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24 images

Mosaïque de Pierre Barrette

Number 91, Spring 1998

URI: https://id.erudit.org/iderudit/23646ac

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Publisher(s) 24/30 I/S

ISSN 0707-9389 (print) 1923-5097 (digital)

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Cite this review Barrette, P. (1998). Review of [Mosaïque / Deconstructing Harry de Woody Allen]. 24 images, (91), 51–51.

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une existence qui s'étale sous la forme d'une mosaïque complexe et changeante. Mais la grande originalité du travail de Allen rési­ de dans le second montage qu'il propose de son récit, un montage à l'intérieur des scè­ nes, pourrait-on dire, par lequel il confron­ te les événements de la vie de son personna­ ge aux histoires (romans, nouvelles) que ceux-ci lui ont suggérées. Ainsi, le specta­ teur doit sans cesse composer avec un uni­ vers qui se dédouble devant ses yeux, cha­ que scène de la vie réelle trouvant son écho dans une scène imaginaire. Le résultat est un incroyable lacis, un palais de miroirs où cha­ que personnage, chaque situation, chaque dialogue établit avec sa doublure une rela­ tion fascinante, d'où origine bien sûr une part de la drôlerie du film (les scènes «ima­ Woody Allen, et . ginées» sont le plus souvent à la limite du loufoque), mais en même temps toute sa profondeur. Deconstructing Harry étant un film très drôle, par moments tout à fait onirique aussi, offrant même dans certaines scènes des manières de décrochages délirants de fantaisie (il faut voir sa représentation de MOSAÏQUE l'enfer, avec Billy Crystal en patron des PAR PIERRE BARRETTE lieux...), on pourrait croire que c'est un Woody optimiste, un Woody heureux qui se représente dans cette ficton au second f art et la vie, la fiction et la réalité, cadre général de l'intrigue, pour sa part, degré. Pourtant, jamais Allen n'est apparu L l'œuvre et son modèle; les films de semble être directement inspiré du chef- aussi cynique, aussi désabusé devant la vie Woody Allen sont pleins de ces dualités qui d'œuvre de Bergman, Les fraises sauva­ et les affres de l'amour: la mosaïque qu'il constituent ni plus ni moins le leitmotiv ges; en effet, dans les deux films, le person­ nous présente de la vie de ce Harry Block, d'une œuvre qui s'est développée au fil des nage principal doit se rendre dans une découragé par les femmes au point de recou­ ans sur l'exploration des conditions mêmes université pour y être honoré, et découvre en rir aux services de professionnelles, menacé de son existence. Bien sûr, tout film naît dans chemin que l'égoïsme a dominé sa vie, une de mort par son ex-femme, alcoolique, la une mesure variable de cet entrelacs de la vie vie d'échecs qu'aucun honneur ne peut véri­ vision qu'il nous donne de cette existence réelle et de la vie transposée, et tout auteur tablement racheter. Dans le cas de Harry éclatée, sans unité, ressemble fort à un cons­ joue avec le reflet que l'une propose néces­ Block, l'ai ter ego de Woody Allen, les échecs tat d'échec. En fait, seule la fin du film sairement de l'autre; par contre, peu en font, en question sont surtout d'ordre relationnel annonce un peu de lumière: après des mois tel l'auteur de , la figure récur­ et renvoient plus ou moins directement à une de panne sèche durant lesquels il a cru son rente de leurs obsessions en même temps que actualité assez gênante pour le cinéaste. inspiration tarie (son nom est Block, ne le signe distinctif d'un travail sur la forme. On se souvient comment Woody Allen l'oublions pas), Harry trouve enfin l'idée de De ce point de vue, Deconstructing Harry, avait opté dans pour son prochain roman. Et quel en sera le sujet? le dernier film de Woody Allen, représente une caméra à l'épaule, extrêmement mobi­ Bien sûr, le même que celui du film auquel non seulement une extraordinaire synthèse le, une caméra déconcertante par ses mou­ nous venons d'assister. Question de boucler de toute son œuvre, mais il apparaît com­ vements abetrants, à la limite de la pure la boucle et de démontrer, si besoin était, que me une sorte de sommet du cinéma réflexif expérimentation: il était assez aisé de com­ l'art ne fait pas que se nourrir de la vie: pour des dernières années. prendre que cet élément déstabilisant de la l'artiste, il est la vie elle-même. • Le titre annonce déjà un film plus céré­ mise en scène se voulait le pendant formel bral que ses deux réalisations précédentes, d'un autre déséquilibre, moral, intellectuel, et Everyone Says I Love amoureux celui-là. Comme l'annonce sans You. En fait, l'univers déconstruit de Harry détour un titre révélateur, le montage joue est plus près de celui, très sombre, de Star­ dans Deconstructing Harry un rôle équiva­ DECONSTRUCTING HARRY dust Memories, ou encore de l'univers du lent. Un premiet montage entre les scènes États-Unis 1997. Ré. et scé.: Woody Allen. très angoissé , permet de reconstruire, sans véritable sou­ Ph.: . Mont.: Susan E. Morse. films avec lesquels il partage une sorte de ci chronologique, le récit éclaté du roman­ Int.: Woody Allen, Billy Crystal, , , . 95 minu­ mélancolie un peu aigre qui naît du regard cier Harry Block, les divers épisodes d'une tes. Couleur. Dist.: Alliance. rétrospectif qu'on y pose sur le passé. Le vie ponctuée par les femmes qu'il a aimées,

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