Débat Animé Par Yves Alion Après La Projection Du Film Coup De
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jean marbœuf Débat animé par Yves Alion après la projection du film Coup de sang, à l’Ecole Supérieure de Réalisation Audiovisuelle de Paris le 16 novembre 2006. Avec la participation de Baptiste Magnien, directeur de la photo. Jean Marbœuf est un auteur, au meilleur sens du terme. Il est de ceux dont les films sont l’émanation la plus sincère de sa pensée, de ses émotions, de sa vision du monde. Ce n’est pas de l’orgueil, encore moins de la vanité, mais la marque d’une sincérité, d’une éthique. Quels que soit son amour du cinéma et la nécessité de travailler pour faire bouillir la marmite, les commandes éventuelles doivent montrer patte blanche pour être validées. C’est le cas de nombreux films de télévision qui sans déroger permettent le plus souvent de patienter entre deux films de cinéma. Mais qu’il s’agisse du petit ou du grand écrans, les films de Jean Marbœuf forment une œuvre, cohérente, politique, poétique, baignée d’un humour délicieux qui plus que jamais est la politesse du désespoir. Car autant les films de notre homme témoignent de son empathie, voire de sa passion, pour le genre humain, autant ils se montrent critiques à l’égard de la façon dont la société s’organise, voire de celle dont se nouent les sentiments, trop souvent incontrôlables, maladroits, déphasés. Anarchiste, donc idéaliste dans l’âme, le cinéaste visite parfois l’Histoire, pour mieux en dénoncer les Coup de sang lâchetés et les bassesses. Intransigeant sur le fond, Marboeuf n’en dédaigne pas pour autant la forme, se régalant depuis quelques années des possibilités de trucages que permet le numérique. 145 Entretien Pour qui est chargé de la photo, y a-t-il des difficultés particulières à Coup de sang. tourner en caméra subjective ? (2006) Quelles difficultés avez-vous rencontrées à utiliser une caméra Baptiste Magnien : Je n’ai pas rencontré de subjective pour remplacer les yeux du personnage principal ? difficultés techniques particulières, si ce n’est Etant un peu bricoleur, Jean Marbœuf : L’écueil, c’est que les acteurs doivent regarder celle de porter la caméra. Nous avons fait en j’avais fabriqué un harnais la caméra alors qu’on leur demande de ne jamais le faire. L’objectif sorte de limiter les longueurs de trajets. Etant pour que Jean puisse remplaçant l’acteur du contrechamp, j’ai dû un peu bricoleur, j’avais fabriqué un harnais Le vrai problème porter la caméra plus tenir la caméra pour donner la réplique et pour que Jean puisse porter la caméra plus de la caméra subjective facilement, ainsi qu’une le regard afin d’instaurer le dialogue du film. facilement, ainsi qu’une poignée gauche pour est de faire adhérer le poignée gauche pour que Le vrai problème de la caméra subjective est que l’on voit ses deux mains. A l’inverse de spectateur à cet échange. l’on voit ses deux mains. de faire adhérer le spectateur à cet échange. l’émission Paris Dernière, créée et produite Pour y parvenir, j’ai commencé par des par Thierry Ardisson, qui explore en caméra plans-séquences. A mesure que le film se déroule, j’ai pratiqué subjective la vie nocturne de différents lieux parisiens, nous des ellipses, car c’est un film fait de trous de mémoire et de étions d’accord pour ne pas avoir la continuité totale des plans- bosses. Ici, le fond rejoint la forme. Je voulais parler à la première séquences. Le souvenir, fait d’une succession de petits moments, personne, pas celle de l’auteur mais celle du spectateur. nous permettait au montage de couper et de pratiquer des ellipses aussi souvent que possible. Par ailleurs, nous avons joué Aviez-vous vu des films tournés en caméra subjective ? avec les focales. J. M. : Le dernier en date est La Femme défendue de Philippe Harel. J’ai vu aussi Les Passagers de la nuit où le personnage Tourner en numérique vous a-t-il simplifié la tâche ? d’Humphrey Bogart, condamné à perpétuité pour le meurtre de B. M. : Dès le début, Jean souhaitait tourner en numérique. Et ce sa femme, s’évade de prison et fuit la ville. La première partie est film s’y prêtait particulièrement bien. Nous avons tourné avec filmée en caméra subjective. Au tiers du film, Bogart consulte un une toute petite caméra de poing Panasonic. En 35 mm, voire chirurgien esthétique qui l’opère. Et ce n’est que lorsqu’il retire en super 16, nous aurions rencontré de grosses difficultés. En ses bandelettes devant un miroir que le spectateur découvre termes de lumière et de format, le numérique et l’argentique son visage. A partir de là, le réalisateur abandonne la caméra diffèrent. Le numérique a l’avantage de la sensibilité, notamment subjective. avec cette caméra qui permet de retrouver des informations lointaines dans les basses lumières. Cela n’est pas possible en argentique. Par contre, avec le numérique se pose le problème 146 147 Coup de sang. des hautes lumières. Et il faut redoubler de vigilance avec les étalonnés. Au niveau de la postproduction, le film a été monté Coup de sang. (2006) contrastes. Nous avions en tout et pour tout sur le tournage sous Avid Xpress 16/9. Puis, j’ai récupéré toutes les informations, (2006) deux projecteurs mandarine et un Kino Flo de les EDL du film, c’est à dire tout le montage sur 60 cm. C’est-à-dire, rien. Même en reportage, Final Cut Pro en re-digitalisant l’ensemble du les équipes de tournage disposent la plupart film. Ensuite tous les plans ont été traités avec du temps de plus de matériel. J’ai donc essayé After effects. Pour passer au noir et blanc, il de jouer au maximum avec les éclairages des fallait dé-saturer les couleurs. Nous avions fait décors, que j’ai renforcés. Notamment pour au préalable des essais en noir et blanc avec éclairer les visages, lorsqu’ils étaient à contre- certains costumes tels que celui de la fleuriste, jour. Lorsque nous avons filmé les séquences qui ressortait bien à l’œil nu mais était terne nocturnes avec l’homme au chien, les deux une fois filmé. Quand la saturation n’offrait pas Coup de sang. mandarines étaient au septième étage d’un immeuble situé à un noir et blanc correct, lorsque le contraste des couleurs n’était Coup de sang. (2006) une dizaine de mètres, ce qui signifiait qu’elles étaient à 25 ou pas suffisant, je le renforçais avant de passer au noir et blanc. (2006) 30 mètres, serrées à fond. Et cela a été suffisant pour sortir une C’est-à-dire que je sursaturais les couleurs. Dans le restaurant, image. Certaines séquences sont réussies, je n’ai gardé que la couche rouge. Cette couleur prédominante J’ai joué le jeu du format d’autres ne fonctionnent pas. On s’en rend a permis de restituer de très beaux noirs. Quand nous avons pauvre, de la prise de compte au fur et à mesure du tournage. Nous gardé la couleur, nous avions deux cas de figures. Je traitais vue subjective, je n’ai pas n’étions pas dans le même décor au départ, qui les décors faciles via After effects qui permet de sélectionner essayé de faire quelque était plus éclairé. J’essaie de filmer le décor tel progressivement certaines couleurs inversées et de dé-saturer chose de trop léché. qu’il est avec sa lumière, que je modifie avec plus toutes les autres. L’exemple type est celui du fleuriste qui est le ou moins d’intensité. J’ai joué le jeu du format décor le plus abouti. J’ai commencé par sélectionner toutes les pauvre, de la prise de vue subjective, je n’ai pas essayé de faire couleurs qui allaient du jaune au rouge. Et je dé-saturais les bleus, quelque chose de trop léché. les verts et les cyans. A l’intérieur des jaunes et des rouges, je dé-saturais progressivement les rouges que j’assombrissais tandis Pourquoi avoir tourné en noir et blanc et en couleur ? que je renforçais les magentas et les jaunes. Une succession de B. M. : La Panasonic ne tourne qu’en couleur. Mais Jean voulait des filtres a permis d’obtenir l’ensemble de la gamme de couleurs séquences en noir et blanc. Nous avons transigé en ne gardant entre le jaune et le rouge léger et sombre. Les autres couleurs que certaines couleurs. Ayant tourné en couleur, il est très facile disparaissaient naturellement. D’autres décors, plus compliqués de passer au noir et blanc. Evidemment, tous les plans sont re- à faire, ont nécessité une rotoscopie, qui consiste à relever 148 149 image par image les contours d’une figure filmée en prise de techniciens qui peuvent passer devant moi et à leur tour me tirer vue réelle pour en transcrire la forme et les actions dans un film dans les moments de doute. d’animation. Ce procédé permet de redessiner la forme de ce que l’on veut uniquement garder. L’invitation à diner du fleuriste se fait Vous êtes-vous autoproduit ? Si oui, combien le film vous a t-il coûté ? en présence d’une cliente que je détoure pour qu’elle apparaisse J. M. : J’ai vendu les droits de mes films précédents ; j’ai payé mes en noir et blanc systématiquement. dettes et avec le reste j’ai produit Coup de sang pour 150 000 euros. Cette somme comprend Finalement, il y a eu plus de travail en postproduction que pendant le tournage, la postproduction, les salaires (pas le tournage.