mort violente, subite ou suspecte) sur la mort sures auto-infligées étaient inadéquats, de même que le de Harry Stanley, et après que le coroner l’eut empêché système d’investigation sur les circonstances des morts d’envisager la thèse de l’homicide illégal, le jury a en détention, les mauvais traitements, les brimades et conclu à l’impossibilité de déterminer les causes de la les insultes à caractère raciste imputables au personnel mort. Harry Stanley avait été tué par balle en 1999, pénitentiaire. Les soins médicaux et les conditions de alors qu’il était désarmé, par une unité d’intervention détention laissaient également à désirer. armée de la police londonienne. Les éléments médico- ✔ Au mois de septembre, à l’issue d’une enquête du légaux produits au cours de l’enquête remettaient en coroner menée sur la mort de Kevin Jacobs, un adoles- question la déposition des policiers. cent de seize ans particulièrement vulnérable qui s’était suicidé en septembre 2001 au centre de déten- Enfants soldats tion pour mineurs de Feltham (Londres), le jury a À la fin de l’année, le Royaume-Uni n’avait toujours rendu un verdict constatant un « suicide auquel avait pas ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la contribué une certaine négligence ». Il a estimé que la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant mort de l’adolescent avait résulté des « déficiences fla- l’implication d’enfants dans les conflits armés. grantes du système ». Amnesty International a été informée qu’à partir de En septembre, l’inspecteur en chef des prisons septembre l’armée de terre britannique n’enverrait d’Écosse a signalé une progression des cas de violences plus aucune personne âgée de moins de dix-huit ans entre détenus et fait état de la surpopulation carcérale ; prendre part à des hostilités en dehors du Royaume- il a également indiqué que les installations sanitaires Uni. Aucun engagement semblable n’avait été formulé étaient totalement inadéquates. En décembre, son 331 RO homologue pour les prisons d’Angleterre et du Pays de sanglant ». Les délégués de l’organisation ont interrogé Galles a dénoncé dans un rapport la surpopulation des détenus à la prison de Belmarsh en février et en carcérale, une augmentation de 29 p. cent des suicides juin ; ils ont suivi les procédures judiciaires relatives à et une détérioration des conditions de détention, cer- l’extradition de certains détenus demandée par les tains prisonniers restant enfermés dans leurs cellules États-Unis ; en outre, ils ont assisté à des audiences durant de longues périodes. concernant la détention de Britanniques à Guantánamo Bay ainsi que les placements en déten- Demandeurs d’asile et réfugiés tion administrative effectués en vertu de la Loi de Avec l’entrée en vigueur, en novembre, de la Loi sur la 2001 relative à la sécurité et à la lutte contre la crimi- nationalité, l’immigration et l’asile, la disposition de la nalité et le terrorisme. Les délégués d’Amnesty loi précédente qui prévoyait, pour les demandeurs International ont également assisté à une audience d’asile détenus, deux audiences obligatoires portant sur dans l’affaire du meurtre de Zahid Mubarek au centre la mise en liberté sous caution a été abrogée. Cette dis- de détention pour mineurs de Feltham.◆ position n’avait jamais été appliquée. La nouvelle loi ne résout pas les déficiences de la procédure actuelle de Autres documents d’Amnesty International détermination du statut de réfugié. Elle introduit en United Kingdom: Failing children and young people in outre une liste de pays « sûrs » : les demandes d’asile detention [Royaume-Uni. Les détenus mineurs trahis] formulées par les ressortissants de ces pays seraient (EUR 45/004/02). jugées infondées et les priveraient de leur droit de for- United Kingdom: Rights denied – the UK’s response mer un recours contre le rejet de leur requête. Cette loi to 11 September 2001 [Royaume-Uni. Les droits prévoit aussi que l’État n’accordera plus aucune aide bafoués : réaction aux attentats du 11 septembre aux personnes qui n’auraient pas demandé l’asile « dès 2001] (EUR 45/016/02). que cela est raisonnablement possible » après leur arrivée United Kingdom: Amnesty International’s au Royaume-Uni, à l’exception des familles avec des Memorandum to the UK Government on Part 4 enfants, des personnes présentant des besoins particu- of the Anti-terrorism, Crime and Security Act 2001 liers et de celles dont la situation dans leur pays d’ori- [Royaume-Uni. Mémorandum soumis par Amnesty gine a considérablement évolué depuis leur arrivée. Les International au gouvernement britannique sur autorités ont reconnu qu’environ les deux tiers de le point 4 de la Loi de 2001 relative à la sécurité toutes les demandes d’asile étaient déposées une fois et à la lutte contre la criminalité et le terrorisme] que la personne se trouvait dans le pays, et non pas au (EUR 45/017/02). lieu d’entrée au Royaume-Uni.

Liberté d’expression David Shayler, ancien agent des services de renseigne- ments britanniques qui avait fait état d’irrégularités dans les activités des services de sécurité et de rensei- gnements, a été incarcéré en novembre pour infraction à la Loi relative aux secrets d’État. Cette loi n’autorise pas le prévenu à soutenir qu’il a agi dans l’intérêt général. David Shayler a été remis en liberté en décembre, muni d’un bracelet électronique.

Samar Alami et Jawad Botmeh Au mois de novembre, la Chambre des Lords a refusé à Samar Alami et à Jawad Botmeh un droit de recours contre leur déclaration de culpabilité et leur peine. Ils avaient été condamnés en 1996 à vingt années d’emprisonnement après avoir été reconnus coupables de complot en vue de perpétrer des attentats à l’explo- sif contre l’ambassade d’Israël et la Balfour House, à Londres, en 1994. Amnesty International estime que les déclarations de culpabilité de ces deux hommes sont sujettes à caution et qu’ils ont été privés de leur droit à un procès équitable.

Visites d’Amnesty International Une délégation d’Amnesty International s’est rendue en visite en Irlande du Nord au mois de septembre et a assisté aux audiences du tribunal londonien chargé d’enquêter sur les événements du « Dimanche 332 RU RUSSIE

NORVÈGE océan glacial Arctique mer SUÈDE de mer mer Béring FINLANDE de Barents de Laptev LITUANIE mer de Kara Saint-Pétersbourg ESTONIE LETTONIE BIÉLORUSSIE

MOSCOU mer d'Okhotsk UKRAINE RUSSIE

GÉORGIE Omsk Tchétchénie mer Caspienne KAZAKHSTAN mer d'Aral CHINE JAPON AZERBAÏDJAN MONGOLIE mer CORÉE du TURKMÉNISTAN DU NORD Japon IRAN CHINE 0 1000 km É FÉDÉRATION DE RUSSIE la Fédération de Russie une campagne de CAPITALE : Moscou répression contre les civils tchétchènes. Les 2 groupes armés tchétchènes se sont pour leur part SUPERFICIE : 17 075 400 km rendus coupables de graves exactions. On estimait POPULATION : 143,8 millions à environ 110 000 le nombre de personnes déplacées originaires de Tchétchénie vivant dans CHEF de l'ÉTAT : des conditions très précaires en Ingouchie Vladimir Poutine voisine. Ces personnes étaient, semble-t-il, CHEF du GOUVERNEMENT : menacées d’être envoyées de force en Tchétchénie, où leur sécurité et leur dignité ne Mikhaïl Kassianov pouvaient pas être assurées. Des cas de torture et PEINE DE MORT : abolie de mauvais traitements ont continué d’être en pratique signalés dans le reste du pays. Les conditions de vie des personnes incarcérées étaient souvent COUR PÉNALE cruelles, inhumaines et dégradantes. Les INTERNATIONALE : personnes appartenant à des minorités ethniques Statut de Rome signé étaient fréquemment confrontées à des discriminations. Les auteurs d’attaques racistes ont souvent agi en toute impunité. Des réfugiés et es forces de sécurité russes, assurées d’une des demandeurs d’asile ont été renvoyés dans des impunité presque totale, ont commis pays où ils risquaient d’être victimes de violations Lde graves atteintes aux droits humains et de leurs droits les plus fondamentaux. au droit international humanitaire dans le cadre du conflit persistant en République tchétchène Contexte (Tchétchénie). Après la prise d’otages de Moscou, Le nouveau Code de procédure pénale est entré en en octobre, les organes chargés de l’application vigueur le 1er juillet. Sans combler toutes les lacunes des lois ont mené sur l’ensemble du territoire de du Code précédent, il comportait un certain nombre 333 RU de réformes importantes, disposant notamment que le ✔ Le 14 février, les forces russes auraient enlevé à son maintien en détention des suspects relevait désormais domicile Naïp Idiguov, un Tchétchène qui vivait à de la compétence des tribunaux et que toute personne Karaboulak, en Ingouchie. Son corps a été retrouvé au appréhendée devait être présentée à un tribunal dans mois d’octobre, dans une décharge de Grozny. les quarante-huit heures suivant son arrestation. Opérations militaires En février, la Douma (chambre basse du Parlement) a Les opérations de « nettoyage » (zatchistki en russe) repoussé une proposition d’amendement du Code pénal, menées par les forces de sécurité russes auraient conti- qui aurait fait de la torture un crime à part entière. nué à donner lieu à de graves violations des droits Au lendemain de la prise d’otages de fin octobre, au humains, à des pillages et à des extorsions. cours de laquelle une cinquantaine de personnes en ✔ Tsotsin-Iourt, un village situé à l’est de Grozny, avaient retenu plus de 800 autres dans un théâtre de a été le théâtre de plusieurs opérations de ce type Moscou, la Douma s’est prononcée en faveur d’un cer- en 2002. Au mois de mars, les forces russes ont cerné tain nombre de modifications à apporter aux lois sur le village, après que deux soldats russes eurent été les médias et la lutte contre le « terrorisme ». On pou- tués, apparemment par des combattants tchétchènes. vait craindre que ces modifications ne compromettent Pendant le siège, qui a duré jusqu’au 1er avril, les sérieusement la liberté d’expression, mais le président forces russes ont arrêté environ 300 hommes, qui Poutine, faisant usage de son droit de veto, s’est opposé auraient été torturés et maltraités. La plupart des pri- à leur adoption et a renvoyé les textes devant les parle- sonniers ont par la suite été relâchés. Certains mentaires pour qu’ils soient examinés à nouveau. auraient été contraints de payer des sommes d’argent Des cas de violences racistes, perpétrées par des acteurs pour acheter leur liberté. Au moins 15 hommes non étatiques dans différentes villes de Russie, ont de auraient cependant été emmenés par les forces russes nouveau été signalés. Les pouvoirs publics n’ont guère et auraient ensuite « disparu ». Sept habitants auraient réagi aux propos racistes tenus par certaines personna- été tués lors d’une autre opération lancée par les lités au niveau régional. Des publications ouvertement forces de sécurité russes contre le même village, antisémites étaient en vente libre. en juillet 2002. Défenseurs des droits humains Le conflit en Tchétchénie Les organisations de défense des droits humains encore Les deux parties au conflit en Tchétchénie ont conti- présentes en Tchétchénie travaillaient dans des condi- nué de commettre de graves atteintes aux droits tions extrêmement difficiles et périlleuses. Au mois de humains. La situation en ce domaine s’est encore juillet, des inconnus en uniforme ont fait irruption dans dégradée pendant le second semestre 2002. Les com- le bureau de Grozny de l’organisation non gouverne- battants tchétchènes ont intensifié leur action, abat- mentale Memorial. Les observateurs internationaux des tant notamment un hélicoptère de l’armée russe au droits humains se heurtaient à de multiples obstacles mois d’août (attaque ayant fait au moins 117 morts) et pour se rendre en République tchétchène. commettant un attentat-suicide à la bombe au mois de Impunité décembre. Les forces fédérales ont encore durci leur La situation en Tchétchénie se caractérisait par attitude à l’égard de la population locale. Après la prise l’absence d’État de droit. Les milliers de crimes com- d’otages survenue à Moscou, elles ont multiplié les mis par des membres des forces fédérales contre la points de contrôle. Le nombre d’arrestations aurait population civile n’ont qu’exceptionnellement donné augmenté. Les forces de sécurité russes se seraient lieu à une enquête, et à plus forte raison à des pour- livrées à de vastes opérations d’une grande brutalité suites contre leurs auteurs présumés. Un responsable dans divers quartiers de Grozny, la capitale gouvernemental aurait déclaré au mois de mai que tchétchène, et dans ses faubourgs. plus de 30 militaires avaient été jugés par les tribunaux Violations des droits humains par les forces russes pour des infractions commises en Tchétchénie. Au Des violations des droits humains ont été signalées mois de septembre, un autre responsable a affirmé que dans la zone de conflit, notamment des exécutions 44 membres des forces russes avaient été condamnés extrajudiciaires, des « disparitions » et des cas de torture pour des infractions contre des civils. Neuf auraient (y compris des viols). Ces violations, si elles sont avé- été reconnus coupables de meurtre, un de viol et trois rées, constituent des crimes de guerre. D’autres viola- de blessures ou d’homicide par négligence. tions des droits humains et du droit international ✔ Le cas du colonel Iouri Boudanov est une exception. humanitaire ont aussi été perpétrées ; il s’agissait Ce commandant d’un régiment de blindés de l’armée notamment de détentions arbitraires, de mauvais trai- russe a été inculpé du meurtre de Kheda Koungaïeva, tements, de pillages et d’actes de vandalisme. une jeune fille de dix-huit ans tuée en mars 2000 dans ✔ Saïd-Magomed Imakaïev, Rouslan Outsaïev et trois le village de Tangui-Tchou. Pour une raison inexpli- autres hommes ont été arrêtés à leur domicile de cable, les conclusions de l’autopsie, qui indiquaient que Novye Atagui, un village tchétchène, le 2 juin par les la victime avait été violée peu avant sa mort, ont été forces de sécurité russes. Ils ont ensuite « disparu ». Le ignorées par l’accusation. Le procès, qui s’est ouvert en fils de Saïd-Magomed Imakaïev, Saïd-Khousseïn février 2001, a été ajourné à plusieurs reprises. En Imakaïev, arrêté en décembre 2000 par des soldats décembre 2002, une expertise psychiatrique a conclu fédéraux russes, a lui aussi « disparu ». que Iouri Boudanov était en proie à une crise de folie 334 RU passagère au moment du crime, alors que les expertises quelque 800 autres venues assister à une représenta- précédentes avaient établi que l’accusé était sain d’esprit tion théâtrale. Plusieurs otages ont été tués par les et responsable de ses actes. Un tribunal militaire a fina- membres du commando avant que les forces russes ne lement estimé, le 31 décembre 2002, que Iouri prennent d’assaut le théâtre, le 26 octobre, à l’aube, Boudanov n’était pas pénalement responsable et a libérant le reste des spectateurs et tuant les preneurs ordonné qu’il suive un traitement psychiatrique. Cette d’otages. On estimait à 129 le nombre d’otages morts, décision a été critiquée par les organisations russes de pendant ou après l’assaut, essentiellement à la suite de défense des droits humains. l’inhalation du gaz incapacitant utilisé par les forces ✔ Un policier aurait été inculpé de coups et blessures russes lors de leur intervention. sur la personne de Zelimkhan Mourdalov, un jeune Après ces événements, les Tchétchènes vivant à habitant de Grozny qui a « disparu » en janvier 2001. Moscou ont été l’objet de contrôles dans la rue et ont Les proches de la victime et la journaliste russe Anna également reçu la visite chez eux de policiers deman- Politkovskaïa auraient été menacés de mort par cet dant à vérifier les papiers attestant la régularité de leur agent, accusé par des témoins d’avoir participé à l’enlè- séjour. Beaucoup se sont plaints d’avoir été maltraités vement du jeune homme. Le policier a néanmoins été lors de ces contrôles à domicile. Un certain nombre de remis en liberté en mai, après quatre mois de détention Tchétchènes ont été arrêtés. Certains dans la ville provisoire, en attendant un complément d’enquête. auraient été abusivement accusés d’infractions à la Personnes déplacées législation sur les stupéfiants. On estimait à 110 000 le nombre de personnes dépla- La Tchétchénie et la communauté internationale cées continuant à vivre dans la république voisine L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a d’Ingouchie. Nombre d’entre elles croupissaient dans adopté en janvier une résolution, dans laquelle elle des camps surpeuplés, où les conditions d’hébergement déplorait « les graves violations des droits de l’homme et d’hygiène étaient déplorables. Après la prise d’otages qui continuent d’être commises en République tchétchène de Moscou, des unités dépendant du ministère de ainsi que le manque de progrès dans les enquêtes sur les l’Intérieur (MVD) ont mis en place des barrages, pour crimes passés et présents, et dans la poursuite et la contrôler les entrées et les sorties de ces camps. condamnation de leurs auteurs, qui est source d’un senti- En mai, le président ingouche nouvellement élu et le ment général d’impunité ». La Russie a refusé d’autori- chef de l’administration tchétchène favorable à Moscou ser la publication des rapports rédigés à l’issue de ses ont signé un accord affirmant que « tous les réfugiés visites en Tchétchénie par le Comité européen pour la tchétchènes devraient avoir été rapatriés d’Ingouchie avant prévention de la torture et des peines ou traitements la fin du mois de septembre ». Cela n’a pas été le cas et inhumains ou dégradants. l’échéance a été reportée à la fin du mois de janvier Les autorités russes et l’Organisation pour la sécurité 2003. Le camp d’Aki Iourt a été fermé le 2 décembre et et la coopération en Europe (OSCE) ne sont pas parve- les autorités russes ont menacé de faire de même pour nues à se mettre d’accord sur une prolongation du d’autres camps, tout en assurant que nul ne serait mandat du Groupe d'assistance de l'OSCE en contraint de rentrer en Tchétchénie. Tchétchénie, qui arrivait à expiration le 31 décembre Atteintes aux droits humains 2002. La mission de l’OSCE a par conséquent cessé ses perpétrées par les combattants tchétchènes activités. Son mandat portait notamment sur la pro- Les forces tchétchènes auraient enfreint le droit inter- motion d’institutions démocratiques, le respect des national humanitaire. Il était toutefois très difficile de droits humains et de l’état de droit, et la recherche vérifier de manière indépendante les informations à ce d’une solution pacifique au conflit. sujet, dans la mesure où l’accès à la région était très limité et où il y régnait une forte insécurité. Les com- Liberté d’expression battants tchétchènes opérant dans des zones habitées La liberté d’expression était battue en brèche, notam- n’auraient rien fait pour tenter de protéger la popula- ment par la prise de contrôle ou la fermeture de tion civile. Les forces tchétchènes s’en sont prises aux moyens d’information tels que la chaîne de télévision membres civils de l’administration favorable au TV-6, fermée au mois de janvier. TV-6 s’était distin- Kremlin, faisant des dizaines de morts et de blessés guée par son ton critique à l’égard de la politique du graves. Elles se sont également livrées à des enlève- gouvernement, en particulier sur la question de la ments de civils et à des prises d’otages. De telles guerre en Tchétchénie. violences peuvent constituer des crimes de guerre. ✔ Au mois de juin, le Collège militaire de la Cour ✔ L’attentat perpétré le 27 décembre à Grozny contre suprême a confirmé la décision d’un tribunal militaire le siège principal de l’administration civile tchétchène de Vladivostok, qui avait condamné au mois de favorable à Moscou a fait au moins 80 morts et de décembre 2001 le prisonnier d’opinion Grigori Pasko à nombreux blessés. Cette action, menée à l’aide de deux quatre ans de détention dans un camp de travail. camions bourrés d’explosifs, a été revendiquée sur son Journaliste et capitaine dans la marine nationale, site Internet par l’opposition armée tchétchène. Grigori Pasko avait été arrêté, en 1997, pour avoir Prise d’otages dans un théâtre moscovite dénoncé le déversement illégal de déchets nucléaires Le 23 octobre, une cinquantaine de personnes, présen- par la marine russe. Il était accusé d’avoir communiqué tées comme étant des Tchétchènes, a pris en otages des documents secrets à la presse japonaise. 335 RU Objecteurs de conscience fréquentes. Il n’était pas rare de trouver une centaine Une nouvelle loi relative au service de substitution au de prisonniers entassés dans des cellules de moins de service militaire a été signée en juillet par le président 100 mètres carrés et contraints de dormir à tour de Poutine. Elle doit entrer en vigueur en janvier 2004. rôle. Le vice-ministre de la Justice aurait déclaré en Le nouveau service de substitution, qui répond certes à mai que plus de la moitié des prisonniers du pays souf- un certain nombre de préoccupations évoquées par fraient de maladies. Il aurait indiqué que 92 000 déte- Amnesty International et d’autres organisations de nus étaient tuberculeux, 33 600 avaient contracté le défense des droits humains, ne satisfait toujours pas sida ou étaient séropositifs et 30 000 étaient atteints aux normes internationales, car sa durée a un caractère de syphilis. Les conditions de détention dans de nom- punitif (quarante-deux mois au lieu de vingt-quatre breux centres de détention provisoire étaient tellement pour le service militaire) et il ne s’agit pas d’un service exécrables qu’elles constituaient, de fait, un traitement exclusivement civil. cruel, inhumain ou dégradant.

Torture et mauvais traitements Discrimination et violence fondées La police aurait eu recours de manière quasiment routi- sur la race ou l’ethnie nière à la torture et au mauvais traitement des détenus La discrimination raciale était très répandue. Certains pour obtenir des « aveux ». Au mois de mai, le Comité groupes étaient tout particulièrement visés par la police des Nations unies contre la torture a exprimé sa pro- lors de contrôles d’identité qui se soldaient souvent par fonde inquiétude devant les allégations nombreuses et des arrestations arbitraires ou des mauvais traitements. concordantes selon lesquelles des tortures et d’autres Les demandeurs d’asile et les réfugiés se heurtaient de mauvais traitements étaient couramment infligés aux surcroît au refus fréquent de la police de considérer détenus par des membres des forces de l’ordre, générale- leurs papiers comme valables. Dans certaines régions, ment en vue de leur extorquer des « aveux ». des communautés entières étaient privées de toute une C’était pendant les premières heures de leur série de droits économiques, civils et politiques, y com- garde-à-vue, avant d’être inculpées, que les personnes pris de leur droit à la citoyenneté. Certaines pratiques arrêtées risquaient le plus d’être torturées ou maltrai- discriminatoires en matière de délivrance de passeports tées. Les victimes de tels actes appartenaient à toutes et de visas de résidence exposaient certaines personnes à les catégories de la population, mais les plus vulné- des arrestations arbitraires, des extorsions et des rables étaient les membres des minorités ethniques ou demandes de pots-de-vin, tout en les privant d’un cer- des couches les plus pauvres de la population. tain nombre de droits civils et politiques. L’absence persistante d’enquêtes sur ce genre d’agisse- ✔ En mars, le gouverneur du territoire de Krasnodar, ments et d’action en justice contre leurs auteurs dans le sud de la Russie, a annoncé qu’il avait l’inten- contribuait à créer un climat d’impunité. tion de lancer une campagne d’expulsion massive des ✔ Soupçonnés de vol, Andreï Ossentchougov et « immigrés clandestins ». Cette déclaration visait Alexeï Chichkine, deux jeunes garçons de seize ans, notamment plusieurs milliers de personnes qui étaient ont été arrêtés en mars. Ils ont été placés au centre de citoyennes de l’ex-Union soviétique et qui n’avaient détention provisoire régional de Nijni Novgorod. pas pu, en raison de la politique discriminatoire appli- Andreï Ossentchougov aurait été roué de coups, quée par les autorités locales, faire valoir leur droit à la fouetté et torturé à l’électricité par deux adultes dont il citoyenneté russe et à la résidence. partageait la cellule, pendant trois jours consécutifs, Trois policiers ont comparu en mars devant un tribu- fin juillet 2002. Ses deux agresseurs auraient agi sur nal pour invention de fausses preuves à charge, abus ordre du personnel pénitentiaire. Alexeï Chichkine de pouvoir, vol et extorsion. Ils auraient fait partie aurait lui aussi été torturé par ces deux mêmes prison- d’un groupe de personnes non identifiées qui, en niers. Le procès des deux adolescents a été ajourné par juillet 2000, avait fait irruption dans une maison de le président du tribunal dès son ouverture, au mois Starbeïevo, un village du district de Khimki, où d’août, pour permettre à Andreï Ossentchougov de se vivaient des ouvriers du bâtiment d’origine tadjike. rétablir de ses blessures. Les familles des deux garçons Selon les témoignages recueillis, les intrus auraient ont porté plainte, mais elles ont été informées qu’après proféré des insultes racistes contre trois des occupants examen leurs plaintes s’étaient avérées insuffisamment (Azizkhon Davlatov, Samad et Iskandar Ibroïmov) et fondées pour qu’une information soit ouverte. Le par- les auraient roués de coups, avant de les emmener, en quet a néanmoins ouvert au mois d’octobre une infor- les accusant d’avoir enfreint la législation sur les stupé- mation judiciaire contre les deux détenus impliqués. fiants. Il s’était avéré par la suite que les agresseurs Des agents des services pénitentiaires auraient inter- étaient en fait des policiers sous les ordres d’un major rogé Andreï Ossentchougov et lui aurait fait signer du Service régional de lutte contre le crime organisé une déclaration, dans laquelle il affirmait avoir lui- (RUBOP) de Moscou. L’affaire était en cours à la fin de même demandé à être battu. l’année 2002. De nouveaux actes de violence raciste perpétrés par Conditions de vie en détention des acteurs non gouvernementaux ont été signalés Les prisons de Russie étaient toujours surpeuplées dans différentes villes de Russie. Très souvent, les vic- et les maladies contagieuses y étaient toujours aussi times d’agressions racistes ne les signalaient pas à la 336 RW police, de peur d’avoir à subir d’autres violations de de la violence domestique contre les femmes. Il a leurs droits. Selon certaines personnes qui ont décidé exprimé ses préoccupations concernant les informations de porter plainte, les agents de la force publique rechi- selon lesquelles certaines détenues auraient été victimes gnaient à enregistrer l’agression dont elles avaient été de mauvais traitements et le fait que, de manière géné- victimes comme un acte raciste, leur conseillant fré- rale, le gouvernement s’abstenait d’enquêter sur de telles quemment de la présenter comme un acte de « houli- affaires, de sanctionner et de poursuivre en justice les ganisme » (défini en droit russe comme « une grave responsables présumés. Il a indiqué qu’en dépit d’élé- atteinte à l’ordre public »). ments convaincants tendant à prouver que les forces ✔ En juillet, un groupe d’étudiants, de réfugiés et de russes s’étaient livrées à des viols et à d’autres violences demandeurs d’asile africains a été attaqué par une sexuelles sur des femmes en Tchétchénie, le gouverne- dizaine de Russes de sexe masculin au crâne rasé, ment n’avait, dans l’immense majorité des cas, ni mené criant des injures racistes, dans le parc Troparevski, à les enquêtes nécessaires ni contraint les auteurs présu- Moscou. Des policiers qui se trouvaient non loin de là més de répondre de leurs actes. auraient refusé de venir en aide aux victimes. Un étu- diant camerounais, Germain Soumele Kembou, a été Visites d’Amnesty International grièvement blessé. Alors que ses blessures nécessitaient Des délégués d’Amnesty International se sont rendus des soins hospitaliers, il a été conduit au commissariat en Fédération de Russie en février, mars, mai, juin, de Teply Stan pour y être interrogé, en compagnie de juillet, septembre et novembre. Une délégation de deux de ses agresseurs présumés. Fait inhabituel, une l’organisation, dont faisait partie sa secrétaire générale, enquête judiciaire a été ouverte sur cette affaire. Elle Irene Khan, s’est rendue à Moscou au mois d’octobre, était toujours en cours à la fin de l’année 2002. pour y donner le coup d’envoi d’une campagne mon- ✔ Cinq personnes ont été condamnées en novembre à diale sur les droits humains en Fédération de Russie, des peines allant de trois à huit ans d’emprisonnement baptisée Justice pour tous !◆ pour leur rôle dans une attaque lancée en octobre 2001 par une bande d’environ 300 jeunes gens, sur un Autres documents d’Amnesty International marché de Moscou. Cette attaque avait fait trois morts Fédération de Russie/Tchétchénie. Violations des droits (un Arménien, un Indien et un Tadjik) et une quaran- humains en toute impunité. Note sur le conflit en taine de blessés. Tchétchénie adressée par Amnesty International à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe Violences contre les femmes (EUR 46/004/02). Le Comité sur l'élimination de la discrimination à Fédération de Russie. Justice pour tous ! l'égard des femmes a déploré en janvier le manque (EUR 46/023/02). d’empressement du gouvernement à prendre les Fédération de Russie. Un pays sans véritable justice mesures nécessaires pour combattre le grave phénomène (EUR 46/027/02). RWANDA RÉPUBLIQUE RWANDAISE OUGANDA CAPITALE : Kigali RÉPUBLIQUE SUPERFICIE : 26 338 km2 DÉMOCRATIQUE DU CONGO POPULATION : 8,1 millions Ruhengeri TANZANIE CHEF de l’ÉTAT : lac RWANDA lac Paul Kagamé Kivu KIGALI Victoria CHEF du GOUVERNEMENT : Kibuye Bernard Makuza Kibungo PEINE DE MORT : maintenue Gikongoro Cyangugu COUR PÉNALE Butare INTERNATIONALE : Statut de Rome non signé BURUNDI

lac 0 100 km Tanganyika

337 RW es « disparitions », des arrestations ment conservait un contrôle quasi complet sur arbitraires, des mises en détention l’ensemble du pays, tant du point de vue politique et Dillégales, des actes de torture et des mauvais militaire qu’économique, réduisant au silence toute traitements contre des détenus ont été signalés critique ou tentative de mise en cause de son autorité. cette année. Au moins 40 personnes ont été À la fin de l’année, les 23 478 Rwandais réfugiés en condamnées à mort pour des crimes commis Tanzanie avaient presque tous été rapatriés. Ce rapa- pendant le génocide de 1994 ; aucune exécution triement est intervenu à la suite de consultations infor- n’a eu lieu. À la fin de 2002, on comptait environ melles entre le gouvernement de Tanzanie, celui du 112 000 personnes en détention ; environ Rwanda et le Haut Commissariat des Nations unies 100 000 d’entre elles étaient soupçonnées d’avoir pour les réfugiés (HCR). pris part au génocide. Nombre de détenus étaient Au mois d’août, le gouvernement rwandais a com- incarcérés depuis longtemps sans inculpation mencé à renvoyer de force une partie des réfugiés ni jugement, dans des conditions s’apparentant congolais – ils étaient plus de 30 000, composés majo- à une forme de traitement cruel, inhumain ritairement de Tutsi originaires de la région du Kivu – ou dégradant. Les procès de personnes qui avaient fui la RDC en 1995 et en 1996 pour échap- soupçonnées de génocide se sont poursuivis per aux persécutions des milices Interahamwe. À la mi- devant le Tribunal pénal international pour septembre, quelque 8 500 réfugiés avaient été renvoyés le Rwanda, qui siégeait à Arusha, en Tanzanie. chez eux. Le HCR a protesté contre ces renvois. Les Dans l’est de la République démocratique du autorités locales rwandaises et les responsables du Congo (rdc), l’armée rwandaise et ses alliés ont Rassemblement congolais pour la démocratie–Goma tué des civils, commis des actes de torture – (RDC–Goma), un groupe armé d’opposition soutenu notamment des viols – et ont été à l’origine par les Rwandais, auraient exercé des pressions sur ces de « disparitions » ; en outre, ils ont gens pour qu’ils rejoignent les rangs du RDC–Goma. systématiquement harcelé les défenseurs des L’opération de renvoi forcé se poursuivait à la fin de droits humains. Nombre d’auteurs de violations l’année, quoique à un rythme moins soutenu. des droits humains commises aussi bien au Rwanda que dans l’est de la rdc, notamment les « Disparitions » agents des forces de sécurité, ont continué Bien que des dizaines de « disparitions » aient été à jouir de l’impunité. Les graves atteintes aux signalées, aucune enquête indépendante n’a été droits humains perpétrées par des membres des menée. Parmi les personnes « disparues », beaucoup forces de sécurité de l’État étaient généralement avaient servi au sein des forces de sécurité ou étaient passées sous silence. Plusieurs personnes ont des sympathisants présumés de partis d’opposition. été arrêtées en raison de leurs liens présumés ✔ François Matabaro, un soldat du 23e bataillon avec des personnalités de l’opposition. des Forces de défense rwandaises, a « disparu » le 29 octobre. Il avait apparemment quitté sans autori- Contexte sation le camp militaire de Kigali pour retourner chez Le Rwanda a connu un climat de plus grande sécurité ses parents. Huit hommes en civil, dont certains cette année, car il n’a fait l’objet d’aucune nouvelle étaient armés, sont venus l’arrêter au domicile des attaque de la part des groupes armés d’opposition. parents de sa femme. François Matabaro a été vu pour Néanmoins, la permanente obsession sécuritaire a la dernière fois alors qu’un homme armé le forçait à donné lieu à de nouvelles atteintes aux droits humains. monter à bord d’un véhicule. L’Auditorat militaire et En juillet, les gouvernements du Rwanda et de la RDC les responsables du camp militaire de Kigali ont dit à ont signé un accord bilatéral. Le gouvernement rwan- la famille qu’ils ignoraient tout de cette affaire. dais s’est engagé à retirer ses troupes, tandis que la RDC promettait de regrouper, désarmer et rapatrier les Détention arbitraire combattants des groupes armés d’opposition rwandais. Plusieurs personnes soupçonnées d’avoir critiqué le La Mission de l'Organisation des Nations unies en gouvernement ou d’être en lien avec des détracteurs République démocratique du Congo (MONUC) du pouvoir en place ont été détenues sans inculpation a confirmé le retrait complet des troupes rwandaises ni jugement. le 4 octobre – retrait vérifié par le Mécanisme de véri- ✔ Le 24 avril, 11 personnes ont été arrêtées dans la fication de la tierce partie le 24 octobre. Mais de nom- commune de Gaseke (province de Gisenyi). Au mois breux témoignages ont fait état du retour subséquent de mai, 13 autres personnes étaient interpellées dans la de soldats rwandais en RDC. ville de Kigali, apparemment en raison des liens – par- Un projet de Constitution a été soumis à l’Assemblée faitement légaux et non violents – que toutes entrete- nationale le 7 novembre, et un référendum constitu- naient avec l’ancien président et personnalité de tionnel devait avoir lieu au mois de mars 2003. Par l’opposition Pasteur Bizimungu, qui était emprisonné ailleurs, des élections législatives et présidentielle sont (voir plus loin). Toutes ces personnes, sauf six, avaient prévues en 2003. Rien n’indiquait que la nouvelle été relâchées à la fin de l’année ; deux d’entre elles Constitution autoriserait les groupes d’opposition à auraient été contraintes de signer des aveux avant participer pleinement à ces élections. Le gouverne- d’être remises en liberté. 338 RW Torture et mauvais traitements 673 autres cellules accueillaient des tribunaux gacaca, Des personnes ont été passées à tabac par les forces de et il était prévu que 8 258 autres tribunaux soient en sécurité à la suite de leur arrestation. Étaient plus par- activité en mars 2003. ticulièrement visées les personnes soupçonnées d’être Des préoccupations se sont toutefois exprimées quant en contact avec l’un ou l’autre des partis d’opposition. à la capacité de ces tribunaux à se conformer aux La plupart étaient détenues dans des conditions de normes internationales élémentaires en matière surpopulation et d’hygiène effroyables s’apparentant à d’équité des procès, notamment en ce qui concerne une forme de traitement cruel, inhumain ou dégra- l’égalité de traitement de la défense et de l’accusation, dant, et qui ont causé la mort de plusieurs d’entre la compétence, l’indépendance et l’impartialité des elles. Des femmes auraient été victimes de brutalités et magistrats, et les moyens de protéger efficacement de violences sexuelles, y compris de viols. Selon cer- toutes les personnes appelées à participer aux séances taines informations, des personnes ayant avoué avoir et aux audiences gacaca. commis des crimes pendant le génocide ou ayant par- ticipé à des activités politiques illégales auraient fait ces Le Tribunal pénal international pour le Rwanda «aveux» sous la contrainte. En outre, dans le but Les procès de personnes soupçonnées d’avoir joué un d’obtenir d’elles des informations mettant en cause rôle majeur dans le génocide se sont poursuivis devant leurs maris, des femmes auraient été soumises à des le Tribunal pénal international pour le Rwanda (le décharges électriques et violées. Tribunal). À la fin de l’année 2002, 61 personnes ✔ Jean Kayiranga a été arrêté en février 1995 pour le étaient en détention. Sept procès concernant 22 accu- meurtre d’un jeune garçon, Kalisa, durant le génocide. sés étaient toujours en cours fin décembre ; deux Lors de son procès, qui s’est ouvert à Gitarama d’entre eux avaient débuté en 2000, et trois en 2001. le 24 juillet 2001, cet homme est revenu sur ses En juin et en août se sont achevés deux procès ouverts «aveux», déclarant qu’ils lui avaient été arrachés sous respectivement en 2000 et en 2001, mais les juge- la torture. Plusieurs témoins ont en outre affirmé ments définitifs n’avaient pas encore été rendus à la fin qu’il n’était pas présent au moment du meurtre. de l’année 2002. Le 11 février, Jean Kayiranga a été acquitté. L’Angola, le Cameroun, la RDC et la Tanzanie ont arrêté cinq suspects qui ont été remis au Tribunal Procès pour génocide pour être jugés. En 2000, le Congrès américain avait Au cours de l’année, quelque 1 300 personnes ont été modifié son programme intitulé Rewards for Justice jugées pour des faits liés au génocide de 1994, soit (Récompenses pour aider la justice) de façon à y environ le même nombre qu’en 2001. À la fin de inclure l’interpellation des personnes mises en accusa- 2002, les chambres spécialisées, qui ont commencé à tion par le Tribunal. En juin et en juillet, le pro- fonctionner en décembre 1996, avaient jugé quelque gramme a été élargi afin de permettre l’arrestation de 7 700 personnes soupçonnées d’avoir pris part au personnes vivant au Kenya ou en RDC. Deux per- génocide. Dans de nombreux cas, les procès n’ont pas sonnes auraient été arrêtées grâce à ce programme. respecté les normes internationales en matière Le Tribunal a procédé en juillet à quatre réformes des- d’équité. Au moins 40 accusés ont été condamnés à tinées à accélérer les procédures et faire en sorte que les mort, mais il n’y a pas eu d’exécution. affaires importantes soient jugées avant 2008, date Le nombre relativement peu important de procès prévue pour la clôture du Tribunal. Désormais, le tenus au cours de l’année s’expliquait par l’interrup- Tribunal est habilité à transférer des personnes mises tion provisoire de la transmission des dossiers aux en accusation vers des juridictions nationales juges, le transfert de détenus devant des chambres iti- susceptibles de les poursuivre, à désigner un avocat nérantes, le désengagement progressif d’Avocats sans dans une affaire si cela était dans l’intérêt de la justice, frontières et d’autres organismes non gouvernemen- et à accepter les déclarations écrites aussi bien que les taux qui aidaient les tribunaux dans leurs tâches, et de dépositions orales. la mise en place des tribunaux gacaca. Au mois de juin, le gouvernement rwandais a modifié sa réglementation relative aux déplacements des Tribunaux gacaca témoins appelés à déposer devant le Tribunal, dans le Pendant six semaines à partir du 6 avril, quelque but, semble-t-il, de retarder le déroulement des procès. 254 162 magistrats non professionnels appelés à sié- Deux procès en cours ont été ajournés à plusieurs ger dans des tribunaux gacaca ont reçu durant plu- reprises en raison de l’absence des témoins. En août, sieurs jours une formation destinée à les familiariser dans une lettre adressée au Conseil de sécurité des avec les principes élémentaires du droit, la gestion des Nations unies, la présidente du Tribunal accusait le groupes, le règlement des conflits, la déontologie judi- gouvernement rwandais de ne pas vouloir coopérer ciaire et le comportement à adopter vis-à-vis des vic- avec le Tribunal. En réponse, le gouvernement a stig- times de traumatismes. matisé « la mauvaise gestion, l’incompétence et la corrup- Les tribunaux gacaca, mis en place le 18 juin, n’ont tion » du Tribunal. Le gouvernement a en outre véritablement commencé à fonctionner que dans déclaré qu’il n’aiderait pas le procureur du Tribunal à 73 cellules pilotes, choisies afin que l’on y expérimente enquêter sur les crimes de guerre présumés commis ce système de justice communautaire. Le 25 novembre, par les soldats de l’Armée patriotique rwandaise (APR) 339 RW durant le génocide et au cours du conflit armé qui ✔ Pierre Gakwandi, secrétaire général du Mouvement avait porté l’actuel gouvernement au pouvoir. démocratique républicain (MDR), a été arrêté le 4 jan- vier après qu’il eut donné une interview considérée Justice internationale comme une incitation à la « division ethnique ». Il était Cette année encore, d’autres États ont fait juger par toujours incarcéré à la prison centrale de Kigali à la fin leur juridiction nationale ou ont expulsé de leur terri- de l’année. toire des personnes accusées d’infractions liées au ✔ Pasteur Bizimungu et son allié politique Charles génocide de 1994. Ntakirutinka ont été arrêtés en avril pour activités poli- ✔ En janvier, un homme d’affaires et deux religieuses tiques illégales, une accusation liée à la création en mai catholiques condamnés à des peines d’emprisonnement 2001 du PDR-Ubuyanja. Une cour de première instance à Bruxelles le 8 juin 2001 pour des crimes de guerre a ordonné leur mise en détention provisoire et la Cour commis pendant le génocide, et qui demandaient une d’appel de Kigali a confirmé leur détention, bien qu’elle révision de leur procès, ont vu leurs pourvois rejeté par ait reconnu que plusieurs dispositions du Code de la Cour de cassation belge. En juillet, les deux reli- procédure pénale n’avaient pas été respectées lors de gieuses ont introduit une requête auprès de la Cour leur premier procès. Leur procès, qui s’est ouvert européenne des droits de l’homme en affirmant que la le 14 octobre, se poursuivait à la fin de l’année ; les deux Belgique n’avait pas respecté leurs droits au titre de la hommes devaient répondre de plusieurs accusations, Convention européenne des droits de l’homme. notamment d’incitation à la désobéissance civile. L’affaire était toujours pendante fin 2002. ✔ À la fin de l’année, un Rwandais arrêté aux États- Liberté de culte Unis en décembre 2001 et accusé de génocide était La situation s’est dégradée en matière de liberté de toujours en détention dans l’attente de son expulsion. culte. Les autorités locales harcelaient les différentes C’était la première affaire de ce type traitée par les ser- Églises et organisations religieuses, qui étaient tenues vices américains d’immigration et de naturalisation. de justifier d’un statut juridique, de célébrer leurs ser- vices dans des lieux de culte reconnus comme tels, et Liberté d’expression de demander l’autorisation de célébrer des services ou La presse et l’opposition politique, mais également de tenir des réunions le soir. En outre, selon certaines tout élément de la société civile exprimant une opi- informations, les autorités locales refusaient aux nion différente de celle du gouvernement ou critique à témoins de Jéhovah le droit de réunion et de culte, et son égard, étaient en permanence exposés au risque de des membres de cette Église ont été arrêtés. voir leur liberté d’expression mise en cause. L’autocen- ✔ Sept membres d’une congrégation de l’Association sure était généralisée, et il était impossible, notamment des Églises pentecôtistes du district de Gikondo, dans pour les journalistes, d’aborder certains sujets. Au la ville de Kigali, ont été arrêtés et détenus pendant cours de l’année, un certain nombre de journalistes quinze jours en novembre. Les 15 et 22 novembre, des ont été écroués, expulsés ou contraints à l’exil. membres de la Force de police nationale et des Forces ✔ Le 27 janvier et le 2 février, trois membres de de défense locale avaient fait irruption dans l’église et l’Association Modeste et Innocent (AMI) ont été arrêtés avaient attaqué les fidèles. À la fin de 2002, personne et placés en détention à Butare. L’AMI est une organisa- n’avait été mis en cause dans cette affaire. tion non gouvernementale rwandaise œuvrant en faveur de la paix et de la réconciliation nationale ; elle tire son Exactions en République démocratique du Congo nom de deux de ses fondateurs, Modeste Mungwarareba L’APR et le RDC-Goma contrôlaient toujours de larges et Innocent Samusoni. L’un des détenus, Ignace portions de territoire dans l’est de la RDC. Ils étaient Ndayahundwa, a été relâché au bout de quelques heure ; opposés aux forces régulières congolaises appuyées par les deux autres, Laurien Ntezimana et Didace des groupes politiques armés, parmi lesquels figuraient Muremangingo, ont été maintenus en détention pen- des rebelles rwandais. Les forces rwandaises et leurs dant près d’un mois avant qu’un tribunal n’estime que alliés se sont rendus responsables d’arrestations arbi- les charges retenues contre eux étaient sans fondement. traires, de mises en détention illégales, d’exécutions Leur arrestation aurait eu un rapport avec l’utilisation, illégales sur la personne de civils, d’actes de torture dans un numéro de leur bulletin Ubuntu, du mot – notamment des viols– et de «disparitions» ubuyanja, qui signifie « renouveau, renaissance » et qui (voir République démocratique du Congo). est associé à un parti d’opposition interdit, le Parti D’après de nombreuses informations, des membres démocratique pour le renouveau-Ubuyanja (PDR- du clergé catholique auraient été victimes de viola- Ubuyanja). À la fin de l’année, ces trois personnes tions commises par l’APR et les forces du RDC-Goma demeuraient sous la surveillance des autorités, et l’AMI soutenues par les Rwandais, notamment d’arresta- n’avait pas été autorisée à reprendre ses activités. tions arbitraires, de mises en détention illégales, d’assassinats et de « disparitions ». En outre, des Liberté d’association et de réunion dignitaires religieux auraient été menacés de mort, des Le Front patriotique rwandais (FPR) demeurait le seul églises auraient été pillées ou saccagées, et des soldats parti politique autorisé ; les activités de toutes les autres armés auraient violemment interrompu des services formations politiques continuaient d’être interdites. religieux. Des défenseurs des droits humains et des 340 SA militants associatifs ont également été harcelés, placés faisaient observer que le retrait de l’APR n’avait eu que en détention et maltraités. peu, voire aucune incidence sur l’exploitation écono- mique des ressources de la RDC par des groupes crimi- Organisations intergouvernementales nels liés à l’APR.◆ Le Groupe d’experts des Nations unies sur l’exploita- tion illégale des ressources naturelles et autres richesses Autres documents d’Amnesty International de la République démocratique du Congo a remis son Rwanda. Gacaca : une question de justice rapport définitif le 15 octobre. Les auteurs du rapport (AFR 47/007/02). SAINTE-LUCIE SAINTE-LUCIE CAPITALE : Castries SAINTE-LUCIE SUPERFICIE: 616 km2 POPULATION: 0,16 million CASTRIES CHEF de l’ÉTAT: océan Elizabeth II, représentée par Atlantique Calliopa Pearlette Louisy mer CHEF du GOUVERNEMENT : des Kenneth D. Anthony Antilles PEINE DE MORT: maintenue COUR PÉNALE INTERNATIONALE: 0 10 km Statut de Rome signé

es informations ont fait état ✔ Au mois de juin, le policier inculpé de coups et de recours à la violence et à une blessures sur la personne de Randy Blanchard en Dforce excessive de la part de policiers. février 2001 a bénéficié d’un non-lieu. Un homme au moins a été condamné ✔ Les enquêtes du coroner (officier judiciaire chargé à mort ; à la fin de l’année, il restait détenu de mener des investigations en cas de mort violente, dans l’attente de son exécution. subite ou suspecte) ordonnées à la suite de la mort d’Alfred Harding et de Lucious Maurice, abattus par Contexte la police en 2000 et 2001 respectivement, n’ont pas eu Des brutalités policières et un usage abusif de la force lieu. À l’issue de son enquête sur les circonstances de ont été signalés. Aucun policier n’a été inculpé malgré la mort de Paul Hamilton, lui aussi tué par la police les allégations des années passées faisant état d’exécu- en 2000, le coroner a conclu, en janvier, à la tions extrajudiciaires et d’un recours fréquent à la « mort par accident ». force meurtrière. ✔ Au mois de janvier, Martin Henry a affirmé avoir Conditions carcérales été frappé par neuf policiers venus l’arrêter à son D’après les informations reçues par l’organisation, les domicile. Il a subi par la suite d’autres violences au conditions de vie dans les prisons s’apparentaient à poste de police. Martin Henry a été inculpé de rébel- un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Le pro- lion et de résistance à l’action de la police. Il a été relâ- blème de la surpopulation carcérale était toujours ché le lendemain. aigu. Les prisonniers étaient contraints de dormir à ✔ Au mois de janvier, Aloysius Emmanuel aurait été même le sol de pierre, sans matelas. On a également frappé par des policiers. Ce serrurier travaillait dans un signalé l’absence de soins médicaux appropriés, le établissement scolaire lorsque des agents de police sont manque de nourriture et l’inertie des autorités face arrivés et ont supposé qu’il tentait de pénétrer dans les au problème de la violence entre détenus, notam- lieux par effraction. Selon son témoignage, ils l’ont ment du viol. menotté et roué de coups jusqu’à ce qu’il perde ✔ En juin, des détenus ont mis le feu en divers points connaissance, bien qu’il ait tenté de leur expliquer de la prison royale afin, semble-t-il, de protester contre qu’il était serrurier. les conditions de détention. Un prisonnier aurait été 341 SA blessé par balle à la jambe lors de l’intervention de la pays qui sont dans le ressort de l’ECCA, à savoir police pendant les troubles. Antigua-et-Barbuda, le Bélize, la Dominique, Grenade, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie et Saint- Peine de mort Vincent-et-les-Grenadines. Peter Hughes, le prison- Au moins une personne a été condamnée à la peine nier qui avait interjeté appel, a été condamné à vingt capitale ; elle restait dans l’attente de son exécution à ans de détention. la fin de l’année 2002. En mars, le Judicial Committee of the Privy Council (JCPC, Comité judi- Défenseurs des droits humains ciaire du Conseil privé) a confirmé la décision de Les défenseurs des droits fondamentaux travaillaient l’Eastern Caribbean Court of Appeal (ECCA, Cour toujours dans un climat d’hostilité. Une avocate au d’appel des Caraïbes orientales) selon laquelle l’appli- moins a fait l’objet de menaces, notamment de viol, cation obligatoire de la peine de mort était inconsti- en raison de ses activités en faveur des droits fonda- tutionnelle. La décision a force exécutoire dans les mentaux de la personne.◆ SALOMON ÎLES SALOMON PAPOUASIE- CAPITALE : Honiara NOUVELLE-GUINÉE SUPERFICIE : 28 370 km2 POPULATION : 0,48 million SALOMON Choiseul CHEF de l'ÉTAT : Elizabeth II, représentée par océan John Ini Lapli Santa Isabel Pacifique CHEF du GOUVERNEMENT : Nouvelle- Allan Kemakeza Géorgie Malaita PEINE DE MORT : abolie mer HONIARA COUR PÉNALE de Guadalcanal INTERNATIONALE : Salomon Santa Cruz Statut de Rome signé

0 300 km San Cristobal

u moins 20 civils et quatre policiers ont été Contexte tués lors de flambées de violence au sein de Des centaines d’armes ont été volées dans les armure- groupesA ethniques et entre groupes ethniques ries de la police, et cette facilité d’approvisionnement rivaux. Des policiers et d’anciens membres illégal a constitué la principale cause des troubles qui de groupes armés responsables d’atteintes ont entravé le maintien de l’ordre, le respect des droits aux droits humains bénéficiaient toujours humains et la gestion des affaires publiques. Le gou- de l’impunité. L’incapacité du gouvernement vernement australien a estimé que le pays comptait à assurer les services publics élémentaires plus d’armes détenues illégalement qu’avant octobre – notamment un réel maintien de l’ordre 2000, lorsqu’ont pris fin des combats qui s’étaient ainsi que des services de santé et d’éducation – apparentés à un conflit militaire. Au mois d’octobre a précipité le déclin du pays. Des milliers 2002, plusieurs commandants du groupe paramilitaire de civils ont souffert d’une pénurie de denrées dissous Malaita Eagle Force (MEF, Force de l’aigle de alimentaires et de matériel médical ainsi que Malaita) ont confirmé des informations selon les- de restrictions à leur liberté de mouvement dans quelles le Premier ministre, Allan Kemakeza, leur avait des régions contrôlées par des hommes armés conseillé de ne pas rendre leurs armes comme l’exi- ou qui étaient le théâtre d’opérations policières. geait un projet de désarmement soutenu par les Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme Nations unies. des Nations unies a prolongé un programme La violence armée a connu une escalade temporaire au consacré aux droits humains dans le pays. sein de groupes ethniques et entre groupes ethniques 342 SA rivaux, dans un contexte où le gouvernement semblait Durant ce sommet, le mandat de surveillance de la corrompu et où des « indemnisations » étaient versées mission a été prolongé jusqu’en 2003. pour la destruction présumée de propriétés ayant eu Un Bureau des droits de l’homme des Nations unies, lieu durant la guerre civile, soit entre 1998 et 2000. À établi fin 2001, a mis en œuvre un programme varié maintes reprises des hommes armés ont fait irruption d’activités de formation, de conseil et de sensibilisa- dans des services gouvernementaux pour réclamer de tion. Il a en particulier organisé des débats sur des l’argent. Les paiements effectués contrastaient avec questions relatives aux droits humains, telle la proposi- l’incapacité du gouvernement à régler ses dettes et à tion d’instaurer une commission de vérité et de récon- verser des salaires pour les services publics élémentaires. ciliation pour enquêter sur le conflit ethnique qui s’est Certaines institutions médicales du pays ainsi que le déroulé de 1998 à 2000. Les ateliers sur les droits Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) ont humains ont réuni notamment des policiers et des for- signalé une augmentation de la malnutrition et du mateurs de la police, des enfants ayant servi comme nombre des décès qu’on aurait pu éviter chez les mères soldats, des anciens de villages, des groupes de femmes et les enfants. Dans certains cas ces morts étaient dues ainsi que des dirigeants religieux et des responsables de au manque de matériel médical dans les hôpitaux et groupes de jeunes venus de diverses provinces. Le pro- les dispensaires ruraux dont le personnel, bien sou- gramme a également apporté une aide à l’appareil vent, ne recevait aucun salaire. En juillet, le ministre judiciaire qui avait été profondément négligé par le de la Santé a fait savoir que des médecins quittaient le gouvernement. pays ; ils décidaient de partir à cause notamment des À la demande du Premier ministre, une mission d’éva- incursions, dans les dispensaires, de groupes armés luation interinstitutionnelle des Nations unies s’est cherchant à se venger de malades appartenant à des rendue dans les Îles Salomon en octobre pour exami- groupes ethniques rivaux. Certaines écoles et certains ner la situation en matière de sécurité et de droits dispensaires sont restés fermés toute l’année ou n’ont humains, mais aucun détail sur ses conclusions n’a été ouvert leurs portes que de manière temporaire. rendu public. Les autorités ont peu progressé dans leurs efforts pour réduire le nombre d’agents de police spéciaux, dont Retrait d’une Équipe de surveillance de la paix 1 600 avaient été recrutés au sein de groupes eth- En mars, des hommes armés qu’un grand nombre de niques armés après la signature de l’Accord de paix de personnes tiennent pour responsables d’actes de tor- Townsville en 2000. Environ 500 de ces policiers spé- ture, de chantage et d’intimidation sur la personne de ciaux figuraient de manière frauduleuse dans les effec- civils, ont participé ouvertement à d’importantes tifs de la police. La plupart d’entre eux étaient payés manifestations publiques en faveur de la paix à Auki et sans avoir à se soumettre à la discipline de la police ni à Honiara. La police n’a rien fait pour les arrêter. à répondre de leurs actes auprès des autorités poli- En juin, une Équipe internationale non armée de sur- cières. De nombreuses informations ont été reçues veillance de la paix s’est retirée des îles de Guadalcanal selon lesquelles des agents de police spéciaux étaient et de Malaita après avoir reçu des menaces d’hommes impliqués dans des activités délictueuses ou entra- armés. En octobre, le gouvernement a annoncé la créa- vaient les efforts de la police régulière pour restaurer tion d’un National Peace Council (Conseil national pour l’ordre public. la paix) qui serait chargé de poursuivre les travaux de résolution des conflits entamés par le Peace Monitoring Motifs de préoccupation internationale Council (Conseil de surveillance de la paix), mis en En mars, Bridget Nicholls, première conseillère à place en vertu de l’Accord de paix de Townsville. l’ambassade de Nouvelle-Zélande, est morte d’une blessure au cœur causée par un couteau. La veille, la Violences ethniques et politiques radio nationale avait parlé du rôle qu’elle jouait dans Compte tenu du manque de fiabilité des informations les projets d’assistance élaborés par son gouvernement reçues, il était difficile de faire une distinction entre les pour restaurer l’ordre public dans les Îles Salomon. crimes opportunistes et la violence liée aux consé- Les autorités locales ont conclu qu’elle était tombée quences du conflit ethnique. accidentellement sur son propre couteau, mais le coro- En juin, durant les préparatifs d’une cérémonie de ner néo-zélandais (officier de justice chargé de faire réconciliation dans la région de Weathercoast, sur l’île une enquête en cas de mort violente, subite ou de Guadalcanal, une mission secrète de dix hommes suspecte) n’a pas pu confirmer cette thèse. armés, dont un policier, natifs pour la plupart de Au mois d’août, dans le cadre de son nouveau méca- Malaita, a été dépêchée pour capturer le chef rebelle nisme de réaction aux crises, le Forum Pacifique, une Harold Keke. Les villageois de la région reprochaient organisation régionale, a envoyé dans les Îles Salomon de plus en plus souvent aux hommes d’Harold Keke une mission de personnalités venant d’Australie, de de faire régner la terreur, en exécutant de manière Fidji et de Samoa. Lors d’un sommet du Forum, cette arbitraire les dissidents présumés et en se livrant à des mission a souligné la gravité de la situation générale et viols sur des jeunes femmes. Un des hommes de Keke fait état de plaintes selon lesquelles les a été tué, de même que tous les membres de la mission « indemnisations » versées par le gouvernement iraient qui avait été envoyée pour capturer le chef rebelle, à « uniquement aux personnes armées » ou aux criminels. l’exception d’un seul. 343 SA En août, Harold Keke a confié à la radio nationale déplacés par la traque policière : ils manquaient de qu’il revendiquait ces homicides ainsi que le meurtre nourriture, d’abris et de soins médicaux. Des navires de d’Augustine Geve, ancien prêtre catholique et ministre patrouille de la police ont apporté des vivres et du du gouvernement, qui se trouvait dans la région de matériel de secours et évacué des centaines de villageois Weathercoast le même mois pour une mission de paix. vulnérables de la zone de conflit. Des hommes armés de Weathercoast ont également En novembre et en décembre, deux policiers et un éclai- été soupçonnés d’avoir participé, en juillet, à une reur civil de la police ont été tués au cours d’une opéra- embuscade contre un véhicule de police volé qui tion, ce qui a déclenché à Honiara une série de menaces emmenait des enfants et leurs mères vers un dispen- et d’actes de violence contre des personnes originaires saire où ils devaient subir des examens médicaux. Une de Guadalcanal. Cinq hommes et une femme arrêtés femme et deux enfants ont été tués, et six autres per- pour avoir, semble-t-il, porté assistance à Harold Keke, sonnes ont été blessées. Selon les informations reçues, ont été maltraités puis soignés pour des blessures après la police avait auparavant engagé des négociations leur transfert à Honiara ; la police a affirmé qu’ils pour tenter de récupérer son véhicule. avaient été passés à tabac par des villageois rivaux qui En septembre, sept anciens dirigeants de la MEF ont soutenaient les forces de l’ordre et qui avaient aussi écrit au Premier ministre en menaçant de ne pas incendié des villages désertés par les familles déplacées. contribuer aux efforts de paix si la police ne prenait pas Personne n’a été traduit en justice pour ces actes. de mesures contre Harold Keke et les autres rebelles de À partir du mois d’avril, la police d’Honiara et d’Auki a Guadalcanal. La police a alors lancé une importante commencé à prendre des mesures contre les individus opération, conjointement avec des membres armés de armés, notamment contre les agents de police spéciaux groupes illégaux de Guadalcanal, dont les chefs étaient qui abusaient de leur autorité. En septembre, environ payés en tant qu’agents de police spéciaux, afin de 150 policiers ont repris un ferry de l’île de Malaita dont pourchasser Harold Keke. En octobre, le chef de la s’était emparé un groupe d’hommes armés agissant sous police a demandé une aide humanitaire d’urgence pour les ordres de l’ancien commandant de la MEF, Jimmy quelque 3 000 villageois de la région de Weathercoast « Rasta », mais ils n’ont arrêté que trois gardes. ◆ SALVADOR RÉPUBLIQUE DU SALVADOR CAPITALE : San Salvador SUPERFICIE : 21 041 km2 GUATÉMALA HONDURAS POPULATION : 6,5 millions CHEF de l’ÉTAT SAN et du GOUVERNEMENT : SALVADOR Francisco Flores Pérez PEINE DE MORT : abolie SALVADOR sauf pour crimes exceptionnels océan Pacifique COUR PÉNALE INTERNATIONALE : NICARAGUA Statut de Rome non signé 0 100 km

es efforts pour lutter contre l’impunité se droits humains commises pendant les onze années de sont intensifiés. Des dirigeants syndicaux conflit qu’a connues le pays n’avaient toujours pas été Lont reçu des menaces à cause de leurs déférés à la justice ; cette question est pourtant un élé- activités légales. ment essentiel du processus de paix. Toutefois, des organisations locales ont renforcé leurs efforts pour Contexte que les auteurs d’atteintes aux droits humains aient à En janvier a été commémoré le dixième anniversaire rendre compte de leurs actes. des accords de paix qui ont mis un terme au conflit La situation économique s’est considérablement dété- armé au Salvador. Si la situation des droits humains riorée dans certaines régions du pays du fait des mau- s’est améliorée depuis la signature de ces accords, les vaises conditions météorologiques ou de la baisse des responsables présumés des violations généralisées des prix des produits agricoles sur le marché international. 344 SA Il en a résulté une forte aggravation de la malnutrition gouvernement. Les syndicats estimaient que le fait de infantile, qui a fait plusieurs victimes. confier des services auxiliaires à des sous-traitants mar- quait le début d’un processus de privatisation qui nui- Impunité rait à la qualité des soins médicaux offerts à la Le combat contre l’impunité s’est poursuivi. L’affaire population. portée devant la justice des États-Unis par trois ✔ En octobre, une trentaine de professionnels de la Salvadoriens, victimes d’actes de torture, contre deux santé ont reçu des menaces de mort, en particulier anciens généraux de l’armée salvadorienne a suscité un Guillermo Mata, président du Colegio Médico regain d’efforts dans ce sens au Salvador. La cause a (Association médicale), Melvin Guardado, président été jugée selon la législation nationale des États-Unis ; de l’Asociación de Médicos del Sistema Nacional de le tribunal s’est prononcé en faveur des victimes et a Salud (Association des médecins du système national infligé des peines pécuniaires aux accusés, qui rési- de santé), et Ricardo Alfaro Barahona, secrétaire géné- daient tous aux États-Unis. ral du Sindicato de Médicos Trabajadores del Instituto Des organisations non gouvernementales ont proposé de Seguro Social (SIMETRISS, Syndicat des médecins de aux autorités d’apporter un soutien médical aux vic- l’Institut de sécurité sociale). Ces menaces leur ont été times de torture et d’enquêter sur les « disparitions » proférées au cours d'appels téléphoniques anonymes survenues pendant le conflit. Ces ONG ont également reçus à leurs domiciles respectifs, tous situés dans la proposé à la Commission interaméricaine des droits de capitale, San Salvador. D’après les informations l’homme des initiatives qui entraîneraient l’abrogation recueillies, elles provenaient d’un groupe se présentant de la Loi d’amnistie générale, de façon que des pour- comme un « escadron de la mort » et répondant au suites puissent être engagées contre les responsables de nom de Comando de Exterminio (Commando d'exter- violations des droits humains. mination). Amnesty International a instamment prié En mars, la Procuraduría Nacional para la Defensa de le gouvernement d’enquêter sur ces menaces, de défé- los Derechos Humanos (PDDH, Bureau du procureur rer les responsables présumés à la justice et de faire le chargé de la défense des droits humains) a publié un nécessaire pour que les citoyens puissent exercer libre- rapport sur l’affaire de l’archevêque Oscar Arnulfo ment des activités syndicales légales. ◆ Romero, assassiné en 1980. La PDDH a recommandé la réouverture du dossier. À la fin de l’année, les auto- Autres documents d’Amnesty International rités n’avaient toujours pas donné suite à cette recom- El Salvador: 10th anniversary of Peace Accords, still no mandation. justice for victims of human rights violations [Salvador. En octobre, la Cour suprême a autorisé un recours en Dixième anniversaire des accords de paix : les victimes amparo présenté à la fin de 2001 dans l’affaire des six de violations des droits humains n’ont toujours pas prêtres jésuites assassinés en 1989 avec leur femme de obtenu justice] (AMR 29/001/02). ménage et la fille de cette dernière. Le recours était formé contre la décision prise en 2001 par la troisième juridiction répressive de San Salvador, qui avait rejeté les chefs d’inculpation portés contre les personnes accusées d’avoir commandité les assassinats. Il s’agis- sait d’individus qui occupaient des fonctions impor- tantes dans la hiérarchie civile et militaire. La Cour suprême a dit notamment qu’il y avait eu entrave au droit à la justice. Une autre procédure était en ins- tance. Dans une résolution rendue publique en novembre, la PDDH a accusé l’État de ne pas mener d’enquête, de ne pas poursuivre et sanctionner ceux qui étaient impliqués dans les meurtres et, par consé- quent, de ne pas se conformer aux recommandations faites par la Commission de la vérité en 1993. Dans sa résolution, la PDDH a également examiné la Loi d’amnistie générale, qui empêchait d’engager des poursuites judiciaires contre les personnes mises en cause dans des atteintes aux droits fondamentaux. Elle a demandé à l’Assemblée législative de l’abroger.

Menaces contre des dirigeants syndicaux En octobre, des dirigeants syndicaux du secteur de la santé ont reçu des menaces de mort. En 2002, des médecins et d’autres professionnels de la santé ont été impliqués dans des grèves prolongées contre le projet de privatisation des services de santé annoncé par le 345 SE SÉNÉGAL RÉPUBLIQUE DU SÉNÉGAL CAPITALE : Dakar océan MAURITANIE Atlantique Saint-Louis SUPERFICIE : 196 720 km2 POPULATION : 9,9 millions

CHEF de l’ÉTAT : DAKAR Abdoulaye Wade SÉNÉGAL CHEF du GOUVERNEMENT : MALI Mame Madior Boye, remplacée par Idrissa Seck le 6 novembre GAMBIE m ce sa an a PEINE DE MORT : abolie C en pratique Ziguinchor COUR PÉNALE GUINÉE-BISSAU GUINÉE

INTERNATIONALE : 0 200 km Statut de Rome ratifié

algré la signature de deux accords de paix lancé, en juin, une opération militaire dans la partie en 2001, la tension est demeurée vive dans nord du département de Bignona. Ces « opérations de Mla région contestée de la Casamance. Plusieurs ratissage » ont duré un mois et se sont étendues jusqu’à civils ont été tués au cours d’opérations la frontière avec la Gambie, où plus de 1 000 villageois militaires. Des exactions contre des civils ont fuyant les combats ont trouvé refuge. également été commises tout au long de l’année par des groupes d’opposition armés, notamment Homicides de civils par l’armée contre des personnes portant des patronymes Plusieurs civils ont été tués par l’armée au cours de « non casamançais ». Bien que le gouvernement combats avec le MFDC ou lorsque des soldats se sont se soit engagé depuis longtemps à enquêter sur lancés à la poursuite d’éléments armés de ce groupe les violations des droits humains commises dans d’opposition. le passé, aucune enquête n’a été ouverte. ✔ Au mois de mai, cinq personnes ont été tuées par des soldats ayant pénétré dans le village de Coubalang, Contexte dans le département de Bignona, à la suite d’une En novembre, le président Abdoulaye Wade a dissous attaque menée par des membres présumés du MFDC. le gouvernement et a nommé comme nouveau D’une part, les soldats ont tué trois civils – Ampaï Premier ministre Idrissa Seck, le numéro deux du parti Diémé, Louis Coly et Yancouba Tamba – qu’ils ont au pouvoir, le Parti démocratique sénégalais (PDS). apparemment confondus avec des membres armés pré- Cette décision a fait suite à la colère populaire causée sumés du MFDC. D’autre part, un obus lancé par par le naufrage d’un bateau surchargé, qui avait l’armée a percuté une maison, tuant une femme, entraîné la mort de plus de 1 800 personnes. Diaratou Sané, et son bébé. En Casamance, l’insécurité persistante et les dissen- sions internes au sein du Mouvement des forces Détention sans jugement de membres démocratiques de Casamance (MFDC), groupe d’oppo- supposés du MFDC sition armé réclamant l’indépendance de cette région, Au cours de l’année, au moins 40 personnes ont été ont empêché la mise en œuvre des accords de paix arrêtées et inculpées de collaboration avec le MFDC. signés par le gouvernement et le MFDC en 2001. Lors de leur arrestation, certaines auraient été trouvées Cependant, des pourparlers ont eu lieu tout au long en possession d’armes légères. Aucune ne semblait de l’année et, en août, le président Wade a rencontré avoir été traduite en justice à la fin de l’année. le père Diamacoune Senghor, ancien secrétaire général ✔ Au mois de mars, Alexandre Djiba, un ancien du MFDC. Les négociations devaient reprendre en porte-parole du MFDC, a été arrêté en Guinée-Bissau. Guinée-Bissau, pays frontalier, mais elles n’avaient pas Il a été remis en mai au ministre sénégalais de encore recommencé à la fin de l’année. l’Intérieur, qui se trouvait en visite dans ce pays. Peu À la suite de plusieurs attaques menées par des après, Alexandre Djiba a été ramené à Dakar, où il a membres supposés du MFDC, les forces de sécurité ont été libéré sans inculpation. 346 SI Exactions commises par le MFDC Casamance au cours de la dernière décennie, aucune Des membres supposés d’une des branches armées du mesure n’avait été prise dans ce sens à la fin de MFDC ont lancé plusieurs attaques contre des civils. l’année. Les membres des forces de sécurité fortement Des personnes non armées ont été frappées ou abat- soupçonnés d’avoir eu recours à une force excessive et tues, apparemment après avoir été identifiées comme de s’être rendus coupables de tortures à Dakar ces der- portant des patronymes « non casamançais ». nières années n’ont pas été traduits en justice, bien ✔ Au mois d’avril, Ibrahima Kébé, un bûcheron, a été que certains d’entre eux aient été arrêtés. tué dans la forêt de Djibanar, dans le département de ✔ Un auxiliaire de police, appréhendé en octobre 2001 Kolda, par des hommes armés. Ceux-ci ont dit à ses et inculpé dans l’affaire Balla Gaye (un étudiant abattu proches que cette forêt était une chasse gardée du en janvier 2001 lors d’affrontements entre manifestants MFDC. et forces de l’ordre aux abords de l’université de Dakar) ✔ En juillet, six pêcheurs ont été détenus par des n’avait toujours pas été jugé à la fin de l’année. membres armés du MFDC près du village de Brin, au bord du fleuve Casamance. L’un d’entre eux a été relâ- Visites d’Amnesty International ché parce qu’il portait un nom casamançais. Les cinq En novembre, un membre du personnel d’Amnesty autres – Babacar Sall, Abdou Guèye, Abdoul Ba, International s’est rendu à Dakar afin de rencontrer Mama Thiam et Boubacar Ba – ont été emmenés et des avocats dans le cadre d’un projet visant à faire res- n’ont plus été revus depuis lors. pecter les droits économiques et sociaux des proches des « disparus » en Casamance.◆ Impunité Bien que les autorités se soient formellement engagées Autres documents d’Amnesty International à enquêter sur les violations massives des droits Sénégal. Mettre fin à l’impunité : une occasion unique humains commises par les forces de sécurité en à ne pas manquer (AFR 49/001/02). SIERRA LEONE RÉPUBLIQUE DE SIERRA LEONE CAPITALE : Freetown GUINÉE SUPERFICIE : 71 740 km2 POPULATION : 4,8 millions CHEF de l’ÉTAT SIERRA LEONE et du GOUVERNEMENT : Ahmad Tejan Kabbah PEINE DE MORT : maintenue FREETOWN COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Bo Statut de Rome ratifié LIBÉRIA océan Atlantique 0 100 km

a situation des droits humains s’est au pays les moyens de promouvoir et de considérablement améliorée cette année protéger les droits humains, notamment Laprès l’annonce officielle, en janvier, de la fin de en renforçant son système judiciaire. dix années de conflit armé interne. Des avancées Accusées notamment de meurtre, une centaine ont été constatées dans la lutte contre l’impunité de personnes, dont l’ancien dirigeant de dont bénéficiaient les auteurs de violations des l’opposition armée, ont été traduites en justice ; droits humains commises par le passé, qu’il toutefois, les audiences ont été reportées à s’agisse du gouvernement ou des forces armées maintes reprises et les normes internationales d’opposition. Il demeurait prioritaire de donner en matière d’équité des procès n’ont pas été 347 SI respectées. Une vingtaine d’autres personnes Impunité ayant collaboré avec l’ancienne opposition Des avancées ont été enregistrées dans la lutte contre armée étaient détenues sans inculpation ni l’impunité dont jouissaient les auteurs de violations jugement. Tandis qu’un grand nombre de Sierra- flagrantes des droits humains perpétrées durant le Léonais déplacés et réfugiés rentraient chez eux, conflit, grâce notamment à la mise en place du le conflit au Libéria voisin provoquait Tribunal spécial pour la Sierra Leone et à l’instaura- un afflux de Libériens cherchant refuge tion d’une Truth and Reconciliation Commission (TRC, dans le pays. Commission de la vérité et de la réconciliation). Celle-ci avait été prévue dans l’accord de paix de Contexte Lomé de 1999, tandis que la création du Tribunal En janvier 2002, la fin du conflit armé interne qui spécial avait été décidée en 2000 par le Conseil de avait éclaté en 1991 a été officiellement annoncée. Elle sécurité des Nations unies afin que soient jugées les a eu pour conséquence la démobilisation et le désar- personnes portant la plus lourde responsabilité dans mement complet de plus de 55 000 personnes, dont les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et près de 7 000 enfants, qui avaient combattu pour les les autres violations graves du droit international Civil Defence Forces (CDF, Forces de défense civile) humanitaire. Le Tribunal spécial ne pourra toutefois alliées au gouvernement et pour l’opposition armée – être saisi que des infractions commises après le à savoir le Revolutionary United Front (RUF, Front 30 novembre 1996. Des efforts ont été faits pour révolutionnaire uni), l’Armed Forces Revolutionary rendre plus claire la nature des liens entre le Tribunal Council (AFRC, Conseil révolutionnaire des forces spécial et la TRC et assurer entre eux une coopération armées) et les soldats déserteurs de l’armée sierra-léo- fructueuse. Les enquêtes sur les atteintes aux droits naise. L’armée et la police nationale, restructurées, for- humains commises dans le passé ont commencé avec, mées et équipées par la communauté internationale, notamment, l’analyse de charniers et le recueil de ont été progressivement en mesure d’assumer à nou- témoignages de victimes. veau leur mission de sécurité et de maintien de l’ordre C’est en janvier que les Nations unies et le gouverne- dans les zones auparavant touchées par le conflit. Le ment ont signé l’accord prévoyant la création du soutien apporté par la Mission des Nations unies en Tribunal spécial, et le décret d’application a été pris en Sierra Leone (MINUSIL) restait toutefois nécessaire, mars. Un greffier, un procureur et un substitut du pro- notamment dans les zones frontalières. Par ailleurs, la cureur ont été nommés en mai, et huit juges de pre- question de la sécurité demeurait un motif de préoccu- mière instance et de chambres d’appel – sierra-léonais pation dans les zones d’extraction de diamants. aussi bien qu’étrangers – ont pris leurs fonctions en Les élections législatives et présidentielle de mai ont décembre. Les premières audiences du Tribunal spécial été globalement qualifiées de libres et honnêtes. Le devaient avoir lieu à la mi-2003. Aucun nom de per- président Ahmad Tejan Kabbah, avec 70 p. cent des sonnes susceptibles d’être mises en accusation par suffrages, a été réélu à la tête de l’État pour un nou- celui-ci n’avait été rendu public à la fin de l’année. veau mandat de cinq ans. Son parti, le Sierra Leone Lors d’une réunion avec le procureur en juillet, People's Party (SLPP, Parti du peuple de Sierra Leone), Amnesty International a insisté sur l’indépendance a également remporté une large majorité au totale dont il doit nécessairement jouir s’il veut pou- Parlement. De nombreux membres des forces de sécu- voir poursuivre les personnes qui portent la plus lourde rité ont cependant voté pour Johnny Paul Kamara, responsabilité dans les atteintes aux droits humains l’ancien dirigeant de l’AFRC qui s’était emparé du relevant de la compétence du Tribunal, sans considéra- pouvoir en 1997 à la faveur d’un coup d’État mili- tion de l’affiliation politique de ces personnes pendant taire. Le RUF, après s’être constitué en parti politique, ou après le conflit. a participé aux élections ; il n’a cependant obtenu que Les membres de la TRC – sierra-léonais et étrangers, là des résultats médiocres. aussi – ont été nommés en mai. La Commission a La poursuite du conflit armé au Libéria voisin repré- débuté ses travaux en juillet, mais ses recherches ont sentait une menace pour la paix récemment restaurée pâti de l’insuffisance des fonds alloués par la commu- en Sierra Leone. D’anciens combattants auraient été nauté internationale. Il était prévu que la TRC fonc- enrôlés par le gouvernement libérien ou dans les rangs tionne pendant quinze mois, avec une éventuelle des forces armées d’opposition. Des groupes armés prolongation de six mois. venus du Libéria ont attaqué des villages près de la L’amnistie générale accordée pour tous les actes com- frontière, et parfois enlevé des civils. Les chefs d’État mis durant le conflit, une mesure prévue dans l’accord de Guinée, du Libéria et de Sierra Leone, les trois pays de paix de Lomé puis inscrite dans le droit national, composant l’Union du fleuve Mano, se sont rencon- constituait toujours un sérieux obstacle à un règlement trés au Maroc au mois de février pour tenter de global de la question de l’impunité, même si elle remédier aux causes de l’instabilité dans la région et n’empêchait pas le Tribunal spécial de prononcer des rétablir la confiance. La Communauté économique mises en accusation. des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) a égale- Procès de Foday Sankoh et d’autres accusés ment pris des initiatives en vue de restaurer la paix et La réglementation d’urgence autorisant la détention la stabilité dans la région. sans inculpation ni jugement pour une durée illimitée, 348 SI et en vertu desquelles plus de 120 membres du RUF et que le conflit n’avait fait qu’aggraver. Alors que le d’autres forces armées d’opposition étaient détenus, a Tribunal spécial, axé sur les atteintes aux droits été supprimée en mars. Le dirigeant du RUF, Foday humains commises dans le passé, ne s’apprêtait à juger Sankoh, et quelque 50 autres personnes ont alors été qu’un nombre limité d’affaires, Amnesty International accusés de complot avec intention de donner la mort, considérait comme indispensable qu’il contribue à la de meurtre et de tirs de coups de feu avec intention de consolidation à long terme du système judiciaire tuer : il leur était reproché d’avoir, en mai 2000, national, en faisant porter ses efforts aussi bien sur le ouvert le feu sur des civils qui manifestaient devant la personnel que sur la formation et les infrastructures. résidence de Foday Sankoh à Freetown, la capitale, Aux mois de juin et de juillet, une équipe réunissant tuant une vingtaine de personnes et en blessant des des délégués de la Banque mondiale et des dizaines d’autres. Le procureur général et ministre de représentants du ministère du Développement inter- la Justice a déclaré que ces poursuites n’empêchaient national du Royaume-Uni s’est rendue en Sierra nullement le Tribunal spécial d’engager, le cas Leone afin de procéder à une évaluation préliminaire échéant, une action. Par la suite, au moins 13 autres de l’appareil judiciaire. membres du RUF ont été inculpés d’infractions simi- Si certains tribunaux de première instance ont été rou- laires. Trente-huit hommes faisant partie des West verts à l’extérieur de Freetown, seulement cinq sur 14 Side Boys (Garçons de la zone ouest), un groupe de avaient repris leurs activités dans l’ensemble du pays, soldats déserteurs, ont également été poursuivis pour et encore ne fonctionnaient-ils qu’au ralenti. Le complot avec intention de donner la mort, meurtre et manque de personnel suffisamment formé et l’absence vol aggravé. S’ils sont reconnus coupables, les accusés d’aide judiciaire se traduisaient par une accumulation pourraient être condamnés à mort. des dossiers non traités, ainsi que par l’accroissement Le procès devant la Haute Cour a été reporté à diffé- de la durée de la détention provisoire. Le Haut- rentes reprises, parfois en raison du mauvais état de Commissariat des Nations unies aux droits de santé de Foday Sankoh, et la procédure n’avait guère l’homme a aidé un groupe local à mettre en place un progressé à la fin de l’année 2002. À aucun stade les mécanisme d’assistance judiciaire. accusés n’ont eu le droit de consulter un avocat, ce Aucun progrès n’a été accompli quant à l’instauration qui a constitué une violation des normes internatio- de la National Commission on Human Rights nales en matière d’équité des procès. Cette absence (Commission nationale des droits humains), prévue d’avocat était d’autant plus préoccupante que les dans l’accord de paix de Lomé. Le conseiller spécial du accusés encouraient la peine capitale. En outre, les haut-commissaire aux droits de l'homme pour les ins- accusés n’étaient pas autorisés à recevoir la visite de titutions nationales, les arrangements régionaux et les leurs familles. stratégies de prévention a écrit au vice-président, Alors que la peine maximale pouvant être requise par anciennement procureur général et ministre de la le Tribunal spécial était la réclusion à perpétuité, le Justice, pour lui soumettre différentes options suscep- Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de tibles d’accélérer sa mise en place. l’homme, Amnesty International et d’autres organisa- tions ont fait part de leur inquiétude concernant le fait Réfugiés et personnes déplacées que les juridictions sierra-léonaises étaient habilitées à Plus de 100 000 réfugiés sierra-léonais sont retournés prononcer des sentences capitales. chez eux, venant pour la plupart de Guinée et du Les conditions carcérales pénibles à la prison centrale Libéria. Beaucoup ont bénéficié de l’aide du Haut- de Pademba Road, à Freetown, et dans d’autres lieux Commissariat des Nations unies pour les réfugiés de détention, où, notamment, les soins médicaux (HCR); d’autres sont revenus par leurs propres étaient insuffisants, demeuraient une source de préoc- moyens. En outre, quelque 124 000 personnes dépla- cupation. En août, l’un des accusés est mort ; les auto- cées ont été réinstallées au cours de l’année. Toutefois, rités ont déclaré que son décès était dû au fait qu’il la recrudescence des combats au Libéria a entraîné une souffrait d’une « psychose ». La police a ouvert une arrivée massive de Libériens ; en novembre, enquête, mais les circonstances exactes de la mort de 37 000 nouveaux réfugiés avaient afflué en Sierra ce détenu n’ont pas été éclaircies. Leone. Les efforts du HCR en vue de faciliter le rapa- triement des Sierra-Léonais et de protéger le grand Détention sans inculpation ni jugement nombre de réfugiés libériens ont toutefois souffert Malgré la levée de la réglementation d’urgence, une d’un manque de fonds. vingtaine de détenus, apparemment tous militaires, Au mois de février, un rapport du HCR et de Save the étaient toujours incarcérés sans inculpation ni juge- Children – Royaume-Uni a fait état des risques de vio- ment dans la prison de Pademba Road à la fin de lences et d’exploitation sexuelles auxquels étaient l’année. Aucun texte juridique ne justifiait leur main- exposés les enfants réfugiés ou déplacés en Guinée, au tien en détention. Libéria et en Sierra Leone au contact de personnes tra- vaillant pour des organisations non gouvernementales Consolidation des institutions nationales ou internationales, pour le HCR et pour L’année a été marquée par plusieurs initiatives visant à d’autres agences des Nations unies, ou de la part des remédier aux graves carences du système judiciaire, forces de sécurité ou d’autres réfugiés ou personnes 349 SI déplacées. Le Bureau des services de contrôle interne en provenance de Sierra Leone, en excluant toutefois (BSCI) des Nations unies a mené une enquête sur ces de cette interdiction les diamants exportés sous certifi- allégations et publié un rapport en octobre, mais cat d’origine gouvernemental. Néanmoins, des Amnesty International considérait que son mandat contrôles étaient toujours nécessaires pour vérifier était trop limité et ne permettait donc pas d’arriver à l’origine des diamants depuis leur extraction, et il des conclusions donnant une image fiable de la réalité. demeurait indispensable que le gouvernement étende son autorité aux zones diamantifères. Mission des Nations unies en Sierra Leone Le Conseil de sécurité a également maintenu l’inter- (MINUSIL) diction sur les transferts d’armes et l’exportation de En septembre, le Conseil de sécurité des Nations unies diamants bruts en provenance du Libéria, un pays qui a accepté de réduire la composante militaire de la avait soutenu le RUF. Des progrès ont été accomplis MINUSIL, dont les troupes devront avoir été en grande par les gouvernements et l’industrie mondiale du dia- partie retirées en décembre 2004, sous réserve que des mant vers l’instauration d’un régime de certification fonds suffisants permettent de renforcer les moyens de international. Ce régime, mis en place en novembre, l’armée et de la police, et compte tenu de l’évolution devait commencer à prendre effet en janvier 2003. du conflit au Libéria. Les effectifs militaires de la MINUSIL, qui s’élevaient à 17 500 hommes, avaient été Visites d’Amnesty International réduits de 600 hommes à la fin de l’année 2002. Des délégués de l’organisation se sont rendus en Sierra La Section des droits de l'homme de la MINUSIL a Leone en avril et en mai pour y mener des recherches poursuivi sa mission de surveillance de la situation sur le système judiciaire. Ils ont rencontré des hauts des droits humains et de coopération technique. responsables du gouvernement et des membres de la Le Tribunal spécial et la TRC ont bénéficié de son aide, MINUSIL.◆ et une formation aux droits humains a, sous son égide, été dispensée tant au personnel de la MINUSIL Autres documents d’Amnesty International – notamment aux soldats chargés du maintien de la Guinée, Libéria et Sierra Leone. Contrôler et surveiller paix – qu’aux membres de la police et de l’armée sierra- le commerce de diamants depuis l’extraction jusqu’à léonaises. Par ailleurs, deux bureaux régionaux ont été l’exportation (AFR 05/001/02). ouverts au début de l’année à Port Loko et à Koidu ; ils ont permis, avec ceux déjà ouverts à Kenema et à Makeni, d’augmenter les possibilités de surveillance de la situation des droits humains à travers le pays. Violations présumées des droits humains par des soldats de la MINUSIL En janvier, le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) et CARITAS-Makeni, une organisation non gouvernementale catholique, ont signalé plusieurs cas de violences sexuelles commises contre des enfants par des soldats des forces de maintien de la paix de la MINUSIL. Ces allégations ont donné lieu à une enquête menée par la MINUSIL et des organisations de protec- tion de l’enfance, et des mesures de prévention ont été prises pour protéger les enfants et les femmes. En juillet, deux personnes sont mortes des suites de blessures par balles et trois autres ont été blessées après que les forces de maintien de la paix de la MINUSIL eurent ouvert le feu pour réprimer une émeute à Freetown, déclenchée à la suite du meurtre d’un com- merçant local. L’enquête ouverte par la MINUSIL a conclu que les coups de feu n’avaient pas été tirés en direction de la foule, et qu’il n’existait aucun élément irréfutable expliquant la façon dont ces personnes avaient été tuées ou blessées.

Assistance militaire et commerce de diamants Bien que le conflit ait officiellement pris fin, les mesures interdisant que le commerce des diamants serve à financer l’aide militaire aux groupes armés étaient toujours en vigueur. Par ailleurs, le Conseil de sécurité des Nations unies a étendu l’interdiction aux importations directes et indirectes de diamants bruts 350 SIF SINGAPOUR RÉPUBLIQUE DE SINGAPOUR CAPITALE : Singapour 2 SUPERFICIE : 639 km MALAISIE POPULATION : 4,2 millions mer de Chine CHEF de l’ÉTAT : méridionale Sellapan Rama Nathan SINGAPOUR

CHEF du GOUVERNEMENT : SINGAPOUR Goh Chok Tong détroit de Singapour PEINE DE MORT : maintenue COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome non signé INDONÉSIE 0 50 km

e gouvernement a poursuivi sa politique Base) en Afghanistan. Trois des personnes arrêtées ont de répression dirigée contre les personnes finalement été remises en liberté surveillée, tandis que Lsoupçonnées d’être liées à des organisations les 18 autres étaient placées en détention sans inculpa- « terroristes », plaçant en détention 34 hommes, tion ni jugement pour une durée de deux ans. sans inculpation ni jugement, en vertu de la Loi Pendant les semaines qui ont suivi leur arrestation, les sur la sécurité intérieure. La liberté d’expression suspects n’ont pu avoir de contacts ni avec leurs avo- pâtissait toujours d’une législation restrictive cats ni avec leurs familles, ce qui a fait craindre qu’ils et des conséquences des procès en diffamation n’aient été torturés ou maltraités. Les dispositions de intentés devant les tribunaux civils contre certains l’ISA constituent une violation du droit de bénéficier opposants politiques. Les militants de l’opposition d’un procès équitable et public et du droit d’être pré- risquaient également des amendes ou la prison sumé innocent tant que la culpabilité n’a pas été prou- lorsqu’ils prenaient la parole en public. Les vée conformément à la loi. témoins de Jéhovah étaient toujours emprisonnés Treize autres hommes accusés d’être liés à la Jemaah lorsqu’ils cherchaient à faire valoir leur droit à Islamiyah et arrêtés en décembre 2001 ont été placés l’objection de conscience au service militaire. en détention en janvier, pour une durée de deux ans, Des peines de mort ont, cette année encore, en vertu de l’ISA. Deux autres personnes ont été été prononcées, mais on ignorait le nombre de remises en liberté conditionnelle le même mois. personnes exécutées. Des délinquants de droit commun ont été condamnés à la bastonnade. Restrictions de la liberté d’expression et de réunion Les contrôles imposés par le gouvernement à la presse Contexte et aux organisations de la société civile restreignaient la Le People's Action Party (PAP, Parti d'action populaire), liberté d’expression et entravaient l’action des observa- au pouvoir depuis 1959, dominait toujours la scène teurs indépendants des droits humains. Toute une politique, avec 82 des 84 sièges du Parlement. série de lois répressives restaient en vigueur, compro- mettant sérieusement le droit à la liberté d’expression Détention sans jugement et de réunion. Tout rassemblement de plus de quatre En septembre, les autorités ont annoncé l’arrestation, personnes nécessitait une autorisation de la police. le mois précédent, de 21 hommes. Elles ont déclaré Or, cette autorisation était rarement accordée aux per- que ces personnes, interpellées en vertu de l’Internal sonnes souhaitant exprimer des opinions en rupture Security Act (ISA, Loi sur la sécurité intérieure), appar- avec celles du régime. tenaient à la Jemaah Islamiyah (JI, Communauté isla- La perspective, pour les opposants du PAP, de faire l’objet mique), un groupe accusé de vouloir établir par la devant la justice civile de procès en diffamation suscep- force un État panislamique en Asie du Sud-Est. Selon tibles de les conduire à la ruine continuait de paralyser la les pouvoirs publics, les suspects projetaient de com- vie politique et créait un climat d’autocensure. Le gouver- mettre plusieurs attentats à la bombe à Singapour, nement faisait valoir qu’il était légitime que les dirigeants notamment contre des aqueducs et contre le siège du du PAP défendent leur réputation, mais on pouvait ministère de la Défense. Plusieurs membres du groupe craindre que le vrai motif de ces actions en justice ne soit avaient, selon les autorités, reçu une formation mili- en fait de réduire au silence certaines personnalités de taire dans des camps de l’organisation Al Qaida (La l’opposition et de les écarter de la vie publique. 351 SL ✔ Chee Soon Juan, dirigeant du Singapore Democratic à être de nouveau incarcérés. Il n’existait aucun service Party (SDP, Parti démocrate de Singapour), situé dans civil de remplacement pour les objecteurs de conscience. l’opposition, faisait toujours l’objet d’un procès en dif- famation que lui avaient intenté en 2001 le Premier Peine de mort ministre et le ministre d’État. Un tribunal a estimé au La peine capitale était impérativement prévue par la mois d’août qu’il devait verser des dommages et inté- loi pour les personnes reconnues coupables de trafic de rêts aux plaignants, dont le montant serait fixé plus stupéfiants, de meurtre, de trahison et de certaines tard. Chee Soon Juan a fait appel de cette décision. infractions à la législation sur les armes à feu. Après avoir été condamné au paiement d’une amende ✔ Deux ressortissants thaïlandais auraient été condam- pour avoir pris la parole en public sans autorisation, il nés à mort pour meurtre. Sept personnes au moins, s’est vu interdire au mois de juillet de se présenter aux dont deux Pakistanais, condamnées pour trafic de prochaines élections législatives. En octobre, Chee drogue ou pour meurtre, auraient été exécutées. Soon Juan et un autre membre de l’opposition, Le nombre réel d’exécutions était toutefois vraisembla- Ghandi Ambalam, se sont vu infliger une amende blement plus élevé. Il était toujours difficile d’obtenir pour diverses infractions relatives à un rassemblement des informations sur les condamnations à mort et les organisé sans autorisation. Chee Soon Juan a refusé de exécutions, le gouvernement ne publiant aucun chiffre la payer et a été emprisonné pendant cinq semaines. dans ce domaine. On a appris en 2002 que 22 per- Ghandi Ambalam a passé une nuit en prison, mais il a sonnes avaient été exécutées en 2001 pour trafic de stu- été libéré après avoir acquitté le montant de l’amende. péfiants, ce qui portait à 369 le nombre d’exécutions ✔ Le ministre d’État et plusieurs autres hauts respon- avérées depuis 1991. Ainsi, Singapour a probablement sables du PAP ont renoncé en avril aux nouvelles pour- le taux d’exécution le plus élevé au monde par rapport suites en diffamation qu’ils avaient intentées contre un au nombre d’habitants (un peu plus de quatre millions). ancien parlementaire d’opposition, J.B. Jeyaretnam, après que celui-ci eut publiquement présenté des Châtiment judiciaire cruel excuses. Ce dernier avait déjà été déclaré en faillite La bastonnade est un châtiment cruel, inhumain et personnelle et avait été exclu du Parlement en 2001, à dégradant. Elle restait impérativement prévue par la loi l’issue d’un premier procès en diffamation. pour une trentaine d’infractions, dont la tentative de meurtre, le viol, le vol à main armée, le trafic de stupé- Objecteurs de conscience fiants, les infractions à la législation sur l’immigration et Au moins 27 objecteurs de conscience ont été emprison- le vandalisme. La bastonnade pouvait être légalement nés en 2002. Ils faisaient tous partie des témoins de appliquée aux mineurs, en violation de la Convention des Jéhovah, groupe religieux interdit à Singapour. Les per- Nations unies relative aux droits de l’enfant. Le nombre sonnes qui refusaient d’effectuer leur service militaire des sentences exécutées cette année n’était pas connu. étaient condamnées une première fois à quinze mois ✔ Un ressortissant malaisien a été condamné en juillet d’emprisonnement, puis à deux ans d’emprisonnement à cinq ans d’emprisonnement et à 24 coups de canne, en cas de deuxième refus. Les appelés qui persistaient pour avoir aidé des candidats à l’immigration à entrer dans leur refus de servir dans l’armée s’exposaient ensuite clandestinement dans le pays.◆ SLOVAQUIE RÉPUBLIQUE SLOVAQUE CAPITALE : Bratislava POLOGNE SUPERFICIE : 49 035 km2 RÉPUBLIQUE POPULATION : 5,4 millions TCHÈQUE CHEF de l'ÉTAT : Kosice Rudolf Schuster SLOVAQUIE UKRAINE CHEF du GOUVERNEMENT : Mikulás Dzurinda BRATISLAVA PEINE DE MORT : abolie HONGRIE COUR PÉNALE AUTRICHE

INTERNATIONALE : 0 200 km Statut de Rome ratifié

352 SL elon certaines sources, la police n’a pas qu’elle eut proposé de lui serrer la main pour le remer- fourni aux Rom (Tsiganes) une protection cier de son aide à propos d’un article qu’elle préparait. Ssatisfaisante contre les violences racistes Denise Havrlová aurait déposé une plainte auprès de dont ils faisaient l’objet et n’a pas enquêté l’Inspection de la police de Kosice. En mars, ce service correctement sur les plaintes déposées par aurait rejeté sa requête. Denise Havrlová a alors les victimes. Des dispositions du Code pénal déposé une nouvelle plainte, à la suite de laquelle restreignant de façon excessive le droit l’enquêteur du district de Presov l’a inculpée d’outrage à la liberté d’expression ont été abrogées. à représentant de l’État parce qu’elle avait traité le policier de raciste. Ces poursuites ont été abandonnées Communauté rom et, au mois de mai, l’Inspection centrale de la police à Les Rom ont été victimes de discrimination dans tous Bratislava a estimé que la plainte déposée par Denise les domaines. Selon un certain nombre d’informa- Havrlová contre le policier était « partiellement fon- tions, ils ont subi des violences racistes et les agents de dée » : elle a estimé que l’agent n’avait pas eu un com- la force publique n’ont pas assuré leur protection. La portement raciste, mais qu’il avait manqué aux police n’a pas non plus mené d’investigations appro- obligations légales liées à sa fonction. priées sur certains des faits à caractère raciste qui ont été signalés. Liberté d’expression ✔ En février, une dispute a éclaté dans un café du vil- Au mois de janvier, la Cour constitutionnelle a sus- lage de Ganovce-Filice (district de Poprad) entre pendu les dispositions des articles 102 et 103 du Martin Kocka, un Rom, et le propriétaire de l’établis- Code pénal slovaque concernant l’outrage à la sement. Trois heures plus tard, une quinzaine de République et la diffamation de représentants de jeunes gens armés de battes de base-ball, de matraques l’État, considérant que leur application pouvait et de barres de fer sont arrivés dans le quartier rom. Ils constituer une menace pour la liberté d’expression. se sont mis à crier « Sortez, les gitans ! » en jetant des Plusieurs parlementaires avaient introduit une requête pierres sur les fenêtres et en défonçant les portes à en ce sens auprès de la Cour après que le président coups de batte. Martin Kocka a été attaqué devant son Rudolf Schuster eut engagé, en juillet 2001, des pour- domicile par trois ou quatre hommes. Ils l’ont frappé suites pénales contre un journaliste qui avait critiqué avec leur batte alors qu’il était à terre, lui ont crié des son discours sur l’état de la nation devant le Conseil injures racistes et ont menacé de le tuer. Martin Kocka national (Parlement). Au mois de juin 2002, celui-ci a eu le bras cassé. Au moins neuf autres personnes ont a adopté une loi abrogeant les articles 102 et 103 du été blessées par les assaillants, qui ont pénétré dans les Code pénal, et la Cour constitutionnelle a mis fin à maisons et ont frappé au hasard des hommes et des son examen de ces dispositions.◆ femmes. L’une des victimes a pu appeler la police grâce à son téléphone portable. Les agresseurs ont quitté les lieux peu de temps après. La police est, semble-t-il, arrivée une heure plus tard et a interrogé brièvement quelques-unes des victimes. Trois jours plus tard, le directeur du Service des enquêtes de la police de Poprad aurait déclaré à un quotidien national que la motivation raciale était exclue dans ces événements. Le lendemain, un avocat de la League of Human Rights Advocates (LHRA, Ligue des défenseurs des droits humains), une organisation non gouvernementale, a indiqué publiquement que la déclaration du directeur de la police était contraire à la déontologie, étant donné qu’aucune investigation n’avait été menée. Dix jours plus tard, ce dernier a accusé l’avocat de la LHRA de gêner le travail d’inves- tigation. La police a ouvert une enquête pour violation de domicile, dégradation volontaire de biens, et coups et blessures. En mai, il a été mis fin à l’enquête parce que les auteurs des faits n’avaient pu être identifiés. Un recours a néanmoins été déposé et la police a reconnu que l’agression avait pu être motivée par des considé- rations raciales ; toutefois, en juin, l’enquête a de nou- veau été close pour le même motif. ✔ En février, un agent du poste de police de Jarovnice a demandé à la journaliste Denise Havrlová, qui est rom, de lui montrer son « certificat d’hygiène » après 353 SO SOMALIE

SOMALIE mer YÉMEN CAPITALE : Mogadiscio Rouge SUPERFICIE : 637 657 km2 ÉRYTHRÉE golfe d'Aden Socotra (YÉMEN) POPULATION : 9,6 millions DJIBOUTI Boosaao PRÉSIDENT du GOUVERNEMENT Hargeisa NATIONAL DE TRANSITION : Somaliland Abdoulkassim Salat Hassan PEINE DE MORT : maintenue COUR PÉNALE ÉTHIOPIE INTERNATIONALE : Statut de Rome non signé

SOMALIE océan es affrontements entre Indien Lfactions ont fait des centaines de morts parmi la population MOGADISCIO civile à Mogadiscio, à Baidoa, dans le Puntland et dans la région de Gedo, entre autres. KENYA Les milices liées aux factions 0 400 km se sont également rendues coupables d’enlèvements et de viols. Il n’existait pas plus au niveau national que régional de véritable État de étaient rares. Le gouvernement national de transition droit. Les procès ne respectaient pas les normes ne contrôlait qu’une petite partie de Mogadiscio. Il en matière d’équité. Au début des pourparlers devait faire face à l’opposition du Conseil somalien de de paix organisés au Kenya, les dirigeants de réconciliation et de restauration (CSRR), une coalition factions ont signé un accord de cessez-le-feu mouvante regroupant près de 20 factions claniques avec le gouvernement national de transition, politiques ou militaires et bénéficiant du soutien de mais les affrontements ont continué de façon l’Éthiopie. À Mogadiscio, les factions membres du sporadique. Des journalistes ont été arrêtés CSRR affrontaient fréquemment la police et les milices au Somaliland, ainsi que dans le Puntland du gouvernement national de transition. Des combats où des manifestants et des opposants ont entre factions ont également eu lieu, à Baidoa et dans également été appréhendés. Les défenseurs la région de Gedo. des droits humains étaient souvent menacés Dans ce pays où l’État s’est effondré, la République par les milices des différentes factions. autoproclamée du Somaliland était toujours la seule Les personnes condamnées à mort par des partie de la Somalie à connaître la paix et à être dotée tribunaux islamiques ont été exécutées. d’un gouvernement. Son président Mohamed Ibrahim Egal, dont le mandat avait été prolongé d’un an en Contexte février, est décédé en mai. Le vice-président, Dahir Le gouvernement national de transition, mis en place Riyale Kahin, lui a succédé. Des élections locales plu- en août 2000 pour une durée de trois ans aux termes ralistes ont eu lieu en décembre et il était prévu que de la Charte adoptée lors de la conférence d’Arta, à des élections législatives et présidentielle soient organi- Djibouti, n’a pas réussi à mettre sur pied les structures sées début 2003. du futur cabinet national ni des futures administra- Vers la fin de l’année, la tension s’est accrue entre le tions policière ou judiciaire, pas plus qu’il n’a su Somaliland et le Puntland au sujet de certains terri- ouvrir la voie à des élections. La situation humanitaire toires des régions de Sool et de Sanag, dans l’est du était très préoccupante et les infrastructures sociales pays, revendiqués par le Puntland. En décembre, élémentaires comme les écoles et les centres de soins quatre personnes ont été tuées lors d’une tentative 354 SO d’assassinat du président du Somaliland. Celui-ci était été constitués et chargés de formuler des recommanda- en visite dans la région de Sool lorsque des milices du tions dans les domaines suivants : mise en place d’une Puntland, semble-t-il, ont essayé de le tuer. structure constitutionnelle unifiée ; désarmement et Dans l’État régional du Puntland, proclamé en 1998, démobilisation ; droits fonciers et de propriété ; deux personnes se disputaient la présidence : l’ancien reconstruction économique ; relations régionales et président et membre du CSRR Abdullahi Yusuf internationales ; résolution des conflits et réconcilia- Ahmed, qui avait refusé de se retirer en juillet 2001 au tion (ce qui incluait la question des droits humains). terme de son mandat de trois ans, et Jama Ali Jama, Plusieurs centaines de personnes représentant des élu à la tête de cet État lors d’une conférence des chefs groupes de la société civile ont participé aux négocia- traditionnels en novembre 2001. À plusieurs occa- tions d’Eldoret, sans toutefois jouer un rôle particulier sions, les forces d’Abdullahi Yusuf Ahmed ont attaqué ni apporter une contribution spécifique. Certaines celles de Jama Ali Jama, tuant des dizaines de miliciens appartenaient à des ONG œuvrant depuis longtemps et de civils. La société civile a tenté, en vain, de récon- pour la paix, le développement et les droits humains cilier les deux camps rivaux. Abdullahi Yusuf Ahmed, malgré le risque de représailles de la part des factions qui tenait déjà Garowe, la capitale du Puntland, s’est armées. Ces organisations s’employaient à sensibiliser emparé du port de Boosaaso en mai. Fort d’une cer- les gens à leurs droits en animant des séminaires et des taine reconnaissance, il a pu prendre part aux pourpar- ateliers, en menant un travail auprès des médias, en lers de paix en qualité de président du Puntland. organisant des événements, des rassemblements et des La communauté internationale a continué de partici- manifestations, ainsi qu’en rencontrant les représen- per au processus de reconstruction par le biais des tants des autorités. Certaines associations dénonçaient Nations unies et d’organisations non gouvernemen- les atteintes aux droits humains ou visitaient les pri- tales (ONG) internationales ou somaliennes. Les orga- sons, puis formulaient des recommandations en vue nismes d’aide humanitaire travaillaient dans un d’améliorer la situation. Starlin Arush, une militante contexte très dangereux et plusieurs de leurs employés de premier plan qui, au cours des années précédentes, somaliens ont été enlevés ou tués. avait été menacée à plusieurs reprises en Somalie par Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 les milices liées aux factions, a été tuée en octobre à commis aux États-Unis, des troupes sous commande- Nairobi alors qu’elle s’apprêtait à prendre part aux ment américain ont exercé une surveillance aérienne et négociations d’Eldoret. Elle aurait été assassinée par maritime afin de repérer d’éventuelles activités d’Al des voleurs armés kenyans. Qaida (La Base). Organisations internationales Paix et réconciliation En janvier, l’expert indépendant des Nations unies La 14e conférence de paix depuis 1991 s’est ouverte en chargé d'examiner la situation des droits de l’homme octobre à Eldoret, au Kenya, sous les auspices de en Somalie a présenté à la Commission des droits de l’Intergovernmental Authority on Development (IGAD, l’homme le compte rendu de la visite qu’il a effectuée Autorité intergouvernementale pour le développe- dans ce pays en août 2001. Entre autres recommanda- ment), qui regroupe plusieurs États de la région. tions, il a demandé l’ouverture d’enquêtes indépen- Amnesty International a demandé aux participants dantes sur les atteintes aux droits humains commises que la question des droits humains soit inscrite dans le passé, afin de faciliter le processus de paix et de comme priorité à l’ordre du jour des discussions. Elle réconciliation. En avril, la Commission a condamné a par ailleurs fait connaître son opposition à toute les violations des droits humains et du droit humani- amnistie générale en faveur des dirigeants de factions taire et a exhorté la communauté internationale à faire ou de toute autre personne responsable de crimes de en sorte que son action humanitaire tienne compte des guerre ou de crimes contre l’humanité, aussi bien sous principes relatifs aux droits humains. En août, l’expert le précédent gouvernement de Siyad Barré qu’au cours indépendant s’est rendu au Somaliland et au des guerres civiles qu’a connues le pays par la suite. La Puntland, mais il n’est pas allé à Mogadiscio ni dans le conférence était parrainée par l’Union européenne sud du pays en raison des problèmes de sécurité. Il a (UE), les Nations unies, les États-Unis et la Ligue invité les dirigeants locaux, la société civile et la com- arabe. Boycottée par le Somaliland, elle a néanmoins munauté internationale à faire cesser les graves réuni tous les dirigeants de factions et de nombreux atteintes aux droits humains commises dans représentants de groupes de la société civile. Les diri- l’ensemble de la Somalie, et a recommandé la création geants de factions et le gouvernement national de d’organisations nationales et régionales indépendantes transition ont signé un accord de cessez-le-feu le pour défendre les droits humains. 27 octobre puis une nouvelle trêve en décembre, mais En août, un groupe d’experts des Nations unies a été cela n’a pas empêché les combats de se poursuivre de constitué pour enquêter sur les violations de l’embargo façon sporadique en Somalie. Les participants à la sur les armes, reconduit par le Conseil de sécurité. conférence ont décidé de créer en 2003 un Parlement fédéral composé de 450 membres, qui seront élus sur Victimes civiles des combats entre factions la base de quotas ; ils représenteront les quatre princi- Dans le sud du pays, les affrontements entre factions et paux clans, mais aussi les minorités. Six comités ont entre clans ont fait de très nombreuses victimes parmi 355 SO les civils et ont aussi entraîné la mort de combattants. et alors qu’il n’existait aucun établissement réservé aux Plusieurs factions utilisaient des enfants comme com- détenus mineurs. battants. Les mines terrestres ont elles aussi tué de très Emprisonnement politique nombreuses personnes. Des membres des milices liées En juin, Yusuf Abdi Aziz, président de l’université de aux factions et d’autres individus armés ont violé des l’Afrique de l’Est à Boosaaso, a été arrêté par les forces femmes et des jeunes filles appartenant à des clans d’Abdullahi Yusuf Ahmed en même temps qu’un très rivaux ou à des groupes vulnérables comme les per- grand nombre d’autres partisans présumés de Jama Ali sonnes déplacées ou les minorités somaliennes extrê- Jama. Ils auraient été battus avant d’être relâchés au mement défavorisées telles que les Bantous (connus bout de quelques jours. En août, deux membres du également sous le nom de Jarir), les Midgan, les Dulmidiid Center of Human Rights (Centre Dulmidiid Toumal, les Yibir, les Bravanese ou encore les des droits humains) ont été appréhendés ; il étaient Benadiri, communauté plus aisée. Des dizaines de per- considérés comme des prisonniers d’opinion. Ils ont sonnes, dont des enfants, ont été enlevées pour être été libérés sans inculpation quelques jours plus tard échangées contre une rançon ; ce fut notamment le cas grâce à l’intervention de l’expert indépendant des de Mohamed Abokor, un fonctionnaire des Nations Nations unies, en visite dans la région. unies qui a été relâché en mai au bout de quatre semaines de captivité. Liberté d’expression ✔ Au Puntland, Sultan Ahmed Mahmoud Muhammed Dans de nombreuses régions, les journalistes indépen- (également appelé Hurre), un Britannique connu pour dants vivaient sous la menace. Au Somaliland et au son opposition à Abdullahi Yusuf Ahmed, a été tué au Puntland, des stations de radio privées dont les pro- mois d’août par les forces de ce dernier dans un village à grammes critiquaient les autorités ont été fermées. En 50 kilomètres au sud de Garowe. Le représentant septembre et en octobre, les journalistes ont protesté d’Abdullahi Yusuf Ahmed a déclaré que les milices contre un projet de loi sur les médias. Le président du avaient reçu l’ordre de l’arrêter et qu’il avait été tué lors gouvernement national de transition a renvoyé ce pro- d’un échange de coups de feu. Certaines personnes ont jet en nouvelle lecture devant le Parlement. toutefois affirmé qu’il avait été victime d’une exécution ✔ Abdirahman Ismail Omer a été arrêté le 27 août au extrajudiciaire. Une enquête gouvernementale était, Somaliland pour avoir écrit trois articles dans lesquels semble-t-il, en cours à la fin de l’année. il s’interrogeait sur la visite à Djibouti du président de cette République. Jugé de nuit de façon sommaire, il a État de droit été condamné à trois mois de prison. Il a ensuite été Les juridictions ordinaires ne fonctionnaient qu’au libéré au bout de quelques jours, sa peine ayant été Somaliland, où de nombreux juges ont toutefois été commuée en une amende. arbitrairement démis de leurs fonctions au milieu de ✔ Le rédacteur en chef du journal Somalpress a été l’année. Le Puntland avait une administration judi- détenu au Puntland pendant un mois, en septembre, ciaire embryonnaire fondée en partie sur la charia sans avoir été jugé ni même inculpé. (droit musulman), mais ces tribunaux ne fonction- ✔ Douze personnes, éthiopiennes pour la plupart, ont naient pas en permanence. En ce qui concerne le reste été brièvement détenues au Somaliland en septembre de la Somalie, les quelques juridictions en activité à pour avoir diffusé les idées du christianisme. Elles ont l’exception des tribunaux coutumiers claniques étaient été relâchées sans inculpation. notamment les tribunaux islamiques siégeant à Mogadiscio et dans d’autres régions. Ils ne respectaient Visites d’Amnesty International pas les normes internationales relatives à l’équité des Début novembre, au Kenya, des représentants de procès et les milices qui se livraient à des exactions res- l’organisation ont assisté aux pourparlers visant à taient généralement impunies. Les tribunaux ont pro- ramener la paix en Somalie.◆ noncé plusieurs peines capitales, rapidement appliquées. En juin, le tribunal régional de Benadir, à Autres documents d’Amnesty International Mogadiscio, a prononcé une peine d’amputation qui a Somalia: No lasting peace without human rights suscité de vives protestations en raison de son caractère [Somalie. Il n’est pas de paix durable sans respect inique. Elle a été annulée à la suite des pressions exer- des droits humains] (AFR 52/002/02). cées par le gouvernement national de transition, qui demandait un nouveau procès. Les graves problèmes de surpopulation et la médio- crité des installations sanitaires rendaient les condi- tions carcérales difficiles, notamment à Mogadiscio. Il semble que de nombreux prisonniers appartenaient à des minorités qui n’étaient soutenues par aucun clan armé. Se conformant à une coutume, certains parents continuaient d’envoyer leurs enfants en prison – à Hargeisa et à Mogadiscio, par exemple – pour des rai- sons disciplinaires, en dehors de tout cadre juridique 356 SO SOUDAN RÉPUBLIQUE DU SOUDAN ÉGYPTE CAPITALE : Khartoum LIBYE ARABIE SUPERFICIE : 2 505 813 km2 Halaïb SAOUDITE

POPULATION : 32,6 millions mer CHEF de l’ÉTAT Rouge et du GOUVERNEMENT : Omar Hassan Ahmad el Béchir TCHAD KHARTOUM PEINE DE MORT : maintenue ÉRYTHRÉE COUR PÉNALE SOUDAN INTERNATIONALE : Nyala Statut de Rome signé DJIBOUTI

e pays, en proie à la guerre, a ÉTHIOPIE été le théâtre d’affrontements Lmarqués par de très nombreuses RÉPUBLIQUE atteintes aux droits humains, CENTRAFRICAINE jusqu’à la signature d’un cessez- Juba le-feu, en octobre. Les forces gouvernementales, l’Armée RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE OUGANDA KENYA populaire de libération DU CONGO 0 600 km du Soudan ( APLS) et les milices qui soutenaient l’un ou l’autre camp ont tué, enlevé et violé des civils, détruit Contexte des maisons, des troupeaux et des récoltes, De nouvelles avancées ont été réalisées sur le chemin et empêché l’acheminement normal de l’aide de la paix. Le gouvernement soudanais et l’APLS ont humanitaire. Tout au long de l’année, dans accepté de se plier aux quatre mesures proposées par le Darfour (ouest du pays), des civils ont l’envoyé spécial des États-Unis pour la paix et desti- été tués ou blessés lors d’attaques de villages nées à vérifier l’engagement de chacun en faveur d’une menées par des groupes armés. Chassés solution pacifique. En conséquence, un cessez-le-feu de chez eux, des dizaines de milliers de sous surveillance internationale concernant la région Soudanais étaient menacés par la famine, des monts Nouba a été conclu en janvier, puis recon- l’acheminement de l’aide humanitaire étant duit en juillet. Au mois de mars, le gouvernement et fréquemment interrompu ou perturbé. Dans l’APLS ont signé un accord aux termes duquel les deux les territoires sous contrôle gouvernemental, parties s’engageaient à ne pas s’en prendre à des cibles les forces de sécurité ont arrêté et harcelé des civiles ; une mission internationale devait vérifier que défenseurs des droits humains et des opposants l’accord était bien respecté. Une commission interna- politiques. La plupart des personnes interpellées tionale créée pour enquêter sur l’esclavage au Soudan ont été détenues au secret pendant de longues a remis son rapport en mai. En outre, les deux camps périodes, sans inculpation ni jugement ; ont accepté d’autoriser les organisations d’aide huma- plusieurs d’entre elles ont été torturées. nitaire à mettre en œuvre leurs programmes médicaux Au moins 40 personnes auraient été exécutées dans des « zones de tranquillité ». Ces accords n’ont et au moins 120 condamnations à mort ont été toutefois pas toujours été respectés. Des attaques prononcées. Un très grand nombre de Soudanais contre les populations civiles et des violations du droit se sont vu infliger des peines de flagellation international humanitaire ont été constatées. ou d’amputation, qui constituent des châtiments Les combats se sont poursuivis dans les zones pétroli- cruels, inhumains ou dégradants. Les procès fères, opposant les forces gouvernementales et leurs étaient souvent sommaires et manifestement milices à l’APLS et au Front démocratique du peuple inéquitables. Dans le Darfour, des tribunaux soudanais-Force de défense (DSPQ-FD) de Riek d’exception ont, cette année encore, Machar, qui a noué une alliance avec l’APLS en janvier. prononcé des sentences capitales Dans l’est du pays, l’opposition armée au gouvernement à l’issue de procès sommaires. était dirigée par l’Alliance démocratique nationale 357 SO

(ADN), regroupant huit partis politiques du Nord distribution alimentaire du Programme alimentaire alliés à l’APLS. Par ailleurs, des affrontements auraient mondial (PAM). Le gouvernement avait pourtant eu lieu entre les forces armées érythréennes et les donné son accord pour que, ce jour-là, le PAM puisse troupes régulières soudanaises. intervenir à Bieh sous l’égide de l’Opération Lifeline Le 20 juillet, le gouvernement soudanais et l’APLS ont Sudan (OLS), l’organisation coordonnant l’achemine- signé, à Machakos (Kenya), un protocole d’accord ment de l’aide humanitaire aux populations civiles du parrainé par l’Autorité intergouvernementale pour le sud du pays. Le gouvernement a annoncé l’ouverture développement (IGAD, qui regroupe des pays de la d’une enquête, mais aucune conclusion n’avait été région sous l’égide de l’Union africaine) et par des rendue publique à la fin de l’année. médiateurs étrangers. Toutefois, la prise de Torit ✔ Les forces de l’APLS auraient exécuté sommairement (Équatoria) par l’APLS le 1er septembre a porté un coup un certain nombre de soldats gouvernementaux captu- d’arrêt au processus de paix et provoqué l’interdiction rés après la prise de Torit, début septembre. par le gouvernement de l’acheminement par avion de ✔ Des hommes armés appartenant à des groupes l’aide humanitaire vers cette région. Le processus de nomades ont attaqué de multiples villages du Darfour, paix a été réenclenché après la reprise de la ville par les tuant et blessant un très grand nombre de civils – pour forces gouvernementales en octobre. Le 17 octobre, les la plupart membres de l’ethnie four – et détruisant des deux parties ont conclu un cessez-le-feu, et le 26 du maisons et des troupeaux, dans une impunité même mois, elles sont convenues de laisser circuler quasi totale. En avril, un groupe armé a attaqué le vil- librement l’aide humanitaire internationale. Au mois lage de Shoba, tuant 17 personnes. Au moins huit de novembre, le gouvernement et l’APLS on signé un habitants, dont plusieurs étaient allés protester contre protocole d’accord. cette attaque auprès des autorités, ont été arrêtés. Les organisations issues de la société civile ont déploré Ils ont été détenus sans inculpation, pour certains pen- d’avoir été exclues des pourparlers de paix. Alors que dant sept mois, avant d’être remis en liberté. le protocole d’accord de Machakos insistait sur la nécessité de respecter les droits humains, les deux par- Personnes déplacées ties ont continué de restreindre leur exercice ou de Des dizaines de milliers de personnes ont dû fuir de commettre des violations. En décembre, le gouverne- chez elles à la suite des attaques contre des civils et des ment a reconduit l’état d’urgence. destructions de maisons, de troupeaux et de cultures. En avril, la Commission des droits de l’homme des Les personnes déplacées étaient dans une situation de Nations unies a renouvelé le mandat du rapporteur spé- grand dénuement ; de plus, nombre d’entre elles ne cial sur la situation des droits de l’homme au Soudan ; ce pouvaient recevoir d’aide humanitaire en raison du cli- dernier s’est rendu dans le pays en octobre. En sep- mat d’insécurité et des restrictions gouvernementales tembre, le Comité des droits de l’enfant des Nations touchant l’acheminement de l’aide par avion. unies a examiné le second rapport périodique du Soudan. ✔ En août, les organisations d’aide humanitaire ont signalé que, d’après leurs estimations, 127 000 personnes Homicides illégaux contraintes de quitter leur foyer en raison des combats Des civils ont été pris pour cible, directement et sans dans l’État du Haut-Nil occidental/Unity s’étaient réfu- distinction, tant par les groupes d’opposition armés giées dans les districts de Gogrial et de Twic, dans le nord que par les forces gouvernementales qui, dans ce de l’État du Bahr el Ghazal. Leur arrivée n’a fait contexte de guerre civile, se seraient rendues respon- qu’aggraver une situation alimentaire déjà précaire. sables d’exécutions extrajudiciaires. D’après certaines informations, le gouvernement aurait utilisé des avions Torture Antonov et des hélicoptères de combat pour bombar- De nouveaux cas de personnes torturées par les forces der, à 85 reprises au moins, des cibles civiles. En mai, de sécurité ont été signalés. plus de 470 civils auraient été tués par la Lord's ✔ Quatorze étudiants de l’université de Bahr el Resistance Army (LRA, Armée de résistance du Ghazal (Khartoum) qui avaient été arrêtés à la suite de Seigneur) (voir Ouganda). manifestations violentes en octobre auraient été frap- En décembre, le résultat des premières enquêtes pés à coups de tuyau ; on leur aurait en outre rasé les menées en application des dispositions de l’accord de sourcils, la barbe et la moustache pendant leur déten- mars, qui spécifiait que les populations civiles devaient tion. Ces arrestations faisaient manifestement suite à être épargnées, a fait apparaître que le gouvernement de violents affrontements survenus peu de temps n’avait pas délibérément pris pour cible ces popula- auparavant sur le campus entre des étudiants et deux tions lors d’une attaque menée en septembre au cours membres des forces de sécurité. Lors son intervention, de laquelle 12 civils avaient trouvé la mort. Le rapport la police avait utilisé du gaz lacrymogène et tiré des indiquait par ailleurs que l’APLS avait installé des balles en caoutchouc. armes à proximité de zones civiles. ✔ Yaser Mohamed el Hassan Osman, assistant au ser- ✔ Le 21 février, 24 civils ont été tués à Bieh lors vice des inscriptions de la faculté de médecine de d’une attaque menée par un hélicoptère de combat Khartoum, a été arrêté le 26 octobre et détenu durant gouvernemental, qui a fait également de nombreux deux jours. Pendant sa détention, des membres des blessés et a brutalement interrompu une opération de forces de sécurité se seraient mis debout sur son corps, 358 SO lui écrasant la poitrine et la vessie, et l’auraient frappé contrôlées par le gouvernement, les femmes étaient les à coups de barre de fer jusqu’à ce qu’il perde connais- seules à se voir infliger des châtiments cruels, inhu- sance. Une fois libéré, cet homme a dû recevoir des mains ou dégradants pour adultère, les hommes, dans soins intensifs à l’hôpital de Khartoum. Il avait été des circonstances similaires, échappant généralement à arrêté en compagnie d’un très grand nombre d’étu- toute sanction. Dans le Nord, les femmes conti- diants à la suite de violents affrontements survenus les nuaient d’être harcelées et maltraitées par la police 22 et 23 octobre entre des étudiants de l’université de dans le cadre de l’application de la Loi relative à Khartoum et des membres de la police antiémeutes l’ordre public, qui limitait la liberté de mouvement armés de matraques et de fusils tirant des balles en des femmes et réglementait leur façon de s’habiller et caoutchouc. de se comporter. ✔ En novembre, au moins 14 habitantes du village de Peine de mort Munwashi, près de Nyala, dans le Darfour, ont été Au moins 40 personnes auraient été exécutées et au reconnues coupables d’adultère et condamnées cha- moins 120 condamnations à mort ont été prononcées. cune à une peine de 100 coups de fouet. Également Plus de 90 personnes se sont vu infliger la peine capi- arrêtées pour adultère, trois autres femmes de la même tale par des tribunaux d’exception de la région du région n’avaient pas, semble-t-il, été traduites en jus- Darfour à l’issue de procès iniques. Ces juridictions, tice à la fin de l’année. créées en 2001 par décret présidentiel pour examiner les infractions liées au « banditisme armé », pronon- Détention au secret sans inculpation çaient des sentences capitales et imposaient des châti- Des dizaines d’opposants présumés au gouvernement ments cruels, inhumains et dégradants à l’issue de ont été arrêtés par les forces de sécurité. Un grand procès sommaires. Les accusés, qui bien souvent ne nombre d’entre eux ont été détenus au secret pendant pouvaient recourir aux services d’un avocat, compa- de longues périodes sans inculpation ni jugement. raissaient devant des juges militaires. ✔ En octobre, neuf fonctionnaires dinka, dont ✔ Le 17 juillet, 88 personnes ont été condamnées à Garang Wek Atheny et Gabriel Akol Akol Kuc, et un mort, notamment pour meurtre, vol à main armée et commerçant, Ahmad Labuo, ont été interpellés par trouble à l’ordre public, par un tribunal d’exception des agents des services de renseignements de l’armée à de Nyala, dans le sud du Darfour. Selon certaines Aweil, la capitale de l’État du Bahr el Ghazal. Ils ont informations, deux enfants – Gadim Hamdoum été remis en liberté le 12 décembre, après avoir été Hamid et Kabashi Alayan, l’un et l’autre âgés de qua- détenus au secret pendant cinquante-trois jours. torze ans – figuraient parmi les condamnés. Trente-six ✔ Hassan el Tourabi, ancien président du Parlement des quelque 130 accusés, pour la plupart membres du et dirigeant du Congrès national populaire (CNP), est groupe ethnique Rizeigat, ont affirmé qu’en juin, ils resté détenu toute l’année. En août, la Cour constitu- avaient été battus à coups de crosse de fusil et de tuyau tionnelle a estimé que son maintien en détention était pendant leur détention provisoire. Leurs avocats se contraire à la Constitution, mais le président a immé- sont retirés lorsque le tribunal a refusé qu’ils soient diatement pris, en vertu des lois relatives à l’état examinés par un médecin. Les personnes condamnées d’urgence, un décret prolongeant celle-ci d’un an. Plus attendaient qu’il soit statué sur leur appel. de 30 autres membres du CNP arrêtés entre mai et sep- ✔ En novembre, l’ultime recours formé par tembre étaient toujours incarcérés sans inculpation ni Mohamed Ibrahim, Sadul Adam Abdelrahman, jugement à la fin de l’année 2002. Abdullah Rabhi, Mohamed Hamid Ahmed et Mohamed Issa Tiue, condamnés à une peine d’ampu- Enlèvements et esclavage tation croisée suivie de la mort par pendaison, a été La commission internationale de personnalités émi- rejeté. Ces personnes avaient été déclarées coupables nentes mise en place à l’initiative des États-Unis en de vol à main armée en 1999, à l’issue d’un procès décembre 2001 et chargée d’enquêter sur l’esclavage, inéquitable tenu à Nyala, dans le Darfour. Il semble les enlèvements et la servitude forcée, a publié son rap- qu’elles n’aient pas été autorisées à bénéficier des ser- port en mai. Ayant constaté que certaines pratiques vices d’un avocat. d’exploitation correspondaient à la définition de ✔ Au mois de février, la peine de mort par lapidation l’esclavage telle qu’elle figure dans les conventions prononcée par une juridiction pénale de Nyala contre internationales, la commission a formulé un certain Abok Alfa Akok, une femme non musulmane apparte- nombre de recommandations visant à y mettre un nant à l’ethnie dinka, a été commuée en appel en une terme. Le gouvernement a persisté à nier l’existence de peine de 75 coups de fouet. Le châtiment a été exécuté l’esclavage au Soudan. sur-le-champ. Le Comité pour l'élimination des rapts de femmes et d'enfants (CERFE), créé par le gouvernement en 1999, Droits des femmes a été placé sous la tutelle directe du président. À la fin Cette année encore, dans le contexte de guerre civile de l’année, le Comité a fait savoir qu’il était parvenu à que connaissait le pays, des femmes ont été violées et libérer 150 personnes enlevées. Cependant, selon les enlevées. Les auteurs présumés de violences sexuelles informations recueillies, aucun auteur présumé d’enlè- n’ont pas été déférés à la justice. Dans les zones vement n’a été déféré à la justice. 359 SR Restrictions touchant à la liberté d’expression en vertu des dispositions de la Loi relative aux associa- et d’association tions politiques, se sont vu refuser par les services de Malgré un assouplissement des mesures restreignant les sécurité de Khartoum l’autorisation de tenir une activités politiques et l’annonce par le gouvernement, en réunion. Cette organisation souhaitait commémorer décembre 2001, de la levée de la censure imposée aux l’exécution, en 1985, de son chef spirituel, Mahmoud médias, les autorités et les forces de sécurité ont continué Mohamed Taha. de limiter la liberté d’expression et d’association. Le gou- ✔ Osman Mirghani, chroniqueur au quotidien Al Ray vernement avait recours à des dispositions vagues ou res- Al Am, dont le siège est à Khartoum, a été interpellé trictives de certains articles du Code pénal ou de la Loi de en septembre par les forces de sécurité. Dans une 1999 sur la presse pour arrêter des journalistes et des interview accordée à la chaîne de télévision qatarienne rédacteurs en chef et pour saisir des journaux, en sus- Al Jazira, il avait critiqué le gouvernement soudanais pendre la parution ou leur infliger des amendes. Écrire ou pour s’être retiré des négociations de paix. Détenu publier des articles critiques à l’égard du gouvernement pendant deux jours aux fins d’interrogatoire, il a été était passible de sanctions, de même que le fait d’aborder relâché sans avoir été inculpé.◆ tout un ensemble de sujets, notamment ceux ayant trait au sida ou à l’excision. Autres documents d’Amnesty International ✔ Au mois de février, les Frères républicains, qui Soudan. Veiller au respect des droits humains pour venaient pourtant de se faire enregistrer officiellement garantir une paix durable (AFR 54/018/02). SRI LANKA

RÉPUBLIQUE SOCIALISTE détroit de Palk DÉMOCRATIQUE Jaffna DE SRI LANKA INDE CAPITALE : Colombo SUPERFICIE : 65 610 km2 POPULATION : 19,3 millions golfe de Mannar CHEF de l’ÉTAT : Chandrika Bandaranaike Kumaratunga SRI LANKA CHEF du GOUVERNEMENT : océan Ranil Wickremesinghe Indien PEINE DE MORT : abolie COLOMBO en pratique COUR PÉNALE INTERNATIONALE : 0 100 km Statut de Rome non signé

a situation des droits humains s’est dans leurs rangs. La présidente a réaffirmé la considérablement améliorée dans le contexte pratique, établie de longue date dans le pays, Ld’un cessez-le-feu et de pourparlers de paix entre consistant à commuer systématiquement les le gouvernement et les ltte. De fréquents condamnations à la peine capitale. témoignages ont continué cependant à faire état d’actes de torture pendant des gardes à vue. Contexte Le fait que les auteurs d’atteintes aux droits Les cessez-le-feu unilatéraux proclamés à la fois par le humains, y compris de « disparitions » et d’actes gouvernement et les Liberation Tigers of Tamil Eelam de torture, n’étaient pas contraints de rendre (LTTE, Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul) à la fin compte de leurs actes restait un motif de de l’année 2001 ont été suivis par un accord officiel préoccupation majeur. Des membres de cessez-le-feu qui a pris effet le 23 février. Des pour- des ltte ont procédé à des prises d’otages et au parlers de paix ont été engagés en septembre en recrutement massif d’enfants devant se battre Thaïlande, avec la médiation du gouvernement 360 SR norvégien. La Sri Lankan Monitoring Mission (SLMM, ✔ T.K. Hiran Rasika et E.A. Kasun Madusanka, âgés Mission de surveillance à Sri Lanka), composée de respectivement de dix et douze ans, ont été torturés au représentants de pays nordiques, a été mise sur pied en poste de police de Hiniduma, au mois de juillet, lors vue de vérifier l’application de l’accord à l’aide d’un interrogatoire concernant un vol. Ils ont été frap- d’actions de surveillance sur le terrain. En novembre, pés sur le dos et les jambes avec un gros bâton ; le plus environ 180 000 personnes déplacées (sur un total jeune des deux garçons a en outre été suspendu en hau- estimé à 800 000) étaient rentrées chez elles. teur par les pieds. Tous les deux ont dû être hospitalisés. Les membres du Conseil constitutionnel créé en sep- tembre 2001 ont été nommés au mois de mars. Après Impunité un retard initial, c’est en novembre qu’ont été dési- Le fait que les auteurs d’atteintes aux droits humains, gnées les commissions indépendantes chargées de dont des « disparitions » et des actes de torture, contrôler la police et les services publics. Les commis- n’étaient pas contraints de rendre compte de leurs sions chargées de superviser les élections et de contrô- actes restait un sujet de préoccupation majeur. ler l’appareil judiciaire n’avaient toujours pas été Poursuites judiciaires nommées à la fin de 2002. Dans certains cas, toutefois, les tribunaux ont déclaré des membres des forces de sécurité coupables Commission nationale des droits humains d’atteintes aux droits fondamentaux. La Commission nationale des droits humains a publié ✔ En janvier, la Cour d’appel a confirmé les peines son troisième rapport annuel, qui couvre la période prononcées contre un directeur d’établissement sco- allant de janvier 2000 à mars 2001. Il a révélé que, en laire et six membres de l’armée reconnus coupables et 2000, la Commission avait reçu 552 plaintes pour condamnés à dix ans d’emprisonnement dans l’affaire actes de torture. Le rapport signalait également la mise de la « disparition » d’un groupe de jeunes survenue à sur pied d’un plan biennal de renforcement des capa- Embilipitiya fin 1989 et début 1990. cités. En juillet, un comité parlementaire a été ✔ En février, la Haute Cour a condamné deux offi- institué ; il a été chargé de procéder à une évaluation ciers de l’armée de l’air à neuf années d’emprisonne- du fonctionnement de la Commission afin d’en amé- ment pour agression, menaces et violation de domicile liorer l’efficacité, d’éviter la répétition de travaux et de avec armes, dans l’affaire de la tentative d’enlèvement proposer des modifications de la législation en vertu d’un journaliste, Iqbal Athas, survenue au mois de de laquelle elle a été créée. février 1998. ✔ En mai a commencé le procès de 41 personnes, Loi relative à la prévention du terrorisme dont neuf agents de police, qui étaient apparemment De nombreux prisonniers politiques tamouls détenus impliquées dans le meurtre, en octobre 2000, de sans inculpation ni procès pendant de longues 27 garçons et jeunes gens tamouls détenus pour périodes en application de la Prevention of Terrorism « rééducation » à Bindunuwewa. Act (PTA, Loi relative à la prévention du terrorisme) Absence de progrès ont été libérés. À la fin de l’année 2002, environ Peu de progrès ont été accomplis dans de nombreux 65 d’entre eux étaient toujours maintenus en déten- autres dossiers concernant des membres des forces de tion. En outre, une vingtaine de personnes purgeaient sécurité soupçonnés d’atteintes graves aux droits des peines de prison aux termes de la PTA. Dans le humains. Ainsi, aucune avancée n’a été constatée dans cadre de l’accord de cessez-le-feu, l’État s’est engagé à l’affaire instruite contre quatre militaires et un policier ne procéder à aucune arrestation en vertu de la PTA. arrêtés pour leur implication présumée dans la « dispa- rition », en 1996, de 15 personnes dont les cadavres Torture avaient été découverts dans des fosses peu profondes Des actes de torture, notamment des viols, commis dans la région de Chemmani (district de Jaffna) au pendant la garde à vue ont, cette année encore, été fré- cours de l’année 1999. quemment signalés. Des femmes et des enfants se Selon d’autres témoignages inquiétants, des membres trouvaient parmi les victimes. À la fin du mois du gouvernement exerçaient des pressions sur les d’octobre, le Comité des Nations unies contre la tor- Services du procureur général afin qu’ils closent ture a présenté à l’Assemblée générale de l’ONU les l’information ouverte au sujet des membres des forces conclusions de la visite qu’il a effectuée à Sri Lanka en de sécurité soupçonnés d’avoir été impliqués par le 2000. Le Comité a déclaré qu’il avait constaté «un passé dans des « disparitions ». Ces investigations ont nombre alarmant de cas de torture et de mauvais traite- été engagées sur les recommandations de quatre com- ments » mais concluait néanmoins que cette pratique missions présidentielles chargées d’enquêter sur des «n’[était] pas systématique ». « disparitions » survenues entre 1987 et 1994. ✔ En mars, une jeune femme, Nandini Herat, a été Bien que certains cas semblent avoir été jugés selon la agressée sexuellement par des policiers au poste de législation prévue en matière de torture et malgré les police de Wariyapola, dans le district de Kurunegala. directives répétées de la Cour suprême demandant de Six mois plus tard, les policiers accusés de l’avoir tortu- procéder à des compléments d’information sur les cas rée auraient essayé de l’intimider, ainsi que sa famille, présumés de torture, aucune condamnation pour actes son avocat et un journaliste qui avait relaté l’affaire. de torture n’a été signalée. 361 SR Peine de mort ont été abattus à l’extérieur du camp de cette unité, En juin, lors d’une réunion avec une délégation lors d’une manifestation contre une attaque qui aurait d’Amnesty International en visite à Sri Lanka, la prési- visé des membres des LTTE. dente s’est engagée à poursuivre la pratique consistant à commuer systématiquement toutes les condamnations Processus de paix et droits humains à la peine capitale qui lui seraient soumises. Ce faisant, En juin, lors d’entretiens avec le Premier ministre, elle a dissipé les craintes d’une reprise des exécutions (Ranil Wickremesinghe) la présidente et S.P. qui étaient apparues après qu’elle eut annoncé, en mars Thamilchelvan (leader politique des LTTE), des délé- 1999, l’abandon de cette pratique de longue date. gués d’Amnesty International ont demandé que les droits humains soient intégrés dans le processus de Atteintes aux droits humains paix. Les délégués ont abordé avec les deux parties la commises par les LTTE question de la vérité, de la justice et de la réconcilia- Selon de nombreux témoignages, recueillis en particu- tion, la surveillance de la situation des droits humains, lier au cours des premiers mois de l’année, les LTTE ont la protection des groupes vulnérables et les normes en procédé à des prises d’otages et au recrutement matière de droits humains à respecter par l’administra- d’enfants. Nombre de civils tamouls et musulmans tion civile intérimaire proposée dans le Nord-Est. ayant été victimes d’enlèvement n’ont été relâchés Au cours de la première phase de leur déploiement, la qu’après paiement par leur famille d’une rançon SLMM et ses six comités locaux de surveillance consul- importante aux LTTE. tatifs ont centré leurs activités sur l’application des ✔ Au mois d’avril, K.V. Sivasithamparapillai, un aspects militaires de l’accord de cessez-le-feu. Ils n’ont homme de quatre-vingt-deux ans, a été fait prisonnier pas enquêté sur les plaintes pour atteinte aux libertés par les LTTE, à Batticaloa, après avoir refusé de leur fondamentales déposées en vertu de l’article 2-1 de verser une importante somme d’argent. l’accord, aux termes duquel les deux parties devaient Plusieurs membres de l’Eelam People’s Revolutionary « s’abstenir de commettre des actes hostiles à l’égard de la Liberation Front (EPDP, Front de libération révolution- population civile, notamment des actes tels que torture, naire du peuple d’Eelam) et de l’Eelam People's menaces, enlèvement, extorsion de fonds et harcèlement ». Democratic Party (EPDP, Parti démocratique du peuple Les comités locaux de surveillance connaissaient mal d’Eelam) ont été illégalement détenus par les LTTE. l’étendue exacte de leurs pouvoirs et la façon de traiter Selon d’autres témoignages, d’anciens membres des les plaintes déposées par la population. Amnesty LTTE qui avaient regagné Sri Lanka et vivaient à International a prié les autorités norvégiennes de Colombo faisaient l’objet de menaces. répondre au besoin urgent de formation, en matière de ✔ Trois membres de l’EPDP, Sellathurai Thangarajah, droits humains, des membres de la SLMM et de ses Nagarajah Nesarajah et Kandasamy Gnanajothi, ont été comités de surveillance. vus pour la dernière fois le 3 décembre à Kallady (dis- Au cours du deuxième cycle de pourparlers de paix, qui trict de Batticaloa) alors que des membres des LTTE les s’est tenu en novembre en Thaïlande, les deux parties emmenaient, sur des motos, vers une destination qui ont annoncé que Ian Martin, ancien secrétaire général était encore inconnue à la fin de l’année. d’Amnesty International, avait été invité à mettre ses Des centaines d’enfants, dont certains n’auraient pas connaissances et son savoir-faire au service de l’intégra- plus de dix ans, ont été enrôlés par les LTTE pour se tion des droits humains dans le processus de paix. battre dans leurs rangs, en particulier dans le district de Batticaloa. Fin 2002, la SLMM a fait savoir que, Visites d’Amnesty International selon ses constatations, 313 cas sur 603 plaintes Au cours d’une visite effectuée à Sri Lanka au mois de concernant ces enrôlements d’enfants constituaient juin, des délégués de l’organisation se sont entretenus une violation de l’accord de cessez-le-feu, de même avec des représentants du gouvernement et des LTTE. que 89 cas sur 306 plaintes relatives à des enlèvements C’était la première fois qu’une délégation d’Amnesty perpétrés par les LTTE. International rencontrait les LTTE à Sri Lanka.◆

Tensions dans l’est du pays Autres documents d’Amnesty International Alors que des exactions commises par les LTTE étaient Sri Lanka: Rape in custody [Sri Lanka. Viol en signalées dans l’est du pays, les tensions se sont accen- détention] (ASA 37/001/02). tuées entres les communautés musulmane et tamoule. En juin elles ont dégénéré à Mutur, près de Trincomalee, en violences qui ont ensuite gagné d’autres régions orientales. Les musulmans avaient appelé à une grève générale pour protester contre des extorsions de fonds dont, semble-t-il, les LTTE s’étaient rendus coupables. Neuf musulmans et deux Tamouls auraient été tués à Valaichenai (district de Batticaloa). Le 9 octobre, huit Tamouls ont été tués à Kanjirankuda par des membres de la Force d’intervention spéciale. Ils 362 SU SUÈDE ROYAUME DE SUÈDE CAPITALE : Stockholm SUPERFICIE : 449 964 km2 océan POPULATION : 8,8 millions Atlantique CHEF de l'ÉTAT : Carl XVI Gustav NORVÈGE CHEF du GOUVERNEMENT : Göran Persson PEINE DE MORT : abolie COUR PÉNALE INTERNATIONALE : FINLANDE SUÈDE golfe Statut de Rome ratifié de Botnie

es procès ont eu lieu à la suite des manifestations qui s’étaient déroulées STOCKHOLM Den marge du sommet de l’Union européenne, en 2001, à Göteborg. La commission chargée ESTONIE d’enquêter sur la mort d’Osmo Vallo a rendu mer Baltique ses conclusions. Des instances internationales Göteborg de surveillance se sont dites préoccupées par certains aspects de la situation des droits LETTONIE humains en Suède. Les propositions de lois « antiterroristes » présentaient un champ 0 200 km LITUANIE d’application très large et manquaient DANEMARK de garanties appropriées en matière de droits fondamentaux. préoccupé par le grand nombre de plaintes qui ont été Surveillance internationale de la situation déposées pour mauvais traitements lors des opérations des droits humains de maintien de l’ordre au sommet de l’UE. Au mois de mars, le Comité des droits de l’homme des Nations unies a fait part de son inquiétude quant à Réfugiés plusieurs cas d’usage excessif de la force par la police Le Comité des droits de l’homme et le Comité contre ayant entraîné des blessures graves et des morts. Le la torture ont tous deux dénoncé des expulsions de Comité a recommandé notamment que des enquêtes demandeurs d’asile soupçonnés de « terrorisme ». indépendantes soient menées sur ces violences, y com- Le Comité des droits de l’homme a donné un délai pris sur les opérations de maintien de l’ordre au cours d’un an aux autorités suédoises pour lui fournir des du sommet de l’Union européenne (UE) à Göteborg ; informations sur la question, notamment sur les il a également invité les autorités suédoises à veiller à mesures prises en matière de suivi des personnes ce que la police bénéficie d’une meilleure formation expulsées. Le Comité contre la torture a relevé, dans dans le domaine des droits humains et a demandé que certains cas, ce qui a pu constituer des expulsions abu- des équipements susceptibles de mettre en danger la sives ; il a également pris note de l’absence de tout vie de personnes ne soient pas utilisés pendant les droit de recours contre des décisions d’expulsion pro- manifestations. Il s’est en outre déclaré préoccupé par noncées en vertu de la législation « antiterroriste ». des informations faisant état de racisme, de xénopho- ✔ Amnesty International demeurait préoccupée par la bie et de militantisme néonazi dans ce pays. situation de deux demandeurs d’asile égyptiens, Au mois de mai, le Comité des Nations unies contre la Muhammad Muhammad Suleiman Ibrahim El Zari et torture a manifesté son inquiétude concernant plu- Ahmed Hussein Mustafa Kamil Agiza, renvoyés de sieurs cas où des personnes sont mortes en détention force dans leur pays en 2001. L’organisation a conti- des suites d’un usage excessif de la force par la police nué de demander aux autorités suédoises de lui fournir ou par le personnel pénitentiaire. Il s’est également dit des informations sur la situation de ces deux hommes. 363 SU En juin, Amnesty International a jugé discriminatoire jouant sur les effets sonores afin de rendre le compor- une décision de 1998 qui autorisait le renvoi, en Iran, tement de Hannes Westberg plus menaçant. d’homosexuels n’affichant pas ouvertement leur orien- tation sexuelle. Osmo Vallo ✔ Au mois de mai, le Comité contre la torture a sta- La Commission Osmo Vallo, mise en place pour étu- tué que le renvoi de Chedli Ben Ahmed Karoui en dier la procédure suivie lors de l’enquête sur la mort Tunisie lui ferait courir de grands risques d’être sou- en garde à vue d’Osmo Vallo, survenue en mai 1995 mis à la torture et était par conséquent contraire à la dans des circonstances controversées, a rendu ses Convention des Nations unies contre la torture. conclusions au mois d’avril. Elle a confirmé de mul- tiples et graves préoccupations soulevées par cette Sommet de l’Union européenne à Göteborg (2001) mort et par l’enquête que les autorités ont menée à la En juin, soit un an après le sommet de Göteborg, les suite des faits et qui a été entachée de sérieuses irrégu- enquêtes menées sur les activités des manifestants larités. Néanmoins, elle n’a pas étudié les autres cas de avaient abouti à la condamnation de 58 personnes ; morts en détention survenues dans des circonstances nombre d’entre elles ont été poursuivies pour avoir douteuses, et n’a donc pas abordé la question plus pris part à des émeutes. Parmi les peines d’emprison- générale de la procédure suivie par les autorités face à nement prononcées, certaines étaient longues et mani- ce type d’événements. Les recommandations de la festement plus sévères que la moyenne pour ce type Commission ne faisaient aucune référence aux d’infractions. La majorité des personnes reconnues méthodes de contrainte ou à la formation dispensée coupables ont été condamnées à des peines allant de dans ce domaine. D’autre part, son rapport n’a pas fait douze mois à deux ans d’emprisonnement. Sur les la lumière sur les différences préoccupantes existant 35 dossiers examinés en appel, les peines ont été entre les conclusions rendues par divers médecins réduites dans 18 cas ; dans 13 affaires, elles ont été légistes. Le fait qu’aucun expert en médecine légale confirmées et dans quatre, elles ont été augmentées. n’ait été désigné comme membre de la Commission Les sanctions ont été diminuées pour quatre personnes renforce le sentiment que les autorités suédoises ont à dont l’affaire avait été portée devant la Cour suprême. nouveau laissé passer une chance d’aborder certaines Plusieurs personnes inculpées à la suite des troubles questions, notamment de déterminer si les irrégulari- qui ont éclaté lors du sommet de l’UE auraient été tés enregistrées dans l’affaire Osmo Vallo étaient de maintenues à l’isolement de manière prolongée pen- nature systémique. Amnesty International a appelé le dant leur détention provisoire ; en outre elles gouvernement de ce pays à mettre en place une ins- n’auraient pas été autorisées à consulter un avocat tance publique chargée de surveiller les actions des dans les meilleurs délais . autorités, dans le respect de l’article 2 de la Les premières (et uniques) poursuites engagées contre Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des policiers à la suite de violations présumées des des libertés fondamentales (Convention européenne droits humains perpétrées pendant le sommet ont des droits de l’homme).◆ abouti à l’acquittement, en décembre, de quatre repré- sentants des forces de l’ordre mis en cause pour fautes Autres documents d’Amnesty International commises dans l’exercice de leurs fonctions. Le minis- Préoccupations d’Amnesty International en Europe, tère public n’a pas formé de recours contre ces acquit- janvier – juin 2002 (EUR 01/007/02). tements. Les fonctionnaires poursuivis étaient chargés Sweden: Osmo Vallo Commission – further action de l’opération de police menée dans le lycée needed [Suède. Commission Osmo Vallo : il faut aller Schillerska, au cours de laquelle des personnes auraient plus loin] (EUR 42/001/02). été arbitrairement arrêtées et maltraitées par des poli- ciers. Cependant, l’opinion publique s’est élevée contre le fait que le responsable de la police n'avait pas été inculpé. Le médiateur parlementaire a décidé de réexaminer le comportement de la police au lycée Hvitfeldska. Un policier soupçonné de fautes dans l’exercice de ses fonctions a été mis en examen. Le Comité de Göteborg, qui enquête sur les troubles survenus en marge du sommet de l’UE, devait présen- ter son rapport au début de l’année 2003. ✔ L’enquête sur les coups de feu tirés par la police sur Hannes Westberg a été rouverte au mois de novembre. Comme d’autres manifestants, Hannes Westberg avait été grièvement blessé par des policiers. Il a lui-même été poursuivi en justice pour avoir jeté des pierres sur des agents de la force publique. Lors de son procès, des témoignages ont indiqué que la police avait truqué une vidéo retenue à titre de preuve, en 364 SU SUISSE CONFÉDÉRATION HELVÉTIQUE

CAPITALE : Berne ALLEMAGNE 2 SUPERFICIE : 41 293 km lac de POPULATION : 7,2 millions Constance Zurich CHEF de l’ÉTAT Bâle LIECHTENSTEIN et du GOUVERNEMENT : AUTRICHE Kaspar Villiger FRANCE BERNE lac SUISSE PEINE DE MORT : abolie Léman COUR PÉNALE Genève INTERNATIONALE : ITALIE Statut de Rome ratifié 0 200 km

ette année encore, des policiers Mauvais traitements lors de l’arrivée ont infligé des mauvais traitements à la frontière et lors d’expulsions Cà des détenus et ont eu recours à une force Selon certaines allégations, des policiers en service excessive, notamment contre des demandeurs dans la zone de transit de l’aéroport de Zurich-Kloten d’asile et d’autres étrangers. Plusieurs auraient maltraité des demandeurs d’asile et auraient enquêtes officielles concernant ces allégations proféré des injures racistes à leur égard. Dans un rap- étaient en cours. Un objecteur de conscience port publié en mars sur la visite qu’il a effectuée en au service militaire obligatoire était 2001 dans plusieurs lieux de détention en Suisse, le prisonnier d’opinion. Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants Contexte (CPT) a indiqué qu’il avait recueilli quelques alléga- En mars, tout en saluant les progrès réalisés par le tions mettant en cause le comportement de policiers pays, le Comité des Nations unies pour l’élimination travaillant à l’aéroport. Il s’agissait d’injures à caractère de la discrimination raciale s’est déclaré « préoccupé au raciste, de menaces et de brutalités, visant générale- plus haut point face à la persistance en Suisse d’attitudes ment à dissuader un étranger de déposer une demande hostiles envers les Noirs, les musulmans et les demandeurs d’asile ou à l’inciter à accepter un rapatriement volon- d’asile ». Aussi a-t-il recommandé aux autorités de taire. Le CPT a indiqué que la manière dont la police poursuivre leurs efforts en vue de prévenir et de com- procédait aux opérations d’éloignement forcé sous es- battre de telles attitudes. corte présentait un risque manifeste de traitement in- Lors d’un référendum national organisé au mois de humain et dégradant. Il a fait savoir qu’il avait deman- novembre, une initiative visant à modifier la législa- dé, en août 2001, la mise en place d’un moratoire à tion en matière d’asile a été rejetée à une très courte l’exécution des mesures d’éloignement d’étrangers majorité. Présentée par l’Union démocratique du mettant en œuvre des moyens de contrainte renforcés, centre, l’un des quatre partis de la coalition gouverne- dans l’attente des conclusions d’un groupe de travail mentale, l’initiative n’a pas reçu le soutien du gouver- sur le sujet. Il a par ailleurs formulé certains principes nement. Elle a été sévèrement critiquée par plusieurs directeurs à l’adresse de ce groupe de travail, notam- organisations œuvrant pour les droits fondamentaux ment l’interdiction de l’utilisation de moyens de des réfugiés, notamment le Haut-Commissariat des contrainte susceptibles d’obstruer les voies respira- Nations unies pour les réfugiés (HCR) et Amnesty toires et l’instauration de lignes directrices visant à ré- International. Le HCR a déclaré que si elle était adop- duire au minimum le risque d’asphyxie posturale. tée, cette initiative pourrait « faire du système d’asile Dans sa réponse au CPT, également publiée en mars, le suisse l’un des plus restrictifs du monde industrialisé », et gouvernement a déclaré avoir rejeté la demande de que le pays aurait alors « plus ou moins complètement moratoire, au motif que les recommandations du CPT fermé ses portes aux personnes fuyant la persécution ». Le étaient déjà appliquées dans une large mesure et que le ton souvent xénophobe et le contenu trompeur de la groupe de travail sur les expulsions préparait des ins- campagne ont également suscité de vives critiques. tructions correspondantes. Ce groupe était chargé, en 365 SU particulier, d’élaborer des directives communes à Il a recommandé à la Suisse de créer de tels méca- tous les cantons sur les moyens de contrainte ainsi nismes dans tous les cantons, de s’efforcer de recruter qu’un programme de formation spécifique à l’inten- dans les rangs de la police des membres des groupes tion du personnel concerné. Au mois d’avril, la minoritaires et de former les agents des forces de Conférence des directrices et directeurs des départe- l’ordre aux questions de discrimination raciale. ments cantonaux de justice et police a approuvé les Le CPT a indiqué que la grande majorité des personnes recommandations détaillées présentées par le groupe rencontrées lors des visites effectuées en 2001 dans des de travail. Les directives en matière d’expulsion in- lieux de détention de quatre cantons avaient déclaré cluaient la plupart des principales recommandations avoir été correctement traitées. Lorsque des allégations formulées à ce sujet par Amnesty International et par de mauvais traitements ont été recueillies, elles concer- des organes du Conseil de l’Europe, dont le CPT. naient principalement un usage disproportionné de la Amnesty International a accueilli favorablement ces force lors de l’interpellation. nouvelles directives, qui représentent une avancée Le CPT a accueilli favorablement le projet d’unification vers une meilleure protection des droits humains lors des 26 codes cantonaux de procédure pénale et des trois des opérations d’éloignement. Cependant, l’organisa- lois fédérales relatives à la procédure pénale. Il a indiqué tion a regretté qu’elles ne comportent pas d’interdic- que l’avant-projet existant répondait effectivement à tion explicite du port d’un masque ou d’une cagoule certaines recommandations importantes qu’il avait for- par les agents chargés d’exécuter les mesures de ren- mulées pour éviter les mauvais traitements pendant la voi, et qu’elles ne mentionnent pas le risque que des garde à vue. Le CPT a cependant demandé à la Suisse de gaz incapacitants ou irritants non autorisés soient prendre en compte ses autres recommandations, rela- utilisés. Amnesty International a fait part de ses tives en particulier à l’instauration du droit de consulter doutes quant à la compatibilité des directives rela- un avocat dès le tout début de la privation de liberté par tives à l’administration de sédatifs avec les normes la police et à l’établissement d’un organe de contrôle in- nationales et internationales en matière d’éthique dépendant des lieux de détention placés sous la respon- médicale. Elle a en outre exhorté la Suisse à mettre sabilité des forces de l’ordre. en œuvre sans délai ces principes directeurs à l’éche- ✔ En mai, après que plusieurs allégations de mauvais lon cantonal et à faire en sorte qu’ils aient force de traitements et de fautes commises par des agents de la loi aussi vite que le permet la procédure législative. police municipale de Zurich eurent été rendues Mise à jour publiques, le conseil municipal s’est engagé à renforcer ✔ En mars, le tribunal cantonal valaisan a rejeté les moyens mis à la disposition de la justice zurichoise l’appel déposé par la famille du demandeur d’asile de manière à accélérer les enquêtes pénales menées sur Samson Chukwu contre une décision de septembre les allégations mettant en cause des policiers. Il a éga- 2001 de ne pas ouvrir d’enquête pénale contre deux lement annoncé la nomination d’un avocat réputé à la policiers qui avaient utilisé des méthodes de tête d’un mécanisme indépendant chargé d’examiner contrainte dangereuses lors d’une tentative d’expul- les plaintes concernant les fautes commises par la sion forcée de ce ressortissant nigérian. Un rapport police et l’emploi excessif de la force par cette der- d’autopsie avait conclu que la mort de Samson nière, ainsi que les plaintes émanant des policiers eux- Chukwu, en mai 2001, pouvait être attribuée à une mêmes. Le conseil municipal a indiqué que la mission asphyxie posturale résultant des méthodes de de cet avocat, qui a débuté en juin, se terminerait fin contrainte employées. La décision du tribunal valai- 2002 et ferait alors l’objet d’une évaluation. san se fondait sur les déclarations de la police indi- ✔ Une Camerounaise arrêtée avec son bébé de cinq quant que les deux agents avaient respecté les semaines en août, à la suite d’un litige concernant un procédures en vigueur et que, n’ayant pas reçu de for- titre de transport, a affirmé que des policiers genevois mation appropriée, ils ne connaissaient pas les dan- l’avaient brutalisée et avaient proféré des injures gers liés à ces méthodes de contrainte. Le Tribunal racistes à son égard. Elle aurait en outre été soumise à fédéral a rejeté, en juillet, les appels interjetés à la une fouille à corps en présence d’agents de sexe mas- suite de la décision du tribunal valaisan. culin. La police a démenti ces allégations. Le procu- reur général de Genève a ouvert une information Mauvais traitements en garde à vue judiciaire après que cette femme eut porté plainte, en Des cas de mauvais traitements et d’utilisation excessi- septembre, et que la police eut établi un rapport ve de la force par des policiers ont été signalés réguliè- l’accusant d’opposition aux actes de l’autorité. rement. Ces agissements s’accompagnaient souvent ✔ Donnant suite à des informations transmises par la d’injures à caractère raciste et intervenaient fréquem- police bernoise, les autorités judiciaires locales ont ment lors de contrôles d’identité. ouvert, en novembre, une enquête pénale contre Exprimant sa préoccupation quant à ces allégations, le quatre agents de la police cantonale soupçonnés Comité pour l’élimination de la discrimination raciale d’avoir employé une force disproportionnée au cours a noté que de nombreux cantons ne possédaient pas d’interrogatoires et de contrôles d’identité. de « mécanismes indépendants leur permettant d’instrui- Mise à jour re les plaintes concernant les violences policières » et que ✔ En octobre, quatre policiers bernois ont été mis en les sanctions contre les responsables étaient «rares ». accusation dans le cadre de l’affaire de la mort de 366 SU Cemal Gömeç. Ce réfugié kurde de Turquie avait suc- chien contre « Visar » constituait une action dispro- combé, en juillet 2001, après avoir subi des mauvais portionnée. Il a conclu que l’agent responsable de traitements. Les quatre agents devront répondre devant cette intervention était coupable d’avoir causé des la justice de tentative de lésions corporelles graves et, lésions corporelles. Le policier a contesté cette déci- pour deux d’entre eux, d’homicide par négligence. sion, mais celle-ci a été confirmée en octobre par le tri- bunal de police de Genève. Mauvais traitements infligés par des policiers à des mineurs Prisonnier d’opinion En mai, le Comité des droits de l’enfant des Nations Marino Keckeis a commencé en janvier à purger une unies a déclaré qu’il était « vivement préoccupé d’ap- peine de cinq mois d’emprisonnement à laquelle il prendre que des enfants étrangers auraient été maltraités avait été condamné pour avoir refusé d’accomplir le par des agents de la force publique et que des cas de sévices service militaire obligatoire. Il avait pourtant déposé [avaient] été signalés ». Il a fait sienne la recommanda- une demande pour effectuer un service civil de rem- tion formulée à cet égard par d’autres organes des placement, mais celle-ci, tout comme les recours suc- Nations unies en vue de la création, dans chaque can- cessifs, a été rejetée au motif qu’il n’aurait pas réussi à ton, d’un mécanisme indépendant chargé de recevoir démontrer devant la commission civile que ses convic- les plaintes déposées contre les membres de la police tions étaient en contradiction avec le fait d’accomplir pour mauvais traitements. Il a en outre recommandé à le service militaire. Il ne remplissait donc pas les la Suisse de créer dans tous les cantons des mécanismes conditions exigées par la législation en vigueur relative adaptés aux enfants et chargés de recevoir ces plaintes, au service civil. Amnesty International a estimé que et de former systématiquement les forces de police aux Marino Keckeis avait refusé d’accomplir le service mi- droits fondamentaux des enfants. litaire en raison de ses convictions morales et reli- Mise à jour gieuses et a demandé sa libération immédiate en tant ✔ En janvier, un magistrat instructeur a clos l’infor- que prisonnier d’opinion. Marino Keckeis a bénéficié, mation judiciaire relative à une plainte déposée contre en avril, d’une libération anticipée pour bonne des policiers genevois par le père d’un réfugié kosovar conduite.◆ âgé de quatorze ans, « Visar ». Cet adolescent avait été détenu en 1999 à la suite de désordres sur la voie Autres documents d’Amnesty International publique. Il a déclaré que, alors qu’il était un simple Préoccupations d’Amnesty International en Europe, spectateur, il avait été mordu à la cuisse par un chien janvier – juin 2002 (EUR 01/007/02). que la police avait lancé contre lui, et que des agents Switzerland: Amnesty International urges the immediate l’avaient brutalisé et injurié. En février, le procureur release of conscientious objector Marino Keckeis [Suisse. général de Genève a déclaré que l’information ouverte Amnesty International demande la libération immé- n’avait pas permis de confirmer les accusations portées diate de l’objecteur de conscience Marino Keckeis] contre les policiers, mais que le fait d’avoir lancé le (EUR 43/002/02). SURINAME RÉPUBLIQUE DU SURINAME CAPITALE : Paramaribo océan Atlantique SUPERFICIE : 163 820 km2 POPULATION : 0,42 million CHEF de l'ÉTAT : GUYANA Runaldo Venetiaan VÉNÉZUÉLA PARAMARIBO CHEF du GOUVERNEMENT : Jules Ajodhia GUYANE PEINE DE MORT : abolie SURINAME en pratique COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome non signé BRÉSIL 0 200 km

367 SU impunité dont bénéficiaient les l’Institut médicolégal des Pays-Bas se sont rendus au responsables des homicides commis sous Suriname en juin dans le cadre de cette affaire ; ils y L’le régime militaire est demeurée un problème sont retournés en décembre pour remplir une mission majeur. La police pourrait avoir utilisé la force de conseil lors de l’exhumation des corps des victimes. de manière excessive à plusieurs reprises. Le massacre de Moiwana de 1986 En août, le Bureau du procureur a ordonné la réouver- Contexte ture de l’enquête sur le meurtre, en août 1990, de Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a l’inspecteur en chef Herman Gooding. Alors qu’il diri- examiné, en octobre, la situation du Suriname au regard geait l’enquête de police sur le massacre perpétré en du respect de ses engagements en vertu du Pacte inter- 1986 à Moiwana, celui-ci aurait été agressé non loin national relatif aux droits civils et politiques. Le pays de Fort Zeelandia par des inconnus qui l’auraient n’ayant pas satisfait à l’obligation de soumettre un rap- contraint à sortir de son véhicule et l’auraient abattu port, cet examen s’est fondé sur une nouvelle procédure d’une balle dans la tête. Son cadavre aurait ensuite été en vertu de laquelle des questions sur les sujets de pré- abandonné devant le bureau de Desi Bouterse. occupation existants ont été posées aux représentants du D’autres enquêteurs de police ont alors quitté le pays Suriname. L’impunité dont bénéficiaient des respon- et l’enquête sur le massacre s’est enlisée. sables de violations des droits humains commises dans Le 29 novembre 1986, une unité militaire spéciale a le passé, les conditions carcérales, les allégations attaqué le village de Moiwana et incendié la maison d’atteintes aux droits fondamentaux à l’heure actuelle et du chef de l’opposition armée, Ronnie Brunswijk. la peine de mort ont notamment été évoquées. Au moins 35 personnes, pour la plupart des femmes et En juin, le Comité des Nations unies sur l’élimination des enfants, auraient été tuées dans cette opération. de la discrimination à l’égard des femmes a examiné le Plusieurs soldats ont été arrêtés dans le cadre de rapport du Suriname pour la période 1993-1998 l’enquête ouverte par la police civile sur le massacre ; concernant son respect des engagements contractés en ils ont cependant été relâchés par la suite, à la vertu de la Convention sur l’élimination de toutes les demande de responsables de la Police militaire qui formes de discrimination à l’égard des femmes. Le disposaient, semble-t-il, de l’appui de Desi Bouterse. Comité a fait part de ses préoccupations sur plusieurs En juin 1997, l’organisation non gouvernementale de sujets, notamment la situation des femmes en milieu défense des droits humains Moiwana’86 a introduit rural – et en particulier celles appartenant à des groupes devant la Commission interaméricaine des droits de minoritaires. En août, la Commission interaméricaine l’homme une requête concernant ce massacre. des droits de l’homme a répondu à une requête présen- La Commission a formulé une série de recommanda- tée par des représentants du peuple saramaka, constitué tions à l’intention du gouvernement surinamais, et a de descendants d’esclaves fugitifs d’origine africaine qui prolongé jusqu’à la fin 2002 le délai accordé pour la s’étaient implantés au sein de la forêt tropicale humide mise en œuvre de celles-ci. Le gouvernement n’ayant du Suriname aux XVIIe et XVIIIe siècles. La pas obtempéré, l’affaire a été transmise, en décembre, Commission a demandé la suspension des concessions à la Cour interaméricaine des droits de l’homme. d’exploitation minière et forestière sur les terres en question jusqu’à ce qu’elle ait fini d’enquêter sur les Recours présumé à une force excessive points fondamentaux soulevés dans cette affaire. Elle a par des policiers également demandé au Suriname de prendre les La police aurait eu recours à une force excessive en mesures appropriées afin de protéger l’intégrité phy- plusieurs circonstances. Les autorités n’ont pas sique des communautés concernées. répondu aux demandes d’information formulées par Amnesty International à ce sujet. Impunité ✔ En mars, un homme gardé à vue au poste de police Les « meurtres de décembre » 1982 de la rue Keizersstraat, à Paramaribo, aurait été abattu Selon les informations reçues, plus de 160 personnes par des policiers alors qu’il essayait de s’évader. Un avaient témoigné, à la mi-2002, dans le cadre de autre détenu a, semble-t-il, été blessé au cours de cette l’enquête menée sur l’affaire des « meurtres de tentative d’évasion et a dû être hospitalisé. décembre » – en 1982, 15 journalistes, universitaires et ✔ En mai, un homme qui, selon certaines allégations, dirigeants syndicaux avaient été exécutés de manière s’était enfui après avoir résisté à son arrestation à la extrajudiciaire à Fort Zeelandia, une base militaire suite d’une tentative de vol présumée dans la rue Del située à Paramaribo. En mai et en septembre, des Pradostraat, à Paramaribo, a été tué par balle. La enquêteurs surinamais se sont rendus aux Pays-Bas police aurait d’abord tiré en l’air en guise d’avertisse- pour y entendre plusieurs témoins des faits. Les avocats ment, puis aurait fait feu sur lui tandis qu’il s’enfuyait. de l’ancien dirigeant militaire Desi Bouterse, au pou- ✔ En avril 2001, Ricardo Benito Vrieze aurait été tué voir à l’époque à la suite d’un coup d’État, ont été auto- par balle par un policier dans un complexe sportif de risés à assister aux auditions de ces personnes. Selon Paramaribo. L’agent aurait fait feu sur lui à deux certaines informations, leur présence aurait conduit reprises, en tentant de l’arrêter parce qu’il était soup- plusieurs des témoins interrogés à modifier leurs décla- çonné de vol et de vandalisme. En juillet 2002, le poli- rations par crainte de représailles. Des experts de cier a été déclaré coupable – d’usage abusif de la force, 368 SW semble-t-il – et condamné à une peine de douze mois Conditions de détention d’emprisonnement. Aucune information précise n’a Selon les informations recueillies, les conditions de déten- été reçue quant à son placement en détention effectif. tion dans les cellules des postes de police et les établisse- Selon certaines informations, le ministère public, qui ments pénitentiaires, gravement surpeuplés, étaient avait requis six ans d’emprisonnement, envisageait de extrêmement dures et s’apparentaient parfois à une peine faire appel. ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant.◆ SWAZILAND ROYAUME DU SWAZILAND AFRIQUE MOZAMBIQUE CAPITALE : Mbabane DU SUD SUPERFICIE : 17 364 km2 POPULATION : 0,95 million CHEF de l’ÉTAT : MBABANE Mswati III CHEF du GOUVERNEMENT : SWAZILAND Sibusiso Barnabas Dlamini PEINE DE MORT : maintenue océan COUR PÉNALE Indien INTERNATIONALE : Statut de Rome non signé 0 100 km

indépendance du système judiciaire et organisé, au mois de décembre, une grève de deux l’autorité des tribunaux ont été, dans un jours en signe de protestation. L’certain nombre d’affaires, gravement mises à Le comité formé par le roi afin de rédiger une nouvelle mal par des responsables gouvernementaux et Constitution avait achevé ses travaux en novembre, des policiers. Les forces de sécurité ont continué mais le chef de l’État n’avait pas encore rendu le nou- d’appliquer les restrictions imposées de longue veau texte public à la fin de l’année 2002. date à la liberté de réunion et d’association. Des journalistes ont été maltraités et harcelés Menaces pesant sur l’état de droit parce qu’ils rendaient compte de rassemblements Le 30 novembre, tous les juges de la Cour d’appel ont considérés par les autorités comme ayant un démissionné en signe de protestation contre le refus caractère politique. Les femmes, victimes de lois du gouvernement, annoncé publiquement, de se et de pratiques discriminatoires, ne pouvaient conformer à deux de leurs arrêts. En dépit du tollé exercer leurs droits économiques et sociaux. général suscité par cette attitude, le gouvernement Des demandeurs d’asile, au nombre desquels n’est pas revenu sur sa position. figuraient des enfants, ont été détenus dans ✔ Le 30 octobre, l’Attorney General (équivalent du des conditions éprouvantes. procureur général, nommé par le roi), le chef d’état- major de l’armée et les directeurs de la police et des Contexte services pénitentiaires ont ordonné au président de la Le pays a connu une grave crise alimentaire ; les Haute Cour et à deux de ses juges de cesser l’examen agences des Nations unies estimaient que de l’affaire d’une jeune femme enlevée secrètement 265 000 personnes environ, soit un peu plus du quart dans une école par deux agents du roi (voir ci-après). de la population, étaient menacées par la famine. Les juges ayant poursuivi leur travail, l’Attorney Le gouvernement a cependant décidé de faire l’acqui- General leur a intimé l’ordre de démissionner. Le pré- sition d’un jet privé à l’usage du roi, pour un mon- sident de la Haute Cour a alors déposé une plainte tant de quelque 44,6 millions d’euros, ce qui contre lui auprès du Director of Public Prosecutions représentait plus du double du budget annuel de la (DPP, équivalent du substitut du procureur général), santé. Des députés et des organisations issues de la mais l’Attorney General a refusé de comparaître pour société civile ont manifesté leur mécontentement face répondre aux accusations dont il faisait l’objet. Le à cette décision ; pour leur part, les syndicats ont 12 novembre, des responsables du gouvernement ont 369 SW ordonné au DPP d’abandonner les poursuites engagées jeune fille au moins, Noliqhwa Ntentesa, a été enlevée contre l’Attorney General ou, à défaut, de donner sa dans son école par des agents du roi sans que sa famille démission. Le DPP a refusé d’obtempérer. Des agents en soit avertie. Des mois plus tard, ses proches du gouvernement ont alors perquisitionné son bureau n’avaient toujours pas le droit de la voir. et l’ont ensuite empêché de récupérer ses dossiers. ✔ En octobre, deux élèves d’un établissement d’ensei- ✔ Le 22 novembre, la Cour d’appel a confirmé la gnement secondaire ont porté plainte auprès de la peine de trente jours d’emprisonnement prononcée police contre un enseignant qui leur aurait infligé contre le directeur de la police et un autre haut res- 48 « coups » sur les fesses. Les châtiments corporels ponsable pour entrave à la bonne marche de la justice. contre les élèves sont une pratique très répandue au La police avait empêché à plusieurs reprises Madeli Swaziland. Quinze membres de la Swaziland Fakudze et d’autres personnes de regagner leur foyer à Association of Students (Association des étudiants de Macetjeni, bien que la Cour d’appel eut ordonné, Swaziland), qui avaient protesté contre les agissements dans un arrêt rendu en juin, qu’on les y autorise. du professeur, ont été arrêtés par la police de Lobamba Madeli Fakudze et d’autres habitants de son village et détenus pendant une courte période. L’une des avaient été expulsés de chez eux en 2000 par les forces élèves au moins a retiré sa plainte, apparemment sous de sécurité. Le directeur de la police et le Premier la pression de sa famille. ministre ont tous deux déclaré qu’ils refusaient de se plier à l’arrêt rendu en novembre par la Cour d’appel. Réfugiés ✔ Au mois de novembre, la Cour d’appel a annulé un Des demandeurs d’asile – parmi lesquels figuraient des décret royal en vertu duquel les personnes placées en enfants – originaires de la République démocratique détention provisoire n’étaient pas autorisées à deman- du Congo (RDC) et de plusieurs autres pays africains der leur remise en liberté sous caution. Le Premier ont été détenus, pour certains pendant six mois, dans ministre a fait savoir que le gouvernement ne se des cellules surpeuplées de la prison de Sidwashini. Ils conformerait pas à cet arrêt. avaient été arrêtés pour avoir protesté contre l’insuffi- sance de nourriture après la fermeture du bureau du Procès politiques Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfu- Le 22 août, Mario Masuku, président du People's giés (HCR) au Swaziland. En novembre, le gouverne- United Democratic Movement (PUDEMO, Mouvement ment a déclaré qu’il avait l’intention d’expulser ces démocratique populaire uni), a été acquitté par la personnes. Haute Cour du chef de sédition. Il a été remis en liberté. Accusé d’avoir tenu certains propos lors de ras- Peine de mort semblements de protestation en 2000, il était incarcéré À la fin de l’année 2002, au moins 12 prisonniers depuis octobre 2001. Les dépositions des témoins à étaient sous le coup d’une sentence capitale. Il n’y a eu charge cités par l’État – essentiellement des policiers – aucune exécution. se sont révélées contradictoires, et aucun élément n’a pu être avancé prouvant que Mario Masuku avait Visites d’Amnesty International prôné la violence. Un représentant d’Amnesty Un délégué de l’organisation s’est rendu dans le pays International a assisté à une partie du procès. au mois d’août.◆

Violations des droits des femmes et des enfants Autres documents d’Amnesty International Des lois et des pratiques discriminatoires continuaient Maintien de l’ordre et protection des droits humains. d’exposer les femmes et les jeunes filles au risque d’être Bilan des pratiques policières dans la Communauté victimes de violences sexuelles et domestiques, ainsi de développement de l’Afrique australe (1997-2002) qu’aux effets de la pandémie du sida. Plus d’un tiers (AFR 03/004/02). des femmes accueillies dans les services de consultation Swaziland. L’acquittement de Mario Masuku prénatale étaient, selon les statistiques gouvernemen- constitue une opportunité de mettre fin tales, porteuses du virus du sida. à la persécution visant l’opposition ✔ En octobre, la mère de Zena Mahlangu, une jeune (AFR 55/002/02). femme enlevée dans son école par deux agents du roi Swaziland. Amnesty International s’inquiète pour devenir la dixième épouse de ce dernier, a engagé vivement des menaces dont sont victimes des juges devant la Haute Cour une action qui remettait en de la Haute Cour qui cherchent à protéger cause la pratique du mariage forcé. Lindiwe Dlamini a les droits des femmes introduit devant la Haute Cour une requête afin que (AFR 55/004/02). les agents du roi lui rendent sa fille. La Haute Cour a Swaziland. Les attaques contre l’indépendance désigné deux avocats chargés d’interroger cette der- des juges et des avocats se poursuivent nière, mais les autorités les ont empêchés à plusieurs (AFR 55/005/02). reprises de s’entretenir avec elle. Le 5 novembre, après Swaziland. Des actions de nature à provoquer le que le roi eut présenté en public la jeune fille comme renversement de la primauté du droit mettent en péril sa nouvelle fiancée, Lindiwe Dlamini a accepté à la protection des droits humains et compromettent le contrecœur l’ajournement de la procédure. Une autre processus de réforme constitutionnelle (AFR 55/006/02). 370 SY SYRIE RÉPUBLIQUE ARABE SYRIENNE TURQUIE CAPITALE : Damas Alep CHYPRE SUPERFICIE : 185 180 km2 POPULATION : 17 millions Homs SYRIE CHEF de l’ÉTAT : Bachar el Assad mer LIBAN Méditerranée CHEF du GOUVERNEMENT : DAMAS IRAK Mustapha Miro ISRAËL Golan ET T.O. PEINE DE MORT : maintenue JORDANIE 0 300 km COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Dans une résolution sur la Syrie adoptée en juin, le Statut de Rome signé Parlement européen a exprimé sa vive inquiétude à pro- pos de l'emprisonnement d'intellectuels et de personna- lités de l'opposition. Il a appelé les autorités à veiller à ce que les détenus ne soient pas soumis à la torture ni aux e très nombreuses personnes ont été mauvais traitements et à ratifier et appliquer la arrêtées pour des motifs politiques ; Convention des Nations unies contre la torture. Dparmi elles figuraient des Syriens rentrés Les groupes d'opposition basés en Syrie ou à l'étranger volontairement d'exil et d'autres soupçonnés ont intensifié leurs activités pacifiques au cours de d'appartenance à des groupes politiques l'année. En avril, 137 anciens prisonniers d'opinion interdits. La répression visant les militants vivant en Syrie ont adressé une note au président el des droits humains et les avocats spécialisés Assad dans laquelle ils demandaient la réintégration de dans la défense des droits fondamentaux s’est tous les anciens prisonniers d'opinion dans l'emploi intensifiée. Plusieurs centaines de prisonniers qu'ils occupaient avant leur incarcération. Ils récla- politiques ont été maintenus en détention maient également la levée des restrictions pesant sur prolongée sans avoir été jugés ou en vertu de leurs activités professionnelles ainsi que sur leur liberté condamnations prononcées à l'issue de procès de mouvement et de voyage. En août, une conférence inéquitables. Bien que malades, certains organisée à Londres par Al Ikhwan al Muslimin (les d’entre eux étaient détenus dans des conditions Frères musulmans) a débouché sur l'adoption d'une éprouvantes. Dix prisonniers d'opinion ont été Charte nationale pour la Syrie énonçant, entre autres condamnés à des peines allant jusqu'à dix ans principes, le respect des droits humains – et notam- d'emprisonnement à l'issue de procès iniques ment des droits des femmes – ainsi que le rejet de qui se sont déroulés devant la Cour suprême toute forme de violence. de sûreté de l'État ou devant le tribunal pénal. Les informations faisant état de torture et de Défenseurs des droits humains mauvais traitements ont été moins nombreuses, La répression visant les militants des droits humains et mais les cas signalés les années précédentes les avocats spécialisés dans la défense des droits fonda- n'ont fait l'objet d'aucune enquête. Au moins mentaux s'est intensifiée au cours de l'année. Les deux deux personnes sont mortes en détention. principaux groupes de défense des droits humains, le Comité de défense des droits humains et la Société des Contexte droits humains en Syrie, ont poursuivi leurs activités En juin, le président Bachar el Assad a promulgué une en dépit de l'absence d'autorisation officielle, des res- amnistie aux termes de laquelle les peines d'emprison- trictions imposées par le gouvernement et de l'incarcé- nement prononcées contre des enfants âgés de sept à ration de leurs membres. dix-huit ans reconnus coupables d'infractions pénales ✔ En avril, l’Ordre des avocats de Damas a prononcé ont été réduites d’un tiers. On ignorait les infractions une sanction disciplinaire arbitraire contre Haytham auxquelles cette mesure s'appliquait ainsi que le al Maleh, avocat et président de la Société des droits nombre de mineurs qui en ont bénéficié. Une autre humains en Syrie. Ce défenseur des droits fondamen- amnistie a été proclamée en octobre en faveur des taux a été suspendu pour trois mois après avoir hommes qui n'avaient pas accompli leur service mili- exprimé sa préoccupation quant à l'équité du procès taire et des soldats déserteurs. de l’un de ses clients, le prisonnier d’opinion Mamun 371 SY al Humsi (voir ci-après). Haytham al Maleh a été Maroc, en octobre 2001. Maher Arar, qui jouit de la convoqué à plusieurs reprises cette année par les forces double nationalité canadienne et syrienne, a été de sécurité et par l'Ordre des avocats, qui l'ont inter- expulsé des États-Unis vers la Syrie, via la Jordanie, en rogé à propos de ses activités au sein de la Société des octobre. Il aurait été placé en détention dans un lieu droits humains en Syrie et de ses déclarations secret et l’on craignait pour sa sécurité. Avant son publiques sur la situation des droits humains dans le expulsion, il avait été détenu et interrogé par les auto- pays. En juin, l'Ordre des avocats l'a suspendu pour rités américaines sur ses liens avec Al Qaida. Un agent trois ans. En septembre, le procureur militaire adjoint consulaire canadien aurait été autorisé à le rencontrer l'a déféré devant le Tribunal militaire, en compagnie en octobre, mais seulement en présence de fonction- de Qasub Ali al Malla et de trois autres hommes. Ils naires syriens ; Maher Arar n'aurait pas été autorisé à étaient accusés, entre autres charges, d’appartenance à répondre à toutes les questions qui lui étaient posées. une organisation illégale « de caractère international », ✔ En février, Nawras Husain al Ramadan, un ancien la Société des droits humains en Syrie, et de la diffu- membre de la confrérie des Frères musulmans, a été sion sans autorisation du journal Teyyarat arrêté à l'aéroport de Damas à son retour des Émirats (Tendances), publié par cette même organisation. arabes unis, où il vivait en exil depuis 1980. Les auto- ✔ En avril, l’avocat Anwar al Bunni a été suspendu rités syriennes lui avaient apparemment donné avant arbitrairement pour trois mois par l'Ordre des avocats son retour des garanties quant à sa sécurité. Il était dans le cadre de l'affaire concernant Mamun al toujours détenu au secret à la fin de l'année. Humsi. En juin, il a été expulsé de la Cour suprême de sûreté de l'État après avoir demandé l’ouverture Libérations d’une enquête sur les allégations de mauvais traite- Au moins une dizaine de prisonniers politiques, dont ments formulées par son client, le prisonnier d’opi- des ressortissants jordaniens, ont été élargis. nion Aref Dalilah. Anwar al Bunni a été brutalisé par ✔ Haytham Naal a été libéré en août après avoir été les forces de sécurité, qui l'ont chassé de la salle d'au- détenu pendant vingt-sept ans en raison de ses liens dience ; en outre, le président de la Cour lui a interdit avec l'Organisation communiste arabe. Il aurait été sine die l'accès à cette juridiction. Anwar al Bunni a torturé et maltraité. Gravement malade, il présentait également été menacé par les forces de sécurité. des lésions résultant d'actes de torture. ✔ La militante des droits humains Razan Zaytunah, ✔ La militante politique turque Ferude Yaman a été qui est membre de la Société des droits humains en libérée en octobre après cinq ans d’emprisonnement. Syrie, a été harcelée par les forces de sécurité. On lui a Cette femme avait été détenue au secret jusqu'en également interdit de se rendre à l'étranger. 2001 ; ses proches avaient alors été autorisés à lui ✔ Les restrictions imposées à la liberté de mouvement rendre visite. Elle était incarcérée notamment pour du défenseur des droits humains Khalil Matuq ont été avoir participé à des activités portant atteinte aux rela- levées dans le courant de l'année. tions de la Syrie avec des pays étrangers. Souffrant d’une maladie cardiaque, Ferude Yaman devait rece- Arrestations voir des soins médicaux urgents. Un grand nombre de personnes ont été arrêtées pour des motifs politiques. Parmi elles figuraient d’anciens Procès de prisonniers d'opinion militants politiques appartenant à la confrérie des Des prisonniers d'opinion ont comparu devant le tri- Frères musulmans qui vivaient en exil et avaient été bunal pénal et la Cour suprême de sûreté de l'État lors autorisés par les pouvoirs publics à rentrer en Syrie, de procès manifestement non conformes aux normes ainsi que des membres présumés d'organisations internationales d'équité. Les accusés qui ont comparu kurdes interdites et des militants islamistes soupçon- devant le tribunal pénal n'ont pas été autorisés à faire nés de liens avec Al Qaida (La Base). La plupart de ces citer des témoins ni à consulter leurs avocats en privé. prisonniers ont été maintenus au secret, apparemment Les procès qui se sont déroulés devant la Cour sans inculpation ni jugement. On craignait qu'ils suprême de sûreté de l'État ont été eux aussi entachés soient torturés ou maltraités. d'irrégularités. Les prisonniers d'opinion et leurs avo- ✔ En mai, Musallam Shaykh Hasan, membre émi- cats ont fait l’objet d’actes de harcèlement et d’intimi- nent du Parti yeketi (Parti de l’union), a été arrêté à dation tout au long de la procédure. Ayn al Arab pour avoir diffusé des documents poli- ✔ À l'issue de plusieurs procès inéquitables concernant tiques en langue kurde. Emmené au Département de des affaires connexes qui se sont déroulés en juin et en la sécurité politique d'Alep, il a ensuite été transféré juillet, 10 prisonniers d'opinion ont été condamnés à dans un centre de détention de Damas. Il a été remis des peines allant jusqu'à dix ans d'emprisonnement par en liberté en août, après trois mois de détention. Cet la Cour suprême de sûreté de l'État ou par le tribunal homme était un prisonnier d'opinion. pénal. Ils étaient accusés de tentative de modification ✔ Au moins 32 militants islamistes ont été détenus au de la Constitution par des moyens illégaux et d’infrac- secret en raison de leurs liens présumés avec Al Qaida. tions similaires. Détenus à la prison d'Adhra, ils Muhammad Haidar al Zammar, qui possède la double auraient été privés de livres et de journaux. Les prison- nationalité allemande et syrienne, aurait été placé dans niers malades n’auraient pas reçu les soins appropriés. un centre de détention après avoir été extradé du Parmi les personnes condamnées figurait Riad al Turk, 372 SY le premier secrétaire d'Al Hizb al Shuyui-al Maktab al ✔ Mustafa Dib Khalil, alias Abu Taan, un militant Siyassi (Parti communiste–bureau politique, PCBP). palestinien d'environ soixante-cinq ans, était toujours Ancien prisonnier d'opinion, cet avocat de soixante- détenu à la prison de Saidnaya. Il souffrait apparem- douze ans s’est vu infliger une peine de trente mois ment de la colonne vertébrale, et présentait également d'emprisonnement par la Cour suprême de sûreté de une hypertension artérielle, une diminution de l'acuité l'État. Souffrant de diabète et de troubles cardiaques, il visuelle et des troubles psychologiques dus à son main- a été gracié par le président en novembre. Riad Seif et tien prolongé au secret. Arrêté en 1983 non loin de Mamun al Humsi, hommes d'affaires et députés indé- Tripoli, dans le nord du Liban, par des membres des pendants au Conseil du peuple (Parlement), ont été services de renseignements militaires syriens, Mustafa condamnés à cinq ans d'emprisonnement par le tribu- Dib Khalil a ensuite été transféré en Syrie. Il aurait été nal pénal. Selon les informations recueillies, deux appréhendé en raison de son appartenance au Fatah et autres condamnés, Hasan Saadun et Habib Saleh, de ses activités en tant que coordinateur des combat- étaient malades et avaient besoin de soins médicaux. tants palestiniens au Liban. Il a été détenu à l'isole- ment durant huit ans, puis maintenu au secret Prisonniers politiques pendant près de quatorze ans. Mustafa Dib Khalil n'a Des centaines de prisonniers politiques, appartenant apparemment pas été inculpé ni jugé. pour la plupart à la confrérie des Frères musulmans, étaient détenus depuis des années sans jugement ou Torture et mauvais traitements purgeaient de lourdes peines prononcées par la Cour Les informations faisant état de torture et de mauvais suprême de sûreté de l'État ou par des tribunaux mili- traitements ont été moins nombreuses en 2002 que les taires d'exception à l'issue de procès inéquitables. années précédentes, mais les allégations de torture for- Au moins 800 prisonniers politiques, appartenant pour mulées dans le passé n'ont fait l'objet d'aucune enquête. la plupart aux Frères musulmans, au Parti Baas arabe ✔ Aref Dalilah, ancien doyen de l'université d'Alep, a démocratique et socialiste et au Hizb al Tahrir (Parti été condamné en juillet à dix ans d'emprisonnement de la libération) étaient maintenus en détention dans la par la Cour suprême de sûreté de l'État. Il a été blessé prison de Saidnaya. Plusieurs centaines d'autres étaient dans la prison d’Adhra, où il a été frappé et brutalisé. incarcérés, généralement au secret, dans d'autres Comme son état de santé se détériorait, il a été trans- centres de détention, notamment ceux de Fara Falastin féré à l’hôpital en avril, mais a été ramené dans sa cel- (Section Palestine) et Fara al Tahqiq al Askari (Section lule sans avoir reçu les soins dont il avait besoin. Le militaire chargée des interrogatoires). 6 juin, lors de son procès devant la Cour suprême de ✔ Khalil al Khayrat, âgé d'environ soixante-cinq ans, a sûreté de l'État, il a dénoncé les mauvais traitements été arrêté en 1992 pour avoir distribué un tract criti- qui lui avaient été infligés et a montré un mouchoir quant la position des pays arabes, notamment de la taché de sang comme preuve. Il souffrait de throm- Syrie, sur la guerre du Golfe. Cet homme, qui aurait été bose veineuse profonde, probablement en raison de la membre du parti Baas pro-irakien, le Parti Baas arabe dureté de ses conditions de détention et de l’impossi- démocratique et socialiste, a été jugé et condamné par bilité de se mouvoir librement. un tribunal militaire d'exception. Il a été détenu jus- qu'en 1997 à la prison de Tadmor, puis transféré à la Morts en détention prison de Saidnaya. Il aurait été torturé et souffrait d'ar- Deux détenus politiques au moins, dont un ressortis- throse. Il avait été emprisonné à trois reprises aupara- sant libanais, sont morts en détention. vant, dont une fois durant une période de quinze ans. ✔ Muhammad Hasan Nassar est mort en détention Sa famille a apparemment reçu une autorisation spéciale après avoir été maintenu au secret pendant une lui permettant de lui rendre visite une fois par an. semaine. Il avait été arrêté le 17 mars alors qu’il ren- De très nombreux prisonniers politiques souffrant de trait volontairement en Syrie après avoir longtemps maladies de longue durée étaient détenus dans des vécu en exil en Jordanie. Cet enseignant marié et père conditions non conformes aux normes internationales. de neuf enfants avait, semble-t-il, fui la Syrie en 1980 ✔ Arrêtés en 1975 en raison de leurs liens présumés à la suite d'affrontements violents entre les Frères avec l'Organisation communiste arabe, Faris Murad et musulmans et les autorités. Il souffrait apparemment Imad Shiha purgeaient tous deux une peine de déten- de troubles physiques et psychologiques graves et tion à perpétuité dans la prison de Saidnaya. Faris devait recevoir des soins constants. Murad souffrait d’une lésion à la colonne vertébrale et d'hypertension artérielle. Il a perdu ses dents à la suite Visites d'Amnesty International d’une maladie et se tient très courbé. Cette posture Un délégué d'Amnesty International s'est rendu en pourrait être due au fait qu’il a été soumis au supplice Syrie en mai pour suivre le procès de prisonniers de la « chaise allemande » (qui provoque l'hyperexten- d'opinion, mais il n'a pas été autorisé à pénétrer dans sion de la colonne vertébrale de la victime tout en la salle d'audience.◆ exerçant une très forte pression sur son cou et ses membres). Imad Shiha avait plusieurs problèmes de Autres documents d'Amnesty International santé, notamment une maladie intestinale chronique Syrie. Répression de la liberté d'expression : l'incarcération et une lésion à la jambe. d'opposants pacifiques (MDE 24/007/02). 373 TA TADJIKISTAN RÉPUBLIQUE DU TADJIKISTAN KAZAKHSTAN CAPITALE : Douchanbé SUPERFICIE : 143 100 km2 OUZBÉKISTAN Khoudjand POPULATION : 6,2 millions CHEF de l’ÉTAT : KIRGHIZISTAN Imamali Rakhmonov CHINE CHEF du GOUVERNEMENT : TADJIKISTAN Akil Akilov PEINE DE MORT : maintenue DOUCHANBÉ COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome ratifié 0 200 km AFGHANISTAN PAKISTAN

e nouvelles condamnations à mort et Depuis le début de l’année 2001, le Comité des droits de nouvelles exécutions ont été signalées. de l’homme des Nations unies demandait au gouver- DLes familles des condamnés à mort n’étaient pas nement tadjik de surseoir à l’exécution de 12 prison- tenues au courant du sort réservé à leurs niers. À la fin de l’année 2002, cinq d’entre eux proches. Le Tadjikistan a renvoyé de force avaient cependant été exécutés. des réfugiés dans des pays où ils risquaient Cette année encore, des personnes qui s’étaient oppo- d’être victimes de graves atteintes à leurs sées au gouvernement pendant la guerre civile de droits les plus fondamentaux. 1992-1997 ont été arrêtées et condamnées à mort à l’issue d’une procédure judiciaire non conforme aux Contexte normes internationales. Selon des informations persis- Des membres du Parti de la renaissance islamique tantes, des personnes retenues au centre de détention (PRI), un mouvement d’opposition, auraient été vic- pour enquête de Douchanbé et soupçonnées d’être times d’actes de harcèlement. Dans la région de impliquées dans des crimes passibles de la peine capi- Soghd, dans le nord du pays, plusieurs imams ont été tale ont été torturées par des agents de la 6e direction démis de leurs fonctions et un certain nombre de mos- du ministère de l’Intérieur. Les victimes auraient quées ont été fermées. Ces mesures ont été prises après notamment été passées à tabac, violées à l’aide de un discours prononcé en juillet par le président matraques ou d’autres objets et soumises à des Imamali Rakhmonov, dans lequel celui-ci mettait en décharges électriques appliquées aux oreilles, sous les garde la population contre « l’extrémisme religieux » ongles ou dans l’anus. dans la région. De nombreux agents de la force Dans tous les cas dont Amnesty International a eu publique des villes situées dans les régions de Soghd et connaissance, les condamnés à mort ont été exécutés de Khatlon ont été dégradés ou démis de leurs fonc- en secret. Les familles n’étaient pas informées au préa- tions, lors de ce qui est apparu comme une purge lable de la date de l’exécution. Elles étaient donc sou- motivée par des considérations politiques. Certains mises à une forme de cruauté mentale qui pouvait ont fait l’objet de poursuites. Les arrestations de per- constituer, de fait, un traitement cruel, inhumain ou sonnes accusées d’appartenir au parti islamiste Hizb- dégradant, prohibé en tant que tel par le droit interna- ut-Tahrir (Parti de la libération) se sont poursuivies. tional. Le gouvernement n’a pas répondu à la proposi- tion d’Amnesty International, renouvelée à plusieurs Peine de mort reprises, de mener conjointement avec l’organisation Au moins 50 condamnations à mort ont été pronon- un séminaire sur la peine de mort au Tadjikistan. cées et au moins 28 personnes ont été exécutées. En ✔ Les frères Dovoud et Cherali Nazriev ont été exécu- revanche, au moins six peines capitales ont été com- tés au mois de juin, malgré la requête formulée en jan- muées. Les autorités tadjikes considéraient toujours la vier par le Comité des droits de l’homme des Nations peine de mort comme une question relevant du secret unies, qui avait demandé qu’un sursis de six mois leur d’État. Elles ne publiaient donc pas de données offi- soit accordé. En mai 2001, les deux hommes avaient cielles complètes sur le nombre de condamnations été reconnus coupables d’avoir tenté, en février 2000, prononcées et le nombre d’exécutions opérées. d’assassiner le maire de Douchanbé au moyen d’une 374 TA voiture piégée. Selon certaines informations, ils de sa famille. Il a été condamné à mort à la fin du n’auraient pas pu s’entretenir régulièrement avec leurs mois de novembre, à l’issue d’un procès manifeste- avocats et leurs « aveux » auraient été extorqués sous la ment inéquitable (voir Ouzbékistan). torture. En juin, lorsqu’elle est allée rendre visite à son Les Afghans réfugiés au Tadjikistan étaient toujours mari à la prison centrale de Douchanbé, l’épouse de confrontés à des manœuvres de harcèlement et ris- Dovoud Nazriev a appris qu’il avait été emmené avec quaient d’être placés en détention par les autorités. Leur son frère cinq jours plus tôt dans le sud du pays, à rapatriement a débuté au mois d’avril. Le 15 septembre, Kourgan-Tioubé, où ont eu lieu la plupart des exécu- les autorités tadjikes ont arrêté et renvoyé de force vers tions dont Amnesty International a eu connaissance. leur pays d’origine neuf Afghans parmi lesquels se trou- Elle a été officiellement informée six semaines après la vait, semble-t-il, un adolescent de dix-sept ans. Le date de l’exécution que son mari et son beau-frère 16 novembre, cinq autres Afghans ont été expulsés de avaient été fusillés le 21 juin. force vers leur pays d’origine, alors que les pouvoirs publics tadjiks avaient assuré en septembre qu’ils s’abs- Réfugiés tiendraient de tout nouveau renvoi. À la fin de l’année, Cette année encore, les autorités tadjikes ont renvoyé quelque 800 Afghans avaient apparemment été rapatriés, de force des personnes dans des pays où elles ris- malgré la persistance de l’insécurité en Afghanistan. quaient d’être victimes de graves atteintes à leurs droits les plus fondamentaux. Visites d’Amnesty International ✔ Iskandar Khoudoberganov a été livré aux autorités Un délégué d’Amnesty International s’est rendu au ouzbèkes en février. Après son rapatriement forcé, il Tadjikistan à la fin du mois de mai et au début du aurait, selon les informations recueillies, été torturé mois de juin.◆ dans les locaux du Service de la sécurité nationale à Tachkent par des agents qui voulaient lui extorquer Autres documents d’Amnesty International des « aveux ». Il aurait été frappé, roué de coups de Tajikistan: Deadly secrets – the death penalty in law and pied, privé de nourriture et de sommeil ; ses tortion- practice [Tadjikistan. Macabres secrets : la peine de naires auraient en outre menacé de violer les femmes mort en droit et dans la pratique] (EUR 60/008/02). TAIWAN RÉPUBLIQUE DE CHINE CHINE mer de Chine CAPITALE : T’ai-pei orientale SUPERFICIE : 36 179 km2

POPULATION : 22,2 millions T'AI-PEI PRÉSIDENT : Chen Shui-bian détroit de Formose CHEF du GOUVERNEMENT : Chang Chun-hsiung, remplacé par TAIWAN Yu Shyi-kun le 25 janvier océan PEINE DE MORT : maintenue Pacifique Kao-hsiung

mer de Chine es exécutions se sont poursuivies et au moins méridionale 100 prisonniers se trouvaient, semble-t-il, 0 200 km Ldans le couloir de la mort. Cependant, des mesures ont été adoptées pour limiter le champ d’application de la peine capitale. Contexte Une proposition de loi fondamentale relative Les livraisons d’armes en provenance des États-Unis aux droits humains et deux projets concernant continuaient de susciter des tensions dans les relations la création d’une commission nationale des entre Taiwan et la Chine. droits humains étaient en cours d’examen En octobre, le président Chen Shui-bian a annoncé devant le Conseil (Yuan) législatif. La Loi relative que Taiwan allait progressivement abolir la peine de à l’égalité des sexes dans le travail est entrée mort et que son premier rapport national sur la situa- en vigueur au mois de mars. tion des droits humains serait publié en mars 2003. 375 TA Peine de mort à mort par la Cour suprême en avril 2000 pour un crime Au moins neuf personnes ont été fusillées. commis en 1995. Il avait été poursuivi en justice sur la Des mesures ont été adoptées en vue de limiter le foi des témoignages de deux complices présumés. Or l’un champ d’application de la peine de mort ; elles étaient d’eux a fourni à la famille de Hsu Tzu-chiang une décla- largement perçues comme une avancée vers l’abolition ration signée dans laquelle il indiquait que celui-ci n’avait de la sentence capitale. La Loi sur le contrôle et la aucunement participé au crime et qu’il l’avait accusé répression du banditisme, qui punissait certains crimes parce qu’il lui en voulait. de mort, a été abolie en janvier. En octobre, le Conseil des ministres a rédigé et soumis au Conseil législatif Réformes législatives une modification interdisant aux tribunaux de Deux projets de statuts d’une commission nationale des condamner à mort ou à la réclusion à perpétuité les droits humains ont été soumis au Conseil législatif. délinquants âgés de moins de dix-huit ans. Le gouver- L’un émanait du gouvernement, l’autre d’une coalition nement et le Conseil législatif ont également débattu d’organisations non gouvernementales. Le corps législa- de l’introduction d’une peine d’emprisonnement à vie tif envisageait l’adoption d’une loi fondamentale relative sans possibilité de libération conditionnelle, qui repré- aux droits humains qui inclurait dans la législation senterait une étape sur la voie de l’abolition définitive nationale les dispositions du Pacte international relatif de la peine de mort. Toutefois, aucune mesure n’a été aux droits civils et politiques et celles du Pacte interna- prise pour instaurer un moratoire sur la peine capitale. tional relatif aux droits économiques, sociaux et cultu- ✔ Hsu Tzu-chiang risquait toujours d’être exécuté à tout rels. Il semble que le Conseil des ministres ait adopté ce moment, la Cour suprême ayant rejeté, le 21 mars, le texte. Le premier livre blanc sur la politique de l’État en recours qu’il avait formé contre sa condamnation à mort. matière de droits humains a été publié en janvier. Reconnu coupable d’enlèvement et de meurtre, il conti- La Loi relative à l’égalité des sexes dans le travail est nuait de clamer son innocence. Le procureur général entrée en vigueur au mois de mars. Elle a instauré une avait déposé plusieurs recours extraordinaires en sa faveur commission de l’égalité, formée de 11 personnes et devant la Cour suprême, après avoir reçu des appels de subordonnée au Conseil gouvernemental des affaires militants qui faisaient valoir que la condamnation de Hsu du travail, des commissions de recours et de révision Tzu-chiang reposait sur des preuves fragiles et que des placées sous l’autorité de chaque gouvernement local, irrégularités avaient eu lieu dans les poursuites judiciaires ainsi que des procédures d’appel dans les sociétés engagées contre lui. Hsu Tzu-chiang avait été condamné employant plus de 30 personnes.◆ TANZANIE RÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE SOMALIE CAPITALE : Dar es Salaam OUGANDA SUPERFICIE : 945 087 km2 lac KENYA Victoria POPULATION : 36,8 millions RWANDA CHEF de l’ÉTAT : Benjamin William Mkapa BURUNDI Mwanza CHEF du GOUVERNEMENT : TANZANIE Frederick Tluway Sumaye Pemba PEINE DE MORT : maintenue Dodoma Zanzibar lac COUR PÉNALE Tanganyika DAR ES SALAAM INTERNATIONALE : océan Statut de Rome ratifié Indien ZAMBIE lac Malawi COMORES 0 500 km MOZAMBIQUE

376 TA a commission mise en place pour enquêter être infligés à un élève. La bastonnade était toujours sur les homicides commis à Zanzibar pratiquée à titre de peine complémentaire pour cer- Llors des manifestations de janvier 2001 taines infractions de droit commun. a reconnu que de graves violations des droits humains avaient été perpétrées Commission d’enquête sur les homicides par les forces de sécurité, notamment des de janvier 2001 homicides, des actes de torture et des viols ; La commission mise en place pour enquêter sur les cependant elle n’a pas recommandé que les homicides commis en janvier 2001 lors des manifesta- responsables soient poursuivis en justice. tions organisées par le CUF a tenu ses premières Au cours de l’année, deux manifestations audiences publiques au mois de janvier 2002. Ses ont été dispersées par la police, qui a ouvert nombreuses séances, qui ont eu lieu notamment à le feu sur la foule ; des agents ont également Zanzibar et à Pemba, ont permis à des centaines de battu et arrêté des manifestants. Au moins cinq personnes de témoigner. personnes ont été inculpées de sédition pour En novembre, la commission d’enquête a publié ses avoir exprimé leurs opinions. Les conditions conclusions et recommandations. Le rapport indiquait carcérales étaient pénibles ; 17 personnes que les violations commises par les forces de sécurité sont mortes en détention au cours d’un même auraient pu être évitées si ces dernières avaient été épisode. Cent condamnations à la peine de mort mieux formées et mieux équipées pour maintenir ont été commuées. Toutefois, les tribunaux ont l’ordre face à une foule. Le rapport reconnaissait en continué de prononcer des sentences capitales. outre que 31 personnes avaient été tuées et 294 bles- sées par les forces de sécurité ; que des coups de feu Contexte avaient été tirés sur des gens lors des manifestations et L’accord conclu en octobre 2001 entre le Chama Cha qu’il y avait eu des passages à tabac ; que des per- Mapinduzi (CCM, Parti de la révolution, au pouvoir) sonnes avaient été battues et violées à leur domicile, et le Civic United Front (CUF, Front civique unifié, ou frappées en détention. Le rapport ne formulait opposition) a eu pour conséquence d’apaiser considé- aucune recommandation concernant d’éventuelles rablement les tensions politiques à Zanzibar. Début poursuites contre les agents des forces de sécurité res- 2002, tous les détenus incarcérés à la suite des mani- ponsables de ces actes. En revanche, il critiquait la festations de janvier 2001 avaient été relâchés, et les véhémence des propos tenus par la classe politique et mesures restreignant les activités de l’opposition les médias, et recommandait de tenir compte à l’avenir avaient été levées. Les membres du CUF, qui étaient de l’opinion de la société civile pour régler les diffé- régulièrement interpellés et passés à tabac, ont cessé rends politiques. Enfin, le rapport demandait au CCM d’être pris pour cibles ; en février, toutefois, cinq per- et au CUF de présenter des excuses pour les dommages sonnes ont été arrêtées à Zanzibar et poursuivies pour causés, et au gouvernement d’attribuer des réparations un attentat à l’explosif contre des locaux officiels ; à la aux personnes grièvement blessées. fin de l’année, elles attendaient de passer en jugement. Plusieurs milliers de personnes qui avaient fui en Loi relative à l’antiterrorisme Tanzanie continentale ou au Kenya sont retournées En novembre, le Parlement a adopté une Loi relative à chez elles en toute sécurité. Le CCM et le CUF ont l’antiterrorisme qui, tout en conférant aux policiers poursuivi leurs discussions sur les réformes démocra- des pouvoirs étendus en matière de perquisition et de tiques à mettre en œuvre. En avril, la Constitution de placement en détention, ne proposait aucune défini- l’île semi-autonome de Zanzibar a fait l’objet d’une tion claire du « terrorisme ». Cette nouvelle loi a été révision permettant de créer une commission électo- présentée comme une réaction nécessaire à l’attentat à rale indépendante. l’explosif perpétré par Al Qaida (La Base) en 1998 Il y avait toujours en Tanzanie plus de 300 000 réfu- contre l’ambassade des États-Unis à Dar es Salaam, et giés burundais ; si certains sont retournés dans leur au cours duquel 11 Tanzaniens avaient été tués. pays, de nouveaux réfugiés sont arrivés. La plupart des 22 000 réfugiés rwandais se trouvant encore en Liberté de la presse Tanzanie étaient retournés chez eux à la fin de 2002, Le Tanzania Union of Journalists (Syndicat tanzanien sous la pression des autorités tanzaniennes. des journalistes), indépendant du pouvoir, a vu le jour Au mois de décembre, le Parlement a adopté une loi en janvier. À Zanzibar, pour la première fois depuis la visant à réglementer les activités des organisations non révolution de 1964, un journal privé a été enregistré gouvernementales (ONG). Le gouvernement de officiellement au mois de novembre. Les journalistes Zanzibar a persisté à ne pas vouloir reconnaître offi- tanzaniens étaient de temps à autre convoqués par la ciellement la Zanzibar Association for Human Rights police et interrogés sur des articles critiques à l’égard (Association de Zanzibar pour la défense des droits des autorités, mais ils étaient en général rapidement humains). relâchés sans inculpation. En juillet, toutefois, un Le gouvernement tanzanien autorisait toujours les châ- rédacteur en chef a été inculpé de sédition à Dar es timents corporels à l’école, mais il a réduit de six à Salaam. Libéré sous caution, il attendait fin 2002 de quatre le nombre maximum de coups de bâton pouvant passer en jugement. 377 TA Liberté d’association et d’expression population, maladies infectieuses, durée trop longue La police a dispersé deux manifestations ; plusieurs de la détention provisoire et placement d’enfants avec personnes ont été poursuivies pour sédition alors des adultes. C’est notamment pour ces motifs que le qu’elles n’avaient fait qu’exprimer leurs opinions de président a décidé, en décembre, d’accorder une façon non violente. amnistie à 3 000 prisonniers. ✔ En janvier, la police antiémeutes a dispersé une manifestation interdite organisée à Dar es Salaam par le Peine de mort Tanzanian Labour Party (TLP, Parti travailliste tanza- Au mois d’avril, le président Mkapa a commué nien), un parti d’opposition. Des manifestants ont été 100 sentences capitales en peines de réclusion à perpé- passés à tabac ; 18 personnes, dont des responsables de tuité. Nombre des prisonniers avaient passé plusieurs ce parti et un journaliste, ont été arrêtées et poursuivies années dans le quartier des condamnés à mort. Les pour rassemblement illégal. Elles ont été libérées sous autorités n’ont pas révélé le nombre des personnes caution au bout de quelques jours et les charges rete- encore sous le coup d’une condamnation à mort. nues contre elles ont par la suite été abandonnées. Aucune exécution n’a eu lieu en 2002. ✔ En février, la police antiémeutes a tiré à balles Les tribunaux ont de nouveau prononcé plusieurs réelles et utilisé du gaz lacrymogène pour disperser une condamnations à la peine capitale. Le gouvernement de manifestation interdite organisée par un groupe Russie a demandé que les deux ressortissants russes musulman à la mosquée de Mwembechai, à Dar es condamnés à mort voient leur peine commuée. Le tribu- Salaam. De nombreux manifestants ont été roués de nal de Zanzibar les avait déclarés coupables du meurtre, coups et 53 personnes ont été arrêtées. La plupart ont en 2000, d’un de leurs compatriotes. Les sentences ont été relâchées au bout de quelques semaines, mais huit été confirmées en appel, puis commuées par la suite. d’entre elles ont été poursuivies pour le meurtre d’un Malgré les nombreuses campagnes contre la peine de policier lors de la manifestation. Ces huit personnes, mort menées par des ONG et des groupes religieux tan- parmi lesquelles figuraient Sheikh Ponda Issa et zaniens, le ministre de la Justice a déclaré, en juillet, Sheikh Mussa Kundecha, ont bénéficié d’un non-lieu que le gouvernement n’avait pas l’intention d’abolir la et ont été libérées en août. peine capitale, affirmant que la grande majorité de ✔ En avril, le dirigeant du TLP, Augustine Mrema, l’opinion publique était favorable à son maintien. ainsi que deux membres du Lawyers’ Environmental Action Team (LEAT, Groupe de juristes pour la défense Visites d’Amnesty International de l’environnement), Rugemeleza Nshala et Tundu En mai, des représentants de l’organisation ont témoi- Lissa, ont été inculpés de sédition après avoir demandé gné à Zanzibar devant la commission qui enquêtait sur l’ouverture d’une enquête indépendante sur les morts les homicides de janvier 2001. Ils ont également ren- qui seraient survenues en 1996 sur le site de la mine contré des hauts fonctionnaires de Zanzibar pour évo- d’or de Bulyanhulu. Augustine Mrema et Rugemeleza quer avec eux la situation des droits humains.◆ Nshala ont été libérés sous caution. Tundu Lissa, qui se trouvait à l’étranger, est revenu en Tanzanie un peu Autres documents d’Amnesty International plus tard ; il a été détenu pendant une brève période, Tanzania: Human rights concerns relating en décembre, puis libéré sous caution. Le procès to demonstrations in Zanzibar on 27 January 2001 n’avait pas encore commencé fin 2002. [Tanzanie. Préoccupations relatives aux atteintes ✔ En août, le révérend Christopher Mtikila, dirigeant aux droits humains commises à Zanzibar lors des d’un parti d’opposition, a été acquitté (en raison d’un manifestations du 27 janvier 2001] (AFR 56/001/02). vice de procédure) du chef de sédition dont il devait répondre pour une lettre et une cassette audio de 1999, dans lesquelles des propos désobligeants étaient tenus à l’égard de feu le président Julius Nyerere. Il a été de nouveau arrêté et inculpé, puis libéré sous caution.

Commission des droits humains La Commission des droits humains et de la bonne gouvernance a commencé ses travaux en mars. Présidée par un juge de la Cour d’appel, elle a reçu pour mission de promouvoir les droits humains par l’instruction civique et d’enquêter sur les atteintes à ces droits. La Commission a visité plusieurs prisons et enquêté sur la mort, en novembre 2002, de 17 déte- nus au poste de police de Rujewa. En l’espace de quelques jours, le policier responsable et quatre agents étaient révoqués et inculpés de meurtre. Le mois pré- cédent, le gouvernement avait reconnu que les prisons tanzaniennes connaissaient de graves problèmes : sur- 378 TC TCHAD RÉPUBLIQUE DU TCHAD CAPITALE : N’Djamena LIBYE ÉGYPTE SUPERFICIE : 1 284 000 km2 POPULATION : 8,4 millions CHEF de l’ÉTAT : Idriss Déby NIGER Faya-Largeau CHEF du GOUVERNEMENT : Nagoum Yamassoum, remplacé par Haroun Kabadi le 10 juin TCHAD lac SOUDAN PEINE DE MORT : maintenue Tchad COUR PÉNALE INTERNATIONALE : N'DJAMENA Statut de Rome signé NIGÉRIA

CAMEROUN Moundou RÉPUBLIQUE 0 500 km CENTRAFRICAINE

lusieurs personnes interpellées et détenues Des élections législatives ont eu lieu en avril. Elles ont pendant de courtes périodes ont été été boycottées par l’Union pour la démocratie et la Pconsidérées comme des prisonniers d’opinion ; République (UDR) et par le Parti pour les libertés et le des défenseurs des droits humains figuraient développement (PLD), deux formations d’opposition parmi elles. Plus de 100 personnes, dont des qui ont estimé que les autorités ne fournissaient pas enfants, ont été arrêtées arbitrairement au suffisamment de garanties pour que le scrutin se mois de mars. Un très grand nombre de déroule de façon libre et honnête. La participation a détenus ont été maltraités alors qu’ils étaient été faible, et le Mouvement patriotique du salut (MPS), aux mains des forces de sécurité, et plusieurs le parti du président Idriss Déby, a remporté la majo- cas de torture, dont des viols, ont été signalés. rité des sièges à l’Assemblée nationale. Aucune mesure concrète n’a été prise pour Le jour des élections, l’un des candidats, Gueti traduire en justice les auteurs de tels actes. Les Mahamat, dirigeant du Parti démocratique africain enquêtes judiciaires sur les violations des droits (PDA) et membre de la coalition des Forces vives, humains commises sous la présidence d’Hissène opposée au président Déby, a été tué dans l’explosion Habré, entre 1982 et 1990, se sont poursuivies. de sa voiture, qui a sauté sur une mine à Faya-Largeau Des voix se sont élevées pour dénoncer les (nord du pays). Au moins trois personnes soupçonnées conséquences néfastes de la construction d’un d’être impliquées dans cette affaire ont été arrêtées ; oléoduc sur les droits de la population locale et on ignorait si elles avaient été inculpées d’une quel- sur l’environnement. Les atteintes à la liberté conque infraction. d’expression se sont accrues. Les relations entre le Tchad et la République centrafri- caine voisine étaient toujours aussi tendues, les deux Contexte pays s’accusant mutuellement d’héberger ou de soute- En janvier, un accord de paix a été signé en Libye nir des opposants armés. À plusieurs reprises, des entre le gouvernement tchadien et le Mouvement affrontements ont éclaté le long ou à proximité de leur pour la démocratie et la justice au Tchad (MDJT), un frontière commune. groupe d’opposition armé. Les combattants du MDJT ont bénéficié d’une mesure d’amnistie générale Prisonniers d’opinion approuvée par l’Assemblée nationale en février. Le Plusieurs personnes ont été arrêtées et détenues pen- MDJT, actif dans le nord du pays, semblait toutefois dant de courtes périodes ; il s’agissait de prisonniers être divisé quant au cessez-le-feu, et de nouveaux d’opinion. Les défenseurs des droits humains œuvrant affrontements ont éclaté de manière sporadique. à l’extérieur de la capitale, N’Djamena, étaient 379 TC particulièrement exposés au risque d’être arrêtés de nationale et par des habitants de la région de Doba, façon arbitraire. qui affirmaient que « le projet d’oléoduc constituait une ✔ En mars, trois personnes qui avaient protesté contre menace pour les communautés locales, leur patrimoine la politique d’embauche d’une société française parti- culturel et leur environnement, et que les populations de cipant à la construction d’un oléoduc ont été arrêtées à la région pétrolière […] subissaient des préjudices […] du Bam et transférées à la gendarmerie de Bessao, où elles fait de l’absence d’évaluation environnementale – ou de ont été placées en détention. Elles ont été relâchées l’inadéquation de celle-ci – ainsi que d’indemnisation ». sans inculpation ni jugement au bout de trois jours. Le panel d’inspection a conclu que le projet était en ✔ En octobre, deux membres de la Ligue tchadienne conformité avec plusieurs aspects de la politique de la des droits de l’homme (LTDH) ont été arrêtés à Maro, Banque en matière environnementale et sociale. Des dans la préfecture du Moyen-Chari (sud du pays), et défenseurs des droits humains et des représentants de la transférés à Sido, non loin de la frontière avec la communauté locale ont toutefois continué de faire part République centrafricaine. Accusés d’appartenir à un de leurs préoccupations concernant les conséquences groupe d’opposition armé, ils ont toutefois été libérés du projet de construction de l’oléoduc dans le sud du sans inculpation ni jugement. pays, évoquant notamment les effets négatifs en matière de santé, d’accès à l’éducation et de répartition Arrestations arbitraires des emplois. En mars, plus de 100 personnes ont été arrêtées arbi- trairement à N’Djamena lors d’une opération menée Violations commises sous la présidence conjointement par la police et la gendarmerie. Un d’Hissène Habré grand nombre de ceux qui ont été interpellés ont été Les enquêtes judiciaires sur les violations présumées des battus, puis transférés, au mépris de toutes les procé- droits humains commises par l’ancien président dures légales, vers des postes de gendarmerie situés à Hissène Habré et ses collaborateurs se sont poursuivies. des distances comprises entre 70 et 150 kilomètres de Elles ont été ouvertes par des tribunaux tchadiens et leur domicile. Ils étaient détenus dans des conditions belges après qu’un certain nombre de victimes, soute- très éprouvantes. Des groupes tchadiens de défense des nues par des groupes tchadiens et étrangers de défense droits humains et d’autres organisations ont protesté des droits humains, eurent porté plainte pour « crimes contre ces arrestations ; en l’espace de trois semaines, de torture, meurtre et disparition forcée ». En octobre, le tous ceux qui avaient été appréhendés avaient été ministre tchadien de la Justice a confirmé qu’Hissène remis en liberté ou étaient parvenus à s’évader. Une Habré ne bénéficierait pas de l’immunité d’État. personne est morte lors de l’opération des forces de Plusieurs des personnes ayant porté plainte ont par la sécurité, dans des circonstances qui n’avaient pas été suite été la cible de menaces et d’actes de harcèlement éclaircies à la fin de l’année. au Tchad, qui étaient apparemment imputables aux forces de sécurité. Torture et mauvais traitements De nouveaux cas de torture et de mauvais traitements Liberté d’expression imputables aux forces de sécurité, notamment des À l’approche des élections législatives, les atteintes à la viols, ont été signalés. Selon toute apparence, les liberté d’expression se sont multipliées. En mars, le auteurs agissaient impunément. Haut Conseil de la communication a annoncé que les ✔ En novembre, un gendarme aurait violé une femme stations de radio privées ne seraient pas autorisées à et agressé sexuellement une autre détenue dans la gen- diffuser des émissions ou des débats politiques pen- darmerie de Bébédjia (préfecture du Logone- dant la campagne électorale. La même interdiction Oriental). Les deux femmes ont été relâchées par la avait été imposée avant la campagne pour l’élection suite ; elle ont déposé une plainte auprès du comman- présidentielle de 2001. dant de la gendarmerie. ✔ En mai, de nouveaux éléments ont été mis au jour Réfugiés concernant des personnes torturées à Abéché en 2001. En mai, près de 100 réfugiés – dont des enfants – ori- L’une d’elles, Ibrahim Adoum, est morte en juillet ginaires de divers pays ont été expulsés de la cathédrale 2001 peu de temps après son arrestation, des suites des de N’Djamena par les forces de sécurité. Selon des tortures qui lui ont été infligées pendant sa garde à informations non confirmées, certains d’entre eux vue. Les forces de sécurité ont fait échec aux actions auraient ensuite été enrôlés de force dans l’armée. entreprises par les victimes, leurs familles et certains membres de l’appareil judiciaire en vue de traduire en Visites d’Amnesty International justice les responsables de ces agissements. Des délégués de l’organisation se sont rendus au Tchad en mai pour mener des recherches et rencontrer Oléoduc des représentants de l’appareil judiciaire.◆ Au mois de septembre, le panel d’inspection créé par le conseil d’administration de la Banque mondiale a publié le résultat de ses investigations menées à la suite des allégations formulées par un député de l’Assemblée 380 THF THAÏLANDE ROYAUME DE THAÏLANDE MYANMAR CAPITALE : Bangkok LAOS SUPERFICIE : 513 115 km2 POPULATION : 64,3 millions CHEF de l’ÉTAT : THAïLANDE Bhumibol Adulyadej BANGKOK CHEF du GOUVERNEMENT : Thaksin Shinawatra mer CAMBODGE d'Andaman PEINE DE MORT : maintenue VIÊT golfe -NAM COUR PÉNALE du INTERNATIONALE : Siam Statut de Rome signé

inq personnes ont été exécutées à la mitrailleuse pendant l’année 2002. Dix-sept MALAISIE Cautres au moins ont été condamnées à la peine capitale, ce qui portait à plus de 600 le nombre INDONÉSIE 0 500 km total de personnes sous le coup d’une condamnation à mort à la fin de l’année. Plus de 130 000 réfugiés originaires du Myanmar (qui militaires birmanes situées près de la frontière thaïlan- appartenaient, dans leur grande majorité, aux daise. Le gouvernement du Myanmar a réagi en fer- ethnies karen et karenni) vivaient dans des mant sa frontière avec la Thaïlande. Celle-ci n’a été camps situés près de la frontière. Les réfugiés rouverte qu’en octobre. Des accrochages ont eu lieu en chan n’étaient en revanche pas autorisés à vivre mars, avril et mai entre l’armée thaïlandaise et l’Armée dans ces camps. En février, la police a annoncé unie de l’État wa, un autre groupe d’opposition armé avoir découvert les corps d’une vingtaine de basé au Myanmar. Ce dernier, qui avait conclu un travailleurs immigrés karen. Une enquête a été accord de cessez-le-feu avec le gouvernement du ouverte sur ces meurtres, mais ses conclusions Myanmar, était fortement soupçonné d’introduire illé- n’étaient pas connues à la fin de l’année. De galement des méthamphétamines en Thaïlande. Les nombreux territoires (notamment les provinces affrontements entre les forces régulières du Myanmar de Lamphun, d’Ubon Ratchathani, de Chiang Rai, et les groupes d’opposition armés ont débordé au-delà de Chiang Mai et de Songkla) ont continué d’être de la frontière pendant l’année, entraînant le déplace- le théâtre de conflits concernant la propriété de ment provisoire de civils thaïlandais. certaines terres. Les droits des populations tribales des montagnes qui ne jouissaient pas de Peine de mort la pleine citoyenneté thaïlandaise étaient Cinq personnes ont été exécutées à la prison de haute toujours extrêmement limités en matière de sécurité de Bangkwang, où avaient lieu toutes les exé- propriété foncière, de santé et d’éducation. cutions. Trois avaient été condamnées pour meurtre, deux pour trafic de stupéfiants. Une nouvelle loi pré- Contexte voyant que les condamnés seraient désormais exécutés Le gouvernement s’est lancé, en mars, dans une cam- par injection d’une substance mortelle (et non plus pagne de répression contre les médias, y compris fusillés à la mitrailleuse) a été promulguée au mois de contre la presse étrangère. Le même mois, l’Office de novembre. Ce nouveau texte interdisait également lutte contre le blanchiment d’argent a ouvert une série l’exécution de toute personne de moins de dix-huit d’enquêtes sur les activités financières de plusieurs ans. Environ 70 p. cent des quelque 600 condamnés à journalistes thaïlandais critiques à l’égard du gouver- mort avaient apparemment été reconnus coupables nement. Cette initiative était considérée, de l’avis d’infractions à la législation sur les stupéfiants. général, comme une manœuvre politique. Au mois de mai, la Shan State Army-South (SSA-South, Torture et mauvais traitements Armée de l’État chan-sud), un groupe d’opposition Trois réfugiées karenni, dont une adolescente de armé opérant au Myanmar, a attaqué plusieurs bases quinze ans, ont été violées par des soldats au mois de 381 TH mars. Elles ont été agressées alors qu’elles récoltaient manifestants à Hat Yai, dans la province méridionale des légumes aux abords du camp de réfugiés karenni de Songkla. Les manifestants s’étaient rassemblés pour n° 2, près de Mae Hong Son. Trois soldats ont été remettre au Premier ministre une pétition contre la arrêtés. Ils étaient toujours en détention à la fin de construction d’un gazoduc reliant la Malaisie à la l’année, mais on ignorait s’ils avaient été jugés et Thaïlande. Les affrontements ont fait des blessés de condamnés. part et d’autre. La police a été accusée d’avoir chargé à Les prisons étaient toujours surpeuplées et la pratique coups de matraque la foule qui manifestait pourtant consistant à entraver les condamnés à mort n’avait sans violence. La Commission nationale des droits toujours pas été abandonnée, malgré les mesures prises humains a ouvert une enquête. par l’administration pour réformer le système péniten- tiaire, notamment en formant les surveillants aux Défenseurs des droits humains droits humains. Selon certaines informations, près de Les défenseurs des droits humains, en particulier les 260 000 prisonniers se trouvaient dans des établisse- militants luttant pour la reconnaissance des droits fon- ments prévus initialement pour en accueillir environ ciers, faisaient l’objet d’une surveillance et ont subi des 100 000. Dans les prisons et les postes de police, les manœuvres de harcèlement et d’intimidation. cellules étaient parfois si encombrées que les détenus ✔ Une femme appartenant à l’ethnie akha, l’un des ne pouvaient pas tous s’allonger par terre pour dormir groupes tribaux vivant dans les montagnes de en même temps. Au mois d’avril, 15 jeunes qui Thaïlande, a été interpellée en juillet par la police, qui s’étaient évadés du centre de détention pour mineurs a agi sans mandat d’arrêt, à l’aéroport de Chiang Mai. de Baan Ubekkha, dans la province de Samut Prakan, Personnalité influente au sein de sa communauté, elle ont affirmé y avoir été maltraités. a été conduite à son domicile, qui a été saccagé par les policiers. Elle a ensuite fait l’objet pendant plusieurs Prisonnier d’opinion mois, ainsi que ses proches, de menaces et de divers Sok Yoeun, un cambodgien réfugié en Thaïlande, a actes de harcèlement. été arrêté en 1999 pour « immigration clandestine ». ✔ Au mois de juin, des individus non identifiés ont Prisonnier d’opinion, il était toujours en détention ouvert le feu sur un agriculteur, également chef de vil- malgré son mauvais état de santé et risquait d’être lage, dans le district de Chai Prakan (province de extradé vers le Cambodge. Un tribunal a estimé au Chiang Mai). Atteint à la poitrine, il a néanmoins mois de novembre qu’il devait être extradé. Ses avocats survécu. L’enquête ouverte par la police n’avait pas ont immédiatement fait appel de cette décision. abouti à la fin de l’année 2002 et la victime se cachait. ✔ L’un des leaders des manifestations hostiles au bar- Minorités ethniques et population rurale rage de Pak Mun continuait de se heurter au refus des Vingt-six agriculteurs et personnes luttant pour la autorités de lui délivrer un passeport. Il a également reconnaissance de leurs droits à la terre ont été arrêtés reçu de nouvelles menaces anonymes. aux mois d’avril et de mai dans la province de Lamphun. Certains ont été inculpés d’une bonne Travailleurs immigrés, réfugiés quarantaine d’infractions, notamment de violation de et demandeurs d’asile propriété privée. Tous avaient été libérés sous caution La police a annoncé en février avoir découvert dans la à la fin de l’année 2002 et un nombre indéterminé province occidentale de Tak les corps de plus de d’entre eux étaient en instance de procès. Ces 26 per- 20 travailleurs immigrés karen venant du Myanmar. sonnes avaient été arrêtées arbitrairement. Sept Les victimes avaient été égorgées ; elles avaient les yeux d’entre elles sont restées en détention pendant six bandés et les mains attachées dans le dos. À la fin de semaines sans possibilité d’être libérées sous caution, l’année, personne n’avait été traduit en justice pour ces dans des conditions de surpopulation aiguë. Les auto- meurtres. rités ont affirmé que les agriculteurs exploitaient des Au mois de mars, les cadavres de 13 travailleurs immi- terres qui ne leur appartenaient pas, alors que des élé- grés originaires du Myanmar ont été découverts dans ments convaincants tendaient à prouver que les titres la province de Prachin Buri. L’enquête préliminaire a de propriété avaient été émis grâce à une corruption indiqué que les cadavres avaient été abandonnés là, généralisée et qu’une partie des terres contestées après que les victimes eurent péri étouffées dans un avaient au départ été accordées aux agriculteurs par camion, cachées sous une cargaison de légumes. On les pouvoirs publics. ignorait à la fin de l’année si cette affaire avait donné En septembre, plusieurs villageois âgés qui protestaient lieu à des inculpations. contre le projet de barrage de Pak Mun ont été bruta- Deux groupes distincts de travailleurs immigrés et de lement expulsés de la mairie d’Ubon Ratchathani par dissidents originaires du Myanmar ont été arrêtés en des paramilitaires en état d’ébriété. En décembre, les août, puis de nouveau en décembre, à Sangklaburi, sites des manifestations à Bangkok et à Pak Mun, dans dans la province de Kanchanaburi, frontalière avec le la province d’Ubon Ratchathani, ont été saccagés par Myanmar. À chaque fois, toutes les personnes ont été des inconnus. Le gouvernement a été accusé de n’avoir relâchées au bout de quelques jours. pas protégé les protestataires. Toujours en décembre, Les réfugiés continuaient d’arriver du Myanmar en des affrontements ont eu lieu entre la police et des nombre important. Ils s’installaient dans les camps 382 TI situés le long de la frontière, où les autorités thaïlan- Visites d’Amnesty International daises refusaient toutefois de les enregistrer. Les Des délégués d’Amnesty International se sont rendus demandeurs d’asile chan, qui continuaient eux aussi en Thaïlande en février, mars et novembre.◆ d’affluer en Thaïlande, n’avaient toujours pas accès aux camps de réfugiés. Autres documents d’Amnesty International Au mois de décembre, le nouveau responsable du Thailand: Widespread abuses in the administration of Conseil national de sécurité a annoncé que la justice [Thaïlande. Une justice en proie à de nombreux Thaïlande allait commencer à renvoyer chez eux, de abus] (ASA 39/003/02). force, les demandeurs d’asile qui étaient originaires des Thaïlande. Dix ans après les événements de mai 1992, pays limitrophes. toujours pas de justice pour les victimes (ASA 39/004/02). TIMOR-LESTE RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU TIMOR-LESTE CAPITALE : Dili TIMOR-LESTE SUPERFICIE : 14 874 km2

POPULATION : 0,78 million DILI CHEF de l’ÉTAT :

Xanana Gusmão Suai Timor CHEF de GOUVERNEMENT : occidental mer de Timor Mari Alkatiri (INDONÉSIE) 0 100 km PEINE DE MORT : abolie COUR PÉNALE INTERNATIONALE : l’opposition armée Xanana Gusmão. Le territoire a le pays a adhéré au Statut de Rome accédé à l’indépendance le 20 mai sous le nom de Timor-Leste. Le mandat de l’Administration transi- a question des droits humains a suscité un toire des Nations unies au Timor oriental (ATNUTO) a important débat lors de l’élaboration de la pris fin le 19 mai et l’ATNUTO a été remplacée par la LConstitution, qui a finalement été adoptée avant Mission d'appui des Nations unies au Timor oriental la proclamation de l’indépendance, au mois de (MANUTO), chargée d’apporter son aide aux grandes mai. Le gouvernement de ce jeune pays a hérité structures administratives de l’État, d’assurer provisoi- d’un cadre institutionnel et juridique incomplet, rement l’application des lois, d’aider à la formation de ne permettant pas d’assurer une protection la police du Timor-Leste et de contribuer à la sécurité totale des droits humains. La faiblesse du intérieure et extérieure. pouvoir judiciaire compromettait les droits des victimes et des suspects, y compris s’agissant de Constitution et obligations contractées mineurs, et la police a eu recours à une force en vertu des traités excessive dans des situations de menaces à Les droits humains étaient garantis, de façon générale, l’ordre public. Les retards et les incohérences de dans la Constitution adoptée au mois de mars. la justice étaient la cause de problèmes de Le Timor-Leste a adhéré en septembre au Statut de sécurité dans les prisons. Un certain nombre Rome de la Cour pénale internationale (CPI). Cédant d’instances judiciaires non officielles comme d’autres pays aux pressions des États-Unis, il a continuaient de fonctionner, d’une façon qui cependant signé un accord bilatéral, aux termes n’était pas toujours conforme aux normes duquel il s’engageait à ne pas remettre ni transférer de internationales d’équité. Les femmes et divers ressortissants des États-Unis à la CPI. autres groupes vulnérables risquaient tout particulièrement d’être victimes de Législation discriminations dans le cadre de ce système. Des progrès ont été accomplis dans la mise en place d’un cadre législatif susceptible de protéger les droits Contexte humains. Toutefois, dans la pratique, les garanties en la L’élection présidentielle du mois d’avril a été rempor- matière étaient fréquemment ignorées. Des lois et des tée par le dirigeant indépendantiste et ancien chef de procédures non conformes aux normes internationales 383 TI relatives aux droits humains continuaient d’être appli- informelles résoudre, notamment, certaines affaires de quées. Les projets de réforme de certaines dispositions viol ou de violence domestique, parfois contre la de la réglementation mise en place par l’ATNUTO en volonté des victimes. matière de procédure pénale ne s’étaient pas concréti- sés à la fin de l’année 2002. Certains textes législatifs Conditions de vie en prison qui dataient de l’occupation indonésienne n’étaient Les retards dans le fonctionnement de la justice ont pas conformes aux normes internationales, notam- entraîné des protestations à l’intérieur des prisons, ment le Code pénal, n’avaient toujours pas été revus. ainsi que des évasions. ✔ Au mois d’août, 179 prisonniers se sont évadés de Justice pénale la prison de Becora, à Dili. Un détenu a été blessé par La mise en place d’un système judiciaire n’a guère pro- balle par la police. Deux surveillants de la prison ont gressé et, dans certains secteurs, la situation s’est de également été blessés. toute évidence détériorée. L’un des quatre tribunaux ✔ Les émeutes qui ont éclaté au mois de juin dans la de première instance n’a pas fonctionné pendant la prison de Becora ont fait au moins 22 blessés parmi les majeure partie de l’année et les audiences devant les détenus et 13 parmi la police. L’unité spéciale de la trois autres n’ont eu lieu que de façon irrégulière. La police du Timor-Leste aurait fait usage d’une force Cour d’appel n’avait pas siégé depuis octobre 2001. excessive. On ignorait si une enquête avait été ouverte Les affaires en souffrance se sont accumulées, compro- dans cette affaire. mettant, dans bien des cas, le droit de toute personne Les conditions de détention des mineurs n’étaient pas de bénéficier d’un procès dans les meilleurs délais ou, conformes aux normes minima établies par les à défaut, d’être libérée, ainsi que le droit de tout Nations unies. Entre autres, les mineurs n’étaient pas condamné de faire examiner sa condamnation et sa totalement séparés des adultes. peine en appel. Au mois d’octobre, les personnes pla- cées en détention provisoire constituaient près de Maintien de l’ordre 80 p. cent de la population carcérale. Environ La MANUTO restait chargée de veiller globalement au 30 p. cent d’entre elles étaient incarcérées depuis au maintien de l’ordre et à l’amélioration des services de moins six mois et quelques-unes depuis plus d’un an. police du Timor-Leste. Les inquiétudes exprimées Vingt-sept pour cent d’entre elles étaient détenues illé- quant au faible niveau de formation de leurs membres galement, après expiration du délai prévu par l’ordon- et à leur manque d’expérience pratique en matière nance de détention dont elles avaient fait l’objet. Une d’application des normes relatives aux droits humains quarantaine d’affaires étaient en attente devant la (notamment en ce qui concerne l’usage excessif de la Cour d’appel à la fin de l’année 2002. force et des armes à feu) ont été confirmées par la Une loi mettant en place un service d’assistance juri- manière dont la police a réagi dans les situations de dique a été adoptée, mais elle n’est pas entrée en appli- trouble à l’ordre public. Le 4 décembre, à Dili, deux cation. Les avocats de l’aide juridictionnelle personnes ont été abattues et plusieurs dizaines disposaient de moyens extrêmement limités et ils ne d’autres ont été blessées à la suite, semble-t-il, de parvenaient pas à faire face à la charge de travail. La l’intervention des forces de police. Au mois de majorité des détenus se retrouvaient ainsi sans réelle novembre déjà, un manifestant avait été abattu par la assistance juridique. police à Baucau. Des enquêtes administratives ont été Les garanties prévues par la législation ou la procédure ordonnées, mais aucune autre information n’a filtré. et destinées à assurer le respect des droits des enfants Amnesty International a demandé qu’une enquête au sein du système de justice pénale étaient fréquem- indépendante ait lieu et que ses conclusions soient ment ignorées. Des enfants se retrouvaient ainsi pen- rendues publiques. dant des mois en détention provisoire, souvent pour Aucun mécanisme de surveillance des activités de la des délits mineurs commis sans violence. police du Timor-Leste ou de recours contre elle n’a ✔ Un adolescent de seize ans a passé plus d’un an en été mis en place. Il n’existait pas non plus de règle- détention, sans aucun suivi judiciaire, avant d’être tra- ment disciplinaire propre à cette force. Les plaintes duit devant un tribunal pour sa responsabilité présu- n’ont pas toutes été traitées de façon satisfaisante par mée dans un accident de la route qui avait fait un les policiers de la force de maintien de la paix des mort. Il a finalement été condamné en novembre à un Nations unies. En outre, cette dernière n’a pas donné an et vingt-sept jours d’emprisonnement – durée de sa les suites appropriées à un certain nombre d’alléga- détention provisoire. tions mettant en cause ses propres agents, notam- Un certain nombre de mécanismes extrajudiciaires ou ment pour agression. informels, fondés sur le droit traditionnel et la cou- tume, continuaient d’occuper une place considérable Enquêtes relatives à des atteintes perpétrées dans la vie sociale du pays. En l’absence de toute forme les années précédentes d’évaluation ou de contrôle de ces pratiques, on pou- Les initiatives visant à mettre en examen et à inculper les vait craindre pour les droits des victimes et des suspects. personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes contre Les représentants de la force publique et des services l’humanité et d’autres crimes graves en 1999, au moment judiciaires avaient tendance à laisser ces structures de la consultation populaire sur l’indépendance, ont pris 384 TO une certaine ampleur. Treize inculpations avaient été l’Indonésie de transférer les suspects et de lui donner prononcées fin 2002. Les procès n’avançaient cepen- accès à certains témoins ou à certains éléments de dant qu’à pas comptés, en raison du manque de juges preuve (voir Indonésie). prêts à travailler au sein des commissions spéciales Une Commission d’accueil, de recherche de la vérité d'enquête sur les crimes graves : neuf affaires ont été et de réconciliation a été créée. Elle a recueilli ses pre- jugées en 2002. Les personnes soupçonnées dans ce mières dépositions publiques au mois de juin. type d’affaire étaient souvent maintenues en détention de manière prolongée, sans être jugées. Le Groupe Visites d’Amnesty International d'enquête sur les crimes graves mis en place par les Des délégués d’Amnesty International se sont rendus Nations unies se heurtait en outre au refus de au Timor-Leste en septembre et octobre.◆ TOGO RÉPUBLIQUE TOGOLAISE BURKINA FASO CAPITALE : Lomé SUPERFICIE : 56 785 km2 POPULATION : 4,8 millions CHEF de l’ÉTAT : Étienne Gnassingbé Eyadéma CHEF du GOUVERNEMENT : Agbéyomé Messan Kodjo, remplacé BÉNIN par Koffi Sama le 27 juin PEINE DE MORT : abolie TOGO en pratique GHANA COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome non signé

lusieurs personnes ont été arrêtées pour des motifs politiques. Certaines étaient des LOMÉ Pprisonniers d’opinion. Des cas de torture et de 0 100 km mauvais traitements imputables aux membres des forces de sécurité ont été signalés. Bien que les atteintes aux droits fondamentaux n’aient pas pouvoir exécutif constituait une violation de cessé, la Commission des droits de l’homme des l’accord-cadre de Lomé. Nations unies a décidé de mettre un terme à Ce dernier, signé en 1999, était l’aboutissement des l’examen de la situation des droits humains au efforts mis en œuvre par des médiateurs internatio- Togo dans le cadre de sa procédure naux, notamment des membres de l’Union euro- confidentielle. Une nouvelle loi limitant la liberté péenne (UE) et de l’Organisation internationale de la de la presse a été votée. Une personne a été francophonie, pour mettre fin à la crise politique togo- condamnée à mort. La très grande majorité des laise. Il prévoyait la tenue de nouvelles élections légis- cas de violations des droits humains n’ont fait latives ainsi que la mise en place d’une commission l’objet d’aucune enquête de la part des autorités. électorale indépendante chargée de veiller au bon déroulement du scrutin. À la suite de multiples désac- Contexte cords entre l’opposition et le parti au pouvoir quant à Au mois d’octobre, le parti au pouvoir dirigé par le la composition de cette commission, la Cour constitu- président Eyadéma, le Rassemblement du peuple tionnelle a mis en place un nouveau comité composé togolais (RPT), a remporté une majorité écrasante de sept juges chargés d’organiser les élections. L’UE a lors d’élections législatives qui avaient été reportées à exprimé son inquiétude devant le « manque de crédibi- plusieurs reprises. Le scrutin a été boycotté par les lité des conditions de ce scrutin ». principaux partis de l’opposition, qui considéraient À la fin de l’année, le Parlement a approuvé une modi- que la modification du code électoral opérée par le fication de la Constitution prévoyant la suppression de 385 TO la disposition selon laquelle le président de la en détention et inculpé de « complicité de groupement République n’était rééligible qu’une fois. Arrivé au de malfaiteurs ». pouvoir à la faveur d’un coup d’État en 1967, le prési- dent Eyadéma pouvait ainsi être à nouveau candidat à Torture et mauvais traitements sa propre succession. Selon certaines informations, des membres des forces de sécurité ont fait usage d’une force excessive contre Détention d’opposants politiques des protestataires à Lomé. Un grand nombre de per- Au moins quatre étudiants appartenant à l’Union sonnes qui manifestaient de manière pacifique ont été nationale des étudiants togolais (UNET) ont été arrêtés brutalisées et frappées de manière arbitraire. en février et détenus durant quelques jours avant Cette année encore, des détenus ont été torturés et d’être libérés sans inculpation ni jugement. Au maltraités. Les autorités n’ont pas ordonné l’ouverture moment des élections d’octobre, des partisans de d’une quelconque enquête sur ces agissements, favori- l’opposition qui distribuaient des tracts appelant au sés par le placement en détention au secret peu de boycott du scrutin ont été arrêtés et détenus sans temps après l’arrestation et par la durée prolongée de inculpation pendant plusieurs jours. cette détention. Cette année encore, des personnes ont été incarcérées à ✔ En avril, deux personnes, dont un enseignant, l’issue de procès inéquitables pour avoir seulement auraient été frappées par des membres des forces de exercé de manière pacifique leur droit à la liberté sécurité à Dapaong, uniquement, semble-t-il, parce d’expression. Des journalistes et des dirigeants poli- qu’elles se trouvaient à ce moment-là dans un bar. tiques figuraient notamment parmi les personnes visées. Conditions carcérales ✔ En septembre, Julien Ayi, directeur de la publication Les conditions dans les prisons et les centres de déten- de l’hebdomadaire Nouvel Écho, et Claude Améganvi, tion étaient toujours très éprouvantes et des cas de secrétaire général chargé de la coordination du Parti des mauvais traitements de prisonniers ont été signalés. travailleurs (PT) et coordonnateur du mouvement Aucune mesure n’a été prise pour améliorer les condi- Quelle solution pour le Togo ?, ont été condamnés à tions de détention dans la prison civile de Lomé, où la quatre mois d’emprisonnement et à une amende pour surpopulation était extrême. Les services médicaux « atteinte à l’honneur » du président Eyadéma. En dans les prisons et les centres de détention étaient très décembre, la Cour d’appel a alourdi la peine, la portant précaires. Insuffisamment nourris, les prisonniers à six mois d’emprisonnement. Le rédacteur en chef du étaient en outre frappés et détenus dans des cellules Nouvel Echo, Klu Névamé, qui vivait dans la clandesti- dépourvues d’électricité, où ils ne pouvaient s’allonger nité, a lui aussi été condamné à six mois de détention. en raison de l’exiguïté des lieux et du grand nombre de Tous trois étaient accusés d’avoir affirmé que le prési- personnes qui s’y trouvaient. Certains détenus se sont dent Eyadéma faisait partie des hommes les plus riches plaints d’avoir été privés de sommeil et contraints de du monde. Claude Améganvi a été arrêté à la suite rester assis dans la même position durant de longues d’une rencontre avec le ministre de l’Intérieur au cours périodes. de laquelle il avait demandé la libération des ensei- gnants Djoura Tiguéna et Takana Badjessa, deux pri- Restrictions de la liberté d’expression sonniers d’opinion condamnés pour avoir distribué des Le projet de loi relatif aux médias adopté par tracts du mouvement Quelle solution pour le Togo ? l’Assemblée nationale en septembre restreignait la appelant les Togolais à rendre hommage à la mémoire liberté de la presse. Visant officiellement à «encoura- de Tavio Amorin, victime d’une exécution extrajudi- ger le professionnalisme », la nouvelle loi prévoyait de ciaire en 1992. punir de lourdes peines d’emprisonnement les per- ✔ À la fin de l’année, sept des neuf réfugiés qui sonnes responsables de diffamation des institutions de avaient été remis aux autorités togolaises après leur l’État, des tribunaux, des forces armées et de l’admi- arrestation au Ghana en décembre 1997 étaient tou- nistration publique. jours détenus sans inculpation ni jugement à la prison Les restrictions du droit à la liberté d’expression se de Kara. Les deux autres sont morts en détention sont poursuivies. Des journaux indépendants, des per- avant 2002, des suites de mauvais traitements, de sonnes ayant émis des critiques envers le gouverne- l’absence de soins médicaux, du manque de nourriture ment et des opposants politiques ont été la cible des et de conditions sanitaires déplorables. autorités. À plusieurs reprises, des journaux qui avaient critiqué le président ou le gouvernement ont Libération d’un prisonnier d’opinion été saisis par les forces de sécurité. Certains journalistes En mars, Yawovi Agboyibo, président du Comité se sont vu intenter des procès. d’action pour le renouveau (CAR), a été libéré sur déci- sion du chef de l’État. Au mois d’août 2001, il avait Communauté internationale été condamné à six mois d’emprisonnement pour dif- Bien que les violations graves des droits fondamentaux famation après avoir affirmé qu’une personne proche n’aient pas cessé, la Commission des droits de du parti au pouvoir avait soutenu des milices respon- l’homme des Nations unies a décidé, au mois d’avril, sables de violations des droits humains entre 1996 et de mettre un terme à l’examen de la situation des 1998. Après avoir purgé sa peine, il avait été maintenu droits humains au Togo dans le cadre de la procédure 386 TR confidentielle mise en place par le Conseil écono- intimidations continues et les arrestations dont seraient mique et social. victimes les journalistes, notamment au cours des années En octobre, le Comité des droits de l’homme, l’organe 2001 et 2002, et […] le fait que plusieurs publications d’experts chargé de veiller au respect du Pacte interna- et radios indépendantes auraient été censurées depuis le tional relatif aux droits civils et politiques, a fait part début de l’année ». d’un grand nombre de motifs de préoccupation concernant le pays. Le Comité a rappelé que la Peine de mort Commission d’enquête internationale sur le Togo En septembre, Komlan Agbéviadé a été condamné à mise en place conjointement par les Nations unies et mort pour meurtre. Il s’agissait de la première sen- l’Organisation de l’unité africaine (OUA) avait conclu à tence capitale prononcée depuis 1978. La dernière « l'existence d'une situation de violations systématiques exécution remonte à cette même année 1978.◆ des droits de l'homme au Togo au cours de l'année 1998 ». Le Togo avait rejeté le rapport de la Autres documents d’Amnesty International Commission et créé sa propre commission nationale Togo. Les droits humains doivent être au cœur du débat d’enquête, qui n’a pas identifié les personnes respon- politique (AFR 57/001/02). sables de ces violations. Togo. Les conclusions du rapport de la Commission Le Comité s’est également déclaré préoccupé par «le d’enquête internationale ne doivent pas être remises caractère insuffisamment précis des crimes pour lesquels en cause (AFR 57/006/02). la peine capitale peut être encourue » et par les plaintes Togo. Nouvelles attaques contre la liberté de la presse concernant le recours excessif à la force par les forces (AFR 57/007/02). de sécurité lors de manifestations et de rassemble- Togo. Amnesty International demande la libération de ments. Il a aussi exprimé son inquiétude quant aux Claude Améganvi et de deux autres prisonniers d’opinion allégations de torture commises lors des arrestations et (AFR 57/008/02). dans les lieux de détention, et quant aux conditions de Togo. Amnesty International exige la libération détention. Il a également déploré le « harcèlement, les immédiate de Claude Améganvi (AFR 57/010/02). TRINITÉ-ET-TOBAGO RÉPUBLIQUE DE TRINITÉ-ET-TOBAGO CAPITALE : Port of Spain mer Tobago SUPERFICIE: 5 130 km2 des Antilles Scarborough POPULATION: 1,3 million TRINITÉ-ET-TOBAGO CHEF de l’ÉTAT: PORT OF SPAIN Arthur Napoleon Robinson golfe CHEF du GOUVERNEMENT : de Paria océan Patrick Manning Atlantique VÉNÉZUÉLA Trinité PEINE DE MORT: maintenue 0 100 km COUR PÉNALE INTERNATIONALE: Statut de Rome ratifié Contexte La situation politique s’est débloquée lors des élections e nouvelles condamnations à mort d’octobre, qui ont vu le People’s National Movement ont été prononcées, mais aucune (PNM, Mouvement national du peuple) remporter une Dexécution n’a eu lieu. Amnesty International nette majorité au Parlement. La criminalité a aug- a continué de recevoir des informations menté de manière sensible et au moins 170 personnes faisant état de torture et de brutalités ont été assassinées. policières ; les mauvais traitements contre des détenus restaient très Peine de mort préoccupants. Les conditions de Au moins 80 hommes et quatre femmes se trouvaient détention s’apparentaient à un traitement sous le coup d’une sentence capitale à la fin de 2002. cruel, inhumain ou dégradant. Aucune exécution n’a eu lieu et aucun ordre d’exécution 387 TR n’a été donné. Les tribunaux ont continué à prononcer jusqu’à ce qu’il perde connaissance, et qu’on l’avait des condamnations à la peine capitale ; au moins une ensuite conduit à l’hôpital de Port of Spain ; il avait la femme et six hommes ont été condamnés à la pendai- jambe cassée et présentait des coupures, des contu- son. Les personnes accusées de crimes obligatoirement sions et des lacérations. punis par la peine de mort continuaient à comparaître ✔ Au mois d’août, trois gardiens de prison ont été sans être assistées par un avocat. inculpés du meurtre du détenu Anton Cooper, com- ✔ Au mois de mars, Peter Cadette a comparu sans mis en 2001. À la fin de l’année, les trois hommes avocat devant une magistrate’s court (qui, lors d’une étaient toujours en détention provisoire. audience préliminaire, décide du renvoi ou non d’une affaire devant la Haute Cour), alors qu’il était inculpé Châtiments corporels du meurtre de sa femme et de son enfant, infraction En juillet, l’appel interjeté par Rangee Dolsingh contre punie de la peine de mort. sa condamnation à une peine de 30 coups de badine a été rejeté. On ignorait si la peine avait été exécutée. Brutalités policières De nouveaux cas de torture et de mauvais traitements Détention prolongée sans jugement infligés par la police ont été signalés. Au moins une De nombreuses personnes étaient maintenues en personne a obtenu des réparations après avoir porté détention provisoire depuis de longues périodes. plainte pour violence policière. ✔ En novembre, Fouran Derrick La Fond, qui souffre ✔ En mai, David Sooklal, un collégien de quinze ans, de troubles mentaux, a comparu sous l’accusation a affirmé avoir été roué de coups par des policiers et d’homicide volontaire. Il avait été placé en détention avoir été pris par la suite de vomissements de sang. provisoire plus de dix ans auparavant. La date du pro- Selon lui, les agents tentaient d’obtenir des informa- cès n’avait pas été fixée à la fin de 2002. tions sur son frère et l’ont placé en garde à vue, puis relâché peu après sans inculpation. Visites d’Amnesty International ✔ Au mois de juillet, Kenton Sylvester s’est vu accorder En avril, une délégation d’Amnesty International a 220 000 dollars de Trinité-et-Tobago (environ rencontré le Premier ministre afin d’évoquer les préoc- 36 000 euros) de dommages et intérêts. En 1992, il avait cupations de l’organisation concernant le maintien de été passé à tabac par la police qui l’avait pris pour un la peine de mort.◆ membre d’un groupe armé. Il avait été atteint au foie et avait eu les deux bras fracturés et huit côtes cassées. Autres documents d’Amnesty International ✔ Au mois de novembre, Edmund Ancil, Bruce State killing in the English speaking Caribbean: a legacy Henry et Ashford Ramdhan ont accusé des policiers of colonial times [Les exécutions judiciaires dans de les avoir maltraités afin de leur faire « avouer » un les Caraïbes anglophones : un héritage de l’époque meurtre qui faisait la une de l’actualité. Devant un tri- coloniale] (AMR 05/003/02). bunal, les trois hommes ont exposé en détail leurs allé- Trinidad and Tobago: Recent developments in the gations et montré au juge des brûlures de cigarettes investigation of the killing of Anton Cooper and the que les policiers leur auraient infligées, ainsi que alleged beating of Damian Ramiah [Trinité-et-Tobago. d’autres marques qui résulteraient de coups. Le magis- Faits nouveaux dans l’enquête sur la mort d’Anton trat a ordonné que les hommes reçoivent des soins Cooper et le passage à tabac présumé de Damian médicaux. Une quatrième accusée, Irene Ragbir, a Ramiah] (AMR 49/002/02). affirmé qu’on ne l’avait pas autorisée à consulter un avocat lors de son interrogatoire de police.

Mauvais traitements en détention Les conditions de détention sont restées très préoccu- pantes et s’apparentaient à un traitement cruel, inhu- main ou dégradant. De nombreux prisonniers ne bénéficiaient pas des conditions d’hygiène élémen- taires. Certains étaient contraints de déféquer dans du papier journal qu’ils devaient ensuite jeter dans un seau vidé à des intervalles peu fréquents. Des informa- tions ont fait état de violences entre détenus et de bru- talités infligées par des gardiens de prison. ✔ Le condamné à mort Damian Ramiah a indiqué que, le 30 juillet, on l’avait fait sortir de sa cellule pour l’emmener dans le bureau d’un responsable de la pri- son. Là, celui-ci et cinq autres fonctionnaires de l’administration pénitentiaire l’ont frappé à coup de matraque et de câble électrique entouré de ruban adhésif. Damian Ramiah a affirmé qu’il avait été battu 388 TU TUNISIE RÉPUBLIQUE TUNISIENNE mer Méditerranée Sicile CAPITALE : Tunis (ITALIE) 2 SUPERFICIE : 164 150 km TUNIS POPULATION : 9,7 millions CHEF de l’ÉTAT : MALTE Zine el Abidine Ben Ali ALGÉRIE CHEF du GOUVERNEMENT : Sfax Mohamed Ghannouchi golfe de Gabès PEINE DE MORT : maintenue TUNISIE COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome non signé

es centaines de prisonniers politiques, dont la plupart étaient Dconsidérés comme des prisonniers LIBYE d'opinion, demeuraient en détention. Nombre d’entre eux, condamnés à l'issue 0 200 km de procès inéquitables, étaient incarcérés depuis plus de dix ans. Plusieurs détenus politiques, parmi lesquels figuraient des À la suite de cette affaire, Hedi M'Henni a remplacé prisonniers d'opinion, ont été remis en liberté Abdallah Kaabi au poste de ministre de l'Intérieur et conditionnelle avant la fin de leur peine. Les Mohamed Hedi Ben Hassine a été nommé à la tête de prisonniers politiques élargis au cours de l'année la Sureté nationale. En septembre, le ministère des et les années précédentes étaient toujours l'objet Droits de l'homme a été supprimé et la protection des de mesures administratives, parfois arbitraires, droits humains a été confiée au ministère de la Justice, qui restreignaient leurs droits civils et politiques. devenu ministère de la Justice et des Droits de l’homme. Des opposants politiques, réels ou présumés, ont Un référendum portant sur un projet de réforme de la été emprisonnés à l'issue de procès iniques – y Constitution a été organisé le 26 mai. Les modifica- compris certains Tunisiens résidant à l'étranger tions introduites permettent au président Ben Ali, au qui ont été arrêtés à leur retour dans le pays. pouvoir depuis 1987, de briguer un quatrième mandat La répression visant les défenseurs des droits lors de l’élection présidentielle de 2004 et elles ont humains ainsi que les militants de la société conféré au chef de l'État l'immunité des poursuites civile s'est poursuivie, et les autorités ont devant les tribunaux tunisiens, y compris lorsqu'il renforcé leur contrôle sur les moyens n'exercera plus le pouvoir. Selon des chiffres officiels d'information et les télécommunications. Des cas largement contestés, près de 96 p. cent des électeurs de torture et de mauvais traitements contre des ont pris part au scrutin et les modifications constitu- personnes détenues dans les postes de police, tionnelles ont été approuvés à plus de 99 p. cent des les locaux de la Direction de la sécurité de l'État suffrages exprimés. et les prisons ont été signalés, sans que les En octobre, un septième parti d'opposition, le Forum auteurs de ces violations aient eu à répondre démocratique pour le travail et les libertés, a été léga- de leurs actes devant la justice. lisé, huit ans après sa création. Une réunion du Conseil d'association entre la Tunisie Contexte et l'Union européenne s'est tenue en janvier. On ne Dix-neuf personnes, dont 14 touristes allemands, ont disposait d'aucune information sur les mesures conve- été tuées, le 11 avril, lors d’un attentat contre une nues entre les parties en vue d'améliorer la situation synagogue de Djerba. Les autorités tunisiennes ont des droits humains. En mars, le Parlement européen a déclaré, dans un premier temps, que l'explosion était adopté une résolution dans laquelle il déplorait la accidentelle. Au mois de juin, un porte parole du situation des droits humains en Tunisie ; il a envoyé réseau Al Qaida (La Base) a revendiqué publiquement une délégation, en mai, pour y observer le déroule- cet attentat. ment du référendum constitutionnel. 389 TU Défenseurs des droits humains et militants ✔ L'accès à de nombreux sites Internet d'organisa- de la société civile tions de défense des droits humains et à des sites d'in- Comme les années précédentes, les défenseurs des formation indépendants était toujours bloqué. Les droits humains et les militants de la société civile ainsi télécommunications ont également fait l'objet de nou- que leurs proches ont été victimes de restrictions arbi- velles restrictions. Les communications par courrier traires, et la police s’est livrée contre eux à des actes de électronique étaient fréquemment interrompues et des harcèlement et à des attaques brutales, y compris des lignes téléphoniques ont été coupées ou détournées. Il agressions physiques. Des réunions publiques ont été était impossible de joindre par téléphone depuis la interdites ou dispersées par la police, des lignes télé- Tunisie plusieurs organisations de défense des droits phoniques ont été coupées et les communications par humains ainsi que des Tunisiens vivant à l'étranger. courrier électronique ainsi que l'accès à des sites Les cabinets des avocats spécialisés dans la défense des Internet ont été perturbées. Plusieurs défenseurs des droits humains continuaient d'être étroitement sur- droits humains et militants de la société civile ont été veillés par la police ; leurs clients étaient souvent inter- la cible de campagnes diffamatoires dans la presse rogés ou harcelés par des policiers en civil. contrôlée par le gouvernement. ✔ Au mois de juin, les cabinets de Saida Akremi et de À l'instar d'autres organisations de défense des droits Noureddine Bhiri, avocats spécialisés dans la défense humains s'exprimant sans détour, le Conseil national des droits humains, ont été saccagés par des inconnus pour les libertés en Tunisie (CNLT) n'avait toujours pas qui ont emporté certains documents. Quelques jours été reconnu légalement et a fait l'objet de nombreuses auparavant, ces avocats avaient été pressés par un poli- restrictions. Les activités publiques d'organisations cier chargé de surveiller leurs cabinets de mettre un reconnues, comme la Ligue tunisienne des droits de terme à leurs activités dans le domaine des droits l'homme (LTDH), ont été restreintes, voire interdites. humains. ✔ En novembre et en décembre, plusieurs membres de l'Association internationale pour le soutien des prison- Torture et mauvais traitements niers politiques (AISPP) ont été agressés par des Comme les années précédentes, des prisonniers poli- policiers ; certains ont été interrogés et on leur a tiques ainsi que des détenus de droit commun ont été demandé de mettre un terme à leurs activités. Cette torturés et maltraités. Aucun membre des forces de organisation, dont la création a été annoncée en sécurité ne semble avoir été traduit en justice pour des novembre, n'a pas obtenu sa reconnaissance légale. En actes de torture. Aucune enquête n'a été ordonnée sur août, Lasaad Jouhri, membre de plusieurs organisations les allégations de torture formulées au cours de l'année de défense des droits humains et ancien prisonnier et des années précédentes. d'opinion, a été agressé en plein jour dans le centre de ✔ En juin, Zouheir Yahiaoui, webmestre d'un site Tunis par cinq policiers. Il avait déjà été maltraité et Internet d'information comprenant un forum de dis- menacé par la police à plusieurs reprises en raison de cussion sur la Tunisie, aurait été torturé, de même que ses activités en faveur des prisonniers politiques et des deux de ses collègues, dans les locaux du ministère de prisonniers d'opinion. En décembre, Saida Akremi, l'Intérieur. Cet homme âgé de trente-quatre ans, avocate spécialisée dans la défense des droits humains neveu de l'ancien juge Mokhtar Yahiaoui, a été arrêté et membre de l'AISPP, a été agressée, de même que son le 4 juin à Tunis. Il a été détenu secrètement pendant mari et deux de ses enfants devant son cabinet du vingt-quatre heures au ministère de l'Intérieur, où il a centre de Tunis ; plusieurs membres de l'AISPP avaient été suspendu à plusieurs reprises par les poignets pen- auparavant été interrogés par la police, qui leur avait dant plusieurs heures avant d'être interrogé par des demandé de mettre un terme à leurs activités. membres de la Direction de la sécurité de l'État. ✔ Les autorités ont refusé d'accorder au Centre pour Transféré le lendemain soir à la prison de Gourjani, il l'indépendance de la justice (CIJ), fondé en 2001 par a passé toute la nuit et une partie de la journée sui- l'ancien juge Mokhtar Yahiaoui, le statut d’organisa- vante sur une chaise à laquelle il était attaché par des tion non gouvernementale. Depuis qu'il a été sus- menottes, et a été contraint de signer une fausse dépo- pendu de ses fonctions pour avoir adressé, en juillet sition. Il n'a été autorisé à rencontrer ses avocats 2001, une lettre ouverte au président Ben Ali criti- qu'une semaine après son arrestation. Reconnu cou- quant l'ingérence du pouvoir exécutif et ses atteintes à pable de diffusion de fausses informations et d'utilisa- l'indépendance de la justice, Mokhtar Yahiaoui a été tion abusive d'Internet, Zouheir Yahiaoui a été soumis à de nombreuses restrictions et actes d'intimi- condamné à deux ans et quatre mois d'emprisonne- dation ; il a notamment été victime d'agressions. Au ment. Sa peine a été ramenée à deux ans en appel. cours de l'année, la police de l'aéroport l'a empêché à plusieurs reprises de quitter le pays. Morts en détention ✔ Plusieurs réunions publiques organisées par la sec- Plusieurs personnes sont mortes en détention – dans tion tunisienne d'Amnesty International ont été inter- certains cas, semble-t-il, faute de soins appropriés et dites. En septembre, Zouheir Makhlouf, membre de la dans d’autres à la suite de grèves de la faim. section, a été détenu pendant quatre jours et interrogé ✔ Abdelhouahab Boussaa, condamné en 1991 à seize par des membres de la Direction de la sécurité de ans d'emprisonnement pour appartenance au mouve- l'État au sujet de ses activités. ment islamiste interdit Ennahda (Renaissance), est mort 390 TU en prison le 23 mars après avoir observé une grève de la l'isolement, dans certains cas depuis dix ans. Les prison- faim pour protester contre ses conditions de détention. niers étaient transférés d'un établissement à l'autre, sou- vent à plusieurs centaines de kilomètres de leurs proches. Procès inéquitables ✔ Quatre membres du Parti communiste des ouvriers En 2002, de très nombreuses personnes ont été tunisiens (PCOT), interdit par les autorités, sont sortis condamnées à l'issue de procès inéquitables devant des de la clandestinité le 2 février, après avoir échappé à tribunaux civils et militaires. Parmi elles figuraient des l'arrestation pendant quatre ans. Tous ont été incarcé- personnes arrêtées les années précédentes et des pri- rés afin de purger les peines qui leur avaient été infli- sonniers qui purgeaient des peines prononcées aupara- gées à l'issue de procès iniques. Hamma Hammami et vant pour les mêmes faits ainsi que des Tunisiens Samir Taamallah ont été remis en liberté condition- vivant à l'étranger, qui avaient été interpellés à leur nelle en septembre, et Ammar Amroussia et retour dans leur pays et déférés à des tribunaux mili- Abdeljabbar Maddouri au début de novembre. taires en raison de leurs activités « terroristes » présu- mées à l'étranger. Les avocats étaient souvent Anciens prisonniers empêchés de rencontrer leurs clients ou n'avaient pas Les anciens prisonniers soumis à des mesures restrei- accès à l'intégralité de leur dossier. gnant leur liberté de mouvement et empêchant leur ✔ Au mois de janvier, Mounir Ghaith, Abdelbasset réintégration dans la société n'avaient généralement Dali et Bechir Ben Zayed, trois Tunisiens vivant en accès à aucune voie de recours légale pour obtenir Italie qui avaient été arrêtés en 2001, ont été jugés par réparation. De nombreux anciens prisonniers libérés un tribunal militaire de Tunis, en même temps que les années précédentes étaient toujours empêchés de 31 autres accusés, jugés par contumace. Bechir Ben s'inscrire ou de se réinscrire à l'université. Zayed s'est vu infliger dix ans d'emprisonnement, tan- ✔ Abdallah Zouari a été libéré en juin après avoir été dis que Mounir Ghaith et Abdelbasset Dali étaient incarcéré pendant onze ans. Ce journaliste a de nou- condamnés à huit ans d'emprisonnement chacun. veau été interpellé et placé en détention, le 19 août, Leurs coaccusés jugés par contumace se sont vu infli- après avoir interjeté appel d'une décision du ministère ger des peines allant jusqu’à vingt ans d’emprisonne- de l'Intérieur qui l'obligeait à quitter son domicile de ment. Tous étaient accusés d'appartenance à une Tunis pour la ville de Khariba-Hassi Jerbi, dans le sud « organisation terroriste opérant à partir de l'étranger ». de la Tunisie. Il a été condamné, le 23 août, à l'issue Le procès, auquel assistait un observateur d'Amnesty d'un procès inéquitable, à une peine de huit mois International, n'a pas été conforme aux normes inter- d'emprisonnement pour non-respect du contrôle nationales d'équité. Le tribunal n'a, entre autres, pas administratif. Remis en liberté conditionnelle en pris en compte les allégations selon lesquelles les dépo- novembre à la suite d'une campagne nationale de sitions retenues à titre de preuve avaient été obtenues grande ampleur en sa faveur, il restait soumis à une sous la contrainte. Aucun autre élément n'a été pro- étroite surveillance policière. duit pour étayer les charges retenues contre les accusés. ✔ Bechir Saad, citoyen canadien d'origine tunisienne, Organisations intergouvernementales a été arrêté en juin et s'est vu notifier une condamna- En juin, le Comité des Nations unies sur l'élimination tion à onze ans et trois mois d'emprisonnement pro- de la discrimination à l'égard des femmes a examiné noncée par contumace à son encontre sous l'identité les troisième et quatrième rapports périodiques de la de Bechir Lahouel. Rejugé en septembre, il a été Tunisie. Le Comité a appelé la Tunisie à « faire en condamné à sept ans et trois mois d'emprisonnement ; sorte que les actes de violence contre les femmes fassent sa peine a été ramenée à quatre ans en appel. Bechir l’objet de poursuites et de sanctions et que les victimes Saad a été remis en liberté en décembre après des pres- bénéficient dans les plus brefs délais de mesures de protec- sions au niveau international. tion et de réparation ». ✔ Belgaçem Naouar, oncle et complice présumé de Dans ses observations finales sur le deuxième rapport Nizar Naouar, qui était le principal suspect de l'atten- périodique de la Tunisie, le Comité des droits de tat de Djerba (voir ci-dessus) et qui a trouvé la mort l'enfant des Nations unies a exprimé sa préoccupa- dans l'explosion, a été arrêté en avril peu après les faits tion devant le fait que le droit à la liberté d'expres- et placé en détention pendant plusieurs semaines dans sion et d'association des enfants n’était pas un lieu tenu secret. À la fin de l'année, malgré les pleinement garanti dans la pratique. Il s'est déclaré demandes formulées par plusieurs avocats, il n'avait « extrêmement préoccupé par les allégations de viola- toujours pas été autorisé à consulter l’un d’entre eux. tions du droit de l'enfant à ne pas être soumis à la tor- On craignait qu’il ait été soumis à des tortures ou à ture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou d’autres formes de mauvais traitements. dégradants [...] particulièrement à propos d'enfants de défenseurs des droits humains ou d'opposants poli- Prisonniers d'opinion tiques ». Le Comité a, en outre, déploré l'incapacité Plusieurs prisonniers d'opinion ont été libérés, mais des de l'État partie à garantir une protection effective aux centaines d'autres, dont beaucoup étaient incarcérés enfants, eu égard à la « détention de mineurs avec des depuis le début des années 90, ont été maintenus en adultes, ce qui se serait traduit par des sévices sexuels ou détention. Plusieurs prisonniers d'opinion étaient placés à d'autres mauvais traitements ». 391 TU Le rapporteur spécial sur la promotion et la protec- Visites d'Amnesty International tion du droit à la liberté d'opinion et d'expression, le Des délégués d'Amnesty International se sont rendus représentant spécial du secrétaire général chargé des en septembre et en octobre en Tunisie, où ils ont pré- défenseurs des droits humains et le rapporteur spé- senté les sujets de préoccupation de l'organisation à cial sur la torture, qui avaient demandé respective- des responsables gouvernementaux. Aucune réponse ment en 1999, en 2001 et en 2002, à se rendre en n'était parvenue à la fin de l'année sur les cas indivi- Tunisie n'ont pas été autorisés à le faire. duels soumis aux autorités.◆ TURKMÉNISTAN TURKMÉNISTAN KAZAKHSTAN CAPITALE : Achgabat (ex-Achkhabad) RUSSIE SUPERFICIE : 488 100 km2 POPULATION : 4,9 millions AZERBAÏDJAN OUZBÉKISTAN CHEF de l’ÉTAT TURKMÉNISTAN mer et du GOUVERNEMENT : Tchardjou Saparmourad Niazov Caspienne ACHGABAT PEINE DE MORT : abolie COUR PÉNALE INTERNATIONALE : IRAN Statut de Rome non signé 0 400 km AFGHANISTAN

attentat perpétré en novembre contre le des droits humains qui auraient été commises à la suite président Saparmourad Niazov a déclenché de cet attentat. Le 20 décembre, les États membres de L’une nouvelle vague de répression. Le procès l’OSCE ont décidé, conformément au paragraphe 12 du de plusieurs dirigeants de l’opposition consécutif document de la réunion de Moscou de 1991 de la à cette tentative d’assassinat a été contraire aux Conférence sur la dimension humaine, de mettre en règles d’équité les plus élémentaires. Un militant place une mission de rapporteurs. Ceux-ci étaient char- de la société civile a été arrêté pour avoir voulu gés d’enquêter sur la manière dont ont été menées les faire usage de son droit à la liberté d’expression. investigations concernant l’attentat de novembre, La santé de Moukhametkouli Aïmouradov, notamment sur certains points qui constituaient des un prisonnier politique détenu depuis de motifs de préoccupation. nombreuses années, suscitait des inquiétudes. Tout au long de l’année, de nombreux hauts fonction- Cette année encore, des objecteurs de conscience naires ont été rétrogradés, démis de leurs fonctions ou ont été emprisonnés. De nouvelles informations incarcérés, dans le cadre de ce qui est apparu comme dignes de foi ont fait état de cas de torture une purge de nature politique. Les autorités ont et de mauvais traitements. demandé le renvoi au Turkménistan de plusieurs opposants vivant en exil. Au mois d’avril, le représen- Contexte tant de l’OSCE pour la liberté des médias a publié un L’attaque perpétrée le 25 novembre à Achgabat contre le rapport dans lequel il dénonçait la totale absence de cortège de véhicules dans lequel se trouvait la voiture du liberté d’expression dans le pays. Les pouvoirs publics président Saparmourad Niazov a été considérée par les ont pris de nouvelles mesures visant à limiter l’accès à autorités comme une tentative d’assassinat et de coup une information indépendante, interdisant notam- d’État. Dans tout le pays, des manifestations ont été ment l’introduction au Turkménistan de journaux en organisées par les pouvoirs publics pour demander que provenance de la Fédération de Russie. les personnes présentées comme responsables de cet acte soient sévèrement punies. Des voix se sont élevées pour Répression contre les détracteurs réclamer le rétablissement de la peine de mort. du gouvernement et leurs proches L’Union européenne, l’Organisation pour la coopération La répression contre les dissidents s’est nettement et la sécurité en Europe (OSCE) et les États-Unis, ainsi accentuée après l’attentat du mois de novembre. De que d’autres acteurs de la communauté internationale, très nombreux proches des détracteurs du gouverne- ont fait part de leur inquiétude concernant les violations ment à qui les autorités ont imputé l’attaque ont été 392 TU arrêtés, harcelés ou expulsés de leur domicile. Nombre officielles, sa vue se serait également détériorée. Un d’entre eux auraient été pris pour cibles uniquement nouveau règlement, qui serait entré en vigueur en jan- en raison de leur lien de parenté avec des opposants. vier 2002, permettait à son épouse de lui rendre visite Selon des sources crédibles, de nombreuses personnes pendant vingt minutes une fois tous les trois mois. arrêtées ont également été victimes d’actes de torture et de mauvais traitements. Les autorités turkmènes Société civile n’ont pas communiqué d’informations détaillées sur le Les militants de la société civile étaient toujours en sort réservé aux personnes appréhendées, ni sur les butte aux pressions des autorités. Aucun groupe de charges pesant éventuellement sur elles. défense des droits humains ne pouvait fonctionner ✔ Aïli Iklymov, un étudiant de vingt et un ans, et son ouvertement au Turkménistan. frère Essenaman, trente et un ans, ont été appréhen- ✔ Farid Toukhbatoulline, militant de la société civile et dés le jour de l’attentat contre le chef de l’État. Selon écologiste, a été arrêté le 23 décembre dans sa ville des sources dignes de foi, Aïli Iklymov a été passé à natale de Dachogouz, dans le nord du Turkménistan. tabac le 5 décembre dans le sous-sol du ministère de la Emmené en avion le jour même à Achgabat, il a été Sûreté nationale, à Achgabat. Incapable de marcher, il conduit au ministère de la Sûreté nationale, où il est a dû être transporté sur une civière dans la pièce où il resté détenu au secret pendant trois jours. Selon les devait être interrogé. Son frère Essenaman aurait été informations recueillies, il a été inculpé le 26 décembre soumis, le jour de son arrestation, à des mauvais traite- de franchissement illégal de la frontière entre le ments qui auraient provoqué des saignements aux Turkménistan et l’Ouzbékistan, et de non-dénonciation oreilles. Les deux frères n’ont reçu aucun soin pendant d’un acte criminel grave. Le deuxième chef d’inculpa- leur garde à vue. tion faisait référence à sa participation à une conférence ✔ Le 29 décembre, au moins quatre dirigeants de organisée à Moscou au début du mois de novembre par l’opposition accusés d’avoir organisé l’attentat de des groupes de défense des droits humains. Farid novembre auraient été condamnés par la Cour Toukhbatoulline a été accusé de refuser de révéler des suprême à vingt-cinq ans d’emprisonnement. Le pro- informations sur les projets de coup d’État que nourri- cès de Boris Chikhmouradov, Nourmoukhammet raient certains groupes d’opposition en exil et dont, Khanamov, Khoudaïberdi Orazov et Saparmourad selon les autorités, il aurait été question lors de la Iklymov n’a absolument pas été conforme aux normes réunion de Moscou. Amnesty International – dont une internationales. Seul Boris Chikhmouradov était pré- déléguée assistait à la conférence – estimait que les auto- sent ; les trois autres accusés ont été condamnés par rités, en engageant des poursuites contre Farid contumace. Le lendemain, le Khalk Maslakhati Toukhbatoulline, cherchaient en fait à le sanctionner (Conseil du peuple), organe représentatif suprême du parce qu’il avait exercé son droit à la liberté d’expression Turkménistan, a alourdi les peines prononcées, trans- et avait mené des activités pacifiques en tant que mili- formant les vingt-cinq années d’emprisonnement en tant de la société civile. L’organisation le considère détention à perpétuité. Dans des « aveux » diffusés à la comme un prisonnier d’opinion. télévision, qui lui avaient vraisemblablement été dic- tés, Boris Chikhmouradov a déclaré : « Mes alliés et Liberté de religion moi-même [...] ne sommes pas des membres de l’opposi- Un certain nombre d’objecteurs de conscience ont tion, mais des criminels de droit commun et des toxico- purgé des peines d’emprisonnement en 2002. Un pri- manes. [...] Il n’y a pas un seul homme de bien parmi sonnier de religion baptiste a été libéré à la suite de nous ; nous sommes tous des voyous. [...] Je ne suis pas un pressions internationales. Les membres des minorités homme capable de diriger un État. [...] Je suis un délin- religieuses risquaient toujours de subir des actes de har- quant, tout juste bon à détruire l’État. » Dans une cèlement, d’être expulsés et d’être placés en détention. déclaration mise en ligne sur son site Internet le ✔ Nikolaï Chelekhov, vingt et un ans, a été condamné 26 décembre, le lendemain du jour où les autorités à dix-huit mois d’emprisonnement pour avoir refusé ont rendu publique son arrestation, Boris d’effectuer son service militaire pour des motifs reli- Chikhmouradov niait toute implication dans l’attentat gieux. Ce témoin de Jéhovah avait déjà été condamné du mois de novembre. une première fois pour la même infraction. Les recours ✔ Détenu depuis de nombreuses années, le prisonnier qu’il a formés auprès du tribunal municipal d’Achgabat politique Moukhametkouli Aïmouradov était toujours et de la Cour suprême ont été rejetés, respectivement incarcéré. Reconnu coupable en 1995 de « tentative de en août et en octobre. Nikolaï Chelekhov souffrait tou- terrorisme », entre autres charges, il avait été condamné jours de divers problèmes de santé, notamment de à douze années d’emprisonnement à l’issue d’un procès troubles rénaux consécutifs à son premier séjour en pri- apparemment inéquitable. Accusé de tentative d’éva- son, d’août 2000 à décembre 2001.◆ sion, il s’était vu infliger, en décembre 1998, une peine supplémentaire de dix-huit années de détention. Autres documents d’Amnesty International Victime d’une crise cardiaque et souffrant d’un ulcère à Préoccupations d'Amnesty International en Europe, l’estomac et d’une inflammation chronique des reins, de janvier – juin 2002 (EUR 01/007/02). la vessie et de la vésicule biliaire, il n’aurait pas reçu Turkménistan. Le gouvernement ne doit pas chercher les soins que son état exigeait. Selon des sources non la vengeance, mais la justice (EUR 61/005/02). 393 TU TURQUIE RÉPUBLIQUE TURQUE ROUMANIE UKRAINE RUSSIE CAPITALE : Ankara 2 BULGARIE SUPERFICIE : 779 452 km mer Noire GÉORGIE POPULATION : 68,6 millions Istanbul CHEF de l’ÉTAT : ARMÉNIE Ahmet Necdet Sezer ANKARA CHEF du GOUVERNEMENT : TURQUIE AZERBAÏDJAN IRAN Bülent Ecevit, remplacé par Izmir Abdullah Gül le 18 novembre Diyarbakır PEINE DE MORT : abolie en août Adana sauf pour crimes exceptionnels GRÈCE IRAK COUR PÉNALE SYRIE INTERNATIONALE : CHYPRE Statut de Rome non signé mer Méditerranée 0 400 km

es réformes législatives ont entraîné Au mois de mars, Amnesty International a été autori- l'abolition de la peine de mort pour sée à ouvrir une structure en Turquie aux termes de la Dles crimes commis en temps de paix et la Loi sur les associations. modification des lois qui restreignent L'état d'urgence a été levé, en juillet, dans deux provinces la liberté d'expression. Toutefois, de nombreux du sud-est du pays, peuplé essentiellement de Kurdes, prisonniers d'opinion continuaient d'être puis, en novembre, dans les deux autres provinces. inculpés ou incarcérés, en particulier pour avoir Des élections législatives anticipées ont eu lieu en exprimé leur opinion sur la question kurde, novembre après que plusieurs ministres eurent démis- les prisons de type F ou pour avoir professé sionné du gouvernement regroupant le Demokratik des idées islamistes. La torture en garde à vue Sol Partisi (DSP, Parti démocratique de gauche) du demeurait une pratique répandue, voire Premier ministre Bülent Ecevit, le Milliyetçi Hareket systématique dans les locaux des sections Partisi (MHP, Parti de l'action nationale) et l'Anavatan antiterroristes des postes de police du sud-est Partisi (ANAP, Parti de la mère patrie). L'Adalet du pays, et les tortionnaires étaient rarement Kalkinma (AK, Parti de la justice et du développe- déférés à la justice. Des dizaines d'homicides ment) a remporté la majorité absolue. Parmi les autres imputables aux forces de sécurité ont été partis, seul le Cumhuriyet Halk Partisi (CHP, Parti signalés ; dans certains cas, il s'agissait populaire républicain) a obtenu des sièges au peut-être d'exécutions extrajudiciaires. Parlement. Abdullah Gül, vice-président de l'AK, a été nommé Premier ministre. Le dirigeant du parti, Recep Contexte Tayyip Erdogan, ancien prisonnier d'opinion, n'a pas Des réformes législatives ont été entreprises par le gou- été autorisé à se présenter aux élections en raison de sa vernement de coalition de Bülent Ecevit afin de satis- condamnation antérieure. faire aux critères d'adhésion à l'Union européenne. La En décembre, le gouvernement a introduit de nou- peine de mort a été abolie en août, hormis pour les velles réformes législatives concernant des sujets crimes commis en temps de guerre effective ou immi- importants de préoccupation et notamment la torture, nente. Le Parlement a adopté trois lois, en février, en l'impunité et la liberté d'expression. mars et en août, en vue de mettre la législation turque en conformité avec les normes européennes relatives Prisonniers d'opinion aux droits humains. Outre l'abolition de la peine capi- Comme les années précédentes, de nombreuses per- tale, les règles régissant la détention ont été modifiées sonnes, dont des écrivains, des journalistes, des syndi- et des lois utilisées par le passé pour restreindre le droit calistes, des responsables politiques au niveau local et à la liberté d'expression ont été modifiées. Certains de national, des dignitaires religieux et des défenseurs des ces changements étaient toutefois ambigus et insuffi- droits humains, ont été emprisonnées ou jugées pour sants pour combattre les atteintes aux droits fonda- avoir exercé leur droit à la liberté d'expression. mentaux auxquelles ils étaient censés mettre un terme. Aux termes des nouvelles lois, les définitions des En outre, ils ont rarement été mis en application. infractions étaient plus restrictives et, dans certains cas, 394 TU les peines maximales encourues étaient réduites, mais ✔ Hamdiye Aslan, une Kurde de trente-sept ans, mère l’ambiguïté des textes de loi restait préoccupante. Dans de cinq enfants, a été arrêtée, en mars, à Mardin, plusieurs cas, des sentences ont été réexaminées et des département de Kiziltepe, et détenue pendant deux poursuites ont été abandonnées après l'adoption des jours à la section antiterroriste du siège de la police de nouvelles lois ; cependant, de nombreux prisonniers Mardin. Au cours de sa garde à vue, elle aurait été d'opinion ont été maintenus en détention et les procès déshabillée et aurait subi un viol anal commis à l'aide politiques ont continué. Comme les années précé- d'une matraque. Les tortionnaires lui auraient bandé dentes, des membres d'organisations de défense des les yeux, l'auraient menacée et se seraient moqués droits humains, de partis politiques et de syndicats qui d'elle quand elle les suppliait. Hamdiye Aslan a été s'étaient opposés au régime d'isolement dans les prisons détenue pendant près de trois mois dans la prison de de type F ont été inculpés, aux termes de l'article 169 Mardin avant d'être remise en liberté jusqu'à son pro- du Code pénal, d'« aide et soutien à des organisations cès. Des certificats médicaux ont corroboré ses alléga- armées illégales » ; bon nombre d'entre eux étaient consi- tions de torture. Le procureur de Mardin a ouvert une dérés comme des prisonniers d'opinion. enquête sur les cinq policiers soupçonnés de l'avoir ✔ Turgut Koçak, Hasan Yavas et Necmi Özyurda, torturée. La section locale de l'ordre des médecins a membres du Türkiye Sosyalist Isçi Partisi (TSIP, Parti engagé une procédure contre deux médecins qui socialiste ouvrier de Turquie), ont été condamnés, en avaient affirmé auparavant que cette femme n'avait mai 2001, à quarante-cinq mois d'emprisonnement pas été torturée. pour « avoir aidé et abrité des membres de groupes ✔ Tekin Demir a été arrêté le 3 avril à cinq heures du armés » en soutenant les manifestations de protestation matin avec son fils, à son domicile, car on le soupçon- contre les prisons de type F. Ils avaient été poursuivis à nait d'avoir aidé et soutenu une organisation illégale. la suite d'une manifestation devant le siège de leur Ils ont été détenus pendant deux jours dans les locaux parti en décembre 2000. Lors de la perquisition des de la section antiterroriste du siège de la police locaux qui avait suivi, la police avait saisi des panneaux d'Ankara. Au cours de sa garde à vue, Tekin Demir et des banderoles concernant les grèves de la faim aurait eu les yeux bandés et aurait été déshabillé. Il contre les prisons de type F et qui, selon les trois aurait été frappé, menacé, et il aurait eu les cheveux et hommes, avaient été déposés par des tiers. Les la moustache arrachés et les doigts ébouillantés. Il condamnations ont été confirmées en novembre 2001. aurait également reçu des décharges électriques et de Turgut Koçak et Necmi Özyurda ont été incarcérés au l'eau glacée projetée avec un tuyau d’arrosage. Les mois de mars et Hasan Yavas en mai. policiers lui auraient piétiné les mains alors qu'il était étendu sur le sol. Lors de l'examen médical à la fin de Torture et mauvais traitements la garde à vue, le médecin n'a relevé aucune lésion. De nouvelles informations ont fait état d'un recours Toutefois, un examen médicolégal pratiqué après que de plus en plus fréquent à des méthodes de torture qui Tekin Demir eut déposé une plainte mentionne de ne laissent pas de traces visibles. Les détenus conti- nombreuses lésions sur son corps ainsi que d'autres nuaient d'être soumis à des sévices tels les décharges problèmes médicaux. électriques, la suspension par les poignets et la falaka (coups assenés sur la plante des pieds). Les autres Maintien prolongé en garde à vue méthodes de torture et de mauvais traitements réguliè- et détention au secret rement dénoncées consistaient à passer les détenus à Après l’adoption, au mois d’octobre 2001, d'un tabac, à leur faire subir des violences sexuelles, à les amendement à la Constitution, le Parlement a arroser au moyen d’un jet d'eau glacée à haute pres- adopté, en février, une loi qui réduit à quatre jours la sion, à les déshabiller entièrement pendant les interro- durée maximale de la garde à vue au terme de laquelle gatoires, à leur infliger divers sévices psychologiques, une personne arrêtée par la police ou la gendarmerie notamment en les menaçant de mort ou de viol, à les doit être présentée à un juge. Cette loi a également priver de sommeil, de nourriture et d'eau et à les ramené de quatre jours à quarante-huit heures la empêcher de se rendre aux toilettes. Selon certaines durée de la garde à vue pour les personnes soupçon- sources, les femmes et les jeunes filles placées en garde nées d'infractions relevant des cours de sûreté de l'É- à vue seraient régulièrement soumises à des sévices tat. Ces nouvelles dispositions n'ont toutefois pas sexuels et menacées de viol. Un certain nombre de permis de mettre un terme à la pratique généralisée femmes ont été violées. des actes de torture et autres mauvais traitements, Parmi les victimes de torture figuraient des militants infligés le plus souvent pendant les vingt-quatre pre- pro-kurdes, islamistes ou de gauche ainsi que des per- mières heures de garde à vue. sonnes ayant sollicité un enseignement en langue kurde. D'autres étaient détenues pour des infractions Impunité de droit commun ou simplement parce qu'elles Les victimes d'actes de torture qui tentaient de dépo- n'avaient pas obtempéré aux ordres des forces de sécu- ser une plainte en justice continuaient de se heurter à rité. Les personnes soupçonnées de vol simple ou de des obstacles considérables. Les détenus avaient sou- vol qualifié, parmi lesquelles de nombreux enfants, vent les yeux bandés, ce qui les empêchait d'identifier étaient régulièrement frappées pendant leur détention. leurs tortionnaires. Les certificats médicaux attestant 395 TU des actes de torture étaient souvent détruits ; les pour la prévention de la torture. Amnesty International médecins qui recueillaient les preuves de ce type a reçu de nombreuses informations faisant état de mau- d’agissements étaient harcelés. L'intimidation des vic- vais traitements infligés dans les prisons de type F, mais times et des témoins, le climat général de peur et la il lui était difficile de les vérifier, les autorités limitant réticence des procureurs à enquêter sur les agissements l'accès à ces établissements. des forces de sécurité ont également contribué à la per- sistance de l'impunité. Les juges refusaient souvent Droits des minorités d'enquêter sur les allégations de torture, alors que des La Turquie a ratifié, en septembre, la Convention déclarations vraisemblablement extorquées au moyen internationale sur l'élimination de toutes les formes de de ce genre de méthodes figuraient dans le dossier sou- discrimination raciale. mis au tribunal. Malgré des réformes législatives visant à alléger les res- Comme la procédure avait connu des retards impor- trictions qui limitent l'expression publique de l'iden- tants dans un certain nombre de cas de torture parti- tité kurde, les observateurs n'ont pas constaté culièrement représentatifs, les responsables présumés d'améliorations significatives dans la pratique. En de ces actes n’ont pas été traduits en justice. Les poli- août, la législation a été modifiée de façon à autoriser ciers inculpés n'ont pas comparu aux audiences et, des cours de langue et des émissions de radio et de dans certains cas, leurs avocats se sont retirés de la télévision dans des « langues traditionnellement parlées procédure ou n'ont pas présenté les documents récla- et utilisées par les citoyens turcs dans la vie quotidienne ». més par le tribunal. Toutefois, une semaine après l'adoption de cette loi, le ✔ Gülderen Baran avait été torturée, en 1995, pen- responsable du syndicat des enseignants de Diyarbakir dant sa garde à vue à la section antiterroriste du siège a été démis de ses fonctions d'enseignant par le de la police d'Istanbul. Suspendue par les poignets à ministre de l'Éducation, parce qu'il avait, semble-t-il, plusieurs reprises, elle ne pouvait plus bouger les bras. prononcé un discours favorable à la diffusion d’émis- Cette femme a été condamnée à la détention à perpé- sions de radio et de télévision en langue maternelle. tuité. Cinq policiers accusés de l'avoir torturée ont été Les autorités n'ont, pour autant qu’on le sache, traduits en justice. Bien qu'un commissaire principal approuvé aucun programme d’études en langue kurde et un policier aient reconnu au cours du procès avoir et des milliers de personnes ont été arrêtées après avoir utilisé la force et avoir battu Gülderen Baran, les pour- signé des pétitions réclamant le droit à un enseigne- suites ont été abandonnées le 12 mars pour cause de ment en langue kurde. Certains détenus auraient été prescription en raison de retards excessifs. Les policiers torturés ou maltraités ; d'autres ont été inculpés d'aide n'ont pas été mis à pied pendant la procédure ; l'un et de soutien au Partiya Karkeren Kurdistan (PKK, Parti d'entre eux a été promu par la suite au poste de com- des travailleurs du Kurdistan) ou au Kongraya Azadiya missaire divisionnaire. wa Demokrasi la Kurdistané (KADEK, Congrès pour la ✔ Le 16 octobre, 10 policiers accusés d'avoir torturé liberté et la démocratie au Kurdistan), qui lui a suc- 15 jeunes garçons et filles, ainsi qu'un professeur, pen- cédé. Toutefois, après la modification de la loi, des dant leur garde à vue à Manisa, en 1996, ont été personnes auraient été relaxées, mais d'autres étaient condamnés à des peines comprises entre cinq et onze toujours sous le coup d'une inculpation à la fin de ans d'emprisonnement. l'année 2002. Plusieurs procédures ont été engagées contre des Prisons de haute sécurité parents qui avaient tenté de déclarer leurs enfants sous Le placement à l'isolement dans les prisons continuait un prénom kurde. de faire l'objet d'une vive polémique. Les autorités ont ✔ En juillet, la cour de sûreté de l'État de Diyarbakir poursuivi la construction de 11 prisons de type F et a condamné Abdullah Yagan à une peine de quarante- ont continué d'ajouter à des prisons existantes des ailes cinq mois d'emprisonnement car il avait fait écouter où les dortoirs étaient remplacés par des cellules plus de la musique kurde aux passagers de son minibus. petites. Plusieurs milliers de prisonniers détenus dans ✔ En juillet, le procureur de Siirt a ouvert une procé- six prisons de type F déjà mises en service étaient sou- dure en vue d'obliger des parents à changer les pré- mis à un régime d'isolement cellulaire prolongé indivi- noms kurdes de leurs enfants. L'affaire concernait des duel ou en petits groupes, dans des conditions qui enfants nés dans 19 familles, entre le 10 juillet 1997 et s'apparentaient à un traitement cruel, inhumain ou le 19 mars 2002. dégradant. Les grèves de la faim qui avaient pour but ✔ Onze enseignants et un ingénieur placés en garde à de protester contre les prisons de type F ont provoqué vue le 10 mai auraient été torturés et maltraités par des la mort de 21 personnes, portant à au moins 57 le policiers qui les auraient notamment frappés avec des nombre total de décès dus à ces grèves. Bien que le livres en langue kurde. Inculpés d'aide et de soutien à ministre de la Justice ait supprimé, en octobre, l'obli- une organisation illégale, ils ont été acquittés, le 5 sep- gation pour les détenus de participer au programme tembre, par une cour de sûreté de l'État. Toutefois, éducatif afin d’être autorisés à se rencontrer et à avoir une enquête interne du ministère de l'Éducation a des conservations en privé, la durée de ces rencontres a entraîné la mutation de 10 de ces enseignants dans été limitée à cinq heures par semaine, ce qui est d'autres régions du pays, car « on avait trouvé des livres contraire aux recommandations du Comité européen en langue kurde à leur domicile ». 396 UK Défenseurs des droits humains contre Eren Keskin. On leur reprochait d'avoir insulté Les défenseurs des droits humains ont continué d'être l'armée turque et les forces de sécurité car ils avaient la cible d'actes de harcèlement, de manœuvres d'inti- affirmé, lors d'un séminaire sur les droits humains midation et de poursuites pénales. organisé en décembre 2001 par la section de ✔ Osman Baydemir et Eren Keskin, respectivement Diyarbakir de l'IHD, que le recours à la torture demeu- responsables des sections de Diyarbakir et d'Istanbul rait systématique. de l'Insan Haklari Dernegi (IHD, Association turque pour la défense des droits humains), ont été inculpés Visites d'Amnesty International en raison de leurs activités en faveur des droits Des délégués d'Amnesty International se sont rendus humains. Ridvan Kizgin, président de la section de en Turquie au cours des mois de mars, mai, juin et Bingöl de l'IHD, a été arrêté en janvier après avoir septembre, afin d'y effectuer des recherches sur la assisté à une cérémonie en mémoire de deux représen- situation des droits humains et d'assister en tant tants du Halkin Demokrasi Partisi (HADEP, Parti qu'observateurs à différents procès.◆ démocratique populaire), mouvement légal pro-kurde, « disparus » en janvier 2001. Il a été remis en liberté Autres documents d'Amnesty International en mars en attendant son procès. Turkey: Constitutional amendments – Still a long way to ✔ Sezgin Tanrikulu, avocat, poursuivi à la suite d'une go [Turquie. Les amendements à la Constitution : descente de police, en septembre 2001, au bureau de bien des progrès restent à accomplir] Diyarbakir de la Türkiye Insan Haklari Vakfi (TIHV, (EUR 44/007/02). Fondation turque des droits humains) dont il était le Turquie. Torture et garde à vue prolongée dans la région responsable, et prévenu pour avoir ouvert un centre de sous état d'urgence (EUR 44/010/02). santé sans autorisation, a été relaxé en avril. Un autre Turquie. Persistance du recours à la torture procès s'est ouvert en octobre contre cet avocat et (EUR 44/040/02). UKRAINE UKRAINE CAPITALE : Kiev BIÉLORUSSIE 2 SUPERFICIE : 603 700 km POLOGNE RUSSIE POPULATION : 48,7 millions CHEF de l’ÉTAT : KIEV Leonid Koutchma UKRAINE CHEF du GOUVERNEMENT : SLOVAQUIE Anatoli Kinakh, remplacé par Viktor Yanoukovytch le 21 novembre HONGRIE Odessa PEINE DE MORT : abolie MOLDAVIE mer d'Azov COUR PÉNALE ROUMANIE Crimée INTERNATIONALE : Simferopol Statut de Rome signé 0 400 km mer Noire

a police a cette année encore été accusée de Torture et mauvais traitements torturer ou de maltraiter les personnes mises Cette année encore, des policiers ont été accusés Len détention ; cette pratique était apparemment d’actes de torture ou de mauvais traitements sur la très répandue. Les conditions de vie des détenus personne de détenus. Les rapports rédigés par le étaient toujours en contravention avec les Comité européen pour la prévention de la torture normes internationales et étaient fréquemment (CPT) à l’issue de trois visites en Ukraine (en 1998, cruelles, inhumaines et dégradantes. Les 1999 et 2000), et publiés en octobre 2002, reflétaient enquêtes sur la « disparition » du journaliste bien les préoccupations exprimées de longue date par Gueorgui Gongadze et sur le meurtre du Amnesty International. Dans le rapport sur sa visite de journaliste de télévision Igor Alexandrov 2000, le CPT concluait que les personnes placées en n’avaient pas progressé. La liberté de la presse garde à vue couraient un risque non négligeable d’être continuait d’être battue en brèche. maltraitées physiquement, notamment au moment de 397 UK leur arrestation et lors de le leur interrogatoire, car les ukrainienne) Gueorgui Gongadze s’est prolongée mauvais traitements reprochés à la police était presque pendant toute l’année 2002. Au mois de juillet, le toujours infligés afin d’arracher des « aveux » aux détenus. nouveau procureur général, Sviatoslav Piskoun, a Lors de ses visites de 1998 et 2000, le CPT a recueilli nommé une commission spéciale d’enquête chargée de « nombreuses allégations » de mauvais traitements. de faire la lumière sur les circonstances de la « dispa- Les témoignages font surtout état de coups de pied, de rition » du journaliste. Cette initiative ne semble pas coups de poing et de coups de matraque, mais le CPT a avoir donné de résultats significatifs, et le piétine- aussi recueilli des allégations de mauvais traitements ment de l’enquête a suscité de nouvelles critiques, nettement plus graves, pouvant constituer des actes de tant en Ukraine qu’à l’étranger. torture : administration de décharges électriques, De même, l’enquête sur l’agression mortelle dont a été coups de crosse, brûlures au briquet, suffocation pro- victime Igor Alexandrov, responsable de la chaîne de voquée par un masque à gaz ou un sac en plastique télévision TOR, n’avait guère progressé. Ce journaliste placé sur la tête de la victime, passage à tabac de per- avait été battu à mort en juillet 2001 à Slaviansk. Le sonnes menottées et suspendues par les jambes ou les 17 mai, un tribunal de Donetsk a acquitté, faute de bras, coups assénés sur la plante des pieds. preuves suffisantes, un homme sans domicile fixe, qui Ces allégations de sévices ne concernaient pas unique- avait été inculpé du meurtre. Des spécialistes ukrai- ment des personnes placées en garde à vue. Lors de la niens et internationaux de la presse estimaient qu’il visite qu’il a effectuée en 2000 dans plusieurs prisons, existait peut-être un lien entre la mort d’Igor le CPT a été informé d’un certain nombre de cas de Alexandrov et les enquêtes menées par la chaîne TOR mauvais traitements présumés, consistant essentielle- sur des affaires touchant la corruption au sein du gou- ment en des coups (coups de poing ou coups portés vernement et le crime organisé. avec divers objets en bois ou avec des matraques ou des tuyaux en caoutchouc). Fait troublant, le CPT Liberté d’expression indiquait dans son rapport que de nombreux détenus Les restrictions excessives qui pesaient sur la liberté de en garde à vue ou emprisonnés semblaient avoir peur la presse en Ukraine suscitaient toujours de sérieuses de parler aux membres de sa délégation ou d’être exa- inquiétudes. Un certain nombre de journaux, de sta- minés par son personnel médical, de crainte de faire tions de radio et de chaînes de télévision privés ont ensuite l’objet de représailles. reproché aux pouvoirs publics de vouloir les étouffer par le biais de diverses mesures administratives. Selon Conditions de détention les témoignages recueillis, plusieurs journalistes Les conditions de vie dans les centres de détention pro- auraient en outre été agressés par des individus non visoire et les prisons ne se sont que très légèrement amé- identifiés. liorées. Elles étaient toujours non conformes aux ✔ Le 15 avril, un tribunal de Tcherkassy a condamné normes internationales minima. La surpopulation chro- le rédacteur en chef Oleg Liachko à dix jours d’empri- nique était aggravée par une politique consistant à pla- sonnement pour s’être opposé, selon les termes de cer presque systématiquement les suspects de droit l’accusation, à l’action de la police ; celle-ci tentait de commun en détention provisoire et à prononcer des pénétrer dans les locaux des éditions Republic, une peines d’emprisonnement plutôt que des peines de sub- entreprise privée, afin de saisir tous les exemplaires du stitution. Les retards constatés dans le fonctionnement journal Svaboda (Liberté) du 24 mars. La veille, des de la justice étaient en outre à l’origine de la prolonga- policiers auraient jeté dans un fleuve 107 000 exem- tion de la détention provisoire de nombreux suspects. plaires de la même édition du journal qui, semble-t-il, ✔ À l’issue de la visite qu’il a effectuée en 2000 en mettait en cause un haut responsable de l’État dans Ukraine, le CPT a décrit les conditions faites aux déte- une affaire de corruption.◆ nus du centre de détention provisoire (SIZO) n° 15 de Simferopol, considérées comme représentatives de Autres documents d’Amnesty International celles qui régnaient dans bon nombre d’établisse- Préoccupations d'Amnesty International en Europe ments. Il expliquait dans son rapport que les prison- janvier – juin 2002 niers vivaient, en majorité, dans des conditions (EUR 01/007/02). matérielles effroyables. Ils étaient entassés dans des cel- lules bondées, quasiment privées de toute lumière du jour, mal éclairées, même artificiellement, et insuffi- samment ventilées. Les détenus n’avaient pas tous un lit et, dans de nombreux dortoirs, ils étaient contraints de dormir à tour de rôle. Si certains dortoirs avaient été récemment repeints, beaucoup d’autres étaient sales et infestés de cafards et autres vermines.

Agressions contre des journalistes L’enquête sur la « disparition », le 16 septembre 2000, du journaliste de l’Ukrayinska Pravda (Vérité 398 UR URUGUAY RÉPUBLIQUE ORIENTALE DE L’URUGUAY CAPITALE : Montevideo SUPERFICIE : 176 215 km2 BRÉSIL POPULATION : 3,4 millions CHEF de l’ÉTAT et du GOUVERNEMENT : ARGENTINE Jorge Batlle Ibáñez URUGUAY PEINE DE MORT : abolie COUR PÉNALE INTERNATIONALE : MONTEVIDEO Statut de Rome ratifié 0 300 km

a grande majorité des violations tentiaire Santiago Vázquez. Selon certaines sources, les des droits humains commises autorités auraient indiqué que les causes de ces décès Lpar le passé n’étaient toujours pas élucidées. étaient, pour certains, le suicide, et, pour d’autres, des La prison Libertad a été le théâtre règlements de comptes entre détenus. D’après des de troubles, lorsque des détenus ont réclamé informations reçues, 12 prisonniers au total auraient de meilleures conditions de détention. été retrouvés morts au mois d’avril dans plusieurs établissements du pays. Contexte Au mois de juillet, la crise économique, qui avait Violations des droits humains frappé d’autres pays de la région, a contraint les auto- commises par le passé rités uruguayennes à fermer les institutions financières ✔ En mars, un juge argentin a confirmé l’identité d’un du pays pendant près d’une semaine. Au cours de la jeune homme aujourd’hui âgé de vingt-cinq ans qui première semaine d’août, des manifestants sont des- avait été adopté en bas âge par une famille argentine. cendus dans la rue et ont pillé des magasins, en parti- Il s’agit de Simón Riquelo, le fils de Sara Méndez. culier des supermarchés. La menace d’effondrement Ressortissante uruguayenne réfugiée en Argentine, Sara des marchés financiers a conduit les États-Unis à Méndez avait été arrêtée dans son pays d’accueil par octroyer un prêt d’urgence à l’Uruguay, jusqu’à ce que l’armée uruguayenne en 1976, dans le cadre de l’opéra- le Fonds monétaire international (FMI) consente de tion Condor. Cette opération de répression avait été nouveaux prêts à cet État. menée par les forces armées de plusieurs gouverne- ments militaires d’Amérique du Sud dans les Conditions carcérales années 70. Sara Méndez était à la recherche de son fils Au mois de mars, plusieurs émeutes de détenus ont depuis plus de vingt ans. éclaté dans la prison Libertad, située dans le départe- ✔ Un ancien ministre des Affaires étrangères a été ment de San José à 50 kilomètres de Montevideo, inculpé pour privation illégale de liberté sur la per- capitale du pays. Les prisonniers revendiquaient un sonne d’Elena Quinteros Almeida, qui avait « dis- meilleur accès aux soins médicaux et au travail, et se paru » en 1976 après avoir été emmenée de force de plaignaient de la surpopulation ainsi que des mauvais l’ambassade du Vénézuéla en Uruguay, où elle s’était traitements qui leur étaient infligés par des gardiens de réfugiée. À la fin de l’année, l’ancien ministre a été la prison. En représailles, les autorités ont coupé l’élec- placé en détention provisoire en attendant d’être jugé. tricité et l’eau dans la prison, et interdit que l’on C’était la première fois qu’une personne était arrêtée apporte de la nourriture aux détenus. À la suite de ces pour des violations des droits humains perpétrées sous troubles, certains prisonniers ont été transférés dans le régime militaire. d’autres établissements carcéraux. Des organisations de ✔ Au mois d’octobre, une juge chilienne a inculpé défense des droits humains ont déclaré qu’après les six officiers de l’armée, dont certains sont mainte- émeutes, cinq détenus avaient été retrouvés morts, nant à la retraite, du meurtre d’Eugenio Berríos. dont quatre à la prison Libertad, et un au centre péni- Ancien membre des forces armées chiliennes, cet 399 VE homme avait « disparu » en Uruguay, en 1992. d’aucuns ont été préoccupés par le fait que la Son corps avait été retrouvé en 1995 sur une plage Commission n’avait pas fait la lumière sur ce qu’il située près de Montevideo. La juge a déclaré était advenu des corps des personnes qui auraient été que des acteurs du système judiciaire uruguayen tuées pendant cette période. Des défenseurs avaient entravé son enquête du début à la fin des droits humains ont déclaré que tant que de l’année 2002. les dépouilles n’auraient pas été retrouvées, les vic- Établie en août 2000 pour apporter des éclaircisse- times continueraient d’être considérées comme ayant ments sur le sort de ressortissants uruguayens « dis- « disparu », quand bien même la Commission aurait parus » entre 1973 et 1985, la Comisión para La Paz établi leur décès. Ils ont également exhorté les (Commission pour la paix) a indiqué au mois membres de la Commission à veiller à ce que les d’octobre dans un rapport préliminaire public pré- informations qu’ils avaient recueillies soient trans- senté au président que, selon les données qu’elle mises aux autorités judiciaires, afin que les auteurs avait recueillies, 26 prisonniers politiques uru- présumés de ces graves atteintes aux droits humains guayens étaient morts des suites de tortures en soient traduits en justice.◆ Uruguay, et 13 autres en Argentine. La Commission a par ailleurs précisé que, d’après elle, 41 autres Autres documents d'Amnesty International Uruguayens, également prisonniers politiques, Urugay. Bienvenue à Simón Riquelo avaient subi le même sort en Argentine. Toutefois, (AMR 52/001/02). VÉNÉZUÉLA RÉPUBLIQUE BOLIVARIENNE mer des DU VÉNÉZUÉLA Antilles CAPITALE : Caracas SUPERFICIE : 912 050 km2 Maracaibo TRINITÉ- POPULATION : 25,1 millions ET-TOBAGO CARACAS CHEF de l’ÉTAT PANAMÁ lac de et du GOUVERNEMENT : Maracaibo Hugo Chávez Frías VÉNÉZUÉLA PEINE DE MORT : abolie GUYANA COUR PÉNALE SURINAME INTERNATIONALE : COLOMBIE Statut de Rome ratifié

ÉQUATEUR BRÉSIL 0 600 km

n avril, au moins 50 personnes ont été ce qui a affaibli l’état de droit. Le pays a connu tuées et de nombreuses autres blessées à la une succession de manifestations de grande Esuite d’une tentative avortée de coup d’État qui ampleur, certaines en faveur du gouvernement, visait à renverser le président Hugo Chávez. d’autres contre. À plusieurs reprises, La radicalisation de la vie politique, la violence les forces de sécurité ont fait un usage et les rumeurs incessantes de coup d’État ont abusif de la force pour disperser des accru l’instabilité et menacé d’ouvrir la voie manifestants. Plusieurs suspects de droit à de nouvelles atteintes graves aux droits commun auraient été victimes d’actes humains. De nombreuses informations de torture et de mauvais traitements. ont fait état d’homicides perpétrés par la police La situation difficile des réfugiés colombiens dans plusieurs États du pays. Des journalistes fuyant le conflit qui s’intensifiait dans et des sympathisants de l’opposition ont été la leur pays restait préoccupante. cible de menaces et d’agressions. Au moins trois responsables d’organisations paysannes ont été Contexte tués. Les autorités judiciaires n’ont pas pris Les tensions économiques, sociales et politiques ont les mesures appropriées face à ces crimes, conduit les milieux d’opposition, qui exigeaient la 400 VE démission immédiate du président Chávez, à lancer une Selon certaines informations, des membres des grève nationale illimitée le 9 avril. Le 11 avril, une Círculos Bolivarianos (Cercles bolivariens, groupes de manifestation de grande ampleur se dirigeant vers le militants constitués pour soutenir le projet politique palais présidentiel s’est heurtée à des sympathisants du d’Hugo Chávez) auraient été armés et auraient inti- gouvernement dans le centre de Caracas. Des fusillades midé et attaqué des personnes connues pour leur sym- nourries ont éclaté pendant les affrontements entre les pathie envers l’opposition, en particulier des manifestants, la police métropolitaine et la Guardia journalistes. Les autorités ont nié avoir fourni des Nacional (Garde nationale). Les coups de feu ont tué armes à ces groupes ou encouragé des actions illégales 20 personnes et en ont blessé plus de 60 autres. La crise contre l’opposition. Dans un grand nombre de cas qui s’est ensuivie a débouché sur la destitution du prési- signalés, les enquêtes officielles ne sont pas parvenues à dent Chávez et son arrestation par les militaires. Un faire la lumière sur les faits. Une loi visant à désarmer gouvernement de transition civil et militaire a été mis la population civile a été votée en septembre, mais est en place par Pedro Carmona, dirigeant de l’opposition restée lettre morte dans une large mesure. et chef de la Fedecámaras, la fédération patronale. Ce gouvernement de facto a promulgué des décrets draco- Forces armées niens. Il a notamment dissous l’Assemblée nationale et Le rôle des forces armées dans la crise politique a renvoyé sommairement les magistrats de la Cour continué d’être source d’instabilité et de préoccupa- suprême, le procureur général et le Defensor del Pueblo tions. Alors que les autorités cherchaient à poursuivre (médiateur). La police a fait irruption au domicile de des officiers de haut rang qui auraient participé au plusieurs sympathisants du président Chávez. Au coup d’État, certains milieux d’opposition incitaient nombre des personnes arrêtées arbitrairement figuraient les militaires à refuser de reconnaître l’autorité du pré- un ministre et un député. sident. Soumise à de fortes pressions tant du gouver- La destitution inconstitutionnelle et sommaire du pré- nement que de l’opposition, la Cour suprême a sident Chávez, la détention illégale de ses partisans et décidé, en août, que les éléments de preuve dispo- les pouvoirs arbitraires que s’était arrogés le gouverne- nibles ne permettaient pas de poursuivre ces officiers ment de facto ont donné lieu à de vives protestations. pour « rébellion militaire » lors du coup d’État d’avril. Le 14 avril, le nouveau gouvernement a démissionné Cette décision controversée a déclenché un mouve- et Hugo Chávez est revenu au pouvoir. Les troubles ment de protestation des partisans du président civils qui ont marqué ces quatre jours ont fait au Chávez. En septembre, le gouvernement a créé des moins 50 morts et des blessés en nombre encore plus zones de sécurité militarisées dans la capitale pour pro- grand. Le gouvernement et l’opposition se sont accu- téger les sites stratégiques contre les manifestations de sés mutuellement d’avoir été à l’origine de ces vio- l’opposition. En octobre, des militaires ont occupé la lences pour en tirer profit sur le plan politique. Plaza Altamira pour exiger la démission du chef de Après le coup d’État, plusieurs initiatives ont été lan- l’État et proclamer leur refus de reconnaître son auto- cées aux niveaux national et international pour tenter rité. En novembre, le gouvernement a ordonné à de négocier des solutions pacifiques à la crise poli- l’armée de prendre le contrôle de la police métropoli- tique. Le secrétaire général de l’Organisation des États taine. La Cour suprême a estimé, en décembre, que américains a ainsi assuré une mission de médiation. cette mesure était contraire à la Constitution. En décembre, l’opposition a appelé à une nouvelle grève illimitée, qui se poursuivait au début de l’année Enquêtes sur les événements d’avril 2003. La tension sociale et la violence politique se Les enquêtes menées sur les événements d’avril ont été sont accentuées pendant la grève, qui avait des consé- considérablement gênées par le fait qu’aucune mesure quences graves sur l’économie. n’avait été prise pour protéger les lieux des crimes ni pour recenser et examiner les morts et les blessés de Climat de violence et d’impunité manière adéquate. Le manque de ressources et de L’opposition, soudée autour d’une coalition d’intérêts coordination entre les différents organismes, l’absence regroupant la Fedecámaras, la Confederación de de collaboration de la part de la police métropolitaine Trabajadores de Venezuela (CTV, Confédération des et de la Garde nationale, et l’apparente partialité dont travailleurs du Vénézuéla), la principale confédération faisaient preuve les services chargés de l’enquête ont syndicale, et d’importants organes d’information pri- constitué d’autres obstacles. Malgré tout, grâce à la vés, continuait à exiger la démission du président somme des éléments de preuve fournis par les clichés Chávez. Le gouvernement a mis en cause les médias, photographiques et les témoignages ainsi que par la affirmant qu’ils couvraient les faits de façon partiale et reconstitution des faits, les enquêteurs ont réussi à peu déontologique, tandis que lui-même était accusé identifier certains des responsables. À la fin de l’année, de continuer à encourager les attaques visant les jour- au moins cinq partisans du président Chávez étaient nalistes par des déclarations publiques incendiaires. De détenus et en attente de jugement, tandis que quatre nombreuses menaces et agressions ont été dirigées autres faisaient l’objet d’un mandat d’arrêt. Des chefs contre des journalistes et des organes d’information. d’inculpation ont également été prononcés contre huit L’absence de véritables enquêtes sur ces violences a agents de la police métropolitaine, mais ceux-ci ont été contribué à créer un climat d’impunité. laissés en liberté. Des interrogations subsistaient 401 VE concernant le rôle éventuel joué par des francs-tireurs Torture, mauvais traitements et recours non identifiés qui ont ouvert le feu depuis les étages abusif à la force supérieurs d’un immeuble du centre-ville, concernant Des informations ont fait état de la persistance de cas les violations commises entre le 12 et le 14 avril, et de torture dans différentes parties du pays et de condi- concernant les responsabilités de la hiérarchie. tions carcérales constituant, de fait, un traitement Le précédent de l’impunité qui a prévalu pour des évé- cruel, inhumain ou dégradant. La police, nationale et nements du même ordre survenus dans le passé, de locale, a souvent recouru à une force excessive pour même que de sérieux doutes quant à la crédibilité et à disperser des manifestations ou appréhender des sus- l’impartialité du corps judiciaire, du Bureau du procu- pects de droit commun. Amnesty International n’a reur général, des forces de police et du médiateur ont reçu aucune information selon laquelle les enquêtes conduit des organisations non gouvernementales de menées sur ces agissements auraient débouché sur des défense des droits humains à proposer la création procédures disciplinaires ou des poursuites. Des dispo- d’une commission de la vérité chargée de mener une sitions législatives portant réforme de la structure des enquête non judiciaire impartiale sur ces atteintes aux forces de police ont été débattues, mais n’avaient pas droits humains. Il n’a toutefois pas été donné suite à été adoptées à la fin de l’année. cette initiative, l’Assemblée nationale n’ayant pas Au mois de novembre, le Comité des Nations unies apporté le soutien requis. contre la torture a examiné le rapport du Vénézuéla. Il a conclu que de nombreuses améliorations avaient Exécutions extrajudiciaires été apportées au cadre légal en vue d’empêcher la tor- Dans plusieurs États, notamment ceux de Portuguesa, ture, mais s’est inquiété de ce que la plupart de ces dis- de Falcón, d’Aragua, d’Anzoátegui et de Bolívar, des positions n’étaient pas appliquées de manière informations ont, cette année encore, fait état de très adéquate. Il a notamment souligné l’urgence de voter nombreux cas d’exécutions extrajudiciaires de per- une loi érigeant les actes de torture en crimes. sonnes considérées comme des suspects de droit com- ✔ Le 15 juin, Miguel Cerdá a été interpellé par la mun. Ces actes seraient imputables à la police ou à des police municipale de Chacao (État de Caracas). groupes travaillant en collaboration avec la police. Les Il aurait été roué de coups par un agent qui, devant ses témoins et les proches des victimes qui ont signalé ces protestations, lui aurait aspergé le visage de gaz lacry- meurtres ont souvent été eux-mêmes menacés ou mogène. D’autres policiers l’auraient ensuite frappé à agressés. En dépit de l’existence de preuves convain- plusieurs reprises à l’estomac et dans les côtes, puis cantes dans de nombreux cas, les forces de police ont l’auraient conduit au poste. Aucune enquête n’aurait systématiquement présenté ces homicides comme des été ouverte sur cette affaire. actes commis en légitime défense ou en raison de la résistance des victimes lors de leur arrestation. Aucun Réfugiés policier n’a été poursuivi en justice. L’aggravation du conflit en Colombie a engendré de ✔ En mai, un journaliste a filmé à l’université de nouveaux mouvements de civils vers le Vénézuéla. Des Barcelona (État d’Anzoátegui) l’interpellation par des informations ont fait état d’incursions de groupes policiers de Luis Gregorio Ojeda. Deux heures après paramilitaires et de groupes d’opposition armés l’arrestation, le corps de ce dernier était retrouvé à colombiens en territoire vénézuélien, ce qui augmen- l’hôpital. Il portait les traces de deux blessures par balle. tait les tensions dans la région. Les dispositions législa- Malgré les preuves attestant qu’il était vivant au moment tives adoptées en 2001 pour offrir une meilleure de son placement en garde à vue, la police a affirmé qu’il protection aux demandeurs d’asile et aux réfugiés avait été mortellement blessé lors de son arrestation à n’ont pas été appliquées. l’université, en raison de la résistance qu’il opposait aux policiers. Depuis 2000, plus de 150 cas similaires ont été Défenseurs des droits humains signalés dans le seul État d’Anzoátegui. Personne n’a été Les organisations non gouvernementales de défense traduit en justice pour ces faits. des droits humains ont continué de dénoncer avec Au moins trois paysans indigènes qui militaient pour vigueur les atteintes aux droits fondamentaux com- garantir le droit à la terre de leur communauté ont été mises dans l’ensemble du pays. Cependant, les cri- assassinés en représailles à leurs actions. tiques des autorités ou de l’opposition les ont parfois ✔ Le 19 septembre, Armando Douglas García et exposées à des attaques verbales mettant en cause leur Carlos Ramón Parra ont été tués dans la localité intégrité. Les défenseurs ont aussi été la cible de d’Encontrados (municipalité de Catatumbo, État de manœuvres d’intimidation et de menaces. Zulia) par des hommes armés qui agissaient, semble-t- il, pour le compte d’un propriétaire terrien local. Le système interaméricain L’enquête officielle a débouché sur l’arrestation des Après la visite au Vénézuéla de ses représentants, la tueurs présumés. À la fin de l’année, ils étaient en Commission interaméricaine des droits de l’homme a détention et attendaient d’être jugés. En revanche, les souligné le besoin urgent de renforcer les mesures de personnes qui avaient fait appel à leurs services et leur protection des droits humains et les organes chargés avaient donné l’ordre d’abattre les victimes n’avaient de veiller à leur application. Elle a ordonné que des pas été arrêtées ni inculpées à cette date. mesures soient prises pour garantir la sécurité de 402 VI plusieurs journalistes et d’une organisation de défense sécurité, afin de les mettre en conformité avec les des droits humains. normes internationales. La Cour interaméricaine des droits de l’homme a ordonné à l’État vénézuélien d’accorder des répara- Visites d’Amnesty International tions dans 44 cas d’atteintes aux droits fondamentaux Des délégués d’Amnesty International se sont rendus commises lors du caracazo, le soulèvement populaire au Vénézuéla en avril et en novembre. Ils ont rencontré de 1989, qui avait fait plusieurs centaines de morts. La plusieurs responsables, dont le président Hugo Chávez. Cour a aussi rappelé une précédente décision indi- Un document exposant les préoccupations de l’organi- quant que l’État vénézuélien devait faire en sorte que sation a été adressé au gouvernement après la visite du les responsables soient déférés à la justice et revoir les mois d’avril. À la fin de l’année, Amnesty International procédures d’action et d’intervention des forces de n’avait reçu aucune réponse à ce sujet.◆ VIÊT-NAM RÉPUBLIQUE SOCIALISTE CHINE DU VIÊT-NAM HANOÏ CAPITALE : Hanoï MYANMAR Haiphong SUPERFICIE : 329 565 km2 golfe LAOS du POPULATION : 80,2 millions Tonkin CHEF de l’ÉTAT : mer de Chine Trân Duc Luong méridionale THAïLANDE CHEF du GOUVERNEMENT : Da Nang Phan Van Khai PEINE DE MORT : maintenue VIÊT-NAM COUR PÉNALE CAMBODGE INTERNATIONALE : Statut de Rome non signé golfe Ho Chi Minh-Ville du Siam

0 400 km

a situation en matière de droits humains s’est congrégations religieuses non autorisées par dégradée pendant l’année 2002. Les procès l’État étaient toujours persécutées. Il y a eu au Ldes personnes accusées d’avoir organisé, en moins 48 condamnations à mort et au moins 2001, des manifestations suivies de troubles dans 34 exécutions. Toutefois, ces chiffres ne les hauts plateaux du centre du pays se sont représentaient vraisemblablement qu’une petite poursuivis. Certaines d’entre elles auraient été partie de la réalité. condamnées à de lourdes peines d’emprisonnement. Il était très difficile de se Contexte rendre dans cette région. L’année a également Des élections législatives se sont déroulées au mois de été marquée par l’échec de l’accord tripartite sur juillet. Elles ont été suivies d’un important remanie- le rapatriement des demandeurs d’asile qui ment ministériel qui a vu 14 postes changer de titu- avaient fui vers le Cambodge en 2001, conclu laire. Il est possible que ce remaniement ait été une entre le Haut-Commissariat des Nations unies réponse au mécontentement croissant de la population pour les réfugiés ( HCR) et les gouvernements du face à une corruption qui s’étendrait jusqu’aux plus Cambodge et du Viêt-Nam. Les dissidents qui hauts niveaux de l’État. De nombreuses arrestations dénonçaient la corruption de l’administration et pour corruption présumée ont d’ailleurs eu lieu. l’absence de libertés démocratiques, soit au Le Viêt-Nam a ratifié le Protocole facultatif à la moyen de pétitions, soit sur Internet, étaient Convention relative aux droits de l’enfant, concernant harcelés, placés en résidence surveillée ou la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la por- emprisonnés. Les personnes appartenant à des nographie mettant en scène des enfants. 403 VI Un accord conclu avec la Chine, mettant fin à un l’origine d’une association de lutte contre la corrup- ancien litige frontalier qui avait été à l’origine d’une tion, fondée le 2 septembre. Ces deux organisations guerre entre les deux pays, a finalement été publié. ont été créées sans l’aval de l’État et leur statut au Cet accord a été accueilli avec une vive hostilité au regard de la législation vietnamienne restait à préciser. Viêt-Nam. Fait sans précédent, l’Assemblée nationale Quatre membres du groupe – Nguyen Vu Binh, Pham a même refusé de le ratifier. Hong Son, Nguyen Khac Toan et Le Chi Quang – ont Deux mesures d’amnistie ont été prises. Au total, plus été arrêtés dans un premier temps. Le Chi Quang a été de 9 000 détenus en ont bénéficié. On ignorait si des jugé le 8 novembre et condamné à quatre ans d’empri- prisonniers d’opinion figuraient parmi eux. sonnement. En décembre, Nguyen Khac Toan a été condamné à douze ans d’emprisonnement à l’issue Troubles dans les hauts plateaux du centre d’un procès qui n’a duré qu’une journée. Il a été La répression qui a fait suite aux troubles du début de reconnu coupable d’espionnage, apparemment pour l’année 2001 s’est poursuivie sans relâche. Les minori- avoir transmis des informations sur les récentes mani- tés indigènes entendaient protester contre la confisca- festations à des groupes de militants vietnamiens à tion par le gouvernement de leurs forêts ancestrales, l’étranger. Les autres détenus attendaient toujours contre l’absence de liberté religieuse pour les fidèles de d’être jugés à la fin de l’année. Puis Pham Que Dong, certaines Églises protestantes évangéliques non recon- l’un des dissidents les plus en vue, son épouse et le pro- nues par les autorités et contre le déni de certains fesseur Tran Khue auraient été arrêtés et incarcérés en droits fondamentaux, comme le droit de chacun de décembre. Plusieurs autres membres du groupe ont été recevoir un enseignement dans sa langue maternelle. soit placés en résidence surveillée, en vertu de disposi- L’accès d’observateurs extérieurs aux zones les plus tions autorisant la mise en détention administrative, touchées par la contestation était limité et étroitement soit soumis à une étroite surveillance. contrôlé. Toutefois, selon les quelques témoignages Le Chi Quang était accusé d’« atteintes aux intérêts de qui continuaient à parvenir de ces régions, la répres- l’État et de la République socialiste du Viêt-Nam », pour sion s’y poursuivait. avoir diffusé sur Internet des messages condamnant le Le mouvement d’exode vers le Cambodge voisin a récent accord frontalier conclu par le gouvernement continué. Fuyant les arrestations et la répression, des avec la Chine – accord qui avait fait l’objet d’une vague centaines de personnes appartenant aux minorités eth- sans précédent de critiques à l’intérieur même du Viêt- niques qui peuplent les régions montagneuses du Nam. Son procès a duré moins de quatre heures et les centre ont tenté d’y trouver refuge. détails de sa condamnation ont été divulgués avant Au moins 38 hommes ont été condamnés à des peines même qu’elle ne soit prononcée officiellement. Son allant de trois à douze ans d’emprisonnement pour état de santé suscitait une certaine inquiétude car, bien leur participation au mouvement de protestation. que souffrant de problèmes rénaux, il ne recevait appa- Selon certaines sources, les autorités cherchaient à remment aucun soin au moment de son procès. arrêter plus particulièrement les personnes soupçon- nées d’avoir fomenté les troubles, ainsi que les diri- Nouvelles atteintes à la liberté de religion geants des congrégations protestantes locales non Les membres de congrégations religieuses dissidentes, reconnues. Des informations qui n’ont pas pu être comme l’Église Hoa Hao, l’Église bouddhique unifiée confirmées faisaient état de l’arrestation probable de du Viêt-Nam, l’Église catholique ou différentes congré- plusieurs centaines de personnes. gations protestantes, faisaient toujours l’objet d’actes de ✔ Rlan Loa, membre de la tribu Gia Rai, qui avait fui harcèlement et de mesures de détention en raison de au Cambodge en janvier 2002, a été condamné en août leurs activités religieuses, pourtant pacifiques. à neuf ans d’emprisonnement par un tribunal de la pro- vince de Gia Lai. Il lui était reproché d’« avoir quitté illé- Comité des droits de l’homme des Nations unies galement le Viêt-Nam pour œuvrer contre le pouvoir du Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a peuple ». Rlan Loa avait été arrêté en janvier par la police examiné en juillet le deuxième rapport périodique du cambodgienne et renvoyé de force au Viêt-Nam. Viêt-Nam concernant l’application du PIDCP. Il s’est déclaré préoccupé par la persistance de l’internement Harcèlement des personnes critiquant administratif, qui permettait d'assigner des personnes le gouvernement à résidence pendant une période pouvant aller jusqu'à Un certain nombre d’anciens officiers des forces deux ans sans qu'un juge ou un officier ministériel ne armées, de membres du Parti communiste, d’intellec- soit appelé à intervenir. Le Comité s’est également dit tuels en vue et de membres de leur entourage ont préoccupé par le grand nombre de délits pour lesquels constitué au mois d’août un « groupe des démocrates », la peine de mort pouvait encore être imposée. Il a en dont l’une des revendications portait sur la création outre fait part de son inquiétude concernant la fai- d’une cour constitutionnelle, qui serait chargée de blesse et le manque d’indépendance du système judi- revoir les « lois antidémocratiques » et de mettre la légis- ciaire, ainsi que l’insuffisance des garanties dont lation vietnamienne en conformité avec le Pacte inter- bénéficiaient les détenus. Il a recommandé la mise en national relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). place d’un organe indépendant de suivi de la situation Nombre de ces mêmes personnes étaient également à des droits de l'homme, qui soit doté de ressources et 404 YE de pouvoirs lui permettant de recevoir les allégations directe des autorités vietnamiennes concernant ses de torture ou d'autres abus de pouvoir commis par des préoccupations en matière de droits humains. fonctionnaires et d’enquêter sur celles-ci. Un porte-parole du gouvernement a accusé l’organi- sation, à plusieurs reprises et publiquement, «d’ingé- Peine capitale rence dans les affaires intérieures » du Viêt-Nam. Toute Rompant avec la tradition de secret entourant la peine activité interne de surveillance de la situation en capitale, la Cour populaire suprême a informé en matière de droits humains était interdite et les autori- juillet le Comité des droits de l’homme des Nations tés ont continué à refuser que des observateurs inter- unies que 931 personnes avaient été condamnées à nationaux indépendants se rendent sur place. Ni le mort entre 1997 et 2002. Sur ce total, 535 condamna- HCR ni les diplomates ou les journalistes en poste au tions avaient été prononcées pour des « violations du Viêt-Nam n’ont été autorisés à se rendre dans la droit à la vie », 310 pour des infractions à la législation région des hauts plateaux du centre du pays, qui fai- sur les stupéfiants, 24 pour corruption et cinq pour sait l’objet d’une étroite surveillance.◆ des infractions relatives aux biens. Le nombre d’exécu- tions pour la même période n’a pas été rendu public. Autres documents d’Amnesty International Les condamnés à la peine capitale étaient fusillés par Socialist Republic of Viet Nam: A human rights un peloton d’exécution, parfois en public, devant une review based on the International Covenant on Civil assistance nombreuse. Le président du Comité des and Political Rights [Viêt-Nam. Examen de la situation droits de l’homme des Nations unies a demandé au en matière de droits humains à la lumière du PIDCP] Viêt-Nam d’abolir progressivement la peine de mort. (ASA 41/007/02). République socialiste du Viêt-Nam / Royaume Interdiction d’accès au territoire du Cambodge. Les Montagnards : Amnesty International n’a pas été autorisée à se une minorité nulle part à l’abri rendre au Viêt-Nam et n’a obtenu aucune réponse (ASA 41/011/02). YÉMEN RÉPUBLIQUE DU YÉMEN CAPITALE : Sanaa SUPERFICIE : 527 968 km2 ARABIE SAOUDITE OMAN POPULATION : 19,9 millions CHEF de l’ÉTAT : Ali Abdullah Saleh mer Rouge SANAA CHEF du GOUVERNEMENT : Abdel Kader Bajammal YÉMEN océan PEINE DE MORT : maintenue Indien COUR PÉNALE Aden INTERNATIONALE : ÉRYTHRÉE golfe d'Aden Statut de Rome signé DJIBOUTI Socotra

SOMALIE 0 300 km

es progrès réalisés ces dernières années ont été victimes d’actes d'intimidation dans le domaine des garanties juridiques visant à les empêcher de rendre compte Let institutionnelles ont subi un coup d’arrêt des arrestations ; certains d'entre eux ont été en 2002, à la suite des attentats perpétrés appréhendés. Le recours à la torture et aux le 11 septembre 2001 aux États-Unis. mauvais traitements est demeuré une pratique Des vagues d'arrestations massives courante. Des condamnations à mort ont ont eu lieu ; les étrangers ont été tout été prononcées. Au moins 10 personnes particulièrement visés par des mesures ont été exécutées et l’on croit savoir que d’arrestation et d’expulsion s’inscrivant des centaines d'autres étaient sous le coup en dehors du cadre légal. Des journalistes d'une condamnation à mort à la fin de l'année. 405 YE Contexte personnes, des étrangers pour la plupart, ont été Dans ses efforts pour répondre aux pressions interna- détenues pendant plusieurs mois sans inculpation ni tionales à la suite des attentats perpétrés le 11 sep- jugement. Elles n'ont pas été autorisées à rencontrer tembre 2001 aux États-Unis, le gouvernement a un représentant de leur consulat et ont été privées de sacrifié les droits humains et relégué l'état de droit au contacts avec le monde extérieur. Ces personnes ont second plan. En mars et en octobre, les autorités du été arrêtées sans mandat des autorités judiciaires et Yémen ont soumis un premier rapport et un rapport ont souvent été maintenues en détention prolongée complémentaire au Comité contre le terrorisme du au secret. Certaines se sont plaintes d'avoir été tortu- Conseil de sécurité des Nations unies ; elles y énumé- rées ou maltraitées. raient les mesures prises, notamment la ratification de Étaient plus particulièrement visés tous ceux qui la Convention arabe sur la répression du terrorisme étaient soupçonnés d’entretenir des liens avec ainsi que la conclusion d'accords de sécurité bilaté- l'Afghanistan, les membres d'organisations islamistes raux. Les forces de sécurité ont effectué des arresta- et tout individu ayant éveillé les soupçons des forces tions massives de Yéménites et d'étrangers dans les de sécurité. Le 29 mai, Sheikh Abdullah al Ahmar, mois qui ont suivi les attentats du 11 septembre 2001. président du Parlement et dirigeant du parti d'opposi- La plupart des étrangers ont été expulsés tandis que les tion El Islah, aurait déclaré que des centaines, voire des Yéménites ont été maintenus en détention pour une milliers, de personnes avaient été injustement détenues durée illimitée sans avoir été inculpés et hors de tout au Yémen depuis le 11 septembre 2001. Le 30 mai, contrôle de la part de l’appareil judiciaire. la police a nié détenir plusieurs milliers de membres En juin, Amnesty International a adressé une note au présumés du réseau Al Qaida (La Base) en affirmant Comité des droits de l'homme des Nations unies à que 85 personnes seulement étaient toujours incarcé- l'occasion de l'examen du rapport présenté par le rées et que leurs interrogatoires se poursuivaient. Yémen sur l'application du Pacte international relatif ✔ Ali Mubarak Firas, soupçonné de liens avec aux droits civils et politiques (PIDCP). Le Comité a Al Qaida, a été appréhendé, en avril, à Maarib, par des rendu publiques, en juillet, ses conclusions et recom- membres des forces de sécurité. Transféré à Sanaa aux mandations. Il appelait, entre autres, le Yémen à réexa- fins d'interrogatoire, il était apparemment toujours miner la question de la peine de mort, à prendre des incarcéré à la fin de l'année. mesures appropriées pour mettre fin aux amputations ✔ Abdullah Saatar, membre d'El Islah, a été arrêté, et à la flagellation à titre de châtiment judiciaire et à le 20 juin, à Al Dala, par des membres des services de ordonner des enquêtes sur toutes les allégations d'at- renseignements, une branche des forces de sécurité. teintes aux droits humains. Le Comité exhortait égale- Cet homme avait, semble-t-il, critiqué le gouverne- ment les autorités à veiller à ce que les mesures prises ment dans un discours prononcé deux jours plus tôt. dans le cadre de la « campagne contre le terrorisme » Il a été relâché le soir même. soient pleinement conformes aux dispositions du PIDCP, à mettre l’appareil judiciaire à l'abri de toute Détention illimitée sans inculpation ni jugement ingérence et, enfin, à respecter la liberté de la presse. Les garanties contre la détention illimitée prévues par En octobre, au large des côtes yéménites, un bateau la législation yéménite ont été reléguées au second rempli d'explosifs était précipité sur le pétrolier géant plan. À la fin de l'année, les personnes arrêtées à la français Limburg, tuant un membre de l'équipage du suite de l'attentat à l'explosif perpétré en octobre 2000 pétrolier et en blessant plusieurs autres. Les autorités contre le destroyer américain USS Cole étaient mainte- yéménites ont arrêté au moins 20 personnes pour les nues en détention depuis plus de deux ans sans avoir interroger dans le cadre de cette affaire. été inculpées ni autorisées à consulter un avocat. Des Le 28 décembre, le numéro deux du Parti socialiste ministres ont déclaré aux délégués d'Amnesty yéménite (PSY), Jarallah Omar, a été abattu à Sanaa lors International que le gouvernement avait envisagé de du congrès du parti El Islah (Rassemblement yéménite juger ces prisonniers, mais que les autorités améri- pour la réforme), où il venait de prendre la parole au caines s’y étaient opposées. nom du PSY, appelant au dialogue entre groupes poli- Aucune des personnes arrêtées à la suite des attentats du tiques et au rejet de la violence. Selon les informations 11 septembre 2001 n'a été inculpée. Les détenus n'ont recueillies, l’une des principales raisons de son assassi- pas été autorisés à consulter un avocat ni à contester nat aurait été sa remise en cause de la peine de mort. devant les tribunaux le bien-fondé de leur détention. Le meurtrier aurait été arrêté et remis à la police. Des ministres ont affirmé que le gouvernement n'avait Des affrontements opposant des tribus aux forces gou- pas l'intention de juger ces prisonniers ni de les remettre vernementales se sont poursuivis tout au long de l'an- en liberté ; ils ont reconnu que cette décision constituait née dans différentes régions du pays. une violation de la législation yéménite et des obligations internationales du pays en matière de droits humains. Arrestations politiques après le 11 septembre 2001 Expulsion d’étrangers Les arrestations entraînées par les attentats Les expulsions massives d’étrangers à la suite des atten- du 11 septembre 2001 aux États-Unis se sont pour- tats du 11 septembre 2001 se sont poursuivies. La plu- suivies tout au long de l'année. Des centaines de part des personnes qui avaient été appréhendées en 406 YE raison de leur nationalité ont été maintenues au secret quelles les six hommes avaient été tués par un missile pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, et tiré depuis un avion placé sous l’autorité de la Central interrogées avant d'être expulsées. Parmi elles figu- Intelligence Agency (CIA, les services de renseignements raient plus d'une centaine d'étudiants, originaires des États-Unis). L'organisation a également écrit au notamment d'Algérie, d'Égypte, des États-Unis, de président yéménite pour lui demander si les autorités France, d'Indonésie, de Libye, du Pakistan, du avaient tenté d'appréhender les six hommes et pour Royaume-Uni, de Somalie et du Soudan, qui ont été solliciter des éclaircissements sur leur éventuelle parti- expulsés en janvier. Les autorités ont justifié leur ren- cipation à ces homicides. Des responsables gouverne- voi en affirmant que leurs permis de séjour avaient mentaux auraient reconnu par la suite que le Yémen expiré et que les écoles islamiques où ils étudiaient avait joué un rôle dans cette opération. avaient été déclarées illégales. Aucune des personnes renvoyées n'a été autorisée à contester devant les tribu- Manifestations naux le bien-fondé de la décision d'expulsion ni à Les manifestations de protestation contre le gouverne- bénéficier d'une assistance juridique. ment ont été à maintes reprises dispersées par la police ✔ Le 31 décembre 2001, Ali Mikon, un ressortissant qui a, dans certains cas, fait un usage excessif de la force. britannique âgé de dix-sept ans en possession d'un visa ✔ Au moins trois personnes auraient été blessées, d'étudiant en cours de validité, a été arrêté dans un le 9 avril, après que la police eut empêché des mani- hôtel de Sanaa en même temps que trois autres festants de se rassembler devant le consulat britan- Britanniques, dont l'un était âgé de quinze ans. nique à Aden pour protester contre les incursions Emmenés dans les locaux d'Al Amn al Siyassi (Sécurité israéliennes dans les villes et les camps de réfugiés politique), ils ont été détenus sans inculpation jus- palestiniens. Les policiers auraient dispersé la foule à qu'au 30 janvier, date à laquelle ils ont été expulsés l’aide de gaz lacrymogène et à coups de matraque ; vers le Royaume-Uni. Lors de leur détention, ils ont ils auraient aussi tiré en l'air. été mis en cellule avec des adultes – à l'instar d'autres ✔ En juillet, plus de 150 personnes qui avaient organisé détenus mineurs étrangers. un sit-in devant une école islamique d'Aden pour pro- tester contre la suppression par le gouvernement de la Harcèlement et emprisonnement de journalistes reconnaissance des écoles religieuses indépendantes ont Les journalistes qui critiquaient l’action des autorités été arrêtées et détenues pendant une courte période. ont de plus en plus souvent été arrêtés et ont davantage fait l'objet de poursuites pénales. Certains ont reçu des Torture et mauvais traitements avertissements et ont été menacés par les autorités qui Le recours à la torture et aux mauvais traitements res- voulaient les empêcher de rendre compte des arresta- tait très répandu et au moins une personne est morte tions massives qui ont suivi les attentats du 11 en détention à la suite des sévices subis. Aucune septembre 2001. enquête indépendante ne semblait avoir été effectuée. ✔ Le 29 avril, Nabil al Kumaim, correspondant du La flagellation et l'amputation étaient toujours prati- journal qatarien Al Rayah (L'Emblème), a été arrêté à quées à titre de châtiment judiciaire. son domicile de Sanaa parce qu'il avait écrit un article ✔ On a appris en février qu'un homme de dix-neuf sur les sympathisants d'Al Qaida au Yémen. Il aurait ans, détenu dans la prison centrale de Hodeida, était été interrogé sur ses sources d'information avant d'être mort des suites d'actes de torture. remis en liberté au bout de quelques heures. ✔ Samir Yahia Awadh, vingt-cinq ans, accusé d'avoir ✔ Le 4 juin, trois journalistes – Abdel Rahim Mohsen, lancé, en mars, deux grenades sur l'ambassade des Ibrahim Hussein et Khaled Sulaiman – ont été États-Unis à Sanaa, a affirmé durant son procès que condamnés par un tribunal de Sanaa à cinq mois d'em- ses «aveux» avaient été obtenus sous la contrainte. prisonnement avec sursis. On leur reprochait d'avoir Bien que l'avocat de Samir Awadh ait fourni au tribu- publié, en février, dans le journal Al Thawri nal un certificat médical attestant que son client souf- (Le Révolutionnaire), des articles qui avaient suscité des frait de schizophrénie, celui-ci a été déclaré coupable « sentiments sectaires et irrationnels mettant en danger et condamné à dix ans d'emprisonnement. l'unité du pays ». Abdel Rahim Mohsen et Ibrahim ✔ En août, l’ouverture du procès de deux policiers Hussein ont été libérés en juillet à la suite d'une mani- qui, selon les informations recueillies, étaient accusés festation de protestation, après avoir pris l'engagement d'avoir torturé et maltraité cinq hommes originaires de comparaître aux audiences du tribunal. Il semble que de Shibam (gouvernorat de l'Hadramaout) a fait Khaled Sulaiman ait également recouvré la liberté. grand bruit. Les cinq hommes auraient été torturés le mois précédent lors de leur détention au poste de Exécutions extrajudiciaires présumées police de Shibam pour des infractions non précisées. En novembre, dans la province de Marib, six hommes Deux d'entre eux avaient apparemment dû être trans- ont trouvé la mort lors de l'explosion du véhicule à portés à l'hôpital pour y recevoir les soins que nécessi- bord duquel ils circulaient. L'une des victimes était taient les blessures qui leur avaient été infligées. apparemment un responsable d'Al Qaida. Amnesty Les cinq hommes avaient été remis en liberté par la International a exprimé sa préoccupation au président suite. On ne disposait d'aucune autre information sur américain Bush à la suite d'informations selon les- le procès des policiers. 407 YO ✔ En août, quatre hommes ont été condamnés à l'am- ✔ Mansur al Horsome, condamné à l'issue d'un pro- putation croisée de la main droite et du pied gauche cès inéquitable pour le meurtre de son épouse, com- par un tribunal pénal d'Al Beidha. Ali M. Hassan, mis en 1993, a été exécuté le 2 février. Selon certaines Ahmad A. al Taibi, Naji A. al Taibi et Mused Saleh sources, le président du tribunal était un parent de la avaient été reconnus coupables de banditisme, d'enlè- victime. Mansur al Horsome n'a apparemment pas vement et de constitution de bande armée. Un cin- bénéficié des facilités nécessaires à la préparation de sa quième homme déclaré coupable de vol de voitures a défense. Son avocat, qui avait, semble-t-il, perdu le été condamné à l'amputation de la main droite. On dossier, ne s’est pas concerté avec son client et ne l'a ignorait si ces peines avaient été appliquées. pas tenu informé du déroulement de la procédure. ✔ En septembre, un tribunal de Sanaa a condamné à ✔ La condamnation à mort de Fuad Ali Mohsen l'amputation croisée Muhammad Ali al Sandahi al Shahari a apparemment été confirmée pour la Bayaqa, reconnu coupable de vol à main armée. On seconde fois par la cour d'appel de Taizz en avril. ignorait si la peine avait été appliquée. Condamné à mort en 1996, cet homme avait vu la sentence confirmée à l'issue de la procédure d'appel en Peine de mort 1997. La Cour suprême avait renvoyé le dossier Des sentences capitales ont été prononcées et 10 exé- devant la cour d'appel en 2000. Fuad al Shahari avait cutions ont été signalées. Selon certaines sources, plu- été reconnu coupable, à l'issue d'un procès inique, du sieurs centaines de prisonniers se trouvaient sous le meurtre d'un capitaine de la Sécurité politique. coup d'une condamnation à mort à la fin de l'année. Détenu au secret pendant plusieurs semaines, il aurait ✔ Ahmad Nasser al Zaidi a été condamné à mort le été contraint sous la torture de faire des «aveux». Selon 3 avril par une cour d'appel. Ahmad Zaidi et quatre certaines sources, des témoins essentiels de la défense autres hommes jugés par contumace avaient été ont fait l'objet d’actes d'intimidation visant à les reconnus coupables de l'enlèvement d'un homme empêcher de déposer. d'affaires allemand en novembre 2001 à Maarib, et condamnés, en décembre 2001, à des peines Visites d'Amnesty International d'emprisonnement. Ahmad Zaidi avait été condamné Des délégués d'Amnesty International se sont rendus en première instance à vingt-cinq ans de détention et au Yémen aux mois de février et d’août pour s'entrete- ses coaccusés à vingt ans de détention chacun, nir avec des responsables gouvernementaux de la par une juridiction d'exception chargée des affaires dégradation de la situation des droits humains dans le d'enlèvement d'étrangers et d'actes de sabotage. pays à la suite des attentats du 11 septembre 2001, La cour d'appel a confirmé les peines d'emprisonne- enquêter sur les arrestations massives, rencontrer des ment prononcées contre trois des accusés et a membres d'organisations non gouvernementales et acquitté le quatrième. mener des recherches.◆ YOUGOSLAVIE RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE HONGRIE DE YOUGOSLAVIE SLOVÉNIE (SERBIE ET MONTÉNÉGRO) CAPITALE : Belgrade CROATIE SUPERFICIE : 102 173 km2 ROUMANIE POPULATION : 10,5 millions BOSNIE- BELGRADE CHEF de l’’ÉTAT : HERZÉGOVINE Vojislav Kostunica CHEF du GOUVERNEMENT : YOUGOSLAVIE Dragisa Pesic BULGARIE PEINE DE MORT : Pristina abolie en juin pour tous les crimes Kosovo mer COUR PÉNALE Adriatique Ex-Rép. y. INTERNATIONALE : ALBANIE de Macédoine Statut de Rome ratifié ITALIE 0 200 km GRÈCE

408 YO es autorités n’ont généralement pas cherché Des accrochages sporadiques ont continué de se pro- à régler le problème de l’impunité dont duire dans le sud de la Serbie, dans la vallée de Ljouissaient les responsables des crimes de guerre Presevo, qui avait été le théâtre, en 2001, d’affronte- commis en Bosnie-Herzégovine, en Croatie et au ments entre les forces de sécurité serbes et les combat- Kosovo. Les cas de mauvais traitements, voire de tants d’un groupe armé recrutant au sein de la torture, en garde à vue étaient fréquents. Une population albanophone. La situation dans ce secteur personne au moins serait morte des suites de a cependant évolué vers une plus grande stabilité. sévices infligés par des policiers. Les Rom Les élections municipales de juillet ont accordé la (Tsiganes), notamment les personnes déplacées majorité à des candidats appartenant à la communauté originaires du Kosovo, se heurtaient toujours à albanaise, à Presevo comme à Bujanovac. de graves discriminations. On estimait à 230 000 Le Kosovo était toujours administré par la MINUK, le le nombre de personnes déplacées (Serbes et pouvoir exécutif étant exercé par le représentant spé- Rom confondus) ayant quitté le Kosovo pour se cial du secrétaire général des Nations unies au Kosovo. réfugier ailleurs en République fédérale de L’Assemblée du Kosovo, organe du gouvernement Yougoslavie. Le pays abritait également quelque autonome provisoire au Kosovo, s’est réunie pour la 390 000 réfugiés originaires de Bosnie- première fois le 4 mars. Ibrahim Rugova, dirigeant de Herzégovine et de Croatie. Un certain nombre la Lidhja Demokratike e Kosovës (LDK, Ligue démocra- d’objecteurs de conscience ont été emprisonnés. tique du Kosovo), a été nommé président et Bajram Au Kosovo, la Mission d’administration Rexhepi, du Partia Demokratike e Kosovës (PDK, Parti intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) démocratique du Kosovo), Premier ministre. Les élec- a arrêté plusieurs anciens membres de l’ Ushtria tions municipales d’octobre ont été remportées par la Çlirimtare e Kosovës (UÇK, Armée de libération LDK. À Mitrovica, une ville divisée selon un clivage du Kosovo). Certains ont été jugés et ethnique et qui a été en avril le théâtre d’émeutes, au emprisonnés pour des exactions commises cours desquelles des Serbes s’en sont pris à du person- en 1999 contre des civils. Les minorités du nel de la MINUK, la décision de boycottage des élec- Kosovo étaient toujours en butte à des tions prise par les Serbes s’est traduite par la mise en agressions à mobile ethnique et à des pratiques place d’une administration entièrement albanaise. discriminatoires. La KFOR (Force internationale Des mesures ont été prises pour démanteler les struc- de paix au Kosovo), sous commandement tures administratives parallèles serbes établies (initiale- de l’ OTAN, n’a pas respecté les normes ment avec le soutien de la Serbie) dans la partie nord internationales dans la manière dont elle de la ville, à majorité serbe. a traité un certain nombre de suspects placés en détention. Serbie et Monténégro Abolition de la peine de mort Contexte Le Parlement serbe a aboli la peine de mort pour tous Les accords de Belgrade ont été signés en mars, sous la les crimes en février. Le Parlement monténégrin a fait pression de l’Union européenne. Ces accords pré- de même en juin. voyaient le maintien d’une forme d’union peu contrai- Primauté de la loi et administration de la justice gnante entre les deux Républiques de Serbie et du Un nouveau Code de procédure pénale a été adopté Monténégro, avec possibilité pour chacune des deux en mars. Les personnes placées en détention pouvaient parties de faire sécession au bout de trois ans. désormais avoir accès sans délai à un avocat. Le nou- L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe veau Code permettait toutefois à la police de placer en s’est prononcée, en septembre, en faveur de l’adhésion garde à vue pendant quatre heures les personnes de la République fédérale de Yougoslavie au Conseil, entendues comme témoins et pendant vingt-quatre dès que la nouvelle Constitution aura été arrêtée. Les heures celles qui relevaient de la législation sur la parties se sont entendues sur un texte définitif en petite délinquance, sans qu’elles puissent voir leur avo- décembre, mais celui-ci n’avait pas été officiellement cat. Il n’existait toujours aucune loi nationale érigeant approuvé à la fin de l’année. Pendant ce temps, le la torture en infraction. La police restait presque tota- Monténégro a choisi de ne pas reconnaître la nouvelle lement à reconstruire. Dans de nombreuses régions, législation fédérale. Les élections présidentielles, dont les policiers avaient recours aux mauvais traitements l’une s’est tenue en octobre et décembre en Serbie, et de façon habituelle. Quelques initiatives ont été prises l’autre en décembre au Monténégro, n’ont pas permis pour améliorer le fonctionnement de la justice, mais, de départager les candidats, la participation ayant été globalement, le système judiciaire est resté inchangé. dans les deux cas inférieure au seuil minimum requis. Les tribunaux ont continué d’accorder des réparations Les élections législatives qui ont eu lieu au dans 66 affaires de violations présumées des droits Monténégro au mois d’octobre ont donné la majorité humains, commises en 2000 par la police serbe sur des absolue au parti indépendantiste du président Milo membres du groupe d’opposition Otpor (Résistance). Djukanovic, qui a lui-même démissionné de ses fonc- Crimes de guerre tions de chef de l’État en novembre pour devenir Le procès de l’ancien président Slobodan Milosevic, Premier ministre. accusé d’être responsable de crimes de guerre commis 409 YO en Croatie, en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo, s’est lisé en novembre, apparemment en raison des menaces ouvert en février devant le Tribunal pénal internatio- qu’aurait reçues le procureur. nal pour l’ex-Yougoslavie (le Tribunal). Le Parlement Exhumations fédéral a adopté en avril une loi sur la coopération De nouvelles exhumations ont eu lieu. Elles concer- avec le Tribunal, qui a donné lieu à de nombreuses naient les corps de victimes albanaises qui avaient été critiques, essentiellement parce qu’elle ne s’appliquait transportés du Kosovo, lors de la campagne de l’OTAN qu’aux personnes déjà inculpées au moment de son dans cette région en 1999, pour être ré-enterrés dans entrée en vigueur. Après l’adoption de cette loi, les des fosses communes en Serbie. Trois protocoles autorités ont décerné des mandats d’arrêt contre signés en février entre la MINUK et la République fédé- 17 inculpés. Toutefois, un seul d’entre eux a été arrêté rale de Yougoslavie ont instauré entre les parties une et remis au Tribunal. Cinq autres se sont volontaire- coopération qui devait permettre le rapatriement des ment constitués prisonniers, visiblement à la suite de restes identifiés, l’échange de compétences médicolé- pressions économiques extérieures, émanant principa- gales et l’inspection des prisons clandestines par des lement des États-Unis. Les pouvoirs publics ont stric- équipes conjointes de vérification. Les exhumations tement limité la possibilité pour le Tribunal d’accéder ont été effectuées sous la surveillance et avec l’aide de aux documents et aux témoins. En outre, leur volonté la Commission internationale des personnes disparues de procéder à l’arrestation des inculpés s’est avérée dans l’ex-Yougoslavie. Des opérations d’exhumation presque inexistante. de corps de Croates ou de Bosniaques, tués au cours Quelques avancées limitées ont été relevées en ce qui des guerres qui se sont déroulées de 1991 à 1995, ont concerne les procès pour crimes de guerre devant les également débuté en mars, après des années de négo- tribunaux nationaux. ciations entre gouvernements. Deux cent vingt-trois ✔ Nebojsa Ranisavljevic a été condamné en sep- corps ont ainsi pu être exhumés. Un laboratoire d’ana- tembre par un tribunal du Monténégro à quinze lyse de l’ADN a été mis en place pour permettre l’iden- années d’emprisonnement pour sa participation à la tification des victimes. prise du train Belgrade-Bar en gare de Strpci (Bosnie- Les Rom Herzégovine) en 1993, et à l’enlèvement puis au Les Rom étaient toujours victimes de discriminations, meurtre de 20 passagers (19 Musulmans et un Croate) malgré l’adoption, en février, d’une Loi fédérale sur la qui voyageaient à son bord. Nebojsa Ranisavljevic a protection des droits et des libertés des minorités été la seule personne arrêtée et inculpée, alors que des nationales. Pour la seule ville de Belgrade, de 30 000 à éléments présentés au cours d’un procès qui a duré 40 000 Rom vivaient dans des campements insalubres, quatre ans tendaient à prouver l’implication d’un souvent abandonnés par les services de l’État. Le chô- groupe paramilitaire dans cette affaire. Des documents mage était toujours proportionnellement plus élevé au produits lors du procès ont clairement montré que sein de la communauté rom. Les Rom subissaient fré- d’anciens responsables politiques et militaires avaient quemment des agressions de la part de groupes su que les enlèvements étaient prévus. racistes, et les pouvoirs publics ne leur accordaient ✔ Dragutin Dragicevic et Djordje Sevic ont été arrêtés, manifestement pas la protection nécessaire. D’après respectivement en juin et en octobre, pour l’enlèvement certaines informations, ils étaient en outre souvent et le meurtre, en octobre 1992, de 17 Musulmans, dont maltraités par la police. 16 avaient été contraints de quitter un car à bord La majorité des Rom qui avaient fui le Kosovo après duquel ils circulaient en Bosnie-Herzégovine. Sept juillet 1999 restaient confrontés à de graves problèmes, autres personnes ont été inculpées dans cette affaire. exacerbés par les difficultés qu’ils rencontraient pour ✔ Un ancien soldat, Ivan Nikolic, a été condamné en régulariser leur situation. Certains fonctionnaires refu- juillet, à Prokuplje, à huit ans d’emprisonnement pour saient apparemment de délivrer une carte d’identité à avoir tué deux civils appartenant à la communauté des personnes ayant pourtant produit les documents albanaise. Il s’agissait du premier procès devant la jus- nécessaires. Les Rom qui n’avaient pas de papiers en tice yougoslave (hors Kosovo) d’un Serbe accusé de règle ou qui ne pouvaient pas prouver leur nationalité se violations des droits humains commises au cours du voyaient régulièrement refuser l’accès aux soins et aux conflit au Kosovo. prestations sociales. Les enfants étaient victimes de dis- ✔ Deux officiers de l’armée et deux réservistes ont été crimination en matière d’enseignement. Au mois reconnus coupables de crimes de guerre, en octobre, à d’avril, puis au mois de novembre, des Rom ont été Nis. Ils ont été condamnés à des peines allant de trois expulsés des habitations de fortune dans lesquels ils à sept ans d’emprisonnement, pour le meurtre de deux vivaient à Autokomanda, un quartier de Belgrade. Albanais. Mauvais traitements policiers et impunité L’opposition d’une grande partie de l’opinion Les brutalités policières et autres mauvais traitements publique à ces procès s’est exprimée à l’occasion étaient toujours aussi fréquents. Une personne au d’importantes manifestations organisées devant le tri- moins serait morte en garde à vue des suites des sévices bunal de Prokuplje. Le président du tribunal a été qui lui auraient été infligés. Pourtant, rares étaient les menacé à plusieurs reprises. Le procès de deux réser- policiers condamnés pour de tels actes et, même vistes de la police, inculpés du meurtre de 19 Albanais, quand ils l’étaient, les peines imposées étaient généra- qui avait débuté à Prokuplje, a finalement été déloca- lement inférieures à six mois d’emprisonnement et 410 YO étaient souvent assorties d’un sursis (toute condamna- ensuite été de nouveau appelé et risquait donc d’être tion d’un policier à une peine égale ou supérieure à six de nouveau jugé et condamné. mois d’emprisonnement entraînant le renvoi automa- tique de la police). Seule exception signalée : la déci- Kosovo (Kosova) sion prise en janvier par la Cour suprême de Serbie de Crimes de guerre et impunité porter à dix-huit mois la peine de dix mois d’empri- La justice a continué de rejuger les Serbes condamnés sonnement à laquelle avait initialement été condamné une première fois pour crimes de guerre ou génocide un policier reconnu coupable de mauvais traitements. par des tribunaux majoritairement composés ✔ Nenad Miljkovic, dix-huit ans, aurait été torturé au d’Albanais. À plusieurs reprises, des charges moins mois de juin par trois policiers du poste de Vucje, près graves ont finalement été retenues ou des peines plus de Leskovac, qui lui auraient donné des coups sur la légères ont été prononcées. La MINUK a arrêté et plante des pieds, afin de lui faire « avouer » un vol. inculpé plusieurs anciens membres de l’Ushtria ✔ Nenad Tasic, vingt-trois ans, a été arrêté le 18 août Çlirimtare e Kosovës (UÇK, Armée de libération du et conduit au poste de police de Vranje. Là, il aurait Kosovo), pour des crimes commis en 1998 et 1999. été frappé à coups de matraque par deux policiers, qui En décembre, quatre anciens membres importants de auraient essayé ainsi de lui extorquer des renseigne- l’UÇK ont été condamnés à des peines allant de trois à ments. Le jeune homme a été emmené sans connais- quinze ans d’emprisonnement, pour la séquestration sance à l’hôpital de Vranje, puis transporté en urgence et le meurtre de quatre Albanais, en juin 1999. à Nis, pour y subir une opération du cerveau. Au mois d’avril, la procureure du Tribunal a confirmé Souffrant de graves lésions cérébrales, il est resté dans qu’une enquête avait été ouverte concernant trois sus- le coma jusqu’au 2 septembre. pects ayant appartenu à l’UÇK. ✔ Le 8 novembre, M.S et A.S., deux frères rom âgés res- Minorités pectivement de treize et onze ans, ont été interpellés à Bien que moins nombreuses que les années précé- Niksic, au Monténégro, parce qu’ils étaient soupçonnés dentes, les agressions commises par des groupes d’un vol. Ils auraient tous deux été frappés à coups de racistes contre les minorités se sont poursuivies pen- matraque par deux policiers, sur la plante des pieds et dant toute l’année 2002. Les auteurs de ces actes jouis- sur le corps. M.S aurait reçu un coup de pied à la tête et saient d’une quasi-impunité. Dans de nombreuses son frère aurait été menacé avec un couteau. zones, les personnes appartenant à des minorités ✔ Le 5 décembre, Milan Jezdovic, vingt-quatre ans, dépendaient entièrement pour leurs déplacements de aurait été torturé à mort dans un poste de police de la protection de la KFOR. Les minorités étaient en Belgrade. Soupçonné d’avoir revendu de la drogue, le butte à la discrimination en matière d’emploi, de soins jeune homme avait été arrêté en compagnie de huit médicaux et d’enseignement. Les retours de réfugiés et autres personnes. Toutes ont déclaré que les policiers de personnes déplacées n’ont pas été très nombreux, leur avaient recouvert la tête de sacs en plastique mais ils ont néanmoins légèrement augmenté. étanches. Certaines d’entre elles ont affirmé qu’elles Prisonniers albanophones incarcérés en Serbie avaient été frappées et torturées à l’électricité. Plusieurs De mars à mai, aux termes d’un accord entre la ont dit avoir entendu Milan Jezdovic crier que le sac en MINUK et les autorités de la République fédérale de plastique qu’il avait sur la tête l’empêchait de respirer. Yougoslavie, plus de 160 Albanais ont été transférés au Le rapport officiel d’autopsie concluait que le jeune Kosovo depuis les prisons serbes où ils se trouvaient. homme était mort d’une crise cardiaque. Un autre La plupart d’entre eux avaient été emmenés en juillet médecin a cependant relevé sur la tête de la victime des 1999 en Serbie, où ils avaient ensuite été condamnés à traces de brûlures susceptibles de correspondre à des l’issue de procès non équitables. Cent six d’entre eux points d’application de décharges électriques. ont été remis en liberté après examen de leur dossier Recours à une force excessive par des juges et des procureurs internationaux. Agim Agushi, membre de la communauté albanaise « Disparitions » et enlèvements du village de Miratovac, a été abattu le 9 juin par un L’unité chargée des personnes disparues de la Police soldat, près de la frontière macédonienne. Le militaire, civile des Nations unies (CIVPOL) a un peu progressé qui se trouvait seul de garde le long de la frontière, le dans l’identification des personnes « disparues » ou soupçonnait apparemment de faire de la contrebande. enlevées. Plusieurs nouveaux corps ont été exhumés. Il l’aurait tué après que celui-ci eut refusé d’obéir à ses Toutefois, on n’a guère vu avancer les enquêtes sur les sommations. Le meurtrier aurait été suspendu. quelque 4 000 cas de « disparition » ou d’enlèvement Objecteurs de conscience non élucidés ; la lumière est loin d’être faite sur le sort La législation ne prévoyait toujours pas de réelle solu- réservé aux quelque 1 200 Serbes, Rom et autres tion civile de remplacement du service militaire. Au membres de minorités enlevés, notamment par l’UÇK, moins sept jeunes gens ont été condamnés pour avoir après l’entrée de la KFOR au Kosovo. refusé, pour des raisons de conscience, d’effectuer leur Traite des femmes et des jeunes filles service militaire. Deux au moins ont été emprisonnés. La traite des femmes et des jeunes filles amenées au ✔ Nenad Kostovic est témoin de Jéhovah. Jugé le Kosovo pour alimenter des réseaux de prostitution n’a 24 avril, il a été incarcéré pendant quatre mois pour pas cessé, malgré les efforts entrepris pour appliquer avoir refusé d’effectuer son service militaire. Il aurait plus rigoureusement la législation en vigueur et la 411 ZA nomination, en mars, d’un coordonnateur chargé de conduit en voiture de l’autre côté de la frontière, en l’aide aux victimes. Selon les informations reçues, Macédoine, d’où il aurait pris un avion pour environ 60 p. cent des victimes de cette traite étaient l’Autriche. Le gouvernement autrichien a refusé originaires de Moldavie. d’extrader ou de traduire lui-même en justice cet Placements en détention par la KFOR homme, qui faisait pourtant l’objet d’un mandat La KFOR a, cette année encore, procédé à des place- d’arrêt international. ments illégaux en détention. ✔ Trois collaborateurs étrangers d’une organisation Visites d’Amnesty International islamique d’aide humanitaire, Muhamed Zentagui, Des délégués d’Amnesty International se sont rendus Redouane Guesmia et Ameur Sofiane, ont été arrêtés au Kosovo en mars et en Serbie en juillet, pour y effec- en juillet et maintenus en détention de quarante-trois tuer des recherches.◆ à cinquante et un jours, sans mandat judiciaire. Impunité accordée aux agents de la communauté Autres documents d’Amnesty International internationale Federal Republic of Yugoslavia (Kosovo): International ✔ Un agent de la CIVPOL de nationalité autrichienne, officials flout international law [Yougoslavie (Kosovo). soupçonné d’avoir torturé et maltraité un détenu alba- Des représentants de la communauté internationale nais, a été arrêté en février après que l’immunité judi- bafouent le droit international] ciaire dont il bénéficiait, à l’instar de tous les membres (EUR 70/008/02). du personnel de la MINUK, eut été levée. D’autres République fédérale de Yougoslavie. Les préoccupations fonctionnaires autrichiens l’auraient cependant d’Amnesty International (EUR 70/010/02). ZAMBIE

RÉPUBLIQUE DE ZAMBIE lac CAPITALE : Lusaka Tanganyika RÉPUBLIQUE SUPERFICIE : 752 614 km2 DÉMOCRATIQUE TANZANIE POPULATION : 10,9 millions DU CONGO CHEF de l’ÉTAT et du GOUVERNEMENT : lac Frederick Titus Chiluba, remplacé ANGOLA Ndola Malawi par Levy Mwanawasa le 2 janvier PEINE DE MORT : maintenue ZAMBIE MALAWI COUR PÉNALE LUSAKA INTERNATIONALE : Statut de Rome ratifié ZIMBABWE MOZAMBIQUE NAMIBIE BOTSWANA 0 250 km

décembre 2001 ont été suivies de mouvements de pro- ette année encore, la police testation au cours desquels la police aurait arrêté s’est rendue responsable de nombreuses 34 manifestants ; ces derniers ont été relâchés peu Cviolations des droits humains. Les autorités après sans inculpation. Trois partis d’opposition – le ont continué de harceler et d’intimider United Party for National Development (UPND, Parti les personnes considérées comme critiques uni pour le développement national), le Forum for à l’égard du gouvernement, notamment Democracy and Development (FDD, Forum pour la les journalistes indépendants. Au moins démocratie et le développement) et le Heritage Party 25 personnes ont été condamnées à mort ; (HP, Parti Héritage) – ont introduit une requête il n’y a eu aucune exécution. devant la Cour suprême en janvier, affirmant que le président Mwanawasa avait été élu grâce à la fraude et Contexte à la corruption et demandant l’annulation des résultats Entachées d’irrégularités selon les observateurs, les du scrutin. La Cour suprême n’avait pas rendu sa déci- élections présidentielle, législatives et locales de sion à la fin de l’année. 412 ZA La sécheresse, les inondations et l’insuffisance des même publication, ont été accusés par le chef de l’État récoltes ont provoqué une grave pénurie alimentaire d’outrage à magistrat en septembre. Ils avaient publié qui a touché quelque trois millions de Zambiens. un article affirmant que le président Mwanawasa avait augmenté les traitements des juges de la Cour suprême Maintien de l’ordre « pour s’attirer les bonnes grâces des magistrats » avant La police a recouru à une force excessive pour disper- l’examen d’une requête déposée par des partis d’oppo- ser des rassemblements politiques considérés comme sition qui contestaient la validité de l’élection prési- illégaux, blessant grièvement un certain nombre de dentielle. En novembre, la Cour suprême a rejeté la manifestants non armés. Des policiers ont également demande du président visant à faire citer les deux jour- fait un usage excessif de la force pour procéder à nalistes à comparaître. l’arrestation de personnes soupçonnées d’avoir commis ✔ Un député de l’UPND, Vitalis Mooya, a été arrêté une infraction ; plusieurs d’entre elles ont ainsi été en octobre sur ordre du président Mwanawasa. Il a été blessées, et certaines seraient mortes des suites des vio- inculpé de fausses déclarations visant à susciter la peur lences infligées. Les suspects étaient couramment déte- au sein de l’opinion publique. Il avait affirmé publi- nus au-delà de la durée légale de vingt-quatre heures. quement que les habitants du sud du pays étaient en Les suspects de droit commun étaient régulièrement train de mourir de faim à cause de la pénurie alimen- soumis à la torture et à d’autres formes de mauvais taire. Le Director of Public Prosecutions (DPP, équiva- traitements durant leur interrogatoire. La police a lent du substitut du procureur général) a ordonné sa arrêté illégalement des proches de personnes soupçon- remise en liberté au cours du même mois, et toutes les nées d’une infraction, afin de faire pression sur celles- charges retenues contre lui ont été abandonnées.◆ ci pour qu’elles se rendent ; ces proches – souvent des femmes et des enfants – ont parfois été ainsi détenus Autres documents d’Amnesty International pendant plus d’un mois. Les conditions de détention Maintien de l’ordre et protection des droits humains. étaient éprouvantes, notamment en raison de la surpo- Bilan des pratiques policières dans la Communauté pulation carcérale et du manque de nourriture. Le de développement de l’Afrique australe (1997-2002) nombre de morts parmi les personnes placées en (AFR 03/004/02). détention provisoire a augmenté. ✔ En février, Alison Phiri est mort en garde à vue après avoir été arrêté pour un vol présumé. L’autopsie a révélé qu’il avait été frappé et torturé, apparemment par des policiers, pendant sa garde à vue. Une enquête pour rechercher les causes de la mort d’Alison Phiri devait être ouverte en novembre, mais elle n’avait pas été menée à la fin de l’année.

Liberté d’expression et de rassemblement Des policiers et des sympathisants du parti au pouvoir, le Movement for Multi-Party Democracy (MMD, Mouvement pour le pluralisme démocratique), ont continué de harceler les personnes considérées comme critiques à l’égard du gouvernement, notamment les journalistes indépendants. La police invoquait la Loi relative à l’ordre public pour refuser de façon arbitraire aux partis d’opposition et aux organisations non gouver- nementales l’autorisation de manifester publiquement. En octobre, des organisations zambiennes de profes- sionnels des médias et des députés de l’opposition ont fait pression pour que la législation en vigueur régis- sant le mode de fonctionnement des médias soit modifiée dans un sens plus libéral. Les propositions de loi n’ont pas été approuvées par le Parlement et le gouvernement a repris les textes pour les modifier. Les nouvelles versions, le projet de loi relatif à la Zambia National Broadcasting Corporation, le projet de loi relatif à la liberté de l’information et le projet de loi relatif à l’Independent Broadcasting Authority, étaient toutes passées en seconde lecture devant le Parlement à la fin de l’année. ✔ Arthur Simuchoba, rédacteur en chef du journal The Monitor, et Chali Nondo, journaliste dans cette 413 ZI ZIMBABWE RÉPUBLIQUE DU ZIMBABWE ZAMBIE MALAWI CAPITALE : Harare SUPERFICIE : 390 759 km2 HARARE POPULATION : 13,1 millions NAMIBIE MOZAMBIQUE CHEF de l’ÉTAT ZIMBABWE et du GOUVERNEMENT : Robert G. Mugabe canal de Bulawayo Mozambique PEINE DE MORT : maintenue BOTSWANA COUR PÉNALE INTERNATIONALE : AFRIQUE 0 400 km Statut de Rome signé DU SUD

e président Robert Mugabe a été réélu faire du cas du Zimbabwe un test de l’efficacité de la en mars alors que s’exprimaient de sérieux nouvelle Union africaine et du Nouveau partenariat Ldoutes quant à l’honnêteté et à la transparence pour le développement de l’Afrique (NPDA) ont du scrutin. La campagne électorale et la période échoué, en raison de la réticence de la plupart des diri- qui a suivi ont connu un climat délétère marqué geants africains à condamner le bilan du gouverne- par des actes d’intimidation, des arrestations ment zimbabwéen en matière de droits humains. arbitraires, des actes de torture et des attaques Quant à la Commission des droits de l’homme des contre l’opposition politique. Les mêmes Nations unies, elle a décidé de ne pas se prononcer sur exactions se sont reproduites lors des élections un projet de résolution critiquant le Zimbabwe en municipales et des législatives partielles, qui ont votant une motion de « non-action ». également eu lieu au cours de l’année. Parmi les En mai, le gouvernement a notifié à plus de atteintes aux droits humains signalées en 2002, 2 500 propriétaires d’entreprises agricoles l’ordre de on compte au moins 58 assassinats politiques et quitter leurs exploitations, en application de l’article 8 un recours généralisé à la torture de la Loi relative à l’acquisition de terres. Par la suite, et aux mauvais traitements dans tout le pays. environ 250 agriculteurs qui n’avaient pas respecté la Les lois adoptées durant l’année ont contribué date butoir ont été arrêtés. Bien que la Haute Cour ait à réduire encore un peu plus les libertés estimé en août que ces mandats d’expulsion n’étaient d’expression, d’association et de réunion. pas légaux, de nouvelles modifications apportées à la On estimait à environ six millions le nombre Loi relative à l’acquisition de terres ont permis de léga- de Zimbabwéens qui, à la fin de l’année, liser les mandats délivrés au mois de mai. risquaient d’être touchés par la famine. Des soldats des Forces de défense du Zimbabwe ont La sécheresse qui a frappé la sous-région participé à des exécutions extrajudiciaires et à d’autres a provoqué une pénurie alimentaire que violations graves des droits humains dans les conces- n’ont fait qu’aggraver l’acquisition par sions de diamants situées en République démocratique le gouvernement des entreprises agricoles du Congo (RDC). Le retrait officiel des troupes zim- et les manipulations politiques auxquelles se babwéennes de RDC devait être achevé en octobre. sont livrés les responsables et les sympathisants de la Zimbabwe African National Union- Élections Patriotic Front (ZANU-PF, Union nationale La communauté internationale – notamment les africaine du Zimbabwe-Front patriotique, observateurs envoyés par la Communauté de dévelop- le parti au pouvoir) concernant la distribution pement de l’Afrique australe et du Commonwealth – de l’aide alimentaire. et la société civile zimbabwéenne ont exprimé de pro- fondes réserves concernant l’honnêteté et la transpa- Contexte rence de l’élection présidentielle de mars ; de Les différentes initiatives de la « troïka » du nombreux éléments indiquaient en effet que la ZANU- Commonwealth (composée du Premier ministre PF avait truqué le scrutin, usé de violence contre les d’Australie et des présidents d’Afrique du Sud et du partisans de l’opposition, empêché des milliers d’élec- Nigéria) n’ont pas permis de résoudre une crise poli- teurs d’aller voter et manipulé le code électoral aussi tique qui est allée en s’aggravant. Les efforts visant à bien avant que pendant l’élection. 414 ZI Au lendemain de celle-ci, le Commonwealth a sus- salle d’audience et agressé par des individus qui étaient pendu le Zimbabwe de ses fonctions au sein de ses ins- probablement des « vétérans ». Il semble que le motif de tances dirigeantes, refusant toutefois la suspension cette agression soit à rapprocher du refus de ce magis- totale du pays. trat de déférer à une requête de l’État, qui demandait le De nombreux observateurs d’organisations représenta- placement en détention de cinq responsables du MDC tives de la société civile n’ont pas reçu l’agrément offi- accusés d’avoir incendié deux tracteurs appartenant à ciel leur permettant de surveiller le déroulement de l’État. Le magistrat a fondé sa décision sur l’insuffisance l’élection présidentielle, et le déploiement des observa- des preuves produites par les autorités. teurs internationaux a fait l’objet de mesures restric- tives. Les actes d’intimidation et de harcèlement ainsi Participation de la police à des violations que les attaques contre les membres de partis d’oppo- Plus encore que l’an dernier, le gouvernement s’est sition et leurs sympathisants, menées par des servi de la police pour réprimer les libertés d’expres- « vétérans » (anciens combattants de la guerre d’indé- sion, d’association et de réunion. Durant la campagne pendance) et des milices à la solde de l’État, ont été présidentielle, les rassemblements de l’opposition et systématiques tant pendant la campagne électorale que autres manifestations collectives ont été la cible de vio- dans la période qui a suivi le scrutin. lences à caractère politique perpétrées par des milices Les responsables et les partisans du Movement for de jeunes inféodées à la ZANU-PF, agissant bien sou- Democratic Change (MDC, Mouvement pour le chan- vent en collusion directe avec la police. Des policiers gement démocratique) engagés comme scrutateurs ont ont également commis de leur propre chef des été menacés, agressés ou enlevés. En avril, le MDC a atteintes aux droits humains, notamment des arresta- introduit une requête au titre de la Loi électorale pour tions arbitraires, des mises en détention illégales, des contester les résultats de l’élection présidentielle. À la agressions et des actes de torture. La police s’est gardée fin de l’année, aucune date n’avait été arrêtée pour d’intervenir pour protéger les communautés attaquées l’examen de la requête par la justice. par les milices de la ZANU-PF, alors qu’elle offrait sa Les élections municipales de septembre et les élections protection aux miliciens accusés d’être les auteurs des- législatives partielles qui se sont déroulées dans les cir- dites attaques. Lorsqu’ils étaient appréhendés, les res- conscriptions de Hurungwe West (province du ponsables présumés de ces atteintes aux droits Mashonaland-Ouest) et d’Insiza (province du humains n’étaient pas déférés à la justice, pas plus que Matebeleland-Sud) ont également été entachées de les policiers ayant participé aux violations perpétrées violences à caractère politique et de manœuvres d’inti- par les milices ou les ayant couvertes. Les policiers midation dirigées contre les candidats de l’opposition ayant osé se montrer impartiaux ont été démis de leurs et leurs partisans. fonctions, rétrogradés à des postes moins importants ou mutés dans l’administration. Impunité Les victimes de violations de leurs droits humains se sont Torture et mauvais traitements systématiquement heurtées au refus répété et délibéré des Plus de 1 000 cas de torture et de mauvais traitements autorités de traduire en justice les responsables présumés ont été signalés au cours de l’année 2002. Les victimes de ces actes. Les forces de sécurité de l’État – policiers, étaient en premier lieu visées en raison de leur affilia- officiers de l’armée et agents de la Central Intelligence tion, réelle ou supposée, à un parti d’opposition. Au Organization (CIO, Organisation centrale de renseigne- nombre des responsables de ces agissements figuraient ments) – ont commis en toute impunité de nombreuses des membres de la police nationale, des agents de la atteintes aux droits humains. Les autorités ont en outre CIO et des soldats de la Zimbabwe National Army organisé des milices et des groupes de « vétérans », ont (ZNA, Armée nationale du Zimbabwe). coordonné leur action et les ont encouragés à recourir à la Les milices de la ZANU-PF composées de jeunes, menace, à l’agression, à l’enlèvement, à la torture et à entraînés dans des camps du Service national de la jeu- l’assassinat de partisans de l’opposition et de défenseurs nesse installés un peu partout dans le pays, ont été des droits humains avérés ou supposés. déployées dans les banlieues et les zones rurales pen- dant la campagne électorale. Ces milices ont participé Atteintes à l’État de droit aux actions de harcèlement systématique dirigées Les actes d’intimidation et les attaques contre les contre l’opposition politique et ont eu massivement représentants de la justice et les avocats se sont multi- recours à la torture. On a assisté à une augmentation pliés. Des juges et des magistrats qui faisaient preuve du nombre de viols et autres formes de tortures d’indépendance dans l’administration de la justice ont sexuelles dont ont été victimes des femmes soupçon- été menacés de faire l’objet d’enquêtes et de sanctions nées de soutenir les partis d’opposition. Ces actes disciplinaires en raison de prétendues fautes profes- d’intimidation et ces violences à caractère politique sionnelles. Ils ont également été la cible d’actes d’inti- ont engendré un climat de peur qui a permis aux midation et d’attaques lorsque leurs jugements étaient auteurs d’atteintes aux droits humains d’agir en toute perçus comme favorables aux partisans du MDC. impunité. ✔ Au mois d’août, Walter Chikwanha, magistrat de la ✔ Cinq hommes – Tendai Maluzi, Cosmos et circonscription de Chipinge, a été traîné hors de la Barbabas Ndira, Tom Spicer et Reuben Tichareva – 415 ZI ont été arrêtés en septembre et inculpés de violences ZANU-PF. Cet homme a été relaxé mais, dans les publiques, au titre de la Loi relative à l'ordre public et heures qui ont suivi le verdict, son expulsion lui a été à la sécurité, après que des policiers eurent été la cible notifiée par le ministère de l’Intérieur. Une requête de jets de pierres lancées par une foule dans une ban- introduite devant la Haute Cour a permis d’obtenir la lieue de Harare. Les cinq hommes étaient membres du suspension de l’ordonnance d’expulsion, et l’affaire a mouvement des jeunes du MDC. Ils auraient été battus été renvoyée devant la Cour suprême. Aucune date n’a et torturés durant les trois jours de leur garde à vue. été fixée pour l’examen du dossier par la Haute Cour. Tom Spicer a été soumis à des décharges électriques et frappé sur la plante des pieds. Attaques contre les médias indépendants Outre l’introduction de lois restreignant les libertés, le Nouvelles lois restrictives gouvernement a intensifié sa répression envers des La Loi relative à l'ordre public et à la sécurité, entrée journalistes et des organes d’information indépendants en vigueur en janvier 2002, limitait gravement les en recourant au harcèlement, aux agressions et aux libertés civiles et criminalisait tout un ensemble d’acti- arrestations arbitraires. Au moins 12 journalistes ont vités liées à l’exercice des libertés d’expression, de été interpellés, certains à plusieurs reprises, à la suite réunion et d’association. Cette loi prévoyait des peines de la promulgation de la Loi sur l’accès à l’information d’emprisonnement pour les journalistes reconnus cou- et la protection de la vie privée. Le ministère de pables d’avoir provoqué « des sentiments de haine, des l’Information a refusé de renouveler les permis de tra- outrages ou des moqueries à l’égard du président ». Elle vail d’un journaliste et du chef du bureau de l’Agence criminalisait les fausses informations ou les allégations France Presse. Des vendeurs de journaux ambulants incitant « au désordre ou aux violences publiques ou les ont été harcelés et agressés parce qu’ils vendaient des favori[sant] ». Elle disposait en outre que la police journaux indépendants, vente qui aurait été interdite devait être avertie à l’avance de toute réunion publique dans de nombreuses zones rurales. Au mois d’août, à de plus de deux personnes, et interdisait toute réunion Harare, les locaux de Voice of the People, une station dont la police estimait qu’elle était de nature à trou- de radio indépendante, ont été la cible d’un attentat à bler l’ordre public. la bombe. Il n’y a pas eu de blessé, mais les dégâts ✔ Environ 80 partisans de l’opposition ont été arrêtés matériels étaient très importants. À la fin de l’année lors d’un rassemblement organisé en juin pour célé- 2002, personne n’avait été arrêté dans le cadre de cette brer le 25e anniversaire de la Journée de la jeunesse affaire. d’Afrique du Sud. Ils ont été inculpés de réunion illé- ✔ En octobre, Geoff Nyarota, ancien rédacteur en chef gale en vertu de la Loi relative à l'ordre public et à la du Daily News, a été arrêté pour la troisième fois en sécurité. Une requête contestant la validité constitu- moins d’un an et poursuivi, au titre de la Loi relative à tionnelle de la loi a été introduite devant la Cour l'ordre public et à la sécurité ; il était accusé d’avoir suprême mais son examen a été reporté à janvier 2003. « ébranlé la confiance de l’opinion publique dans la En mars, la Loi relative à l’accès à l’information et à la police », après que le Daily News eut rendu compte de protection de la vie privée a été promulguée. En vertu l’arrestation et des tortures présumées infligées par des de cette loi, les journalistes et les organes d’informa- policiers à cinq jeunes membres du MDC pendant leur tion étaient tenus de se faire enregistrer auprès de la garde à vue. À la fin de l’année 2002, Geoff Nyarota Commission de l’information et des médias mise en faisait l’objet de six chefs d’inculpation distincts. place par le gouvernement. L’Association des journa- listes indépendants du Zimbabwe a mis en doute la Répression visant les défenseurs conformité constitutionnelle de certains articles de la des droits humains loi qui imposaient aux journalistes de se faire enregis- En septembre, le gouvernement a publié un commu- trer et prévoyaient de punir ceux qui écrivaient, selon niqué conseillant aux organisations non gouvernemen- les termes de la loi, « des mensonges », arguant que les tales (ONG) de se faire enregistrer auprès du articles en question violaient la liberté d’expression. Le gouvernement conformément à l’article 6 de la Loi jugement en appel était attendu début 2003. En relative aux organisations bénévoles privées. Le com- octobre, le gouvernement a modifié la Loi relative à muniqué faisait savoir aux ONG qui continueraient l’accès à l’information et à la protection de la vie pri- leurs activités sans être enregistrées qu’elles risquaient vée de manière à durcir un peu plus les dispositions des poursuites judiciaires. La Loi relative aux organisa- jugées trop faibles, et il a accru les pouvoirs de la tions bénévoles privées a été promulguée en 1997, Commission de l’information et des médias ainsi que mais n’avait jamais été pleinement appliquée aupara- ceux du ministre de l’Information. vant. Les récentes tentatives du gouvernement pour ✔ En juillet, Andrew Meldrum, journaliste américain faire passer cette loi dans les faits s’inscrivaient dans travaillant pour le quotidien britannique une campagne globale visant à limiter davantage The Guardian, a été poursuivi au titre de la Loi rela- encore les libertés d’association et d’expression, et à tive à l’accès à l’information et à la protection de la vie empêcher les organisations de défense des droits privée pour avoir « abusé de son privilège de journaliste humains de mener des enquêtes sur les violations de en publiant un mensonge » ; il avait fait état de la déca- ces droits et d’en rendre compte. Certains éléments pitation présumée d’une femme par des partisans de la laissaient en outre à penser qu’une nouvelle loi allait 416 ZI être introduite qui réduirait encore la marge de octobre en même temps que huit autres membres de manœuvre des ONG, notamment en restreignant davan- ce syndicat. Tous ont été relâchés le lendemain, à tage, voire en interdisant totalement, les financements l’exception de Tinashe Chimedza qui a été torturé au étrangers des ONG locales, et en alourdissant dans le cours de sa garde à vue qui a duré deux jours. Il a été même temps les sanctions pénales en cas d’infractions à inculpé d’« incitation à la violence publique » pour la Loi relative aux organisations bénévoles privées. avoir rédigé et distribué des affiches du ZINASU appe- ✔ Le docteur Frances Lovemore, directrice médicale lant les étudiants à soutenir la grève du PTUZ. d’Amani Trust, une ONG de défense des droits humains, a été arrêtée en août. L’organisation était Pénurie alimentaire accusée d’avoir « publié ou fait circuler des allégations À la fin de l’année, la sécheresse frappant la sous-région mensongères et préjudiciables à l’État », une infraction avait provoqué une grave pénurie alimentaire qui mena- tombant sous le coup de la Loi relative à l’accès à çait de famine quelque six millions de Zimbabwéens. l’information et à la protection de la vie privée. Son Lors de la campagne pour l’élection présidentielle, le interpellation était à mettre en rapport avec la publica- gouvernement a interdit toute distribution d’aide ali- tion d’articles faisant état du travail d’Amani Trust mentaire qui ne passerait pas par les canaux étatiques. auprès des victimes d’actes de torture et de viols à Au lendemain de l’élection, de très nombreux témoi- motivation politique au Zimbabwe. La police a fait gnages confirmaient que la distribution de l’aide ali- irruption dans les locaux d’Amani Trust et procédé à mentaire internationale était devenue un enjeu une perquisition. Frances Lovemore a été libérée le politique pour le gouvernement, et que des responsables lendemain de son arrestation. En novembre, le gou- de la ZANU-PF refusaient délibérément de fournir une vernement a accusé Amani Trust de représenter une aide alimentaire aux membres et aux partisans du MDC. menace pour la paix et la sécurité, et il a déclaré que De jeunes miliciens se seraient postés près des longues des arrestations allaient avoir lieu car l’organisation ne files d’attente de personnes venues acheter des céréales respectait pas les dispositions de la Loi relative aux et se seraient livrés à des agressions et à des actes d’inti- organisations bénévoles privées. Peu de temps après, midation contre les sympathisants du MDC, pour les Amani Trust a fermé ses bureaux et, à la fin de empêcher de se procurer de la nourriture. l’année, l’organisation de défense des droits humains n’avait toujours pas repris ses activités. Personnes déplacées Des violences à caractère politique, des actes d’intimi- Enseignants et étudiants dation et des occupations de terres dans les zones Les actes de harcèlement et de torture ainsi que les rurales et dans les entreprises agricoles ont été perpé- agressions contre les enseignants soupçonnés de soute- trés par des agents de l’État et des milices soutenues nir l’opposition se sont multipliés au cours de l’année par l’État. Cette situation a entraîné le déplacement et nombre d’entre eux ont perdu leur poste. Une grève forcé de nombreux ouvriers et dirigeants d’exploita- nationale des enseignants organisée en octobre par le tions agricoles ainsi que de leurs familles. Un grand Progressive Teachers’ Union of Zimbabwe (PTUZ, nombre d’entre eux ont fui vers les zones urbaines Syndicat des enseignants progressistes du Zimbabwe) pour échapper aux menaces, aux violences physiques a été réprimée par la police, qui a eu recours à une et aux viols. force excessive, et plus de 600 enseignants ont été licenciés par le gouvernement. La police a également Visites d’Amnesty International fait un usage excessif de la force pour disperser des Des délégués d’Amnesty International se sont rendus manifestations étudiantes ; des dirigeants étudiants ont au Zimbabwe en mars.◆ été à plusieurs reprises harcelés, arrêtés et torturés. Les manifestations étudiantes se sont heurtées à des poli- Autres documents d’Amnesty International ciers anti-émeute armés de matraques et de grenades Zimbabwe. Note à l’attention de la SADC concernant lacrymogènes, qui ont été utilisées dans des lieux clos la dégradation de la situation des droits humains comme des salles de classe ou des dortoirs. au Zimbabwe (AFR 46/004/02). ✔ Raymond Majongwe, secrétaire général du PTUZ, a Zimbabwe. Les parlementaires injustement poursuivis été arrêté à deux reprises au lendemain de la grève en justice Fletcher Dulini Ncube, Moses Mzila Ndlovu générale des enseignants en octobre. Il a été poursuivi ainsi que 16 autres personnes (AFR 46/005/02). au titre de la Loi relative à l'ordre public et à la sécu- Zimbabwe: Appeal to Commonwealth Heads rité pour « ingérence relative aux droits d’autrui » parce of Government Meeting, Coolum, Australia qu’il avait, selon l’accusation, encouragé d’autres [Zimbabwe. Appel aux chefs de gouvernement enseignants à se mettre en grève. Lors de sa première du Commonwealth réunis à Coolum, Australie] arrestation, Raymond Majongwe a été torturé par la (AFR 46/013/02). police durant sa garde à vue. L’examen de son affaire a Zimbabwe. Le prix de l’impunité (AFR 46/034/02). été reporté au mois de janvier 2003. Maintien de l’ordre et protection des droits humains. ✔ Tinashe Chimedza, secrétaire général du Zimbabwe Bilan des pratiques policières dans la Communauté National Students’ Union (ZINASU, Syndicat national de développement de l’Afrique australe (1997-2002) des étudiants du Zimbabwe), a été interpellé en (AFR 03/004/02). 417 ANNEXES

ÉTAT DES RATIFICATIONS DE CERTAINS TRAITÉS RELATIFS AUX DROITS HUMAINS

ADRESSES DES SECTIONS ET STRUCTURES D’AMNESTY INTERNATIONAL DANS LE MONDE

418 ÉTAT DES RATIFICATIONS DE CERTAINS TRAITÉS RELATIFS AUX DROITS HUMAINS

(au 31 décembre 2002)

TRAITÉS INTERNATIONAUX

Les pays qui ont ratifié un traité ou qui y ont adhéré sont par- intention de devenir parties à une date ultérieure ; ils ne ties au traité et donc tenus d’en respecter les dispositions. peuvent par conséquent commettre d’actes qui iraient à Ceux qui ont signé un traité sans l’avoir ratifié ont signifié leur l’encontre de ce traité.

Annotations des tableaux ci-après : 22 En vertu de l’article 22 de cette Convention, le pays a déclaré qu’il reconnaît la compétence du ● Le pays est devenu partie en 2002. Comité des Nations unies contre la torture pour examiner les plaintes émanant des particuliers. ❍ Le pays est partie au traité par ratification, par adhésion, ou par succession. 28 En vertu de l’article 28 de cette Convention, le pays a formulé une réserve selon laquelle ■ Le pays a signé le traité en 2002. il ne reconnaît pas la compétence du Comité des Nations unies contre la torture pour examiner ❑ Le pays a signé le traité, les communications fiables semblant indiquer mais ne l’a pas encore ratifié. que le recours à la torture est systématique, et pour entreprendre une enquête confidentielle.

419 Rapport 2003 PREMIER PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PIDCP (1966) DEUXIÈME PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PIDCP, VISANT À ABOLIR LA PEINE DE MORT (1989) PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS (1966) CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES (1979) PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES (2000) CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT (1990) PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT À LA CONV. RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT, CONCERNANT L’IMPLICATION D’ENFANTS DANS LES CONFLITS ARMÉS CONVENTION INTERNATIONALE SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION RACIALE (1965) STATUT DE ROME DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE CONVENTION CONTRE LA TORTURE ET AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU DÉGRADANTS (1984) PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES (PIDCP) (1966) CONVENTION RELATIVE AU STATUT DES RÉFUGIÉS (1951) PROTOCOLE RELATIF AU STATUT DES RÉFUGIÉS (1967) AFGHANISTAN ❍ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍28 AFRIQUE DU SUD ❍ ● ❑ ❍ ❍ ■ ❍ ❍ ❍ ❍ 22❍ ALBANIE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ALGÉRIE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ 22❍ ALLEMAGNE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ❍ 22❍ ANDORRE ■ ■ ■ ❍ ● ❍ ❍ ■ ❍ ■ ANGOLA ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ANTIGUA-ET-BARBUDA ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ARABIE SAOUDITE ❍ ❍ ❍ ❍28 ARGENTINE ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ● ❍ ❍ ❍ ❍ 22❍ ARMÉNIE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ AUSTRALIE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ■ ❍ ❍ ❍ ● 22❍ AUTRICHE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ❍ ❍ ❍ 22❍ AZERBAÏDJAN ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ❍ ❍ 22❍ BAHAMAS ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ BAHREÏN ● ❍ ❍ ❑ ❍ BANGLADESH ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ BARBADE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● BELGIQUE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ● ❍ ❍ ❍ ❍ 22❍ BÉLIZE ❍ ❑ ❍ ● ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ BÉNIN ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ● ❍ BHOUTAN ❍ ❍ ❑ BIÉLORUSSIE ❍ ❍ ❍ ❍ ■ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ BOLIVIE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ BOSNIE-HERZÉGOVINE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ● ❍ BOTSWANA ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ BRÉSIL ❍ ❍ ❍ ● ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ● ❍ BRUNÉI DARUSSALAM ❍ BULGARIE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ● ❍ ❍ ❍ ● 22❍ BURKINA FASO ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ BURUNDI ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ CAMBODGE ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ● ❍ CAMEROUN ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ❑ 22❍ CANADA ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ 22❍ CAP-VERT ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ❍ ❑ ❍ CHILI ❍ ❍ ❑ ❍ ❍ ❑ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ CHINE ❑ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ❍28 CHYPRE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ❍ ❍ ❍ ● 22❍ COLOMBIE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ● ❍ COMORES ❍ ❍ ❑ ❑ ❑ CONGO ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ COOK (ÎLES) ❍ CORÉE DU NORD ❍ ❍ ❍ ❍ CORÉE DU SUD ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ● ❍ COSTA RICA ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ❍ 22❍

420 Traités internationaux PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES (PIDCP) (1966) PREMIER PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PIDCP (1966) PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS (1966) CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES (1979) PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES (2000) CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT (1990) PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT À LA CONV. RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT, CONCERNANT L’IMPLICATION D’ENFANTS DANS LES CONFLITS ARMÉS CONVENTION INTERNATIONALE SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION RACIALE (1965) CONVENTION RELATIVE AU STATUT DES RÉFUGIÉS (1951) PROTOCOLE RELATIF AU STATUT DES RÉFUGIÉS (1967) STATUT DE ROME DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE CONVENTION CONTRE LA TORTURE ET AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU DÉGRADANTS (1984) DEUXIÈME PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PIDCP, VISANT À ABOLIR LA PEINE DE MORT (1989) CÔTE D’IVOIRE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ● CROATIE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ 22❍ ❑ CUBA ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ● DANEMARK ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ 22❍ DJIBOUTI ● ● ● ● ❍ ❍ ❍ ❍ ● ● ● DOMINIQUE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ÉGYPTE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ÉMIRATS ARABES UNIS ❍ ❍ ❑ ❑ ÉQUATEUR ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ❍ ❍ ❍ ● 22❍ ÉRYTHRÉE ● ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ● ESPAGNE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ 22❍ ESTONIE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ● ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE ❍ ❑ ❑ ❑ ❍ ❍ ❑ ❍ ÉTHIOPIE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ FIDJI ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● FINLANDE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ 22❍ ❑ FRANCE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ 22❍ ❑ GABON ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ GAMBIE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❑ GÉORGIE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ GHANA ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ 22❍ ❑ GRÈCE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ❍ ❍ ❍ ● 22❍ GRENADE ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ● GUATÉMALA ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ GUINÉE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❑ GUINÉE-BISSAU ❑ ❑ ❑ ❍ ❍ ❑ ❍ ❑ ❍ ❍ ❑ ❑ GUINÉE ÉQUATORIALE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ❍ ●28 GUYANA ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ■ HAÏTI ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ● HONDURAS ❍ ❑ ❑ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ❍ ● ❍ ■ ❍ HONGRIE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ 22❍ INDE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❑ INDONÉSIE ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ IRAK ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ IRAN ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ● IRLANDE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ 22● ❍ ❍ ISLANDE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ 22❍ ❑ ❑ ISRAËL ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍28 ● ❍ ITALIE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ 22❍ ● ❑ JAMAÏQUE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ■ JAPON ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ● JORDANIE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ KAZAKHSTAN ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❑ KENYA ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ KIRGHIZISTAN ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ❍ ❍ ❍ ❍

421 Rapport 2003 PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES (PIDCP) (1966) CONVENTION RELATIVE AU STATUT DES RÉFUGIÉS (1951) PROTOCOLE RELATIF AU STATUT DES RÉFUGIÉS (1967) PREMIER PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PIDCP (1966) DEUXIÈME PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PIDCP, VISANT À ABOLIR LA PEINE DE MORT (1989) PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS (1966) CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES (1979) PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES (2000) CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT (1990) PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT À LA CONV. RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT, CONCERNANT L’IMPLICATION D’ENFANTS DANS LES CONFLITS ARMÉS CONVENTION INTERNATIONALE SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION RACIALE (1965) STATUT DE ROME DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE CONVENTION CONTRE LA TORTURE ET AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU DÉGRADANTS (1984) KIRIBATI ❍ KOWEÏT ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍28 LAOS ❑ ❑ ❍ ❍ ❍ LÉSOTHO ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ LETTONIE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ■ ❍ ❍ ❍ ● ❍ LIBAN ❍ ❍ ❍ ❍ ■ ❍ ❍ LIBÉRIA ❑ ❑ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ LIBYE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ LIECHTENSTEIN ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ❍ 22❍ LITUANIE ❍ ❍ ● ❍ ❍ ❑ ❍ ■ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ LUXEMBOURG ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ❍ 22❍ MACÉDOINE (Ex-Rép. youg. de) ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ● ❍ MADAGASCAR ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❑ ❍ ❍ ❑ ❑ MALAISIE ❍ ❍ MALAWI ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ● ❍ MALDIVES ❍ ❍ ■ ❍ MALI ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ MALTE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ❍ ❍ ● 22❍ MAROC ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ❍ ❍ ❑ ❍28 MARSHALL (ÎLES) ❍ ❍ MAURICE ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❑ ❍ ● ❍ MAURITANIE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ MEXIQUE ❍ ● ❍ ❍ ● ❍ ● ❍ ❍ ❍ ❑ 22❍ MICRONÉSIE (États fédérés de) ❍ ■ MOLDAVIE ❍ ❍ ❍ ❍ ■ ❍ ● ● ❑ ❍ MONACO ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ 22❍ MONGOLIE ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ❑ ❍ ● ● MOZAMBIQUE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ MYANMAR ❍ ❍ NAMIBIE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ❍ ● ❍ NAURU ❑ ❑ ❍ ❑ ❑ ❍ ❑ NÉPAL ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❑ ❍ ❍ NICARAGUA ❍ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ NIGER ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ NIGÉRIA ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ NIOUÉ ❍ NORVÈGE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ❍ 22❍ NOUVELLE-ZÉLANDE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ 22❍ OMAN ❍ ❑ OUGANDA ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ❍ ❍ ● ❍ OUZBÉKISTAN ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ PAKISTAN ❍ ❍ ❑ ❍ PALAOS ❍ PANAMÁ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ PAPOUASIE-NOUVELLE-GUINÉE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍

422 Traités internationaux PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES (PIDCP) (1966) PREMIER PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PIDCP (1966) PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS (1966) CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES (1979) PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES (2000) CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT (1990) PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT À LA CONV. RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT, CONCERNANT L’IMPLICATION D’ENFANTS DANS LES CONFLITS ARMÉS CONVENTION INTERNATIONALE SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION RACIALE (1965) CONVENTION RELATIVE AU STATUT DES RÉFUGIÉS (1951) PROTOCOLE RELATIF AU STATUT DES RÉFUGIÉS (1967) STATUT DE ROME DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE CONVENTION CONTRE LA TORTURE ET AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU DÉGRADANTS (1984) DEUXIÈME PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PIDCP, VISANT À ABOLIR LA PEINE DE MORT (1989) PARAGUAY ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❑ ❍ ❍ ❍ 22❍ PAYS-BAS ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ❍ 22❍ PÉROU ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ❍ ❍ ❍ 22❍ PHILIPPINES ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ POLOGNE ❍ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ■ ❍ ❍ ❍ ❍ 22❍28 PORTUGAL ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ● 22❍ QATAR ❍ ● ❍ ❍ RÉP. CENTRAFRICAINE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ RÉP. DÉM. DU CONGO ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ RÉP. DOMINICAINE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ■ ❍ ❍ ❍ ❑ ❑ RÉP. TCHÈQUE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ 22❍ ROUMANIE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ROYAUME-UNI ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ RUSSIE ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ❑ 22❍ RWANDA ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ❍ ❍ SAINT-KITTS-ET-NEVIS ❍ ❍ ● SAINTE-LUCIE ❍ ❍ ❍ ❑ SAINT-MARIN ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ● ❍ ■ SAINT-SIÈGE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● SAINT-VINCENT-ET-LES-GRENADINES ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ SALOMON (ÎLES) ❍ ● ● ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ SALVADOR ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ● ❍ ❍ ❍ ❍ SAMOA ❍ ❍ ❍ ❍ ● SAO TOMÉ-ET-PRINCIPE ❑ ❑ ❑ ❑ ❑ ❑ ❍ ❑ ❍ ❍ ❑ ❑ SÉNÉGAL ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ❍ 22❍ SEYCHELLES ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ■ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ❑ 22❍ SIERRA LEONE ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ● ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ SINGAPOUR ❍ ❍ ❑ SLOVAQUIE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ● 22❍ SLOVÉNIE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ❍ 22❍ SOMALIE ❍ ❍ ❍ ■ ❍ ❍ ❍ ❍ SOUDAN ❍ ❍ ❍ ■ ❍ ❍ ❍ ❑ ❑ SRI LANKA ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ❍ ❍ ❍ SUÈDE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ❍ 22❍ SUISSE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ❍ ❍ ❍ 22❍ SURINAME ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ■ ❍ ❍ ❍ SWAZILAND ❍ ❍ ❍ ❍ SYRIE ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ TADJIKISTAN ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ● ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ TANZANIE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● TCHAD ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ■ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ THAÏLANDE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ TIMOR-LESTE ● TOGO ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ 22❍ TONGA ❍ ❍

423 Rapport 2003 PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES (PIDCP) (1966) PREMIER PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PIDCP (1966) PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS (1966) CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES (1979) PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES (2000) CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT (1990) PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT À LA CONV. RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT, CONCERNANT L’IMPLICATION D’ENFANTS DANS LES CONFLITS ARMÉS CONVENTION INTERNATIONALE SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION RACIALE (1965) CONVENTION RELATIVE AU STATUT DES RÉFUGIÉS (1951) PROTOCOLE RELATIF AU STATUT DES RÉFUGIÉS (1967) STATUT DE ROME DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE CONVENTION CONTRE LA TORTURE ET AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU DÉGRADANTS (1984) DEUXIÈME PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PIDCP, VISANT À ABOLIR LA PEINE DE MORT (1989) TRINITÉ-ET-TOBAGO ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ TUNISIE ❍ ❍ ❍ ❍ ■ ❍ ❍ ❍ 22❍ TURKMÉNISTAN ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ TURQUIE ❑ ❑ ❍ ● ❍ ❑ ● ❍ ❍ 22❍ TUVALU ❍ ❍ ❍ ❍ UKRAINE ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❑ ❍ ● ● ❑ ❍28 URUGUAY ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ● 22❍ VANUATU ❍ ❍ VÉNÉZUÉLA ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ 22❍ VIÊT-NAM ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ YÉMEN ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ YOUGOSLAVIE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ❍ ❍ ❍ 22❍ ZAMBIE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ● ❍ ZIMBABWE ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ ❑

424 TRAITÉS RÉGIONAUX

Les pays qui ont ratifié un traité ou qui y ont adhéré Les tableaux ci-après contiennent la liste des États sont parties au traité et donc tenus d’en respecter les qui étaient membres de l’Union africaine (UA), dispositions. Ceux qui ont signé un traité sans l’avoir de l’Organisation des États américains (OEA) ratifié ont signifié leur intention de devenir parties à ou du Conseil de l’Europe à la fin de l’année 2002. une date ultérieure ; ils ne peuvent par conséquent commettre d’actes qui iraient à l’encontre de ce traité.

Annotations des tableaux ci-après :

❍ Le pays est partie au traité par ratification, ❑ Le pays a signé le traité, par adhésion, ou par succession. mais ne l’a pas encore ratifié.

● Le pays est devenu partie en 2002. ■ Le pays a signé le traité en 2002.

Union africaine (anciennement Organisation de l’unité africaine, OUA) CHARTE AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES (1981) CHARTE AFRICAINE DES DROITS ET DU BIEN-ÊTRE DE L’ENFANT (1990) CONVENTION RÉGISSANT LES ASPECTS PROPRES AUX PROBLÈMES DES RÉFUGIÉS EN AFRIQUE (1974) CHARTE AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES (1981) CHARTE AFRICAINE DES DROITS ET DU BIEN-ÊTRE DE L’ENFANT (1990) CONVENTION RÉGISSANT LES ASPECTS PROPRES AUX PROBLÈMES DES RÉFUGIÉS EN AFRIQUE (1974) AFRIQUE DU SUD ❍ ❍ ❍ MALAWI ❍ ❍ ❍ ALGÉRIE ❍ ❑ ❍ MALI ❍ ❍ ❍ ANGOLA ❍ ❍ ❍ MAURICE ❍ ❍ ❑ BÉNIN ❍ ❍ ❍ MAURITANIE ❍ ❍ BOTSWANA ❍ ❍ ❍ MOZAMBIQUE ❍ ❍ ❍ BURKINA FASO ❍ ❍ ❍ NAMIBIE ❍ ❑ BURUNDI ❍ ❍ NIGER ❍ ❍ ❍ CAMEROUN ❍ ❍ ❍ NIGÉRIA ❍ ❑ ❍ CAP-VERT ❍ ❍ ❍ OUGANDA ❍ ❍ ❍ COMORES ❍ RÉP. ARABE DÉM. SAHRAOUIE ❍ ❑ CONGO ❍ ❑ ❍ RÉP. CENTRAFRICAINE ❍ ❍ CÔTE D’IVOIRE ❍ ❍ RÉP. DÉMOCRATIQUE DU CONGO ❍ ❍ DJIBOUTI ❍ ❑ RWANDA ❍ ❍ ❍ ÉGYPTE ❍ ❍ ❍ SÃO TOMÉ-ET-PRINCIPE ❍ ÉRYTHRÉE ❍ ❍ SÉNÉGAL ❍ ❍ ❍ ÉTHIOPIE ❍ ● ❍ SEYCHELLES ❍ ❍ ❍ GABON ❍ ❑ ❍ SIERRA LEONE ❍ ● ❍ GAMBIE ❍ ❍ ❍ SOMALIE ❍ ❑ ❑ GHANA ❍ ❑ ❍ SOUDAN ❍ ❍ GUINÉE ❍ ❍ ❍ SWAZILAND ❍ ❑ ❍ GUINÉE-BISSAU ❍ ❍ TANZANIE ❍ ❑ ❍ GUINÉE ÉQUATORIALE ❍ ❍ TCHAD ❍ ❍ ❍ KENYA ❍ ❍ ❍ TOGO ❍ ❍ ❍ LÉSOTHO ❍ ❍ ❍ TUNISIE ❍ ❑ ❍ LIBÉRIA ❍ ❑ ❍ ZAMBIE ❍ ❑ ❍ LIBYE ❍ ❍ ❍ ZIMBABWE ❍ ❍ ❍ MADAGASCAR ❍ ❑ ❑

425 Rapport 2003

OEA (Organisation des États américains)

62 En vertu de l’article 62 de cette Convention, le pays reconnaît la compétence obligatoire de la Cour interaméricaine des droits de l’homme sur toutes les questions relatives à l’interprétation ou à l’application de la Convention. CONVENTION AMÉRICAINE RELATIVE AUX DROITS DE L’HOMME (1969) PROTOCOLE À LA CONVENTION AMÉRICAINE RELATIVE AUX DROITS DE L’HOMME TRAITANT L’ABOLITION DE LA PEINE MORT (1990) PROTOCOLE ADDITIONNEL À LA CONVENTION AMÉRICAINE RELATIVE AUX DROITS DE L’HOMME TRAITANT DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS (1999) CONVENTION INTERAMÉRICAINE POUR LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION DE LA TORTURE (1985) CONVENTION INTERAMÉRICAINE SUR LA DISPARITION FORCÉE DES PERSONNES (1994) CONVENTION INTERAMÉRICAINE SUR LA PRÉVENTION, SANCTION ET L’ÉLIMINATION DE LA VIOLENCE CONTRE LES FEMMES (1995) ANTIGUA-ET-BARBUDA ❍ ARGENTINE ❍ 62 ❑ ❍ ❍ ❍ BAHAMAS ❍ BARBADE ❍ 62 ❍ BÉLIZE ❍ BOLIVIE ❍ 62 ❑ ❑ ❍ ❍ BRÉSIL ❍ 62 ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ CANADA CHILI ❍ 62 ❑ ❑ ❍ ❑ ❍ COLOMBIE ❍ 62 ❍ ❍ ❑ ❍ COSTA RICA ❍ 62 ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ CUBA* DOMINIQUE ❍ ❍ ÉQUATEUR ❍ 62 ❍ ❍ ❍ ❑ ❍ ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE ❑ GRENADE ❍ ❍ GUATÉMALA ❍ 62 ❍ ❍ ❍ ❍ GUYANA ❍ HAÏTI ❍ 62 ❑ ❑ ❍ HONDURAS ❍ 62 ❑ ❑ ❍ JAMAÏQUE ❍ MEXIQUE ❍ 62 ❍ ❍ ● ❍ NICARAGUA ❍ 62 ❍ ❑ ❑ ❑ ❍ PANAMÁ ❍ 62 ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ PARAGUAY ❍ 62 ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ PÉROU ❍ 62 ❍ ❍ ● ❍ RÉP. DOMINICAINE ❍ 62 ❑ ❍ ❍ SAINT-KITTS-ET-NEVIS ❍ SAINTE-LUCIE ❍ SAINT-VINCENT-ET-LES-GRENADINES ❍ SALVADOR ❍ 62 ❍ ❍ ❍ SURINAME ❍ 62 ❍ ❍ ● TRINITÉ-ET-TOBAGO ❍ URUGUAY ❍ 62 ❍ ❍ ❍ ❍ ❍ VÉNÉZUÉLA ❍ 62 ❍ ❑ ❍ ❍ ❍

* En 1962, lors de la huitième réunion de consultation des ministres des Relations extérieures, Cuba s’est vu interdire toute participation au système interaméricain.

426 Traités régionaux

Conseil de l’Europe * * Ce protocole entrera en vigueur * lorsqu’il aura été ratifié par 10 pays. N°13 À LA CONVENTION PROTOCOLE DE SAUVEGARDE DES DROITS L’HOMME ET DES LIBERTÉS FONDAMENTALES, RELATIF À L’ABOLITION DE LA PEINE MORT EN TOUTES CIRCONSTANCES PROTOCOLE N°6 À LA CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L’HOMME ET DES LIBERTÉS FONDAMENTALES CONCERNANT L’ABOLITION DE LA PEINE MORT (1983) CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L’HOMME ET DES LIBERTÉS FONDAMENTALES (1950) PROTOCOLE N°12 À LA CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L’HOMME ET DES LIBERTÉS FONDAMENTALES CONCERNANT L’INTERDICTION GÉNÉRALE DE LA DISCRIMINATION (2000) CONVENTION EUROPÉENNE POUR LA PRÉVENTION DE TORTURE ET DES PEINES OU TRAITEMENTS INHUMAINS OU DÉGRADANTS (1987) ALBANIE ❍ ❍ ❍ ALLEMAGNE ❍ ❍ ❑ ■ ❍ ANDORRE ❍ ❍ ■ ❍ ARMÉNIE ● ❑ ● AUTRICHE ❍ ❍ ❑ ■ ❍ AZERBAÏDJAN ● ● ● BELGIQUE ❍ ❍ ❑ ■ ❍ BOSNIE-HERZÉGOVINE ● ● ■ ■ ● BULGARIE ❍ ❍ ■ ❍ CHYPRE ❍ ❍ ● ■ ❍ CROATIE ❍ ❍ ■ ■ ❍ DANEMARK ❍ ❍ ● ❍ ESPAGNE ❍ ❍ ■ ❍ ESTONIE ❍ ❍ ❑ ■ ❍ FINLANDE ❍ ❍ ❑ ■ ❍ FRANCE ❍ ❍ ■ ❍ GÉORGIE ❍ ❍ ❍ ■ ❍ GRÈCE ❍ ❍ ❑ ■ ❍ HONGRIE ❍ ❍ ❑ ■ ❍ IRLANDE ❍ ❍ ❑ ● ❍ ISLANDE ❍ ❍ ❑ ■ ❍ ITALIE ❍ ❍ ❑ ■ ❍ LETTONIE ❍ ❍ ❑ ■ ❍ LIECHTENSTEIN ❍ ❍ ❑ ● ❍ LITUANIE ❍ ❍ ■ ❍ LUXEMBOURG ❍ ❍ ❑ ■ ❍ MACÉDOINE (Ex-République yougoslave de) ❍ ❍ ❑ ■ ❍ MALTE ❍ ❍ ● ❍ MOLDAVIE ❍ ❍ ❑ ■ ❍ NORVÈGE ❍ ❍ ■ ❍ PAYS-BAS ❍ ❍ ❑ ■ ❍ POLOGNE ❍ ❍ ■ ❍ PORTUGAL ❍ ❍ ❑ ■ ❍ RÉPUBLIQUE TCHÈQUE ❍ ❍ ❑ ■ ❍ ROUMANIE ❍ ❍ ❑ ■ ❍ ROYAUME-UNI ❍ ❍ ■ ❍ RUSSIE ❍ ❑ ❑ ❍ SAINT-MARIN ❍ ❍ ❑ ■ ❍ SLOVAQUIE ❍ ❍ ❑ ■ ❍ SLOVÉNIE ❍ ❍ ❑ ■ ❍ SUÈDE ❍ ❍ ■ ❍ SUISSE ❍ ❍ ● ❍ TURQUIE ❍ ❑ ❍ UKRAINE ❍ ❍ ❑ ■ ❍

427 ADRESSES DES SECTIONS ET STRUCTURES DANS LE MONDE

Les sections d’Amnesty Chili France International Compañía 2085 – P2B, Plaza Brasil, Amnesty International, 76, bd ➭ courrier électronique 6500497 Santiago-Centro de la Villette, 75940 Paris Cedex 19 ❒ site Internet ➭ [email protected][email protected] ❒ www.amnistia.cl ❒ www.amnesty.asso.fr Australie Amnesty International, Private Bag 23, Corée (République de) Ghana Broadway, New South Wales 2007 Amnesty International, 706-600 Taegu Amnesty International, Private Mail ➭ [email protected] Suaung, PO Box 36, Taegu Bag, Kokomlemle, Accra-North ❒ ➭ www.amnesty.org.au ➭ [email protected] [email protected] ❒ www.amnesty.or.kr Autriche Grèce Amnesty International, Moeringgasse Amnesty International, 30 Sina Street, 10, 1150 Vienne Côte d'Ivoire 106 72 Athènes Amnesty International, 04 BP 895, ➭ [email protected][email protected] Abidjan 04 ❒ www.amnesty.at ❒ www.amnesty.gr ➭ [email protected] Belgique Guyana Amnesty International (AI Vlaanderen), Danemark Amnesty International, PO Box Kerkstraat 156, 2060 Anvers Amnesty International, Gammeltorv 101679, Palm Court Building, ➭ [email protected] 8, 5, 1457 Copenhague K 35 Main Street, Georgetown ➭ ❒ www.aivl.be [email protected] Hong Kong Belgique Équateur Amnesty International, Unit B, 3/F, Amnesty International (francophone), Amnistía Internacional, Casilla Best-O-Best Commercial Centre, rue Berckmans 9, 1060 Bruxelles 17-15-240-C, Quito 32-36 Ferry Street, Kowloon ➭ ➭ [email protected][email protected] [email protected] ❒ ❒ www.aibf.be www.amnesty.org.hk Espagne Amnistía Internacional, Apdo 50318, Irlande Bénin Amnesty International, Sean MacBride Amnesty International, 01 BP 3536, 28080 Madrid ➭ [email protected] House, 48 Fleet Street, Dublin 2 Cotonou ➭ [email protected][email protected] ❒ www.a-i.es ❒ www.amnesty.ie États-Unis d'Amérique Bermudes Islande Amnesty International, PO Box HM Amnesty International, 322 8th Ave, New York, NY 10001 Amnesty International, PO Box 618, 2136, Hamilton HM JX 121 Reykjavík ➭ [email protected][email protected][email protected] ❒ www.amnestyusa.org ❒ www.amnesty.is Canada Amnesty International, 312 Laurier Féroé (Îles) Israël Avenue East, Ottawa (Ontario) K1N Amnesty International, PO Box 1075, Amnesty International, PO Box 14179, 1H9 FR-110, Tórshavn Tel Aviv 61141 ➭ [email protected][email protected][email protected] ❒ www.amnesty.ca ❒ www.amnesty.fo ❒ www.amnesty.org.il

Canada Finlande Italie Amnistie Internationale (francophone), Amnesty International, Amnesty International, 6250 blvd Monk, Montréal (Québec) Ruoholahdenkatu 24, Via Giovanni Battista H4E 3H7 D 00180 Helsinki De Rossi 10, 00161 Rome ➭ [email protected][email protected][email protected] ❒ www.amnistie.qc.ca ❒ www.amnesty.fi ❒ www.amnesty.it 428 Adresses des sections et structures dans le monde Japon Pérou Suisse Amnesty International, 2-7-7F Kanda- Amnistía Internacional, Enrique Amnesty International, CH-Postfach, Tsukasa-cho, Chiyoda-ku, Palacios 735-A, Miraflores, Lima 3001Berne Tokyo 101-0048 ➭ [email protected][email protected][email protected] ❒ amnistia.org.pe ❒ www.amnesty.ch ❒ www.amnesty.or.jp Taiwan Luxembourg Philippines Amnesty International, No.89, 7th Amnesty International, Boîte Amnesty International, Room 305, floor #1, Chung Cheng Two Road, postale 1914, 1019 Luxembourg CRM Building II, 116 Kamia Road, Kaohsiung ➭ [email protected] 1101 Quezon City ➭ [email protected] ❒ www.amnesty.lu ➭ amnestypilipinas@meridian ❒ www.aitaiwan.org.tw ❒ telekoms.net Maroc Tanzanie Amnesty International, Place Amnesty International, Luther House d'Angleterre, Rue Souissra, Pologne Immeuble n° 11, appt n° 1, Amnesty International, ul. Jaskowa 3rd Floor, PO Box 4331, Dar es Dolina 4, 80-252 Gdansk Salaam Rabat-l'Océan ➭ ➭ [email protected][email protected] [email protected] ❒ www.amnesty.org.pl Togo Maurice CCNP, BP 20013, Lomé Amnesty International, Porto Rico ➭ [email protected] BP 69, Rose-Hill Amnistía Internacional, Calle El Roble ➭ [email protected] Nº 54-Altos, Oficina 11, Tunisie Río Piedras, Porto Rico 00925 Amnesty International, ➭ Mexique [email protected] 67 rue Oum Kalthoum, Amnistía Internacional, Zacatecas 230, 3e étage, escalier B, 1000 Tunis Oficina 605, Colonia Roma Sur, Portugal ➭ [email protected] Delegación Cuahutémoc, Amnistia Internacional, Rua Fialho de México DF – CP 06700 Almeida 13-1, PT-1070-128 Lisbonne Uruguay ➭ [email protected][email protected] Amnistía Internacional, Tristán ❒ www.amnistia.org.mx ❒ www.amnistia-internacional.pt Narvaja 1624, Ap 1, CP 11200, Montevideo Népal Royaume-Uni ➭ [email protected] Amnesty International, PO Box 135, Amnesty International, Bagbazar, Katmandou 99-119 Rosebery Vénézuéla ➭ [email protected] Avenue, Londres EC1R 4RE Amnistía Internacional, ➭ [email protected] Apartado Postal 5110, Carmelitas, ❒ Nigéria www.amnesty.org.uk 1010 A Caracas Amnesty International, PMB 3061, ➭ [email protected] Suru Lere, Lagos Sénégal ❒ www.amnistia.int.ve ➭ [email protected] Amnesty International, BP 269, Dakar Colobane Les structures d'Amnesty International Norvège ➭ [email protected] Amnesty International, Afrique du Sud Amnesty International, PO Box 702 Sentrum, Sierra Leone 0106 Oslo Amnesty International, PO Box 29083, ➭ [email protected] PMB 1021, Freetown Sunnyside 0132, Pretoria, Gauteng ❒ www.amnesty.no ➭ [email protected][email protected]

Nouvelle-Zélande Slovénie Autorité palestinienne Amnesty International, PO Box 5300, Amnesty International, Komenskega Amnesty International, PO Box 543, Wellesley Street, Auckland 7,1000 Ljubljana Khalaf Building, Racheed Street, ➭ [email protected][email protected] Gaza City, ❒ www.amnesty.org.nz ❒ www.ljudmila.org/ai-slo South Remal via [email protected] Pays-Bas Suède Amnesty International, PO Box 1968, Amnesty International, PO Box 4719, Biélorussie 1000 BZ, Amsterdam SE-116 92 Stockholm Amnesty International, PO Box 10P, ➭ [email protected][email protected] 246050 Gomel ❒ www.amnesty.nl ❒ www.amnesty.se ➭ [email protected] 429 Rapport 2003 Bolivie Pakistan Les groupes d'Amnesty Amnistía Internacional, Casilla Amnesty International, NEC, B-12, International 10607, La Paz Shelezon Center, Gulsan-E-Iqbal, Il existe des groupes dans les pays ou ➭ [email protected] Block 15, University Road, Karachi - territoires suivants : 75300 Albanie, Angola, Aruba, Azerbaïdjan, Burkina Faso ➭ [email protected] Bahamas, Barbade, Bosnie- Amnesty International, 08 BP 11344, ❒ www.geocities.com/ Herzégovine, Botswana, Brésil, Ouagadougou amnestypakistan Cameroun, Chypre, Égypte, Estonie, ➭ [email protected] Ex-République yougoslave de Paraguay Macédoine, Fédération de Russie, Croatie Grenade, Jamaïque, Jordanie, Amnesty International, Marticeva 24, Amnistía Internacional, Calle Juan de Salazar 488 casi Boquerón, Asunción Kirghizistan, Koweït, Liban, Libéria, 10000 Zagreb Lituanie, Malte, Moldavie, ➭ [email protected][email protected] ❒ www.amnistia.org.py Mozambique, Ouganda, République dominicaine, Roumanie, Tchad, Curaçao Trinité-et-Tobago, Yémen, Amnesty International, République tchèque PO Box 3676, Curaçao, Amnesty International, Palackého 9, Yougoslavie. Antilles néerlandaises 110 00 Prague 1 ➭ [email protected] Gambie ❒ www.amnesty.cz Les bureaux d’Amnesty Amnesty International, International Secrétariat International (SI) PO Box 1935, Banjul Slovaquie ➭ [email protected] Amnesty International, Amnesty International, Peter Benenson Staromestská 6/D, House, 1 Easton Street Hongrie 811 03 Bratislava Londres WC1X 0DW, Royaume-Uni ➭ [email protected] Amnesty International, Budapest 1051, ➭ [email protected] ❒ www.amnesty.org Arany Janos utca 25 ❒ www.internet.sk/amnesty ➭ [email protected] ❒ www.web.amnesty.org ❒ www.amnesty.hu Thaïlande Amnesty International, 125/4 ARABAI Inde (unité de traduction vers l’arabe) Sukhumvit Soi 89, Bangjak, Amnesty International, C-161 4th c/o Secrétariat international, Peter Floor, Guatan Nagar, Phrakhanong, Bangkok 10250 Benenson House, 1 Easton Street, ➭ New Delhi, 110-049 [email protected] Londres WC1X 0DW, ❒ ➭ [email protected] www. amnesty.or.th Royaume-Uni ➭ [email protected] Kenya Turquie ❒ www.amnesty-arabic.org Amnesty International, 1st Floor, Amnesty International, Muradiye Room 28, All Africa Conference of Bayiri Sok. Acarman ap.50/1, Editorial de Amnistía Churches, Waiyaki Way, Nairobi Tesvikiye 80200, Istanbul Internacional (EDAI) ➭ [email protected] Calle Valderribas 13, Malaisie 28007 Madrid, Espagne Amnesty International, Ukraine ➭ [email protected] Pro-term Committee, 43A, Amnesty International, ❒ www.edai.org Jalan SS 15/4, 47500 Subang Jaya PO Box 60, Kiev 01015 Selangor Darul Ehsan ➭ [email protected][email protected] Éditions francophones ❒ www.crosswinds.net/~aimalaysia d’Amnesty International (ÉFAI) Zambie 17, rue du Pont-aux-Choux, Amnesty International, Private Bag 3, Mali 75003 Paris, France Amnesty International, BP E 3886, Kitwe Main PO, Kitwe ➭ [email protected] Bamako ➭ [email protected] ❒ www.efai.org ➭ [email protected][email protected][email protected] SI Genève – Représentation Zimbabwe d’Amnesty International auprès Mongolie Amnesty International, des Nations unies Amnesty International, Ulaanbaatar 21 25 E Bible House, 99 Mbuya 22, rue du Cendrier, 4e étage, 0648, PO Box 180 Nehanda Street, Harare CH-1201 Genève, Suisse ➭ [email protected][email protected][email protected] 430 Adresses des sections et structures dans le monde SI New York – Représentation SI Pretoria – SI Moscou – d’Amnesty International auprès des Bureau local de développement Centre de ressources Russie Nations unies Amnesty International, Amnesty International, PO Box 212, Amnesty International, 777 UN Plaza, Njeri Kabeberi, PO Box 29083, Moscou 119019, Russie 6th Floor, New York, NY 10017, Sunnyside 0132, Gauteng, ➭ [email protected] États-Unis d’Amérique Afrique du Sud ➭ [email protected][email protected] SI Bureau de Paris Amnesty International, Association d’Amnesty Bureau régional des Caraïbes 76, bd de la Villette, 75940 Paris International pour l’Union Amnesty International, Cedex 19, France PO Box 1912, Room 6, Cathedral ➭ [email protected] européenne (UE) Amnesty International, rue d’Arlon 37- House, Church Street, 41, 1000 Bruxelles, Belgique St. George’s, Grenade SI Beyrouth – Bureau régional ➭ [email protected] Afrique du Nord et Moyen-Orient ➭ [email protected] Amnesty International, PO Box 13- SI San José – 5696, Chouran, SI Dakar – Bureau local Bureau régional Amériques Beyrouth 1102 2060, Liban de développement Amnistía Internacional, 75 metros al ➭ [email protected] Amnesty International, Amadou Shour, norte de la Iglesia de Fátima, Sicap Liberté II, Villa Los Yoses, San Pedro, San José, 1608, Dakar, Sénégal Costa Rica ➭ [email protected][email protected] Pour obtenir plus d'informations, contacter le SI Kampala – SI Hong Kong – Secrétariat international à Londres : Bureau régional Afrique Bureau régional Asie International Secretariat, Amnesty International, Plot 20A, Amnesty International, Unit D, 3/F, Peter Benenson House, Kawalya Kaggwa Close, Best-O-Best Commercial Centre, 32- 1 Easton Street, London Kololo, Ouganda 36 Ferry Street, Kowloon, Hong Kong WC1X 0DW, ➭ [email protected][email protected] Royaume-Uni

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