DOSSIER locale et commerce équitable

LaRevueDurable savoirs • sociétés • écologie • politiques publiques

RENCONTRE JACQUES GRINEVALD :

La Revue Durable Nicholas Georgescu-Roegen, dissident de l’Occident et visionnaire de la décroissance

DOSSIER la paysannerie familiale est capable d’intensifi er la production agricole au Pérou et au mexique, la consommation équitable débarque sur les marchés locaux Dans l’Ouest français, le rad apporte des solutions En Suisse et en France l’agriculture contractuelle explose : 9.– : Des réponses au « Cauchemar de Darwin » : AGRICULTURE LOCALE ET COMMERCE ÉQUITABLE ISSN 1660-3192 CHF : 15.– ISSN 1660-3192 CHF : NUMÉRO 20 • AVRIL - MAI - JUIN 2006 • bimestriel Jean-Yves, brasseur bio en Dordogne (24) prêt n° 1052 de 13 720 € pour le réaménagement de la brasserie du Canardou

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la Nef - 114, bd du 11 novembre 1918 69626 Villeurbanne Cedex fax : 04 72 69 08 79 société coopérative courriel : [email protected] 230x159 10/03/06 13:32 Page 1 de finances solidaires www.lanef.com

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ÉDITORIAL par Susana Jourdan et Jacques Mirenowicz

Les bons signaux

L’importance de la demande mondiale n’explique pas à elle seule la flambée actuelle des cours du pétrole et du gaz. Mais la plupart des autres facteurs qui interviennent pour faire grimper les prix – guerre en Irak, tensions en Iran, 3 déstabilisation au Nigeria et ailleurs, catastrophes naturelles, spéculations bour- sières – masquent eux aussi l’imminence des pics pétroliers et gaziers. Ce qui en- courage les pays du G7 et leurs élites politiques à proposer des réponses avant tout guidées par le court terme : puiser dans les réserves stratégiques, réinvestir dans la production, augmenter les capacités de raffinage… comme si de rien n’était.

Bien sûr, de plus en plus de gens – y compris en haut lieu – comprennent que l’affaire n’est pas aussi simple, que le butoir est proche, qu’il faut trouver une al- ternative aux énergies fossiles et fissiles. Mais ces gens ne dépassent toujours pas une minorité sans levier politique à la hauteur de la situation. En attendant, le politique – qui fait bien trop peu pour aider cette minorité à grandir – se complaît à envoyer les mauvais signaux : continuons de faire comme si les réserves terres- tres étaient illimitées, comme si l’effet de serre n’était pas une donne considérable imposant un bouleversement du modèle de développement en vigueur, comme si le nucléaire était vraiment gérable à grande échelle et à long terme et, de plus, compatible avec la démocratie.

Dès lors, où trouver les bons signaux ? Là où ils ne sont pas attendus ! Au prin- temps 2005, les salles obscures en ont envoyé un lumineux. Avec son Cauchemar de Darwin, Hubert Sauper a réussi un très joli coup. Ce dossier exceptionnel- lement long de LaRevueDurable saisit la drôle de perche que ce documentaire tend à ses spectateurs pour envisager d’autres manières de s’alimenter (voir le dossier, page 15).

Manger les aliments cultivés (ou pêchés) près de chez soi est sans doute l’une des meilleures réponses structurelles à offrir à la crise du pétrole et à la crise énergétique globale. Pour réduire les « besoins » énergétiques et leur cortège de guerres du pétrole, d’effet de serre, d’amoncellement de déchets, y compris radioactifs, les voies à suivre ne se résument pas aux énergies renouvelables, à l’efficacité énergétique et à la sobriété : elles incluent aussi l’organisation de la ÉDITORIAL Une publication de CERIN Sàrl société pour diminuer le plus possible la demande en énergie. Or, il est suicidaire Rue de Lausanne 91, 1700 Fribourg, Suisse de favoriser les échanges agricoles tous azimuts dès lors que les coûts écologiques Tél. : + 41 26 321 37 10 ; fax : + 41 26 321 37 12 que cette option implique sont aussi graves que la déstabilisation du climat et www.larevuedurable.com des tensions toujours plus effrayantes autour de l’or noir. Rédacteurs responsables : Susana Jourdan et Jacques Mirenowicz De leur côté, les défenseurs du nucléaire se serrent les coudes pour relancer cette filière en prétendant contrôler la prolifération. Vingt ans après le séisme de Mise en page, iconographie et maquette Tchernobyl, l’héritage de cet événement commence à peine à livrer sa pleine si- de couverture : Jean-Christophe Froidevaux Illustrations : Tom Tirabosco gnification : l’expansion du nucléaire met en péril la suite de l’aventure humaine. Correction : Anne Perrenoud Et il est temps d’entendre cet autre signal essentiel : la nature de la croissance ac- Cartographie : Marie-Claude Backe-Amoretti tuelle mène le monde à l’abîme (voir l’interview de Jacques Grinevald, page 8).

Abonnements, marketing et publicité : La bonne nouvelle est qu’il y a d’autres voies. Certains s’emploient à les suivre. Hélène Gaillard ; tél. : + 41 26 321 37 11 Puisse leur exemple inspirer de plus en plus de leurs concitoyens. Tirage : 11 000 exemplaires Maquette : Nicolas Peter et Marc Dubois Impression : Atar Roto Presse SA, Genève Papier : 50 % recyclé, blanchi sans chlore Avec le soutien de la Banque Franck, Galland & Cie SA et de l’association Les amis de LaRevueDurable PLEA 2006 23rd INTERNATIONAL CONFERENCE ON PASSIVE AND LOW ENERGY ARCHITECTURE GENEVA SWITZERLAND 6 - 8 SEPTEMBER 2006

La 23e conférence PLEA à Genève a pour but de valoriser les réflexions et les expériences propices au développement d’un environnement construit intelligent, durable et à la portée de tous.

Thèmes I Leçons de l’architecture traditionnelle

I Stratégies et outils du projet

I Bien-être et confort à l'intérieur et à l'extérieur

I Confort intérieur dans les bâtiments vitrés

I Recherche et transfert de technologies

I Stratégies et outils d’aide pour la rénovation

I Enseignement de l’architecture pour une conception durable

I Projets à basse consommation d’énergie à l’échelle urbaine: exemples

I Etudes de cas

Public architectes, urbanistes, professionnels engagés dans la construction et le développement durable Inscription www.plea2006.org

www.plea2006.org 70 68 67 65 61 58 57 54 52 48 46 42 39 36 33 30 28 26 24 23 20 19 16 15 8 7 6 3 DED JACQUESGRINEVA É

de ladécroissance Roegen, dissidentdel’Occidentetvisionnaire pourraient nourrirleurpays Les agriculteursduBurkinaFaso les paysduSudontunemargedemanœuvre Marché mondialetautosuffisancealimentaire, Indicateurs D brèves du «CauchemardeDarwin» Bilan ducyclede3xconférencesinspirées Guide surl’agriculture se portebienenSuisse L’agriculture contractuelle alimentaire abesoindesconsommateurs En Suissecommeailleurs, lasouveraineté paysanne passelavitessesupérieure L’association pourlemaintiend’uneagriculture Il fautmangermoinsdeviande durable apportedessolutions Dans l’Ouestfrançais, leRéseau Agriculture ou lecauchemardeHumboldt Le sojaen Amérique duSud d’intensifier laproductionagricole La paysanneriefamilialeestcapable Les maîtresdelamondialisationl’agriculture et souverainetéalimentaire Comparaison entrelibre-échange Éditorial etsommairedudossier et commerceéquitable D LaRevueDurable sortdekiosque A brèves CORRESPON AG équitable débarquesurlesmarchéslocaux Au PérouetauMexique, laconsommation outil dedéveloppementetd’éducation Le commerceéquitable, d’Hugo Chavezestenmarche Au Venezuela, laréformeagraire lac Victoria du Ce quedeviennentlesusinesdepoisson a fondamentalementraison Le réalisateurdu«CauchemardeDarwin» de proximité Vers descitoyenssolidairesd’uneagriculture RE ANNO ttention, enS DITORIAL ES OSSIER NCON EN RÉPON ARWI DA NCE TRE

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LaRevueDurable N°20 EIRIKG. JANSEN 23

57 54 52 46 33 dedéveloppement équitable, outil 20 SOMMAIRE 26 de poissondulac Victoria Ce quedeviennentlesusines LRD LRD a fondamentalementraison Le réalisateurdu«CauchemardeDarwin» passe lavitessesupérieure d’une agriculturepaysanne L’association pourlemaintien et d’éducation Le commerce Matthew Maaskant GUY DUR Dreamstime/Milan Radulovic Georges Bartoli - CCFD AND LRD de l’agriculture de lamondialisation Les maîtres LRD MARC HUFTY moins deviande Il fautmanger de Humboldt ou lecauchemar en Amérique duSud Le soja mateurs besoin desconsom- neté alimentairea ailleurs, lasouverai- En Suissecomme LRD SOMMAIRE

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brèVES LaRevueDurable N°20

Brèves sur la consommation

Les bons réflexes des Français Et le groupe est impliqué dans de nombreux Réduire les poubelles projets énergétiques controversés sur toute 6 Trois ménages français sur quatre affirment trier la planète : les oléoducs Tchad-Cameroun Pendant que certains créent avec succès leurs déchets, arrêter la veille de leur télévision, pren- et Baku-Tbilissi-Ceyhan en mer Caspienne, de nouveaux déchets, d’autres se démè- dre leur propre sac pour faire leurs courses et regarder l’extraction pétrolière en Angola et le bar- nent pour qu’ils soient triés. Dès l’étiquette Energie lorsqu’ils achètent un appareil élec- rage hydroélectrique géant de Nam Theun 2 le 29 mai, Corepile, organisme troménager. En revanche, peu d’entre eux déclarent au Laos. chargé de la collecte et le recy- acheter des produits issus de l’agriculture biologique clage des piles en France, distri- (21 %) ou des ampoules basse consommation (15 %). La Société Générale est félicitée pour avoir mis sur buera plus de deux millions de petites boites vertes, Faire attention à la quantité de déchets qu’implique pied le premier produit boursier exclusivement con- collecteurs de piles usagées, dans onze enseignes de l’achat d’un bien est également peu répandu (17 %). sacré à l’énergie solaire thermique et photovoltaïque : la grande distribution. Alors que 72 % des ménages Ce sont là quelques conclusions d’une enquête de le World Solar Energy (Solex). Mais ce n’est là qu’un déclarent connaître un point de collecte proche de l’Institut national des statistiques (Insee). produit totalement isolé parmi les 1700 en majorité leur domicile, 70 % des piles atterrissent… dans une orientés vers des activités qui aggravent le change- poubelle ordinaire. Or, les piles ne doivent pas être Dans l’ensemble, l’adoption de comportements ment climatique que la Société Générale propose. incinérées, car elles contiennent des métaux très pol- favorables à l’environnement est liée à une certaine luants qui peuvent être avantageusement recyclés. aisance sociale : les ménages propriétaires, vivant en « Banques françaises et environnement : presque Corepile espère que les petits collecteurs trouveront couple, dans lesquels la personne de référence, âgée tout reste à faire », Les Amis de la Terre, mars 2006 leur place dans les bureaux et autres lieux où l’on de plus de 30 ans, est diplômée, ont le geste écologi- www.amisdelaterre.org consomme des piles et joueront leur rôle en aidant à que plus facile, surtout s’ils habitent dans une petite faire penser à les rapporter vers l’un des 20 000 points agglomération. Les habitants de la région parisienne de récupération. sont moins nombreux à avoir le réflexe écologique. Marketing poubelle www.corepile.fr Nestlé et la Poste Suisse font du marketing au Quatre pages de l’Ifen n° 109, février 2006. mépris du bon sens. Chargé par Nestlé de relooker www.ifen.fr/publications/4pages/de109.htm l’emballage de sa marque de chocolat Frigor, l’archi- La main deux fois verte tecte français Jean Nouvel a réussi à multiplier par Ce printemps, 700 produits sont en vente dans les trois les émissions de dioxyde de carbone (CO2) des 53 magasins de la chaîne Botanic de la partie Est de Les banques françaises avancent plaques de 100 grammes et par sept celles des petits la France pour encourager le jardinage écologique. à reculons carrés. Pour accomplir une telle performance, il fallait Des composteurs, des jarres pour récupérer l’eau de Dans le cadre de leur campagne « Banques fran- tout le génie de cette vedette parisienne : tripler le pluie, un kit d’arrosage goutte-à-goutte et une sélec- çaises : épargnez le climat ! », Les Amis de la Terre poids de l’emballage et remplacer le carton recyclable tion de livres des Editions Terre Vivante figurent en attribuent des cactus et des roses. Il arrive parfois que par du plastique qui finira à l’incinérateur. bonne place de l’assortiment. La bouillie bordelaise et les mêmes institutions soient félicitées et épinglées. Le le purin d’ortie ne sont pas oubliés. Des ateliers péda- groupe Crédit Agricole, qui a lancé au niveau national Dans la même veine, la Poste Suisse a décidé gogiques pour apprendre, par exemple, à choisir des une nouvelle offre en faveur de l’environnement, est d’assombrir son image. Les 40 % de boîtes à lettres plantes adaptées à la sécheresse et la diffusion d’un salué. Elle se compose de trois produits. Le premier suisses porteuses de l’autocollant « Pas de publicité » guide pratique sont organisés pour former personnel consiste en des prêts à des conditions favorables pour lui gâchent le juteux marché des envois non adres- et clients à l’art de la main verte… et écologique. les économies d’énergie et les énergies renouvelables sés. Pour récupérer une partie du gâteau publici- www.botanic.com dans les logements. Le second est un fonds d’investis- taire, la Poste a envoyé 70 000 lettres aux habitants sement socialement et écologiquement responsable. de la région de Bâle pour leur proposer d’enlever ces Le troisième est un fonds de 80 millions d’euros pour fâcheux autocollants en échange d’un petit cadeau. Vacances au vert investir dans des entreprises du secteur des éner- La Fédération romande des consommateurs est mon- La dernière édition du très couru Guide des vacan- gies renouvelables. Par ailleurs, une autre banque, la tée au créneau pour dénoncer ces deux affaires. ces écologiques est tout fraîchement sortie de presse. Caisse régionale des Savoie, a lancé, début 2006, un Plus de 4200 adresses de gîtes, hôtels, écovillages, éco- prêt pour le chauffe-eau solaire individuel qui est déjà Les autocollants « Non merci, pas de pub » sont en musées, manifestations culturelles, séjours militants, un succès. vente auprès de la FRC : www.frc.ch restaurants biologiques et bien d’autres lieux encore y sont référencés. De quoi choisir sa prochaine desti- « Nous demandons que les sommes disponibles nation en toute connaissance de cause. soient largement augmentées », précisent Les Amis de la Terre. Les 80 millions d’euros du Crédit Agricole Guide des vacances écologiques 2006-2007, semblent en effet dérisoires au regard des 3,5 milliards Editions du Fraysse. d’euros de bénéfice que cette banque a réalisé en 2005. www.biovacances.net LaRevueDurable N°20 ANNONCE

ATTENTION, en SUISSE UNIQUEMENT, en kiosque. LaRevueDurable 2. Commandez-le directement sur le site LaRevueDurable (50 % sortdu de kiosque www.larevuedurable.com Ce message est destiné surtout aux HelvètesLaRevue qui Durablese procurent 2. Vous soutenez a décidé que, dès 3. Découvrez, ci-dessous, la liste des lieux LaRevueDurable prix de vente en kiosque revenait à Naville) L’équipe de LaRevueDurable où l’on peut se la procurer enwww.larevuedura- Suisse. Cette le n° 21, la revue ne serait plus diffusée dans les En continuant d’acheter liste figure également sur points de vente Naville en Suisse romande. Cet- au numéro. Pour cela : ble.com 7 te démarche évite le gaspillage de papier pro-1 voqué par les invendus des kiosques. Dès lors, 1. Inscrivez-vous à notre et newsletter vous recevrez sur Si vous avez une idée de lieu où la revue de- vrait être en vente, nous vous serions très recon- comment continuer à nous lire en Suisse ? www.larevuedurable.com une annonce et la présentation de chaque nu- naissants de nous le faire connaître à l’adresse : En vous abonnant, car ainsi : méro à paraître. Si le thème vous intéresse, [email protected] vous pourrez le commander et le recevoir dès 1. Vous économisez 15 % sur l’année sa parution.

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* RENCONTRE JACQUES GRINEVALD : Nicholas Georgescu-Roegen, dissident de l’Occident et visionnaire de la décroissance

Philosophe et historien, écologiste de la mort. D’une manière générale, il y a un refoulement dans 8 le milieu académique. La plupart des professeurs d’écono- première heure, Jacques Grinevald multi- mie n’ignorent pas Georgescu-Roegen, mais n’en parlent plie les centres d’intérêt autour de l’écologie pas. Un de mes étudiants a demandé à l’un d’entre eux : « M. Grinevald nous parle de Georgescu-Roegen, pourquoi globale et l’histoire des sciences et des tech- pas vous ? » Réponse : « C’est très diffi cile, très compliqué, nologies. Mais un sujet lui tient particuliè- vous verrez ça quand vous serez en doctorat. » Ce n’est pas totalement faux : Georgescu-Roegen est un auteur diffi cile. rement à cœur : celui de la place et du rôle de l’œuvre de Nicholas Quant à la mouvance sociale qui apparaît sous le label de la dé- Georgescu-Roegen (1906-1994) au XXe siècle. croissance, il ne faut pas la surestimer : elle est très marginale. Mathématicien roumain formé en Europe, Georgescu-Roegen LRD : Cela dit, des courants de recherche revendiquent l’héri- tage scientifi que de Georgescu-Roegen s’initie à l’économie aux Etats-Unis. Lecteur assidu de la littérature JG : C’est vrai. Deux courants de pensée très importants en plein scientifi que, il intègre les lois de la physique à une nouvelle vision essor s’inspirent de ses travaux. L’un est l’économie écologique, l’autre l’écologie industrielle. L’un des pères fondateurs de l’éco- de l’économie – la bioéconomie – et conclut à l’inéluctabilité de la nomie écologique est un ancien étudiant de Georgescu-Roegen, Herman Daly*, même si Georgescu-Roegen l’a accusé de plagiat décroissance pour réduire l’impact de l’activité économique sur le et de ne pas répondre à ses critiques sur l’état stationnaire. système Terre. LRD : L’état stationnaire, c’est la croissance zéro. Ami de Georgescu-Roegen depuis 1974, Jacques Grinevald se con- JG : Oui, pour Georgescu-Roegen, l’état stationnaire, cela veut dire que l’on peut rester riche. Or, les gens trop riches, estimait- sidère comme lui un dissident et se fait le vibrant avocat de son il, doivent devenir moins riches. C’est ça la décroissance. Il n’a œuvre, dont la pertinence est plus que jamais d’actualité avec une jamais dit que les pauvres devaient s’appauvrir, seulement qu’il faut mieux distribuer la richesse. Cela dit, la revue académi- économie mondialisée qui transforme des quantités d’énergie et de que qui représente l’économie écologique2 cite abondamment matière trop importantes pour pouvoir perdurer longtemps. Reste Georgescu-Roegen.

à le faire entendre aux économistes « standards » et à la population. LRD : Et l’écologie industrielle ? JG : Tous ses fondateurs ont lu, à côté des grands traités d’écolo- gie, des textes de Georgescu-Roegen, ne serait-ce qu’une confé- LaRevueDurable : Dans l’introduction à la seconde édition de rence. Son infl uence sur ce courant existe donc, mais il faudra un 1995 de La décroissance1, vous écrivez : « Nicholas Georges- certain recul historique pour lui donner sa vraie place. cu-Roegen reste encore mal compris, quand il n’est pas tout simplement ignoré. » Le silence absolu qui a accompagné sa LRD : Pourtant, la décroissance semble très peu présente dans les mort a confi rmé ce diagnostic. Pourtant, en 2006, la situation travaux de l’écologie industrielle3. semble bouger. Un mouvement social revendique son héri- JG: Si, elle l’est, et c’est même un de ses thèmes clefs, dans la tage intellectuel en France. Cent personnes ont assisté à votre mesure où la décroissance, c’est d’abord la diminution des fl ux conférence donnée, à Genève, à l’occasion du centenaire de sa de matières et d’énergie. Les tenants de la croissance économique naissance, le 4 février. Et des ouvrages se réfèrent à ses thèses. ont pour astuce de dire qu’il faut réduire ces fl ux par rapport à Quelque chose est-il en train de changer ? la valeur, c’est-à-dire en termes relatifs. Pour Georgescu-Roegen Jacques Grinevald : Au niveau mondial, le silence reste quasi et pour tous ceux qui sont au fait des limites d’une Biosphère total. A Nashville, dans son université, il n’y a plus aucun souvenir humainement habitable, il faut les réduire de manière absolue. de Georgescu-Roegen. Et pourquoi sa mort a-t-elle été entourée Pour l’économie écologique comme pour l’écologie industrielle, de ce silence ? Parce que les économistes pensaient qu’il était déjà il est central de réduire l’impact physique de l’activité humaine sur les grands cycles biogéochimiques*. C’est une conséquence des * Jacques Grinevald est professeur à l’Institut universitaire d’études du développe- travaux de Georgescu-Roegen publiés bien avant que les chan- ment (IUED), à Genève, en Suisse. Il a enseigné à l’Ecole polytechnique fédérale de gements climatiques entrent dans la discussion publique et les Lausanne de 1980 à 2005 et au Département de science politique de l’Université de négociations internationales. Genève de 1987 à 2005. * Les auteurs ou les mots en italique et marqués d’un astérisque sont défi nis en page 13 Georgescu-Roegen chez les économistes mathématicien pour l’aider à rédiger un livre sur les cycles des 9 affaires. D’emblée, le contact est excellent. Emigrés tous deux LRD : Mais lorsqu’on parle de croissance ou de décroissance, d’Europe centrale, leurs affinités sont nombreuses. on se réfère à l’économie. Et là, le courant de l’écologie indus- trielle n’est pas en pointe. LRD : Cette rencontre est donc un très heureux hasard. JG : Oui, mais il y a une équivoque. Car au fond, il y a deux dé- JG : C’est la bonne fortune de Georgescu-Roegen. D’autant finitions de la croissance. L’une, monétaire, est la vitesse d’aug- qu’en suivant les cours d’économie de Schumpeter et de Was- mentation du revenu national d’une année à l’autre. L’autre est sily Leontief*, qui deviendra lui aussi célèbre, il se fait des amis : la mesure du volume physique des activités humaines en ter- Paul Samuelson* en particulier. Mais en 1936, il s’apprête à ren- mes de quantités d’énergie, de masse, etc. Par exemple, on peut trer en Roumanie lorsque Schumpeter l’interpelle : évaluer le commerce mondial du pétrole en dollars : en valeur - Après les vacances, revenez à Harvard travailler avec nous. monétaire, sa part est de l’ordre de 5 %. On peut aussi l’éva- - La Roumanie a bien plus besoin d’un économiste que le dé- luer en poids physique : en tonnes, sa part est d’environ 40 %. partement d’économie d’Harvard, répond Georgescu-Roegen Le pétrole est ainsi de loin la denrée la plus commercialisée avec un brin d’insolence. dans le monde. L’économie et l’écologie donnent donc deux Né dans une famille modeste, orphelin de père à dix ans, il es- visions très différentes de la croissance. Le but est de les faire timait qu’il avait une dette vis-à-vis de son pays, qui lui avait dialoguer. donné des bourses pour faire ses études.

LRD : Et c’est précisément ce dialogue que Georgescu-Roegen LRD : Pourtant, en faisant carrière à Harvard, il aurait pu voulait instaurer. créer une école de pensée. JG : Avant d’être économiste, Georgescu-Roegen est mathé- JG : Il aurait eu plus d’écoute, sans doute, mais à mon avis, il maticien et épistémologue. J’ai habité avec lui aux Etats-Unis, n’aurait pas été un penseur révolutionnaire, ni un dissident. Il j’ai longuement discuté avec lui lorsqu’il a passé une année aurait été un hétérodoxe à l’intérieur du mainstream, mais il à Strasbourg, ma ville natale. Combien de fois m’a-t-il dit : n’aurait pas eu la distance critique qu’il a eue en rentrant en « Les économistes ne me comprennent pas. Ils ne voient pas le Roumanie pour y constater l’échec de l’économie néoclassique. problème, parce qu’ils sont enfermés dans les sciences sociales. » Il a ainsi pu voir que cette théorie ne marche pas dans un pays Son message est un pont sur le fossé qui sépare les sciences avant tout agraire, très peuplé, qui a toutes les caractéristiques sociales des sciences naturelles. d’un pays « sous-développé ». Georgescu-Roegen a aussi été beaucoup marqué par les épreuves du fascisme, de la guerre LRD : Et il avait une idée du moyen de créer ce pont entre ces et des Soviétiques. Enfuit clandestinement en février 1948, il deux sphères du savoir ? passe un an à Harvard, accueilli par Leontief. Puis il accepte une JG : Pour bien le comprendre, il est utile de connaître son par- chaire d’économie à l’Université Vanderbilt, à Nashville. cours. Il accomplit ses études de mathématiques à une époque extraordinaire, les années 1920 et 1930. La logique est alors en LRD : Sa décision de ne pas rejoindre Schumpeter en 1936 en- plein développement. Georgescu-Roegen est docteur en sta- richit son parcours, mais coûte très cher à sa carrière acadé- tistique à 24 ans, à la Sorbonne (sur les cycles en statistique), mique. où il est l’élève d’Emile Borel, le grand spécialiste du calcul JG : Effectivement : il refuse la voie royale que lui proposait des probabilités. Il enchaîne sur deux ans à Londres chez Karl Schumpeter. La sienne sera plus difficile et plus novatrice. Pearson, le fondateur de la statistique mathématique et de la biométrie. Puis il passe les années 1935 et 1936 à Harvard, La rivalité Georgescu-Roegen-Prigogine auprès de Joseph Schumpeter*. LRD : Pour en revenir à sa recherche, comment parvient-il à LRD : Comment atterrit-il chez Schumpeter ? faire ce que les économistes ne font en général pas, c’est-à-dire JG : Par le plus grand des hasards. A Harvard, il devait se perfec- à lier l’économie à l’énergie et à la matière ? tionner en statistique, mais son caractère et son génie rendent JG : Après la Deuxième Guerre mondiale, il suit de près les cou- les choses difficiles. II faut dire que dès l’âge de dix ans, il publie rants de pensée qui ravivent la réflexion scientifique. Le petit des travaux de mathématique. Il sait qu’il n’est pas le premier livre Qu’est-ce que la vie? du physicien Erwin Schrödinger*4, venu. Aussi n’accepte-t-il pas la façon dont le professeur de joue pour lui comme pour d’autres un rôle décisif. Dans le cha- statistiques à Harvard le traite. C’est alors qu’il apprend qu’un pitre sur la deuxième loi de la thermodynamique*, Schrödinger grand économiste d’Harvard, Joseph Schumpeter, cherche un rappelle que la quantité d’énergie-matière ordonnée présente uuu RENCONTRE LaRevueDurable N°20

dans un système isolé (qui n’échange rien avec l’extérieur) se litaire dans sa démarche ? D’où vient 10 uuu dégrade avec le temps : on dit que l’entropie du système aug- l’incompréhension de ses collègues mente. Et elle augmente jusqu’à un maximum synonyme de économistes ? Certes, c’était un virtuo- mort du système. Aussi Schrödinger demande-t-il : comment se, avec des bases scientifi ques très sérieuses, mais pourquoi si les organismes vivants font-ils pour échapper à la mort que peu comprennent ce qu’il a compris ? Pourquoi son message, prédit la loi de l’entropie ? Et répond : parce que ce ne sont pas que vous portez aujourd’hui, n’est-il toujours pas entendu ? des systèmes isolés, mais des systèmes ouverts, qui pompent JG : Je vois au moins trois raisons. La première est que la commu- de l’énergie-matière ordonnée – qu’il appelle de l’« entropie nauté scientifi que elle-même – divisée en de multiples disciplines négative » – dans leur milieu. spécialisées – n’a pas accepté les implications philosophiques de la découverte inattendue de l’entropie et de ses rapports avec le LRD : Au centre de la démarche de Georgescu-Roegen, vivant, qui met par terre toute la vision mécaniste du monde. il y a donc cette fameuse loi de l’entropie. Au lieu d’admettre que cette loi dit quelque chose d’essentiel sur JG : Oui, qu’il applique, dans son maître-livre La Loi la réalité du monde – les philosophes parlent de son contenu de l’entropie et le processus économique5, à tout ce qui « ontologique » –, on en fait un simple modèle d’interprétation compose l’activité économique : les êtres vivants, les de l’univers. Deuxième raison : Georgescu-Roegen n’est pas le techniques, les systèmes écologiques à l’échelle de l’es- seul à donner une dimension ontologique à la loi de l’entropie. pèce humaine et de la planète. Or, cela bouleverse la Sur ce plan, son grand rival est Ilya Prigogine*. conception mécaniste des rapports entre l’homme et la nature, qui considère que tous ces éléments sont LRD : Quels sont les points d’accord et de divergence entre isolés et hors du temps réel. En réalité, certains le sont Georgescu-Roegen et Prigogine ? (ils n’échangent ni énergie ni matière), d’autres sont JG : Tous deux admettent que la loi de l’entropie est une grande clos (ils échangent de l’énergie, mais pas de matière) et d’autres révolution de la philosophie naturelle occidentale, c’est-à-dire sont ouverts (ils échangent de l’énergie et de la matière)6. Geor- de la physique, de la chimie, de la biologie et de la théorie du gescu-Roegen s’inscrit ainsi dans la tradition évolutionniste qui système du monde. Dans la philosophie naturelle classique, le conçoit l’homme comme un être vivant parmi d’autres, à cette temps ne change rien : il peut tourner dans un sens ou dans différence capitale près qu’il fabrique des outils, des machines l’autre, cela n’a aucune importance. C’est le temps réversible et et des machines pour fabriquer des machines. Les lois de la chronométrique de la mécanique newtonienne et céleste : on thermodynamique s’appliquent à ces machines autant qu’aux peut inverser le mouvement des planètes, les équations restent organismes vivants et aux écosystèmes. les mêmes. La loi de l’entropie dit, au contraire, qu’il y a une dissymétrie du temps : la « fl èche du temps » est irréversible. LRD : Georgescu-Roegen a évolué dans un univers intellectuel On ne peut pas la retourner. Le passé et le futur ne sont pas extraordinaire, qui avançait sur la compréhension de la place équivalents. Le temps est créateur de nouveauté radicale et les de l’homme dans l’Univers. Pourquoi, dès lors, a-t-il été si so- processus naturels réels sont irrévocables. La nature n’est donc

Epistémologue et historien XIXe siècles, lorsque la société européenne critique épistémologique. Cela lui permet agraire bascule vers la civilisation thermo- de constater, notamment en donnant Jacques Grinevald se défi nit comme épis- industrielle, avec la machine à vapeur et le un cours sur l’histoire de la technique témologue et historien. Il est avant tout charbon, puis le pétrole. pendant vingt-cinq ans à l’Ecole poly- philosophe, travaillant au voisinage des technique fédérale de Lausanne (EPFL), scientifi ques et sur l’évolution des con- Il rejoint l’Institut universitaire d’étu- comment les ingénieurs voient le déve- naissances. Pendant ses études, il lit « de A des du développement (IUED) retour du loppement, le passé et l’avenir du monde. à Z » Gaston Bachelard, Alexandre Koyré, Tchad, en 1973. « J’ai alors pris conscience « Si, dans les milieux écologistes ou anthro- Thomas Kuhn, Serge Moscovici, Jean d’appartenir avant tout à la culture judéo- pologiques que je fréquente, observe-t-il, Piaget et Michel Serres, parmi les auteurs chrétienne occidentale, témoigne-t-il, à on remet en question l’idée occidentale de qui se distinguent en faisant la part belle une civilisation et à une religion parmi progrès, cela n’est généralement pas le cas aux sciences naturelles. « Mon esprit est bien d’autres. Bref, j’ai découvert mon des ingénieurs. Au contraire, ils y croient encyclopédique au sens du XVIIIe siè- ethnocentrisme. » A l’IUED, des anthro- plus que jamais : l’avenir est selon eux aux cle », confi e-t-il. Il est connu pour avoir pologues l’aident à tenir compte des con- nouvelles technologies. » approfondi la transition entre les XVIIIe et textes sociaux lorsqu’il fait son travail de LRD LaRevueDurable N°20 RENCONTRE

pas statique, elle est en devenir et l’humanité fait partie de ce de Georgescu-Roegen. Demain la décroissance, recueil de textes devenir. Par opposition, la vision mécaniste n’est qu’une vision que j’ai rassemblé et traduit avec Ivo Rens dans les années 1970 11 idéale, un modèle qui n’embraye pas sur la réalité, a fortiori est publié, après beaucoup de diffi cultés, en 1979, au moment depuis la Révolution thermo-industrielle. même où Passet publie L’économique et le vivant8.

LRD : Et les divergences ? LRD : En très bref, que dit Passet ? JG : Les modèles physico-chimiques de Prigogine s’appliquent JG : Il a très bien compris que l’économique est un système à des systèmes ouverts7. Georgescu-Roegen, en revanche, s’in- ouvert à la fois sur le social et sur la Biosphère. Sur le social, il téresse à l’économie humaine dans l’environnement global cherche à réintroduire les institutions et les décisions politiques où se situe cette activité : la surface de la Terre, qui reçoit de dans l’analyse économique. Ce qui n’est pas original. Des éco- l’énergie solaire de l’espace, mais pas de matière. L’humanité nomistes l’ont toujours admis. A commencer par son maître vit donc dans un système clos, un « monde fi ni » François Perroux*. En parallèle, grâce au Groupe qui impose des limites au développement de Les riches des dix*, il découvre très tôt la nécessité de récon- l’humanité. De plus, leurs rapports au politique, cilier économie et écologie. au pouvoir et à la société sont aux antipodes l’un doivent de l’autre. Georgescu-Roegen est un économiste devenir moins LRD : Dans la rivalité Prigogine-Georgescu- des pauvres. Il critique l’opulence de l’Occident, Roegen, c’est donc Prigogine qui « gagne » ! qui n’est pas la norme, mais l’exception. L’ensem- riches JG : Pour l’instant oui, grâce à un élément fonda- ble de l’humanité, estime-t-il, n’accédera jamais mental : en permettant d’attacher plus d’intérêt au niveau de vie des Etats-Unis : la planète Terre ne le permet au rôle de l’innovation technologique dans la croissance éco- pas. Prigogine ne partage pas cet avis. Même s’il plaide pour nomique, Prigogine aide à renouveler les théories de la crois- le dialogue des cultures, il semble convaincu que la richesse et sance et la rhétorique du développement et du progrès. la créativité de l’Occident sont la fi ne fl eur de l’évolution de l’humanité. Conséquences politiques de la bioéconomie

LRD : Un dialogue s’est-il instauré entre Georgescu-Roegen LRD : Quelle est la troisième source qui explique que les et Prigogine ? économistes sont restés sourds à l’œuvre de Georgescu- JG : Ce dialogue était espéré, mais c’est un clash qui a eu lieu. Roegen ? Georgescu-Roegen m’a raconté sa rencontre avec Prigogine au JG : Georgescu-Roegen prend en compte la grande nouveau- Texas, en 1978. Il défendait fi èrement son interprétation de la té des années 1960-70 : la Terre vue de l’espace. Cela l’incite loi de l’entropie, qui inclut la dissipation de la matière utilisa- à regarder l’activité économique mondiale à la surface de la ble en plus de l’énergie. Mais Prigogine use d’une acception planète, dans l’environnement global, ce que ne font pas les particulière du terme matière. La discussion était très serrée. comptabilités et les analyses économiques usuelles. L’unité de Georgescu-Roegen raconte : « A un moment, Prigogine ne mesure de la croissance, revenu national ou produit intérieur savait plus quoi répliquer et me sort d’un ton arrogant : entre brut, c’est l’Etat-nation, soit une petite portion de territoire à nous deux, qui est Prix Nobel de thermodynamique ? » Face à l’intérieur d’un espace géographique prétendument illimité. un tel argument d’autorité, Georgescu-Roegen se vexe, se fâche La modernité occidentale en reste à la vision européenne de et la discussion cesse. l’expansion et de la conquête du monde née il y a quelques siècles. La Terre paraissait immense et le genre humain petit. LRD : De toute façon, Prigogine n’est pas économiste. Puis, subitement, en 1969, la planète devient minuscule. La réa- JG : Certes, mais il se trouve qu’un économiste français, Re- lisation que l’humanité habite une petite Terre vivante, fragile, né Passet*, a constamment invoqué Prigogine pour forger sa isolée dans un espace noir et glacial, hostile à la vie renouvelle « bio-économie ». Au passage, aujourd’hui, en France, on tend la « conscience écologique ». Le seul espoir, c’est le Soleil qui à amalgamer Georgescu-Roegen et Passet : je crois qu’il faut réchauffe l’enveloppe habitable de la Terre, cette atmosphère éviter cette confusion. avec son effet de serre que le développement moderne perturbe gravement. Les économistes font comme si ce tournant de la LRD : Pourquoi Passet a-t-il retenu les travaux de Prigogine pensée humaine ne les concernait pas. En fait, ils ignorent la plutôt que ceux de Georgescu-Roegen ? Biosphère. Il est vrai que la mythologie de la conquête spatiale, JG : Lorsque Passet critique l’économie néoclassique et entre- tout l’argent dépensé pour envoyer des engins dans l’espace voit une nouvelle description de l’économie qui intègre l’éco- ajouté au mythe du progrès technoscientifi que confortent les uuu logie, Prigogine est déjà connu en Europe, ce qui n’est pas le cas illusions de la croissance illimitée. RENCONTRE LaRevueDurable N°20

uu LRD : Les premiers responsables sont donc ceux qui font croire au XIXe siècle et entraîne aujourd’hui l’industrialisation de la 12 qu’il n’y a pas de limites. planète, doit reconnaître qu’il s’est trompé de direction. L’in- JG : Oui, et sur ce point, la communauté scientifi que et le dustrialisation à outrance, y compris de l’agriculture et de nom- monde des ingénieurs ne sont pas unanimes. Ils sont divisés et breux services, n’est possible ni à long terme ni à l’échelle de la ambivalents. Beaucoup n’ont aucune sensibilité écologique. Les Biosphère. Georgescu-Roegen n’est pas contre toute l’industrie. recherches sont souvent très liées à des projets d’ingénierie qui Il est contre les excès et le gigantisme. Il n’est pas contre l’usage soutiennent la croissance fi nancière et l’expansion économi- des métaux, puisqu’il faut bien des outils, pour l’agriculture que. On croit toujours que la science est là pour aussi. Mais il y a des limites. Il est explicitement augmenter la richesse matérielle, individuelle et post-malthusien. Il critique même Robert Thomas collective, que les problèmes d’environnement L’Occident Malthus*, pour qui le problème réside seulement sont secondaires et qu’il vaut mieux être riche ne veut pas dans l’écart entre les taux de croissance des res- et puissant pour les résoudre. Hélas, les Nations se remettre sources et de la démographie. Pour Georgescu- unies défendent depuis le Rapport Brundtland Roegen, il y a des limites ultimes et, à l’intérieur l’idée que la pollution n’est pas due à la richesse en question du cadre global que ces limites fi xent, c’est la industrielle, mais à la pauvreté préindustrielle. Il distribution qui est essentielle. On ne résoudra est pourtant scandaleux de pointer la pauvreté comme le grand rien en plaçant toujours la croissance avant la distribution. Le responsable de la dégradation de l’environnement. En fait, c’est problème de l’équité est à traiter en soi, indépendamment de la la puissance du monde militaro-industriel née de l’aventure his- croissance. C’est même le problème primordial. torique de l’Occident, surtout depuis la Révolution thermo-in- dustrielle, qui menace l’intégrité et la stabilité de la Biosphère. LRD : Une forte remise en cause du modèle de développement dominant a traversé les années 1970. Comment comprendre LRD : Parmi les obstacles à la compréhension des thèses de que cette contestation se soit très largement effondrée ? Georgescu-Roegen, il y a donc le refoulement de la crise éco- JG : Je confi rme : au début des années 1970, il y avait une véri- logique planétaire. table fi èvre épistémologique. On pourrait comparer ces années JG : C’est bien celà le drame : la réception des idées écologiques au bouillonnement intellectuel et artistique des années 1920. J’ai se heurte à des intérêts gigantesques et à une formidable inertie bien peur qu’aujourd’hui s’ouvre une nouvelle période sombre culturelle et institutionnelle. Georgescu-Roegen est un Cassan- de l’humanité, comparable à celle des années 1930. dre dont on refoule le « message terrestre » précisément parce que l’entendre contraint à tirer des conclusions politiques très LRD : Vous êtes très inquiet ? pratiques à tous les niveaux et dans tous les domaines. JG : Pourquoi le nier ? Avec mon collègue et ami Ivo Rens, j’ai donné pendant des années un séminaire à l’Université de Genè- LRD : Lesquelles ? ve sur les fonctions idéologiques du catastrophisme en relation JG : Le monde occidental, qui a fait sa révolution industrielle avec l’essor de l’écologie politique. Nous redoutions cette pério- de sombre qu’on sentait venir depuis le « nouvel âge nucléaire », né en 1945 à Hiroshima. Le point crucial est que l’Occident Un dissident de l’Occident refuse de se remettre en question alors qu’il a tous les éléments Comme son héros Georgescu-Roegen, Jacques Grinevald se pour le faire. Il y a suffi samment de penseurs profonds, qui nous défi nit « très clairement » comme un dissident. « J’en ai pris intiment de réfl échir sur les racines théologiques et dogmati- conscience le jour où, encore étudiant à l’Institut des hautes ques de l’Occident : Pierre Legendre*, par exemple9. g études internationales, à Genève, ma prof d’économie m’a traité d’écologiste exactement comme si elle m’avait traité de bolche- vik. J’accepte d’être un hérétique pour le monde moderne, occi- 1 Nicholas Georgescu-Roegen. La décroissance. Entropie-écologie-économie, présentation dental ou occidentalisé. On a beaucoup parlé des dissidents des et traduction de Jacques Grinevald et Ivo Rens, Sang de la Terre, Paris, 1995, en rééd. pour 2006 (1re éd. 1979). pays de l’Est en oubliant qu’il y en a chez nous aussi. Ce sont des 2 Journal of the International Society for Ecological Economics. gens qui découvrent la monstruosité de ce que la technoscience 3 Voir l’interview de Suren Erkman : L’écologie industrielle ramène l’économie sur terre, a déjà inventé et prépare : des armes de destruction massive LaRevueDurable (12) : 6-10, 2004. qui, tôt ou tard, seront employées. Une guerre nucléaire mon- 4 Christian Bourgois, 1986 ; Seuil, coll. Points, 1993. 5 Harvard University Press, 1971. diale pourrait être déclenchée par erreur. Et même sans cela, 6 Distinctions du physico-chimiste Ilya Prigogine. nous pouvons détruire la Biosphère par l’excès de nos activités 7 Qu’il appelle « structures dissipatives ». techno-économiques. » LRD 8 Ed. Economica, Paris, 1996 (1re éd. Payot, Paris 1979). 9 Voir Ce que l’Occident ne voit pas de l’Occident, Editions Mille et une nuits, Paris, 2004. uuu 13 Lexique des auteurs cités René Passet (1926) : Français, écono- pie. Son livre Qu’est-ce que la vie ? (1944) miste du développement, René Passet su- convainc de nombreux physiciens de se Herman Daly (1938) : économiste bordonne, dans L’économique et le vivant tourner vers la biologie moléculaire. Prix états-unien, élève de Georgescu-Roegen (1979), la sphère économique à la sphère Nobel de physique en 1933. à l’Université Vanderbilt, à Nashville. De sociale, elle-même incluse dans la sphère 1988 à 1993, il travaille au département naturelle. Il préside aujourd’hui le conseil Joseph Schumpeter (1883-1950) : Environnement de la Banque mondiale, scientifique d’Attac, mouvement en faveur économiste autrichien, qui a mis en lu- à Washington. Cofondateur de l’Interna- d’un contrôle démocratique des marchés mière le rôle de l’entrepreneur dans la vie tional Society for Ecological Economics financiers et de leurs institutions. économique. Son Capitalisme, socialisme (1988) et coéditeur de son journal acadé- et démocratie (1942) montre que l’évolu- mique Ecological Economics. François Perroux (1903-1987) : éco- tion du capitalisme sape les fondements nomiste français influencé par l’œuvre de sociaux et culturels de la société capitaliste Groupe des dix : rassemblement d’une Joseph Schumpeter. Il introduit dans ses et conduit à l’avènement du socialisme. vingtaine d’intellectuels travaillant, dans analyses les notions d’inégalité des agents les années 1970, sur les rapports entre économiques, de pouvoir et de domina- avancées scientifiques et monde politique. tion, mettant ainsi en cause la formulation Lexique technique Outre son principal initiateur, le médecin orthodoxe des mécanismes de l’équilibre et entrepreneur Jacques Robin, ce groupe économique. Cycles biogéochimiques : la géochimie incluait, entre autres, Henri Atlan, Joël de décrit la circulation des éléments chimi- Rosnay, Henri Laborit, Edgar Morin et Ilya Prigogine (1917-2003) : chimiste ques à la surface de la Terre dans quatre René Passet. et philosophe belge d’origine russe. Ses « réservoirs » : lithosphère, hydrosphère, travaux aident à comprendre le rôle du atmosphère et biosphère. La biogéochimie Pierre Legendre (1930) : Français, temps en biologie et dans les sciences met en évidence le rôle des organismes vi- historien et anthropologue du droit, psy- physiques, en particulier dans l’analyse vants (la matière vivante) dans cette circu- chanalyste, fondateur de l’anthropologie de la dynamique des systèmes comple- lation planétaire de la matière, soulignant dogmatique. Auteur, éditeur et même ci- xes. Il est ainsi le premier à appliquer la les interrelations de tous les cycles biogéo- néaste, son propos central est la viabilité thermodynamique à l’étude des processus chimiques, notamment ceux du carbone, anthropologique de la société industrielle irréversibles dans des systèmes vivants et de l’oxygène, de l’azote, du soufre et du occidentale et le rôle de l’Etat garant de inanimés. Sa notion de « structures dis- phosphore dans l’écosystème mondial de la raison. sipatives » décrit les systèmes ouverts, qui la Biosphère. échangent de la matière et de l’énergie Wassily Leontief (1906-1999) : éco- avec leur environnement. Prix Nobel de Thermodynamique : théorie physique nomiste états-unien d’origine russe. Il chimie en 1977. des rapports entre la chaleur et le travail propose, dans La structure de l’économie née de la technologie des « machines à américaine (1919-1939) (1941), une mé- Paul Samuelson (1915) : économiste feu » de la Révolution industrielle qui, thode d’analyse des systèmes productifs états-unien, l’un des principaux repré- d’abord sous le nom de théorie mécani- connue sous le nom d’ « inputs-outputs » sentants du courant de la synthèse entre que de la chaleur, devient la science de (entrées-sorties). Prix Nobel d’économie l’analyse néoclassique et le keynésianisme. l’énergie. La thermodynamique a connu en 1973. Ses apports majeurs touchent aux théories une évolution agitée et controversée, no- du consommateur, du commerce interna- tamment à cause de son Second Princi- Robert Thomas Malthus (1766-1834) : tional et de l’équilibre. Prix Nobel d’éco- pe et du concept d’entropie. La crise de économiste classique britannique et pas- nomie en 1970. l’énergie, en 1973-74, a ravivé l’actualité teur anglican. Dans son Essai sur le prin- épistémologique des grands principes de cipe de population (1798), il soutient que Erwin Schrödinger (1887-1961) : phy- la thermodynamique. g la poussée démographique met en péril la sicien autrichien qui renouvelle, en 1926, survie du monde et recommande la res- la formalisation de la théorie quantique, triction volontaire des naissances par la introduisant l’équation fondamentale à la morale sexuelle et le célibat. base de tous les calculs de la spectrosco- DOSSIER LaRevueDurable N°20

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LaRevueDurable N°20 DOSSIER

14 Illustration TOM TIRABOSCO

15 ÉDITORIAL DU DOSSIER DOSSIER 16 INDICATEURS 19 Vers des citoyens solidaires d’une agriculture de proximité Des réponses au « Cauchemar LRD 20 Le réalisateur du « Cauchemar de Darwin » a fondamentalement raison de Darwin » : agriculture locale LRD 23 Ce que deviennent les usines de poisson du lac Victoria et commerce équitable EIRIK G. JANSEN 24 Comparaison entre libre-échange et souveraineté alimentaire 15 LRD Inspiré par le documentaire choc Le cauchemar de Darwin, ce dossier, 26 Les maîtres de la mondialisation à l’instar du cycle de conférences qui l’a précédé, poursuit deux buts : com- de l’agriculture prendre en quoi la mondialisation des échanges agricoles crée des désastres LRD écologiques et sociaux partout dans le monde ; saisir comment réagir, freiner, voire éviter les déséquilibres qu’accroît ce commerce agricole. Se concentrer 28 Au Venezuela, la réforme agraire d’Hugo Chavez est en marche sur les échanges agricoles en partant du film d’Hubert Sauper se justifie GREGORY WILPERT pleinement, car ce sont eux qui ont le plus d’impact sur des vies humaines : les paysans composent aujourd’hui la moitié de la population mondiale. 30 Marché mondial et autosuffisance alimentaire, les pays du Sud ont une marge de manœuvre La souveraineté alimentaire est aujourd’hui l’idée clef capable de redonner CLAUDE AUROI tout son sens à l’agriculture mondiale. Autour d’elle gravitent plusieurs solutions concrètes, pratiques et locales. Il s’agit essentiellement du commerce 33 Le commerce équitable, outil équitable, dont l’évolution logique est de tendre vers le local, au Nord comme de développement et d’éducation au Sud, et l’agriculture contractuelle de proximité, qui s’épanouit en France et GUY DURAND en Suisse. Troisième piste : réduire la consommation 36 Au Pérou et au Mexique, de viande, dont l’expansion actuelle est totalement la consommation équitable débarque contraire à l’objectif de nourrir de 8 à 9 milliards sur les marchés locaux d’individus d’ici la moitié LRD du XXIe siècle. 39 Les agriculteurs du Burkina Faso pourraient nourrir leur pays GIL DUCOMMUN LRD 42 La paysannerie familiale est capable d’intensifier la production agricole MARC DUFUMIER 46 Le soja en Amérique du Sud ou le cauchemar de Humboldt MARC HUFTY 48 Dans l’Ouest français, le Réseau Agriculture durable apporte des solutions CHRISTIAN MOUCHET 52 Il faut manger moins de viande LRD 54 L’association pour le maintien d’une agriculture paysanne passe la vitesse supérieure LRD 57 En Suisse comme ailleurs, la souveraineté alimentaire a besoin des consommateurs LRD 58 L’agriculture contractuelle se porte bien en Suisse LRD

61 Guide sur l’agriculture

65 Bilan du cycle de 3 x 3 conférences inspirées du « Cauchemar de Darwin » LRD INDICATEURS LaRevueDurable N°20

LRD Situation des dans le monde

C’est en 1995 que la tendance à la baisse du nombre d’affamés TracteursTracteurs/1000 / 1000 ha ha de de terres terres arables dans le monde s’inverse. De 1995 à 2000, les mal-nourris aug- 38 16 40 mentent de 4 millions par an. En 2004, 852 millions de personnes 36

souffrent de sous-alimentation. Chaque minute, neuf enfants en 32 meurent (FAO, Rapport sur l’insécurité alimentaire, 2004). 28 25 24 Nombre de personnes qui souffrent de la faim en millions 19 20 15 16 Inde 12 Chine 8 3 4 Reste de l’Asie 0

Amérique latine Afrique Amérique Amérique Asie Europe du Nord latine Afrique ProductionProduction par par travailleur travailleur agricoleagricole en en dollars dollars par paran an 60000 Pays en transition 54000 52182

Pays industrialisés 48000

42000 0 25 50 75 100 125 150 175 200 225 250 36000

La faim sévit surtout dans les campagnes, 30000

là où vivent les plus pauvres. 24000

Qui souffre de la 18000

50 % Petits paysans faim (en % des 852 12000 8373 millions d’affamés) 4100 6000 524 670 20 % Paysans sans terre 0 Afrique Amérique Amérique Asie Europe 20 % Pauvres urbains du Nord latine

Source : Agence des Nations unies pour l’alimentation de l’agriculture (FAO), 10 % Pêcheurs et pasteurs Résumé des statistiques mondiales sur l’alimentation et l’agriculture, 2005. Sources : FAO, 2004.

La pauvreté extrême qui conduit à la famine épargne large- Il est courant d’opposer les paysans pauvres du tiers-monde ment les pays industrialisés. En revanche, l’agriculture à plu- à leurs riches collègues européens ou états-uniens, gavés de sub- sieurs vitesses sévit partout. ventions. En réalité, trois mondes ruraux coexistent dans tous les pays (Estelle Deléage, Paysans malgré tout ! Ecologie et politique La misère de la moitié du monde n° 31, 2005). Le premier comprend une minorité d’entrepre- neurs très compétitifs insérés dans l’économie agro-alimentaire. La planète compte 2,5 milliards de paysans – 41 % de la Très bien organisés pour défendre leurs intérêts au niveau local, population mondiale –, dont 1,3 milliard de paysans actifs. Ils national et mondial, ces agro-industriels utilisent des moyens se partagent 28 millions de tracteurs et 250 millions d’animaux de production industriels très modernes et jouissent de subven- de trait. La grande majorité des paysans n’a donc d’autre outil tions publiques massives. Deuxième monde rural : l’agriculture que machette, bêche, houe ou faux et d’autre force que son familiale. Il se compose de familles qui subissent les pressions corps pour travailler la terre (Marcel Mazoyer, Développement du complexe agro-industriel et cherchent à s’en sortir en misant agricole inégal et sous-alimentation paysanne. In : La fracture sur l’agriculture biologique, la vente directe et l’hébergement à agricole et alimentaire mondiale, Universalis, 2005). la ferme. Vient enfin le tiers-monde rural, constitué des paysans qui survivent dans les terres les plus marginales, qui ont à peine Au début du XXe siècle, l’exploitation mécanisée la plus perfor- de quoi manger et sombrent dans la famine au moindre pépin. mante produit 10 tonnes de céréales par an par travailleur contre Ils sont abandonnés de toutes les politiques publiques. 1 tonne en culture manuelle. En 2006, l’écart de production entre les fermes les plus marginales et les plus industrialisées est de 1 à La première forme d’agriculture a beau détruire l’emploi 1000 ou à 2000 (Mazoyer, 2005). L’inégalité des moyens entre les et être la plus polluante, partout dans le monde, les gouverne- agriculteurs du monde est donc plus marquée que jamais. ments la privilégient. LaRevueDurable N°20 INDICATEURS

Les inégalités criantes de la PAC plus petites fermes espagnoles se répartissent, et qui équivaut au revenu annuel de 90 000 Mozambicains (Goliat contra David : Dans l’Union européenne (UE) et aux Etats-Unis, les subven- Quién gana y quién pierde con la PAC en España y en los países 17 tions sont liées au type de production et à la taille de l’exploita- pobres, Intermon Oxfam, 2005). tion. Conséquence absurde : plus l’exploitation est grande, plus la subvention est élevée. En France, la distribution des paiements Au Danemark, quatre membres de cabinets ministériels, plu- ressemble à une coupe à champagne : les plus riches sont dans la sieurs parlementaires et jusqu’au commissaire européen danois partie supérieure de la coupe, les plus pauvres dans son pied. reçoivent des aides de la PAC qui s’élèvent à plusieurs millions d’euros. Aux Pays-Bas, Cees Veerman, ministre de l’Agriculture, Disparités des aides agricoles en France recevait 150 000 euros d’aide de la PAC (Aides agricoles : autop- sie d’un système inégalitaire, Agir ici et Confédération paysanne, 66 % 2005). Quelques têtes couronnées figurent parmi les heureux rentiers agricoles : la reine d’Angleterre, les princes Charles et de Monaco. En France, il est très difficile de savoir qui se cache 24 % derrière les sociétés qui reçoivent les dix plus fortes aides.

9 % La palme de l’inégalité revient aux Etats-Unis. Seuls 40 % des exploitants agricoles y sont subventionnés. Et parmi eux, 1 % les 5 % plus riches en récoltent plus de la moitié, soit près de 470 000 dollars chacun (Programme des Nations unies pour le Chaque tranche représente un quart des fermes françaises, les pourcentages, développement (PNUD), Rapport sur le développement hu- représentent la part du total des subventions agricoles main 2005). L’attribution des subventions agricoles dans l’UE Source : calcul effectué à partir de Agir ici et Confédération paysanne, 2005 et aux Etats-Unis est encore plus inégale que la répartition des richesses au Brésil, deuxième pays le plus inégalitaire au monde Au Royaume-Uni, les dix plus gros bénéficiaires des paie- (après le Guatemala) (PNUD, 2005). ments directs reçoivent à peu près le même montant d’aides que les 25 000 plus petites fermes (Rural Payments Agency, Com- Résultat, les 7,5 millions de petits exploitants européens pei- mon Agricultural Policy Subsidies Payments 2003-2004, Lon- nent à survivre. Dans l’UE, une ferme disparaît chaque minute. dres, 2005). Les sept plus grands bénéficiaires des aides en Es- Chaque année, 33 000 exploitations disparaissent en France et pagne encaissent 14,5 millions d’euros, montant que 12 700 des 37 000 en Espagne. De 2000 à 2005, un million d’emplois agrico-

Quelques bénéficiaires des subventions européennes

cayetana tate & lyle Sir Gerald Elisabeth Zsolt Albert Nestlé UK Fitz James europe Cavendish II Simon II Stuart

bénéficiaire

Pays où royaume- royaume- royaume- royaume- la subvention espagne slovaquie Monaco est donnée Uni Uni Uni Uni

troisième plus Quatrième Duchesse d’Albe, grand raffineur et Plus grande homme le plus Reine une des plus Ministre Prince Signes commerçant de multinationale riche du pays (for- d’Angleterre grandes fortunes de l’Agriculture de Monaco particuliers sucre après cargill alimentaire tune estimée à 6 d’espagne et louis dreyfus milliards d’euros)

Montant annuel des aides 186 millions 17 millions 476 000 584 000 1,89 million 1,5 million 287 308 reçues en euros

Source : Rural Payments Agency, 2005 ; Oxfam, 2004 et 2005 ; Agir ici et Confédération paysanne, 2005. INDICATEURS LaRevueDurable N°20

Investissements dans l’agriculture et dans la défense

20 %

18

16

14

12

10

8

6

4

2

0 les ont été perdus dans l’Union à 25. Au Royaume-Uni, 100 000 Amérique latine Moyen-Orient et Afrique Asie emplois agricoles ont été détruits dans la décennie 1990-2000 et Caraïbes Afrique du Nord subsaharienne du Sud 18 et 50 % de la production agricole britannique provient de 10 % % de l’agriculture dans le budget public en 1992 des exploitations. En France, 40 % des fermes tiraient en 1998 % de l’agriculture dans le budget public en 2001 un revenu par actif familial à temps complet inférieur ou égal % de la défense dans le budget public en 1992 au Smic et 20 % inférieur au RMI (Agir ici et Confédération % de la défense dans le budget public en 2001 paysanne, 2005). En Italie, 8 % des fermes sont sous le seuil de Source : Millennium Projet 2005 pauvreté. En Espagne, 60 % des actifs des petites fermes ont un revenu inférieur à la moyenne nationale. le monde (Pretty et Hine, L’agriculture paysanne durable peut rele- ver le défi alimentaire, LaRevueDurable n° 6, juillet-août 2003). En Suisse, malgré une politique agricole plus égalitaire, 34 672 exploitations de moins de 20 hectares ont disparu depuis 1990 Enfin, l’agriculture paysanne reste majoritaire au niveau (Rapport agricole 2005, Office fédéral de l’agriculture). Corol- mondial. La surface de 85 % des 450 millions d’exploitations laire : les exploitations de plus de 50 hectares ont doublé. agricoles qui subsistent dans le monde ne dépasse pas 2 hectares. Il apparaît désormais clair que ne pas la soutenir ou la laisser Partout dans le monde, la situation est la même. En Argentine, périr revient à créer un désastre humain. 100 000 exploitations ont cessé en dix ans. Aux Philippines, 1,2 million d’emplois agricoles ont disparu en un an, de juillet 1999 Des vivres plutôt que des armes à juillet 2000. Au Mexique, 4 à 5 millions des 8 millions de pay- sans voient pour seule option la migration aux Etats-Unis. Des Les pays riches consacrent près d’un milliard d’euros par jour gangsters chinois ont illégalement transféré des paysans chinois à subventionner leurs systèmes agricoles. Une fraction de ces gagnant aussi peu que 2,8 euros par heure dans les champs et les dépenses suffirait à atteindre les objectifs du millénaire dans usines de conditionnement de l’est de l’Angleterre. Certains ont l’éducation, la santé et l’approvisionnement en eau. Mais pire payé jusqu’à 28 000 euros la promesse d’obtenir un emploi (Bill qu’un manque de solidarité, ces subventions creusent la tombe Vorley, Corporate Concentration from Farm to Consumer, UK des agricultures du monde. Food Group, 2004). De 2002 à 2003, le riz produit aux Etats-Unis à 415 dollars Soutenir l’agriculture paysanne la tonne était exporté à 274 dollars la tonne. Tant pis pour les cultivateurs ghanéens, haïtiens, thaïlandais ou vietnamiens que Après avoir longtemps prêché en vain, les organisations pay- ces exportations évincent de leur marché national. Les verse- sannes qui défendent la petite agriculture familiale orientée vers ments aux 20 000 producteurs de coton états-uniens ruinent les marchés locaux commencent enfin à attirer l’attention des deux millions de petits producteurs maliens et burkinabés. L’UE organisations internationales (Michael Windfuhr and Jennie exporte du sucre à un quart de son coût de production et du lait Jonsén, Food Sovereignty, Practical Action, 2005). Trois raisons à la moitié de son coût. fondent ce revirement. Mais diminuer les subventions et les tarifs d’accès aux marchés Premièrement, les objectifs du millénaire de réduction de la du Nord qui empêchent le commerce international ne résoudra pauvreté et de la faim conduisent les experts à s’intéresser aux pas le problème. Au mieux, ces mesures favoriseront les agricul- paysans pauvres. Ils ont ainsi pu constater qu’il y a davantage teurs les plus productifs des pays les plus exportateurs. L’action d’enfants mal nourris dans les pays à surplus de céréales que dans doit porter au niveau des politiques agricoles nationales. les pays déficitaires en céréales. L’Inde, qui compte le plus d’affa- més au monde – 221 millions –, produit assez de nourriture, mais Or, les gouvernements investissent de moins en moins dans le manque de pouvoir d’achat et l’utilisation croissante de céréales leurs campagnes. Dans les pays où 20 à 35 % de la population pour le bétail privent les plus pauvres de nourriture suffisante. ne mangent pas à leur faim, les budgets agricoles représentent Conclusion : pour contrer la malnutrition, il faut aider les paysans 5,2 % des dépenses gouvernementales en 1998 contre 7,6 % en les plus pauvres à augmenter leur production (UN Millennium 1992. Dans les pays où plus de 35 % de la population manquent Projet, Task Force on Hunger, 2005). de nourriture, la part de l’agriculture dans les budgets publics passe de 6,8 % en 1992 à 4,9 % en 1996. A chaque fois, il y a un Ensuite, nourrir 8 ou 9 milliards d’humains en 2050 oblige décalage entre le poids de l’agriculture dans l’économie natio- à stimuler la production agricole. Or, les rendements dans les nale et les ressources publiques qui lui sont allouées. Le Kenya meilleures terres sont au maximum et se heurteront à des limites et l’Ouganda, par exemple, consacrent moins de 5 % de leurs insurmontables. C’est donc dans les terres marginales qu’il serait budgets publics à l’agriculture alors que 70 % de leurs popula- possible de dégager une partie des surplus nécessaires pour nourrir tions sont rurales. g LaRevueDurable N°20 DOSSIER

LRD Vers des citoyens solidaires d’une agriculture de proximité

Ce dossier s’appuie la consommation mondiale de en restent aux grandes cultures de rente, en sur le cycle de 3 x 3 soja devrait croître de plus de l’occurrence de coton, qui subissent pourtant soirées publiques, tou- 50 % dans les quinze prochaines de plein fouet la concurrence sauvage des pays 19 tes inspirées du docu- années. Une perspective pro- industrialisés à grands coups de subventions. mentaire Le cauchemar prement catastrophique pour de Darwin, que LaRevue- les écosystèmes sud-américains Ces politiques pourraient au moins, comme Durable a animé de jan- et ceux qui y vivent. Pourtant, ce modèle est au Nigeria, faire au maximum usage de toutes vier à mars dans trois villes de Suisse romande. soutenu par un système d’incitations qui, dans les clauses de l’Accord sur l’agriculture de l’Or- Un an après sa sortie en salles, ce film continue l’Union européenne, s’incarne dans la Politique ganisation mondiale du commerce (OMC) qui de remuer les consciences et d’attirer forte- agricole commune. permettent, dans une certaine mesure, aux pays ment l’attention sur certaines injustices liées à en développement de protéger leur agriculture la mondialisation. Face à des constats aussi accablants, la no- vivrière. Mais pour que les politiques agricoles tion de souveraineté alimentaire apparaît plus prennent une telle tournure, les paysanneries L’idée de partir du Cauchemar de Darwin que jamais fondatrice et fédératrice pour chan- doivent pouvoir les influencer. C’est là que les pour organiser ce cycle de conférences était de ger d’orientation. Le modèle citoyens-consommateurs peu- profiter du succès et de la notoriété de ce docu- agricole ne sera tenable à terme Les vent intervenir, via deux moyens mentaire pour souligner que le cas de la perche que s’il s’adapte le plus possi- paysanneries complémentaires : le commerce du Nil et des populations tanzaniennes proches ble à la diversité des conditions équitable et l’agriculture con- du lac Victoria est un cas parmi d’autres. La géographiques et aux besoins manquent tractuelle de proximité. globalisation du commerce de ce poisson est alimentaires des populations lo- d’appui une manifestation particulière d’une injustice cales. Au Nord, une agriculture Le commerce équitable est à écologique et humaine qui prévaut pour l’en- moins intensive est nécessaire politique concevoir comme un coin dans semble des échanges à l’échelle planétaire. Des pour y parvenir. Au Sud, où l’essentiel de la la porte des règles commerciales internationa- situations comme celle que décrit ce film, il en pression démographique s’exerce, l’agriculture les. Donner à des groupes de petits paysans un existe des milliers. vivrière peut et doit au contraire devenir plus surcroît de revenu, d’espoir et, en fin de comp- intensive. Dans les deux cas, cette agriculture te, de pouvoir, peut les mettre en position d’in- Le cauchemar de Darwin est accusé d’abuser doit s’appuyer sur le respect des paysanneries fluencer les politiques agricoles nationales ou d’artifices cinématographiques pour manipuler et des écosystèmes. supranationales. De plus, cette innovation n’a les spectateurs. Mais le plus important à retenir pas vocation à se limiter à l’international, elle est que la thèse centrale de ce film est fonda- Au Nord, après des décennies de produc- s’applique aussi au local : c’est déjà au moins mentalement vraie : l’exportation de la perche tivisme, des agriculteurs du Grand-Ouest, en le cas en Amérique latine et aux Philippines. du Nil ne profite pas aux populations les plus France, mettent au point des systèmes herba- En devenant de plus en plus local, le commerce pauvres qui vivent au bord du lac Victoria. En gers pour nourrir les vaches sans recourir au équitable affermirait le mouvement planétaire revanche, ce documentaire se limite à montrer couple soja-maïs, transgéniques ou non. Au pour la souveraineté alimentaire. et à alerter : il ne permet pas de comprendre Sud, l’agriculture paysanne fait preuve d’une comment aider les personnes qu’il dépeint si merveilleuse inventivité pour accroître la pro- L’agriculture contractuelle de proximité, qui bien à sortir de leur misère. C’est ainsi que, ductivité sans nuire aux équilibres écologiques. fleurit en Suisse romande et en France, est un parmi d’autres initiatives, ce dossier prend, à Dans un cas comme dans l’autre, l’objectif n’est levier d’action qui va dans la même direction. la suite du cycle, le relais de cette dénonciation pas les seuls rendements à l’hectare, mais aussi En s’engageant concrètement sur l’année, une en proposant des éléments de solutions tournés la préservation des sols, de la biodiversité et des soixantaine de consommateurs suffisent à ren- vers l’action pratique et l’engagement. forêts, de même que des campagnes vivantes, dre viable une exploitation. Comment multi- héritières de leur patrimoine culturel et capa- plier ces initiatives ? C’est ce que cherchent à Dès lors que les paysans composent la moi- bles de regarder l’avenir en confiance. savoir la région Rhône-Alpes en France et le tié de la population mondiale, ces solutions syndicat Uniterre en Suisse romande. concernent au premier chef le secteur qui a le Sous la férule d’Hugo Chavez, le Venezuela plus fort impact sur les vies humaines : l’agri- met en œuvre une ambitieuse réforme agraire. Une troisième voie s’impose également : culture. Le cas du soja est exemplaire : il anéan- Mais presque partout ailleurs, les paysanneries la réduction de la consommation de viande. tit les écosystèmes forestiers sud-américains, manquent d’appui politique. Une enquête dé- Manger des produits carnés, laitiers ou à base tue la petite agriculture vivrière familiale et montre que les agriculteurs burkinabés seraient d’aliments carnés absorbe des quantités bien « nourrit » un modèle agricole non durable en à même de nourrir leur pays si une politique trop importantes de surfaces agricoles, d’éner- Europe et ailleurs, dans lequel il est associé au agricole nationale volontariste les soutenait. gie et d’eau, rendant l’extension de l’élevage maïs pour alimenter le bétail. Et si rien ne vient Mais pétries de préjugés et poursuivant des incompatible avec l’objectif de nourrir de 8 à 9 enrayer ce véritable « cauchemar de Humboldt », intérêts privés, les autorités du Burkina Faso milliards d’humains d’ici 2050. g DOSSIER LaRevueDurable N°20

LRD Le réalisateur du « Cauchemar de Darwin » a fondamentalement raison

20 Dans son fameux do-- cumentaire Le cau- chemar de Darwin, Hubert Sauper soutient que l’immense richesse que représente la per- che du Nil ne profi te pas à des pans entiers de la OUGANDA

population tanzanienne pauvre, qui vit près du lac Victoria. Et que les KAMPALA Entebbe avions-cargos qui chargent les fi lets de perches sur l’aéroport de Kisumu

inam . W Mwanza arrivent remplis d’armes. Sur ces deux points, il est accusé G Îs Sese d’abuser d’artifi ces cinématographiques pour faire passer son mes- LAC KENYA sage sans apporter les preuves formelles de ce qu’il avance. Son fi lm VICTORIA serait ainsi mystifi cateur. Or, les données de la recherche de terrain dis- Bukoba

Î. Ukara ponibles tendent à montrer que sur le premier point – de loin le plus OUGANDA KAMPALA KENYA important – c’est bel et bien lui qui a raison sur ses contradicteurs. Î. Ukerewe NAIROBI n ie d n ke I G. Spe n TANZANIE a é

c

O Mwanza DAR ES SALAAM Le cauchemar de Darwin d’Hubert Sauper Dans une lettre ouverte incendiaire n’a pas attiré que des centaines de milliers adressée à Hubert Sauper en décembre TANZANIE de spectateurs, des prix et des récompenses 2005, la responsable de l’Union interna- en pagaille : il est aussi à l’origine d’une vive tionale pour la conservation de la nature (UI- gue, prostitution – et, pire que tout, d’inciter polémique. L’attaque la plus forte vient d’un CN) en Afrique de l’Est, Alice Kaudia, défend les spectateurs de son fi lm militant à boycotter historien, François Garçon, qui déploie dans la un point de vue très proche. ce poisson, ce qui ne résoudrait rien, bien au revue Les temps modernes de décembre 2005 contraire. Les deux accusent fi nalement Hu- un virulent réquisitoire contre ce fi lm, selon Des réactions convergentes qui ont conduit bert Sauper de se faire de l’argent sur le dos lui entaché de deux mensonges : l’exportation le journal Le Monde à dépêcher un journaliste, des Africains en vendant aux Occidentaux la de la perche du Nil vers l’Union européenne, Jean-Philippe Rémy, non pas à Rungis, mais à vision misérabiliste de l’Afrique dont les bobos le Japon et les Etats-Unis serait créatrice de ri- Mwanza, là où Hubert Sauper a mis trois ans raffoleraient. chesses autour du lac Victoria et non de cette à tourner son fi lm. Son enquête l’amène aux misère sur laquelle le fi lm s’arrête ; les avions- mêmes conclusions que François Garçon et Face à toutes ces attaques, Hubert Sauper cargos qui emportent les poissons vers d’autres Alice Kaudia, et à épingler un troisième men- s’échine, depuis le lancement du fi lm, à ex- cieux n’arrivent pas les soutes remplies d’armes, songe : les milliers de carcasses de poissons pliquer cet élément central de sa démarche : comme le prétend le fi lm sans en apporter la traitées sur le site qu’Hubert Sauper a choisi « l’idée, se défend-il dans Libération, n’est pas de preuve, mais vides. de fi lmer ne sont pas destinées aux humains, dénoncer un scandale au lac Victoria. […] Tout comme le soutient le fi lm, mais à des poulets ce que j’ai pu trouver dans cette région, je l’ai vu Mensonges pour bobos et à des porcs d’élevage. ailleurs. Dans les mines d’or à Bujumbura, les mines de diamant au Congo, les champs pétro- Pour en arriver là, François Garçon a lu des François Garçon et Alice Kaudia reprochent liers au Nigeria. » Pourquoi, demande Hubert rapports de l’OCDE et de la Banque mondiale. aussi à Hubert Sauper de peindre le diable sur Sauper avec force dans ce fi lm, là où il y a tant Il a enquêté à Rungis, près de Paris, auprès des la muraille, de faire des raccourcis simplistes de richesses – or, diamants, pétrole, voire nour- grossistes et a fait des recherches sur les coûts entre l’exportation de la perche du Nil et la riture comme dans le cas du lac Victoria –, tant engendrés par l’affrètement des avions-cargos. misère sociale qui règne à Mwanza – sida, dro- de gens ne mangent-ils pas à leur faim ? LaRevueDurable N°20 DOSSIER

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dépensent au fur et à mesure qu’ils arrivent. cauchemar de Darwin est un film magnifique Les équipages et le gros des pêcheurs n’ont pas 21 qui porte sur des aspects très importants des pour habitude de faire des économies et, par Nouvelles preuves populations autour du lac Victoria. Ce docu- conséquent, gaspillent ce qu’ils reçoivent en Le réalisateur autrichien n’est évidemment mentaire donne une vraie image de la situa- croyant qu’ils continueront demain d’aller au pas le premier à poser cette question sur un tion de nombreuses personnes marginalisées lac pour y gagner leur vie. » plan général. Il n’est pas non plus le premier à autour du lac. » avoir réalisé un documentaire pour la formu- Une autre étude récente (2003), de Richard ler à propos du cas particulier de la perche du Dans sa lettre à Hubert Sauper, Alice Kaudia Abila et au Kenya cette fois, révèle les limites Nil du lac Victoria. Le premier documentaire à reconnaît que la situation de pauvreté des po- des analyses de Joyce Ikwaput Nyeko et de ses dénoncer la situation d’insécurité alimentaire pulations riveraines du lac Victoria était vraie collaborateurs. Sachant que les écarts techno- autour de ce lac n’est en effet pas Le cauchemar à la fin des années 1990, mais soutient que les logiques jouent un rôle prépondérant dans la de Darwin, mais Big Fish Small Fry (Gros pois- choses ont changé. Et de citer une étude ougan- marginalisation des agriculteurs dans le mon- son petite friture) de David Campbell. Tourné daise de Joyce Ikwaput Nyeko et de ses collabo- de, Richard Abila observe qu’au Kenya, les pê- en 1998, diffusé en 1999 et produit par nul rateurs parue en 2004 qui, estime Alice Kaudia, cheurs équipés de bateaux à moteur avec filets autre que l’UICN, ce film aussi bref qu’efficace démontre que les retombées économiques de dérivants sont plus puissants et détruisent les expose en trente minutes simples et convain- la perche du Nil atteignent do- filets des petits pêcheurs qui ne cantes ce paradoxe insupportable : sur les rives rénavant les populations les plus tiennent pas la concurrence, fau- kenyanes du lac Victoria, sur fond d’indus- pauvres. Or, ses conclusions sont Tout ce que te de posséder 4000 à 8000 dollars trialisation – pourtant très lucrative – de la loin d’être aussi claires. j’ai vu ici, pour s’équiper à égalité. pêche de la perche du Nil, 30 % des enfants présentent des retards de croissance et 50 % Cette étude révèle certes que je l’ai vu En outre, alors que Joyce souffrent de déficience en vitamine A et autres les propriétaires de bateaux et les ailleurs Ikwaput Nyeko et ses collabora- micronutriments. Quant aux populations ri- équipages perçoivent des revenus teurs ne regardent que l’impact veraines, leur situation se détériore. élevés, mais aussi que cela « aurait dû se tra- de l’exportation de la perche du Nil sur les duire par une réduction de la pauvreté dans communautés de pêcheurs, Richard Abila s’in- L’un des conseillers techniques de Big Fish les communautés de pêcheurs. […] Gagner de téresse aux non-pêcheurs (ceux qui traitent le Small Fry est un chercheur norvégien, Eirik l’argent issu de la pêche est une chose, rappelle poisson, le commercialisent, le consomment) G. Jansen, à l’époque collaborateur à l’UICN. le rapport, en faire bon usage pour supprimer – qui sont au centre du Cauchemar de Darwin – Aujourd’hui en poste à l’ambassade norvé- la pauvreté en est une autre. Or, poursuit-il, il autant qu’aux pêcheurs. Et constate que les gienne à Dar es Salam, en Tanzanie, c’est lui semble que sur le lac Victoria, les propriétaires non-pêcheurs ont moins accès aux poissons qui, en 1997, avec Richard Abila, chercheur de bateaux qui pêchent la perche du Nil ne sont devenus trop chers, que ce soit la perche du en économie sociale à l’Institut kenyan de re- pas des pêcheurs indigènes, mais la section la Nil, le tilapia ou le dagaa, les trois poissons dé- cherche sur la pêche et la marine à Kisumu, a plus riche de la population, attirée par le boom sormais pêchés au lac Victoria. Enfin, rappelle calculé le chiffre qu’Hubert Sauper ne manque de la perche du Nil. La plupart de ces pêcheurs Richard Abila, les chiffres sur la pauvreté et la jamais de citer : chaque emploi créé dans les ont monté des affaires sur les débarcadères ou malnutrition indiquent qu’au Kenya, les po- usines de poisson en supprime six à huit dans dans les villes proches, où ils possèdent du patri- pulations riveraines du lac Victoria sont beau- l’économie informelle. Interrogé sur la situa- moine, tel que des bâtiments commerciaux. » coup plus mal loties qu’ailleurs dans le pays. tion neuf ans après la parution de cette étude, Eirik G. Jansen confirme qu’elle reste de la plus Le rapport poursuit : « D’autres membres de Le « paradoxe de l’opulence » haute actualité (voir son article, page 23). la communauté qui travaillent dans les services ont aussi profité de l’industrie d’exportation Ces données ne permettent pas de nier que Cet anthropologue, qui a vécu parmi les de la perche du Nil. Mais si les propriétaires de des milliers d’Africains profitent de l’exporta- communautés de pêcheurs du lac Victoria bateaux ont investi leurs revenus dans d’autres tion de la perche du Nil, mais soulignent que les durant les années 1970 et 1990, ajoute : « Le activités lucratives, la plupart des équipages les perdants sont sans doute plus nombreux enco- DOSSIER LaRevueDurable N°20

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d’ailleurs l’enquête de Jean-Philippe Rémy. Et ces points cède la place à une discussion – certes re que les gagnants. En tournant sa caméra vers il faut bien que l’argent pour les acheter vienne intéressante, mais beaucoup plus anecdotique – la misère qui règne à Mwanza, la prostitution, la de quelque part. Or, le commerce de la perche sur les droits du documentaire comme genre drogue, le sida, Hubert Sauper n’a pas menti, il du Nil rapporte d’énormes sommes à la région. cinématographique. g 22 a choisi de s’arrêter sur la réalité qui le touche le Filmer la preuve formelle que les avions-cargos plus. Par ailleurs, la polémique sur son film met acheminent bien des armes sur l’aéroport de biblioG raP hie en lumière ce que les altermondialistes déplorent Mwanza n’a de ce point de vue rien de décisif. et demandent de corriger au plus vite : il manque Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les Gouver- Abila R. Fish Trade and Food Security: Are une évaluation solide, claire et globale des effets nements d’Afrique – et d’ailleurs – dépensent they reconcilable in Lake Victoria? Report of de la mondialisation. Puisse ce film concourir considérablement plus pour leurs armées que the Expert Consultations on International à ce qu’une telle évaluation, menée avec la plus pour l’agriculture et la pêche (voir les indica- Fish Trade and Food Security. Casablanca, grande rigueur, finisse enfin par voir le jour. teurs de ce numéro, page 18). Morroco, 27-30 January 2003. FAO Fisheries Report No. 708, Rome. Peut-être – cela reste discutable – Hubert Quant au site où sont traitées des carcasses Sauper a-t-il malgré tout pris trop de liberté destinées à des animaux d’élevage plutôt qu’à Briet S et Noualhat L. C’est Darwin qu’on avec son documentaire. Mais cela lui a permis des humains, Hubert Sauper rétorque dans Le assassine, interview de François Garçon et de toucher les consciences dans une société qui, Monde : « Qu’importe, il y a des dizaines et Hubert Sauper, Libération, 1er mars 2006. comme l’analyse le philosophe Jean-Pierre Du- des dizaines de sites. » Et en effet, que ce soit puy (2002) sur un plan général, ne parvient plus d’un point de vue cinématographique ou non, Dupuy J.-P. Pour un catastrophisme éclairé ; à croire ce qu’elle sait pourtant pertinemment. qu’est-ce que cela change ? Le fait est qu’une quand l’impossible est certain, Paris, Seuil, 2002. En l’occurrence, elle sait très bien que les rap- partie de la population tanzanienne en est ports entre les pays riches et de très nombreux réduite à manger les rebuts de cette denrée Garçon F. Le cauchemar de Darwin : allégo- pays de l’hémisphère Sud, tout particulièrement que le pays exporte : si les carcasses en cause rie ou mystification ? Les Temps modernes, en Afrique, atteignent un niveau de non-équité ne sont pas celles qui ont été filmées dans Le n° 635-636, pages 353-379, décembre 2005- inacceptable. Et elle sait aussi parfaitement que cauchemar de Darwin, même si celles qui sont janvier 2006. les ventes d’armes vont bon train depuis ces mê- consommées sont plus propres, elles n’en res- mes pays riches vers ces mêmes pays pauvres. tent pas moins des carcasses. Ikwaput Nyeko J. Co-Management and Value Chains: the Role of Nile Perch Exports in De fait, dans les pays pauvres en particulier, Casser la barrière de l’indifférence pour Poverty Eradication in Lake Victoria Fishing rares sont les mannes financières liées à une res- dénoncer un problème bien réel, bien vérita- Communities, United Nations University, source naturelle qui profitent à l’ensemble des ble, ce n’est pas le moindre mérite du Cauche- Fisheries Training Program, Reykjavik, 2004. populations qui vivent autour de cette ressource. mar de Darwin que d’y être parvenu avec tant En général à cause du commerce des armes. Le d’éclat. Forcer le trait et prendre des libertés LaRevueDurable. Situation des conflits « paradoxe de l’opulence » désigne ce phénomène pour remuer les consciences, cela n’en vaut- autour des ressources naturelles dans le – trop – répandu : des ressources qui pourraient il pas la peine alors qu’il y a urgence à créer monde, LaRevueDurable (4) : 12-13, 2003. en théorie apporter de la prospérité servent en plus d’équité dans un monde profondément pratique à financer l’achat d’armes pour faire la injuste et non durable ? Rémy JP. Contre-enquête sur un cauchemar, guerre (LaRevueDurable, 2003). La situation au Le Monde, 4 mars 2006. Tchad, dont le gouvernement brave la constitu- Tous les contradicteurs du Cauchemar de tion pour accaparer les recettes du pétrole desti- Darwin jugent que boycotter la perche du Nil et POUR ALLER PLUS LOIN : nées à réduire la pauvreté, est le dernier exemple arrêter son exportation n’est pas une solution. en date d’une interminable série dans ce registre. Mais Hubert Sauper n’a jamais prétendu que La version anglaise de Big Fish Small Fry Son intention est évidente : il préférerait acheter c’était là une solution et personne avec un brin peut être commandée en écrivant à : du matériel militaire avec cet argent. de jugeote ne le prétend. Là n’est pas la réponse [email protected] et ne l’a jamais été. La seule interrogation qui Si ce ne sont pas les Iliouchine et leurs pilotes vaille à long terme est : comment gérer cette Une version française de Big Fish Small Fry est russes ou ukrainiens qui apportent des armes richesse et son commerce pour le profit du plus en préparation. Pour la commander, écrire à à Mwanza, « ce sont donc leurs frères » sur un grand nombre et dans le respect des équilibres [email protected], qui autre aéroport de la région, comme le confirme écologiques ? Il est dommage que le débat sur transmettra. LaRevueDurable N°20 DOSSIER

Eirik G. Jansen* Ce que deviennent les usines de poisson du lac Victoria

Démarrée voilà une vingtaine d’an- nées, l’industrialisation de la pêche dans le lac Victoria se poursuit, s’éten- 23 dant désormais à d’autres lacs de la région et à la côte tanzanienne. Les retombées pour la population locale, en particulier pour les femmes qui vivaient du commerce de ce poisson, ne sont guère réjouissantes. Africanow

A l’origine artisanales, les usines de poisson source alimentaire bienvenue dans une région indices s’accumulent pour montrer que les prises d’Afrique de l’Est se sont beaucoup transfor- où la moitié des enfants sont mal nourris. Dans diminuent. Inquiets, les propriétaires des usines mées en vingt-cinq ans. Sur les lacs de cette de nombreux hôpitaux et cliniques autour du en établissent de nouvelles sur les berges du lac région et les rives de l’océan Indien, elles sont lac, l’Unicef et d’autres donateurs distribuent des Albert, en Ouganda, et des projets ont cours pour de plus en plus dominées par le capital natio- pilules de vitamines et de protéines importées en installer d’autres sur les lacs Kyoga en Ougan- nal et international. du Nord. Jusqu’à récemment, la moitié du dagaa da et Tanganyika en Tanzanie. pêché dans le lac était transformé en nourriture Du fait de l’explosion des prises de perches pour animaux. Mais un marché d’exportation de Jusqu’à il y a peu, il était interdit d’exporter le du Nil dans le lac Victoria au début des années nourriture pour animaux fabriquée à partir de poisson des régions côtières de Tanzanie : seuls 1980, ce site a jusqu’à présent subi les plus grands dagaa est en développement. les homards, crevettes et pieuvres étaient expor- changements. Dans les années 1980 et au début tés. Sous la pression de l’industrie d’exportation, des années 1990, 35 usines d’exportation de pois- Les usines déménagent cet interdit a été levé sur une base d’essai. Plu- son se sont établies sur les rives des trois pays qui sieurs usines exportent en ce moment du poisson le bordent : le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie. Les Gouvernements kenyan, ougandais et depuis la côte et l’on s’attend à ce que d’autres En vingt ans, la perche du Nil y a constitué de 40 tanzanien et les banques internationales de dé- s’y installent. à 60 % des 500 000 tonnes annuelles de prises veloppement ont soutenu l’essor de l’industrie totales de poisson. d’exportation du poisson du lac Victoria. L’UE Pendant plus de dix ans, la Norvège a sou- a aidé à faire en sorte que le poisson exporté soit tenu le parc marin Mafia sur les eaux côtières De 80 à 90 % des prises de perches du Nil conforme aux standards d’hygiène en vigueur de la Tanzanie. Avec la division de la pêche du de plus de 1 kg sont exportées dans des pays du dans l’UE. En revanche, ces différentes instances Ministère des ressources naturelles de Tanzanie, Nord. L’Union européenne (UE) reçoit 60 % de s’intéressent peu aux pêcheurs locaux, aux dizai- l’ambassade de Norvège à Dar es Salaam a dé- ces exportations. Les perches du Nil qui restent nes de milliers de femmes qui traitent et vendent cidé de suivre l’impact de la levée de l’interdit sur le marché local sont les petites, celles que les le poisson et aux consommateurs locaux. sur l’exportation de poisson. Ce suivi adoptera usines rejettent et les carcasses. Les populations une approche holistique, évaluant l’impact en locales traitent ces rebuts et les vendent sur les Des recherches menées au Kenya (Abila et termes de durabilité des ressources de poisson et marchés locaux. Mais la chair qui subsiste sur Jansen, 1997) montrent que pour chaque emploi la situation des populations locales. g les carcasses est de plus en plus transformée en créé dans l’industrie de l’exportation, le secteur nourriture pour animaux, surtout pour l’indus- informel en perd six à huit. Ceux qui perdent leur trie du poulet. emploi sont avant tout les dizaines de milliers de biblioG raP hie femmes qui, à petite échelle, traitent et vendent Abila RO et Jansen EG. From Local to Global Environ 30 % des prises totales du lac Victo- le poisson. Le poisson devient plus cher et plus Markets: The Fish Exporting and Fishmeal ria se composent de petites sardines (dagaa en difficile à trouver. Beaucoup de pêcheurs qui, Industries of Lake Victoria - Structure, Strategies swahili). Considérées comme la « nourriture du auparavant, possédaient leur bateau de pêche et and Socio-economic Impacts in Kenya, IUCN pauvre », le dagaa est riche en protéines, vitami- leur équipement, et pouvaient donc en user à leur Publications Series on « Socio-economics of the nes, zinc, fer, etc. : une cuillerée à soupe quoti- gré, sont maintenant liés aux usines par des rela- Lake Victoria Fisheries », IUCN, East African dienne couvre de nombreux besoins nutrition- tions de crédit et, dès lors, ne reçoivent que des Regional Office, Nairobi, 1997. nels de base d’un enfant qui grandit. C’est une salaires minimaux. Des nouvelles sur les usines de poisson sur le lac Victoria sont disponibles sur le site : * Eirik G. Jansen est fonctionnaire à l’ambassade de Norvège, La surpêche est une préoccupation majeure www.lake-victoria.info/ à Dar es Salam, en Tanzanie. dans les usines de poisson du lac Victoria et les DOSSIER LaRevueDurable N°20

LRD Libre-échange agricole en vigueur

Agriculture industrielle

Provenance : 24 Israel Provenance : Allemagne

Provenance : Espagne

Provenance : Espagne

Production

 Logique : La production de nour- riture est une activité Provenance : purement marchande France 2x qu’il s’agit de rentabiliser au maximum. Pour y parvenir, chaque pays se focalise sur la matière agricole qu’il produit le mieux et achète les autres denrées sur le marché international. Chacun produit au moindre coût et tout le monde s’approvi- sionne au prix les plus bas. La France devrait ainsi se spécialiser dans la culture du blé et la Suisse… cesser toute agriculture. Provenance : Canada  Type d’agriculture : La production se concentre dans de grandes Consommation fermes gérées de manière industrielle. De fait, la taille moyenne des exploitations des grandes puissances agricoles ne cesse d’augmenter  Coûts (et pertes) : depuis les années 1980. Un choix qui détruit Le consommateur, qui fait ses courses à moin- moindre. En ce moment, l’Union européenne l’emploi : un seul actif très mécanisé assure la dres frais, est censé être le grand gagnant du (UE) subit des rétorsions commerciales pour gestion courante de 200 à 300 hectares. système. Mais les faits n’étayent pas cette thèse : plus de 100 millions d’euros par an des Etats- la livre de café s’échange en 2006 sur le mar- Unis et du Canada pour son refus d’importer du L’agriculture mise en outre sur une homogé- ché international à un tiers de son prix de 1998, bœuf aux hormones. Et une plainte contre l’UE néisation à outrance des plantes. La moitié des mais le prix du café sur les rayons des super- est ouverte à l’Organisation mondiale du com- calories végétales consommées dans le monde marchés ne bouge pas. Cela alors même que le merce pour forcer le passage des organismes provient ainsi du blé, du riz et du maïs. En consommateur-contribuable subit des coûts génétiquement modifi és dans ses pays membres France, quatre variétés de blé produisent 70 % indirects majeurs : chômage, perte de la biodi- qui n’en veulent pas. de la récolte (Situation de la biodiversité agri- versité culturelle et biologique, accumulation cole dans le monde, LaRevueDurable n° 12, sep- d’infrastructures de transport et ses nuisances  Qualité : tembre-octobre 2004). corollaires : dépense énergétique, pollution et Les qui voyagent perdent leurs vitamines. destruction des paysages. Et cela fait longtemps que les tomates achetées Pour l’agriculteur, l’affaire est risquée, car une dans la grande distribution n’ont plus aucun variation du taux de change ou de la conjonc-  Choix : goût. ture internationale et ses produits ne trouvent Plus de produits apparaissent sur les étalages, plus preneurs. mais toujours les mêmes variétés et de qualité LaRevueDurable N°20 DOSSIER

L’alternative de la souveraineté alimentaire Agriculture paysanne

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Provenance : Ferme biologique du Falbringen à Bienne (CH)

par une agriculture plus écologique fondée sur une grande diversité génétique. Un pays peut choisir démocratiquement de don- ner plus de poids à l’agriculture biologique, par exemple, ou bannir les organismes géné- tiquement modifiés.

Consommation

Ø Coûts (et gains) : Les prix des produits agricoles sur un marché Production local reflètent la situation économique, clima- tique et agronomique du pays ou de la région. Ø Logique : Une agriculture locale et biologique a des consé- La nourriture renvoie en premier lieu à une série quences positives sur toute la société : conserva- de droits fondamentaux et est aussi, secondaire- tion des sols et des ressources en eau, beauté du ment, une marchandise. Droit des petits paysans paysage, vivacité culturelle, vitalité des régions, de vivre de leur activité. Droit des populations ou sécurité de l’approvisionnement. des pays de définir leurs politiques agricoles et ali- mentaires, de protéger et de réguler la production Ø Choix : et les échanges agricoles intérieurs, d’opter pour Suivre le rythme des saisons peut paraître con- une agriculture saine, sûre et écologique. Droit de traignant. Mais cela oblige à varier son alimen- chacun de participer à la construction du système tation tout au long de l’année, ce qui est jugé bon agricole dont il se nourrit. Chaque pays cultive pour la santé. une diversité de produits et complète, au besoin, sa production par des importations. Ø Qualité : Les légumes de saison et de proximité ont sou- Ø Type d’agriculture : vent plus de goût et de vitamines. Et un agri- Les exploitations conservent une taille familiale, culteur qui produit pour des consommateurs ce qui maintient l’emploi agricole et la vie sur qu’il connaît tend à lui proposer des aliments de les territoires. La souveraineté alimentaire passe meilleure qualité. DOSSIER LaRevueDurable N°20

LRD Les maîtres de la mondialisation de l’agriculture

Le poids des supermarchés dans Part des supermarchés dans les ventes alimentaires au détail

26 la vente au détail dans le monde 100 1992 L’emprise des supermarchés sur les ventes 80 2002 alimentaires s’étend à vitesse grand V. Les gros 60 producteurs sont les mieux placés pour répon- 40

dre à leurs standards de qualité et à leurs bas 20 prix. Au Kenya, 70 % des légumes destinés aux 0 supermarchés européens provenaient de petits Amérique du Sud Chine (zone urbaine) Europe centrale Kenya agriculteurs il y a vingt ans Source : The State of the Food Insecurity in the World 2004, FAO. contre 18 % actuellement. Les dix plus grandes chaînes de supermarchés

Pays d’origine Chiffre d’affaires en milliards de dollars Wal-Mart Stores Etats-Unis 245 Carrefour France 65 Ahold Pays-Bas 59 Kroger Etats-Unis 52 Le chiffre d’affaires de ces dix Metro Allemagne 49 entreprises Tesco Royaume-Uni 40 équivaut au PIB de l’Afrique Costco Etats-Unis 38 Albertsons Etats-Unis 36 Rewe Allemagne 35 Aldi Allemagne 34

Source : Concentration of Agricultural Markets, Université du Missouri, 2005.

Le poids des multinationales dans le commerce agricole mondial Un tiers de tous les échanges internationaux des amendes imposées par les Etats-Unis et détiennent 65 % du marché des semences a lieu entre fi liales d’une même multinatio- l’UE) pour ententes contraires à la concurren- de maïs et 40 % des semences de soja. Aux nale. Dans leur ensemble, les multinationales ce. La concentration de pouvoir se manifeste Etats-Unis, six entreprises détiennent 74 % généreraient 75 % du commerce international aussi en amont de la chaîne de production : de tous les brevets sur des technologies liées à de matières premières. Leur infl uence sur le deux multinationales, DuPont et Monsanto, l’agriculture. g commerce agricole est énorme. Ancien vice- président de Cargill, Dan Amstutz est réputé pour avoir rédigé le texte de base de l’Accord Quelques grandes multinationales alimentaires sur l’agriculture de l’Organisation mondiale du commerce. Il l’aurait écrit à l’époque du Siège Chiffre d’affaires Gouvernement Reagan, lors de son passage en milliards de dollars au Bureau du représentant états-unien au Cargill Etats-Unis 71 commerce, sorte de ministère du commerce. Nestlé Suisse 70 Aujourd’hui, il est chargé de la reconstruction Ces sept entreprises de l’agriculture en Irak. Archer Daniels Midland Etats-Unis 36 totalisent Altria (Philipp Morris + Kraft Foods) Etats-Unis 34 (alimentation uniquement) un chiffre d’affaires La Banque mondiale estime que la pression Bunge Limited Etats-Unis 24 équivalant au PIB de la Norvège des multinationales sur les prix fait perdre 100 Louis Dreyfus France 20 milliards d’euros par an aux producteurs agri- Sara Lee Etats-Unis 11 (alimentation uniquement) coles. Les multinationales alimentaires sont les entreprises qui paient le plus d’amendes (85 % Source : sites internet des différentes entreprises et indicateurs de la Banque mondiale. LaRevueDurable N° 20 DOSSIER

UNION EUROPÉENNE

NORVÈGE CANADA

FRANCE ÉTATS-UNIS JAPON

CHINE ALGÉRIE 27 MEXIQUE

VIÊT NAM COLOMBIE THAÏLANDE

BRÉSIL

AUSTRALIE

ARGENTINE blé viande TROIS PREMIERS EXPORTATEURS

soja café pêche TROIS OU QUATRE PREMIERS IMPORTATEURS

Principales denrées échangées important des oléagineux : l’huile extraite de les oignons sont les « légumes » les plus expor- 27 sa graine est utilisée dans l’agroalimentaire et tés. Ce sont les chaînes de supermarchés qui Céréales : blé, riz, maïs, orge, sorgho, ce qui reste sert à nourrir le bétail. dirigent ce marché. avoine, seigle, millet, etc. Elles représentent 12,4 % en valeur des expor- Trois multinationales contrôlent 80 % du Viande (viande rouge, poulet) tations agricoles mondiales. De toutes ces cé- commerce de soja : Bunge Limited, Archer Elle représente 10,5 % en valeur des expor- réales, 40 % servent à nourrir les humains, 44 % Daniels Midland, Cargill. tations agricoles mondiales. Environ 22 % du les animaux, 16 % à des usages industriels. bétail abattu est exporté. Café, thé, cacao et épices La production de céréales est celle qui re- Ces denrées représentent 6,4 % en valeur Pêche çoit le plus de subventions au sein de l’agri- des exportations agricoles mondiales. Elles En valeur, elle représente 12,4 % des ex- culture mondiale. Le riz est la céréale la plus sont une source importante de revenus pour portations agricoles mondiales, tout comme importante pour la consommation humaine, plus de 80 pays en développement. Le café est le commerce des céréales. De ce total, 80 % mais la plus échangée sur le marché interna- la plus importante d’entre elles. sert à la consommation humaine et le reste à tional est le blé : 21 % du blé cultivé dans le nourrir des animaux. monde est exporté. Trois multinationales contrôlent 45 % du commerce du café : Philipp Morris, Nestlé, biblio Gra Phie Trois multinationales contrôlent plus de Sara Lee. Power Hungry. Six Reasons to Regulate 80 % du commerce des céréales : Cargill, Louis Global Food Corporations. Action Aid, 2005. Dreyfus, Archer Daniels Midland. Fruits et légumes Ils représentent 17,2 % en valeur des ex- Vorley B. Food, Inc. Corporate Concen tration Oléagineux (huiles végétales) : soja, portations agricoles mondiales. De ce total, les from Farm to Consumer, UK Food Group, 2003. palme, colza, tournesol, arachide agrumes (15 %), les bananes (6 %) et les pom- Ils représentent 10 % en valeur des expor- mes (3,5 %) sont les fruits les plus exportés. Bases de données de la FAO. tations agricoles mondiales. Le soja est le plus Selon la classifi cation de la FAO, les tomates et DOSSIER LaRevueDurable N°20

Gregory Wilpert* Au Venezuela, la réforme agraire d’Hugo Chavez est en marche

il ne peut pas la vendre, mais uniquement la Avoir une parcelle de terre à cultiver. Pour satisfaire ce besoin vital, des millions transmettre à ses héritiers. Après un lent dé- 28 marrage, les choses sérieuses commencent en de paysans se sont battus dans le passé et continuent de le faire aujourd’hui. 2003, lorsque Hugo nomme son frère Adan à la Au Venezuela, se déroule en ce moment la plus ambitieuse réforme agraire tête du plan de distribution des terres. En deux ans, l’Institut national des terres (Inti) distribue d’Amérique latine et, peut-être, du monde. Mais redistribuer la terre n’est pas 2 millions d’hectares à 10 000 familles. En 2006, tout. Encore faut-il la faire fructifier. il compte en distribuer 1,5 million de plus.

Un bilan mitigé Les organisations paysannes relativisent ces bons chiffres. Elles affirment qu’une grande partie des terres redistribuées ne sont rien d’autre que la reconnaissance d’implantations informelles. Le titre de propriété assure certes au paysan que personne ne peut le déloger de la parcelle qu’il cultive, mais il reste beaucoup de paysans sans terres et de terres cultivables non utilisées. Et la réforme agraire a encore très peu affecté les latifundistes, car plus de 95 % des terres redistribuées appartenaient à l’Etat.

Les grands propriétaires se sentent néan- moins menacés. Environ 130 paysans sont tombés aux mains de tueurs à gages à cause de disputes autour de la terre. Plus importante organisation de défense des droits humains au Les populations délaissent les campagnes et se massent dans des bidonvilles, ici à l’ouest de Caracas Venezuela, Provea note que les tueurs sont des assassins loués, ce qui constitue un changement Des médecins cubains qui travaillent dans de la nourriture meilleur marché de l’étranger. significatif par rapport aux années pré-Chavez, les barrios de Caracas en échange de pétrole Résultat, le pays est très urbanisé – 12 % de la les tueurs appartenant alors surtout aux for- pour le régime castriste, des conseils de quartier population est rurale contre 16 % au Brésil ou ces de sécurité du gouvernement. Provea se qui décident des investissements, des coopéra- 23 % en Colombie –, importe 75 % de son ali- lamente, toutefois, que ces assassinats fassent tives destinées à lutter contre le chômage. Avec mentation et sa production agricole ne repré- rarement l’objet d’enquêtes et de l’insuffisance sa « révolution bolivarienne », Hugo Chavez n’a sente que 5 % du produit national brut (PNB). des mesures prises pour défendre les paysans au de cesse d’aller à l’encontre des politiques cou- nom de leurs leaders. rantes. En matière d’agriculture, son gouverne- Lorsque Hugo Chavez arrive au pouvoir en ment prône et met en place une réforme agraire 1999, il est assez clair que l’une de ses premières La réforme agraire et l’effort du gouverne- et une politique qui se réclame explicitement priorités sera la réforme agraire. La nouvelle ment pour diversifier l’économie ont permis à du principe de la souveraineté alimentaire. Pas constitution, approuvée par référendum en dé- la production agricole au Venezuela de passer étonnant que tous ceux qui rêvent d’un autre cembre 1999, instaure l’obligation à l’Etat de de 5 à 6 % du PNB depuis que Chavez est prési- modèle agricole suivent de près ce véritable la- mener une réforme agraire et de promouvoir dent. Les efforts les plus marquants ont consisté boratoire social. le développement agricole. Pour avoir les cou- à ré-établir la production de haricots, de maïs dées franches dans sa politique internationale, et de sucre, produits pour lesquels le Venezuela L’histoire d’une illusion Chavez veut reconquérir une certaine indépen- pourrait en théorie être autosuffisant. dance alimentaire. Dès la découverte du pétrole vénézuélien au Les blocages début du XXe siècle, le pays délaisse son secteur Concrètement, chaque citoyen entre 18 et agricole, l’afflux de dollars servant à importer 25 ans peut demander à recevoir une parcelle Le gouvernement central a privilégié l’as- de terre. S’il la fait fructifier trois ans, il a droit pect le plus visible et controversé de la réforme : * Gregory Wilpert est sociologue et écrivain indépendant, au titre de propriété de cette parcelle. Mais cela la redistribution de la terre. Or, une réforme à Caracas, au Venezuela. ne lui donne pas tous les droits sur cette terre : agraire ne saurait se limiter à juste donner de LaRevueDurable N°20 DOSSIER

la terre à des paysans, il s’agit aussi de créer les conditions d’une exploitation familiale réussie. Et tandis que d’importantes terres 29 ont été attribuées en un délai plutôt court, les deux agences chargées de soutenir la geant à contre-courant, le MST production agricole traînent les pieds. a réussi à transformer la réalité de Explication : une majorité des fonction- plus d’un million de personnes naires gouvernementaux étaient en pla- en occupant plus de 8 millions ce avant l’arrivée de Chavez et nombre d’hectares de terres appartenant d’entre eux s’opposent politiquement à la petite noblesse propriétaire à la révolution bolivarienne. En outre, absentéiste. Il a pu le faire grâce la corruption est aussi à l’œuvre. à la force de cette organisation, mouvement paysan le plus organisé De plus, même si la loi oblige les banques au monde. à dédier un certain pourcentage de leurs prêts au secteur agricole, ces prêts atteignent plutôt les grands agriculteurs que les petits Pétrole contre paysans. Et dans les cas où ils atteignent ces nourriture derniers, il est souvent trop tard : ils ont déjà magasins Mercal. La plupart de la nourriture raté l’occasion d’acheter des semences pour L’un des principaux ennemis de l’agricul- vendue dans ces magasins étant encore impor- pouvoir les planter à temps dans la saison. ture vénézuélienne est le pétrole qui, avec son tée, le gouvernement cherche à y augmenter la afflux de dollars, attire les importations ali- proportion d’aliments issus du pays. Disposer Pour compliquer encore un peu plus les mentaires. Le boom du cours du pétrole, qui d’un tel réseau de distribution place le gouver- choses, les organisations paysannes vénézué- l’a conduit à quasiment quadrupler durant la nement dans une situation idéale pour soute- liennes sont très faibles, à l’évidence à cause présidence de Chavez (de 10 dollars en 1998 à nir les petits producteurs agricoles qu’il est en du délitement du secteur agricole. Du coup, 40 dollars le baril de brut vénézuélien en 2005) train de créer avec la réforme agraire. beaucoup de ceux qui pourraient profiter de la ne fait qu’exacerber le problème. A moins que réforme agraire manquent des connaissances le gouvernement ne subventionne les produits Hugo Chavez a donc quelques atouts. Mais ou des ressources nécessaires pour faire valoir agricoles locaux et/ou les protège contre les im- mettre une agriculture sur pied prend des dé- leurs droits. Ils sont aussi moins en mesure de portations, il est peu probable que ces produits cennies. Il faudrait pouvoir longtemps con- s’organiser politiquement. Et lorsqu’une orga- pourront être vendus à un bon prix sur les mar- tinuer cette politique. Or, en l’absence d’un nisation voit le jour, elle est souvent attirée dans chés domestiques. mouvement paysan fort et d’un consensus l’orbite d’une faction politique, rendant la col- social, la perspective à long terme apparaît laboration avec d’autres groupes difficile. Le mouvement international d’agriculteurs fragile. g et de paysans la Via Campesina, qui conseille le Ainsi, même si le gouvernement est bien in- Gouvernement Chavez, lui propose de suppri- tentionné à leur égard, ces organisations ne sont mer les importations alimentaires au rythme de pas en position de faire pression sur lui pour 5 à 10 % par an, avec un plan cohérent élaboré qu’il mette totalement en œuvre la réforme. Si avec les organisations paysannes vénézuélien- le Venezuela avait des organisations paysannes nes pour qu’elles reçoivent les crédits, la terre et plus fortes, il est probable qu’elles pourraient les autres services nécessaires pour compenser beaucoup mieux superviser le processus de la chaque année le déficit. Le gouvernement est réforme agraire. Et une pression plus forte si- en train d’appliquer cette politique, mais à un gnifierait une application plus solide de la loi rythme très lent. lorsqu’il s’agit de débusquer et de poursuivre les assassins des leaders paysans. La stratégie pour atteindre cette autonomie POUR ALLER PLUS LOIN : s’appuie sur la « Mission Mercal », qui fait partie Le contraste est total avec le Brésil, où le d’une série de programmes sociaux gouverne- Wilpert G. Changing Venezuela by Taking Power: Mouvement des paysans sans terre (MST) ac- mentaux introduits en 2003 et 2004. Ils consis- The History and Policies of the Chavez Presidency, complit la réforme agraire bien que le Gou- tent à fournir de la nourriture aux pauvres via Verso Books, à paraître. vernement Lula, et encore moins le précédent un réseau de milliers de marchés alimentaires gouvernement, n’aient exprimé le moindre subventionnés. D’ores et déjà, 43 % des Véné- Gregory Wilpert anime le site : intérêt pour une réforme agraire sérieuse. Na- zuéliens font leurs achats alimentaires dans les www.venezuelanalysis.com DOSSIER LaRevueDurable N°20

Claude Auroi* Marché mondial et autosuffisance alimentaire, les pays du Sud ont une marge de manœuvre

30 Contrairement à une idée reçue tenace, l’Accord sur l’agriculture de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) laisse une importante marge de manœuvre aux pays en développement pour protéger leur agriculture. L’Indonésie, qui ne l’utilise pas, en fait les frais. Le Nigeria, qui le met à profit, voit sa production de riz augmenter.

DDC/Toni Linder Vers le milieu des années 1980, la paysanne- fait des choix politiques contrastés sur la voie de de pauvres augmentent dans les campagnes, rie de nombreux pays latino-américains et de l’autosuffisance en riz (Pnue, 2003). provoquant exode rural et ventes de terre. « Au certains pays africains aurait pu devenir four- total, le taux de conversion des terres à Java at- nisseur privilégié de denrées alimentaires sur L’Indonésie jette l’éponge teint 6,91 % par an de 1990 à 2000, et si cette les marchés internes. Mais elle s’est heurtée à la tendance continue à ce rythme, il est probable crise de la dette internationale et aux Program- Grand pays de 200 millions d’habitants, que dans vingt ans, toute la surface agricole de mes d’ajustement structurels ou PAS. l’Indonésie devient autosuffisante en riz en l’île sera convertie à des usages non agricoles, 1984, puis exportatrice nette de 1985 à 1987, surtout à des immeubles, bureaux, écoles, cen- En 1994, la crainte est que les accords de et en 1993. Pour y parvenir, le Gouvernement tres commerciaux et usines » (Pnue, 2005a). Marrakech créant l’OMC aggraveront la situa- Suharto consent de grands investissements tion des paysanneries du Sud, car le commerce en infrastructures agricoles et aménagements Le Nigeria tient bon agricole, jusqu’alors exclu de la dérégulation hydrauliques. Les paysans reçoivent des sub- internationale, sera libéralisé. Mais ces accords ventions pour les engrais et pesticides et les Au Nigeria, plus grand pays d’Afrique de arrivent alors que les PAS ont déjà déployé leurs prix sont garantis. Produit sur de petites par- l’Ouest, le sorgho et le mil sont beaucoup plus effets en Afrique et en Amérique du Sud, et ne celles d’environ un quart d’hectare par près consommés que le riz. Mais avec l’urbanisation tarderont pas à le faire en Asie. Les PAS signi- de la moitié des ménages du pays (23 millions accélérée des années 1980, le prestige du riz aug- fient « moins d’aide de l’Etat à l’agriculture » de familles en 2002), le riz est presque l’uni- mente. L’extension de sa culture devient alors dans une perspective néo-libérale de « laisser- que source de protéines et de calories (Pnue, une priorité nationale. La stratégie du pays vers faire » en faveur des avantages comparatifs. Les 2005a). Ainsi est garantie une production par l’autosuffisance en riz commence en 1985, lors- produits compétitifs sur les marchés interna- tête importante, de plus de 145 kg par habitant qu’il se retrouve exsangue suite à la chute des tionaux sont privilégiés, les autres sont aban- de 1984 à 1996, et la baisse régulière du taux de prix du pétrole (l’or noir représente 90 % des donnés et la paysannerie doit se reconvertir. pauvreté rurale et urbaine. recettes d’exportation du pays) (Pnue, 2005b). Le gouvernement interdit l’importation de riz En réalité, l’Accord sur l’agriculture de l’OMC Mais cette amélioration s’arrête avec l’ad- et, en parallèle, laisse la monnaie nationale se conserve et même introduit de nombreuses rè- hésion à l’OMC en 1995 : les subventions aux dévaluer pour décourager les autres importa- gles (boîte verte, mesures de sauvegarde, sub- engrais et pesticides sont abolies. Les importa- tions alimentaires et promouvoir la diversifica- ventions aux intrants, règle de minimis, qui tions gonflent à cause d’un tarif d’imposition tion des exportations non pétrolières. autorise les pays en développement à soutenir zéro sur les importations de riz en 1998, qui les prix de leurs produits agricoles jusqu’à 10 % remonte quand même ensuite à 30 %. L’Indo- Les denrées agricoles autres que le riz ne dé- de la valeur de la production interne, etc.) pour nésie a le droit d’imposer un tarif de 140 % passeront jamais 5 % des exportations, mais les que les pays du Sud protègent leur paysannerie. sur le riz importé, mais elle ne le fait pas. Il effets sur l’agriculture sont positifs. La produc- Ces pays utilisent toutefois peu ces marges, de est aussi prévu que les importations seront de tion agricole croît de 3 % par an, celle du riz de peur de subir les reproches de l’Organisation plus en plus libéralisées dans le cadre d’accords 7 % par an de 1986 à 1993. La production natio- et des pays du Nord. A cet égard, dans un cadre régionaux. nale fait un bond d’un million de tonnes en 1980 international de concurrence, de pression sur à près de 3 millions en 1995. Une progression les prix, de politiques d’ajustement structurel Les politiques de libéralisation et de déré- surtout due au triplement des surfaces cultivées. et de libéralisation, l’Indonésie et le Nigeria ont gulation conduisent, après 1994, à la baisse des Avec l’entrée en vigueur des accords de l’OMC prix au producteur de 20 à 30 % et à la hausse en 1995, le pays, qui ne peut plus interdire les des coûts des intrants. Conséquence : les petits importations, impose des tarifs douaniers très * Claude Auroi est professeur à l’Institut universitaire d’étude producteurs rencontrent des difficultés, les ren- hauts – de 50 à 150 % selon les périodes – pour du développement (IUED), à Genève, en Suisse. dements baissent, le nombre et la proportion barrer l’accès aux importations de riz. 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fairtrade media / Harlmut Fiebig En 2002, le président annonce l’autosuffi- (interdiction des importations) et après cette L’autosuffisance en riz est un atout précieux 31 sance pour 2004 et une position d’exportateur adhésion (hausse des tarifs autorisés) ont sou- net en 2005, mais ce vœu ne se réalise pas. La tenu et étendu la sécurité alimentaire en riz. sans protéger leur production de denrées de production nationale poursuit sa progression, A l’avenir, l’intensification des rendements base. Dans le contexte mondial de subven- mais les importations aussi, malgré la hausse permettra sans doute au Nigeria d’atteindre tionnement des prix à l’exportation des pays des tarifs douaniers et la dépréciation du taux l’autosuffisance, voire de devenir exportateur du Nord, il est urgent que ces pays utilisent les de change. Elles passent de 100 millions de dol- net. Mais cela à condition d’imposer des res- marges de manœuvre qu’autorisent les accords lars en 1995 à 300 millions en 2000. La forte trictions à la concurrence des importations de de l’OMC. croissance de la population, l’urbanisation et le riz en jouant serré avec les marges et mesures changement de modèle alimentaire expliquent qu’autorise l’OMC, voire en les transgressant. Toutefois, se protéger des importations ali- cette hausse. La production interne n’y fait face mentaires a un effet temporaire sur la produc- qu’en partie à cause de bas niveaux de tech- Protéger ne suffit pas tion locale. Sans politique agricole d’aide à la nologie et d’irrigation et des rendements très production, les importations reprendront et moyens de 2 tonnes par hectare. Ces deux cas et quelques autres, notamment concurrenceront une agriculture locale incapa- ceux du Sénégal et de la Colombie, montrent ble de se développer. g Au bilan, les mesures de protection de la qu’il est difficile aux pays du Sud de mener production nationale avant l’adhésion à l’OMC des politiques d’autosuffisance alimentaire biblioG raP hie Programme des Nations unies pour Le problème est en nous l’environnement (Pnue). Integrated A l’occasion des dix ans de Les ONG accusent les groupes aller beaucoup plus loin que Assessment of Trade Liberalization and l’OMC, Alliance Sud, coalition au pouvoir dans leurs pays ce qui est envisagé à l’OMC en Trade-Related Policies. Synthesis Report, des œuvres d’entraide suisses, d’élitisme, d’être coupés de la matière de libéralisation des Genève, 2003. a consulté ses partenaires au réalité et de la vie des popu- services ». Sud pour comprendre ce qui lations qu’ils connaissent peu Pnue. Integrated Assessment of the Impact of cloche dans le commerce inter- ou mal, de manquer de vision Parmi d’autres causes d’échec Trade Liberalization, a Country Study of the national. Les 57 organisations à long terme, en particulier évoquées figurent la corrup- Indonesian Rice Sector, Genève, 2005a. non gouvernementales (ONG) en matière d’agriculture. Par tion, la concentration de pou- qui ont répondu à son appel aveuglement, faiblesse face à voir, la mauvaise gestion, le Pnue. Integrated Assessment of the Impact of s’en prennent sans surprise à la contrainte ou par idéologie, pillage des ressources publi- Trade Liberalization, A country Study of the la politique des grandes puis- les gouvernements de nom- ques et l’absence de transpa- Nigerian Rice Sector, Genève, 2005b. sances industrialisées, à l’OMC breux pays en développement rence et de démocratie. Est et au FMI mais, de façon plus ont pris le train en marche des aussi mentionnée l’absence Quel commerce pour quel développement ? surprenante, insistent davan- politiques de libéralisation. de compétences techniques Dossier Global Plus n° 4, mai 05, Alliance Sud. tage sur les insuffisances de Certains même, comme dans des négociateurs, dépassés par leurs gouvernements à gérer le cadre de l’Accord de libre- les dossiers très complexes de POUR ALLER PLUS LOIN : leurs relations commerciales échange Etats-Unis-Amérique l’OMC. www.alliancesud.ch (Alliance Sud 2005). centrale, « se sont engagés à LRD Global Plus n° 19, printemps 2006, Alliance Sud. 32 LaRevueDurable N°20 DOSSIER

Guy Durand* Le commerce équitable, outil de développement et d’éducation

intègre des représentants de producteurs aux Accusé de ne pas être toujours juste ni véritablement alternatif, le com- groupes de travail qui fixent les règles pour cha- que produit. 33 merce équitable est l’objet de fortes critiques en France. Traversé de contra- dictions et de paradoxes, il n’en reste pas moins un outil très précieux, voire Les exigences de qualité rendent difficile l’accès au label à bien des producteurs du Sud. unique pour questionner les pratiques des consommateurs et affermir le Ce qui peut créer des injustices entre les or- ganisations de producteurs qui ont accès à ce pouvoir de négociation des petits producteurs. marché et celles qui n’y ont pas accès. Les orga- nisations non gouvernementales qui travaillent avec les petits paysans pour les aider à atteindre Le commerce équitable n’est pas à même Les tenants de la filière non labellisée visent les normes de qualité corrigent en partie cette de résoudre tous les problèmes de développe- l’équité sur toute la chaîne de production. Ils situation d’exclusion. ment et de préservation de la planète. Cepen- n’écartent aucun maillon et s’interrogent sur dant, il est porteur d’une avancée fondamen- les conditions de travail des salariés des bateaux Commerce équitable et environnement tale : montrer comment le commerce peut qui transportent la marchandise et des grandes La garantie d’un prix stable et élevé peut être un outil de développement et de réduc- surfaces qui la vendent. Les défenseurs de la fi- conduire à intensifier la production agricole. tion de la pauvreté. Pourtant, il suscite force lière labellisée, de leur côté, cherchent à écouler Pour éviter cela, les cahiers des charges incluent polémiques, en France en particulier. Aussi le plus possible de produits pour aider avant des critères écologiques tels que le bannisse- est-il éclairant, avant d’évoquer les rôles bé- tout les coopératives de producteurs. Et comme ment des organismes génétiquement modifiés néfiques du commerce équitable, de passer en la grande majorité de la popula- et de certains pesticides. Et ils revue les débats et les critiques qui traversent tion – plus de 90 % en France – Des avantages incitent à protéger les sols et à ce mouvement en France. font leurs courses en grande sur- mettre en œuvre des pratiques face, ils incluent ce canal de dis- énormes agronomiques écologiques. Ain- Les critiques tribution. pour si, plus de la moitié des produits labellisés équitables sont certifiés Les deux filières du commerce équitable Ces deux formes de commer- les paysans biologiques. Il existe deux filières du commerce équita- ce équitable présentent des avan- ble qui se posent trop souvent en rivales. La tages et des inconvénients. Mais à en juger par Le commerce équitable est aussi accusé de première, historique, est celle d’Artisans du la vitalité des réseaux de boutiques spécialisées, favoriser les importations aux dépens des pay- monde en France et des Magasins du monde en tout porte à croire que loin d’être concurren- sans et des artisans locaux. La large majorité du Suisse. Elle établit un rapport direct entre des tes, elles se complètent. Il n’est en effet pas rare commerce équitable concerne des produits de producteurs au Sud et des consommateurs au que des consommateurs de café ou de sucre qui toute façon importés (café, thé, cacao, coton, Nord en misant sur des rapports de confiance découvrent ces produits équitables en grande fruits exotiques), mais la certification équitable mutuelle et un réseau de distribution indépen- surface deviennent ensuite clients des produits des fleurs, par exemple, soulève ce problème. dant des supermarchés. Cette filière ne conçoit des Artisans et des Magasins du Monde, voire Une étude comparative montre toutefois que, l’économie équitable que comme alternative des coopératives biologiques. malgré une distance d’acheminement plus lon- à 100 %. gue, l’impact écologique des fleurs importées Commerce équitable et justice du Kenya est plus faible que celui des fleurs im- Née avec Max Havelaar, la seconde filière, Le commerce équitable offre de meilleurs portées des Pays-Bas. Il est vrai que la culture dite labellisée, émerge un peu plus tard pour prix aux producteurs, finance d’avance la ré- des fleurs aux Pays-Bas utilise beaucoup d’éner- mettre les produits équitables à portée de tous. colte et stabilise l’écoulement de la production gie fossile pour chauffer les serres. Reste que Pour cela, ils doivent avoir accès aux grands et les prix, autant d’avantages énormes pour le commerce international de fleurs est ques- réseaux de distribution, c’est-à-dire aux super- les conditions de production et de vie à long tionnable en soi, qu’elles viennent du Kenya ou marchés. Un organisme certificateur, la Fair terme des paysans. Pourtant, des voix s’élèvent des Pays-Bas, car il repose sur l’utilisation de Trade Labelling Organization (FLO), consigne pour dénoncer le rapport déséquilibré entre les beaucoup trop de pesticides très toxiques. dans un cahier des charges les conditions d’at- riches acheteurs du Nord et les pauvres pro- tribution du label. ducteurs du Sud. La pédagogie du commerce * Guy Durand est professeur à l’Ecole nationale supérieure équitable Le commerce équitable labellisé est né au agronomique de Rennes, en France. Il est l’un des fonda- Mexique, mais globalement, les cahiers des Dans les pays producteurs, le commerce teurs de Max Havelaar France et a été son premier président charges étaient établis dans les pays du Nord. équitable aide les paysans à s’organiser et à de- (1992-1996). Aussi, pour rééquilibrer la situation, la FLO venir acteurs des politiques agricoles. Dans les DOSSIER LaRevueDurable N°20

pays importateurs, ses produits interpellent les ducteurs de café des piémonts andins en Bo- café. Il en est sorti la création de la Commission consommateurs sur leurs habitudes. livie et au Pérou. Entre autres avantages, elle andine des producteurs de café, la Cancafe, dont 34 constate un renforcement des coopératives de l’objectif est de renforcer la représentation des Commerce équitable et politiques agricoles producteurs. Les 22 organisations affiliées à la caféiculteurs andins sur le marché mondial. La Le commerce équitable est un outil de sou- Fédération des caféiculteurs exportateurs de Cancafe prend position sur l’ouverture des mar- tien aux paysanneries « abandonnées ». Et ce Bolivie (Fecafeb) sont chaque année un peu chés agricoles et le café transgénique, et s’engage soutien ne se limite pas à l’économie. Le but plus attractives. Le nombre moyen de membres aux côtés d’Oxfam dans la campagne de lobbying est d’aider ces populations à mieux s’organiser augmente d’environ 20 % depuis deux ans. international sur le prix du café (Avsf, 2005). pour défendre leurs intérêts et leurs points de vue. De faire en sorte que les coopératives de La fédération s’est impliquée dans l’élabora- Consommation citoyenne producteurs puissent prendre part à l’élabora- tion d’une proposition émanant de l’ensemble Tous les consommateurs de produits équi- tion de politiques agricoles favorables à la petite du secteur caféier bolivien pour une nouvelle tables ne sont pas consomm’acteurs. Mais la paysannerie. politique caféière du pays. Au nom de la Bolivie, notoriété croissante du commerce équitable la Fecafeb a organisé une rencontre régionale stimule le débat social au Nord comme au Sud. Depuis quelques années, l’association Agro- caféière en novembre 2004, à laquelle ont par- Désormais, trois Français sur quatre connais- nomes et vétérinaires sans frontières évalue ticipé la Junta Nacional del Café du Pérou et la sent le commerce équitable et un sur deux re- l’impact du commerce équitable sur les pro- Corporation équatorienne des producteurs de connaît le label Max Havelaar. Des données qui

TerrEspoir Cameroun, source d’ « empowerment » conventionnel : il prône la transpa- donne accès à des crédits pour payer eux qui paient les salaires des per- rence des prix, des contrats à long la scolarité de leurs enfants ou tenir manents et que, par conséquent, ils terme, le préfinancement, les grou- en cas de coup dur. sont patrons… et responsables ! pements ou organisations de petits producteurs et productrices, l’auto- La terre et ses produits (re)prennent Des formations sur le fonctionne- gestion, la participation aux déci- de la valeur aux yeux des membres ment associatif ont été organisées. sions, les projets collectifs, l’écolo- de TerrEspoir grâce à de meilleurs Un atelier de planification partici- gie. Au total, plus de mille personnes prix et parce qu’en Suisse, des gens pative a permis de définir un plan profitent des retombées positives achètent les fruits de TerrEspoir et d’activités sur cinq ans. Les grou- TerrEspoir : environ 130 familles de les trouvent excellents. Cela favo- pes régionaux ont eux aussi défini producteurs, les sécheurs de fruits, rise chez eux la perception de leurs leurs stratégies de diversification sept personnes chargées du condi- compétences dans leur domaine de des marchés et de transformation tionnement des produits pour le production ou dans le séchage des de produits. Une stratégie où le fret et une unité de production de fruits. marché local figure en bonne place, cartons de six personnes. car les deux camions achetés avec un crédit des partenaires suisses Chaque semaine, plus de trois ton- Plus encore qu’une source de finan- servent à écouler les fruits dans les nes d’ananas, papayes, mangues, cement, TerrEspoir est un moyen centres urbains de la région. avocats, fruits de la passion et bana- d’«empowerment» des paysans nes, frais, secs ou sous forme de qui y participent. L’organisation Michèle Zufferey confiture arrivent à l’aéroport de les pousse à mieux comprendre la Fondation TerrEspoir Zurich en provenance de Yaoundé. société pour élaborer leurs propres C’est la production de TerrEspoir, stratégies de survie. Au Cameroun, coopérative de commerce équitable les membres de TerrEspoir calcu- de l’Ouest camerounais, qui écoule lent leurs coûts de production pour Mais le fait d’appartenir à une orga- ses produits à travers un réseau de chaque produit, connaissent les prix nisation ou à un réseau ne suffit pas, paroisses, de privés et des Magasins des fruits et les exigences de qua- même s’il s’intègre au tissu social du Monde en Suisse romande. lité (de la production agricole au d’une région : les membres de l’as- mûr, prêt pour l’exportation), sociation doivent aussi se l’appro- Le commerce équitable de Terr- savent comment les commandes se prier. Au Cameroun, ils ont franchi Espoir se fonde sur un discours aux répartissent entre eux. Ils cotisent une étape lorsque, chiffres à l’appui, antipodes de celui du commerce à un fonds de solidarité qui leur ils se sont rendu compte que ce sont LaRevueDurable N°20 DOSSIER

interpellent les collectivités publiques. Le com- merce équitable devient une valeur de débat sur la solidarité internationale. Jamais aupara- 35 vant une initiative n’avait autant fait parler des rapports Nord/Sud de façon constructive, en plaçant la discussion sur la question de l’équité et non plus de la charité.

Le commerce équitable pose des questions qui dépassent les seuls produits équitables et s’étendent à d’autres pratiques vertueuses : produits biologiques, économies d’énergie, transport doux. Il questionne également les pratiques alimentaires et véhicule une critique de la « malbouffe » : MacDo, la restauration collective dans les écoles, les entreprises, etc. TransFairUSA Tri du café à la coopérative Union, à Oromia, en Ethiopie Pot de fer contre pot de terre Le Fine a rappelé que de 1 à 2,5 milliards de lation du commerce mondial. Et pour cela, il Le commerce équitable veut faire du com- petits paysans dépendent de l’exportation de faut une organisation de producteurs à même merce un instrument de développement. Que matières premières agricoles telles que café, ca- de les défendre et une alliance stratégique avec pèse cette idée face à la libéralisation en cours ? cao, canne à sucre, etc. Pour ces denrées, le Fine les autres secteurs sociaux au Sud et au Nord. Le Réseau international du commerce équita- demande que soit reconnu le besoin de gérer C’est en jetant les bases d’une telle organisation ble (Fine) a pu faire entendre son point de vue l’offre mondiale pour éviter la chute des prix d’acteurs que le commerce équitable joue un au récent sommet de Hong Kong. Même s’il et la création d’un fonds international pour la rôle modeste, mais croissant. g reste minoritaire, le Fine donne de la voix aux diversification agricole. critiques de la libéralisation qui prive les Etats d’instruments de contrôle de leur économie Pour corriger les déséquilibres et aider les biblioG raP hie et déclenche une spirale à la baisse des prix, plus pauvres, il faut profondément réformer Agronomes et vétérinaires sans fron- entraînant un dumping social et écologique. les politiques publiques nationales et la régu- tières (AVSF). Projet de renforcement des organisations économiques paysannes des Yungas de La Paz, Bilan 2004, 2005. Alberto Vargas

POUR ALLER PLUS LOIN L’association Agronomes et vétérinaires sans fron- tières (AVSF) travaille avec FLO et Max Havelaar France et Belgique à construire un système de mesure des impacts économiques, sociaux et envi- ronnementaux du commerce équitable. Le but est de montrer l’efficacité pour les producteurs du système FLO-Max Havelaar et d’influencer le cadre réglementaire européen pour éviter que la certification ne devienne un business au détri- ment des familles paysannes. AVSF vient de réa- liser un documentaire de trente minutes sur son travail avec des petits caféiculteurs en Bolivie, « Le café, graine de développement dans le Yungas », qui peut être commandé au prix de 10 euros.

www.avsf.org Doña Sofia et sa famille, de la coopérative équitable Prodecoop, au Nicaragua www.terrespoir.com DOSSIER LaRevueDurable N°20

LRD Au Pérou et au Mexique, la consommation équitable débarque sur les marchés locaux

plus élevé, le café équitable rejoint le segment Après avoir inspiré de nouveaux rapports commerciaux au niveau mondial, les des cafés haut de gamme pour consommateurs 36 exigeants. paysans mexicains sont en passe de les influencer dans leur pays. Ils ont poussé le café « justo » sur les étalages de magasins biologiques et de quelques épiceries. Le café équitable a ensuite investi les bouti- ques de produits biologiques, qui suscitent un Au Pérou, les associations de producteurs créent leurs propres magasins de vente engouement certain au Mexique. Certifié bio- directe. Un vent d’ingéniosité sociale balaie l’Amérique latine. logique, il a trouvé sa clientèle naturelle dans ces « Green Corners », comme les Mexicains les appellent. « En revanche, les grands supermar- Le Mexique exporte du café labellisé Max marque dans leur pays », explique Fabiola Oso- chés sont très réticents à proposer des produits Havelaar depuis vingt ans, mais ce n’est qu’en rio, responsable de la communication à CJM. plus chers », constate Fabiola Osorio. Prochai- 2004 que Comercio justo Mexico (CJM), orga- Contrairement au café équitable exporté sous nement, Superama, chaîne de 50 magasins, l’in- nisation de commerce équitable pour le marché forme de vert, le café équitable local est tégrera néanmoins à son assortiment. national, est admise à la Fairtrade Labelling Or- torréfié, moulu et emballé dans les coopérati- ganization (FLO). Cet organisme international ves, ce qui leur permet d’intégrer toute la chaîne Les six marques de café équitable mexicain détermine les critères du commerce équitable de valeur ajoutée. Sur les 50 coopératives qui sont désormais présentes dans 85 points de pour chaque produit et attribue le label Fair- produisent pour le marché national, seules huit vente. Et de 4 tonnes en 2001, la vente est pas- trade. CJM est la première organisation de exportent. sée à 45 tonnes en 2005. Un bilan encourageant, commerce équitable à voir le jour dans un pays même s’il reste loin des 1500 tonnes écoulées en exportateur de produits labellisés. Le miel équitable, que le Mexique exporte, sortira bientôt sur le marché local, mais une Le Mexique boit à la santé version nationale du jus d’orange équitable n’est pas encore à l’ordre du jour. « Le démar- de ses paysans rage est difficile, avoue Fabiola Osorio. Nous « L’initiative naît en 1999 d’un groupe de avons commencé à vendre notre produit dans coopératives qui produisent pour l’exportation dix boutiques de café gourmet », raconte- et veulent vendre leur café sous leur propre t-elle. Les gens ayant de la peine avec le prix

Aux Philippines, le commerce bio, équitable et local Sur l’île de Negros, aux Philippines, bio et équitables de Bacolod, ville colonne vertébrale de l’Eper (Entraide protestante suisse) principale de l’île. l’agriculture durable et soutient depuis le milieu des années de la sécurité alimen- 1990 l’organisation Bind (Broad Bind exploite son propre maga- taire sur l’île de Negros. Initiative for Negros Development). sin dans cette ville, où sont vendus Ses activités regrou- Bind est spécialisée dans la recher- des produits biologiques à un prix pent la recherche et la che, le développement et la promo- équitable : riz, légumes, confitures et promotion de métho- tion de l’agriculture biologique. L’un produits artisanaux. Pour stimuler des de culture écologiques (amé- Avec le soutien de l’Eper, une dou- des programmes de Bind consiste la demande et assurer un bon écou- lioration du sol par le compost, zaine de femmes se sont regroupées à former des petits paysans à des lement des produits, Bind soutient élevage de petits animaux, systè- à travers Bind en une organisation, méthodes de culture respectueuses également la création de magasins de mes d’irrigation) et la production Hope (Homeopathic Producer’s de l’environnement et moins coû- village, gérés par des organisations de semences. Grâce aux méthodes Enterprise). Elles produisent des teuses. L’idée est double : promou- de base. A ce jour, quelque 500 pay- écologiques et à la culture de nou- médicaments à base de plantes et voir la sécurité alimentaire par la sannes et paysans ont participé à des velles sortes de riz et de légumes, les vendent à un millier de patients diversification des produits (riz, cours de formation et de perfection- les paysans obtiennent des récol- et patientes. Des herboristeries ont légumes, élevage de petits animaux, nement, et vu leurs conditions de vie tes plus abondantes. La création été ouvertes dans onze villages en bois, etc.) et une bonne planifica- et celles de leur famille s’améliorer. de pépinières, l’aménagement de collaboration avec les communautés tion des récoltes, augmenter ensuite haies et la plantation sur les rives locales. le revenu des personnes en vendant Lieu d’échanges et de démonstra- fluviales pour protéger de l’érosion Corinne Henchoz Pignani à un prix juste les excédents sur les tion, le Centre de recherches agri- font également partie des activités Secrétaire romande Eper (Entraide marchés locaux et dans les magasins coles de Campo Berde forme la de ce centre. protestante suisse) 37

fairtrade media / Kay Maeritz Ces apiculteurs mexicains en pleine récolte pourront bientôt vendre leur miel équitable sur le marché local

Suisse en 2004 ou des 3800 tonnes en France. commerce équitable local depuis 2001. Le cœur Un vent du Sud « Mais cela fait plus de vingt ans que le com- de son projet est la vente directe par tous les merce équitable progresse en Europe alors moyens. Outre encourager la création de nou- Secrétaire du groupe de travail du commer- que nous n’y travaillons que depuis six ans », velles boutiques solidaires, le Gresp multiplie sa ce équitable pour l’Amérique latine, Alfonso rappelle Fabiola Osorio. présence sur les foires et les marchés. Cotera observe la situation sur le continent. Au Chili, des magasins équitables écoulent du A bas les intermédiaires « Par opposition au Mexique, qui exporte café péruvien labellisé. En Bolivie, les maga- surtout des produits équitables alimentaires, sins communautaires autogérés marchent bien. Ailleurs en Amérique latine, le Brésil est en il y a au Pérou beaucoup d’artisanat équita- Mais c’est l’Equateur qui lui fait le plus envie. discussion avec FLO pour mettre en place un ble », relève Alfonso Cotera. Vendu dans les Créés par une fondation de l’Eglise catholique label. Mais la voie de la labellisation n’est pas boutiques d’Artisans du monde en France ou équatorienne en 1981, les magasins Camari la seule possible. A Chiclayo, au nord du Pérou, les Magasins du monde en Suisse, cet artisa- suppriment les intermédiaires, transporteurs et des producteurs ont fondé la « Petite maison nat n’est pas labellisé. Son caractère équita- prêteurs de tous ordres qui abusent des paysans. de la solidarité ». Des produits agricoles frais ble repose sur des rapports de confiance entre Aujourd’hui, 6500 familles de petits paysans et et transformés de la région y côtoient de l’ar- producteurs et importateurs. « Au Pérou, nous d’artisans vendent leurs produits via les points tisanat. Café, bananes, miel et quinoa arborent voulons faire un système dans lequel tous les de vente des grandes villes du pays et des ventes le label de FLO, car ils proviennent de coopé- produits qui sont rémunérateurs pour les pro- en gros à des hôpitaux, hôtels et prisons. « Ils ratives qui en exportent. Mais la plupart des ducteurs et bons pour l’environnement trou- n’appellent pas cela « commerce équitable », produits sont sans label. De même à Puno, sur vent leur place », précise Alfonso Cotera. mais c’est la même chose », commente Alfonso les rives du lac Titicaca, où la boutique se mute Cotera. g en un véritable centre culturel : cafétéria, salle Une autre idée, déjà pratiquée au Brésil et d’exposition avec programme de conférences- en Uruguay pour des produits biologiques, est POUR ALLER PLUS LOIN discussions sur le commerce équitable. Cha- la certification participative : des producteurs et cune de la dizaine de ces boutiques qui sont des consommateurs fixent les critères à remplir www.camari.org apparues dans le pays est autonome, fondée et pour qu’un produit soit équitable et contrôlent gérée par un groupe local de producteurs. ensemble s’ils sont respectés. « L’expérience de www.comerciojusto.com.mx/ l’éducation populaire et de l’autogestion en- « Le commerce équitable au Pérou ne peut seigne que seule l’implication dans les projets www.eper.ch pas se traduire par des prix plus élevés, car il amène les gens à en prendre soin et à se sen- n’y a pas le pouvoir d’achat. Ce qu’il faut, c’est tir responsables », note Alfonso Cotera. Les Le Pôle de socio-économie solidaire (PSES) est éliminer les intermédiaires », remarque Al- producteurs sont preneurs d’un autre système un réseau mondial de débat entre des acteurs de fonso Cotera, qui préside le Réseau péruvien que FLO. Certains ressentent de la frustration terrain, chercheurs et personnes engagées dans le de commerce équitable (Gresp), coalition de à avoir si peu à dire sur les critères de cette ins- commerce équitable et l’économie solidaire, sur- 200 organisations de producteurs, de syndicats titution et s’irritent de la certification d’un café tout en Amérique latine et en Afrique : paysans et d’œuvres d’Eglises qui poussent le équitable Nestlé, qu’ils peinent à comprendre. www.socioeco.org/fr/index.php Il suffit d’une goutte 38 d’eau… …pour changer bien des choses. Récupérer l’eau de pluie, c’est d’abord faire des économies. C’est aussi soigner son jardin avec une eau qui lui convient bien mieux que l’eau du robinet. Enfin, et surtout, c’est participer à son échelle à un enjeu très important pour les années à venir. Ressource naturelle indispensable à la vie, l’eau n’est pas inépuisable. C’est pourquoi il devient urgent de savoir mieux la consommer. En commençant au jardin, par exemple.

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Gil Ducommun* Les agriculteurs du Burkina Faso pourraient nourrir leur pays

Loin d’être incapables de produire 39 de grandes quantités de nourriture, les agriculteurs burkinabés seraient au contraire à même de nourrir leur pays si une politique agricole natio- nale volontariste les soutenait. C’est ce que démontre une enquête unique menée dans trois régions du Burkina Faso qui prouve du même coup – une fois de plus – qu’au-delà des contrain- tes agro nomiques, la production agri- cole dépend avant tout de la volonté politique. Gil Ducommun

MALI NIGER Ouahigouya importants de leur production vivrière. C’est là De l’agriculture de subsistance Kaya l’une des conclusions majeures d’une large en- à la production marchande OUAGADOUGOU quête que des chercheurs suisses et burkinabés Fada- ont menée pendant quatre ans sur le terrain Dans sa stratégie de lutte contre la pauvreté, Dédougou N’Gourma Koudougou Tenkodogo (Ducommun et coll., 2005). le ministre de l’Agriculture burkinabé propo- Lac de la sait en 2002 de créer des exploitations de 100 Bobo-Dioulasso Lac de Bagré Kompienga BÉNIN Contrairement aux préjugés des autorités, à 150 hectares en plaçant à leur tête des techni- M les paysans ne se contentent pas de cultiver ciens. Selon lui, les fermes familiales inférieures o Banfora u TOGO h GHANA o u pour vivre, mais dégagent des excédents qu’ils à dix hectares seraient incapables de sortir de n écoulent dans les centres urbains. Et ils pour- l’autosubsistance. Il faut donc les remplacer. 200 km raient assurer l’autosuffi sance du Burkina Faso CÔTE D’IVOIRE en céréales si seulement ce pays optait pour Une tout autre image ressort de l’enquête une politique agricole allant plus loin que le menée auprès de 540 fermes de trois régions seul soutien à la culture du coton. agroécologiques distinctes du Burkina Faso : L’indépendance alimentaire du Burkina Faso la région traditionnellement excédentaire en se dégrade, mais les autorités regardent ailleurs : Le marché alimentaire de Ouagadougou céréales de Dédougou, à 200 km à l’ouest de la le Gouvernement burkinabé n’a d’yeux que sur représente un pouvoir d’achat d’environ 300 capitale, celle à l’équilibre céréalier précaire de le cours international du coton, dont la chute millions d’euros par an. C’est là un formi- Fada N’Gourma, à 250 km à l’est de la capitale, menace de causer la faillite de millions de pay- dable pouvoir disponible immédiatement et celle en général défi citaire sur le plan vivrier sans. Les responsables de la politique agricole qui, orienté vers les agriculteurs et l’industrie de Kaya, à 100 km au nord-est de Ouagadou- de ce pays devraient davantage considérer leur agroalimentaire nationaux, améliorerait les gou. L’étude a mis en évidence une agriculture marché interne. Le coton représente le principal conditions de vie des paysans et des artisans qui dégage des surplus importants vendus sur du revenu de l’Etat, mais il n’est pas la première locaux. Tous les pays européens ont pratiqué les marchés urbains. source d’entrées monétaires des ruraux, qui une politique de stabilisation et de protection retirent des revenus monétaires trois fois plus des prix pour augmenter leur production ali- Excepté à Dédougou, où le coton est la prin- mentaire jusqu’à ce qu’elle devienne excéden- cipale source de revenus monétaires de trois taire. De même, les pays du sud et du sud-est exploitations sur quatre, ce sont les ventes de * Gil Ducommun est professeur en économie rurale et déve- de l’Asie ont commencé par développer leur vivres qui rapportent le plus de liquidités aux loppement à la Haute école suisse d’agronomie HESA de marché intérieur de masse tout en le proté- paysans. Extrapolé au niveau national, les ven- Zollikofen/Berne, en Suisse. geant contre les importations. tes alimentaires annuelles des agriculteurs bur- DOSSIER LaRevueDurable N°20 Gil Ducommun Couleurs locales au marché de Dédougou

Ventes en euros /an Un autre facteur est fortement lié aux ventes Quart des fermes Quart des fermes alimentaires : le nombre de bœufs de labour et de Quart Quart 40 qui qui charrues par ferme. A Dédougou, 65 % des fer- suivant suivant vendent le moins vendent le plus mes disposent de bœufs de labour, contre 39 % Coton 125 317 444 540 à Fada et 34 % à Kaya. Ce qui met sur la piste Dédougou d’un facteur décisif : les moyens financiers des Vivrier 34 132 327 1120 fermes. Dédougou est mieux doté en bœufs de labour grâce à des systèmes de crédit disponi- Coton - 0,5 84 224 bles aux exploitations cotonnières. L’impact du Fada crédit d’investissement agricole – ici, le « crédit- N’Gourma Vivrier 36 126 401 1460 coton » de la Sofitex – sur le niveau technologi- que des exploitations est clair au Burkina Faso. Coton 3 0,5 15 6 En dehors des producteurs de coton, l’accès au Kaya crédit institutionnel est faible : de 10 à 15 % des Vivrier 34 103 283 833 unités de production agricole dans chacune des trois régions.

Ventes alimentaires en tonnes de graines : céréales (maïs, mil, sorgho, riz), protéagineux Cette donnée lève le voile sur un paradoxe (niébé, soja, pois de terre) et oléagineux (sésame et arachide) apparent : ce sont les fermes de la région co- tonnière de Dédougou qui dégagent le plus de Dédougou Fada N’Gourma Kaya 6 surplus vivriers commercialisables. Au point que les ventes alimentaires du quart des fer- 5 mes aux plus fortes ventes dépassent largement celles du coton. Très orientées vers le marché, 4 elles ont dû sentir le vent tourner, délaissant le 3 coton pour se concentrer sur des cultures plus rémunératrices. 2 1 De plus, consultés sur les freins à leur pro- duction, les paysans citent la traction animale 0 Quart des fermes Quart des fermes et la fumure organique et/ou minérale comme Quart suivant Quart suivant qui vendent le moins qui vendent le plus principaux facteurs limitants, ce qui démontre leur lucidité sur leur situation. kinabés sont trois fois supérieures à celles du Des bœufs, s.v.p. coton. Ce qui contredit le discours officiel sur la Créer un climat de stabilité faible capacité de production des agriculteurs et Un premier facteur peut être écarté : la du marché leur mentalité trop peu commerciale. disponibilité de main-d’œuvre, qui n’affecte guère la production commerciale. La taille Ces constats suggèrent qu’un système de Autre constat majeur : la très forte différen- des fermes, en revanche, joue un rôle indé- crédit d’investissement agricole aiderait à ac- ciation des fermes. Dans l’échantillon étudié, niable. Les surfaces cultivées moyennes sont croître la production et les ventes des agricul- 10 % d’entre elles assurent 40 % des ventes, de 4,4 hectares à Fada, 4,7 hectares à Kaya, teurs. Il financerait des investissements pro- tandis que celles du quart qui vendent le moins 7,4 hectares à Dédougou. Ainsi la taille des ductifs des exploitations agricoles à moyen sont à la limite de la survie. Elles ne dégagent fermes influence-t-elle les quantités de pro- terme (4-6 ans) à un taux d’intérêt subven- pas de surplus agricole : ayant impérativement duits commercialisés, mais en partie seule- tionné par l’Etat. Le crédit d’investissement a besoin d’argent, elles vendent à la fin de la ré- ment. A Dédougou, la taille moyenne des ex- prouvé son efficacité en Europe pour encou- colte, mais doivent sans doute racheter de quoi ploitations des deuxième et troisième quarts rager la modernisation des exploitations et se nourrir plus tard. Sans revenus annexes ou est la même alors que les ventes de produits améliorer leur production. Avec ce système, non agricoles de membres de la famille, ces alimentaires varient du simple au double en la plupart des agriculteurs accéderaient à la agriculteurs souffrent de la faim. tonnes et de 1 à 2,5 en valeur. Même constat culture attelée : deux boeufs, charrue, charret- à Kaya, où les tailles moyennes des fermes des te, multiculteur. Avec une chaîne de traction Pour aider les exploitations moins perfor- deux premiers quarts sont identiques alors animale, chaque producteur peut accroître, en mantes à améliorer leur production, il est né- que les recettes des ventes triplent dans le deux à trois ans, d’au moins 50 % les surfaces cessaire de démêler les causes de ces écarts. deuxième quart. cultivées par unité de travail. LaRevueDurable N°20 DOSSIER

Pour fonctionner, un tel système suppose A Ouagadougou, le riz des fermiers locaux la sauce du tô est plus chère que celle qui ac- que l’agriculteur puisse calculer ses revenus est compétitif avec le riz provenant des Etats- compagne le riz et, surtout, sorgho et mil sont à moyen terme. Or, la désorganisation des Unis : leurs prix sont semblables, de 0,35 à 0,5 beaucoup plus longs à préparer que le riz. En 41 marchés empêche toute planification. Les prix euro/kg. Mais les commerçants réalisent des outre, le riz importé gagne du terrain sur le riz sont d’une volatilité inouïe due en partie à un marges supérieures et plus faciles avec le riz local : plus déshydraté, il gonfle plus à la cuisson régime des pluies irrégulier et l’exploitant ne importé et ne commercialisent de ce fait que et sa couleur très blanche est plus attirante. peut pas savoir combien il pourra retirer de sa rarement du riz local. récolte. Une année de disette peut succéder à « Passer du tô au riz blanc importé est un une bonne année qui a vu les prix s’écrouler. Pour corriger cette situation, le gouverne- saut de statut social », déclare un observateur à En agriculture, une surproduction de 5-10 % ment devrait introduire une taxe variable à Ouagadougou. Pain blanc, riz blanchi importé par rapport à la demande peut faire s’effondrer l’importation des céréales et produits dérivés. et farine de maïs blanc symbolisent un statut so- le prix de 30 %, ce qui est catastrophique. D’où Cela donnerait un revenu supplémentaire à cial et culturel plus élevé. Cette tendance pose de le besoin urgent d’organiser le marché vivrier l’Etat et réduirait les marges des importateurs. sérieuses questions de santé publique car, com- burkinabé au même titre que celui du coton, Ils seraient alors plus enclins à commercialiser parés aux céréales traditionnelles, ces aliments en garantissant des prix minimaux. Survient des céréales nationales, tandis que le prix aux sont pauvres en protéines, en sels minéraux et alors un autre impératif : assurer l’écoulement consommateurs resterait inchangé. Les pro- en fibres. Par ailleurs, la bière de malt importée des produits agricoles. ducteurs burkinabés pourraient ainsi vendre est en passe d’évincer la bière traditionnelle, le dolo, à base de sorgho rouge.

Ainsi, les mesures de politique agricole doi- vent se doubler d’une stratégie de transforma- tion des céréales locales pour proposer aux con- sommateurs urbains des produits plus adaptés Gil Ducommun à leurs besoins : aliments faciles à cuire, pâtes Mil, sorgho et séchage du sorgho après la récolte alimentaires fabriquées à base de mil ou de sor- Abolir la rente des importateurs leurs céréales de base à un prix minimal ré- gho, dolo pasteurisé, etc. munérateur. Certains paysans seraient déjà en mesure de Mais au Burkina Faso, les grandes fortunes produire plus : ils ont des épargnes sous forme Cette protection modérée de la production se font dans l’import-export et l’immobilier. En de bétail qu’ils pourraient transformer en capi- agricole nationale face à un marché mondial dehors du coton, l’agriculture familiale importe tal plus productif. Mais ils ne le font pas, car ils subventionné ne coûterait rien à l’Etat ni aux peu aux dirigeants politiques et économiques, craignent de ne pas pouvoir écouler leur pro- consommateurs et réduirait la facture d’im- d’ailleurs souvent issus des mêmes familles. Les duction en cas d’excédents, à cause des impor- portation. Seuls les importateurs de céréales, chercheurs suisses et burkinabés ont présenté les tations agroalimentaires en pleine croissance. de farines et de pâtes alimentaires en pâtiraient résultats de cette enquête et leurs recommanda- en subissant une baisse de revenu. En revan- tions de politique agricole et agroalimentaire En moyenne des années 2000 à 2002, le Bur- che, les agriculteurs et les PME agroalimen- à l’Assemblée nationale, aux autorités, aux or- kina Faso a importé pour 60 millions d’euros de taires bénéficieraient de revenus supérieurs ou ganisations paysannes et syndicats début 2005. céréales. Et depuis dix ans, sa facture alimentaire du moins stabilisés. Auprès de l’Organisation Depuis, rien ne se passe. g s’alourdit. De 1992-1994 à 2000-2002, il a plus mondiale du commerce, cette protection mo- que doublé ses importations de riz (passant de dérée de la production vivrière nationale serait 82 000 à 169 000 tonnes par an en moyenne), présentée comme une légitime compensation biblioG raP hie augmenté de 40 % ses achats de blé (de 32 000 des subventions agricoles et à l’exportation des Ducommun G et coll. Commercialisation à 45 000 tonnes) et multiplié par huit ses impor- pays exportateurs. vivrière paysanne, marchés urbains et options tations de maïs (de 2600 à 19 000 tonnes). politiques au Burkina Faso. Rapport final de synthèse du projet de recherche Tasim-Ao, Le désintérêt des élites En 2001 et 2002, les récoltes céréalières re- Haute école suisse d’agronomie, Zollikofen/ cord n’ont pas empêché les importations de Cependant, une taxe sur les importations ne Berne et Cedres (Centre d’études, de docu- maïs et de riz d’atteindre des volumes histo- résoudrait pas tous les problèmes d’écoulement mentation et de recherche économiques et sociales), Université de Ouagadougou, 2005. riques. Les greniers des paysans étaient pleins, des produits locaux. Car les produits importés mais les vivres importés affluaient en masse. séduisent de plus en plus les Burkinabés ur- Disponible sur : www.shl.bfh.ch Huit à neuf années sur dix, le Burkina Faso bains. En ville, la population se détourne du tô, (taper « tasim-ao » dans la rubrique « recher- produit suffisamment ou trop de céréales com- plat traditionnel à base de la farine de mil ou che rapide »). paré à la demande intérieure. du sorgho, au profit du riz. Pour deux raisons : DOSSIER LaRevueDurable N°20

Marc Dufumier* La paysannerie familiale est capable d’intensifier la production agricole

De l’abattis-brûlis 42 Nourrir 9 milliards d’hommes d’ici 2050, le défi est de taille. Pour le relever, aux « agro-forêts » indonésiennes les paysanneries du tiers-monde font preuve d’une grande créativité pour Dans les années 1970-80, en très peu de intensifier leur production tout en préservant l’environnement. Mais la temps, des pays structurellement déficitaires (Viêt Nam, Indonésie, Philippines) devien- recherche et les politiques agricoles ne valorisent pas assez cette inventivité nent autosuffisants en riz, parfois même ex- pourtant cruciale pour l’avenir. portateurs. Mais le défi reste entier pour le Sud-Est asiatique : faire vivre plus de 500 mil- lions d’habitants sur seulement 4,5 millions Plus des deux tiers des 852 millions de person- de km2 alors que des régions montagneuses nes qui ne mangent pas à leur faim vivent dans occupent 70 % de la superficie. une famille paysanne qui cultive une toute petite exploitation. Ces familles sont équipées d’outils Les populations se concentrent dans les uniquement manuels et leurs systèmes de cul- vallées, les plaines et les deltas, où la rizicul- ture et d’élevage ne suffisent pas pour qu’elles ture inondée est aisée. Mais de nombreuses puissent se nourrir elles-mêmes ou s’offrir des régions montagneuses restent le siège d’une achats alimentaires. Appauvri ou endetté à l’ex- agriculture pluviale sur abattis-brûlis. Ce sys- Marc Dufumier Marc trême, le tiers restant s’entasse dans les bidon- Jeunes cacaoyers à l’ombre de bananiers ; tème consiste à brûler la forêt pour débrous- villes sans y trouver d’emplois rémunérateurs. en bas à gauche, jardins boisés en Haïti sailler la parcelle et fertiliser la terre avec les C’est donc en accroissant la productivité et les cendres. La parcelle est cultivée pendant deux revenus agricoles des paysans les plus pauvres par habitant ne diminuent quasiment pas du- ans puis laissée à l’abandon. Pendant la pé- que l’on réduira la prévalence de la faim et de la rant cette période. Les paysans intensifient leur riode de repos, les essences repoussent et le malnutrition dans le monde. Or, des exemples production en cultivant maïs, haricots, patates couvert forestier est rétabli. en Afrique et en Asie montrent que ces paysan- douces, manioc, taros, courges, ricin, etc. dans neries possèdent le savoir-faire pour intensifier la même parcelle. Ces espèces présentant en l’agriculture par la voie biologique. général des ports et des enracinements complé- mentaires et des durées de cycle très différents, elles se concurrencent peu pour la lumière, l’eau et les éléments minéraux du sol. La densité des feuillages, de toutes tailles et hauteurs, intercepte au mieux l’énergie solaire. Les travaux agricoles sont aussi mieux répartis sur l’année et les terres sont en permanence protégées.

Bien sûr, la réduction des surfaces pâturées Tour Jean de La Kawthoolei, en Birmanie : les ouvertures dans la forêt et la diminution corollaire du nombre des ru- signalent la proximité d’un village minants réduit les apports en déjections ani- males sur les terres de plus en plus intensément Ce type d’agriculture est viable tant que

Marc Dufumier Marc cultivées. Mais là encore, les paysans ont trouvé les densités démographiques restent faibles. la parade : planter des arbres qui puisent les mi- Sur les surfaces laissées en friche après deux L’intensification dans la région néraux dans les couches plus profondes du sol. ou trois années de mise en culture, les recrûs des Grands Lacs Ces nutriments se retrouvent dans les feuilles spontanés sont d’âge variable et hébergent des de ces arbres. Lors de leur chute, elles se dé- espèces végétales et animales fort différentes. Sur les hautes terres de l’Afrique des Grands composent et fertilisent la couche arable. Les La biodiversité y est bien plus ample que dans Lacs, la densité démographique, d’environ 100 feuilles de l’arbre Grevillea et de bananier, de les forêts denses aux alentours. Mais lorsque habitants/km2, fait plus que doubler de 1960 à même que les résidus du pressage des bananes les populations sont obligées de diminuer la 1990. La production vivrière suivant une pro- pour l’extraction du jus destiné à la fabrication durée des recrûs à moins de quinze ans, les gression similaire, les disponibilités alimentaires de bière fertilisent notamment des plantations terres deviennent des savanes et la forêt ne re- de caféiers. Ainsi, les terres assolées n’ont pas pousse plus. Il ne reste plus qu’à en faire des

* Marc Dufumier est professeur à l’Institut national agrono- encore connue une véritable crise de fertilité pâturages. La pression démographique con- malgré les prélèvements accrus d’éléments mi- duit aussi à étendre les zones d’abattis-brûlis mique de Paris-Grignon, en France. néraux dont elles font l’objet. aux dépens des forêts primaires. LaRevueDurable N°20 DOSSIER

43 Jean de La Tour, 2x Tour, Jean de La La culture sur brûlis est un fait culturel pour des milliers de paysans Culture du riz sur brûlis à Kawthoolei : des concombres et du coton s’intercalent entre les rangs de riz A Sumatra et aux Célèbes, deux îles indo- vivrières annuelles. La friche arbustive puis exondées à côté des rizières. Ces systèmes s’ac- nésiennes, certaines paysanneries ont réussi à arborée s’enrichit peu à peu en espèces utiles, commodent de densités de 150 habitants/km2. intensifier leur agriculture et nourrir une po- très régulièrement exploitées aujourd’hui. pulation croissante sans savanisation ni ouvrir Au sein même des zones de rizières, des agri- de fronts pionniers dans la forêt vierge. Leur Ainsi en est-il, par exemple, de diverses car- culteurs au centre du Cambodge et du sud de stratégie s’appuie, comme dans la région des damomes, du mûrier à papier, des aliboufiers la Thaïlande sont parvenus à embocager leurs Grands Lacs, sur la complémentarité entre à benjoin, de nombreux palmiers, etc. Autant terroirs en établissant des palmiers à sucre sur les cultures vivrières et plantations arboricoles d’arbres qui apportent des revenus : l’écorce du diguettes. Leur sève est exploitée pour en extraire pérennes qui remontent les nutriments depuis mûrier à papier sert à fabriquer du papier de du sucre. Leurs racines explorent des couches du les couches profondes du sol. Ces paysanneries luxe, la cardamome est une épice et une plante sol situées en dessous de celles des plants de riz. protègent et favorisent le développement de médicinale. Dans certaines régions de Suma- certaines espèces spontanées au sein des recrûs tra, de véritables « agro-forêts » à hévéas ou à Des systèmes de cultures annuelles sous forestiers après la dernière récolte de plantes damar se développent désormais sur les terres couvert de parcs arborés de légumineuses sont

Small is beautiful but difficult La question agite les experts. ces, car les agriculteurs sont plus les petits agriculteurs consacrent autres pays. Ce centre, qui dessert Laquelle est la plus productive : la motivés que les salariés des gran- 17 % de leurs exploitations aux zo- un marché de 50 millions de con- petite agriculture familiale ou les des exploitations et les ressources nes boisées, contre 5 % dans les gran- sommateurs, s’approvisionne en grandes exploitations mécanisées ? sont mieux utilisées. des exploitations. Les petites exploi- melons auprès de trois producteurs ! L’évidence va dans les deux sens, tations consacrent près de deux Toujours au Brésil, les douze plus selon le type de culture (Cotula et En Indonésie, 80 % du caoutchouc fois plus de terres à des cultures qui grands transformateurs de lait ont coll., 2006). Les cultures de céréa- naturel et 95 % des fruits provien- protègent et enrichissent le sol. biffé 75 000 petits producteurs de les, de canne à sucre ou de soja, nent des vergers de petits paysans. leurs listes de fournisseurs de 1997 par exemple, se prêtent bien à la Au Brésil, l’agriculture familiale Malheureusement, les rapports à 2001, les précipitant probable- mécanisation et ont un meilleur génère 40 % de la production agri- commerciaux pénalisent les petites ment dans la faillite. En Thaïlande, rendement dans les grandes exploi- cole (en valeur) et 77 % de l’em- fermes. Les acheteurs préfèrent trai- la principale chaîne de supermar- tations. En revanche, les cultures ploi agricole sur seulement 30 % ter avec quelques gros fournisseurs chés a ramené ses fournisseurs de pérennes (vigne, café, cacao, etc.), des terres cultivées alors qu’elle ne qu’avec une myriade de petits. Le légumes de 250 à 10 en moins de les fruits et les légumes nécessi- reçoit que 25 % des crédits agricoles centre de distribution de Carrefour cinq ans (FAO, 2004). Les petits ne tent beaucoup de main-d’œuvre et (PCFS, 2006). Et les petits paysans de Sao Paolo dispatche des melons peuvent tenter de tenir qu’en s’or- limitent les possibilités de mécani- gèrent leur capital naturel, dont dans tous les points de vente de la ganisant en coopératives. sation. Pour ce type de cultures, les dépend leur survie, bien mieux chaîne française au Brésil et dans LRD petites structures sont plus effica- que les autres. Aux Etats-Unis, les centres de distribution de 21 DOSSIER LaRevueDurable N°20

pratiqués dans plusieurs régions semi-arides de l’Inde, au Rajasthan, dans le Gujarat et sur 44 le plateau du Deccan. Dans ces zones, les agri- culteurs s’accordent pour respecter certaines règles communes sur la gestion des finages villageois, la conduite des animaux et la pro- tection des jeunes arbres, avec parfois la mise en défens provisoire de quelques espaces. Ici encore, les arbres sous la frondaison desquels il est possible de cultiver des plantes annuelles remplissent diverses fonctions : fourniture de bois de chauffe et de fourrages, fixation bio- logique de l’azote de l’air, apports de matières

organiques lors de la chute des feuilles, brise- 2x Dufumier, Marc vent, ombrage, etc. A gauche, Sesbania rostrata ; à droite, Acacia albida (Mali)

En Thaïlande et aux Philippines, De l’ordre des légumineuses, ces arbres, précoce des branches, avant que les graines ne les sesbanias sont des légumineuses dont l’enracinement puissant peut atteindre soient totalement formées. Les sociétés concer- parfois cultivées au sein des rizières, la nappe phréatique, prélèvent du calcium, nées affrontent des problèmes de détérioration en général en contre-saison (après du phosphate et de la potasse dans les cou- des écosystèmes avec une baisse sensible de la la récolte du riz), parfois en pleine ches profondes du sol tout en développant un fertilité des sols et une diminution inéluctable saison rizicole en association avec le feuillage riche en azote pendant la saison sèche. des rendements de mil, sorgho et légumineuses riz : elles ont pour avantage de fixer Ils perdent leurs feuilles en tout début de sai- alimentaires, qui peinent aujourd’hui à dépas- l’azote de l’air grâce à des nodules si- son des pluies, fertilisant la couche superficielle ser les 500 kg/ha. tués sur leurs tiges et non sur les racines, qui des sols au plus grand profit des cultures cé- ne peuvent avoir accès à l’air dans des rizières réalières qui n’ont plus à craindre un ombrage Les parcs arborés à karité, néré et tamari- inondées. excessif. La présence d’Acacias albida dans les nier protègent les sols de l’érosion et entre- champs cultivés permet souvent de doubler le tiennent leur fertilité dans certaines régions L’Acacia albida au secours rendement des céréales (mil, sorgho, etc.) se- de savanes soudaniennes au sud du Mali et mées sous leur frondaison, comparé à celles du Burkina Faso. Ils fournissent une grande du Sahel implantées dans les espaces interstitiels. gamme de produits utiles aux sociétés rurales, La mise en œuvre de systèmes de produc- mais font de l’ombre aux cultures annuelles et tion agricole intensifs et diversifiés paraît bien En partie élagué en saison sèche, le feuillage ne servent pratiquement pas de fourrage pour plus difficile dans les régions intertropicales des Acacias albida procure un fourrage parti- les animaux. semi-arides où les écosystèmes originels sont culièrement riche en protéines aux bovins qui eux-mêmes beaucoup moins riches en espèces circulent librement sur les terrains soumis à Repenser la recherche agronomique et variétés. Mais ici encore, il faut reconnaître la vaine pâture. Ce pâturage aide à multiplier une très grande diversité de situations, avec ces arbres : le passage des graines dans le tube Longtemps, toutes les inventions agricoles par endroits des sociétés agraires capables de digestif des bovins qui s’alimentent des gousses étaient le fait des paysanneries elles-mêmes. produire tous les ans des céréales et des légu- pendues aux arbres lève leur dormance. Dans Cela a commencé par la sélection des espèces, mineuses alimentaires sur les mêmes surfaces les régions peuplées par les Sérères au Sénégal, races animales et variétés végétales les plus de terrain sans avoir à les laisser périodique- les Mossis au Burkina Faso et les Haoussas au adaptées aux écosystèmes dans lesquels on a ment en friches. Niger, les paysans sédentaires sont ainsi très voulu privilégier leur croissance et leur déve- vite parvenus à entretenir des bovins dans leurs loppement pour répondre aux besoins de la so- Une telle intensification des systèmes de unités de production sans avoir à les confier à ciété. Aujourd’hui encore, de nombreux paysans culture est possible dans les quelques régions des éleveurs transhumants. du monde s’efforcent, avant chaque cycle de de l’Afrique sahélo-soudanienne où sont en- production, de sélectionner les semences et les tretenus des parcs arborés d’Acacia albida qui, Ces régions comptent parmi les plus den- animaux reproducteurs dont ils peuvent espérer grâce à leur production fourragère et leur ap- sément peuplées de l’Afrique sahélo-souda- que la descendance réponde aux besoins des po- port de matières organiques qui maintient le nienne, avec souvent plus de 80 habitants/km2. pulations ou aux exigences du marché (valeur taux d’humus et la fertilisation des sols en élé- Mais les troupeaux éprouvent de grosses dif- boulangère, qualités organoleptiques, longueur ments minéraux, permettent d’associer étroi- ficultés à ne pas surexploiter le parc d’Acacia des fibres textiles, etc.) compte tenu de l’écologie tement l’agriculture et l’élevage. albida avec un émondage trop intense et trop des systèmes de culture ou d’élevage. LaRevueDurable N°20 DOSSIER

Depuis le néolithique et durant des siècles, les agriculteurs ont ainsi créé de très nom- breuses races et variétés, chacune adaptée à un 45 écosystème particulier. Il en résulte une très

grande diversité génétique adaptée à une large Tour Jean de La panoplie d’écosystèmes, une multitude de va- Dans ce jardin, une communauté karen, en Birmanie, cultive des palmiers à noix de coco riétés ou races qui portent souvent le nom de et des plantes médicinales leurs localités d’origine. les grandes exploitations capitalistes à salariés Les citoyens de chaque pays ou groupe de Les exemples ne manquent pas de situations et les exploitations familiales soumises à la « ré- pays devraient avoir le droit et les moyens de où les paysans ont su mettre au point des systè- volution verte ». Mais les instituts de recherche produire en leur sein la plus grande part de mes de production agricole hautement diversi- et de développement officiels publics et privés leur alimentation, avec un véritable contrôle fiés, à l’opposé des systèmes mis en œuvre dans étudient trop peu ces systèmes. conjoint des Etats, des paysans et des consom- mateurs sur la production et la qualité des produits. Les prochaines négociations inter- Un gratuit dans les campagnes africaines nationales au sein de l’Organisation mondiale du commerce devraient consacrer le droit des Journaliste de 63 ans, cor- souhaite lire le journal dans peuples à appliquer le principe de précaution respondant pour l’Afri- sa langue, mais cela paraît dans les échanges agroalimentaires et à pro- que du journal zurichois difficile vu la richesse linguis- mouvoir la vente de « produits de terroirs ». Tages Anzeiger de 1994 à tique du pays. La demande de L’alimentation est une chose beaucoup trop 2004, Peter Baumgartner conseils pratiques est telle que sérieuse pour rester sous l’emprise des seules est la cheville ouvrière Tof compte en fournir sur les « lois » du marché, a fortiori quand on sait que de Tof. En 1996, il fonde énergies renouvelables, car la ce sont de grandes firmes en position de quasi- un foyer pour orphelins raréfaction du bois de chauffe monopoles qui les dictent. g

Biovision du sida dans un bidon- préoccupe beaucoup ses lec- Au Kenya comme ailleurs, la ville de Nairobi. Aujourd’hui, teurs. publicité des multinationales il édite Tof avec son collègue biblioG raP hie de la chimie et du génie généti- kenyan Peter Kamau. « En Le journal ne se limite en outre Cotula L, Toulmin C, Quan J. Policies and que inonde les journaux agrico- général, les petits paysans uti- pas à informer. Conscients Practices For Securing and Improving Access to les. Pour informer les paysans lisent peu de chimie dans leurs que l’union fait la force, ses Land. International Conference on Agrarian sur les avancées de l’agricul- parcelles parce qu’ils sont pau- éditorialistes invitent les pay- Reform and Rural Development (Icarrd), ture biologique, le Centre vres et sceptiques. Notre rôle sans à se rassembler pour dis- 2006. Disponible sur: www.icarrd.org international pour l’étude des est de leur donner toutes les cuter du contenu du journal, insectes (Icipe), basé à Nairobi, informations utiles pour qu’ils expérimenter de nouvelles Organisation des Nations unies pour l’a- a créé un journal gratuit, The puissent augmenter leur pro- méthodes, commercialiser des griculture et l’alimentation (FAO). State Organic Farmer (Tof). Tous duction sans nuire à l’homme produits. Pour fêter sa première of food Insecurity in the World, Rome, 2004. les mois depuis avril 2005, ni à l’environnement », indi- année, Tof offre à dix groupes 12 000 exemplaires d’un cahier que Peter Baumgartner. de paysans la certification bio- Planning Committee for Food de huit feuilles A4 en couleurs logique. Pendant trois ans, une Sovereignty (Pcfs). Agrarian Reform in the et en anglais irriguent les cam- Le journal regorge de con- centaine de paysans auront Context of Food Sovereignty, the Right to Food pagnes du pays. Le bouche-à- seils pratiques. Pour trouver droit à des conseils techniques and Cultural Diversity: Land, Territory and oreille a fonctionné jusqu’en des réponses à des questions et leurs frais de certification Dignity, Icarrd, 2006. Tanzanie, en Ouganda et au urgentes, les lecteurs peuvent réglés. En parallèle, Tof a négo- Zimbabwe, où des groupes de envoyer des SMS au journal. cié des accords de commer- paysans se sont abonnés. Au Selon une enquête réalisée cialisation avec trois chaînes POUR ALLER PLUS LOIN Kenya, 980 groupes de paysans en mars, les lecteurs de Tof de supermarchés locales pour le reçoivent. La diffusion se fait exploitent en moyenne de 0,5 à écouler leur production à un Dufumier M. Agricultures et paysanneries des aussi via les écoles agricoles, les 2 hectares de terre. Ils se disent prix plus élevé que ceux des Tiers mondes, Paris, Karthala, 2004. dépendances de l’Icipe et les très satisfaits, mais réclament produits conventionnels. églises. Les éditeurs estiment davantage de photos et de des- The Organic Farmer est une lecture pleine de fraî- que 70 000 paysans lisent Tof. sins techniques. Une majorité LRD cheur et d’espoir. Tous les numéros sont consulta- bles sur le site : www.biovision.ch DOSSIER LaRevueDurable N°20

Marc Hufty* Le soja en Amérique du Sud ou le cauchemar de Humboldt

46 En apparence, la culture du soja est une chance pour l’Argentine, la Bolivie, le Brésil et le Paraguay. Elle apporte à ces pays une manne financière bienvenue. Mais ses con- séquences pour la forêt, le sol, la biodiversité, l’eau et – surtout – les populations locales rendent cette réussite économique dérisoire. Quelques mouvements d’opposi- tion tentent de faire entendre leur voix, mais ils restent démunis face à la demande mondiale de soja.

Georges Bartoli - CCFD

La technique est impressionnante d’effica- guay et Bolivie – sont devenus d’importants qu’une loi, celle du plus fort. Les terres pour la cité : deux bulldozers avancent de front reliés producteurs de soja. De presque nulle en 1960, culture du soja sont gagnées essentiellement sur par une chaîne d’acier qui arrache toute végé- sa production est passée à près de 100 millions la forêt atlantique du Brésil et du Paraguay, les tation sur son passage, y compris des arbres de tonnes en 2005. Le Brésil et l’Argentine sont savanes arborées du Cerrado brésilien, le chaco centenaires. Plus tard, le feu sera mis et ce qui aujourd’hui les deuxième et troisième produc- argentin et paraguayen, les yungas argentines et reste sera dégagé pour faire place à un champ teurs mondiaux après les Etats-Unis. Plus de la forêt chiquitana bolivienne, véritables trésors de soja à perte de vue. 40 millions d’hectares de terres sud-américai- mondiaux de diversité biologique. nes sont désormais consacrés à cette mono- Le soja est une « plante miracle ». Sa fève culture. En Argentine, elle occupe plus de la Acclimatée aux conditions tropicales par les contient jusqu’à la moitié de protéines et don- moitié des terres cultivées. chercheurs brésiliens, la production de soja ga- ne une huile qui entre dans la composition gne désormais le bassin amazonien. Alexandre d’une multitude de produits alimentaires et Le boom du soja génère d’importants reve- von Humboldt, savant et explorateur prussien industriels. Un quart des huiles alimentaires nus aux gouvernements de ces pays. Il leur a qui, le premier, a répertorié la biodiversité du consommées dans le monde en provient et permis le retour à la croissance, le rembourse- continent sud-américain dans les années 1799- le bétail européen se nourrit de soja en com- ment des dettes et le financement de mesures 1804, doit se retourner dans sa tombe : ce sont plément du maïs (voir l’article de Christian sociales. La culture du soja est aussi très ren- des millions d’années d’évolution naturelle Mouchet, page 48). Cette légumineuse con- table pour les agriculteurs qui peuvent, dans qui sont balayées sous l’effet de l’explosion du naît un tel succès qu’une augmentation de de bonnes conditions, avoir un rendement commerce mondial du soja. la demande mondiale de 50 % est attendue de 35 à 50 % par an. Les attraits du soja ne dans les quinze prochaines années. Pour la manquent donc pas. Mais le soja a aussi une Si le soja brésilien est à 70 % conventionnel, seule Amérique du Sud, si la tendance reste face sombre : il génère de graves problèmes le soja argentin est presque entièrement trans- constante, une surface égale à quatre fois la environnementaux et sociaux. génique, ce qui, outre les risques spécifiques liés Suisse sera convertie au soja. à ce type de culture, entraîne des problèmes Le soja contre la forêt d’épandage des herbicides. Le soja est généti- En réponse à cette demande, principa- quement modifié pour tolérer un herbicide to- lement européenne et chinoise, quatre pays L’appétit pour le soja provoque une défo- tal, le glyphosate de la marque Roundup Ready. d’Amérique du Sud – Brésil, Argentine, Para- restation à grande échelle : au Brésil, en 2002, Les pulvérisations aériennes de cet herbicide il a causé la suppression de 700 000 hectares de tuent toutes les plantes sauf celles qui ont été * Marc Hufty est enseignant-chercheur à l’Institut universi- forêt. En l’absence d’aménagement du territoi- génétiquement modifiées pour le tolérer. Les taire d’études du développement (IUED), à Genève. re, l’avancée de la frontière agricole ne respecte haies vives de trente mètres de large séparant les LaRevueDurable N°20 DOSSIER

champs de soja conformément à la loi ne peu- vent résister sur la durée à un tel traitement : elles périclitent petit à petit. La culture du soja 47 transgénique transforme le paysage en déserts biologiques dédiés à cette monoculture.

En Argentine, de mauvaises herbes tolé- rantes au glyphosate étant apparues, les agri- Greenpeace/Beltra culteurs ont dû multiplier les épandages de désherbant. Sous l’effet de l’agrandissement déforestation aveugle ou, tout au moins, une autorise la possession d’une terre valorisée du- de la surface cultivée en soja et des toléran- planification permettant de maintenir intacts rant plus de dix ans, menacés, trompés, ils vont ces accrues des plantes sauvages, les quantités des écosystèmes représentatifs, ne fut-ce qu’à grossir les rangs des miséreux aux abords des utilisées ont décuplé, passant de 14 millions titre de valeur d’option. villes ou s’exilent sur des terres encore moins de litres en 1997 à 150 millions en 2003. Cette productives. Quelques-uns ont décidé de ré- augmentation est associée à de nombreux cas Le soja contre les pauvres sister et s’opposent par la force à leur éviction. d’empoisonnements des populations riverai- D’importants mouvements sont nés de cette nes et de dommages aux cultures traditionnel- Quelques grands acteurs dominent la pro- résistance : le mouvement paysan de Santiago les des petits paysans. duction, la transformation et le commerce du del Estero (Mocase), au nord de l’Argentine, soja. Quatre multinationales contrôlent les ex- compte plusieurs milliers de membres et fait Les chercheurs du Groupe d’écologie du portations sud-américaines : Archer Daniels partie de réseaux internationaux comme Via paysage et de l’environnement (Gepama) de Midlands, Bunge, Cargill et Dreyfus. Pendant Campesina. l’Université de Buenos Aires étudient l’expan- les années 1980, des exploitations de 30 hecta- sion de la culture du soja depuis l’autorisation res dans le sud du Brésil profitaient du boom. Au fur et à mesure de l’expansion de cette des organismes génétiquement modifiés en Depuis, le centre de gravité de la production culture, des voix mettent en question le modèle 1996. Ils observent la déforestation, en particu- s’est déplacé vers le centre-ouest (Matto Gros- du « tout soja ». Des chercheurs font part de lier celle de l’écorégion du Chaco, so et Goias), où les unités de plus leurs doutes, des groupes d’opposants s’organi- immense plaine chaude et sèche Le soja crée de 1000 hectares sont la norme. sent et des solutions sont discutées. Mais tou- dotée d’une végétation d’épi- Une entreprise, Andre Maggi, tes sont dépendantes de la demande en soja en neux, qui s’étend de la Bolivie un désert cultive à elle seule 150 000 hec- Europe et en Chine. En attendant, des récoltes au Paraguay et à l’Argentine sur biologique tares. Cette agriculture indus- record de soja se préparent pour 2006. g plus d’un million de kilomètres trielle est surtout intensive en carrés. Hostile à la vie humaine, et social capital et fait disparaître les em- le Chaco abrite une importante plois ruraux. Elle ne nécessite diversité biologique, et de nombreux groupes qu’une personne pour 200 hectares alors que autochtones persécutés y ont trouvé refuge. la petite agriculture de cette même plante de- C’est aujourd’hui une des frontières agricoles mande une personne pour huit hectares. que le soja ne cesse de faire reculer. A vrai dire, le boom du soja remplace les Le manque de données empêche d’évaluer agriculteurs par des investisseurs financiers. A les conséquences écologiques de la disparition l’aide d’intermédiaires, ils achètent les terres, ou de la fragmentation de ces écosystèmes, plantent du soja et engrangent des bénéfices estime le Gepama. L’impact de l’utilisation allant jusqu’à 50 % par an. Demain, ils s’en des herbicides sur les nappes phréatiques ou iront vers d’autres produits plus rentables, lais- sur les sols n’est pas connu. La déforestation sant derrière eux une catastrophe écologique et POUR ALLER PLUS LOIN avance plus vite que les capacités d’identifier sociale. La culture du soja provoque ainsi un les nombreuses espèces non répertoriées. Des bouleversement social, la terre devient objet de Centres de recherche : études en cours dans la province de Salta ré- spéculation, les investisseurs font leurs affaires www.gepama.com.ar vèlent que la surface cultivée en soja s’accroît alors que les petits paysans sont dépossédés de régulièrement, mais que la production stagne, leurs terres. Plate-forme soja régionale : ce qui signifie une baisse de productivité des www.plataformasoja.org.br terres, malgré les fertilisants. Ces terres fragiles D’innombrables petits paysans ont dû www.agropecuaria.org risquent de se convertir à terme en désert. Ces abandonner leurs terres. Souvent illettrés, sans scientifiques demandent une pause dans cette titres de propriété, méconnaissant le droit qui Voir, page 61, la campagne « Le soja contre la vie ». DOSSIER LaRevueDurable N°20

Christian Mouchet* Dans l’Ouest français, le Réseau Agriculture durable apporte des solutions

de lait. Planté en début d’année, le maïs garantit Le modèle de l’agriculture productiviste instauré en France durant la seconde une récolte de 8 à 12 tonnes de matière sèche à 48 l’hectare. C’est ainsi que, tous les jours de l’an- e moitié du XX siècle a permis d’accroître fortement les rendements à l’hectare, née, les vaches peuvent manger la même quantité mais au prix de coûts humains et écologiques très lourds. Pour apporter une d’aliments et produire la même quantité de lait. Au point que les agriculteurs gèrent leur quota réponse viable à cette dérive, des agriculteurs du Grand-Ouest, en France, de production annuelle à 1000 litres près. se rassemblent en groupes de réflexion et d’innovation au sein du Réseau Toutefois, le maïs contenant peu de protéi- Agriculture durable (Rad). Une démarche encore timide, mais encourageante. nes, le système ajoute du soja, qu’il faut acheter, car on ne peut pas le fabriquer dans l’exploi- tation. Un accord passé entre les Etats-Unis et Spécialisée dans l’élevage, l’agriculture dans d’aliments pour bétail provenant de l’extérieur le marché commun européen dans les années l’Ouest français figure parmi celles qui sont al- des exploitations d’élevage ; le recours au capi- 1960 interdit de fait le développement des cul- lées le plus loin dans la modernisation à marche tal, c’est-à-dire à des machines qui remplacent tures de protéagineux en Europe. Les éleveurs forcée qui démarre en Europe après 1950. Cet- la main-d’œuvre ; la spécialisation des exploita- importent ainsi de très fortes quantités d’ali- te industrialisation de l’agriculture répond au tions et l’artificialisation des modalités de pro- ments pour bétail. Premier pays exportateurs choix d’augmenter la productivité pour baisser duction, de plus en plus distantes de la nature de céréales de l’Union européenne (UE) et troi- les prix alimentaires et libérer de la main-d’œu- et des ressources qu’elle fournit. vre pour construire les villes. L’exemple emblématique : le maïs De 1950 à 1980, la forte réduction des effec- tifs de paysans va de pair avec la concentration Le prototype du système conçu pour s’abs- des moyens de production et la désertification traire des contraintes naturelles s’articule autour rurale. En 1955, la France totalise environ 2,5 d’une plante « assurantielle » miracle, le maïs. millions d’exploitations. En 2006, il n’en reste Elle permet aux vaches qui, en principe, man- que 600 000. Certaines atteignent une superfi- gent de l’herbe, de ne parfois jamais en voir un cie de 200 à 300 hectares ou un quota laitier de seul brin dans le Grand-Ouest. Le problème est 400 000 litres, des chiffres encore inimaginables le suivant : sans pluie, l’herbe ne pousse pas, la en 1970. vache mange moins… et produit moins de lait. Ce qui est incompatible avec les intérêts de l’in- Pour faire basculer ainsi le monde agricole, dustriel équipé pour traiter et convertir chaque les nouveaux systèmes mis en place sont en jour en fromage des dizaines de milliers de litres rupture radicale avec le passé. Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, la très jeune génération d’agriculteurs étant peu formée, il Les origines du Rad est décidé de ne pas lui inculquer les principes Le visage le plus connu du recherche officielle, incapable ment vivre sur de plus petites d’une gestion compliquée et difficile de la natu- Réseau Agriculture durable du d’accepter le savoir émanant fermes, installer plus d’agri- re, mais les règles de son artificialisation. Plutôt Grand-Ouest est celui d’André des agriculteurs eux-mêmes. culteurs et polluer moins. que de la former aux subtilités de la pousse de Pochon, paysan charismatique Des groupes similaires nais- l’herbe dans les pâturages, il est jugé plus rapide auteur de nombreux livres Dans les années 1970, l’arrivée sent dans d’autres régions du de lui transmettre des « packages » semences- grand public. De 1954 à 1970, du maïs relègue les prairies au Grand-Ouest. En 1994, onze engrais-pesticides très faciles à utiliser. il expérimente avec d’autres placard. « Si tu ne faisais pas d’entre eux créent le Rad, qui agriculteurs des Côtes-d’Ar- du maïs, tu étais un attardé », favorise les échanges entre les Ces systèmes nouveaux ont quatre carac- mor diverses méthodes de témoigne un cofondateur différents groupes de paysans téristiques fondamentales : l’apport massif production. Ils découvrent que du Rad. Mais conscients des et fédère leurs revendications. d’intrants chimiques (engrais, produits phy- les prairies produisent davan- dégâts que le maïs cause, André Agronome et sociologue, Estelle tosanitaires, énergie) et génétiques (semences, tage sans les engrais chimiques Pochon et ses confrères revien- Deléage raconte les origines, le souches animales) ; une forte consommation qui détruisent le trèfle blanc, nent à la charge. En 1982, ils parcours et les positions du légumineuse qui fertilise le sol. créent le Centre d’étude pour Rad dans un excellent ouvrage, Puis ils diffusent leur trouvaille le développement (Cedapa). Paysans de la parcelle à la pla- * Christian Mouchet est professeur d’économie rurale à l’encontre de ce que prône la Leur objectif : montrer com- nète, paru en 2004. LRD à l’Agrocampus de Rennes, en France. LaRevueDurable N°20 DOSSIER

sième exportateur mondial de blé, la France dé- fait, le rôle de l’animal dans la société est à re- fauteurs de trouble, les producteurs de porcs pend des marchés étrangers pour alimenter ses penser (voir l’article de LRD, page 52) : il fau- et de volaille. Leurs exploitations ressemblent élevages, en particulier du soja. drait produire moins de viande, mieux entrete- en revanche à celles du « modèle classique » en 49 nir le territoire et gérer les cycles biologiques. termes de structures : dimension en surfaces Deuxième inconvénient majeur : le maïs De plus, le système délocalise les productions, et en bâtiments, main-d’œuvre familiale pour est une vraie catastrophe écologique. Il néces- implique des transports sur de grandes distan- l’essentiel, moyens de production équivalents, site énormément de biocides – notamment de ces et la désaisonnalisation. terres et quotas similaires. l’atrazine – qui polluent l’air, le sol et l’eau. Il laisse les sols nus l’hiver, favorisant le lessivage Au bilan, cette forme d’agriculture pollue, L’objectif du Rad est d’instaurer des sys- des engrais qui partent dans l’eau. De plus, la épuise les ressources, instaure une perte de sens, tèmes durables dans les conditions actuelles, forte mécanisation dégrade les sols. Et les va- déséquilibre l’économie à l’intérieur (excédents étant entendu que les évolutions seront fortes ches nourries au maïs semblent vivre moins de céréales et élevages, déséquilibres nutrition- dans un futur proche. Cela signifie une recher- longtemps à cause de pathologies du foie. En- nels) et à l’extérieur (importation de soja). Le che de durabilité agro-écologique, économi- fin, le coût énergétique est élevé : il faut envi- résultat est une agriculture non durable, qui que, sociale et éthique. Dans les conditions des ron trois tonnes de pétrole pour fabriquer une puise dans les ressources naturelles de façon élevages de ces régions, le Rad capitalise les tonne d’engrais azoté. quasi minière, économiquement inefficace expériences de terrain pour promouvoir des (excédents, aides) et créatrice de déséquilibres systèmes herbagers économes et respectueux Cette agriculture très polluante et très dé- territoriaux. En prime, elle renforce les diffi- de l’environnement. pendante produit en outre d’énormes excé- dents. Huit des quatorze millions de cochons français vivent en Bretagne, qui compte aussi deux millions de bovins et des centaines de millions de volailles : poulets, dindes, etc. En équivalent déjection, un porc = cinq humains, un bovin = sept humains. Soit, au total, 54 millions équivalents humains de matière orga- nique. Ajouté aux trois millions de Bretons, la pression sur les sols de Bretagne est très forte : ils reçoivent l’équivalent des déjections de près de la population française entière. Tandis qu’en Beauce, où les vaches se font rares, les agricul- teurs manquent de matière organique : ils doi- vent épandre des engrais. julienfauqueur.com/photo/ Les agriculteurs ne sont pas les seuls respon- Maïs, engrais chimiques et soja (ici importé à … auquel les paysans du Rad (ici en Mayenne) cher- sables de cette situation. La modernisation de Lorient), piliers d’un modèle agricole non viable… chent à échapper l’agriculture est le fruit d’une volonté collec- tive. L’Institut national de la recherche agro- cultés des paysanneries du Sud en se mettant Ces agriculteurs fondent leur démarche nomique (Inra), créé en 1946, a fourni un ef- en concurrence avec elle et en important des sur au moins quatre principes. fort considérable pour produire des variétés de produits de cultures industrielles implantées à maïs cultivables en Bretagne, où cette plante ne la place des forêts et des cultures vivrières (voir 1. Autonomie dans l’approvisionnement de la pousse pas spontanément. Et la Politique agri- l’article de Marc Hufty, page 46). ferme pour éviter le plus possible le soja, les cole commune (Pac) va dans le même sens : engrais, les pesticides, les antibiotiques. Le chaque hectare de maïs donne droit à 350 euros L’alternative du Rad but n’est pas l’autarcie, mais une alternative. de paiements directs. Résultat : dans les années 1960, il y a moins de 1000 hectares de maïs en Les agriculteurs du Rad s’opposent à cette 2. Autonomie de décision face aux conseillers Bretagne ; en 2006, il y en a 400 000, soit un dérive. Rassemblés en une trentaine de grou- qui construisent des systèmes « clefs en main » quart de la surface totale cultivée. pes organisés en réseau, pour l’essentiel dans dans le secret de leurs bureaux et de leurs l’ouest de la France, ils possèdent une struc- ordinateurs puis viennent dire aux agricul- Ce système transforme une grande partie de ture centrale à Rennes, où quatre animateurs teurs ce qu’ils doivent faire. Chacun veut la production céréalière, excédentaire, en pro- produisent des études et des publications. Ses trouver la solution la plus adaptée à son ex- duits animaux, surtout en porcs et en volailles. membres sont surtout des producteurs de lait ploitation et à ses ressources. Refus, donc, de Ce qui gaspille les ressources alimentaires. En et de viande bovine. Rares sont les principaux tout modèle unique. DOSSIER LaRevueDurable N°20

3. Rétablissement d’un lien au territoire sur les voir faire les calculs et les interpréter seul pour pose au moins 150 mètres de haies par hectare. plans agronomique et humain. L’idée, alors que la démarche soit transparente et pédagogi- Quand il y en a moins, il les replante, ce qui em- 50 que de nombreux agriculteurs n’ont pas de que. Et l’idée n’est pas de le sanctionner sur la bellit le paysage. Ses conditions de travail sont salariés et que leur compagne trouve un reve- base de ses résultats, mais de localiser ce qui ne meilleures : moins de travail et moins de tâches nu d’appoint hors de la ferme, est de collabo- va pas pour élaborer une stratégie pénibles. Les animaux sont en rer avec l’extérieur pour éviter l’isolement. qui améliore sa situation. bonne santé. Le bilan est très Le maïs positif. 4. Recherche de conditions de travail et de vie Cette stratégie conduit le plus satisfaisantes : se réaliser dans le travail, déga- souvent à limiter le maïs en reve- est une La Pac défavorise ces agricul- ger du temps pour les loisirs, rendre l’activité nant à des principes connus, mais catastrophe teurs qui, comme les produc- moins pénible, améliorer sa santé et obtenir qui ont été écartés. Par exemple, le teurs biologiques, ont pourtant une rémunération équivalente à celle des fait d’associer des graminées (de un impact positif sur l’environ- autres agriculteurs, voire meilleure. Le tout l’herbe) à des légumineuses (du trèfle blanc) nement, le milieu social et le paysage. Les aides accompagné d’une recherche de sens alors fonctionne très bien localement : cela donne à importantes sont attribuées uniquement aux que l’agriculture moderne fait des agricul- la vache à la fois l’énergie et les protéines dont productions de céréales et un peu à la viande teurs de simples exécutants. elle a besoin. Comme elle mange à l’air libre, il bovine. Jusqu’en 2003, aucune aide n’est prévue n’est pas nécessaire de lui apporter le fourrage pour les fourrages classiques comme l’herbe, Le bonheur est dans le pré récolté et, surtout, le fait qu’elle fasse ses bouses la luzerne, la betterave fourragère. Un agricul- sur place économise beaucoup de carburant. teur qui diminue ses hectares de maïs perd 350 Un agriculteur qui souhaite rejoindre le Rad euros par hectare supprimé. En contrepartie, il réalise, au sein d’un groupe si possible, un dia- L’agriculteur ne peut dès lors pas nourrir ne récupère quasiment rien, car dans les faits, gnostic de durabilité de son exploitation. En autant de bétail, mais il s’en sort, car il produit seuls les agriculteurs de montagne peuvent re- général, l’outil employé pour cela est une grille du lait à moindre coût en réduisant ses charges cevoir une aide à l’herbe. d’indicateurs. Pour les aspects agroécologiques, de fertilisation, ses frais de vétérinaire, ses vo- économiques et sociaux, chacune de ses prati- lumes de produits phytosanitaires et ses coûts Au prix d’un cahier des charges très restrictif, ques reçoit une note : fait-il des rotations, quels énergétiques. Un agriculteur du Rad s’interdit les membres du Rad ont réussi à faire recon- engrais met-il, a-t-il de bons revenus, son ex- en outre d’avoir des sols nus en hiver pour re- naître que leur pratique donne droit aux aides ploitation est-elle transmissible, aggrave-t-elle tenir les nutriments. Il pratique des rotations « agro-environnementales » : ils ont le droit les déséquilibres Nord-Sud, etc. ? Ces grilles res- culturales longues (prairies pendant plusieurs d’appliquer un traitement fongicide et un insec- pectent deux conditions. L’agriculteur doit pou- années et cultures les années suivantes), s’im- ticide pour une récolte de céréales alors qu’en moyenne, les traitements sont trois ou quatre fois plus nombreux. S’ils respectent ce cahier, ils Les exploitations du Rad produisent moins… et rapportent plus ne perçoivent que 137 euros par hectare. L’herbe, c’est bon pour le Les fermes du Rad dégagent puisque les vaches y pâturent, bétail, c’est mieux pour l’envi- en moyenne 30 801 euros de elles fertilisent directement le Barrages et limites ronnement, ça crée davantage résultat contre 20 653 pour les sol avec leurs bouses. Lupin, d’emploi et ça rapporte plus fermes conventionnelles alors féverole et pois remplacent L’expérience du Rad comporte de nom- aux agriculteurs que l’affou- que les premières reçoivent 700 avantageusement le soja. breux éléments positifs, mais aussi des limi- rage maïs/soja. La comparai- euros de subventions de moins tes. D’abord, elle touche un nombre très faible son des résultats économiques que les autres. Ces 10 000 euros Résultat : les fermes du Rad des exploitations du Rad avec de différence viennent de ce que dépensent 3000 euros de moins ceux d’exploitations « classi- les fermes du Rad ne cherchent pour les engrais, 1500 de moins ques » donne une image très pas à obtenir le maximum de pour les traitements chimiques, positive du Rad (Le Rohellec et lait par vache, mais visent le 1000 de moins pour les semen- Mouchet, 2005). Les deux types meilleur équilibre entre pro- ces et 4500 de moins pour les ali- de fermes sont des exploita- duction et coûts. Ainsi produi- ments concentrés. Renoncer au tions laitières de 54 à 56 hec- sent-elles un peu moins, mais maïs économise 4000 euros en tares en Bretagne, Pays de la dépensent aussi nettement frais de mécanisation. En revan- Loire et Poitou-Charentes. Sur moins que les autres. Les prai- che, les coûts salariaux sont plus les 74 fermes de l’échantillon ries de trèfle blanc sont idéales élevés dans les fermes du Rad,

du Rad, treize ont le label pour économiser, car le trèfle qui emploient en moyenne 13 % durable Réseau agriculture Agriculture biologique. synthétise l’azote de l’air et, d’effectifs en plus. LRD Groupement agricole d’exploitation en commun à Hillion, dans les Côtes-d’Armor LaRevueDurable N°20 DOSSIER

Troisième limite : la démarche du Rad n’est alternative que jusqu’à un certain point. Elle re- met moins en cause l’artificialisation de l’agri- 51 culture que les agriculteurs biologiques, qui repensent entièrement leur rapport à la nature. Les agriculteurs du Rad ne reconsidèrent pas non plus les modalités de commercialisation : l’agriculteur livre à un industriel laitier. Certes, il est difficile d’envisager la vente directe lors- qu’on produit 250 000 litres de lait par an, mais cette question mérite d’être explorée. Or, elle ne fait l’objet d’aucune recherche prioritaire. La portée de la critique du modèle agricole do- minant reste donc encore mesurée. g

biblioG raP hie Le trèfle blanc porte bonheur aux vaches Deléage E. Paysans de la parcelle à la planète. Socio-anthropologie du Réseau agriculture d’agriculteurs : environ 2000 sur un bassin de des groupes semenciers, ceux-là mêmes qui durable, Syllepse, Paris, 2004. 150 000. Ensuite, elle ne fait pas l’objet d’aides vendent les semences de maïs et n’ont aucun suffisantes et la recherche agronomique ne fait intérêt à ce qu’on puisse s’en passer. Il y a aussi Le Rohellec C, Mouchet C. Evaluation de pas d’effort pour approfondir les techniques une carence dans l’appui technique à ces ex- l’efficacité économique d’exploitations lai- qui pourraient améliorer ces systèmes. Il n’y a ploitations. tières en agriculture durable. Une comparai- rien de comparable au gigantesque effort con- son aux références du Réseau d’information senti pour améliorer le maïs. Une autre limite du Rad est qu’elle s’ap- comptable agricole. Rad et Agrocampus de plique plutôt aux systèmes de polyculture et Rennes, 2005. La recherche agronomique en France, fon- d’élevage de ruminants. Très nombreux dans damentale comme appliquée, est hyperspécia- l’Ouest, très dépendants et souvent polluants, Pochon A. Les champs du possible. Plaidoyer lisée. Une vache qui pâture dans un champ est les systèmes hors-sol sont peu mobilisés. Il n’y pour agriculture durable, La Découverte et un objet très complexe. Or, la complexité étant a donc presque pas d’éleveurs de porcs et de Syros, Paris, 1998. difficile à aborder, elle est délaissée au profit de volaille, ni de viticulteurs, pourtant eux aussi thèmes très étroits. Une part importante des confrontés à d’importants problèmes de dura- fonds de la recherche agronomique provient bilité économique et écologique. POUR ALLER PLUS LOIN : Le diagnostic de durabilité du Rad et le guide pour l’appliquer sont disponibles sur le site de l’associa- tion. En répondant à 22 questions, tout chef d’ex- ploitation peut évaluer la situation de sa ferme et entrevoir des mesures pour améliorer ses résultats. Des documents techniques sont en vente sur le site : www.agriculture-durable.org/

Il y a aussi beaucoup de documentation sur le site du Cedapa, qui propose aussi des visites des fer- mes « durables » dans les Côtes-d’Armor : www.cedapa.com DOSSIER LaRevueDurable N°20

LRD Il faut manger moins de viande

faire rouler les machines agricoles, fabriquer La production massive de viande dans le monde n’est pas durable : l’alimenta- les engrais nécessaires pour faire pousser la 52 nourriture pour animaux, la moissonner, la tion carnée ou à base d’aliments carnés ou de produits laitiers nuit à la santé, transformer et la transporter. Ils ont compta- nécessite des quantités bien trop importantes de surfaces agricoles utiles, bilisé les émissions de méthane dues à la fer- mentation dans l’estomac des ruminants et les d’énergie et d’eau. Et de toute façon, son extension est incompatible avec émanations d’oxyde nitreux du fumier. l’objectif de nourrir de 8 à 9 milliards d’humains d’ici 2050. La diète typique aux Etats-Unis, dont en- viron 28 % proviennent de sources animales, monde : la viande, les produits de la viande et génère l’équivalent de près de 1,5 tonne de les produits laitiers totalisent la plus forte part dioxyde de carbone (CO2) de plus par person- de graisses saturées. Or, les nutritionnistes s’ac- ne par an qu’une diète végétalienne d’autant cordent à dire qu’elles contribuent à l’essor de de calories. Par comparaison, la différence en plusieurs maladies qui atteignent aujourd’hui émissions annuelles entre un conducteur de les proportions d’une épidémie. voiture standard et un conducteur de voiture hybride est à peine supérieure à une tonne de Tous les avis informés insistent sur le besoin CO2. Le végétalisme est une option extrême dé- de réduire la consommation de produits ani- conseillée, notamment pour les enfants. Mais maux et d’augmenter celle de céréales riches ce calcul prouve qu’il est possible de réduire en fibres, de fruits frais et de légumes pour di- ses émissions de gaz à effet de serre en privi- minuer l’incidence des maladies du cœur, du légiant certains produits et en évitant d’autres Question : si 90 % du soja cultivé dans le diabète et de 30 à 40 % des cancers. L’obésité, produits. monde sert à nourrir des animaux qui seront l’épidémie du siècle, est elle aussi liée à la con- ensuite débités sous forme de steaks, comment sommation de produits d’origine animale, mê- Expert en émissions de ces gaz, Jean-Marc faire pour enrayer la progression des surfaces me s’il est difficile d’identifier leur responsabi- Jancovici a calculé celles dues à différents de soja et leur lot de nuisances ? Aussi éviden- lité exacte dans cette maladie. Plusieurs études produits. Pour visualiser les différences, il les te que soit la réponse, elle risque de rester en montrent que les végétariens sont en moyenne compare à des kilomètres parcourus en voi- travers de la gorge de plus d’un plus minces que les non-vé- ture. Ainsi, 1kg de viande de veau émet autant amateur de viande. Les appels à gétariens, avec une prévalence de gaz à effet de serre qu’un trajet de 220 km interdire le tabagisme dans les 1 kg moindre de l’obésité. en voiture ; 1 kg de bœuf, c’est déjà mieux : lieux publics, à tempérer la con- de veau = 80 km ; 1 kg de gruyère : 60 km ; 1 kg de porc : sommation d’alcool ou à réduire La diète méditerranéenne, 20 km ; 1 kg de poulet : 10 km. Les mêmes la vitesse au volant sont vécus 220 km tant vantée pour ses effets po- produits d’origine biologique sont nettement comme d’insupportables priva- en voiture sitifs sur la santé, est plutôt éco- moins polluants, car ils économisent l’énergie tions dans une société de plus en nome en viande rouge et élevée des engrais. Le kilo de veau passe à 150 km, plus fâchée avec la notion de limite. Pourtant, en légumes, céréales et fruits, avec aussi du celui de bœuf à 50 km et le kilo de gruyère à à l’instar des arguments en faveur d’une modé- poisson. En moyenne, au regard de ce qui est 40 km. Quant au kilo de pommes de terre ou ration de la consommation de tabac et d’alcool recommandé, la population mange deux fois de blé, il équivaut à peine à sortir la voiture du et d’une diminution de la vitesse sur les routes, trop de graisses, sucres et aliments d’origine garage. Au niveau global, le cheptel mondial ceux en faveur d’une diète moins carnée sont animale (viande, fromage, œufs, poissons), de- est responsable de 10 % des émissions de gaz à aussi variés que puissants. vrait consommer un peu plus de céréales, pâtes effet de serre de la planète. alimentaires, pommes de terre, légumineuses et Plus sains avec moins de viande beaucoup plus de fruits et légumes. Faire de la place à tout le monde

En Suisse, tandis que la consommation de Rouler pour moins de viande Les causes de faim dans le monde sont pommes de terre a chuté de plus de moitié de avant tout le manque d’accès à la terre et 1950 à 1989, celle de viande par habitant a plus Ceux qui pensent aider la planète en ache- d’argent pour acheter de la nourriture. Mais que doublé durant la même période, passant tant une voiture « écologique » devraient songer cela pourrait changer, car il faudra produire de 40 à 85 kilos par an. Et la même évolution à devenir végétaliens, observent Gidon Eshel et de plus en plus pour nourrir une population a cours partout, y compris, avec du retard, Pamela Martin, de l’Université de Chicago. Ils qui devrait atteindre 8 à 9 milliards d’ici 2050. dans les pays en développement. De quoi faire ont comparé la quantité d’énergie fossile né- Et il sera impossible de la nourrir s’il faut ali- exploser les coûts de la santé partout dans le cessaire pour cultiver et traiter divers aliments, menter les 22 milliards d’animaux d’élevage 53

Dreamstime/Matthew Collingwood vivant actuellement. En 2006, la moitié des Le nombre de personnes nourries par an bœuf, soit 100 fois plus d’eau que pour pro- surfaces agricoles servent à nourrir ces ani- par hectare est de 22 pour les pommes de terre, duire un kilo de blé. Et les déjections qui pol- 53 maux. Avec une très mauvaise efficacité éner- 19 pour le riz… deux pour le mouton et une luent l’eau et les sols sont un autre problème gétique puisqu’il faut environ 10 kg de four- pour le bœuf. Il serait faux de conclure qu’une majeur de la surpopulation de bétail. rage pour produire 1 kg de viande de bœuf ou diète à base de riz ou de pommes de terre uni- 2 kg de viande de porc. quement procurerait tous les micronutriments Au total, environ un milliard de person- nécessaires à la santé humaine, mais ces chiffres nes sont végétariennes, dont beaucoup sont La consommation de viande de l’Union indiquent clairement que pour nourrir ceux des Indiens. Au Royaume-Uni, 5 % de la po- européenne n’est possible que parce qu’ailleurs qui ont faim, il ne faut pas tendre vers une diète pulation ne mangent pas de viande. Cela ne dans le monde, l’équivalent de sept fois la en grande partie fondée sur la viande. signifie pas qu’il faut bannir les animaux do- surface des terres agricoles européennes est mestiques de la face de la terre. Ils sont utiles consacré à produire des aliments pour son Il n’y a pas de statistiques définitives sur le pour leur engrais et permettent l’agriculture cheptel (Shiva, 1999). Au fur et à mesure que volume d’eau nécessaire pour produire dif- biologique. Mais comme le dit Paracelse : d’autres nations atteindront un niveau de vie férentes nourritures animales, mais aucun « Rien n’est poison, tout est poison : seule la et une consommation de viande comparables, observateur bien informé ne nierait qu’il est dose fait le poison. » g la planète ne pourra plus nourrir autant de bien plus grand que le volume nécessaire pour gens qu’aujourd’hui. La Chine importe d’ores cultiver des plantes directement destinées à la biblioG raP hie et déjà 85 % du soja argentin pour compen- consommation humaine. Produire une livre de La principale source de cet article est le rapport : ser son déficit en soja. Qu’adviendra-t-il si la bœuf nécessite 20 à 80 fois plus d’eau que pro- Gold M. The Global Benefits of Eating Less demande mondiale de viande augmente en- duire une livre de maïs. Spécialiste de l’eau à Meat, Compassion in World Farming Trust, core d’un tiers pour atteindre 327 millions de l’Université Cornell, David Pimentel pense que 2004. Disponible sur: www.ciwf.org.uk tonnes en 2020 comme le prévoit la Banque c’est là une sous-estimation notoire et penche mondiale ? plutôt pour 100 000 litres d’eau par kilo de Eshel G, Martin P. , Energy and Global Warming, The University of Chicago, 2005.

Un régime pour la planète Jancovici JM. Combien de gaz à effet de serre dans En 1999, l’Agence suédoise de gime à suivre à la lettre, mais des Fruits 175 notre assiette ? Article sur www.manicore.com protection de l’environnement limites à ne pas dépasser pour la Sandwich/bonbons 140 a calculé une diète qui, mise en bonne santé de la planète. Boissons gazeuses 80 Office fédéral de la santé, Office fédéral œuvre, réduirait la consomma- , beurre, huile 50 de l’agriculture, Bureau fédéral de la con- tion d’énergie dans la produc- Diète plus écologique en gram- Produits laitiers 300 sommation. Programme national Interactions positives entre l’alimentation, le mouvement et la tion alimentaire de 30 %, l’uti- mes par jour : Fromage 20 production agricole, 2004. lisation de fertilisants artificiels Pain 200 Oeufs 10 Disponible sur : www.apug.ch de 20 % à 40 % et les hectares né- Céréales 45 Poisson 30 cessaires pour produire la nour- Pommes de terre 270 Viande, volaille, saucisse 35 Shiva V. Stolen Harvest, South End Press, riture. Il ne s’agit pas d’un ré- Légumes 340 LRD Cambridge, 1999. DOSSIER LaRevueDurable N°20

LRD L’association pour le maintien d’une agriculture paysanne passe la vitesse supérieure

(Pec) de Rhône-Alpes, qui promeut les Amaps, Pousser la logique le plus loin possible avec un noyau de convaincus ou se la Région a commandé une étude à l’Ecole 54 d’ingénieurs en agriculture, alimentation, dé- rendre accessible au plus grand nombre en adoucissant la formule ? En région veloppement rural et environnement de Lyon Rhône-Alpes, le mouvement pour des contrats directs entre un agriculteur (Isara-Lyon). Mission : comprendre qui sont les adhérents des Amaps et comment les consom- et des consommateurs est à la croisée des chemins. Un questionnement qui mateurs « ordinaires » perçoivent ce système émerge ailleurs en France. (Mundler et coll., 2006).

Des consommateurs engagés Ils ont entre 25 et 50 ans, ont un niveau de Le premier constat du rapport de l’Isara est formation supérieur à la moyenne, sont en ma- sans surprise : l’amapien type est un citoyen jorité cadres supérieurs ou exercent des profes- engagé. Le plus souvent, il milite à Attac, l’Asso- sions libérales. Leurs revenus sont plutôt bas au ciation pour la taxation des transactions finan- regard de leur statut socioprofessionnel. Leur cières. Attac est la locomotive du mouvement, point commun ? Avoir passé un contrat avec qui est également très lié au syndicat La Confé- un paysan pour qu’il produise leurs fruits et dération paysanne. Les membres d’associations légumes, parfois aussi leurs œufs, viande, lait, écologistes sont aussi nombreux. Autre signe fromage et miel avec les méthodes de l’agri- du militantisme des amapiens, ils boudent la culture biologique. Entre eux, ils s’appellent grande distribution et sont adeptes des repas à « amapiens », néologisme dérivé du mot Amap, la maison, y compris à midi. acronyme d’Association pour le maintien de l’agriculture paysanne. Les raisons d’adhérer à une Amap relèvent d’une combinaison d’égoïsme et d’altruisme. L’Amap est la grande innovation de ces der- sur le territoire de l’Hexagone. Mi-avril 2006, Côté égoïsme, l’amapien satisfait son désir nières années en France pour renouer le contact environ 272 Amaps sont identifiées dans vingt de convivialité lorsqu’il fait ses courses et son entre consommateurs et paysans. Dans cette et une régions. La Provence-Alpes-Côte d’Azur besoin de se rassurer sur son alimentation, sa forme de vente directe, les consommateurs tient la corde avec 79, suivi par Midi-Pyrénées provenance et son mode de production. Côté s’engagent sur une saison complète avec un avec 45 et 10 en formation. Quatrième du clas- altruisme, il concrétise sa volonté de soutenir agriculteur en lui payant à l’avance sa récolte à sement après l’Ile-de-France, la région Rhône- les petits producteurs. Il pratique ainsi une for- un prix jugé rémunérateur. Leur engagement se Alpes, 29 Amaps et 15 en cours, a voulu savoir me de commerce équitable avec les agriculteurs prolonge dans l’animation de l’association sur jusqu’où ce système s’adresse à un public de qu’il perçoit comme une population à aider. les lieux de distribution, la diffusion de recettes convaincus et à quelles conditions il pourrait Cette sensibilité prolonge souvent son adhésion de cuisine et jusqu’à une participation ponc- devenir un modèle agricole alternatif. Avec aux produits équitables d’outre-mer tels que tuelle aux travaux de l’exploitation. l’Alliance paysans-écologistes-consommateurs café, thé et chocolat.

Comparées à la vente directe classique, les Amaps instaurent un rapport de solidarité plus Alter-Conso ou six jeunes et leurs sept paniers fort entre un groupe de consommateurs et un Ils n’ont pas fait d’étude de paiements. Ils proposent sept que Vincent Bleuzet, l’un des producteur. Dans ce partenariat, les premiers marché ni de « focus groupe ». types de paniers : légumes, six intrépides. Alter-Conso se assument une partie du risque agronomique du Ils se sont jetés à l’eau con- fruits, viandes, produits lai- rémunère sur une cotisation second, préfinancent son activité et se chargent vaincus qu’il y a une clientèle tiers, pain, goûter, vins et biè- fixe et spécifique que chaque de gérer ses ventes pour éviter d’ajouter cette désireuse de produits de la res artisanales. Chacun peut adhérent verse par mensua- lourde tâche au travail d’agriculteur. En échange, ferme livrés de façon simple. s’abonner à un ou plusieurs lités. L’abonné s’engage pour le paysan accepte que les consommateurs inter- Six jeunes Lyonnais – de 22 paniers, tous disponibles en six mois, mais peut se désister viennent dans le choix des denrées qu’il cultive, à 28 ans – viennent de lancer trois tailles : individuel, petite à tout moment s’il trouve un aient leur mot à dire sur les méthodes agricoles Alter-Conso, coopérative qui famille, grande famille. La remplaçant. Date de la pre- qu’il applique et fixent les prix avec lui. gère les abonnements, fait la méthode est hybride entre la mière distribution : le 16 mai tournée des producteurs pour vente directe et l’Amap. « La 2006. Bonne chance ! Depuis la création de la première Amap en remplir les paniers, organise totalité du prix du panier est France, à la ferme Le Jardin des Olivades, près les distributions et collecte les reversé au producteur », expli- LRD de Toulon, en mai 2001, l’idée fait tache d’huile LaRevueDurable N°20 DOSSIER

Lille 1 Nord-Pas e nch de Calais Ma Haute Picardie Normandie 6 1 Basse 4 Lorraine Paris 2 Strasbourg Normandie 52 1 Brest Ile de 2 France Champagne Bretagne Ardennes Alsace 1 Pays de Orléans Loire 1 2 Plus fon- 4 Bourgogne Franche- Trop contraignant pour les autres Centre Comté damentalement, Océan Nantes 1 Les auteurs du rapport ont animé trois la notion de contrat Atlantique 55

« focus groupes » pour tester la perception des rebute les consommateurs 2 Amaps auprès d’un échantillon de la popula- qui se sentent d’autant Poitou Charentes 1 tion en dehors des réseaux habituels. Un focus plus contraints que sa durée Limousin 1 Rhône-Alpes groupe est un groupe de discussion réuni pour leur apparaît longue. Cer- Auvergne 44 comprendre les opinions et attitudes des gens tains semblent penser qu’une Bordeaux Lyon face à une idée ou à un produit existant, nou- fois cet engagement signé, ils Aquitaine veau ou en phase de développement. Les per- perdront toute liberté de choix 7 79 sonnes interrogées au cours de ces réunions (« c’est comme France Loisirs »). Midi-Pyrénées Provence-Alpes 55 5 Côte d’Azur présentent un profi l différent des adhérents Ils sont attachés à la notion de Marseille types des Amaps, notamment leurs niveaux liberté de choix. Faire ses cour- Toulouse Languedoc Roussillon de formation et de revenus. En revanche, ils ses, c’est exercer son pouvoir de Mer Méditerranée partagent un intérêt marqué pour la qualité de « libre arbitre », décider d’acheter 0 leur alimentation, se traduisant par la recher- tel ou tel produit sur tel ou tel circuit Corse che de produits ayant du goût, frais et d’ori- selon des critères jugés importants (qualité, Nombre d’Amaps en fonctionnement gine identifi able. fraîcheur, prix…). Confi er l’intégralité de ses ou en cours de constitution par région achats de légumes à un producteur revient à lui selon le site : http://alliancepec.free.fr transférer ce pouvoir d’arbitrage et de gestion du budget. De telles exploitations feraient vivre des fa- milles sur de petites surfaces, notamment en Les participants évoquent aussi spontané- zone périurbaine, et permettraient d’installer ment de possibles aléas climatiques qui se tra- de jeunes agriculteurs dans des systèmes moins duiraient par de mauvaises récoltes et donc une exigeants en capital de départ, notamment diminution de la taille du panier ou une moin- foncier. Les données du recensement agricole dre qualité des légumes. La plupart des person- montrent que de nombreux agriculteurs ins- nes interrogées ont une vision essentiellement tallés sur de petites et moyennes exploitations marchande de la relation producteur-consom- partiront bientôt à la retraite. Or, leur déten- mateurs et peinent à imaginer les notions de teur voit souvent ces exploitations comme sans partage des risques (accepter d’avoir un plus avenir. Même au rabais, des Amaps leur don- petit panier) et de compensations ultérieures neraient un deuxième souffl e, les sauvant au (un plus gros panier à venir). passage de la rurbanisation.

Dreamstime/Milan Radulovic Dreamstime/Milan Des entorses pour sortir du cercle Ainsi, la région Rhône-Alpes voudrait don- ner aux agriculteurs les moyens de prendre les des convaincus De façon générale, les participants à ces focus devants sans attendre que de nouveaux groupes groupes voient dans ce système la possibilité de Aux yeux de la plupart des consommateurs de consommateurs les sollicitent. Une deuxiè- s’approvisionner en produits de qualité en étant questionnés, l’Amap apparaît comme une idée me étude démarrera sous peu pour évaluer les sûrs qu’ils sont de saison et cultivés de façon tra- séduisante à condition de la nettoyer de ces trois avantages des Amaps pour les agriculteurs qui la ditionnelle. Certains soulignent les possibilités contraintes : l’engagement à long terme, les pa- pratiquent déjà et aboutir à un guide à l’inten- d’échange que ce système offre avec l’agriculteur niers types et le partage des risque. En somme, tion de ceux qui souhaitent s’y lancer. L’Alliance et les autres adhérents. D’autres se montrent sen- tout ce qui fonde la spécifi cité des Amaps par Pec Rhône-Alpes n’a en revanche pas encore sibles à sa dimension solidaire. Mais les blocages rapport aux autres formes de vente directe. décidé des orientations à prendre. « Il apparaît pratiques sont nombreux. Au premier chef, l’in- Pourtant, en dépit de ces entorses majeures à clair qu’en Rhône-Alpes, une forme moins en- surmontable habitude, si immuable. Ensuite, le l’idée originale, le système resterait intéressant, gagée de marché de proximité est appelée à se fait d’avoir un rendez-vous fi xe hebdomadaire car il favorise une exploitation diversifi ée (ma- développer », commente Ludovic Mamdy, ani- pour récupérer son panier apparaît trop contrai- raîchage, verger multi-espèces, petite production mateur de l’Alliance. Reste à savoir si l’Alliance gnant. Beaucoup de gens, en particulier les re- de volailles…) et une soixantaine de familles ad- contribuera à activer cet élargissement. traités, aiment faire leurs courses tous les jours, hérentes suffi rait pour qu’une ferme y trouve aller au marché, choisir les aliments au gré de son équilibre. En outre, l’association production Le mouvement des Amaps est à la croisée leurs envies, déterminer les quantités selon le végétale-petite production animale serait très des chemins. L’un mène vers un plus grand nombre variable de convives. complémentaire sur le plan écologique. nombre de consommateurs et donc un plus DOSSIER LaRevueDurable N°20

fort impact sur l’agriculture locale. L’autre 56 Dans le Grand-Ouest, le Réseau Cohérence conduit vers une économie alternative. « Ici promeut le porc durable comme en Ile-de-France [où 52 Amaps ont vu le jour], le mouvement prend le premier Bernard Buet est un éleveur pour des pratiques agricoles « Lorsque l’agriculteur est prêt, chemin. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, il de porcs pas tout à fait comme écologiques et équitables. on fixe le jour d’une visite. Des penche pour le second, tissant des rapports les autres. Dans sa ferme Les représentants d’associations avec les autres secteurs de l’économie soli- Pifandais, à Quevert, dans les « J’attendais une occasion pour membres du réseau, notam- daire. Avec des débats à la clef, il se montre Côtes-d’Armor, il fait du « porc faire mieux dans mon exploita- ment de consommateurs, plus actif et plus festif, relève Ludovic Mamdy. durable ». Ses truies, qui sont tion », témoigne Bernard Buet. se joignent à l’animateur de Quoi qu’il en soit, les agriculteurs ne doivent moins nombreuses que dans Avec cent collègues, il adhère Cohérence pour passer au pas perdre de vue que tout tourne autour de une exploitation intensive, au projet d’améliorer l’exploi- crible les pratiques de l’agri- la qualité de leurs produits. Les Amaps qui profitent d’une litière de paille, tation porcine en Bretagne culteur. Ils interrogent, véri- marchent le mieux sont celles qui offrent les mangent de moins en moins de sans tout chambouler d’em- fient, discutent avec l’éleveur meilleurs produits », avertit-il. g soja, en tout cas jamais trans- blée. Des mois de discussions et jugent, après débat, s’il a génique, et se passent le plus entre eux et avec les autres droit à l’identifiant. « Je l’ai possible d’antibiotiques. acteurs du réseau, un voyage en eu, mais les visiteurs m’ont Allemagne pour voir d’autres demandé de faire plus d’efforts pratiques leur permet d’arriver pour diminuer les pesticides », à un socle en quatre points : commente Bernard Buet. Il litière sur paille, pas d’organis- y travaille : « J’ai acheté une mes génétiquement modifiés, herse à étrilles pour désherber moins de porcs par hectare mécaniquement et appliquer et moins d’antibiotiques. Des moins d’herbicides. Et pour adaptations cosmétiques dans les fongicides, j’utilise mainte- une agriculture très indus- nant les mêmes produits que trielle ? A ce jour, seuls six les agriculteurs biologiques », agriculteurs ont obtenu l’iden- poursuit-il. Rendez-vous est tifiant Cohérence. C’est dire si pris pour dans deux ans. Et il ce n’est pas si simple. aimerait montrer qu’il avance. Paul-andré Belle-isle Paul-andré La litière de paille absorbe « Ce qui freine le plus les collè- Bernard Buet est impatient leurs déjections et, en quelques gues est la litière en paille, car d’écouler une partie de sa pro- mois, se transforme en fumier elle ajoute du travail », raconte duction dans la restauration qui enrichit le sol. C’est un Alain Jacob. « Nous ne voulons collective, ce qui lui garantirait avantage majeur sur les exploi- pas nous enfermer dans les ques- une meilleure rémunération. tations conventionnelles, dans tions techniques d’un cahier des Mais il est déjà content. « Ce qui Matthew Maaskant lesquelles les déjections tom- charges. Notre but est éthique », me plaît dans le porc durable, biblioG raP hie bent dans une fosse pour for- continue Julien Pondaven, ani- c’est que tout le monde y trouve Mundler P et coll. Fonctionnement et mer ce fameux lisier qui pol- mateur de Cohérence à Lorient son compte », déclare-t-il. Alain reproductibilité des Amaps en Rhône-Alpes, lue l’eau au point de la rendre (Morbihan). « Nous disons aux Jacob, lui, a déjà le label rouge, Isara, Lyon, 2006. Disponible sur : impropre à la consommation producteurs : vous voulez faire qui lui assure des débouchés www.alliancepec-rhonealpes.org/site-all/ humaine. A Quimper, dans des efforts ? Nous sommes d’ac- rentables. « J’ai suivi la démar- le Finistère, Alain Jacob suit cord de vous aider, à condi- che de Cohérence par convic- les mêmes principes, ceux du tion d’avoir notre mot à dire. » tion personnelle », commente- POUR ALLER PLUS LOIN Réseau Cohérence. Dans tout le L’aide, c’est cet identifiant Co- t-il. Cette année, il plante des Grand-Ouest, ce réseau réunit hérence, distinction qui valo- féveroles, car il aimerait sortir www.alter-conso.org/comment.htm plus d’une centaine d’associa- rise le produit de l’agriculteur. au plus vite du soja. « Une cul- tions de consommateurs, pro- ture qui détruit les petits pay- www.reseau-coherence.org tecteurs de la nature, paysans, L’attribution de l’identifiant est sans », lâche-t-il. artisans et acteurs de la santé donc participative, selon une Pour trouver l’Amap la plus proche : qui, tous ensemble, poussent méthode importée du Brésil. LRD http://alliancepec.free.fr LaRevueDurable N°20 DOSSIER

LRD En Suisse comme ailleurs, la souveraineté alimentaire a besoin des consommateurs

Le modèle agricole suisse est souvent cité comme exemple d’agriculture écologique à taille humaine. Mais la pression des négociations à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pourrait saborder cette réputation. Le syndicat paysan Uniterre compte sur les consommateurs pour défendre le droit des Suisses à se nourrir le plus possible des fruits de leur territoire. Il se fait le moteur de l’agriculture contractuelle.

Lopin bleu, Panier à pattes, Agrihotte, leurs simplement pas compris de noms rivalisent de fantaisie où sont plus terre quoi il s’agit », témoigne cet à terre, tel Le Jardin potager ou Saveurs de sai- originaire de Bâle, que son sons. Mais toutes ces coopératives poursuivent flop laisse encore perplexe. le même rêve : rapprocher les consommateurs L’intervention suivante, sur des agriculteurs pour décider de concert quoi un système de commandes produire, comment le faire et à domicile par internet, a en re- les trois autres producteurs d’Agrico, les af- partager les risques de l’agricul- vanche passionné l’assistance. faires tournent puisqu’ils livrent 650 paniers teur. Cela s’appelle l’« agriculture Six nouvelles par semaine. Mais l’esprit d’origine se perd. 57 contractuelle ». La mouvance biologique est « Nous avons toujours plus de clients qui vi- initiatives très active dans la vente directe sent des produits de qualité, mais qui ne veu- Pendant vingt-cinq ans, les depuis 2005 en Suisse allemande, mais pas lent pas travailler dans l’exploitation ni s’enga- Jardins de cocagne à Genève et la question de rapprocher trop ger d’une quelconque autre manière », déclare Clef des champs dans le Jura sont les consommateurs des pro- Peter Dester. restés des pionniers bien isolés de cette forme ducteurs. « L’expression souveraineté alimen- d’agriculture. Et puis, en 2003, l’Affaire Tour- taire y est incon nue », poursuit Hansjorg La différence entre les deux régions linguisti- nerêve a réussi à susciter l’intérêt de 1000 fa- Ernst. Pourtant, depuis 1981, la coopéra- ques s’explique sûrement en partie par l’activité milles qui ont commandé à l’avance leurs pro- tive Agrico opère près de Bâle sur le modèle du syndicat romand Uniterre, le plus ardent dé- duits de garde. Le côté ludique, festif, joyeux des Jardins de cocagne. Pour Peter Dester et fenseur du principe de souveraineté alimentaire a plu. Peut-être aussi la prise de conscience que l’alimentation est une affaire beaucoup trop importante pour la déléguer entièrement La multifonctionnalité de l’agriculture aux grandes surfaces. Depuis, les associations Il reste en Suisse 6 % de popu- duction intégrée », méthode les revenus des agriculteurs et d’agriculture contractuelle bourgeonnent par- lation agricole, un record com- d’exploitation proche de l’agri- ceux du reste de la population tout en Suisse romande : six nouvelles initiati- paré aux pays limitrophes, culture biologique. La con- se creuse. En 1990, le salaire de ves ont vu le jour depuis 2005. Autour de 2000 l’Allemagne (2 %), la France sommation de produits phyto- référence dans le secteur agri- familles ont un contrat avec un agriculteur ou (3 %) et l’Italie (4 %). A la sanitaires a reculé de 38 % de cole équivaut à 70 % du salaire un jardinier pour produire leurs fruits et légu- faveur d’une votation popu- 1990 à 2004 et celle d’engrais de référence dans les autres mes ou leurs produits de longue durée. laire en 1996, les paiements de deux tiers. Les animaux secteurs. En 2004, il tombe à directs accordés aux paysans sont en général mieux traités 60 %. Et le pouvoir de négo- Sonderfall Romandie sont conditionnés au respect qu’ailleurs. Et une votation ciation des paysans avec les d’un minimum de conditions populaire a décidé en novem- transformateurs et les grandes Un phénomène qui, en Suisse, reste canton- écologiques. Les résultats sont bre 2005 que les champs suis- surfaces s’érode. Ainsi, les prix né à la Romandie. Hansjorg Ernst, producteur clairs. L’agriculture biologi- ses resteraient libres d’organis- à la production agricole bais- de la Clef des champs et initiateur de Saveurs de que couvre 11 % de la surface mes génétiquement modifiés sent de 24 % de 1990 à 2004 saisons est très actif en maraîchage biologique. agricole du pays, soit le troi- au moins encore cinq ans. alors que les prix aux consom- Lors d’une récente assemblée de Bio Suisse, il sième score européen après le mateurs augmentent de 11 % a voulu expliquer l’agriculture contractuelle à Liechtenstein et l’Autriche. Le Sur le plan social, en revanche, (Ofag, 2005). ses collègues suisses allemands. « Je n’ai suscité reste des surfaces est en « pro- le bilan est terne. L’écart entre LRD aucune réaction. Je crois que les gens n’ont tout DOSSIER LaRevueDurable N°20

LRD L’agriculture contractuelle se porte bien en Suisse romande

en Suisse. C’est lui qui pousse fortement pour des alliances nouvelles entre consommateurs 58 et producteurs.

Front uni contre la libéralisation « Nous ne pensons évidemment pas que toute la production suisse pourrait être écoulée dans le cadre de la vente directe ou des jardins contractuels. Mais cette forme de consomma- tion est un formidable outil de questionnement sur les échanges commerciaux », clarifie Nicolas La période de semailles arrive… C’est le moment de commander de déli- Bezençon. Ces projets offrent l’opportunité de rétablir un contact étroit entre consommateurs cieux produits de proximité en Suisse romande. Passage en revue des dix ini- et producteurs et de discuter sur les types de tiatives d’agriculture contractuelle qui existent dans cette région du monde, production possibles, la qualité, les risques, les prix et la commercialisation. Ils stimulent une dont huit ont vu le jour depuis un an. Deux types de paniers sont proposés : nécessaire réflexion de fond sur la notion de prix rémunérateur et sont donc utiles à toute ceux qui contiennent essentiellement des fruits et légumes, ceux qui con- la filière. Uniterre voit dans l’agriculture con- tiennent des produits de garde. Les deux sont complémentaires. tractuelle un moyen d’ouvrir le dialogue avec les consommateurs et de faire réfléchir sur le rôle et la place des grandes surfaces. L’affaire Tournerêve OMC oblige, l’agriculture suisse doit se rap- Les Jardins de cocagne procher du marché international. La protection Région : canton de Genève Région : canton de Genève aux frontières va baisser et les prix des produits Date de création : 1978 Date de création : 2003 alimentaires aussi. Pour continuer d’exercer, les Nombre d’adhérents : 400 familles Nombre d’adhérents : 1300 familles. paysans suisses devront diminuer leurs coûts de Type de produits : fruits et légumes de pro- Type de produits : céréales en grain et en production et devenir concurrentiels. Voilà le duction biologique, anciennes variétés dans la farine, huile, jus de fruit, lentilles, haricots, menu de la réforme en discussion, qui devrait mesure du possible. miel et saucisse. Quelques producteurs sont entrer en vigueur en 2011. Et qui pourrait dé- Livraison : hebdomadaire, dans 43 points en agriculture biologique. cimer le monde paysan. Des simulations mon- de distribution. Livraison : deux fois par an, en octobre et trent que jusqu’à 40 % des agriculteurs de mon- Prix : la grande part (famille de deux adul- novembre dans cinq points de distribution. tagne pourraient mettre la clef sous le paillas- tes + deux enfants) varie de 1140 à 1500 francs Prix : 170 francs ou 178 (avec saucisse). son. Tisser un partenariat fort avec la société selon les revenus du ménage. La petite part www.terre-avenir.ch est une question de survie pour les paysans : (2/3 de la grande part) de 840 à 1200 francs. Rubrique « agriculture contractuelle » seul un front élargi peut empêcher la libérali- Chaque nouveau membre doit acheter au mi- sation de l’agriculture. Uniterre s’y attelle. Elle nimum une part sociale de la coopérative d’un a convoqué les premières rencontres Jonction montant de 50 francs et effectuer des demi- le Panier à pattes ville-campagne à Genève en avril. Cette réu- journées de travail (4 heures) : quatre par an nion est le point de départ d’une coordination pour les grandes parts et trois pour les petites Région : canton de Genève romande de l’agriculture contractuelle. Reste à parts. Les demi-journées non effectuées sont Date de création : 2006 espérer qu’une nouvelle vague de lopins bleus et facturées 65 francs. Nombre d’adhérents : en lancement de Tournerêves déferlera bientôt sur les campa- Type de produits : pommes, poires, jus de gnes romandes. g La liste d’attente pour adhérer aux Jardins fruits, un poulet, une terrine de bison, un bon de cocagne étant longue, une deuxième coopé- de 50 francs à échanger dans une ferme qui biblioG raP hie rative pourrait voir le jour. élève des moutons et des agneaux. Office fédéral de l’agriculture (Ofag). www.cocagne.ch Livraison : une fois par an, en octobre. Le Rapport agricole, 2005. bon peut être échangé à la convenance du con- Disponible sur www.blw.admin.ch sommateur. www.uniterre.ch Prix : en discussion. Nicolas Bezençon : [email protected] LaRevueDurable N°20 DOSSIER

Porrentruy

JURA

E C Bienne N NEUCHÂTEL L. de A Bienne le jardin potager le lopin bleu R Neuchâtel BERNE F el 59 Région : Lausanne et environs Région : canton de Neuchâtel ât ch (triangle entre Nyon, Echallens et Pully) et environs eu N e d Date de création : 2006 Date de création : 2005 L. Nombre d’adhérents : 105 familles. Nombre d’adhérents : Fribourg Type de produits : fruits et légumes de sai- 155 familles. son, production biologique. Type de produits : le panier FRIBOURG Livraison : tous les jeudis, à sept points de classique contient de l’huile, distribution à Lausanne et dans cinq autres des pommes de terre, des VAUD Echallens villes de l’agglomération. pommes, oignons, farine de Lausanne Prix : le grand panier (6 kg) 1250 francs, le blé, jus de fruit, miel, noix Pully petit (4,5 kg) 850. En outre, chaque membre et fromage (du gruyère). Léman Nyon Lac Vevey Château doit acquérir deux part sociales de la coopéra- Le panier découverte in- d’Oex tive au prix de 100 francs chacune et se rendre clut des poires à cuire, de disponible pour trois ou quatre demi-journées la farine d’épeautre, de de travail au champ par an. seigle et de sarrasin, Monthey GENÈVE www.lejardinpotager.ch du vin et du raisiné. Genève VALAIS Livraison : fi n no- vembre lors de la foire de Bio Neuchâtel. L’Agrihotte Prix : 100 francs pour le panier à avril. Il existe cinq points de livraison répar- Région : Vevey et environs classique, 60 pour le panier découverte. tis dans le canton. Date de création : 2005 www.lopinbleu.ch Prix : 720 francs pour la part standard (fa- Nombre d’adhérents : 150 familles. mille avec deux enfants) et 1030 pour la grosse Type de produits : huile, courges, oignons, part (famille avec trois adolescents). Chaque pommes de terre, carottes, pommes, saucis- membre doit en outre s’acquitter d’une part l’abbaye de Fontaine andré sons, tommes et vinaigre. sociale de la coopérative d’une valeur de 100 Livraison : deux fois l’an, en janvier et octobre. Région : ville de Neuchâtel et environs francs et fournir six demi-journées de travail Prix : petite hotte, 82 francs (107 francs Date de création : 2005 par an ou payer 15 francs/heure de travail non avec cinq litres de jus de raisin), grande hotte Nombre d’adhérents : 40 familles effectué. 160 (185 francs avec le jus de raisin). Type de produits : légumes biologiques. www.clef-des-champs.ch www.lagrihotte.ch Livraison : tous les jeudis de mai à décem- Sur ce site fi gure aussi la liste de tous les dé- bre, une fois par mois de décembre à avril. taillants du district de Vevey qui vendent des Sept points de livraison en ville et autour de Saveurs de saisons produits locaux. Neuchâtel. Prix : 500 francs pour le demi-panier (une Région : canton du Jura et Jura bernois à deux personnes), 800 pour le panier entier Date de création : 2006 (trois à quatre personnes). Nombre d’adhérents : en lancement. association pour le dévelop- Urs Weber : 032 724 47 79 Type de produits : huile, farines de diverses pement du Pays-d’enhaut céréales, fromages, pommes, jus de pomme, Région : Pays-d’Enhaut confi ture, sirop, miel, tisane, courgettes en Date de création : 1995 conserve aigre-doux. Des saucisses et de la la clef des champs L’Association pour le développement du viande séchée sont en option. Il est aussi pos- Pays-d’Enhaut (ADPE) promeut le commerce Région : canton du Jura sible de s’inscrire pour un panier de viande local par différents moyens : un label régional Date de création : 1980 fraîche qui contient des saucisses à rôtir et des de terroir, la production contractuelle de porcs Nombre d’adhérents :130 familles. morceaux de viande à choix. Les produits sont entre l’Association des producteurs de porcs et Type de produits : légumes d’agriculture issus de l’agriculture biologique. deux artisans bouchers de Château-d’œx, des biologique. Depuis peu, il est aussi possible Livraison : en une fois, fi n octobre. commerces et restaurants de la vallée ambassa- d’avoir de la viande (5 kg tous les deux mois) Prix : 150 francs pour le panier de base, 180 deurs de produits authentiques et un répertoire et des fruits. avec les carnés. Le panier de viande fraîche d’adresses de vente directe. Livraison : tous les jeudis, de fi n avril à dé- coûte 200 francs. www.pays-denhaut.ch but décembre, une fois par mois de décembre www.saveurs-de-saisons.ch g Plus de 40 pages sur les thématiques essentielles du développement durable. C’est ce que proposent les dossiers de LaRevueDurable. numéro 13 Briser un tabou : réduire la consommation Complétez votre collection! novembre-décembre 2004- janvier 2005

numéro 1 numéro 7 numéro 14 Maîtriser L’eau est l’affaire Vivre la consommation de tous ensemble d’électricité au Nord octobre-novembre 2003 en mégalopole 60 septembre-octobre 2002 février-mars 2005

numéro 2 numéro 8 numéro 15 Cultiver les savoirs Education et Faire face pour mieux déve lop pement durable : aux changements cultiver les sols le vrai chantier climatiquesclim novembre-décembre 2002 décembre 2003-janvier 2004 avril-mai-juin 2005

DOSSIER TOUCHE PAS À MON LITTORAL

LaRevueDurable LaRevueDurable numéro 16 savoirs • sociétés • écologie • politiques publiques numéro 3 numéro 9 En Somalie, le tsunami fait ressortir un trafic de déchets toxiques

Le Conservatoire du littoral court contre la montre depuis trente ans

Les autoroutes de la mer, Touche pas Qualité de l’air : Adapter transport simple et écologique comment lutter contre les bâtiments au froid à mon littoral

: 9.–

MINIDOSSIER Hiroshima : soixante ans après juillet-août 2005

PERSPECTIVE la pollution et aux canicules ISSN 1660-3192 CHF : 15.– GEORGE MONBIOT DOSSIER Equilibrer le pouvoir dans le monde

- RD TOUCHE € RENCONTRE DOMINIQUE PESTRE : F: 9,00 Nous vivons dans des sociétés PAS À MON janvier-février 2003 février-mars 2004 - 16 - de la connaissance très particulières L 18717 LITTORAL

NUMÉRO 16 • JUILLET - AOÛT 2005 • BIMESTRIEL

DOSSIER Le bois, une alternative au pétrole et au béton

LaRevueDurable LaRevueDurable numéro 17 numéro 4 numéro 10 savoirs • sociétés • écologie • politiques publiques MINIDOSSIER ENQUÊTE EXCLUSIVE : Les consommateurs suisses et français face au commerce équitable

R E N C O N T R E CYRIA EMELIANOFF : L’urbanisme durable est Le bois, une Préserver les Ecologie et emploi : en gestation en Europe

PERSPECTIVE GEORGE MONBIOT Remplacer le FMI et ressources naturelles un mariage la Banque mondiale alternative au pétrole DOSSIER

: 9.–

€ comparaison Energieentre le : pétrole et le bois

Construire en bois, c’est bon pour le climat et au béton et la paix Les réseaux de de raison chauffage à distance au bois ISSN 1660-3192 CHF : 15.– DOSSIER tissent leur toile LE BOIS, Mieux prévenir

- RD les feux de forêts, UNE ALTERNATIVE

€ phénomène F: 9,00 de société AU PÉTROLE mars-avril 2003 avril-mai 2004 - 17 - septembre-octobre 2005

L 18717 ET AU BÉTON

NUMÉRO 17 • SEPTEMBRE - OCTOBRE 2005

• BIMESTRIEL

DOSSIER Sur la piste d’une mobilité différente

LaRevueDurable numéro 5 numéro 11 LaRevueDurable numéro 18 savoirs • sociétés • écologie • politiques publiques

LAREVUEDURABLE PRÉSENTE :

CYCLE DE CONFÉRENCES au « CauchemarQuelles de Darwin réponses » ? Sur la piste d’une R E N C O N T R E Rendre les villes Quel tourisme MATHIS WACKERNAGEL Le monde vit au-dessus de ses moyens écologiques

PERSPECTIVE Pour une organisation GEORGE mondiale MONBIOT du commerce équitable

COUP DE PROJECTEUR mobilité différente Appel à soutenir l’EcoZAC durables grâce à leurs du XIII pour une planète e arrondissement de Paris

: 9.–

€ SUR LA PISTE D O S S EI R novembre-décembre 2005- habitants fragile ? D’UNE MOBILITÉ ISSN 1660-3192 CHF : 15.– DIFFÉRENTE Des entreprises aident leurs employés

- RD à laisser leur voiture à la maison € Test : Les différents moyens

F: 9,00 janvier 2006 de se déplacer en ville mai-juin 2003 juin-juillet-août 2004 - 18 - Vers des quartiers sans voiture

L 18717

NUMÉRO 18 • DÉCEMBRE 2005 - JANVIER 2006

• BIMESTRIEL

DOSSIER Des technologies appropriées pour la construction, l’eau et la santé

LaRevueDurable numéro 6 numéro 12 LaRevueDurable numéro 19 savoirs • sociétés • écologie • politiques publiques MINIDOSSIER

La publicité harcèle les enfants, et peu de parents s’en rendent compte

RENCONTRE Des technologies BERNADETTE BENSAUDE-VINCENT : Agriculture : de la Vive la biodiversité Les citoyens ont leur mot à dire sur la recherche scientifi que appropriées

nécessité des peuples agricole! DOSSIER Des maisons chaudes et bon marché en paille

: 9.– € Récupérer l’eau qui tombe du ciel

Des toilettes sèches septembre-octobre 2004 pour économiser l’eau de se nourrir eux-mêmes et fabriquer du compost février - mars 2006 Le neem, arbre à miracles ISSN 1660-3192 CHF : 15.– qui tue les moustiques vecteurs du paludisme DES

- RD

juillet-août-septembre 2003 F: 9,00 TECHNOLOGIES

- 19 - POUR LA CONSTRUCTION,APPROPRIÉES L‘EAU ET LA SANTÉ L 18717 NUMÉRO 19 • FÉVRIER - MARS 2006 • BIMESTRIEL Cerin Sàrl rue de Lausanne 91, CH-1700 Fribourg Pour commander ces numéros, ou faxez-le au + 41 (0)26 321 37 12, ou téléphonez au + 41 (0)26 321 37 10 renvoyez-nous ce coupon à : ou remplissez-le sur internet : www.larevuedurable.com/commander-des-numeros.html

Je commande les numéros suivants : au prix de 9 E ou 13 fr.s. pour les abonnés au prix de 11 E ou 15 fr.s. pour les non-abonnés / frais d’envoi inclus Madame Monsieur Nom Prénom

Adresse Code postal Localité / Pays Accompagnez cette commande d’un chèque impérativement libellé Date et signature à l’ordre de CERIN Sàrl (uniquement pour la France) ou attendez de recevoir votre facture avec mention de toutes les autres possibilités de paiement. LaRevueDurable N°20 DOSSIER

Guide sur l’agriculture

SOJA nes se profi le dans les sous-produits du colza et du blé utilisés pour produire des biocarburants 61 Le soja ou la vie dans l’UE. Protégés par la police et des Transrural Initiatives, paramilitaires, des cultivateurs de n° 304, 28 février 2006. soja transgénique d’origine brési- www.transrural-initiatives.org lienne attaquent, le 24 juin 2005, la communauté paysanne de Teko- joja, dans le département de Ca- Campagnes solidaires, aguazu, au nord du Paraguay. Bilan : le mensuel de la Con- deux personnes tuées, 270 expulsés, fédération paysanne, de nombreux blessés, 54 maisons et consacre son numéro plantations brûlées. Auparavant, en fé- de mars à La folie du vrier, dans l’Etat du Para, au Brésil, la soja. Il donne la parole religieuse Dorothy Stang est assassinée. à des membres de syn- Le même mois, à Sol de Mayo, au nord de dicats qui, en Argentine, l’Argentine, des policiers agressent bruta- au Brésil et au Paraguay lement des paysans et arrêtent plusieurs remettent en cause le dé- d’entre eux. lire sojatique. L’occasion aussi de pester contre la Politique agricole S’opposer au soja dans les pays produc- commune, qui porte une lourde responsabilité teurs d’Amérique du Sud est suicidaire. Les dans l’emballement de cette monoculture. valeureux qui tentent de résister à son avan- cée font preuve d’un courage admirable. Ils Campagnes solidaires, n° 205, mars 2006. méritent que le consommateur européen vien- nées aux présidents généraux de Louis Dreyfus www.confederationpaysanne.fr

ne à leur secours. Le soja qu’exportent l’Argen- négoce et Cargill France, les enjoignent à re- N° 209-210 / Janvier-Février 2006 / 3 tine, la Bolivie, le Brésil et le Paraguay est en médier aux effets négatifs du soja, commerce Faim M a g a z i n e

NIGERI effet en majorité consommé en Chine et dans dont ils sont les principaux acteurs au niveau Le dossier de jan- Développementwww.ccfd.asso.fr La malnutrition Un scandale l’Union européenne (UE). Seule l’Europe peut mondial. vier-février de la revue permanent donc démocratiquement s’engager à mettre des Faim développement PARADIS FISCAUXI Quand lesfuient capitaux leurs limites au massacre. Les cartes sont à télécharger sur : magazine expose de responsabilités www.sojacontrelavie.org manière très pédagogi- La campagne « Le soja contre la vie » que que les ravages du soja. I DOSSIER SPÉCIAL > CAMPAGNE « LE SOJA CONTRE LA VIE » lancent cinq associations françaises – le Comité Le journaliste Patrick Résister catholique contre la faim et pour le développe- Piro y livre une foison de MENSUEL à l’empire du soja Brésil : une graine à la conquête du monde ment, le Réseau Cohérence, la Confédération Moisson témoignages et d’informa- - N° 0760-6443 ISSN COMITÉ CATHOLIQUE CONTRE LA FAIM ET POUR LE DÉVELOPPEMENT paysanne, l’association de solidarité et de coo- de revues tions fraîchement recueillis pération internationale Gret et le Réseau Agri- La campagne sur la route du soja, au Brésil. culture durable – avec le soutien de 19 autres « Le soja contre la vie » associations est donc fort bienvenue. L’objectif est l’occasion de faire Faim développement magazine, n° 209-210, est d’informer sur le désastre en cours (voir connaître les moyens janvier-février 2006. l’article de Marc Hufty page 46) et de proposer de sortir l’Europe de des sorties. sa dépendance au soja. Ces trois dossiers sont disponibles sur : La revue Transrural Initiatives se demande, dans www.sojacontrelavie.org La campagne invite les citoyens à écrire à un dossier très bien fi celé, si l’élevage peut s’af- Thierry Breton, ministre français de l’Eco- franchir du soja. Il montre que la raréfaction nomie et des fi nances, pour lui demander de du soja non transgénique – 40 % des surfaces « veiller à ce que la France n’approuve plus de de soja cultivées dans le monde – déclenche des fi nancement pour des opérations liées à l’ex- démarches pour carrément se passer du soja. pansion du soja », via ses droits de vote au sein C’est le cas en Basse-Normandie, où le collec- de la Société fi nancière internationale, fi liale de tif Inpact étudie comment revenir à un élevage la Banque mondiale. Deux autres cartes, desti- fondé sur l’herbe. Une autre source de protéi- DOSSIER LaRevueDurable N°20

pâturages ont aussi un niveau plus haut en un Mais les vitamines sont filles capricieuses autre acide gras, dont les études sur animaux qui n’aiment ni le stockage, ni le transport, ni 62 montrent qu’il protège de certains cancers. l’air, ni la lumière. Les fruits et légumes sont www.ucsusa.org donc à manger les plus frais possible. Chaque jour passé au frigo et c’est 25 % de vitamine C qui s’évaporent des légumes à feuille (épinards, A table avec Cargill et McDo salades, etc.). Pour garder les vitamines, il faut L’entreprise Cargill achète du soja produit laver fruits et légumes brièvement et éviter de dans des fermes illégales gagnées sur la forêt le faire à l’eau courante. Il ne faut évidemment amazonienne, l’achemine depuis un port qu’elle pas les laisser dans l’eau, les couper le moins a illégalement fait construire vers celui de Liver- possible et uniquement au moment de les pool, au Royaume-Uni. Là, l’éleveur industriel cuire ou de les manger. Les mixer détruit les Sun Valley, filiale de Cargill, nourrit avec ce soja vitamines. Si on les cuit, il vaut mieux le faire des animaux destinés à devenir des Chicken à la vapeur et le moins longtemps possible. McNuggets redistribués dans les restaurants Autre recommandation : consommer les plats McDonald’s d’Europe. Dans son rapport tout de suite. Les restes doivent aller le plus soja (suite) « Eating up the Amazon », Greenpeace deman- rapidement possible au réfrigérateur et n’en de l’assainissement de cette filière mafieuse. sortir que pour être définitivement mangés. La Les vaches qui mangent de l’herbe www.greenpeace.org.uk/mcdonalds/loggi Société suisse de nutrition n’est pas avare en se portent très bien nit.html conseils pour mieux se nourrir. Sur les vitami- nes, consulter le n° 2/2004 de sa revue Tabula, Wim Govaerts a étudié ce qui arrive aux va- accessible en ligne. ches qui font sans soja. Conclusion : avec un Coop : pas de déforestation www.sge-ssn.ch régime à base de protéines cultivées localement, dans mon assiette les vaches produisent tout autant de lait, voire En Suisse aussi, les animaux d’élevage con- plus. Plus respectueuse de l’animal et de l’en- somment du soja issu de cultures qui contri- vironnement, cette méthode ménage aussi le buent à la déforestation. En Amérique du Sud, compte en banque du fermier. Greenpeace Bel- une surface équivalente à celle du canton de gique résume les expériences de Wim Govaerts, Fribourg est dévolue à la culture de soja exporté consultant pour les élevages laitiers biologiques vers la Suisse. Le WWF et la Coop collaborent en Flandre depuis dix ans. pour s’assurer de la provenance de ce soja. Avec le soutien de la Coop, le WWF étudie les me- Lait respectueux de l’environnement. Eviter sures à prendre pour établir une filière 100 % les OGM en cultivant autrement. Greenpeace, durable pour le soja de fourrage. On ne peut 2005. que souhaiter bonne chance à ces deux parte- www.greenpeace.org/belgium naires, tant ils avancent sur un terrain miné. www.wwf.ch www.responsiblesoy.org Les hommes se portent mieux si les vaches mangent de l’herbe Plus de fruits et légumes Le lait et la viande issus d’élevages herbagers SANTÉ : GARDER LA PÊCHE sont meilleurs pour la santé humaine. L’Union C’est une bonne chose que de faire attention of Concerned Scientists a sorti en mars la pre- Manger frais à la fraîcheur et à la manipulation des fruits et mière étude complète qui confirme que le bœuf légumes. Mais le plus important est d’en man- et le lait provenant d’animaux élevés entière- Plus les fruits et légumes proviennent de ger suffisamment. Une alimentation équilibrée, ment dans des pâturages ont des niveaux plus régions proches des consommateurs, plus ils incluant cinq portions de 120 grammes de lé- hauts en oméga-3, acides gras bénéfiques, que sont frais, nutritifs et bons pour la santé. C’est gumes et de fruits chacune par jour contribue à les bœufs et les vaches laitières élevés de façon pourquoi le Programme santé environnement la santé et au bien-être. La Fédération romande conventionnelle. Le lait produit à partir d’herbe de l’Office fédéral de la santé promeut l’agricul- des consommateurs a conçu une brochure sim- tend à avoir un taux plus élevé en l’oméga-3 ap- ture et de proximité. Se nourrir au rythme des ple, cinq par jour, qui détaille les menus d’un pelé acide alpha-linoléique, dont il est démon- saisons introduit une diversité très bénéfique jour et donne des conseils pratiques pour rester tré qu’il réduit le risque de maladies cardiaques. dans l’alimentation : plus elle est variée, plus el- en forme en mangeant. Les bœufs et les vaches laitières élevés sur les le couvre les besoins du corps en nutriments. www.frc.ch LaRevueDurable N°20 DOSSIER

Et puisque la majorité de la popula- tion ne mange plus à la maison à midi, il est intéressant de repérer les restaurants 63 et cantines qui portent le logo Fourchette verte, car ils prêtent attention à l’équilibre des menus. www.fourchetteverte.ch/

MANGER MOINS DE VIANDE

Journée sans viande Après les Journées sans voiture, sans télé, sans achat, voici la Journée sans viande. Chaque année, le 20 mars, des milliers de végétariens à travers le monde organisent des actions pour informer le public sur le mode de vie végétarien filière d’ap- et les raisons qui motivent leur choix. Cette an- provisionne- née, des manifestations ont eu lieu dans treize ment d’huile de villes françaises et deux villes suisses. Toute palme qui ne contribue pas à la déforestation et Politique, Yves Dupont décrypte ce discours l’année, il est possible de contacter l’un de ces et respecte les normes sociales. Ils sont à la et détaille pourquoi il faut, au contraire, pleurer groupes pour demander des conseils ou poser base de la « Table ronde sur l’huile de palme ces paysans qui disparaissent. Dans l’introduc- des questions. durable » (RSPO). tion au dossier qu’elle coordonne sur les pay- www.journee-sans-viande.info/ sans, Estelle Déléage résume à merveille les abî- En novembre, l’organisation non gouver- mes qui séparent l’agrobusiness mondialisé de nementale la Déclaration de Berne (DB) s’était la paysannerie. L’article de Christian Mouchet Guide gastronomique fait l’écho des syndicats de travailleurs agricoles et Catherine Darrot sur l’agriculture polonaise, Pour manger sain dans plus de vingt villes qui dénoncent, parmi les critères de « durabi- où travaille encore 19 % de la population active de France, le Guide des restaurants végétariens lité », l’absence d’interdiction du paraquat. Cet du pays, est passionnant. de France et ses plus de 250 adresses est une herbicide, largement utilisé dans les plantations bonne entrée. Pour chaque restaurant, il fournit d’huile de palme, tue chaque année des milliers Paysans malgré tout ! Ecologie et Politique, un descriptif, les horaires d’ouverture, ce qu’on de paysans. Depuis, les critères ont été modifi és. 31, 2005. peut y manger, à quel prix et le pourcentage en « Ce n’est pas une victoire à 100 %, mais un bon approvisionnement bio des ingrédients utilisés point de départ pour aboutir à l’interdiction LIVRES en cuisine. Cette maison d’édition publie aussi du paraquat en 2008 », s’est réjouit François des livres de recettes bio fort appétissantes. Meienberg, de la DB. Fin de vie www.laplage.fr www.evb.ch/fr/p25005750.html A Jorwerd, la dispa- www.sustainable-palmoil.org rition des paysans et du monde qui va avec est allé CONSOMMATION très vite lors du dernier de- mi-siècle. Dans ce village ty- L’huile de palme REVUE pique de Frise, aux Pays-Bas, L’huile de palme a plusieurs points communs La disparition le supermarché a remplacé la vente à la ferme, avec le soja : ses usages sont multiples et elle des paysans réjouit la voiture le vélo, les farines animales l’herbe, détruit la forêt. Plus de 80 % de la production certains philoso- les trayeuses automatique les garçons de ferme. mondiale provient de Malaisie et d’Indonésie, phes français, qui les Et au bout du compte ? Rien qui vaille. Il ne où les rangées de palmiers à huile remplacent assimilent à un con- subsiste qu’un seul paysan dans le village dont des forêts tropicales. Et puisque la demande servatisme hostile au la population a fondu de 620 à 330 habitants de reste forte, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et la progrès et rebelle à la 1950 à 1995. Et il n’est pas rare que les vaches Colombie s’y mettent. Le grand distributeur démocratie. Dans un ar- donnent naissance par césarienne, car le veau suisse Migros cherche à créer, avec le WWF, une ticle de la revue Ecologie qu’elles portent, d’une race à viande, est trop DOSSIER LaRevueDurable N°20

LA PÉDAGOGIE PAR L’EXEMPLE (et le Palais) 64 Chaque soirée du cycle de conférences de LaRevueDurable était précédée d’un buffet composé en majorité de produits biologiques et locaux. En plus d’agrémenter les soirées, ces buffets ont attiré les gens une heure avant le début de la confé- rence, leur donnant le temps de se rencontrer et de se renseigner sur les stands des organi- sations. En tout, envi- ron 790 repas ont été servis. A Lausanne, Bandes dessinées Fabrizio Ilardo a dû La nouvelle bande dessinée faire face à une avalanche de demandes pour du Grad raconte deux histoires dévoiler la recette de sa soupe à la courge et à la bien connues des altermondialistes. vanille. Et sa compagne Sinika Bohnet lui a fait L’une est celle des poulets européens qui une rude concurrence avec un succulent plat grand pour naître naturellement. Geert Mak coulent les producteurs camerounais. L’autre de lentilles. A Genève, le couscous végétarien relate avec sensibilité et force détails les derniè- met en scène Lee, paysan sud-coréen qui s’est d’Imane Lauraux et son équipe de bénévoles res années d’une culture qui perdurait depuis suicidé pendant la réunion de l’Organisation hypermotivées ont fait les délices du public qui des siècles et ne vit plus aujourd’hui que dans le mondiale du commerce de Cancun. Mais elle ne peut que regretter que ce Lo’13’to (pronon- souvenir de ses derniers représentants. n’en reste pas aux tristes réalités et imagine un cer l’aut’ restau) soit ouvert uniquement sur futur meilleur. Un dossier pédagogique et des demande. A Neuchâtel, on ne pouvait qu’être Geert Mak. Que sont devenus les paysans ? jeux fi gurent à la fi n de l’album. surpris qu’une seule ferme, celle de Danielle 1950 – 2000. Jorwerd, village-témoin, Paris, Rouiller, puisse fournir autant de céréales, fro- Autrement, 2005. Une deuxième bande dessinée de cette col- mages, charcuteries et légumes différents. Des lection aborde le commerce équitable illustré victuailles mises en valeur par le délicieux pain par la vie de travailleurs dans différents en- bio de la ferme Le Chat noir, où il est en vente. Nourrir le monde droits du globe. L’analyse, chiffres Pour ceux qui désirent reprendre l’idée, voi- à l’appui, de Mar- ci les adresses des restaurateurs qui ont nourri cel Mazoyer et de les discussions : Laurence Roudart, agronomes et spé- Fabrizio Ilardo, Grande-Rue 51 cialistes des échanges 1373 Chavornay, tél. : 079 365 75 68 agricoles, sur l’urgence qu’il y a à soutenir les Sinika Bohnet, La Cafetière verte, rue de la petits paysans pour Des bulles sur les mar- Barre 18, 1005 Lausanne, tél. : 076 318 19 40 vaincre la faim et la pau- chés agricoles, Grad. vreté dans le monde reste l’une des plus so- Association Lo’13’to, 17-19, rue des Gares lides qui soit. La relire sera toujours profi - 1201 Genève, tél. : 022 733 71 20 table. D’autres articles plus « mainstream » complètent cet ouvrage collectif sur les pers- Danielle Rouiller, Aurore 6 pectives pour nourrir des humains toujours 2053 Cernier, tél. : 032 853 78 06 plus nombreux. Des bulles dans le Ferme Le Chat noir, Mur Marcel Mazoyer et Laurence Roudart commerce, Grad. www.lechatnoir.ch (sous la direction de). La fracture agricole et ali- mentaire mondiale, Universalis, Paris, 2006. www.grad-france.org Et pour la vaisselle compostable : www.grad-suisse.org www.pacovis.ch g LaRevueDurable N°20 DOSSIER

LRD Bilan du cycle de 3 x 3 conférences inspirées du « Cauchemar de Darwin »

Le cycle de neuf soirées que LaRevueDurable portion de jeunes. Sans doute cela atteste-t-il une demande à laquelle LaRevueDurable a pu a organisé sur l’agriculture avait deux buts ma- leur très fort intérêt pour tout ce qui touche au moins apporter des éléments de réponse. jeurs. D’abord informer sur l’impact social et au commerce international. Il faut dire aussi 65 écologique des règles actuelles du commerce que les deux « fées » de LaRevueDurable ont Un lieu de rencontre agricole. Essayer ensuite de comprendre quoi beaucoup usé de l’affiche et du courriel pour faire et comment s’y prendre dès lors que l’on attirer ce public-là. Plusieurs des six orateurs ont reçu des solli- a compris que ces règles injustes poussent citations pour présenter leurs travaux ailleurs. l’agriculture sur une pente non durable. Le but Même si le gros de l’assistance était com- Et la plupart des représentants d’organisations n’était donc pas d’animer des débats contra- posé de non-spécialistes, les milieux agricoles qui tenaient des stands et ont participé à une dictoires, mais de rassembler des gens qui par- étaient très présents sur les trois soirées. Les table ronde ont manifesté leur enthousiasme. tagent des préoccupations et des intérêts com- conférences sur l’Asie du Sud-Est et le Burkina Catherine Morand (Swissaid) nous félicite muns, d’assumer un rôle éducatif dans l’esprit Faso ont attiré des agronomes, des membres « pour le nombreux public que [nous] avons d’une université populaire, en outre tournée d’organisations non gouvernementales de dé- réussi à drainer. Surtout des jeunes d’ailleurs. » vers l’action grâce à la présence, tout le long du veloppement et des personnes actives dans la Tobias Frey (Helvetas) et Martin Rohner (di- cycle, d’organisations engagées. coopération. A Genève 3, parmi quelques Afri- recteur général de la Fondation Max Havelaar cains, plusieurs Burkinabés sont venus. Suisse) ont regretté l’absence d’initiative simi- Les soirées 1 avaient pour thème la destruc- laire en Suisse allemande. tion des écosystèmes et des petits paysans par Pour les organisateurs, la grande leçon de ce les cultures d’exportation, en l’occurrence du cycle est qu’il est impossible de faire une soirée Du côté de l’intérêt manifesté aux stands, soja en Amérique du Sud (Marc Hufty) et di- sur un thème limité. Le cas de la soirée 1 à Lau- Aline Clerc (FRC) a eu de « très bons re- verses cultures de rentes en Asie du Sud-Est sanne sur les aspects écologiques et sociaux tours, beaucoup d’intérêt ». Jean-Claude (Marc Dufumier). Les soirées 2 portaient sur la des dégâts dus au soja est éclairant. Lors de Huot (secrétaire permanent à la Déclaration réorganisation des marchés agricoles du mon- la table ronde, des questions insistantes sont de Berne) a reçu des signatures. Pierre Flatt, dial au local (Claude Auroi) et le commerce venues sur le capitalisme, le néolibéralisme, du centre de documentation de l’Alliance équitable comme outil de développement et la dépendance de l’Europe aux protéines vé- Sud, a rencontré « un public sensibilisé [et] de justice sociale (Guy Durand). Les soirées 3 gétales étrangères. Or, il n’est pas possible de différent de nos usagers habituels. Cer- tains nous ont rendu visite par la suite ». Et Jean-Claude Huot et Pierrette Rey (WWF) ont noté un public « mixte et diversifié », pas composé que d’habitués.

Le Lopin bleu a engrangé de l’intérêt et Le Jardin potager quelques nouveaux contrats. Rudi Beerli (Uniterre) conclut que la soirée a fait connaître le syndicat Uniterre. Et Jac- traitaient de la souveraineté alimentaire au prétendre, comme nous l’avons fait ce soir-là : ques Roura (Amaps Haute-Savoie) « a fait Burkina Faso (Gil Ducommun) et de l’agricul- « Revenez en soirée 2, car nous évoquerons la beaucoup de contacts intéressants au stand ». ture durable dans le Grand-Ouest en France réorganisation des marchés agricoles. Et re- Enfin, Martin Rohner a apprécié qu’une revue (Christian Mouchet) en rapport avec l’agricul- venez aussi en soirée 3, car nous aurons un ait pris l’initiative d’un tel cycle, car c’est une ture contractuelle de proximité. spécialiste de l’agriculture durable. » Les gens entité plus neutre que les œuvres d’entraide veulent des réponses sur-le-champ. ou l’administration fédérale. De même, de très Un public nombreux et diversifié nombreux participants ont remercié la revue Cela n’a toutefois pas empêché les deux d’avoir « fédéré » un tel cycle. Au total, environ 550 personnes ont assisté buts majeurs de LaRevueDurable d’être at- à la première soirée, 500 à la deuxième et 410 teints : informer le public dans l’esprit d’une Plusieurs intervenants ont trouvé que La- à la troisième. Et malgré la fidélité de plusieurs université populaire et appuyer les organisa- RevueDurable n’avait pas assez préparé les centaines d’ « habitués » aux trois soirées, il y tions qui œuvrent pour un commerce agricole tables rondes, laissant notamment trop la a eu un grand roulement au cours du cycle. Le plus juste, une agriculture plus écologique et discussion partir en direction des orateurs public des conférences était plutôt hétérogène, de proximité. Il est impossible de chiffrer l’im- principaux. Cependant, nombreux sont ceux, mélange d’étudiants avancés, de personnes pact réel du cycle, mais malgré ses imperfec- et souvent les mêmes, qui nous suggèrent de dans la force de l’âge et de retraités. De façon tions, environ 1000 personnes sont venues au récidiver ou sont partants pour participer si intéressante, les soirées 2, surtout à Lausanne moins une fois et 400 deux ou trois fois. Cela une telle récidive a lieu. g et à Neuchâtel, ont attiré une très forte pro- prouve que la thématique intéresse, qu’il y a 94.5x134+5_vecto 30.3.2006 11:16 Page 1 100% Ecologique Eclairages lumière du jour à très basse consommation

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Renvoyer le talon-réponse à : Les Verts NE, Secrétariat cantonal, Les projets sont examinés par le conseil de fondation, rue de la Côte 39, 2400 Le Locle, ou par courriel en mentionnant comme sujet qui se réunit trois fois pas an, en mars, en juillet et en « pré-inscription Uni d’été 2006 »: [email protected] novembre. Renseignements complémentaires: 032 852 07 26 ou 032 855 14 53

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fax : + 41 26 435 33 71 N LaRevueDurable N°20 AGENDA

Agenda

MONDE SUISSE

Festival de la terre Fête du développement durable 67 Le Festival mondial de la terre est une grande célébra- le Grand Palais. Le week-end des 3 et 4 juin sera festif à Genève tion de la planète. Elle a lieu du 19 au 25 juin dans trente avec l’inauguration du parc Jean Baptiste Lebas et un Genève fête le développement durable les 10 et pays sur les cinq continents. Thème de cette année : programme de visite de jardins privés. Le 4 juin, une 11 juin. Evénement unique en Suisse, à ne rater sous l’eau. L’événement repose sur les initiatives d’individus balade urbaine aura pour thème « la place de la nature aucun prétexte. Toutes les informations figurent au dos et d’associations qui, partout, proposent des manifesta- dans la ville dense ». de cette revue. tions. Lors de la première édition, en 2005, des anima- Tél. : + 33 (0)3 20 15 93 72 tions ont eu lieu dans trente départements français. Exposition En Suisse, l’association NiceFuture relaie cette ini- Journée de débats La biodiversité des espèces, des écosystèmes et des tiative. Du 21 au 25 juin, elle organise concerts, exposi- Le Centre d’études sur le transport et l’urbanisme cultures de Suisse s’expose au Muséum d’histoire natu- tions et spectacles humoristiques au Flon, à Lausanne. (Certu) organise le 30 mai, à Lyon, une journée de relle de la Ville de Genève. Toile de vie ! Exposition du 4 Des personnalités de tous bords y sont attendues pour conférences et débats sur « quelle mobilité après le avril au 24 septembre 2006. faire leur déclaration d’amour à la planète. Tout un pétrole...? » Sept conférenciers, dont Jean Laherrère et chacun est invité à prendre des initiatives partout en Jean-Luc Wingert, évoqueront le pic du pétrole et son 1, route de Malagnou, 1208 Genève Suisse romande. impact sur les transports. Entrée libre. Ouvert du mardi au dimanche, de 9h30 à 17h. www.festivaldelaterre.org www.certu.fr www.nicefuture.com Pour des informations sur les activités qui entou- rent cette exposition, qui se déroule en parallèle à Foire celle du Musée d’histoire naturelle de Berne : FRANCE Biocybèle, la foire aux produits de l’agriculture www.biodiversite.ch biologique et aux alternatives du Grand Sud-Ouest, se tient cette année les 4 et 5 juin à Gaillac (parc Foucaud). Placée sous le thème du pain, cette 24e édi- tion accueillera, le temps d’une conférence, le profes- seur Belpomme, cancérologue et président de l’asso- ciation Artac.

Semaine du développement durable La Ville d’Orléans organise, les 10 et 11 juin, la Fête du développement durable. Des conférences, des animations de rue, 150 exposants prendront leurs quartiers sur les bords de la Loire et place de la République pour offrir aux visiteurs les moyens de s’informer et d’agir. Semaine de réflexion Comment concevoir la ville durable ? En quoi les projets de renouvellement urbain peuvent-ils y contri- Rencontres buer ? Ce sont les thèmes de réflexion que proposent Le Salon Habis sur la construction saine et les éner- Assemblée de LaRevueDurable la Ville de Lille et ses partenaires, du 29 mai au 4 juin, à gies renouvelables a lieu les 10 et 11 juin à Landogne, L’Assemblée annuelle de l’association Les l’occasion d’une semaine « Nouvel art de ville, nouvel près de Pontaumur, dans l’ouest du Puy-de-Dôme. amis de LaRevueDurable se réunit jeudi 1er juin, art de vivre », qui s’inscrit dans la Semaine nationale Tél. : + 33 (0)4 73 79 90 06 à Fribourg. Elle est ouverte à tous ceux qui veu- du développement durable et de la campagne de cette lent soutenir la revue. année « Lille Ville Nature ». Ecrire à [email protected] Les 29, 30 et 31 mai, le colloque « Du rêve écolo- pour recevoir la convocation. Les lecteurs de la gique et culturel à la réalisation de la ville durable » revue qui souhaitent adhérer à l’association, mais réunira élus, universitaires, techniciens, acteurs locaux qui ne peuvent pas venir à l’assemblée, sont aussi et habitants venus de toute l’Europe. Du 31 mai au invités à s’annoncer. 2 juin, les Assises européennes du paysage occupent CORRESPONDANCE LaRevueDurable N°20

A propos de l’interview de Mathis Wackernagel, clairement, la question prépondérante est la suivante : Celles et ceux qui sont conscients de la crise écolo- 68 « Le monde vit au-dessus de ses moyens écologiques », comment pouvons-nous donner du bien-être aux gique se heurtent souvent au désintérêt de leurs pro- LaRevueDurable n° 18. gens avec, en moyenne, moins de 1,8 hectare d’es- ches, mais chaque cas reste particulier et relève de la pace bioproductif par personne ou 1,2 si nous passons sphère privée. Peut-être, si vous avez la motivation, Mon père est un pianiste virtuose qui interprète la à une population globale de 9 milliards ? Et même pouvez-vous l’exposer et l’expliquer en détail à un (très belle) musique des compositeurs français (Ravel, encore moins si nous voulons laisser assez d’espace tiers compétent et formé en tant que médiateur qui Debussy, Saint-Saëns…) aux quatre coins du monde. aux espèces sauvages pour qu’elles survivent et s’épa- pourrait intercéder entre vous et votre père. Mais voilà, à force de prendre l’avion chaque semaine, nouissent. j’ai calculé que son empreinte écologique est de treize Une autre possibilité serait d’offrir à votre père un planètes ! Je n’ai encore jamais osé en parler avec lui. Qu’est-ce que cela signifie pour votre père ? Il joue « billet climatique » pour son prochain anniversaire. Comment aborder avec nos proches le thème de la du piano pour augmenter la qualité de vie de per- Ce billet, au prix de 5 euros par heure de vol, « com- modification des comportements sans qu’il soit perçu sonnes – et vous reconnaissez que cela nécessite des penserait » ses émissions de dioxyde de carbone (CO2). comme une intrusion déplacée dans la vie privée et ressources. Les sociétés peuvent choisir d’avoir plus de Compenser l’ensemble de ses déplacements aériens avec une chance d’être entendu ? Il doit bien y avoir des concerts de piano et moins d’autres choses. Peut-être, serait trop onéreux, mais vous pouvez acheter ce billet « techniques » ! la société est-elle satisfaite avec ce choix de concerts, pour un concert qui lui tient particulièrement à cœur, Pourquoi pas une rubrique dans LaRevueDurable peut-être cela vaut-il les ressources nécessaires. Ou par exemple. Cela vous permettrait de lui montrer que (avec exemples de dialogues à l’appui) ? peut-être que ce que vous voulez réellement, c’est par- le problème est si grave que des organisations essaient tager avec votre père votre préoccupation pour l’ave- d’y répondre, et de vous sentir ainsi moins accablé par Benjamin Rogé, nir et votre inquiétude à propos des contraintes qui son empreinte écologique. Lille, France nous lient. En jouant du piano pour d’autres, votre père leur apporte quelque chose de la façon la plus www.co2solidaire.org merveilleuse qu’il connaisse. Dès lors, la question de www.myclimate.org la transformation revient vers vous : êtes-vous prêt à LRD Cher Benjamin Rogé, vous engager avec lui pour l’aider à rendre sa vie encore plus merveilleuse et satisfaire une gamme encore plus Le propos de l’Empreinte écologique n’est pas de large de besoins ? Etes-vous capable de faire preuve de dire aux gens combien ils sont mauvais ou qui a tort. tant de compassion et d’attention à son égard qu’au Il s’agit d’un instrument de mesure qui rend visible bilan il veuille mettre son énergie créatrice à aider à ce qui est (de combien de nature disposons-nous et trouver des moyens pour que l’humanité s’éloigne du combien en utilisons-nous) et aide ceux qui veulent dépassement écologique ? prendre des initiatives contre notre possible mort écologique. Mathis Wackernagel

Notre approche est en premier lieu un engage- www.footprintnetwork.org ment pour la qualité de vie des gens. Des empreintes écologiques plus grandes aident parfois à l’améliorer. Lien : www.grist.org/advice/ask/2005/12/14/foot- Bien manger et disposer d’un habitat sûr et conforta- print/index.html?source=daily ble nécessite des ressources. Mais le point central est que la nature nous procure seulement les ressources d’un budget : en moyenne globale, 1,8 hectare d’es- pace bioproductif par personne. Si notre demande Bonjour Benjamin, collective en ressources devient si importante qu’elle se met à excéder la capacité régénératrice de la bios- Merci de votre lettre et de la question fondamen- phère, alors nous minons la capacité écologique de la tale qu’elle soulève. Malheureusement, il n’y a pas de Terre à satisfaire les besoins de tous. solution « clef en mains » au problème que vous nous soumettez. S’il existait des « trucs » simples pour con- Ce que les résultats de l’empreinte écologique vaincre ses proches, famille ou amis, il est vraisem- montrent est que nous avons à l’heure actuelle un blable que cela se saurait. Nous-mêmes, rédacteurs problème – un problème collectif. Nous avons besoin de LaRevueDurable, ne savons pas comment convain- d’inviter le plus possible de gens à mettre leur énergie cre nos proches qu’il est nécessaire de réorienter nos créative à comprendre ce que nous pouvons faire pour comportements collectifs pour moins peser sur les surmonter ce défi du dépassement écologique. Dite ressources fragiles et limitées de la biosphère. LaRevueDurable N°20 CORRESPONDANCE

A propos de l’article « Pas à pas, le marcheur peut Monsieur, La fonction symbolique des aménagements éphé- reconquérir l’espace urbain », de Sonia Lavadinho et mères est d’autant plus importante qu’ils restent, jus- 69 Yves Winkin, LaRevueDurable n° 18. Nous vous remercions d’avoir pris le temps de tement, une parenthèse hors du temps de la ville. Dans nous lire et de nous faire part de vos commentaires le cas particulier de Paris-plage, l’aspect saisonnier Madame, Monsieur, sur les aménagements éphémères des berges de la joue un rôle majeur. A l’instar des vraies plages, la Seine. Les opérations éphémères, comme les actions saison d’été est celle qui convient le mieux aux plages Les jardins éphémères aménagés au mois d’août sur immatérielles, peinent à trouver une légitimation à d’illusion. Où serait l’intérêt d’un Paris-plage perma- les berges de la Seine paraissent idylliques vus de loin. l’égard des opérations infrastructurelles qui sont fai- nent, hiver comme été ? Pour les Parisiens cela l’est beaucoup moins, ce sont des tes pour durer. Le coût-bénéfice de l’éphémère versus « jardins électoraux » pour le maire de Paris, sans plus. le durable fait l’objet de maints débats avant, pen- Votre suggestion de construire des jardins perma- Ces jardins coûtent, de l’aveu même de M. Delanoë, dant et après le déroulement de l’opération, au sein nents pour l’agrément des Parisiens est tout à fait per- 700 000 euros à la Ville. Avec cet argent, il serait plus intel- du monde politique et parmi les citoyens. tinente, mais elle répond à un autre besoin. Il y aurait ligent de construire des jardins permanents sur d’autres donc une pesée d’intérêts à faire entre un éphémère berges, Rive gauche par exemple, mais ça ne ferait pas Beaucoup de villes, néanmoins, font le choix cyclique qui maximise les bénéfices du pic de la saison mousser M. Delanoë. Je rappelle pour mémoire que les d’investir dans des actions éphémères, en Europe chaude et des aménagements peut-être moins visibles, voitures ne passant pas sur la voie sur berges passent et ailleurs dans le monde. Des jeux olympiques aux aux incidences plus locales, mais apportant des béné- sur les quais Ponts et y créent des embouteillages d’où expositions universelles, des carnavals aux fêtes de fices constants au quotidien des habitants. Trancher une pollution aggravée. Quand on sait qu’une voiture la musique, des cérémonies religieuses aux jeux de n’est pas aisé. C’est justement dans cette marge d’ac- à vitesse stabilisée sur les berges pollue quatre fois moins cirque, l’Evénement est indissociable de la Cité. Cette tion que résident les choix du politique, les choix du que la même sur les quais Ponts, on peut se demander où tendance est plus que jamais d’actualité. La ville évé- vivre ensemble en société. est le bénéfice pour les Parisiens, mais on voit très bien nementielle fait écho à une lame de fond sociétale où il est pour le maire. Cela en bon français s’appelle du qui est également perceptible dans les médias, les Dans un contexte urbain où la ressource « sol » se racolage électoral et de la démagogie. J’ajoute pour finir nouvelles technologies de la communication, l’or- fait de plus en plus rare, et les conflits d’usages tou- que je n’ai pas de voiture et que j’utilise les transports en ganisation même de nos agendas quotidiens. Ce qui jours plus pressants entre les besoins de qualité de commun, ce qui me permet de juger cette « amélioration fait événement est connoté positivement par une vie et de mobilité, cette valorisation différenciée de de la vie » selon M. Delanoë. majorité de citoyens qui va croissant, ce qui, nous l’espace public au rythme des saisons nous semble en convenons, ne reflète pas pour autant la totalité tirer parti en finesse des potentialités des berges de Recevez mes salutations, de la population. la Seine. Gabriel Pagny Paris Sonia Lavadinho et Yves Winkin

Consultez notre site Prochains dossiers de LaRevueDurable : Juillet-août 2006 : www.larevuedurable.com La montagne ou appelez le + 41 (0)26 321 37 10 Septembre-octobre 2006 : pour connaître le point de vente Les déchets de LaRevueDurable le plus proche de votre domicile brèVES LaRevueDurable N°20

Brèves générales

Barroso, roi du 4x4 cule que les retombées économiques pour la Guyane Genève, Neuchâtel, Vaud, Bâle-Ville et Zurich veillent se résument à 50 euros par kilo d’or. Une pétition est à s’approvisionner en bois et en papier durables. Les 70 Une dizaine de militants de l’association belge 4x4 à signer en ligne. autres, qui n’ont pas de politique en la matière, sont info ont rendu visite à leur premier ministre et à leur www.collectifor.ouvaton.org complices de la destruction des forêts anciennes. ministre de l’Environnement pour protester contre la www.foretsanciennes.ch procrastination des fabricants de voitures. Afin d’évi- ter des normes ayant force obligatoire, l’Association Oléoduc au large du lac Baïkal des constructeurs automobiles européens faisait en Le 21 avril, une foule défile à Moscou sous les slo- Pétition 1998 la promesse auprès de la Commission euro- gans « Plutôt le Baikal que le pétrole » et « Pour que « Arrêter les études sur le réservoir de Charlas et péenne de réduire les émissions moyennes de dioxyde vive le Baikal ». Les associations écologistes dénon- étudier les solutions alternatives » est le titre d’une de carbone (CO2) à 140 g/km d’ici 2008. Or, en 2005, cent le projet de Transneft, compagnie d’Etat russe, nouvelle pétition du Comité contre Charlas, pour la les voitures des constructeurs européens émettaient qui prévoit de faire passer un oléoduc à 800 mètres sauvegarde de la Garonne, qui s’oppose à la création en moyenne 160 g de CO2/km, soit seulement 1 % de du lac. Et voilà que cinq jours plus tard, Vladimir d’un barrage destiné à capter l’eau pour arroser le moins qu’en 2004. Poutine annonce à la télévision que le tracé de l’oléo- maïs. La pétition demande que plus aucun denier duc, qui acheminera le pétrole depuis la Sibérie vers public n’aille dans des études pour la construction du Ils en ont profité pour se plaindre du président le Pacifique, a été revu : il passera à 40 kilomètres au barrage et que les fonds soient investis dans d’autres de la Commission européenne, José Manuel Barroso, large du lac. solutions pour mieux gérer l’eau dans l’agriculture. qui roule en 4x4. Et pas n’importe lequel : il a choisi www.uminate.asso.fr une Volkswagen Touareg, celle-là même qui a gagné Pour les plus de 100 000 citoyens russes qui ont le Prix Tuvalu du dérèglement climatique. Selon le signé la pétition contre le premier projet, les associa- Réseau Action climat (Rac), qui décerne le prix, ce tions écologistes et l’Unesco, c’est le soulagement. Ils Anniversaire et bilan modèle rejette 346 g de CO2/km et consomme 17,9 s’étaient émus de voir ce bijou, classé au Patrimoine Le droit de recours des organisations fête ses 40 litres aux 100 kilomètres. mondial, menacé de marée noire à la première rup- ans en Suisse. Combien d’années lui reste-t-il à vivre ? http://webage.be/4x4info/photos.htm ture de tuyau. Situé au sud-est de la Sibérie, le lac La question se pose dès lors que 25 propositions trai- Baïkal, d’une superficie de 3,15 millions d’hectares, tant du sujet ont été déposées aux Chambres fédéra- est le plus ancien (25 millions d’années) et le plus les. La plupart demandent l’affaiblissement, voire la Mine d’or profond (1700 m) lac du monde. Il contient 20 % des suppression du droit des associations de plaider la On la croyait à l’abri. La montagne de Kaw, site eaux douces non gelées de la planète. Son ancienneté cause de l’environnement et du patrimoine naturel d’une biodiversité exceptionnelle nichée au cœur de et son isolement ont produit l’une des faunes d’eau et culturel. Pourtant, les statistiques montrent que ce la forêt tropicale, se trouve dans le périmètre du Parc douce les plus riches et originales de la planète, ce droit est utilisé à bon escient. Sur 100 000 autorisa- naturel régional de Guyane et jouit de plusieurs sta- qui lui vaut le surnom de « Galapagos de Russie ». tions de construire délivrées chaque année en Suisse, tuts de protection nationale et internationale. Son Familières des manigances du pouvoir en place, les seulement 244 ont fait l’objet d’un recours pour des malheur est de ne pas abriter que des plantes et des associations restent néanmoins méfiantes. questions écologiques. Sur ces 244 cas, 84 % ont été animaux de grand intérêt, mais aussi de l’or. Un tré- www.greenpeace.org/russia/en/ réglés sans l’intervention de la justice et 60 % très sor que la multinationale canadienne Cambior se rapidement. Les organisations environnementales propose d’exploiter en ouvrant une gigantesque mine ont été désavouées dans seulement 18 % des cas. à ciel ouvert. Pas de politique contre le bois illégal Le baromètre de l’abattage de bois illégal annonce Une coalition d’associations coordonnées par le un avis de tempête. Le WWF a regardé à la loupe Encyclopédie Comité de solidarité avec les Indiens des Amériques la politique de 23 pays européens concernant l’abat- L’Association 4D lance le projet d’Encyclopédie et le collectif « Quel orpaillage pour la Guyane » font tage de bois illégal. Le Royaume-Uni occupe la tête du développement durable : plus de 200 articles écrits la liste de toutes les menaces. L’exploitation de ce site du hit-parade du baromètre, suivi des Pays-Bas, du par des personnalités qualifiées feront le point des entraînera une déforestation et une pollution néfastes Danemark, de la Lettonie et de la Belgique. La France enjeux, débats et orientations souhaitables sur les dif- pour la faune et la flore. Sur la durée du projet (sept arrive 7e, la Suisse 13e. Mais, selon le rapport, aucun férentes problématiques du développement durable. ans), plus de 9 millions de tonnes de roches seront pays n’a de politique satisfaisante. La souscription est ouverte. broyées et mélangées à 30 000 tonnes de produits www.panda.org/barometer [email protected] chimiques (cyanure, chaux...). Sans compter qu’un accident industriel est évidemment possible. Le fleuve Comté, d’où la ville de Cayenne tire son eau, serait Des cantons plus écolos que d’autres alors pollué au cyanure. Action commune de Greenpeace, du WWF et du Fonds Bruno-Manser, Foretsanciennes.ch a enquêté L’argument de Cambior ? La création de plus de auprès des cantons suisses pour connaître la durabilité 300 emplois. Le collectif n’est pas convaincu. Il cal- de leurs achats en bois et papier. Seuls les cantons de DOSSIER Sur la piste d’une mobilité différente DOSSIER DOSSIER Agriculture locale et commerce équitable Des technologies appropriées pour la construction, l’eau et la santé

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Retrouvez LaRevueDurable savoirs • sociétés • écologie • politiques publiques RENCONTRE savoirs • sociétés • écologie • politiques publiques savoirs • sociétés • écologie • politiques publiques JACQUES GRINEVALD : MINIDOSSIER

LaRevueDurable Nicholas Georgescu-Roegen, La publicité harcèle dissident de l’Occident les enfants, et peu LAREVUEDURABLE PRÉSENTE : et visionnaire de la de parents CYCLE DE CONFÉRENCES décroissance s’en rendent compte tous les deux mois : au « CauchemarQuelles de Darwin réponses » ?

RENCONTRE BERNADETTE BENSAUDE-VINCENT : Les citoyens ont leur mot R E N C O N T R E MATHIS WACKERNAGEL : à dire sur la recherche Le monde vit au-dessus scientifi que de ses moyens écologiques  40 pages de dossiers,

PERSPECTIVE Pour une organisation GEORGE mondiale MONBIOT du commerce équitable clairs et bien documentés Des maisons chaudes et bon marché en paille Appel à soutenirCOUP DE PROJECTEURl’EcoZAC du XIIIe RécupérerDOSSIER l’eau arrondissement de Paris La paysannerie qui tombe du ciel : 9.–

€  l’actualité internationale : 9.– : 9.– € € familiale SUR LA PISTE estDes capable toilettes sèches d’intensifipour économiser er l’eau D O S S EI R du développement durable la productionet fabriquer du compost agricole Au Pérou et au Mexique,Le neem, arbre à miracles la consommation équitable D’UNE débarque sur les marchésqui locaux tue les moustiques

vecteurs du paludisme ISSN 1660-3192 CHF : 15.– MOBILITÉ  des débats et des opinions ISSN 1660-3192 CHF : 15.– ISSN 1660-3192 CHF : 15.– Dans l’Ouest français, le RAD apporte des solutions DOSSIER DIFFÉRENTE Des entreprises aident leurs employés l’agriculture Encontractuelle Suisse et en explose France DES - RD

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L 18717 L 18717 ET COMMERCE ÉQUITABLEAGRICULTUREL 18717 LOCALE POUR LA CONSTRUCTION,APPROPRIÉES L‘EAU ET LA SANTÉ : NUMÉRO 18 NUMÉRO 20 NUMÉRO 19 • DÉCEMBRE 2005 - JANVIER 2006 • AVRIL - MAI - JUIN 2006 • FEVRIER - MARS 2006

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