Victor Vendries

4e année Séminaire La Fabrique culturelle 2014 – 2015

La crête de Vimy : les enjeux mémoriels d’un territoire Entre pacifisme, récits nationaux et tourisme de mémoire (2004 – 2014)

Figure 1 – Mémorial canadien de Vimy (Pas-de-Calais) © Scouts

Mémoire de 4e année Réalisé sous la direction de Claire Toupin-Guyot Maître de conférences en Histoire contemporaine à l’IEP de Rennes

REMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à remercier Mme Toupin-Guyot, ma directrice de mémoire, pour son encadrement tout au long de l’année. Sa grande disponibilité, son oreille attentive et ses conseils avisés m’ont été d’une utilité extrêmement précieuse.

Je tiens également à exprimer toute ma gratitude à l’encontre de l’ensemble des acteurs qui ont accepté de m’accorder quelques minutes de leur précieux temps afin de répondre à mes questions. Universitaires, professionnels de la culture, des archives ou de l’éducation : sans eux, ce travail n’aurait pu aboutir. Mes remerciements vont tout particulièrement à Sylvestre Bresson, directeur de l’entreprise Terres de mémoire, qui m’a gracieusement proposé de visiter en sa compagnie des sites mémoriels de la Somme.

Un grand merci également à ma famille qui m’a soutenu tout au long de l’année et tout particulièrement lors de la phase de finalisation et de relecture de ce mémoire : mon père, pour ses précieux conseils, ma mère, qui m’a emmené visiter les plages du Débarquement au début de l’année pour m’aider à définir mon sujet avec plus de précision, enfin mon oncle et ma tante, qui ont accepté de m’héberger le temps d’une semaine à Arras.

Mes remerciements vont enfin à mes amis, et notamment à Clémentine, pour avoir supporté cette « invasion canadienne » imprévue au sein de notre colocation, ainsi qu’à Hamoudy, qui a toujours été présent pour m’encourager et me soutenir quand j’en avais besoin.

RESUME

Résumé :

Le 9 avril 1917, lors de l’offensive d’Arras, les troupes canadiennes s’emparent de la stratégique crête de Vimy au prix de lourdes pertes. Ce lieu de mémoire devenu rapidement un mythe fondateur de la nation canadienne, s’articule aujourd’hui autour d’un triple rapport à l’espace et au territoire. Lieu de promotion du pacifisme et de commémorations, Vimy revêt tout d’abord un caractère transnational. Mais il se retrouve également au cœur de multiples récits nationaux, notamment canadiens et français, que certains politiciens tentent d’instrumentaliser. Enfin, haut-lieu du tourisme mémoriel, le mémorial canadien constitue un maillon du territoire local utilisé à des fins de marketing territorial. À la fois par-delà et en- deçà des frontières, Vimy est ainsi un lieu de mémoire aux ancrages multiples – qui se révèlent être parfois conflictuels.

Mots-clefs : lieu de mémoire / pacifisme / récits nationaux / tourisme mémoriel / usages du passé

Abstract:

On April 9, 1917, during the Battle of Arras, the Canadian troops take possession of Vimy Ridge, with heavy casualties. This place of memory, which quickly became a founding myth for the Canadian nation, is today revolving around a threefold relationship to space and territory. A place of commemoration and promotion of pacifism, Vimy can be considered at first as transnational site. But it is also at the core of many national histories, especially Canadian and French, which are being exploited by some politicians. As it is a Mecca of remembrance tourism, the Canadian Memorial is eventually a key link to the local area, and is therefore used as a territorial marketing instrument. Both beyond and within boundaries, Vimy is thus a place of memory with multiple anchors – which sometimes prove to be in conflict.

Key words: place of memory / pacifism / national narratives / remembrance tourism / uses of the past

SOMMAIRE

INTRODUCTION ...... 6

PARTIE 1. PAR-DELÀ LES FRONTIÈRES : ENTRE PROMOTION DES VALEURS PACIFISTES ET DEVOIR DE MÉMOIRE. VIMY, UN LIEU DE MÉMOIRE À CARACTÈRE TRANSNATIONAL ...... 16 I. Aux origines du lieu de mémoire : la bataille meurtrière de la « côte 145 »...... 17 II. Un management du site au service de la promotion des valeurs pacifistes et du devoir de mémoire ...... 26 III. A l’ombre du mémorial : le rôle des « passeurs de mémoire » du pays d’Artois ...... 35

PARTIE 2. ENTRE DÉSINTÉRÊT DES UNS ET GLORIFICATION PAR LES AUTRES. VIMY, UN LIEU DE MÉMOIRE PORTEUR DU FAIT NATIONAL ...... 43 I. La désaffection française pour un lieu perçu comme canadien ...... 44 II. Le tournant nationaliste de Stephen Harper ou la mise en place d’un nouveau paradigme mémoriel (2006) ? ...... 53 III. « Entre deuil et mémoire » : construire la nation canadienne par le traumatisme ? ...... 62

PARTIE 3. ENTRE TOURISME DE MÉMOIRE ET USAGES DU PASSÉ. VIMY, UN LIEU DE MÉMOIRE LOCAL AU CŒUR DE DIFFÉRENTES POLITIQUES MÉMORIELLES .... 68 I. Un capital économique et symbolique à exploiter : Vimy à l’ère du tourisme de mémoire et du marketing territorial ...... 69 II. Un filon prospère : la constitution d’une filière touristique de la mémoire pour répondre au boom des visiteurs ...... 78 III. Local ou (trans)national ? La crête de Vimy : un lieu dominé par les usages du passé ..... 83

CONCLUSION ...... 91

TABLE DES SIGLES

− AFP Agence France Presse − ARDT Agence de Réservation et de Développement Touristiques − CEC Corps Expéditionnaire Canadien − CDT Comité Départemental de Tourisme − CRT Comité Régional de Tourisme − CWGC Commonwealth War Graves Commission − IWGC Imperial War Graves Commission − NPD Nouveau Parti Démocratique − ONAC Office National des Anciens Combattants et victimes de guerre − OT Office de Tourisme

INTRODUCTION

“Le Monument commémoratif du Canada à Vimy témoigne de la grande force du Canada et de son attachement à la liberté. Il témoigne aussi de la profonde solidarité qui lie le Canada et la France. En dernier lieu, il témoigne surtout de la vaillance, du courage et du sacrifice des braves Canadiens qui ont inspiré un jeune pays à devenir une magnifique nation1.” – Elizabeth II, reine du Canada (2007)

Lieu pacifiste ou lieu patriotique ? Ces quelques phrases extraites du discours prononcé par Elizabeth II, reine du Canada, lors de la cérémonie commémorative du 90e anniversaire de la bataille de Vimy, soulignent combien la crête de Vimy est un lieu de mémoire important, porteur d’une symbolique multiple et autour duquel viennent se cristalliser de nombreux enjeux mémoriels.

Située à quelques kilomètres au Nord d’Arras, dans le Pas-de-Calais, la crête de Vimy est un important lieu de mémoire canadien de la Grande Guerre. Le 9 avril 1917, dans le cadre de la vaste opération de la bataille d’Arras lancée par les puissances alliées, les divisions canadiennes – réunies pour la première fois depuis 1914 sur un même champ de bataille – s’emparent de la stratégique « côte 145 » – dénommée aussi crête de Vimy, d’après le nom de la commune limitrophe. Cette éclatante victoire canadienne – seule réussite de l’offensive de l’Artois – est aussitôt reprise dans de nombreux journaux à travers le monde, qui soulignent la bravoure de tous les soldats du CEC, le Corps Expéditionnaire Canadien. En signe de reconnaissance, les généraux britanniques – le Canada n’est en effet encore qu’un Dominion dont la politique étrangère est gérée par le Royaume-Uni – accordent aux officiers canadiens le droit de commander eux-mêmes leurs propres troupes durant le reste du conflit. Autre fait marquant : suite à sa participation dans la Grande Guerre, le Canada se voit également octroyer le privilège de siéger à la table de la Conférence de Versailles ainsi que d’apposer sa signature au traité de juin 1919.

En 1936, le souverain Édouard VIII inaugure sur la crête de Vimy – cédée au Canada par la France en 1922 – le mémorial canadien éponyme, en présence du président de la République française Albert Lebrun. Plus de 6 000 Canadiens ont fait le déplacement pour

1 “90th anniversary of the , 9 April 2007”, The Official Website of the British Monarchy [en ligne]. http://www.royal.gov.uk/LatestNewsandDiary/Speechesandarticles/2007/TheQueensspeechatthe90thanniversary oftheBattleofVi.aspx (consulté le 10 avril 2015).

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assister à la cérémonie. Le général Ross déclare lors de son discours, en faisant référence au jour de la bataille : « C’était tout le Canada, de l’Atlantique au Pacifique, qui passait. J’ai pensé alors que pendant ces quelques minutes, j’assistais à la naissance d’un pays1. » Cette phrase, entrée aujourd’hui dans la mémoire collective des Canadiens, est l’un des points de départ de la constitution de la bataille de Vimy en « mythe national canadien », qui se diffuse et se développe tout au long du vingtième siècle. Selon cette rhétorique, que reprend Elizabeth II dans son discours de 2007, Vimy serait une sorte « d’an zéro » du Canada, le début de l’histoire d’un pays ayant réussi, grâce à cette victoire militaire, à s’émanciper une fois pour toutes de la tutelle britannique. Progressivement, Vimy entre donc dans l’Histoire. Pourtant, ce n’est pas tant d’Histoire que de mémoire dont il s’agit ici. En effet, la bataille de Vimy, symbolisée aujourd’hui par le lieu historique national de la crête de Vimy, a été érigée – malgré le nom officiel de ce mémorial canadien – en véritable « lieu de mémoire » national outre-Atlantique, et ce, parfois en dépit des faits historiques. Cependant, Vimy est aussi perçu par de nombreux Canadiens comme un lieu de deuil, qui impose à tous un indispensable devoir de mémoire, mais aussi un travail sur la paix et l’amitié entre les peuples, thème également repris par la reine dans son allocution.

Reflet de cette mémoire collective ambivalente, le mémorial de la crête de Vimy est donc un lieu de mémoire que l’on peut considérer comme « janusien », en référence à la divinité romaine à deux visages. À la fois ancré dans le récit national canadien et servant à promouvoir le Canada en tant que nation indépendante, il est aussi un vecteur de transmission des valeurs pacifistes. Ceci transparaît notamment dans son management actuel et dans l’usage que les hommes politiques – aussi bien canadiens que français – en font. La crête de Vimy bénéficie donc à l’heure actuelle d’un double rapport à l’espace et au territoire, ce qui en fait un lieu à caractère national et transnational.

Il convient cependant de rajouter une dimension à ce lieu de mémoire : la dimension locale. De par sa présence sur le sol français, la crête de Vimy est en effet un élément à part entière du territoire local, qu’elle vient structurer. Face à un tourisme mémoriel qui se développe et prend de l’ampleur depuis les années 1980, Vimy devient alors un outil que les collectivités territoriales françaises se doivent de prendre en compte. On assiste alors, depuis une quinzaine d’années, à l’incorporation de ce lieu de mémoire canadien au sein des

1 HAYES (Geoffrey), IAROCCI (Andrew) et BECHTHOLD (Mike) (sous la direction de), Vimy Ridge: a Canadian reassessment, Waterloo (Canada), Wilfrid Laurier University Press, 2007, introduction.

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politiques de marketing territorial de ces collectivités, qui l’utilisent afin de promouvoir leur image dans un contexte de concurrence accrue entre les territoires. Ces politiques ont conduit à la création d’un « imaginaire touristique1 » local, qui a également conduit des acteurs privés du secteur touristique à s’intéresser à Vimy en raison de son importance en tant que lieu de pèlerinage et de tourisme mémoriel.

La crête de Vimy se révèle au final être porteuse d’un triple ancrage, allant du local au transnational, qui lui confère un caractère « pluriterritorial » original.

Chronologie

Ce triple rapport à l’espace qui caractérise Vimy n’est pourtant pas récent. La cérémonie d’inauguration du monument, organisée en 1936 souligne ainsi les aspects à la fois pacifiste et nationaliste que revêtait déjà le mémorial. Les autorités canadiennes cherchèrent à mettre l’accent sur le premier aspect afin de rassembler les deux communautés canadienne- anglaise et canadienne-française que la guerre avait divisées autour de l’épineuse question de la conscription. Elles utilisèrent aussi l’inauguration afin de souligner l’identité canadienne et l’indépendance du jeune pays2. Vimy a également tout de suite bénéficié d’un ancrage local, puisque dès la fin de la guerre, des initiatives émanant d’associations arrageoises cherchèrent à valoriser le mémorial canadien.

Néanmoins, à l’heure où le Canada s’apprête à commémorer le Centenaire de la bataille de Vimy, ce triple rapport au territoire mérite d’être questionné. Jamais le mémorial de la crête de Vimy n’a été autant traité dans les médias – canadiens comme français, n’a été visité par autant de touristes, ou encore n’a fait l’objet d’autant d’utilisation par les hommes politiques nationaux et locaux. Si le Centenaire semble constituer une rupture majeure dans l’histoire de Vimy, il n’est en réalité que le prolongement d’un phénomène plus ancien : celui de l’inflation mémorielle des années 1970 et 1980, identifié entres autres par Pierre Nora dans Les lieux de mémoire3. Ce phénomène, qui est venu frapper les sociétés européennes, s’est traduit par un regain des populations pour l’histoire, une inflation des publications à caractère historique ou encore une

1 HERTZOG (Anne), « Tourisme de mémoire et imaginaire touristique des champs de bataille », dans Via@. Revue internationale interdisciplinaire de tourisme, n°1, 2012. 2 LLOYD (David W.), Battlefield Tourism: Pilgrimage and the Commemoration of the Great War in Britain, Australia and Canada, 1919-1939, Oxford et New York, Berg, 1998, pp. 204-205. 3 NORA (Pierre), Entre Mémoire et Histoire, dans Les lieux de mémoire, tome 1, La République, Paris, Gallimard, 1984, 674 p.

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hausse de la fréquentation touristique des lieux de mémoire. Il s’est également propagé en Amérique du Nord et notamment au Canada. Pourtant, le mémorial canadien n’a pas semblé être affecté immédiatement par ce tournant. Certes, davantage de touristes se sont déplacés sur le site, tout comme certains politiciens – à l’instar de François Mitterrand en 1992 –, mais ceci n’a eu que peu d’influence sur les rapports au territoire qu’entretenait le lieu de mémoire canadien.

Cependant, une rupture semble se dégager autour du milieu des années 2000. À partir de cette période, Vimy fait l’objet d’un regain d’intérêt de la part des différents acteurs publics et privés. En 2005, le dernier Poilu canadien à avoir combattu dans les tranchées décède, suivi cinq années plus tard de John Babcock, le dernier vétéran canadien de la Grande Guerre. Face à ce passage d’une « mémoire communicative » à une « mémoire culturelle », Vimy se retrouve au cœur de l’accélération du processus d’inflation mémorielle. Le 90e anniversaire du début de la Grande Guerre est commémoré pour la première fois par les pays occidentaux sans la présence de vétérans. De son côté, le parlement canadien fait voter en 2003 une loi mémorielle sur le jour de la bataille de Vimy et proclame 2005 « Année de l’ancien combattant ». Le Centre Juno Beach est consacré officiellement par les autorités canadiennes en 2004. La même année, les travaux de restauration du monument canadien de Vimy prévus depuis plusieurs années sont enfin entamés. Côté français, le milieu des années 2000 se révèle aussi être un moment de frénésie mémorielle. Une loi portant sur la reconnaissance de la présence française Outre-Mer est votée en 2005 par le parlement français, tandis que l’on commémore en grande pompe le 60e anniversaire du Débarquement en 2004. Cette dernière année correspond aussi au lancement officiel du programme d’itinéraires touristiques de la région Nord – Pas-de-Calais Les Chemins de mémoire, qui souligne notamment l’intégration de Vimy et des lieux de mémoire de la Grande Guerre à l’imaginaire touristique régional.

Face à cette succession d’événements, la date de 2004 semble être donc un point de départ intéressant pour l’étude du mémorial canadien de Vimy, car elle permet de saisir les évolutions qu’a connues celui-ci sur les dix dernières années, en partant du phénomène de renouveau de l’inflation mémoriel.

Corpus de sources

Les sources faisant référence à la crête de Vimy sur la dernière décennie sont assez nombreuses et permettent de saisir sans trop de difficultés le triple rapport à l’espace qui caractérise le mémorial canadien, même si l’on observe quelques lacunes. 9

La presse nationale généraliste française est un premier exemple de source lacunaire. Malgré l’importance du lieu de mémoire canadien et son caractère original, les grands quotidiens hexagonaux ne s’y intéressent pas, même lors des grandes commémorations comme celle du 90e anniversaire de la bataille organisée en 2007. Certains d’entre eux, notamment L’Humanité ou encore Le Figaro, n’ont ainsi jamais consacré un article journalistique au mémorial canadien sur la période étudiée, soulignant par là-même le désintérêt français pour la crête de Vimy.

Face à ces lacunes, la presse quotidienne locale, à savoir l’étude de La Voix du Nord – et notamment de son édition d’Arras – a permis de fournir davantage d’informations concernant le mémorial. Le traitement que lui accorde le quotidien lillois est en effet conséquent, puisque sur la seule période allant de 2007 à 2014, pas moins de 74 articles ne traitent que de la crête de Vimy. Si La Voix du Nord a offert une approche intéressante du lieu de mémoire, qui a permis de saisir en détail les événements organisés au mémorial ou en lien avec celui-ci, même en dehors des années de grandes commémorations, elle n’a cependant fourni qu’un regard très local sur Vimy, qui n’a pas permis de le remettre en perspective. De surcroît, en dépit de la qualité de certains articles, la plupart d’entre eux ont été rédigés par des correspondants locaux qui manquent parfois de rigueur scientifique1. Cette approche par la presse locale n’a en outre pas permis de saisir les évolutions du mémorial canadien sur toute la décennie 2004 – 2014, puisque les archives du quotidien antérieures à 2007 ne sont accessibles que via un abonnement sur son site Internet.

Afin de pouvoir obtenir une vision de long terme sur la crête de Vimy, mais aussi dans le but d’obtenir le point de vue des Canadiens sur leur mémorial, une étude des quotidiens outre-Atlantique était nécessaire. Contrairement à la France, les journaux canadiens comme québécois, puisque directement branchés sur l’actualité politique et mémorielle du pays, offrent une couverture du lieu de mémoire extrêmement importante. Face à un corpus aussi vaste, un tri s’est imposé afin de ne se concentrer que sur deux quotidiens, à savoir Le Devoir et La Presse canadienne. Ces deux journaux ont véritablement permis de coller à l’actualité canadienne et de prendre la mesure des décisions et des débats à Ottawa concernant Vimy. Le choix de l’étude des deux plus grands journaux québécois a certes fourni un biais analytique, mais il a surtout permis d’obtenir à la fois le point de vue anglo-canadien et le point de vue

1 Il est ainsi assez fréquent que ces derniers avancent des chiffres de fréquentation de la crête de Vimy qui rentrent en contradiction avec ceux obtenus par les responsables du mémorial et le CRT.

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québécois afin de voir comment ces deux groupes appréhendent le mémorial au travers du prisme de leur propre mémoire collective. L’analyse ponctuelle de quelques articles issus de la presse anglophone a permis de saisir plus en détail la perception des Canadiens-anglais.

Outre la presse canadienne et française, l’étude des documents officiels produits par le mémorial de Vimy a permis d’appréhender avec le plus de fiabilité possible quelques aspects des évolutions administratives, institutionnelles et budgétaires du lieu de mémoire. Suite à un entretien téléphonique avec Guy Turpin, le responsable sur place du mémorial, celui-ci a notamment pu fournir des statistiques concernant la fréquentation touristique du site depuis 2008. Cependant, il n’a pas été possible d’avoir accès aux documents antérieurs à 2008, puisque passé un délai de sept ans, ceux-ci sont renvoyés à Ottawa, où ils sont pris en charge par Bibliothèque et Archives Canada. Guy Turpin n’a en outre pas souhaité communiquer de documents ou de données sur le budget alloué à la crête de Vimy, aspect qu’il a donc fallu aborder indirectement au travers de la presse canadienne et française. Enfin, il n’a pas été possible de venir consulter directement sur place des documents d’archives papier concernant le mémorial, puisqu’au moment du déplacement sur le site, le responsable était en déplacement à l’étranger.

Le recours aux documents produits par les communes limitrophes au site de Vimy – à savoir Givenchy-en-Gohelle, Neuville-Saint-Vaast et Vimy – a en outre donné l’opportunité d’appréhender avec plus de précision l’ancrage du lieu de mémoire au niveau local. À travers les bulletins municipaux des communes, notamment celui de Givenchy-en-Gohelle qui a été numérisé et mis en ligne par les services municipaux, il a été possible d’étudier les relations qui existaient entre les responsables du mémorial et les élus communaux. Ceci a également permis de se pencher sur les actions menées par les associations locales du souvenir, ainsi que sur les subventions qu’elles ont pu recevoir. Néanmoins, certaines communes, à l’instar de celle de Vimy, ne sont qu’au début du processus de numérisation de leurs comptes-rendus de conseils municipaux ou de leurs bulletins d’information. Il n’a pas été possible de combler cette lacune en consultant ces documents aux archives municipales de Vimy, ni de rencontrer un élu de la commune, puisque ces acteurs n’ont pas répondu aux sollicitations.

Toute la dimension touristique du lieu a pu être cernée grâce à l’étude des guides – notamment le guide Michelin des champs de bataille1 – et brochures touristiques éditées par

1 Collectif Michelin, Les champs de bataille (France et Belgique). Flandres, Artois, Ypres, Nord, Pas-de-Calais, Paris, Michelin, 2013, 360 p.

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les offices de tourisme d’Arras et de Lens-Liévin ou encore par le CRT Nord – Pas-de-Calais. Ces sources se sont avérées utiles afin d’étudier l’usage que font les collectivités locales de Vimy dans le cadre de leurs politiques de marketing territorial. Afin de compléter historiquement cette approche, un déplacement aux archives départementales du Pas-de- Calais à Arras a permis d’étudier des guides et publications touristiques de l’entre-deux guerres ainsi que des années 1990 et 2000. Il n’a malheureusement pas été possible de trouver aux archives des documents ou des brochures émanant directement du mémorial ou encore des publications permettant de retracer l’évolution de l’usage de Vimy dans la communication touristique de la ville d’Arras. En outre, les entretiens effectués avec Édouard Roose, chargé de projet au CRT du Nord – Pas-de-Calais, et Sylvestre Bresson, directeur de l’entreprise Terres de mémoire, furent utiles afin d’obtenir le point de vue d’acteurs régionaux du tourisme quant aux évolutions touristiques récentes, malgré l’impossibilité de s’entretenir avec l’OT d’Arras.

Enfin, le recours à des émissions radiophoniques ou télévisées sur la mémoire fut utile afin de replacer le mémorial canadien dans un contexte plus large. Cependant, l’absence plutôt surprenante de reportages ou de documentaires – aussi bien côté canadien que français – a constitué un frein à l’appréhension des évolutions du site depuis une dizaine d’années. En outre, l’accès aisé aux discours officiels d’hommes politiques, aux textes législatifs et règlementaires du Canada et de la France a fourni l’occasion de resituer la crête de Vimy dans le contexte législatif mémoriel contemporain.

Historiographie

L’étude de cette approche tridimensionnelle de Vimy s’appuie sur un bagage scientifique diversifié, et en premier lieu sur des analyses historiographiques de la Grande Guerre. Depuis la fin des années 1980, l’historiographie du conflit s’est considérablement renouvelée. Auparavant centrée sur une histoire très militaire du conflit, elle s’est tournée par la suite vers une approche plus culturelle de celui-ci, centrée notamment sur les représentations collectives. Les questions de la « culture de guerre » et de la « violence de guerre1 » furent

1 AUDOUIN-ROUZEAU (Stéphane) et BECKER (Annette), 14-18. Retrouver la guerre, Paris, Gallimard, 2000, p. 9. Voir aussi RAXHON (Philippe), « Essai de bilan historiographique de la mémoire », dans Cahiers du Centre de Recherches en Histoire du Droit et des Institutions, n° 30, Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles, 2009, pp. 35 et suivantes.

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progressivement intégrées aux travaux d’historiens. Le colloque organisé par Jean-Jacques Becker en 1988 témoigne de ces évolutions.

L’intégration des objets historiques comme la mort et le deuil fut cependant plus tardive, car les chercheurs ont pendant longtemps estimé leur historicisation impossible. Les premiers travaux sur ces questions datent des années 1990, même si certains historiens comme Antoine Prost1 se sont penchés plus tôt sur la question. L’un des ouvrages pionniers fut ainsi Sites of memory, sites of mourning, de l’historien britannique Jay Winter, paru en 1995 et réédité en 20082.

Suite au à la chute des régimes communistes d’Europe de l’Est, ainsi qu’au renouveau du processus de construction européenne dans les années 1990, la Grande Guerre commença également à être étudiée sous un angle plus européen. L’Historial de Péronne fut créé en 1992, tandis que de nombreux travaux utilisèrent le prisme du comparatisme pour aborder les thématiques évoquées plus haut. Annette Becker, tout comme David Llyod, traitent tous deux de la France, du Royaume-Uni ou du Canada dans leurs ouvrages respectifs sur les monuments aux morts et le tourisme de mémoire3. La crête de Vimy étant un lieu de mémoire franco-canadien, ces approches transversales ont permis de recontextualiser le mémorial et de voir comment celui- ci s’inscrit dans le paysage mémoriel occidental de la Grande Guerre.

Une étude du mémorial de Vimy n’aurait cependant pu être complète sans l’étude de l’historiographie de la mémoire. Cette branche de l’historiographie, elle aussi récente, a commencé à émerger dans les années 1980, suite à la parution des Lieux de mémoire de Pierre Nora. Les historiens se sont ainsi véritablement saisis de la mémoire et l’ont consacrée comme objet historique à part entière. Les travaux de Michel Johann côté français, ou de Mourad Djababla-Brun et Valérie Lapointe-Gagnon côté canadien, se sont révélés d’une grande utilité afin de cerner les différents usages que peuvent faire les politiciens du passé.

1 PROST (Antoine), Verdun, dans Les lieux de mémoire, tome 3, volume 3 : La Nation, sous la direction de Pierre NORA, Paris, Gallimard, 1986, 667 p. Dans sa contribution au recueil de Pierre Nora, l’historien développe une approche des monuments aux morts basée sur la question du deuil et de la souffrance. 2 WINTER (Jay Murray), Entre deuil et mémoire: la Grande Guerre dans l’histoire culturelle de l’Europe, Paris, Armand Colin, 2008, 309 p. 3 BECKER (Annette), Les monuments aux morts : patrimoine et mémoire de la Grande Guerre, Paris, Errance, 1988, 158 p. LLOYD (David W.), Battlefield Tourism: Pilgrimage and the Commemoration of the Great War in Britain, Australia and Canada, 1919-1939, Oxford et New York, Berg, 1998, 251 p.

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Enfin, d’autres disciplines ont été convoquées afin de cerner l’ensemble des enjeux mémoriels tournant autour de Vimy. La sociologie politique s’est révélée utile dans l’appréhension du phénomène de marketing territorial, tandis que les travaux du philosophe Will Kymlicka ont permis de comprendre plus précisément la question du bilinguisme au Canada. Quelques publications de tourist studies et de géographes, notamment ceux d’Anne Hertzog, ont en outre apporté un éclairage sur les liens entre mémoire et territoire, au travers de la question de la mise en tourisme du patrimoine de la Grande Guerre.

Justification du sujet

Le choix de traiter la crête de Vimy sous l’angle de son ancrage au territoire trouve tout d’abord sa justification dans le fait que la mémoire a tendance à ne plus être seulement considérée comme un objet historique. Alors qu’elle était auparavant la chasse gardée des historiens – et dans une moindre mesure des philosophes –, les représentants d’une autre discipline se saisissent aujourd'hui de cet objet : les géographes. Nicolas Verdier, dans son analyse sur « l’historiographie géographique » de la mémoire1 souligne ainsi une convergence des disciplines historique et géographique autour de la mémoire depuis la fin des années 1990. L’un des premiers géographes à avoir rétabli le dialogue avec l’histoire sur ces questions est ainsi Jean-Luc Piveteau, qui tente au travers de ses travaux de penser la relation entre mémoire, lieu et territoire. En parallèle, on assiste à l’appropriation progressive des travaux de Maurice Halbwachs par les géographes – et notamment de son ouvrage sur la mémoire collective –, tandis qu’une nouvelle discipline commence à voir le jour : l’archéogéographie. Aujourd’hui, plusieurs chercheurs tentent de faire émerger la mémoire en tant que réel objet d’études transdisciplinaire, à l’instar d’Anne Hertzog, qui s’intéresse à la patrimonialisation et à la mise en tourisme des anciens champs de bataille de la Grande Guerre2. Face à ces évolutions des disciplines historique et géographique, une étude sur les rapports au territoire de la crête de Vimy semble donc trouver toute sa place.

La seconde raison qui a motivé le traitement de ce lieu de mémoire canadien au travers du prisme de ses liens à l’espace et au territoire réside dans le fait que Vimy n’a jamais été

1 VERDIER (Nicolas), La mémoire des lieux : entre espaces de l'histoire et territoires de la géographie, dans Mémoire, Contre mémoire, Pratique historique, sous la direction d’Adam TAKACS, Paris, Equinter, 2009, pp.103-122. 2 Celle-ci a d’ailleurs organisé en 2014 à l’université de Cergy-Pontoise un colloque transdisciplinaire conviant historiens, géographes, archéologues et chercheurs en études touristiques à réfléchir sur le thème suivant : « Remembering in a globalizing world. the play and interplay of tourism memory and place ».

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abordé sous cet angle. Même au Canada où il fait l’objet d’un véritable culte, le mémorial canadien n’est étonnement que peu traité par les chercheurs. Les seuls travaux portant sur Vimy sont des monographies d’histoire militaire et aucun travail scientifique ne s’est à ce jour intéressé de près aux évolutions récentes du lieu de mémoire, encore moins sous l’angle du territoire. Face à ce qu’ils considèrent comme un vide scientifique, les chercheurs en études touristiques Raynald Lemelin et Kelsey Johansen ont d’ailleurs écrit un article en 2014 qui s’intéresse à la « dissonance » mémorielle du site1. Alors que le mémorial canadien est visité par des flux croissants de visiteurs, qu’il fait l’objet d’un intérêt fort de la part des collectivités locales et qu’il sera placé sous les feux de l’actualité en 2017 à l’occasion de la commémoration du centenaire de la bataille, une recontextualisation de ce lieu de mémoire afin de cerner les enjeux mémoriels dont il se fait l’écho semble justifiée.

En quoi le lieu historique canadien de la crête de Vimy constitue-t-il un exemple révélateur de la multiplicité et de la conflictualité des rapports à l’espace et au territoire que peuvent entretenir les lieux de mémoire ?

Si la crête de Vimy est certes un lieu de mémoire transnational qui se fait l’écho des valeurs pacifistes, de l’amitié franco-canadienne et du devoir de mémoire, cette vision mérite toutefois d’être nuancée. En effet, Vimy est un lieu qui revêt parallèlement un caractère national canadien, ce qui transparaît dans le désintérêt dont fait preuve la France pour le site et l’instrumentalisation qu’en font certains hommes politiques canadiens afin de promouvoir la nation canadienne. Enfin, le mémorial canadien comporte aussi un aspect local qu’il convient de souligner, ce dont témoigne l’intégration de ce lieu au sein de la filière touristique de la mémoire qui s’est constituée depuis quelques années.

1 LEMELIN (Raynald H.) et JOHANSEN (Kelsey), « The Canadian National Vimy Memorial: remembrance, dissonance and resonance », dans International Journal of Culture, Tourism and Hospitality Research, vol. 8, 2014, pp. 203-218.

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PARTIE 1. PAR-DELA LES FRONTIERES : ENTRE PROMOTION DES VALEURS PACIFISTES ET DEVOIR DE MEMOIRE. VIMY, UN LIEU DE MEMOIRE A CARACTERE TRANSNATIONAL

“Les héros de Vimy sont morts pour défendre des valeurs qui depuis n’ont cessé de nous unir et de nous rassembler : des valeurs de paix, de liberté, de tolérance et de respect de l’homme1.” – Dominique de Villepin, premier ministre de la République française (2007)

Si les lieux de mémoire issus de la Première Guerre mondiale sont souvent perçus au travers du prisme du national, il convient cependant de ne pas oublier qu’ils peuvent également se révéler être des lieux capables de dépasser les frontières. Verdun, est sans doute l’illustration la plus célèbre. Haut-lieu de mémoire français, symbole de la victoire de la République sur l’Empire allemand, Verdun est un lieu de mémoire profondément ancré dans le récit national hexagonal. Cependant, la fameuse poignée de main d’Helmut Kohl et de François Mitterrand en 1984 souligne aussi que l’ancien champ de bataille, qui fut à l’origine de plus d’un million de morts, peut revêtir une dimension de réconciliation et de paix.

Vimy, tout comme Verdun, se révèle être à la fois un lieu national et transnational, de promotion de la nation, mais aussi du pacifisme et de l’amitié franco-canadienne et ce, depuis ses débuts. L’architecte du mémorial, Walter Allward, a ainsi voulu souligner ces valeurs au travers de la statuaire du monument qu’il a construit sur la crête. Il conviendra de revenir sur les origines du lieu de mémoire afin de pouvoir cerner sa dimension pacifiste encore présente à l’heure actuelle, mais aussi – aspect qui sera abordé plus tard – les tensions qui peuvent exister autour de Vimy entre promotion des valeurs universelles et mise en exergue du fait national.

Quels sont les vecteurs de ce transnationalisme ? Ils sont aujourd’hui au nombre de deux : d’une part, Vimy fait l’objet d’un management qui fait la part belle à la promotion des valeurs pacifistes. Commémorations, médiation, accent mis sur la jeunesse sont les biais par lesquels les responsables du mémorial tentent de mettre en avant ces valeurs. D’autre part, il faut souligner l’action des « passeurs de mémoire » du Pays d’Artois, qui participe elle aussi à promotion du devoir de mémoire et du souvenir.

1 Premier ministre de la République française, « Allocution en l’honneur du 90e anniversaire de la bataille de la crête de Vimy », 9 avril 2007 [en ligne]. http://archives.gouvernement.fr/villepin/acteurs/interventions_premier_ministre_9/discours_498/allocution_honn eur_90e_anniversaire_58111.html (consulté le 25 janvier 2015).

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I. Aux origines du lieu de mémoire : la bataille meurtrière de la « côte 145 »

Un retour historique rapide sur les événements qui entourent la naissance du « mythe » de Vimy est essentiel afin de mieux saisir la triple dimension du lieu et de voir notamment comment celui-ci est devenu une sorte de « territoire sacré » pour les Canadiens. Cette construction du sacré s’est faite à la fois à la suite de la victoire canadienne, mais aussi dans les années 1920 et 1930 à travers la « mémorialisation » du champ de bataille. Il est également important de resituer le lieu de mémoire canadien par rapport à ceux des autres nations, qui elles aussi ont construit leur mythe de la Grande Guerre autour de lieux particuliers.

A) 9 avril 1917. La bataille de la crête de Vimy ou l’événement fondateur du Canada 1) Août 1914 : l’entrée ipso facto du Canada dans la Grande Guerre En août 1914, lorsque la Grande Guerre éclate, le Canada n’est encore qu’un « ersatz d’État », toujours officiellement et constitutionnellement rattaché au Royaume-Uni. En tant que Dominion, le Canada bénéficie d’une totale liberté concernant ses affaires internes, et ce depuis la proclamation de la Confédération en 1867. En revanche, les affaires étrangères sont gérées par la couronne britannique. Aussi, lorsque cette dernière déclare la guerre à l’Empire allemand le 4 août 1914, le Dominion entre de fait dans le premier conflit mondial.

Cependant, le Canada a le pouvoir, comme tous les Dominions, de décider de la nature de sa participation militaire. En raison de l’absence d’armée canadienne1, le gouvernement fédéral décide de la mise en place d’un système d’enrôlement volontaire et crée un camp à Valcartier, au Nord de Québec, pour entraîner les nouvelles recrues. En octobre 1914, un contingent de 32 000 soldats part pour le Royaume-Uni. Ces premiers bataillons sont composés essentiellement de civils n’ayant jamais combattu auparavant, et nés pour 70% d’entre eux dans les îles britanniques2. Les Canadiens-français se sentent peu concernés par cette guerre, étant donné qu’ils ne s’identifient ni au royaume britannique – contrairement aux immigrés récents –, ni à la France qui n’est plus leur patrie depuis 1763. Il convient cependant de souligner que parmi ces premières recrues se trouvent tout de même quelques 1 200 soldats francophones.

1 L’armée régulière ne compte que 3 000 miliciens et 70 000 réservistes. Voir PÉPIN (Carl), « 1914-1918 : la guerre des Canadiens-Français », Revue historique des armées, 266/2012, p. 29. 2 Idem.

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Tous forment le CEC, i.e. le Corps Expéditionnaire Canadien, qui combat pour la première fois en 1915 à Neuve-la-Chapelle, en Belgique. Cependant, les troupes canadiennes sont dispersées au sein de l’armée britannique. La langue de commandement est l’anglais, ce qui explique également pourquoi peu de Canadiens-français s’engagent. Les troupes à la feuille d’érable connaissent de lourdes pertes lors de la bataille d’Ypres – première offensive de grande ampleur à laquelle ils prennent part. Les Canadiens se démarquent ensuite lors des offensives de la Somme, en 1916, puis de Vimy, en 1917, et enfin lors de la bataille de Passchendaele la même année. En raison de leurs réussites successives, ils acquièrent la réputation de troupes d’élite. Enfin, l’offensive des Cent jours permet aux Canadiens de chasser les Allemands de Cambrai et de contribuer à l’effondrement des puissances centrales1.

2) Vimy : une victoire canadienne au prix de lourdes pertes Fin 1916, dans l’optique d’une offensive alliée dans l’Artois et sur le Chemin des Dames, l’ensemble des troupes canadiennes sont envoyées au pied de la crête de Vimy. L’objectif est donné aux Canadiens de s’emparer de ce point stratégique, là où les troupes françaises de la Division marocaine ont échoué en 1915, enregistrant des pertes de plus de 100 000 hommes2. Pendant plus de quatre mois, les troupes canadiennes, alors toujours sous commandement britannique, se préparent à l’assaut : des tunnels sont creusés, des armes sont livrées, une carte du champ de bataille est fournie à chaque soldat.

Le matin du 9 avril 1917, les troupes canadiennes se lancent à l’assaut de la crête de Vimy3. Les quatre divisions s’emparent des sept kilomètres de la crête à la fin de la journée. Les pertes sont nombreuses : on recense pas moins de 3 900 tués et 7 000 blessés. L’importance Figure 2 – Richard Jack, The Battle of Vimy Ridge, 1918 du sacrifice – Vimy fut en effet l’une des Libre de droits batailles les plus meurtrières pour le Canada – contribue dès le 9 avril à ancrer Vimy dans la mémoire canadienne. Le lendemain de la bataille, de nombreux journaux européens et canadiens viennent souligner les exploits des quatre divisions à la feuille d’érable.

1 Voir Annexe 2 pour une cartographie des batailles canadiennes. 2 PÉPIN (Carl), « 1914-1918 : la guerre des Canadiens-Français », Revue historique des armées, 266/2012, p. 32. 3 Voir Annexe 2 pour une cartographie de la bataille de Vimy.

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Très rapidement après la guerre, le « mythe canadien » se construit autour de Vimy. Quatre soldats canadiens se voient décerner la , plus haute distinction militaire britannique, à la suite de la bataille. Les journaux canadiens reprennent des déclarations patriotiques de soldats. L’historien Serge Durflinger, de l’université d’Ottawa, souligne comment la bataille est devenue progressivement le symbole de la création d’un Canada en tant que nation, notamment à travers toute une propagande du gouvernement fédéral et de la presse anglophone1. Selon ses promoteurs, Vimy aurait ainsi permis au Canada d’obtenir la possibilité de commander lui-même ses propres troupes pendant le reste de la guerre, ainsi que de siéger au Congrès de Versailles et d’être signataire du traité. Cette valorisation de Vimy par les gouvernements fédéraux successifs est néanmoins à nuancer. En effet, ceux-ci n’insistèrent pas pendant longtemps sur cet héritage glorieux d’une guerre qui avait surtout conduit à diviser le pays entre Canadiens-français et Canadiens-anglais. La mise en avant des souffrances communes fut alors privilégiée, afin de se concentrer sur le sentiment de perte commun aux deux communautés2.

3) Controverses historiographiques : le Canada est-il vraiment né à Vimy ? Pourtant, tous les historiens ne s’entendent pas pour dire que la bataille de Vimy a donné naissance à un Canada indépendant, discours qui est repris par nombre d’individus encore aujourd'hui outre-Atlantique. Michael Boire, professeur au Royal Military College of Canada, vient relativiser l’importance qui pu être donnée à la bataille : « it was a subsidiary operation: to protect the left-hand flank of the British army charging out of Arras3. » Pour lui, la bataille de Passchendaele, à laquelle prirent part les Canadiens – et où plus de 15 600 d’entre eux périrent –, fut bien plus importante d’un point de vue militaire que Vimy. Comme nombre de ses confrères, Michael Boire pense que le mémorial qui correspond le mieux à la participation canadienne pendant la Grande Guerre n’est pas celui de Vimy, mais le Brooding Soldier Monument situé à Figure 3 – The Brooding 4 Soldier, Ypres Ypres, en raison du grand nombre de soldats tués . Nombre © photoplaces.be

1 « La naissance d’une nation canadienne », Le Droit, 7 avril 2007. 2 LLOYD (David W.), Battlefield Tourism: Pilgrimage and the Commemoration of the Great War in Britain, Australia and Canada. 1919-1939, Oxford et New York, Berg, 1998, p. 193. 3 « The Great debate: did Vimy give birth to nation? », The Chronicle Herald, 1er novembre 2014. 4 Idem.

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d’autres batailles peuvent être mises en avant de cette manière : celle des Cents jours en 1918, ou encore celle de la côte 70. Serge Durflinger souligne quant à lui que c’est l’ensemble de la Première Guerre mondiale qui a contribué à construire le Canada, et non pas la seule bataille de Vimy, qui est d’ailleurs trop souvent présentée par certains historiens comme un événement si important qu’il aurait permis de gagner la guerre1.

De surcroît, de nombreux historiens comme Paul Martin mettent en avant le fait que ce récit patriotique ne correspond pas à la réalité du Canada tout entier, car il ignore totalement l’histoire québécoise du conflit et notamment la crise de la conscription2. En 1917, alors que les volontaires canadiens se font de plus en plus rares, le gouvernement fédéral décide de faire passer une loi sur la conscription obligatoire. Le Québec, qui ne s’identifie pas au conflit, s’oppose farouchement à ce projet de loi, qui est voté malgré tout. Face aux enrôlements de force, les jeunes hommes québécois prennent le maquis. Des manifestations se multiplient dans les grandes villes québécoises et des émeutes éclatent dans la ville de Québec fin mars 1918, ce qui contraint le gouvernement fédéral à envoyer l’armée. Celle-ci tire dans la foule et au moins cinq civils sont tués. Selon Paul Martin, cet événement souligne à quel point la Grande Guerre a divisé les Canadiens entre eux, contrairement à ce que met en avant le mythe unificateur de Vimy. La crise de la conscription aurait au contraire conduit à la naissance d’une conscience nationale canadienne-française.

B) 5 décembre 1922. Du champ de bataille au lieu de souvenir 1) Et Vimy devint canadien : la cession de la crête à Ottawa Après la guerre, le Canada fait part de son souhait de construire un mémorial de grande envergure à Vimy, afin de commémorer ses morts. Des négociations s’engagent entre le Canada et la France sur ce sujet. En décembre 1922, les deux pays parviennent à un accord : la France se propose d’acquérir l’ensemble des terres autour de la côte 145 et d’en laisser l’usage à perpétuité au Canada. Un traité est signé afin d’officialiser cette décision. Son premier article précise :

« Le Gouvernement français concède, gratuitement et à perpétuité, au Gouvernement du Canada l'usage et la libre disposition d'un terrain de 100 hectares sis sur le plateau de Vimy dans le département du Pas-de-Calais […]3. »

1 « La naissance d’une nation canadienne », Le Droit, 7 avril 2007. 2 « Vimy, la Bastille du Canada », Le Monde, 15 avril 2014. 3 « Accord entre le Canada et la France portant concession au Canada de l'usage d'un terrain sur le plateau de Vimy destiné à l'érection d'un monument à la mémoire des soldats canadiens tombés au champ d'honneur en France (guerre 1914-1918) », Traité F102661, 5 décembre 1922. Voir Annexe 3.

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Il convient ici de souligner l’importance des termes de cet article : en vertu du traité signé et ratifié par les deux pays, la France reste propriétaire des cent hectares de la crête de Vimy. Il ne s’agit en aucun cas d’un don de terre au Canada – acte qui n’est pas possible, la République étant une et indivisible. Symboliquement, ceci a toute son importance : la France restant propriétaire du lieu, Vimy reste donc ancré dans le sol français, ce qui lui confère d’emblée un caractère franco-canadien. L’aspect gratuit de la concession est également important car il influence encore aujourd'hui les politiques mémorielles menées par le Canada sur le site, aspect qui sera vu plus bas.

Cependant, même si le lieu de mémoire reste propriété de l’État français, celui-ci insiste pour que soit inséré dans le traité un article qui le désengage totalement et laisse au Canada l’exclusive gestion du site :

« Le Gouvernement du Canada s'engage à aménager ce terrain en parc et à y ériger un monument à la mémoire des soldats canadiens tombés au Champ d'honneur en France au cours de la guerre 1914-1918. […] Il s'engage, en outre, à assurer l'entretien du parc et du monument1. »

Après ce traité, la France délaisse complètement la crête de Vimy, ce qui participe à l’évacuation du lieu – où ont pourtant combattu des troupes françaises en 1915 – du patrimoine et de la mémoire nationale.

2) L’érection du mémorial : un monument aux couleurs pacifistes ? Il est intéressant de noter que le mémorial construit par les Canadiens sur le site après le traité de 1922 demeure, malgré le « mythe » nationaliste de Vimy qui commence à se développer dans les années 1920, résolument pacifiste. L’un des éléments qui permet d’expliquer ceci est le fait que les plans du mémorial ont

été arrêtés à une époque où le mythe de Vimy n’était pas encore Figure 4 – Inauguration de 1936 très affirmé2. En effet, le concours d’architecture fut organisé © Anciens Combattants Canada en 1920 par la Canadian Battlefields Memorials Commission, spécialement créée la même

http://www.treaty-accord.gc.ca/text-texte.aspx?id=102661 (consulté le 12 février 2015). 1 Idem. 2 Ainsi, le Canada érigea dans les années qui suivirent la fin de la guerre des monuments pacifistes, ou à défaut, évoquant a minima la souffrance et le deuil. C’est le cas notamment de la construction de la Tour de la Paix et du Cénotaphe sur la colline du parlement à Ottawa.

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année afin de superviser l’érection des monuments commémoratifs. Il fut remporté par l’architecte canadien Walter Allward. La construction démarra seulement en 1927, car il fallut attendre l’arrivée des pierres de Croatie, et se termina en 1936, date de l’inauguration du monument. Cette dernière fut organisée en grande pompe : 6 000 Canadiens firent le voyage et le roi Georges V présida la cérémonie. Afin là encore de créer consensus au sein de la population canadienne, les autorités cherchèrent à organiser une cérémonie à la symbolique pacifiste1. Au final, la construction du monument coûta environ 1,5 million de dollars, routes et infrastructures comprises2. Figure 5 – The Male Mourner Le mémorial devant servir trois buts, à savoir marquer © Jeremy Banning le site de la bataille, honorer la bravoure de tous les Canadiens ayant combattu pendant la Première Guerre mondiale et servir de monument du souvenir et de la paix afin d’aider les familles à effectuer leur travail de deuil3, Allward fut contraint de les intégrer dans l’iconographie de son monument. Cependant, l’architecte fit le choix d’accentuer le dernier aspect, i.e. le pacifisme. Ceci transparaît clairement dans la statuaire du monument : Allward n’a ainsi représenté aucun soldat au combat ou en posture de vainqueur. Bien au contraire, les personnages sont souvent en posture de deuil, recroquevillées sur eux-mêmes, pleurant les morts du Canada. C’est le cas notamment de la statue de La Pleureuse canadienne (The

Canadian Bereft), la plus Figure 6 – The Canadian Bereft imposante de toutes ou encore © Canada’s Historic places du Male Mourner. Au sommet des deux pylônes, les deux allégories de la France et du Canada se font face, symbolisant ainsi l’amitié qui unit les deux pays.

Figure 7 – La Paix © Victor Vendries

1 LLOYD (David W.), Battlefield Tourism [...], op. cit., p. 204. 2 Anciens Combattants Canada, « Conception et construction du Monument commémoratif du Canada à Vimy » [en ligne]. http://www.veterans.gc.ca/fra/remembrance/memorials/overseas/first-world-war/france/vimy/vmemory (consulté le 1er mai 2015). 3 Voir BECKER (Annette), Les monuments aux morts : patrimoine et mémoire de la Grande Guerre, Paris, Errance, 1988, chapitre « Un Univers d’Hommes : les combattants ».

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C) Et les autres ? Petite géographie de la mémoire du Front Ouest des années 1920 à nos jours 1) Des batailles aux sépultures : la gestion des morts de l’après-guerre

Figure 8 – Carte du Front Ouest avec répartition des différents belligérants

Afin de resituer Vimy dans un contexte mémoriel plus large, il convient de se pencher quelque peu sur les « territoires sacrés » des autres pays, afin de voir comment ces derniers se sont approprié les sites de la Grande Guerre où leurs soldats ont combattu. On se focalisera ici sur quatre pays, à savoir le Royaume-Uni, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et la France.

Parmi les Alliés amenés à combattre sur le sol français, les soldats britanniques furent les plus nombreux. Ceux-ci furent majoritairement amenés à combattre lors des batailles d’Ypres, de la Somme (1916) ou d’Arras, où ils subirent de nombreuses pertes. La Somme fut incontestablement l’offensive la plus meurtrière, puisque plus de 350 000 soldats d’outre-Manche y perdirent la vie. Afin de gérer les sépultures, les Britanniques créèrent l’Imperial War Graves Commission en 1917, avec pour mission de gérer les sépultures de guerre. Après le conflit, les Britanniques décident d’enterrer leurs morts soit directement sur le champ de bataille, soit à proximité de celui-ci et refusent de regrouper leurs soldats dans des grandes nécropoles1. Les familles n’eurent pas le droit de faire rapatrier les corps. Les Anglais refusèrent également le

1 Idem.

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système des fosses communes ou des ossuaires, cherchant au contraire à attribuer des stèles individuelles à chaque corps, même quand l’identification ne fut pas possible1. Tout soldat tombé sur le champ de bataille se devait donc de bénéficier d’un lien matériel avec le lieu de la mort et être présent matériellement via sa propre stèle et un nom.

L’Australie, autre Dominion faisant partie de l’Empire britannique au moment du conflit, connut de fortes pertes dans la Somme, notamment à Villers-Bretonneux, où les diggers combattirent majoritairement. Fromelles , dans le Nord, fut également l’un des champs de bataille où de nombreux Australiens perdirent la vie. Les morts australiens furent aussi pris en charge par l’IWGC et furent donc enterrés dans les mêmes conditions que les Britanniques. Les Néo-zélandais subirent de lourdes pertes lors de la bataille du Quesnoy, située dans les Flandres.

En ce qui concerne la France, les lieux des grandes batailles ainsi que la manière dont ont été gérés les morts après guerre diffèrent quelque peu des Anglo-Saxons. Parmi les batailles où les Poilus tombèrent en nombre celles de Champagne, du Chemin des Dames ou de Verdun sont les plus importantes. Les Français, contrairement aux Britanniques, furent à l’origine de la création de grandes nécropoles, comme celles construites à Douaumont ou à Notre-Dame de Lorette. « Les ossuaires [eurent] surtout pour but de donner une tombe aux restes non identifiés et d’offrir un tombeau aux familles des disparus2. » Quand les corps étaient identifiables, la République chercha également à adopter le principe de la sépulture et de la stèle individuelles. Les Français autorisèrent aussi les familles à rapatrier les corps dans le cimetière de la commune d’origine. Toute cette logique de gestion des morts fait que le rapport au territoire du champ de bataille est beaucoup moins important chez les Français que chez les Britanniques.

2) Les Poilus à Verdun, les Tommies à Thiepval : vers une « sacralisation » des champs de bataille Après la guerre, les « territoires sacrés » des différents pays se constituèrent autour des anciens champs de bataille où leurs soldats furent amenés à combattre. Bien souvent, les batailles marquantes des histoires nationales de la Grande Guerre furent érigées en hauts-lieux de mémoire, où des monuments commémoratifs furent édifiés. Tout comme le Canada, les autres nations se virent confier la gestion de lopins de terre afin de pouvoir commémorer leurs morts. On assista donc à l’émergence d’une géographie de ces « territoires sacrés », propre à

1 CAPDEVILA (Luc ) et VOLDMAN (Danièle), Nos morts. Les sociétés occidentales face aux tués de la guerre (XIXe-XXe siècles), Paris, Éditions Payot et Rivages, 2002, chapitre 6. 2 Idem.

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chaque pays. Cette géographie existe encore à l’heure actuelle, chacune des ex-nations belligérantes ayant savamment entretenu et intégré à son propre récit national les hauts-lieux de mémoire créés après le conflit1.

Les lieux de mémoire du Royaume-Uni se concentrent surtout à l’heure actuelle dans la Somme et le Nord – Pas-de-Calais, au niveau des anciens champs de bataille où les soldats britanniques ont été enterrés. La patrimonialisation des traces de la guerre du Royaume-Uni a été très poussée dans le premier département, et se cristallise autour d’un haut-lieu de mémoire : le mémorial de Thiepval, sorte de Vimy britannique. Ce « complexe de deuil britannique2 » est entretenu par tout un Circuit du Souvenir, Figure 9 – Mémorial de Thieval © Historial de Péronne (Somme) mis en place conjointement par le Conseil général de la Somme et la CWGC, ainsi que par une « énorme littérature romanesque, militaire et/ou touristique concernant la Somme et ses champs de bataille3. » Les sites de la Somme, ainsi sacralisés, attirent des flux conséquents de pèlerins anglais chaque année. Les Britanniques continuent d’apporter beaucoup de soin à l’entretien de ce complexe mémoriel, au travers de la CWGC.

Le complexe mémoriel Figure 10 – Carte du Circuit du Souvenir (Somme) © Historial de Péronne australien se concentre aussi dans la Somme. Il est également inclus dans le Circuit du souvenir du département. Les pèlerins australiens sont nombreux à visiter ces sites mémoriels, malgré leur éloignement. Le lieu de

1 Pour une cartographie synthétique de ces lieux de mémoire à l’heure actuelle, voir notamment « Quatorze lieux de mémoire », Le Monde, 4 août 2014, pp. 14-15. 2 GUEISSAZ (Mireille), citée dans HERTZOG (Anne), « Tourisme de mémoire et imaginaire touristique des champs de bataille », dans Via@. Revue internationale interdisciplinaire de tourisme, n°1, 2012, p. 4. 3 Idem.

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mémoire principal de l’Australie est le mémorial de Villers-Bretonneux, où a été construit en 1975 un musée franco-australien complètement rénové en 1992 et 20141. Afin de relier tous ses sites mémoriels et de les mettre en valeur, l’Australie a décidé d’investir 7,5 millions d’euros dans la construction d’un « chemin de la mémoire australien2 ». Les Néo-Zélandais ont quant à eux fait du mémorial du Quesnoy un haut-lieu de leur mémoire de la Grande Guerre.

Le complexe français relatif à la Première guerre mondiale est quant à lui situé plus à l’Est. Verdun, labellisé « haut-lieu de mémoire » par le Ministère de la Défense, en est le point central. La mémoire de Verdun est d’une telle force qu’elle a eu pour effet d’évacuer les autres lieux de mémoire de l’imaginaire collectif. Depuis les années 1970, d’autres hauts- lieux de la mémoire française ont été progressivement intégrés au complexe mémoriel hexagonal, comme par exemple le Chemin des Dames qui y trouva sa place suite à la venue de Lionel Jospin sur le site en 19983. Cependant, contrairement aux pays du Commonwealth, la pratique du pèlerinage sur ces lieux n’est pas aussi solidement ancrée dans les mœurs.

II. Un management du site au service de la promotion des valeurs pacifistes et du devoir de mémoire

Si la statuaire de Vimy en fait un lieu résolument pacifiste, cet aspect transparaît également au travers du management du site tel qu’il est mis en œuvre par les dirigeants canadiens. En effet, ces derniers, via l’organisation des commémorations, la mise en valeur du site ou encore l’accent mis sur la jeunesse, cherchent à promouvoir la crête de Vimy comme un lieu de mémoire à caractère universel et comme un instrument de l’approfondissement de l’amitié franco-canadienne.

A) 9 avril et 11 novembre : le rôle des cérémonies du souvenir 1) Organisateurs et acteurs des cérémonies : le choix du pluri-nationalisme Les commémorations qui ont lieu chaque année au mémorial de Vimy constituent un outil privilégié de promotion de ces valeurs universelles. Lors de l’organisation de ces événements, les autorités canadiennes cherchent systématiquement à inviter les autorités

1 Musée Franco-Australien de Villers-Bretonneux [en ligne]. http://www.museeaustralien.com/en/?Home (consulté le 21 avril 2015). 2 MARCOTTE (Pascale), « Un chemin de mémoire canadien pour le Centenaire de la Grande Guerre ? », dans Revue militaire canadienne, vol. 14, n°1, hiver 2013, p. 62. 3 HERTZOG (Anne), « Tourisme de mémoire et imaginaire touristique des champs de bataille », art. cit., p. 2.

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françaises : les maires des communes environnantes et le préfet sont ainsi systématiquement conviés aux cérémonies. Outre ces personnalités, les responsables du mémorial laissent la porte ouverte aux institutions et officiels qui désirent participer aux commémorations. Chaque année, quelques jours avant le 9 avril et le 11 novembre, les autorités canadiennes font publier dans les journaux locaux une annonce précisant que « les représentants des communes, des associations patriotiques et les individuels qui veulent déposer une gerbe ou une couronne doivent en aviser les services du monument1. » Lors des grandes cérémonies, comme celles organisées à l’occasion des 90e et 95e anniversaires de la bataille de Vimy, les responsables du mémorial travaillent directement en lien avec l’ambassade du Canada à Paris, qui fait office d’agent de liaison avec les différents cabinets d’hommes politiques français.

L’organisation du déroulement des cérémonies est également le fruit d’un travail d’intense collaboration entre le Canada et la France. Tout est décidé de manière conjointe : les horaires des cérémonies, leur contenu, les discours, le dépôt des gerbes, etc., même si les autorités canadiennes conservent le dernier mot. Les cérémonies étant perçues essentiellement comme des cérémonies du souvenir – surtout celle du 11 novembre –, les officiels canadiens ne sont pas placés en situation de préséance par rapport aux officiels français. Ces derniers sont d’ailleurs libres de prononcer un discours s’ils le souhaitent. Les 90e et 95e anniversaires

Programme du Souvenir (extrait) Célébration du 90e anniversaire de la bataille d’Arras (2007) Samedi 7 avril - 10 h à Agny, commémoration au cimetière britannique - 16 h à Thélus, cérémonie au monument aux artilleurs canadiens - 19 h 45 à Vimy, « Crépuscule et lumière » sur le site du monument Dimanche 8 avril - 14 h, centre-ville d’Arras, Droit de cité/Freedom of the city Le ministère de la Défense nationale du Canada conduira une parade à travers les rues d’Arras. Appelé Droit de Cité, ce défilé militaire compte parmi les honneurs les plus élevés que des autorités municipales peuvent rendre à une unité militaire. Le privilège du Droit de Cité est de défiler à travers la ville tambour battant, drapeaux déployés et baïonnettes aux canons. Comme nombre de traditions militaires canadiennes, l’importance de cette cérémonie provient de l’histoire militaire britannique. Lundi 9 avril - 8 h à Bullecourt, cérémonie au monument australien du Digger - 9 h à Monchy-le-Preux, cérémonie au monument terre-neuvien - 10 h à Arras, cérémonie au mémorial britannique du Faubourg d’Amiens - 16 h à Vimy, inauguration du mémorial canadien

1 « Cérémonie au mémorial canadien, dimanche », La Voix du Nord, 6 novembre 2010, édition d’Arras, p. 20.

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de la bataille ont quant à eux associé encore plus étroitement les acteurs des différents pays, dans la mesure où les commémorations ont largement débordé le strict cadre de Vimy. Ainsi, lors des célébrations du 90e anniversaire de la bataille d’Arras en 2007, le calendrier – qui s’étalait sur trois jours – a été entièrement pensé en collaboration avec les autorités canadiennes afin d’éviter que les différents Figure 11 – Droit de cite à Arras (8 avril 2007) © http://memoiresdepierre.pagesperso-orange.fr événements organisés ne se chevauchent1.

Un bémol existe néanmoins : l’organisation des cérémonies à Vimy n’inclut jamais les autorités allemandes. La seule fois où des officiels de l’ambassade d’Allemagne furent présents, les organisateurs oublièrent de faire jouer Das lied der Deutschen2. Les commémorations tendent donc au final à être davantage des événements binationaux – associant la France et le Canada – plutôt que des événements plurinationaux, ce qui vient nuire à la capacité de rayonnement universel du lieu de mémoire canadien et ternir son image de réconciliation.

2) Le déroulement des cérémonies : l’utilisation affirmée d’une symbolique pacifiste Les cérémonies, en plus d’être organisées à la fois par les Canadiens et les Français, sont également un moyen d’affirmer les valeurs universelles par le biais de l’utilisation d’une symbolique résolument pacifiste. Nombreuses sont ainsi les commémorations où des gestes forts viennent souligner ces valeurs : lâcher de colombes, messe, hymnes canadien et français joués à la suite, temps de recueillement collectif, etc.3 En 2010, à l’occasion de la mort du dernier Poilu canadien, le préfet du Pas-de-Calais fut la première personne à écrire quelques lignes dans le recueil de pensées mis en place au mémorial de Vimy lors d’une cérémonie spéciale :

« […] je m’incline respectueusement devant la mémoire des 60 000 [soldats canadiens] qui perdirent la vie au champ d’honneur pour notre liberté. Avec notre infinie reconnaissance aux fils et filles de la nation canadienne4. »

1 « 1917-2007. Arras-Vimy », L'Écho du Pas-de-Calais, n°83, avril 2007 [en ligne]. http://www.echo62.com/article-1917-2007-arras-vimy (consulté le 15 avril 2015). 2 « Entretenir les relations entre les peuples pour protéger la paix », La Voix du Nord, 6 novembre 2007. 3 « Elizabeth II était hier à Vimy […] », La Voix du Nord, 10 avril 2007 et « Commémoration de la “fin d’une époqueˮ au mémorial de Vimy », La Voix du Nord, 10 avril 2010. 4 « Un recueil de pensées à Vimy pour honorer le dernier ancien combattant canadien », La Voix du Nord, 8 avril 2010.

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Les discours prononcés par les officiels lors des cérémonies commémoratives mettent également l’accent sur l’amitié franco-canadienne et les nécessités du devoir de mémoire mutuel. Le discours que prononça Dominique de Villepin lors du 90e anniversaire de la bataille est probablement l’un des plus marquants : bilingue, il comporte plusieurs phrases fortement empreintes de pacifisme :

“Altogether sixty-six thousand Canadians, all volunteers, many of them so young, coming from all over Canada, were to give their lives for this war fought so far from home. They did so out of solidarity with Great Britain and with France, their brothers.”

« Les héros de Vimy sont morts pour défendre des valeurs qui depuis n’ont cessé de nous unir et de nous rassembler : des valeurs de paix, de liberté, de tolérance et de respect de l’homme. […] Ces valeurs, nos démocraties doivent continuer à les défendre partout à travers le monde. […]. »

« Sur cette terre d’Artois qui a tant souffert, et où nos alliés ont été nos libérateurs, la France dit merci au Canada. Thank you Canada.1 »

« Brothers », « solidarity », « alliés », « merci », etc. Le champ lexical utilisé est clairement celui de l’amitié franco-canadienne et vient faire écho à la symbolique pacifiste mise en œuvre plus tôt durant la cérémonie. Cette rhétorique de l’amitié a été réutilisée à de nombreuses reprises, comme en 2012 lors du 95e anniversaire de la bataille2.

B) La transmission des valeurs pacifistes : les jeunes générations au cœur du processus mémoriel 1) Acteurs : la place centrale accordée à la jeunesse lors des commémorations Outre les cérémonies du souvenir, le management de Vimy fait la part belle à la réconciliation et au pacifisme en raison de l’accent mis sur les jeunes générations. En effet, les autorités canadiennes souhaitent mettre en avant ce symbole de la jeunesse et insister sur l’importance des liens intergénérationnels, qu’elles estiment cruciaux. Ces jeunes générations qui n’ont pas connu l’horreur du conflit doivent se voir transmettre la mémoire du conflit afin de pouvoir ensuite la transmettre elles-mêmes.

1 Premier ministre de la République française, « Allocution en l’honneur du 90e anniversaire de la bataille de la crête de Vimy », op. cit. 2 Marc Laffineur, secrétaire d’État aux Anciens Combattants, qualifia ainsi le Canada de « pays ami ». Voir « À Vimy, la leçon de mémoire de la jeunesse canadienne », La Voix du Nord, 10 avril 2012.

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On retrouve ainsi systématiquement ce symbole de la jeunesse lors des cérémonies commémoratives : en effet, pas une seule d’entre-elles ne s’est déroulée sur la dernière décennie sans la présence d’au moins un adolescent. Même les années de moindre importance dans le calendrier commémoratif, la jeunesse est tout de même mise en avant, à l’instar de la cérémonie du 9 avril 2010 où une lycéenne canadienne interpréta une chanson de sa composition au violon1. Quand les autorités canadiennes ne peuvent avoir la présence d’un jeune canadien, elles s’arrangent pour que cette absence soit comblée par la présence de scolaires français. Ce fut ainsi le cas lors de la cérémonie du 9 avril 2009 où la chorale du collège Paul-Langevin de Déchy (Nord) a été invitée à interpréter des chants patriotiques et les hymnes nationaux, après plus de quatre mois de répétitions en collaboration avec le mémorial2.

Les années de grandes commémorations, les autorités canadiennes mettent encore davantage l’accent sur les jeunes générations. Lors du 95e anniversaire, le gouvernement de Stephen Harper a ainsi encouragé les jeunes canadiens à faire le déplacement et a financé en partie leur voyage. Cette politique fut un véritable succès, puisque pas Figure 12 – Jeunes canadiens lors du 95e anniversaire de la bataille de Vimy moins de 5 000 jeunes canadiens de l’Atlantique © La Voix du Nord au Pacifique firent le pèlerinage et prirent part à la cérémonie3.

2) Visiteurs : l’importance des visites scolaires sur le site Même en dehors des temps de commémorations, le gouvernement de Stephen Harper finance largement depuis 2006 les étudiants qui effectuent leur pèlerinage au mémorial de Vimy : en 2007, près de 2 000 jeunes Canadiens reçurent ainsi une bourse fédérale4.

Les statistiques de fréquentation du mémorial soulignent qu’en 2013, pas moins de 1427 « youth groups » ont visité Vimy, pour un total de 60 065 jeunes5. Ces groupes

1 « Commémoration de la « fin d’une époque » au mémorial de Vimy », La Voix du Nord, 10 avril 2010. 2 « La chorale du collège a chanté au mémorial de Vimy », La Voix du Nord, 12 avril 2009. 3 « À Vimy, la leçon de mémoire de la jeunesse canadienne », La Voix du Nord, 10 avril 2012 4 « Vive l’armée ! », Le Devoir, 11 novembre 2011, p. A 10. 5 Le mémorial ne comptabilise ses visiteurs que depuis 2009, il n’a donc pas été possible d’estimer la fréquentation pour les années antérieures. De surcroît, les statistiques antérieures à 2013 n’établissent pas de typologie des visiteurs. Voir Lieu historique national de la crête de Vimy, « Données statistiques portant sur la fréquentation du site avec typologie des visiteurs (2013 et 2014) », 2014.

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scolaires ou de jeunes sont de nationalité variée, ce qui souligne la dimension transnationale du site. Les scolaires britanniques sont les plus nombreux : ils représentent 800 groupes sur les 1427, soit 56 % des youth groups. Suivent ensuite les groupes français (401 groupes soit 28 % des youth groups) et les groupes canadiens (154 groupes, 11 %). Le site est en revanche très peu visité par les scolaires allemands, puisque seulement 13 groupes (moins de 1 %) se sont rendus au mémorial en 2013.

Afin de promouvoir ces visites de scolaires et de groupes de jeunes, les autorités du mémorial travaillent de manière étroite avec le Rectorat de Lille, qui dispose d’une commission Histoire-Mémoire depuis plus de 20 ans. De nombreuses actions communes sont ainsi menées, telles que la fourniture d’une aide logistique aux établissements qui souhaitent organiser des échanges scolaires ou des projets ave des établissements canadiens1. Cette politique semble plutôt bien fonctionner, car Delphine Dufour, chargée de mission Mémoire, Patrimoine et Arts du goût pour le Rectorat de Lille, constate une augmentation du nombre de projets, notamment à l’approche du Centenaire. Le Rectorat monte également des projets spécifiques, à l’instar du tournoi international de hockey, organisé récemment dans le cadre de commémorations communes2. En vue de la commémoration du 100e anniversaire de la bataille de Vimy en 2017, un partenariat est également envisagé avec le mémorial. Cependant, le Rectorat ne cherche plus à proposer des ateliers pédagogiques aux scolaires britanniques et canadiens en visite à Vimy, car ceux-ci voyagent très souvent dans le cadre de séjours organisés et disposent donc d’un timing limité.

3) Médiateurs : le programme des guides étudiants canadiens Enfin, le management de Vimy vient promouvoir la transmission des valeurs universelles au travers du programme des guides étudiants. Ce programme, dénommé officiellement « Programme fédéral d’expérience de travail étudiant », est créé en 1963. Trois postes de guides étudiants sont alors créés afin de faire visiter les tranchées conservées et les souterrains aux visiteurs3. Aujourd’hui, on compte au total 15 guides étudiants, répartis entre la crête de Vimy (9 étudiants) et le mémorial terre-neuvien de Beaumont-Hamel dans la

1 DUFOUR (Delphine), Coordinatrice DAAC (Délégation Académique aux Arts et à la Culture) chargée de mission Mémoire, Patrimoine et Arts du goût pour le Rectorat de Lille, entretien téléphonique réalisé le 13 mars 2015, durée de 30 minutes. 2 Idem. 3 TURPIN (Guy), Responsable en France du Lieu national canadien de la crête de Vimy, entretien téléphonique réalisé le 11 février 2015, durée de 1 heure. Retranscrit par écrit.

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Somme (3 étudiants)1. Ces jeunes postulent au Canada via un portail du ministère des Anciens combattants et sont recrutés sur la base de leur maîtrise des deux langues officielles, leur motivation et leur connaissance du rôle du Canada dans la Grande Guerre.

À Vimy, les guides étudiants sont des agents polyvalents : ils sont chargés d’ouvrir le monument le matin et de le fermer le soir, d’effectuer des visites guidées en anglais et en français, d’assurer l’accueil du centre d’interprétation, etc. Ils sont donc en contact permanent avec les visiteurs, ce qui leur permet d’être de réels médiateurs du devoir de. La nationalité canadienne des guides est ce qui fait la force de cette médiation : leur présence sur le sol français – pendant quatre mois, durée du programme – symbolise pleinement l’amitié qui unit le Canada et la France.

Les témoignages d’anciens guides publiés sur le site d’Anciens Combattants Canada, bien qu’à prendre avec du recul car ils visent à mettre en avant le programme auprès des étudiants canadiens, soulignent combien cette expérience a été bénéfique aux jeunes Canadiens qui y ont participé. Un ancien guide, Ted Aubut, témoigne ainsi :

« [J’ai offert] une visite guidée à plus de vingt Allemands lors mon dernier jour de travail. Au début, j'étais prudent : la dernière chose que je voulais faire était d'en vexer ou d'en insulter un. […] Malgré un début chancelant, ce fut l'une des expériences les plus gratifiantes de mon séjour à la crête de Vimy. Les participants étaient engagés, curieux et compréhensifs. Ni la nationalité ni la langue n'ont constitué un obstacle. C'est un site que nous avons vraiment partagé ensemble2. »

Cette dernière phrase montre à quel point cet étudiant a pu saisir, au travers de son expérience, la dimension transnationale de Vimy, ainsi que son rôle dans la réconciliation germano-canadienne.

C) Par-delà les commémorations : l’aménagement et la gestion du site comme outils de médiation des valeurs universelles 1) Les centres d’interprétation : un emplacement et un discours muséographique pour comprendre et se souvenir ? Le premier centre d’interprétation a été construit à quelques pas du monument canadien3 en 1996 à l’occasion de l’inscription du site sur la liste des Lieux historiques nationaux du Canada. En 2005, à l’occasion de l’année de l’Ancien combattant, le

1 Trois guides sont en congé chaque jour. 2 Anciens Combattants Canada, « Programme des guides étudiants en France. Témoignages » [en ligne]. http://www.veterans.gc.ca/fra/remembrance/information-for/students/student-guide-program-in- france/testimonials (consulté le 30 avril 2015). 3 Voir Annexe 3. L’ancien centre était situé côté monument, à côté des actuels sanitaires (n°2 sur le plan).

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gouvernement fédéral mit de côté plusieurs millions de dollars afin de réaménager le site de la crête de Vimy. L’enveloppe incluait un important programme de restauration du monument, qui n’avait jamais subi de travaux depuis son inauguration de 1936 et s’était fortement dégradé. Cette opération de rénovation conduisit en même temps les responsables du site à en repenser complètement l’aménagement. L’ancien centre d’interprétation, jugé trop proche du monument, fut fermé. Les aires de stationnement situées en face de ce dernier furent également supprimées et seuls les sanitaires furent conservés. La construction d’un nouveau centre d’interprétation (n°8 sur le plan en annexe) à côté des tranchées et de l’entrée des souterrains, entraîna le regroupement par les autorités canadiennes de toutes les activités interactives et éducatives d’un seul côté du site. Ceci permit de créer autour du monument un espace complètement dénué de toute autre activité et de constituer ainsi une zone à part, « où les gens peuvent réfléchir1 » et effectuer leur travail de mémoire face à la statuaire pacifiste du monument. Ce nouvel aménagement, qui fut inauguré en même temps que le monument rénové lors du 90e anniversaire de la bataille en 2007, continue à être préservé par les autorités canadiennes.

En revanche, le centre d’interprétation provisoire, également inauguré en 2007, ne met que très peu en avant les valeurs du pacifisme et de la réconciliation : seuls quelques panneaux évoquent ces thématiques. La muséographie telle qu’elle a été créée insiste ainsi davantage sur les exploits des canadiens pendant la guerre que sur les nécessités de la promotion du transnationalisme. Cependant, l’usage des trois langues – le français, l’anglais et l’allemand – sur les Figure 13 – Panneau du centre d’interprétation de Vimy panneaux et les cartels constitue déjà une étape vers la © Victor Vendries réconciliation et l’amitié entre les trois peuples.

2) La politique de gratuité : permettre l’accès à tous tout en rendant hommage à la France Comme vu précédemment, le Canada s’est vu octroyer, en vertu de l’accord de 1922, la gestion des cent hectares du site de Vimy à titre gratuit. L’article 3 du traité signé entre les deux États précise de surcroît que « le terrain concédé au Gouvernement du Canada par le

1 TURPIN (Guy), entretien téléphonique réalisé le 11 février 2015, op. cit.

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présent accord sera exonéré de toutes taxes et impositions1. » Cet acte de concession à titre gratuit par la France est encore vu à l’heure actuelle par les autorités canadiennes comme un acte symboliquement fort qui mérite la reconnaissance du Canada. C’est pourquoi à Vimy, toutes les prestations offertes aux visiteurs sur le site sont entièrement gratuites : ces derniers peuvent ainsi visiter les tranchées et les souterrains, avoir accès au centre d’interprétation ou au stationnement sans débourser le moindre euro2. Maintenir la gratuité semble donc être un principe solidement ancré dans le management de la crête de Vimy, et l’idée même de la mise en place d’une politique tarifaire est perçue par les responsables comme une sérieuse atteinte à l’amitié franco-canadienne. Un accès payant viendrait également restreindre l’accessibilité du site par tous ceux désireux d’effectuer un travail de mémoire. Le gouvernement canadien considère ainsi que l’entretien du site, malgré son coût élevé3, ne doit pas être répercuté sur les visiteurs.

Cette situation, bien qu’elle ne soit pas propre à Vimy, n’est pas généralisée partout. En effet, certains lieux de mémoire de la Grande Guerre font payer l’accès au site, notamment pour leur partie muséale. C’est notamment le cas du Fort de Douaumont à Verdun ou du musée franco-australien de Villers-Bretonneux dans la Somme, qui malgré des financements français, fait payer les visiteurs4.

Cette politique de gratuité s’est de surcroît accompagnée d’une augmentation certaine du budget alloué au fonctionnement du mémorial canadien par le gouvernement fédéral. Cette augmentation est perceptible de manière indirecte, au travers des horaires élargis d’ouverture du site. En effet, alors qu’il n’était possible de visiter les tranchées et les souterrains que du 1er avril au 15 novembre en 19975, ces visites sont aujourd'hui offertes toute l’année, sauf en janvier, mois de fermeture du mémorial. Ceci a conduit le gouvernement fédéral à accroître le nombre de jeunes guides sur place : ceux-ci n’étaient que 3 en 1963, contre 9 à l’heure actuelle6.

1 « Accord entre le Canada et la […] », Traité F102661, op. cit. Voir Annexe 3 2 « Depuis l’ouverture du site, tout est gratuit, et au meilleur de mes connaissances, il n’y a aucune intention de changer ça. » TURPIN (Guy), entretien téléphonique réalisé le 11 février 2015, op. cit. 3 Ce sont surtout les dépenses de personnel qui sont conséquentes. Le ministère des Anciens combattants canadiens emploie en effet deux responsables du site sur place, et a recours à deux entreprises locales pour sous- traiter la sécurité et l’entretien des locaux. Il faut rajouter à cela les quinze guides canadiens. Il n’est cependant pas possible de chiffrer ces coûts, puisqu’il n’a pas été possible d’accéder au budget du site. 4 Musée Franco-Australien de Villers-Bretonneux [en ligne], op. cit. 5 « Vimy, territoire canadien. Le sentier de la Vignette », dans Pays du Nord, n°16, mars-avril 1997, pp. 90-91. Archives départementales du Pas-de-Calais, Publications périodiques, Dainville, PC 1309/1. 6 TURPIN (Guy), entretien téléphonique réalisé le 11 février 2015, op. cit.

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III. A l’ombre du mémorial : le rôle des « passeurs de mémoire » du pays d’Artois

L’étude de Vimy comme lieu de transmission des valeurs pacifistes et du devoir de mémoire ne saurait être complète sans y inclure le rôle essentiel des acteurs plus informels que sont les « passeurs de mémoire ». En effet, de nombreuses associations françaises basées dans la région d’Arras et de Lens cherchent par leurs actions à promouvoir ces valeurs. Certaines, comme les associations du souvenir locales, sont peu institutionnalisées, tandis que d’autres, comme l’Association des Amis du monument canadien de Vimy ou encore la Fondation Vimy, bénéficient d’un statut plus officiel et disposent donc de moyens plus conséquents.

A) Une myriade d’associations pour des objectifs communs : l’amitié franco-canadienne et le devoir de mémoire 1) Le pays d’Artois : « pépinière associative » de la mémoire À l’instar d’autres régions françaises – notamment celles du Chemin des Dames ou de Verdun –, le pays d’Artois compte énormément d’associations du souvenir, qui se sont souvent constituées après la guerre. Centrées d’abord sur l’entretien des cimetières militaires, elles se sont progressivement diversifiées, certaines « se [tournant] vers la douleur, d’autres vers la pédagogie1. » Tandis que nombre d’entre-elles sont très ancrées au sein d’un territoire local restreint, d’autres opèrent à une échelle plus large – c’est le cas de l’Association des fils de tués du Pas-de-Calais. Au sein de cette myriade associative, certaines dédient leurs actions à la promotion de la mémoire des morts canadiens et plus particulièrement de ceux de Vimy.

Les associations d’anciens combattants sont très actives au niveau local. Ce sont d’ailleurs celles qui disposent souvent d’un budget assez important car elles peuvent obtenir des subventions de l’ONAC2. L’association des anciens combattants de Givenchy-en-Gohelle – commune qui jouxte le mémorial de Vimy –, cherche par exemple à organiser de nombreux événements franco-canadiens tout au long de l’année, notamment des commémorations communes. Ainsi, à l’occasion de la cérémonie du souvenir du 2 novembre 2005, les membres associatifs demandèrent au maire d’inviter les responsables canadiens du mémorial. Les commémorations eurent lieu en présence de ces derniers, ainsi que du ministre canadien des Anciens combattants. Les acteurs canadiens furent invités à déposer, tout comme les

1 CAPDEVILA (Luc ) et VOLDMAN (Danièle), Nos morts […], op. cit., chapitre VI. 2 Office National des Anciens Combattants, « La mémoire combattante » [en ligne]. http://www.onac-vg.fr/fr/missions/memoire-combattante/ (consulté le 4 mars 2015).

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associations du souvenir du village, une gerbe devant le monument aux morts communal1. L’Union Nationale des Combattants du Nord co-organise quant à elle de nombreuses sorties scolaires avec les établissements de la région2.

Même les associations dont le but premier n’est pas la promotion de la mémoire se saisissent de la thématique du souvenir des morts de la crête de Vimy. C’est le cas notamment des Pas de , une association de randonnée du pays d’Artois, qui organise de manière ponctuelle des randonnées sur la thématique du souvenir – parfois avec des scolaires de la région –, dont certaines sont centrées sur Vimy3. Ces randonnées à visée mémorielle semblent être une pratique courante pour les associations de l’Artois. L’association Mémoire d’Artois organise ainsi fréquemment des randonnées littéraires en partenariat avec les responsables du mémorial canadien. Afin d’attirer le public, elle fait appel à un comédien professionnel qui joue des textes d’écrivains ou de soldats canadiens au cours de la randonnée4.

Ce foisonnement d’associations et d’activités associatives locales autour de Vimy s’explique probablement par le fait que nombre d’habitants ont le sentiment qu’ils doivent leur liberté actuelle aux Canadiens qui ont combattu en 1917. Cette figure du « Canadien libérateur », reprise lors des discours commémoratifs et par certains hommes politiques de la région, n’apparaît pourtant pas dans la presse locale lorsque les membres associatifs sont entrevus par les journalistes. Nombre des membres ont également une histoire familiale en lien avec le Canada ou la Grande Guerre, comme le président de l’Association des Amis du monument canadien5.

2) Une portée limitée par la faiblesse des effectifs et des ressources financières Étant donné qu’il n’existe pas d’organisme chapeautant l’ensemble des actions associatives à l’échelle du département ou de l’Artois et que les autorités canadiennes ne cherchent pas à s’approprier ce rôle, ces actions sont dans l’ensemble décousues et se limitent à des initiatives propres sans concertation avec les autres acteurs. Ainsi, malgré le nombre de

1 Commune de Givenchy-en-Gohelle, Notre commune. Bulletin municipal de la commune de Givenchy-en- Gohelle, décembre 2005, p. 6. 2 « Le devoir de mémoire, au plus près de l’Histoire pour les écoliers », La Voix du Nord, 27 mai 2011. 3 Association Les Pas de Souchez [en ligne]. http://lespasdesouchez.voila.net/ 4 « Mémoire d’Artois retourne sur les chemins de la guerre », La Voix du Nord, 18 avril 2009. 5 « Les Amis du mémorial canadien contribuent à faire vivre ce lieu historique national », La Voix du Nord, 28 novembre 2011.

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projets menés, le dynamisme mémoriel des associations ne s’est pas constitué en politique cohérente, ce qui a pour conséquence de venir limiter la portée des projets menés.

En effet, la plupart de ces associations mémorielles disposent d’un budget relativement limité, ce qui ne leur permet que de développer des actions à portée territoriale réduite. Les subventions accordées par les différents acteurs publics sont faibles, surtout pour les petites associations à l’ancrage très local : l’association des Anciens combattants de Givenchy-en- Gohelle n’a ainsi reçu de la commune que 397 euros pour son exercice 2015, tandis que l’association d’histoire locale ne s’est vue verser que 500 euros1. Dans un contexte budgétaire tendu, les collectivités territoriales cherchent à réduire leurs dépenses de fonctionnement. Les associations, notamment celles à caractère mémoriel dont l’action n’est pas toujours jugée « indispensable » par les politiciens, voient alors leurs subventions réduites2.

Les associations mémorielles font de surcroît face à un vieillissement de leurs membres et ont du mal à se renouveler. Les jeunes générations de la région délaissent en effet ces structures, ce qui vient nettement atténuer leur rôle de « passeurs de la mémoire ». Certaines associations, face au manque de bénévoles, doivent renoncer à certains projets. C’est notamment le cas de l’Association des Amis du monument canadien de Vimy, qui a été contrainte de mettre un terme au concours qu’elle organisait auprès des écoliers de la commune de Vimy, en partenariat avec l’Inspection académique3.

B) L’Association des Amis du monument canadien de Vimy : un statut et une place privilégiés dans le processus mémoriel 1) Des liens étroits avec les autorités canadiennes L’Association des Amis du monument canadien a été fondée en 1994 afin d’entretenir la mémoire des soldats canadiens morts lors de la bataille de Vimy. Présidée depuis 2003 par Philippe Martin, elle bénéficie d’une situation originale dans le paysage associatif local : elle

1 Commune de Givenchy-en-Gohelle, Notre commune. Bulletin municipal de la commune de Givenchy-en- Gohelle, août 2014, p. 10. 2 L’Association du Souvenir et du Devoir de Mémoire de Vimy et Environs a ainsi demandé une subvention exceptionnelle de 7100 euros au conseil municipal en juin 2014 afin de financer un projet mémoriel commun. Cette subvention n’a pas été votée par les élus qui ont demandé à l’association de fournir davantage de détails concernant le projet afin de voir si celui-ci mérite l’octroi d’un montant exceptionnel aussi élevé. Voir Commune de Vimy, « Délibération du conseil municipal. Compte rendu de la réunion du 18 juin 2014 », 18 juin 2014 et « Vimy : pas de hausse des taux d’imposition, des choix pour les subventions », La Voix du Nord, 16 avril 2015. 3 La Voix du Nord fait état « d’un peu plus de deux cents membres » en 2007, et « d’une centaine d’adhérents » en 2012. Voir « Les Amis du monument canadien au service des visiteurs… et de la mémoire », La Voix du Nord, 2 février 2008 et « Une année riche en perspective pour les Amis du monument canadien de Vimy », 7 février 2012.

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travaille en effet en étroite collaboration avec les autorités canadiennes afin de chercher à promouvoir cette mémoire. « On veut être le relais intergénérationnel du devoir de mémoire », affirme ainsi le président dans un entretien à La Voix du Nord1.

Afin de mener à bien cet objectif, les Amis du monument canadien ont réussi à s’imposer en véritable acteur du management du site. En effet, pas une décision n’est prise par les autorités canadiennes sans que les membres de l’association ne soient consultés. Les membres des Amis sont ainsi mis au courant par les responsables sur place des grandes orientations du site décidées à Ottawa, tandis que ces-mêmes responsables assistent aux réunions de travail de l’association. Cette semi-institutionnalisation lui confère ainsi un véritable pouvoir de suggestion, les Amis du monument devenant dans les faits une sorte d’« assemblée consultative » du mémorial. Les responsables de Vimy conservent néanmoins toujours le dernier mot, puisque rien ne relie officiellement les deux entités – les Amis du monument canadien étant une association française loi 1901. On assiste ainsi à un fonctionnement original, dont l’harmonie qui dure depuis maintenant plus de vingt ans souligne la réussite de cette opération de collaboration binationale et la pérennité de l’amitié franco-canadienne – d’autant que tous les membres de l’association sont Français2. Symbole de leur statut privilégié auprès des autorités canadiennes, les membres des Amis du monument canadien disposent en outre d’un local associatif mis à disposition par les Canadiens3. Ce local se trouve à quelques mètres des bureaux des responsables du mémorial, ce qui symbolise là encore les relations étroites qui unissent les deux acteurs.

Pour leur investissement et la qualité de leur aide, les Amis du mémorial canadien ont reçu en 2009, des mains du ministre d’État canadien, un certificat de reconnaissance qui souligne leur contribution exceptionnelle et leur dévouement envers le site de Vimy.

2) Des actions essentiellement tournées vers l’aménagement du site et la médiation des faits historiques Forte d’une centaine de membres, l’association assure l’exploitation d’un aspect qui n’est pas pris en charge par les autorités canadiennes, à savoir la vente de cartes postales, d’ouvrages et de DVD sur Vimy et les lieux de mémoire de la région. Les recettes issues des ventes (environ 45 000 euros de chiffre d’affaires annuel4) permettent à l’association de

1 « Les Amis du monument canadien au service des visiteurs […]», La Voix du Nord, op. cit. 2 TURPIN (Guy), entretien téléphonique réalisé le 11 février 2015, op. cit. 3 Voir Annexe 3 (n°3 dans la légende). 4 TURPIN (Guy), entretien téléphonique réalisé le 11 février 2015, op. cit.

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bénéficier d’une bonne assise financière. Les Amis reçoivent également environ 8 500 euros de subventions ainsi que de dons faits par les visiteurs. Cependant, les ressources financières de l’association restent limitées, et celle-ci est contrainte de surveiller scrupuleusement son budget, afin de ne pas se retrouver déficitaire lorsqu’elle finance des projets conséquents1.

Grâce à ce budget plutôt important, les Amis du monument mènent différentes actions en lien avec les responsables du mémorial, afin notamment d’améliorer les infrastructures et l’aménagement du site, dans le but de permettre aux visiteurs d’effectuer leur travail de mémoire dans les meilleures conditions. L’association a ainsi financé de nombreux projets, à l’instar de ceux présentés ci-dessous.

Projets financés par l’Association des Amis du monument canadien de Vimy (2007 – 2010)

Source : La Voix du Nord 2007 - achat d’un système d’émetteurs-récepteurs pour les guides

2008 - installation de mobilier urbain (bancs…) - installation de panneaux d’information et de signalisation

- achat de fauteuils roulants électriques à destination des personnes à mobilité réduite - abris pour les tables de pique-nique

2009/2010

- achat d’une voiturette électrique à destination des personnes à mobilité réduite - installation d’une fontaine à eau et de porte-vélos - rénovation des kiosques des guides

Outre ces actions tournées vers l’aménagement du site, les Amis du monument canadien se chargent d’organiser des réceptions à la salle des fêtes de Vimy après les commémorations, ainsi que des événements culturels en lien avec la mémoire des soldats canadiens, comme des concerts du souvenir (église de Vimy en novembre 20072) ou des conférences sur le CEC (à Escaudoeuvres en novembre 20133). Ils fournissent également une assistance aux jeunes guides canadiens en leur trouvant un logement à Arras pour leur séjour et en les aidant à effectuer les démarches administratives à leur arrivée en France.

1 La Voix du Nord fait état d’un projet coûteux d’achat d’audioguides par l’association dans un article daté du 15 janvier 2008. À l’heure actuelle, ce projet ne s’est pas concrétisé, puisqu’aucune visite audioguidée n’est actuellement proposée aux visiteurs. 2 « Les Amis du mémorial contribuent au développement du site de Vimy », La Voix du Nord, 9 février 2010. 3 « Conférence-débat sur les Canadiens à Vimy ce jeudi à la médiathèque », La Voix du Nord, 20 novembre 2013.

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C) De part et d’autre de la crête : la Fondation Vimy, un acteur transnational à visée transnationale ? 1) Un organisme canadien ancré des deux côtés de l’Atlantique La Fondation Vimy a été fondée en 2005 par Andrew Powell, un Canadien résidant en France dont l’objectif était d’éviter que les guerres mondiales ne tombent dans l’oubli. Basée à Montréal, c’est un organisme canadien bilingue à but non lucratif qui se donne pour mission de promouvoir l’héritage canadien de la Grande Guerre, qui est symbolisé par la bataille du 9 avril 1917. La fondation dispose de bureaux au Canada, ainsi qu’un à Douai dans le Nord de la France1 : elle dispose donc d’un double ancrage territorial, ce qui vient souligner son rôle d’acteur transnational.

Afin de promouvoir l’amitié franco-canadienne, la Fondation Vimy a lancé en 2006 un concours, sous l’appellation « Prix Vimy Beaverbook », du nom de la fondation partenaire qui aide à financer le projet. Ce concours, qui s’adresse aux jeunes lycéens du Canada, du Royaume-Uni et de la France, récompense les lauréats en leur offrant l’opportunité de participer à un séjour pédagogique en France et en Angleterre, sur les lieux de mémoire communs aux trois pays (plages du Débarquement, Vimy, sites de la Somme, etc.). Ces séjours visent à développer les liens entre les jeunes des trois nations et à les sensibiliser aux conséquences des deux grands conflits mondiaux. Alors que seuls « quatre Canadiens et un Anglais2 » participèrent en 2006 au programme, celui-ci s’est élargi d’année en année afin d’accueillir des Français. L’association des lauréats, qui a été créée en même temps que le prix, permet aux jeunes Français de continuer à entretenir des relations avec les Canadiens et Britanniques afin de prolonger dans le temps le travail de mémoire3.

Outre le prix Vimy, la Fondation finance de nombreux projets pédagogiques, aussi bien au Canada qu’en France. Elle a par exemple aidé le lycée Robespierre d’Arras à organiser une journée franco-canadienne en 2011 afin d’insister sur « le devoir de mémoire et l’amitié entre les deux pays4. » Afin de coordonner tous ces projets, la Fondation Vimy emploie cinq enseignants canadiens qui travaillent à temps plein au sein de sa cellule pédagogique.

1 « Onze jeunes Canadiens en visite sur les traces de leurs ancêtres », La Voix du Nord, 16 août 2008. 2 « Treize jeunes sur les traces de leurs aînés, ces héros canadiens, britanniques et français », La Voix du Nord, 18 août 2007. 3 « Deux Douaisiens lauréats de la Fondation Vimy », La Voix du Nord, 17 avril 2009. 4 « Pancakes au sirop d’érable et devoir de mémoire à Robespierre », La Voix du Nord, 16 février 2011.

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2) Pacifisme ou patriotisme ? Les ambiguïtés de la fondation Il convient cependant de nuancer le caractère transnational des politiques menées par la Fondation Vimy. En effet, bien que cette dernière mène de nombreuses actions centrées sur l’amitié franco-canadienne, nombre des projets qu’elle mène ont un caractère nettement moins porté sur la mise en avant des valeurs universelles. La fondation a ainsi effectué en 2012 un lobbying intense auprès du gouvernement Harper afin que Vimy apparaisse sur les nouveaux billets de $20, afin de mettre en avant « la victoire de la Crête-de-Vimy1 », comme cela est écrit sur son site. « Grâce à la Banque du Canada, [cette victoire] sera représentée sur les nouveaux billets, ce qui permettra aux Canadiens de garder dans leurs portefeuilles un épisode de l’histoire de leur pays. » En outre, le bureau de la fondation à Douai indiquait en 2008 à La Voix du Nord que les séjours de jeunes organisés dans le cadre du prix Vimy avaient surtout pour but de « retracer la naissance de la nation canadienne dans les deux pays fondateurs que sont la Grande-Bretagne et la France2. »

Autant certaines pages du site Internet de la fondation revêtent réellement un caractère transnational et cherchent à mettre en avant pacifisme et devoir de mémoire (c’est le cas notamment de la page « Beaverbook Vimy Prize »), autant d’autres, comme celle intitulée « Victory at Vimy » adoptent clairement une rhétorique patriotique – voire parfois nationaliste – qui sème l’ambiguïté. Les pages « Victoria Cross Recipients » et « Significance of Vimy Ridge » contiennent ainsi quelques phrases plutôt surprenantes, pour un organisme qui invoque la promotion de l’amitié entre Britanniques, Canadiens et Français comme objectif premier :

““Nations are made by doing great things together.” – Renan”

“In the first of a new historical series on the Battle of Vimy Ridge, the Foundation looks at some of the soldiers present at the battle, and the heroism they showed in this landmark victory by Canadian forces.”

Oscillant tour à tour entre pacifisme et nationalisme, la Fondation Vimy est donc au final une excellente illustration de la ténuité de la frontière qui sépare les deux notions, ainsi que de la confusion qui peut régner autour de cette frontière aux contours parfois flous. La Fondation Vimy se révèle donc être une « institution janusienne », à la fois promotrice des

1 « La Banque du Canada dévoile le nouveau billet de 20 $ sur le thème de Vimy », The Vimy Foundation [en ligne] https://www.fondationvimy.ca/bulletinjuillet2012_billet (consulté le 28 avril 2015). 2 « Onze jeunes Canadiens en visite sur les traces de leurs ancêtres », La Voix du Nord, 16 août 2008.

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valeurs universelles et du fait national, ce dont le mémorial de Vimy est également le reflet. En effet, par-delà les commémorations, la place accordée à la jeunesse et le rôle essentiel des associations du souvenir, le lieu historique national de la crête de Vimy fait l’objet d’une utilisation, voire d’une instrumentalisation par certains acteurs – hommes politiques notamment – qui voient en elle un moyen de promouvoir leur vision de la nation.

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PARTIE 2. ENTRE DESINTERET DES UNS ET GLORIFICATION PAR LES AUTRES. VIMY, UN LIEU DE MEMOIRE PORTEUR DU FAIT NATIONAL

“This is Canada’s altar on European soil1.” – Mackenzie King, premier ministre du Canada (1936)

Si Vimy est effectivement un lieu de mémoire vecteur des valeurs pacifistes et du rapprochement franco-canadien, il n’en demeure pas moins un lieu autour duquel viennent se cristalliser différents récits nationaux, différentes mémoires et différentes perceptions du passé. Un récit français tout d’abord, puisque la crête de Vimy fut le théâtre d’un revers majeur pour le régiment marocain qui réussit en 1915 à la prendre d’assaut – mais pas à la conserver. Un récit canadien évidemment, qui s’articule autour de la bataille du 9 avril 1917 et de la victoire canadienne qui s’ensuivit. D’autres récits enfin, moins connus et moins mis en avant, tel le récit britannique – les Tories ayant en effet largement contribué à la victoire canadienne2 – ou encore le récit canadien-français.

Mais tous ces récits ne trouvent pas une égale représentation à Vimy. En effet, tandis que le mémorial ne se fait l’écho que de certains récits nationaux, d’autres sont complètement marginalisés. C’est notamment le cas de la vision canadienne-française de la bataille – et plus largement du premier conflit mondial –, qui se retrouve très largement absente du management du site. À l’inverse, et surtout depuis l’arrivée des conservateurs canadiens au pouvoir en 2006, Vimy se fait de plus en plus le reflet d’un récit patriotique-nationaliste canadien, qui a tendance à reléguer à la marge, voire à occulter les autres visions de la bataille. De surcroît, il convient de souligner que la crête n’est pas entrée dans toutes les mémoires collectives, notamment au sein des mémoires française et allemande, qui persistent à percevoir Vimy comme un lieu de mémoire uniquement canadien. La crête de Vimy se révèle au final être un lieu de doubles tensions : une tension entre pacifisme et nation d’une part, puisque la manière dont les États – notamment la France et le Canada – appréhendent le site souligne à quel point celui-ci n’est pas perçu que comme un lieu transnational, et une tension entre les différents récits nationaux d’autre part, qui se retrouvent en concurrence avec le récit canadien dominant.

1 HAYES (Geoffrey), IAROCCI (Andrew) et BECHTHOLD (Mike), op. cit., p. 283. 2 Voir notamment SHEFFIELD (Gary), “Vimy Ridge and the Battle of Arras: A British Perspective”, dans HAYES (Geoffrey), IAROCCI (Andrew) et BECHTHOLD (Mike) (sous la direction de), Vimy Ridge: a Canadian reassessment, Waterloo (Canada), Wilfrid Laurier University Press, 2007.

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I. La désaffection française pour un lieu perçu comme canadien

Si Vimy est devenu rapidement le lieu symbole du sacrifice du Canada pendant la Grande Guerre et fait aujourd’hui partie intégrante de la mémoire canadienne, il n’est cependant jamais entré dans la mémoire collective française. Les Français ne connaissent pas et ne se reconnaissent pas dans Vimy, qui est très largement perçu comme étant un lieu de mémoire étranger. L’étude de l’implication de la France dans le fonctionnement et l’organisation du mémorial, de la participation des hexagonaux lors des cérémonies et celle du traitement qui lui est accordé dans la presse française souligne bien à quel point Vimy est tout sauf un second Verdun.

A) Vimy dans l’imaginaire collectif français : méconnaissance, extraterritorialité et extranéité 1) « Vimy, Dieppe ? Connais pas !1 » : un lieu inconnu des Français Il suffit de s’adresser à un Français et de lui demander s’il a déjà entendu parler de la crête de Vimy pour obtenir à coup sûr une réponse négative. En effet, le lieu de mémoire canadien est tout simplement inconnu de l’immense majorité de la population hexagonale, ce qui souligne bien qu’il n’est pas ancré dans la mémoire collective française. Contrairement au Canada2, il n’existe malheureusement pas en France de sondage qui permette d’établir sociologiquement la proportion de Français ayant connaissance du mémorial canadien. À défaut, il est cependant intéressant de se baser sur une analyse d’un échantillon plus restreint, à savoir les étudiants de l’IEP de Rennes3.

Ce sondage réalisé auprès d’un échantillon de 186 étudiants de 1re, 2e et 4e année de l’IEP est tout à fait révélateur de la méconnaissance de Vimy par un public étudiant résidant majoritairement dans le Grand Ouest (84,2 % des répondants). À la question « Connaissez- vous la bataille de la Grande Guerre suivante : la bataille d’Arras », 60,2 % affirment n’en

1 GrandQuebec.com (site de vulgarisation de l’histoire et de la culture québécoises) [en ligne]. http://grandquebec.com/la-guerre-et-le-quebec/sondage-sur-la-guerre/ (consulté le 12 mars 2015). 2 L’Institut du Dominion du Canada a publié un sondage lors du 90e anniversaire de la bataille de Vimy. Les résultats révèlent que seuls 49% des Canadiens sont capables de répondre correctement à la question : “Canada’s most famous single victory in the First World War consisted of the capture of a key ridge on the Western Front. What was this battle called?” Voir L’Institut du Dominion/The Dominion Institute et Innovative Research Group Inc., « Vimy Ridge 2007 Survey », 9 avril 2007 [en ligne]. https://www.historicacanada.ca/sites/default/files/PDF/polls/dominioninstitute_vimypoll_april9_en.pdf (consulté le 7 avril 2015). 3 VENDRIES (Victor), « Les lieux de mémoire en France », avril 2015. Sondage de 10 questions réalisé en ligne. Voir questionnaire en annexe (Annexe 1).

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avoir jamais entendu parler. À l’inverse, seuls 1,2 % des étudiants sondés affirment ne pas connaître du tout la bataille de Verdun. Quand on se penche plus précisément sur le mémorial de la crête de Vimy, le sondage souligne une méconnaissance encore plus grande des répondants. Ainsi, 80% des étudiants interrogés affirment ne pas connaître du tout ce lieu de mémoire1, tandis que ceux ayant indiqué en avoir déjà entendu parler ne sont que 4,8% à être capable de le situer précisément et de le définir.

Figure 14 – Extrait de l’analyse des réponses au sondage réalisé auprès des étudiants de l’IEP de Rennes © Victor Vendries

Comment expliquer une telle méconnaissance de la crête de Vimy ? Les raisons étant complexes et multiples, et aucun travail scientifique spécifique n’ayant été effectué sur la question, on ne se contentera ici de que d’ébaucher quelques hypothèses. Si on s’intéresse aux différentes « instances de socialisation » françaises, force est de constater qu’aucune d’entre-elles ne se fait l’écho de Vimy, ce qui explique le fait que ce lieu soit complètement inconnu. Les médias tout d’abord, ne traitent pas du mémorial canadien, comme cela sera vu plus bas. C’est également le cas de l’école : le nouveau programme d’histoire de la classe de 3e n’exige ainsi des collégiens qu’ils ne soient en mesure de maîtriser que la seule bataille de Verdun, qui doit être utilisée par les enseignants, afin d’illustrer « la violence de masse » et plus particulièrement « la guerre des tranchées2 ». D’une manière non surprenante, les programmes d’histoire de lycée ne se font pas plus bavards que ceux de 3e et ne cherchent pas à développer une approche historique comparée de la Grande Guerre – contrairement au renouveau historiographique impulsé par les

1 Ce pourcentage est probablement inférieur à la réalité, étant donné que les étudiants participant au séminaire de recherche « La Fabrique culturelle » ayant répondu au questionnaire avaient déjà connaissance du lieu au préalable. 2 « Programme d'enseignement d'histoire-géographie-éducation civique. Annexe 1. Classes de Troisième », Bulletin officiel, n°42, 14 novembre 2013, p. 2.

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écoles de Péronne et de Craonne –, laissant ainsi de côté Vimy et les autres lieux de mémoire étrangers1. Enfin, Français qui ont combattu à Vimy en 1915 ayant été peu nombreux – les soldats de la Division marocaine étaient quasiment tous étrangers – rares sont aujourd’hui les familles à transmettre et faire connaître Vimy à leurs enfants. Vimy ne reste donc connu que de quelques Français résidant dans le Nord de la France.

2) La crête de Vimy dans la communication officielle des autorités françaises : l’assimilation à un lieu canadien Si l’on se penche sur la description de Vimy dans la communication officielle des différentes administrations françaises, on remarque que ce dernier est systématiquement évoqué comme un lieu « extraterritorial ». Vimy est ainsi présenté de manière récurrente non pas comme un lieu de mémoire franco-canadien commun situé en territoire français, mais comme une enclave canadienne en territoire français. Ce registre va pourtant à l’encontre de la réalité : en effet, le lieu national de la crête de Vimy est certes géré par le Canada, mais la terre sur laquelle se trouve le mémorial est cependant française, si on s’en réfère au traité de 1922. De surcroît, les Canadiens ne sont pas les seuls à avoir combattu sur la crête, ce qui fait de ce fait de Vimy un lieu de mémoire multinational.

Nombreux sont ainsi les sites Internet ou les plaquettes touristiques officiels qui n’utilisent même pas le substantif « France » ou bien l’adjectif « français » dans le descriptif du lieu. C’est notamment le cas du Guide pratique 2015 édité par l’Office de Tourisme d’Arras, qui n’utilise le terme « France » que pour évoquer le fait que le terrain a été cédé par la République française au Canada2. En revanche, les termes « Canada » et

« canadien » reviennent pas moins de 5 fois, Figure 15 – Extrait du Guide touristique 2014, édité alors que le paragraphe sur Vimy ne fait que par le Conseil général du Pas-de-Calais, p. 11 © Conseil général du Pas-de-Calais 9 lignes. Le Guide touristique 2014 publié par le Conseil Général du Pas-de-Calais se contente pour sa part d’un descriptif assez peu binational. Le « Mémorial National du Canada » y est simplement présenté comme un « territoire canadien surplombant la plaine d’Artois3 ». Dans ces deux guides, le monument à la

1 Ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative (DGESCO), « Histoire – Questions pour comprendre le XXe siècle – Thème 2 », janvier 2012. 2 Office de Tourisme d’Arras, Guide pratique 2015, 2015, p. 28. 3 Conseil Général du Pas-de-Calais, Guide touristique 2014, 2014, p. 11.

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Division marocaine est complètement oublié. Seul l’héritage canadien est mis en valeur et toute référence à l’histoire et à la mémoire commune est gommée. Il convient cependant de souligner que toutes les publications touristiques ne mettent pas l’accent sur cette notion d’extraterritorialité : ainsi, Les Chemins de mémoire 14-18, la brochure éditée par le CRT du Nord – Pas-de-Calais, offre une vision plus nuancée de la crête de Vimy. Cette dernière y est décrite à la fois comme un lieu canadien – « le berceau du Canada moderne » –, mais aussi comme un lieu « symbolisant l’amitié entre le Canada et la France1 ».

Ce phénomène « d’extraterritorialisation » n’est pas propre à la décennie 2004 – 2014 ni aux brochures touristiques éditées par les collectivités locales. En effet, lors du 75e anniversaire de la bataille, François Mitterrand avait entamé son discours en utilisant ce même registre. Ses premiers mots furent : « Sur cette terre canadienne », tandis qu’il poursuivit en ajoutant : « Tout autour, c'est la terre de France. Ici, la conquête fut celle de vos soldats2 ».

3) L’absence de contribution de la France au budget de Vimy Cette impression d’extraterritorialité qui domine au sein des milieux officiels français joue sur la manière dont le mémorial canadien est inclus – ou plutôt non inclus – dans les politiques publiques de la mémoire locales et nationales. En effet, Vimy étant considéré comme une enclave étrangère en terre française, les hommes politiques français considèrent que sa gestion et son financement relèvent uniquement du ministère canadien des Anciens combattants, qui serait de ce fait le seul organisme légitime à prendre en charge ce lieu de mémoire. On observe ainsi un véritable désinvestissement des autorités publiques hexagonales, qui délaissent complètement ce site et ne prennent part à son fonctionnement que lors des commémorations annuelles.

Bien qu’il n’ait pas été possible d’obtenir le détail précis du budget annuel de Vimy, il a été en revanche possible d’obtenir confirmation lors d’un entretien avec Guy Turpin, le responsable en France du mémorial de Vimy, de la provenance des fonds qui permettent au site de fonctionner annuellement3. M. Turpin souligne ainsi que les recettes de

1 Comité Régional de Tourisme Nord – Pas-de-Calais, Nord – Pas de Calais. Les Chemins de mémoire 14-18, 2014, p. 7. 2 « Allocution prononcée par M. François Mitterrand, Président de la République lors de la cérémonie de commémoration du 75ème anniversaire de la bataille de Vimy », 9 avril 1982. 3 TURPIN (Guy), Responsable en France du Lieu national canadien de la crête de Vimy, entretien téléphonique réalisé le 11 février 2015, durée de 1 heure. Retranscrit par écrit. M. Turpin n’a pas été en mesure de fournir les documents financiers du site ou encore de préciser son budget annuel de fonctionnement et d’investissement. L’Association des Amis du monument canadien de Vimy n’ayant pas répondu aux demandes d’entretien, celle-ci n’a également pas été en mesure de fournir de détails précis concernant le budget du mémorial.

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fonctionnement du mémorial proviennent exclusivement du gouvernement canadien et plus particulièrement du ministère des Anciens combattants. Ni l’État français ni les collectivités locales environnantes ne contribuent directement ainsi au budget du site, ces derniers se contentant le plus souvent – on le verra plus loin – de sa mise en tourisme indirecte. En matière d’aménagement du site, seules les autorités canadiennes décident, les hommes politiques français se refusant souvent à toute forme « d’ingérence » et appliquant le traité de 1922 à la lettre1. Il existe bien quelques financements d’origine française, mais ceux-ci sont de nature très indirecte et surtout minoritaires. L’Association des Amis du monument canadien de Vimy, qui est chargée de l’aménagement du site en collaboration avec les autorités canadiennes, ne reçoit ainsi que quelques maigres subventions provenant des collectivités locales environnantes. À titre d’exemple, la commune de Givenchy-en-Gohelle n’a attribué en 2009 que la très modeste somme de 35 € aux Amis du monument canadien2.

Ces financements indirects sont également peu conséquents et irréguliers. La route D55 menant à Vimy est ainsi mal entretenue et peu d’aménagements ont été effectués sur les dix dernières années, malgré les demandes insistantes du maire de Givenchy-en-Gohelle. Dans le bulletin municipal de mars 2015, celui-ci fait part de son agacement : « Un Préfet s'était engagé à soutenir un projet d'aménagement de la D55... L’implantation d’un belvédère, dans la montée, avait été promise. Nous n’avons rien vu venir... 3 ». Face à un tel désengagement de l’État, les communes sur lesquelles se situe le mémorial se retrouvent à devoir supporter – à la hauteur de leur budget limité – les dépenses d’infrastructures autour du site.

B) Le silence révélateur de la presse française 1) Vimy, le grand oublié de la presse quotidienne nationale française Ce n’est pas un euphémisme que d’affirmer que Vimy est le grand oublié de la presse nationale française, le traitement médiatique qui lui est réservé étant quasi inexistant. Sur la décennie 2004 – 2014, les occurrences « Vimy » et « Canada » combinées n’apparaissent ainsi que dans 18 articles pour l’ensemble des titres étudiés4 et seuls 5 d’entre eux ne traitent que du mémorial canadien. A l’inverse, pas moins de 1 233 articles traitent de Verdun sur la même période.

1 « Article II. [Le Gouvernement du Canada] s'engage, en outre, à assurer l'entretien du parc et du monument ». « Accord entre le Canada et la France portant concession au Canada …», op. cit. 2 Commune de Givenchy-en-Gohelle, Notre commune. Bulletin municipal de la commune de Givenchy-en- Gohelle, mars 2009, p. 16. 3 Commune de Givenchy-en-Gohelle, op. cit., mars 2015, p. 5. 4 À savoir : Le Monde, La Croix, Le Figaro, Libération, Les Échos et L’Humanité.

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De plus, lorsque les quotidiens La Voix du Nord PQN française Le Devoir (Canada) évoquent Vimy, c’est très souvent de manière marginale, dans des articles 20 19 18 situés dans des rubriques secondaires et 16 15 rédigés par des journalistes non 14 12 11 11 9 spécialistes des questions mémorielles ou 10 8 8 8 de la culture canadienne. Le cas du 6* 6 5 5 5 5 5 3 3 3 journal La Croix est à ce titre révélateur. 4 2 2 2 1 1 1 L’unique article que consacre le 0 0 0 0 0 0 0 0 quotidien parisien à Vimy n’apparaît qu’à 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 * dont 3 articles issus du Journal du Centenaire (Le Monde) la 27e page, au sein d’une rubrique aux Figure 16 – Nombre d’articles traitant de Vimy (2004-2014) contours flous intitulée « Séquence. Vu © Victor Vendries d’ailleurs1. » La seule fois où le mémorial canadien accède à une pagination plus favorable au sein du journal – en page 8 à l’occasion du 90e anniversaire de la bataille de Vimy –, il ne se voit accorder qu’une dépêche de 10 lignes de l’AFP2.

Une telle marginalisation de Vimy au sein de la presse française, souligne bien à quel point celle-ci se désintéresse complètement des lieux de mémoire étrangers – et notamment de la crête de Vimy. Même lors des événements importants, à l’instar des commémorations du 90e anniversaire de la bataille – auxquelles la reine Elizabeth II a assisté –, les médias nationaux français ne traitent pas du mémorial canadien3. Ce silence s’explique probablement par le fait que Vimy est perçu par les rédactions françaises comme n’étant pas newsworthy, car trop canadien. La presse nationale contribue ainsi à renforcer à la fois la méconnaissance du mémorial auprès des Français, mais aussi les représentations collectives de Vimy déjà en place, à savoir les sentiments d’extranéité et d’extraterritorialité évoqués plus haut, d’autant plus que les articles traitant de Vimy l’assimilent systématiquement à un lieu étranger4. Cependant, l’augmentation suite au Centenaire du nombre d’articles du Monde traitant de Vimy semble indiquer un début d’évolution, bien qu’il soit impossible de confirmer cette tendance sur la base d’un échantillon quantitatif aussi restreint que celui étudié.

1 CHAPSAL (Agnès), « Un événement fondateur pour la nation canadienne », La Croix, 16 janvier 2014. 2 « 90e anniversaire de la bataille de Vimy », La Croix, 10 avril 2007. 3 Bien que seul le cas de la presse écrite soit développé ici, le constat est identique en ce qui concerne les autres médias, et notamment la télévision. Ainsi, lors du 90e anniversaire de la bataille, seule la chaîne France 3 – dans son édition locale du Nord – a diffusé un reportage sur Vimy. Voir « Le courrier des lecteurs », La Voix du Nord, 12 avril 2007. 4 Le Monde titre même un de ses articles : « Vimy, la Bastille du Canada », Le Monde. Le Journal du Centenaire, 15 avril 2014.

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2) Une presse locale plus évocatrice ? Il convient cependant de nuancer ce discours d’une presse française en totale désaffection pour Vimy. La presse quotidienne locale – et notamment La Voix du Nord –, traite en effet davantage du lieu de mémoire canadien, ne serait-ce pour des raisons de proximité évidentes. Ainsi, sur uniquement sur la période 2007 – 20141, pas de moins de 70 articles traitant directement de Vimy – et uniquement des aspects mémoriels du site ou de son aménagement – sont parus dans le quotidien lillois. Cependant, si la presse locale accorde au mémorial canadien une place quantitativement conséquente, il est nécessaire de souligner que la plupart des articles sont de taille très modeste et sont le plus souvent publiés dans les pages locales de l’Arrageois touchant de fait un lectorat assez restreint. De fait, ces articles sont davantage destinés à informer les populations locales – qui ont déjà une connaissance, même minime, du mémorial de Vimy – des événements et actualités du site, plutôt qu’à présenter et à faire connaître au plus grand nombre ce lieu de mémoire.

Néanmoins, La Voix du Nord accorde tout de même fréquemment une place non négligeable à Vimy au sein de ses premières pages, qui sont communes à toutes les éditions de la région. Ainsi, les grands événements tels que les commémorations majeures bénéficient d’une couverture large et importante, et les articles qui les évoquent sont souvent de longueur conséquente Le quotidien lillois a à ce titre cherché à donner aux 90e et 95e anniversaires de la bataille de Vimy un traitement particulier, en éditant à chaque fois en 2007 et 2012 un supplément bilingue d’une dizaine de pages, inséré dans toutes les éditions locales2. Cet accent mis sur le mémorial canadien de Vimy en particulier et sur les lieux de mémoire de la guerre en général peut sans doute en partie s’expliquer par l’héritage résistant de La Voix du Nord, un quotidien qui a été fondé sous l’Occupation.

Figure 17 – La Voix du Nord, 10 avril 2015, pp. 2-3 © La Voix du Nord

1 Les archives de La Voix du Nord datant d’avant 2007 n’étant pas numérisées sur la base de données Europress, il n’a malheureusement pas été possible de consulter les articles antérieurs à cette année. 2 Il n’a pas été possible de se procurer ces suppléments, qui ne sont disponibles ni sur la base de données Europresse ni sur le site Internet de La Voix du Nord.

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C) L’ambiguïté des cérémonies du souvenir : commémorer avec les Canadiens ou commémorer aux côtés des Canadiens ? 1) Hauts-dignitaires ou officiels de second rang ? Les représentants de la France lors des cérémonies à Vimy Deux constantes se dégagent des cérémonies commémoratives sur la décennie 2004 – 2014 : d’une part, la France n’envoie que peu d’officiels pour la représenter, et d’autre part, ces officiels sont systématiquement de statut inférieur aux dignitaires canadiens présents. Ainsi, les années « normales » de commémorations, le plus haut représentant envoyé par la République est généralement le préfet ou le sous-préfet de Lens1, voire comme ce fut le cas en 2010, le secrétaire général de la préfecture2. En face de ceux-ci se trouvent en revanche le ministre des Anciens combattants du Canada ou à défaut, son ambassadeur à Paris. De même, alors que les délégations d’officiels et de militaires canadiens sont souvent conséquentes – Ottawa finance en effet chaque année le déplacement d’au moins une vingtaine de représentants –, les délégations françaises sont quant à elles peu fournies, surtout si l’on exclut les élus des communes environnantes, qui sont systématiquement présents en raison des liens étroits qu’ils entretiennent avec le mémorial. La délégation française ne comprend jamais de militaires français – ou très rarement –, alors que l’armée française – et notamment la légion étrangère – a été amenée à combattre avant les Figure 18 – Délégation canadienne. Cérémonie du 11 avril 2011 Canadiens sur la crête. © La Voix du Nord

Mais ce contraste entre les délégations d’officiels français et canadiens est encore plus frappant lors des grandes cérémonies commémoratives. Pour le 90e anniversaire de la bataille et l’inauguration du mémorial après trois années de travaux, les Canadiens cherchèrent à organiser des commémorations en grande pompe. La reine Elizabeth II3 fut invitée à couper le ruban du monument, et d’autres officiels canadiens importants participèrent à la cérémonie, tels le premier ministre Stephen Harper ou encore le gouverneur général. En revanche, la République se contenta d’envoyer comme plus haut dignitaire le premier ministre Dominique de Villepin. Un courrier des

1 Ce fut notamment le cas lors de la cérémonie du 11 novembre 2008. Voir « Sur une terre d’histoire franco- canadienne pour le 90e anniversaire de l’armistice », La Voix du Nord, 11 novembre 2008. 2 Voir « Commémoration de « la fin d'une époque » au mémorial canadien de Vimy », La Voix du Nord, 10 avril 2010. 3 Reine du Canada et donc chef de l’État canadien.

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lecteurs publié dans La Voix du Nord fait d’ailleurs état de l’absence du chef d’État français à la cérémonie :

« Sur place, la Reine d’Angleterre […], ainsi qu’une délégation importante d’Ottawa, le premier ministre canadien et Dominique de Villepin. Un seul manque à l’appel : Jacques Chirac. Sa place n’est-elle pas là où plus de 3000 Canadiens sont morts pour la France ? Regrettable et incompréhensible absence !1 ».

Certains médias canadiens s’émurent également de l’absence remarquée du président français2.

e Le 9 avril 2012, lors du 95 anniversaire de la bataille Figure 19 – Officiels français et e de Vimy, ce fut un autre impair commémoratif qui fut commis canadiens (90 anniversaire de la bataille de Vimy) par les autorités françaises et qui souligne une fois de plus © Anciens Combattants Canada l’intérêt limité que portent les hommes politiques français au mémorial canadien. Devant un parterre composé majoritairement de Canadiens et d’officiels anglophones, le secrétaire d’État français aux Anciens combattants Marc Laffineur – déjà en situation symbolique inférieure face au gouverneur général chargé de représenter le Canada – ne prononça son discours qu’en français, contrairement à son homologue canadien qui s’adressa à l’assemblée en français et en anglais, ce qui provoqua l’incompréhension des Canadiens présents3.

2) Le public français : un public animé par des considérations non mémorielles ? Il n’existe malheureusement pas d’enquête ou de document statistique permettant d’estimer le nombre de personnes qui assistent aux cérémonies commémoratives ni même leur nationalité. De même, il reste difficile de cerner avec précision et exhaustivité ce qui pousse côté français les uns et les autres à se rendre aux cérémonies. La presse nationale permet cependant de combler en partie ces lacunes. Son analyse révèle à la fois la faible importance du public français présent aux commémorations et le fait que celui-ci vient souvent dans une optique non mémorielle.

1 « Le courrier des lecteurs. Et Jacques Chirac ? », La Voix du Nord, 12 avril 2007. 2 Le chef du bureau de la chaîne CTV à Ottawa exprima sa déception et son incompréhension lorsque l’ambassade de France lui annonca qu’en raison des élections présidentielles – auxquelles il ne se présentait pas –, Jacques Chirac ne pourrait assister à la cérémonie : "It was on French soil that Canadians shed their blood for the French […]." Voir « Political spat erupts over Vimy ceremony », CTV News, [en ligne]. http://www.ctvnews.ca/political-spat-erupts-over-vimy-ceremony-1.235882 (consulté le 16 avril 2015). 3 « Les échos des cérémonies. Un ministre pas bilingue », La Voix du Nord, 10 avril 2012, édition d’Arras, p. 9.

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Là encore, les grandes cérémonies des 90e et 95e anniversaires de la bataille permettent de souligner ces éléments. Si celle organisée en 2007 a drainé un nombre conséquent de spectateurs sur la crête – La Voix du Nord les estimait entre 15 000 et 20 000, dont 7 000 Canadiens1 –, la cérémonie du 95e anniversaire souligne néanmoins à quel point le public français peut être volatile. En effet, si La Voix du Nord ne fournit aucune estimation du nombre de Français présents à Vimy le 9 avril 2012, le journaliste sur place fait état de « peu de spectateurs présents, […] la pluie et le vent en [ayant] découragé beaucoup2. » Ainsi, en dépit de l’importance de la cérémonie, le public français ne s’est pas déplacé en masse, alors que les pèlerins canadiens étaient cette fois ci encore nombreux – environ 5 000 –, la plupart ayant de surcroît déboursé « entre 900 et 2 300 euros3 » pour venir.

En outre, il s’avère que le public français se déplace souvent aux cérémonies de Vimy davantage dans une logique « distractive » que réellement commémorative, ce qui transparaît dans les commémorations du 90e anniversaire de la bataille. En effet, si la cérémonie qui y fut organisée attira les foules côté français, ce ne fut pas tant par devoir de mémoire4 que pour venir voir la reine Elizabeth II5. D’ailleurs, en dehors des temps de grandes cérémonies – qui en raison de leur symbolique et des personnalités importantes qu’elles attirent sont davantage prisées – les spectateurs français sont très peu nombreux, se réduisant souvent à quelques vétérans et habitants des communes environnantes.

II. Le tournant nationaliste de Stephen Harper ou la mise en place d’un nouveau paradigme mémoriel (2006) ?

En revanche, côté canadien, la crête de Vimy est loin d’être un « lieu d’amnésie nationale6. » Qualifiée par de nombreux historiens ou politiciens de « mythe fondateur » de la nation canadienne ou encore de « berceau du Canada moderne », la bataille de Vimy est sans

1 « Elizabeth II était hier à Vimy, près d’Arras, où se sont illustrées les troupes canadiennes il y a 90 ans. Au rendez-vous de la nation canadienne », La Voix du Nord, 10 avril 2007. 2 « Sous la pluie, mais avec ferveur, le 95e anniversaire de la bataille de Vimy », La Voix du Nord, 10 avril 2012. 3 « À Vimy, la leçon de mémoire de la jeunesse canadienne », La Voix du Nord, 10 avril 2012. 4 Même si La Voix du Nord fait plusieurs fois état de la présence d’enseignants – d’histoire surtout – aux commémorations, spécialement venus dans ce but. 5 « nous autres, Français, on était quand même plutôt venus pour voir la reine… […] Elle n’était pas encore sortie de voiture que les exclamations commençaient à fuser. » Voir « Un après-midi au Canada avec la reine… », La Voix du Nord, 10 avril 2007. 6 Cité dans HERTZOG (Anne), « Tourisme de mémoire et imaginaire touristique des champs de bataille », dans Via@. Revue internationale interdisciplinaire de tourisme, n°1, 2012, p. 2.

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cesse remémorée outre-Atlantique. Mais elle est surtout instrumentalisée par certains hommes politiques canadiens qui voient en elle un moyen de créer du national ou encore de justifier la mise en place d’une politique canadienne militariste et belliciste. C’est notamment le cas des Conservateurs canadiens, au pouvoir depuis 2006, qui utilisent Vimy – et comptent en exploiter le Centenaire – afin de soutenir leur idée d’une Grande Puissance canadienne unie, même si leur politique trouve ses racines dans les mesures mises en place par les gouvernements libéraux les précédant.

A) Un phénomène antérieur aux Conservateurs : le rôle des Libéraux dans la lente « patriotisation » de Vimy (1997 – 2006) 1) La patrimonialisation de Vimy ou la labellisation en « Lieu historique national » (1997) Les actions en faveur de la « patriotisation » de Vimy ne datent évidemment pas des années 2000. La bataille, tout comme le mémorial, ont fait l’objet d’un culte patriotique de la part des différents gouvernements fédéraux depuis 1917 et l’inauguration du monument en 1936. Les déclarations faites par les dirigeants fédéraux et reprises dans la presse pendant la Seconde Guerre mondiale à propos de la rumeur de la destruction du mémorial par les Nazis en sont un exemple révélateur1, tout comme le sont les exemples des commémorations des 50e et 60e anniversaires de la bataille qui soulignent une forte poussée patriotique au Canada2.

Mais suite au tournant mémoriel qui s’est emparé des pays européens tout d’abord dans les années 1980, puis de l’Amérique du Nord dans les années 1990, la thématique de la mémoire a été ravivée au Canada. Alors que peu de mesures phares avaient été prises par les gouvernements fédéraux successifs après la Seconde Guerre mondiale, on a ainsi assisté à un regain d’intérêt de l’État fédéral pour Vimy, regain qui s’est traduit par la multiplication des politiques et mesures publiques concernant le mémorial. La première d’entre-elles fut la labellisation des 100 hectares de la crête en « Lieu historique national » en 19973. Cette première mesure n’est en fait que l’écho outre-Atlantique de ce que Pierre Nora a qualifié de

1 “Safeguarding Sanctity. Canada and the Vimy Memorial during the Second World War”, dans HAYES (Geoffrey), IAROCCI (Andrew) et BECHTHOLD (Mike) (sous la direction de), Vimy Ridge: a Canadian reassessment, Waterloo (Canada), Wilfrid Laurier University Press, 2007. 2 Department of Veterans Affairs, The Commemoration of the 50th anniversary of the battle of Vimy ridge. 1917- 1967. Order of ceremony at the Canadian National memorial at Vimy, 9th April 1967, Aldershot (Royaume- Uni), Forces Press, 1967, 12 p. Archives départementales du Pas-de-Calais, Bibliothèque historique, Dainville, BHB 1414/1. 3 Le seul autre lieu canadien hors du Canada à avoir obtenu cette protection patrimoniale est le Mémorial terre- neuvien de Beaumont-Hamel dans la Somme.

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phénomène de « mémoire-patrimoine, laquelle prend son essor surtout à partir du milieu des années 19701 ». Ce processus d’incorporation au patrimoine national, qui s’est traduit à Vimy par le réaménagement complet du site en 1997, s’est aussi accompagné en parallèle d’une dynamique de muséification, qui s’illustre par l’inauguration la même année d’un premier centre d’interprétation et d’accueil, qui n’existe plus à l’heure actuelle.

2) Le vote de la loi Vimy ou la nationalisation forcée de la bataille (2003) Le phénomène des lois mémorielles qui a touché la France à partir de la loi Gayssot de 1990, s’est également propagé en Amérique du Nord et notamment au Canada2. La loi Vimy votée par le parlement fédéral en 2003 s’inscrit dans ce contexte d’inflation législative mémorielle. Ce texte, qui vise à « [instituer] une journée nationale de commémoration de la bataille de la crête de Vimy3 », prolonge le processus de nationalisation de la bataille, soulignant la volonté du gouvernement libéral d’en faire un symbole du Canada uni. Seule bataille à avoir été reconnue ainsi par le Parlement canadien, elle a aussi fait l’objet de l’adoption d’une loi similaire en 2010 dans la province anglophone de l’Ontario.

La loi de 2003 impose un protocole qui n’a lieu autrement que le jour du 11 novembre : la mise en berne des drapeaux sur le bâtiment du Parlement fédéral. En Ontario4, les propos du rapporteur de la proposition de loi sont tout à fait révélateurs de la volonté de non seulement commémorer via ce texte les morts tombés à Vimy, mais aussi de souligner l’importance de la victoire dans l’histoire du Canada :

“The Battle of Vimy Ridge should be remembered not only for the sacrifice made by the 3,598 Canadian men who died during the Battle and the 10,600 who were injured, but also for its importance in the evolution of Canada as an independent nation5”.

De surcroît, les deux lois, dans leur préambule, reprennent une interprétation historique que certains qualifient de nationaliste, et qui n’est pas partagée pas toute la communauté historienne au Canada : “AND WHEREAS the Battle of Vimy Ridge is considered by many to

1 NORA (Pierre), cité dans MICHEL (Johann), Gouverner les mémoires. Les politiques mémorielles en France, Paris, PUF, 2010, p. 54. 2 Le Parlement fédéral a ainsi voté plusieurs lois mémorielles, telles que la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre (2000) ou la Loi sur la mémoire des victimes du génocide en 1994 au Rwanda (2004). 3 Chambre des communes du Canada, « Loi sur le Jour de la bataille de Vimy », Lois du Canada 2003, chapitre 6, 3 avril 2003 [en ligne]. Voir Annexe 2. http://lois.justice.gc.ca/fra/lois/V-1.8/page-1.html (consulté le 15 mars 2015). 4 Il n’a pas été possible d’accéder aux archives des débats parlementaires concernant la loi fédérale de 2003. 5 “Toby Barrett. MPP Haldimond-Norfolk”. http://www.tobybarrett.com/nr-10-03-31.html (consulté le 21 avril 2015).

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be a turning point for our country and the beginning of Canada’s march towards nationhood1”. Cette phrase, en venant placer Vimy comme l’élément fondateur de la nation canadienne – au détriment d’événements historiques bien plus importants tels que la signature de la Confédération en 1867 –, l’inscrit officiellement comme l’événement majeur du récit national canadien.

Étonnement, la presse canadienne – et plus particulièrement la presse québécoise – semble s’être peu fait l’écho du vote de la loi2, il est donc difficile d’évaluer si cette dernière a fait ou non débat au sein de la société canadienne et si elle a suscité de nombreuses oppositions. Dans l’ensemble, les extraits de comptes-rendus des débats parlementaires semblent montrer que le texte a fait plutôt consensus auprès des grands partis nationaux (Libéraux, Conservateurs, Nouveaux Démocrates). En ce qui concerne le Québec, Le Devoir, quotidien d’orientation plutôt souverainiste, traite dans un article de 2007 de la loi Vimy de manière très favorable3. Il s’avère donc que l’intégration de Vimy au patrimoine national via le vote de la loi éponyme a reçu le soutien d’une grande partie du pays.

La campagne de communication développée en 2005 deux ans après le vote de la loi Vimy dans le cadre de Figure 20 – Poster édité à l’occasion de « l’Année de l’ancien combattant » « L’année de l’Ancien combattant » poursuit cette politique © Anciens Combattants Canada d’ancrage de la crête de Vimy dans le récit national canadien. Ce récit sera repris et exploité à partir de 2006 par le gouvernement conservateur de Stephen Harper nouvellement élu.

B) Le Grand Dessein patriotique de Stephen Harper 1) En route pour 2017 : le nouveau programme mémoriel d’un Canada belliciste Dès son arrivée au pouvoir en 2006, le premier ministre conservateur Stephen Harper affirme clairement sa volonté de promouvoir un Canada uni et fort, capable de peser en tant que Grande Puissance sur la scène internationale. À ce titre, les Conservateurs vont chercher à

1 Chambre des communes du Canada, « Loi sur le Jour de la bataille de Vimy », op. cit. 2 Cette affirmation reste à prendre avec précaution, dans la mesure où il n’a pas été possible d’accéder aux archives de nombreux quotidiens canadiens pour l’année 2003. 3 « Un jour férié pour célébrer la bataille de Vimy », Le Devoir, 7 avril 2007.

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utiliser Vimy comme un instrument au service de cette rhétorique. En effet, comme le souligne l’historien Mourad Djebabla, « de Vimy se nourrit l’idée d’une nation canadienne capable d’occuper sa place parmi le concert des nations en ayant fait ses preuves aux côtés de ses deux métropoles fondatrices, la France et la Grande-Bretagne, contre un ennemi commun1. » Symbole fort de l’indépendance et de la puissance canadiennes, Vimy va ainsi venir trouver toute sa place au cœur de la politique de renouveau militaire impulsée par Stephen Harper.

Alors que le Canada avait cherché à se positionner de manière originale sur la scène internationale, en se plaçant comme promoteur du pacifisme, l’avènement des Conservateurs en 2006 vient mettre un terme à cette politique. En effet, comme le souligne le journaliste Claude Lévesque dans un article présentant le dernier ouvrage de l’essayiste Noah Richler, « le maintien de la paix a servi pendant cinquante ans de mythe fondateur de l’identité du Canada moderne2. » Après la Seconde Guerre mondiale, le Canada a activement contribué à la création de l’ONU en tant que nouvel organe de maintien de la paix à l’échelle internationale. Suite à la crise de Suez en 1956, le premier ministre canadien Leaster B. Pearson se place dans la continuité de cette politique de promotion de la paix en suggérant la création des Casques bleus.

Noah Richler souligne comment, à partir de 2006, on assiste à ce qu’il appelle « un retournement de situation proprement sidérant », c'est-à-dire au « remplacement d’un mythe pro-onusien par un mythe concurrent, largement appuyé sur une revisitation glorifiée de la participation canadienne à la Première Guerre mondiale et, en particulier, à la bataille de Vimy3. » Le lieu de mémoire canadien vient alors à la fois justifier le retrait du Canada des opérations de paix de l’ONU – voire même le dédain pour celles-ci –, ainsi que l’intervention armée du pays en Afghanistan4.

1 DJEBABLA (Mourad), « Un centenaire pas si paisible. Le Canada face à la Grande Guerre », dans Matériaux pour l’histoire de notre temps, n° 113 – 114, 1/2014, p. 130. 2 LÉVESQUE (Claude), « Noah Richler et la remilitarisation du Canada », Le Devoir, 11 janvier 2014. 3 Idem. 4 Il est intéressant de noter que c’est un discours totalement opposé à celui mis en avant actuellement par le gouvernement de Stephen Harper qui apparaît dans le dépliant officiel sur Vimy de 1992 édité par le Minister of Supply and Services Canada. Certaines phrases soulignent en effet clairement l’attachement des Canadiens aux missions onusiennes et aux valeurs pacifistes, telles que : « le monument commémoratif du Canada à Vimy en est venu à symboliser le long engagement du Canada envers la paix dans le monde, son action contre l’agression et pour la liberté et le respect du droit international. La tradition canadienne d’exiger de ses militaires qu’ils défendent ou restaurent la paix a évolué au cours d’une série de missions de maintien de la paix entreprises sous l’égide de l’ONU. » Ministère des Approvisionnements et Services du Canada, La bataille de la crête de Vimy et le monument commémoratif du Canada à Vimy. Dépliant en français et en anglais, (s. l.), (s. n.), 1992.

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On assiste donc dès l’arrivée de Stephen Harper au pouvoir à la mise en place d’une politique active de promotion du patriotisme militaire, qui se traduit par une réécriture de l’histoire canadienne afin de « la présenter comme celle d’un pays qui s’est défini par la 1 guerre», selon l’historien Ian McKay . Les Figure 21 – Reconstitution historique lors du exemples de cette promotion sont bicentenaire de la guerre de 1812 © La Presse canadienne nombreux : réaffirmation de la Grande Guerre comme événement fondateur de la grande nation canadienne lors de la mort de John Babcock – le dernier Poilu canadien –, politique active de glorification de la guerre de 1812 lors de son bicentenaire en 2012 – lors duquel pas moins de 28 millions de dollars furent alloués afin de mener une « campagne de sensibilisation pancanadienne sur l’importance de la guerre2 », etc. Toutes ces mesures s’inscrivent dans le cadre d’un programme de long terme intitulé En route pour 2017 et devant trouver son apogée en 2016 lors de la célébration combinée du 150e anniversaire de la Confédération et du centenaire de la bataille de Vimy. Au total, de 2012 à 2015, le gouvernement fédéral aura dépensé par moins de 54 millions de dollars pour ce programme3.

2) « Une mémoire collective, mais sélective4 » : l’ingérence fédérale dans les programmes scolaires provinciaux En mai 2013, les députés conservateurs du Comité permanent sur le patrimoine de la Chambre des communes décident de passer en revue les programmes d’histoire des différentes provinces canadiennes. Cet épisode, qui a suscité à l’époque de nombreuses controverses, mérite que l’on s’y attarde quelque peu. Il traduit là encore la volonté des Conservateurs de réécrire l’histoire afin de servir le récit national belliciste dont ils font la promotion.

Cette mesure a été très mal perçue, tant du côté des députés de l’opposition qu’au Québec, en raison de son empiètement sur les compétences des provinces, qui sont l’échelon où se décident les politiques éducatives. Le Québec y a surtout vu une volonté d’Ottawa

Archives départementales du Pas-de-Calais, Bibliothèque historique, Dainville, BHB 5367/39. 1 Cité dans « Vive l’armée ! », Le Devoir, 11 novembre 2011, p. A 10. 2 Idem. 3 « Après le bicentenaire de la Guerre de 1812. Ottawa célébrera d’autres exploits militaires », La Presse, 25 septembre 2013, p. A 12. 4 « Histoire d’ingérence », La Presse, 3 mai 2013. http://www.lapresse.ca/le-soleil/opinions/editoriaux/201305/05/01-4647775-histoire-dingerence.php (consulté le 1er mai 2015).

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d’harmoniser à sa façon les programmes scolaires, afin de promouvoir les grands événements qui lui semblent importants dans le but de forger la nation canadienne, ce que le député NPD Pierre Nantel a dénoncé : « Cela relève de leur obsession pour une vision militaire de l’histoire, pour une vision des grandes batailles et de la monarchie. C’est tellement grossier1. » Au Québec, les programmes scolaires provinciaux ne mettent pas l’accent sur la bataille de Vimy, d’où la volonté des Conservateurs de réunir la commission patrimoine pour aborder le sujet.

Suite à l’opposition du Québec, les députés ont été contraints de renoncer à leur ambition. Si les réactions des Québécois ont été si vives, c’est parce que la mesure des Conservateurs a été perçue non seulement comme une nouvelle tentative de leur imposer une histoire officielle dans laquelle ils ne se reconnaissent pas, mais aussi comme une atteinte profonde à leur intégrité en tant que nation. Les Québécois sont en effet très attachés à l’idée de province, qui est pour eux le seul moyen de se défendre face au nationalisme pancanadien anglophone. Cette affaire des programmes scolaires révèle donc bien les vives oppositions que peuvent soulever – notamment auprès des Québécois – les politiques mémorielles de Stephen Harper.

C) Célébrer le Centenaire ou célébrer Vimy ? Un calendrier commémoratif aux couleurs nationalistes (2014 – 2018) 1) Ni budget, ni projets : la désaffection du gouvernement Harper pour le Centenaire de la Grande Guerre Alors que le gouvernement conservateur a déployé beaucoup d’énergie autour du programme En route pour 2017, il est frappant de constater que celui-ci n’a quasiment rien mis en place avant cette date afin de commémorer le Centenaire. Stephen Harper a ainsi volontairement ignoré le Centenaire de la Grande Guerre afin de lui privilégier uniquement celui de la bataille de Vimy et le 150e anniversaire de la Confédération.

Le site français de la Mission centenaire souligne ainsi, que contrairement à la France, aucun site officiel canadien concernant le Centenaire n’a été mis en place et aucun coordinateur à l’échelle nationale n’a été désigné, malgré les incitations de Joseph Zimet, le directeur de la mission2. Le gouvernement Harper a de surcroît décrété en 2013 qu’en raison des politiques d’assainissement budgétaire, aucun budget supplémentaire ne serait alloué au

1 Idem. 2 « Les projets commémoratifs étrangers », Mission Centenaire [en ligne] http://centenaire.org/fr/dans-le-monde/les-projets-commemoratifs-etrangers (consulté le 1er mai 2015). Voir aussi « Au Canada, un devoir de mémoire pour chaque centenaire », Le Monde. Le journal du centenaire, 13 mai 2014, p. VIII.

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Centenaire, les administrations et entreprises publiques voulant organiser un projet devant le financer sur leur budget propre. Face à cette absence de politique fédérale en faveur du Centenaire, plusieurs historiens, comme Jack Granatstein, ont pris la parole dans les journaux afin de dénoncer « cette insistance sur les restrictions budgétaires et l’absence de financement1. »

De surcroît, quand ils ont le mérite d’exister, les rares projets financés par les administrations fédérales sont orientés de manière à faire là encore l’apanage de la politique belliciste de Stephen Harper. C’est le cas notamment des expositions organisées au Musée canadien de la Guerre, qui ne mettent en avant depuis 2014 que l’aspect commémoratif du fait militaire, ce que dénoncent certains députés québécois2.

Cette désaffection la plus totale du gouvernement Harper pour le Centenaire transparait également au travers du calendrier commémoratif du gouvernement. Avant 2016, date du centenaire de la bataille de Beaumont-Hamel où combattirent les troupes terre-neuviennes, il n’est prévu que le premier ministre canadien ne participe à aucune cérémonie commémorative. Lors de l’inauguration de l’Anneau de la mémoire le 11 novembre 2014 par François Hollande, le Canada n’a d’ailleurs envoyé aucun officiel. Aucune commémoration des manifestations et des fusillés de 1917 à Québec n’est en outre prévue dans l’agenda du gouvernement fédéral.

2) Vimy 2017 : un unique projet fédéral pour promouvoir la « Grande nation canadienne » Alors que les Conservateurs n’ont alloué aucun budget et n’ont été à l’initiative d’aucun projet concernant la commémoration de la « der des der », l’année 2017 semble au contraire concentrer tous les efforts – en termes de budget et d’énergie – du gouvernement. Si Vimy ne semble pas avoir reçu de dotation budgétaire de fonctionnement exceptionnelle, bien qu’il n’ait pas été possible de le vérifier, le mémorial a cependant bénéficié d’un crédit d’investissement conséquent à l’approche du Centenaire. En effet, en vue des célébrations de 2017, le gouvernement canadien a créé, en partenariat avec la Fondation Vimy, un site Internet3 afin de sensibiliser les Canadiens au grand projet validé en 2013 : la construction d’un nouveau centre d’interprétation sur la crête.

1 GRANATSTEIN (Jack), « Pas d’argent pour le devoir de mémoire », The Globe and Mail, repris dans 14-18. La guerre des autres. Courrier International hors-série, été 2014, pp. 80-81. 2 « Au Musée de l'histoire, une majorité d'événements célébreront la guerre », La Presse, 15 mai 2014. L’exposition actuelle porte sur la bataille Gallipoli. 3 Vimy 2017 [en ligne]. https://vimyfoundation.ca/vimy2017/fr/ (consulté le 2 mai 2015).

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Pour financer la construction du centre, le gouvernement a débloqué une dotation spéciale de 5 millions de dollars1, les 5 millions restants devant être financés grâce aux dons récoltés par le biais de la Fondation Vimy. Ce nouveau centre, dont la construction doit démarrer à l’automne Figure 22 – Visuel du site Internet « Vimy 2017 » 2015, sera inauguré en grande pompe le 9 avril © La Fondation Vimy 2017, jour du centenaire de la bataille de Vimy. Le futur bâtiment, qui est présenté par le gouvernement comme un « lieu de reconnaissance de la contribution du Canada à la Grande Guerre2 », présentera donc dans un espace d’exposition permanent la contribution des Canadiens pendant la guerre. Les contours muséographiques de cette exposition sont toujours en cours de définition par un collectif fédéral et n’ont à l’heure actuelle pas encore été présentés au grand public. Il est donc encore trop tôt pour savoir si le gouvernement conservateur compte utiliser ce centre d’interprétation à des fins de promotion de la grande nation canadienne ou s’il compte au contraire résoudre les problèmes de « dissonant heritage3 » du site de Vimy en cherchant à y inclure d’autres récits nationaux, comme les récits canadien-français, autochtone ou encore britannique.

Outre le centre, les Conservateurs ont cherché depuis 2006 à promouvoir Vimy en tant que symbole national d’un Canada renouvelé. Tout d’abord, le parti de Stephen Harper a déployé beaucoup d’efforts afin de promouvoir le Prix Vimy, prix qui Figure 23 – Nouveau billet de $20 récompense chaque année « une personne qui © The Guardian a apporté une contribution exceptionnelle à la défense et à la sécurité du pays4 ». En 2012, le monument de la crête de Vimy a également été inclus sur une page des nouveaux passeports canadiens, ainsi que sur les nouveaux billets de $20.

1 « Vimy, la Bastille du Canada », Le Monde. Le journal du Centenaire, 15 avril 2014, p. VII. 2 « Un événement fondateur pour la nation canadienne », La Croix, 16 janvier 2014, p. 27. 3 LEMELIN (Raynald H.) et JOHANSEN (Kelsey), « The Canadian National Vimy Memorial: remembrance, dissonance and resonance », dans International Journal of Culture, Tourism and Hospitality Research, vol. 8, 2014, p. 203. 4 « Le général à la retraite Rick Hillier reçoit le prix Vimy », Le Devoir, 14 août 2008, p. A4.

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III. « Entre deuil et mémoire1 » : construire la nation canadienne par le traumatisme ?

L’inclusion de Vimy au cœur du récit national canadien promu par les différents gouvernements fédéraux – et notamment celui de Stephen Harper – se perçoit aussi au travers de la manière dont est traitée la question du deuil aujourd'hui au Canada. Alors que les pays européens ont intégré ces questions au sein de leurs politiques mémorielles, le Canada se concentre toujours à l’heure actuelle sur les aspects militaires et sur l’héroïsme de la Grande Guerre. Le récit national tel qu’il est mis en avant par les historiens, mais aussi les politiciens, les romanciers et les cinéastes canadiens anglophones est révélateur de ce phénomène. La crête de Vimy devient alors un support privilégié pour promouvoir cette vision.

A) Le récit canadien de la Grande Guerre : « action, dynamisme, héroïsme2 » 1) Le deuil : grand oublié des historiens canadiens Avec le tournant historiographique amorcé à partir de la fin des années 1970, les historiens se sont progressivement intéressés à la question du deuil. Monuments aux morts (Antoine Prost, Annette Becker), soldats inconnus (Jean-Yves Le Naour), cérémonies du deuil et pratiques funéraires (Luc Capdevila), etc. : tous ces thèmes sont aujourd’hui abordés par l’historiographie contemporaine en France et en Europe, comme le soulignent Antoine Prost et Jay Winter dans leur essai sur la Grande Guerre3.

Pourtant, ce tournant historiographique ne semble pas avoir été pris par les historiens canadiens, qui se focalisent encore énormément sur l’histoire militaire du Canada. Ainsi, quand ceux-ci se penchent sur la question de l’arrière, c’est toujours au travers du prisme des soldats4. Ceci est dû à la domination encore très forte à l’heure actuelle de « l’Histoire officielle », c'est-à-dire des travaux d’historiens – souvent anglophones – titulaires d’une chaire au ministère de la Défense et qui ont tendance à guider les tendances historiographiques du pays. Cependant, depuis une quinzaine d’années, notamment sous l’influence du courant de l’histoire culturelle étatsunien, des études portant sur l’arrière ou

1 D’après WINTER (Jay), Entre deuil et mémoire. La Grande Guerre dans l’histoire culturelle de l’Europe, Paris, Armand Colin, 2008. 2 DJEBABLA (Mourad), « Un centenaire pas si paisible. […] », art. cit., p. 129. 3 PROST (Antoine) et WINTER (Jay), Penser la Grande Guerre : un essai d’historiographie, Paris, Seuil, 2004. 4 “Historians of Canada's First World War: What do we know?”Clio's Current, 6 octobre 2014 [en ligne]. http://clioscurrent.com/blog/2014/10/6/historians-of-canadas-first-world-war-what-do-we-know (consulté le 30 avril 2015).

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encore sur la place des femmes dans la guerre ont été publiées. La question du deuil commence aussi à être abordée1.

Certains historiens critiquent ce conservatisme historiographique, qui est imposé à toute la communauté historienne par quelques universitaires de renom. Ian McKay, en poste à la Queen’s University de Kingston, fait ainsi partie de ceux qui pointent du doigt les politiques militaristes de Stephen Harper comme responsables du blocage historiographique actuel :

« En mettant l’accent d’abord et avant tout sur l’histoire militaire, on est en train de s’éloigner de notre histoire sociale, culturelle, féminine, urbaine ou autochtone. […] C’est l’agenda de quelques historiens de droite qui est maintenant soutenu par l’argent fédéral […]2 »

Deuil et souffrance sont ainsi des objets historiques qui demeurent complètement oubliés des historiens au Canada, ce qui se perçoit notamment dans les monographies qui paraissent sur Vimy. Alors que les publications d’historiens sur la crête abondent, elles oublient là encore de s’intéresser à la question du deuil ou du massacre de masse, pour lui privilégier une approche strictement militaire.

2) De Vimy à Ottawa : un soldat inconnu pour un Canada indépendant (2000) Cette occultation du deuil dans la mémoire canadienne aujourd'hui se perçoit au travers de l’exemple de la « création » d’un Soldat inconnu canadien en mai 2000 par le gouvernement libéral de Jean Chrétien3. Lors d’une cérémonie organisée au cimetière britannique du Cabaret Rouge le 25 mai 2000, suivie d’une seconde au mémorial de Vimy, le premier ministre canadien a fait exhumer, puis rapatrier en grande pompe les dépouilles d’un soldat canadien. Le choix du cimetière du Cabaret Rouge, situé sur la commune de Souchez, à quelques kilomètres de Vimy, n’est pas anodin : les soldats canadiens qui y sont enterrés ont tous combattu lors de la bataille de Vimy.

Bien que ce geste de création d’un soldat inconnu propre Figure 24 – Tombe du soldat inconnu à Ottawa au Canada cherchait – tout comme les tombes de soldats

1 Sur ces deux derniers thèmes, voir notamment GLASSFORD (Sarah) and SHAW (Amy), A Sisterhood of suffering and service. Women and Girls of Canada and Newfoundland during the First World War, Vancouver, UBC Press, 2012. 2 « Vive l’armée ! », Le Devoir, 11 novembre 2011, p. A 10. 3 Depuis 1920, un unique soldat inconnu gisant dans l’abbaye de Westminster représentait les morts de la guerre non identifiés de tous les pays du Commonwealth.

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inconnus créées après la Grande Guerre – à permettre enfin aux familles et au pays tout entier de clore le long processus de deuil1, il visait aussi à doter le Canada de son propre « autel à la partie2 », afin de faire le lien entre toutes les guerres auxquelles a participé le pays.

Ainsi, cette politique mémorielle de « création » d’un soldat inconnu pour le Canada reflète bien l’ambiguïté des rapports qu’entretiennent les hommes politiques fédéraux face à la question du deuil. Ici, plus qu’une « politique du deuil », la création du soldat inconnu se révèle davantage être une double politique de prolongement de la « patriotisation » de Vimy et d’achèvement de l’indépendance du Canada vis-à-vis de son ancienne puissance de tutelle, le Royaume-Uni.

3) Le centre d’interprétation provisoire : reflet du discours historiographique canadien (2005) La restauration du mémorial de Vimy décidée en 2005 par le gouvernement canadien s’est accompagnée d’une restructuration complète du site. À cette occasion, il fut décidé de fermer le centre d’interprétation construit en 1997 afin de procéder à la construction d’un nouveau centre. Bien que ce déplacement du centre se soit fait dans une optique de promotion du travail de mémoire, la muséographie de ce nouveau lieu de médiation historique n’a cependant pas été conçue afin de servir ce but. En effet, les différents panneaux présentés au public n’évoquent que très peu les questions – pourtant essentielles – de la réconciliation, du deuil ou encore de la mort de masse et mettent au contraire l’accent sur le succès militaire des Canadiens pendant la bataille. De surcroît, la bataille de Vimy n’est que très peu recontextualisée, notamment par rapport à la grande opération que fut la bataille d’Arras. Le centre se fait donc le reflet du discours historiographique dominant au Canada.

Raynald H. Lemelin et Kelsey Johansen, chercheurs en études touristiques, soulignent en Figure 25 – Panneau mettant en avant la victoire canadienne (Centre d’interprétation provisoire) outre que « very little is being said © Victor Vendries

1 BECKER (Annette), « La Passion de commémorer », dans 14-18 : la très grande guerre, Paris, Le Monde, 1994, p. 246. 2 CAPDEVILLA (Luc) et VOLDMAN (Danièle), Nos morts. Les sociétés occidentales face aux tués de la guerre, Paris, Payot, 2002, chapitre 6 (« La ritualisation du deuil dans les commémorations »).

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about all the French-Canadian men who voluntarily enlisted, fought and died in the Great War ». De même, « another narrative that needs to be acknowledged is the role of Aboriginal peoples during the First World War1 », tout comme celui des soldats musulmans qui tentèrent de s’emparer de la crête en 1915. Pour les auteurs, il y a à Vimy un réel besoin de reconnaître la participation de tous les combattants, et pas seulement celle des soldats canadiens-anglais, et d’inclure cette reconnaissance dans la muséographie du centre d’interprétation, chose qui n’a malheureusement pas été faite en 2005.

Lemelin et Johansen espèrent ainsi que le gouvernement canadien saura se saisir de l’occasion que représente le centenaire de la bataille et la construction du nouveau centre d’interprétation pour résoudre ce sérieux problème de dissonance historique qui ronge Vimy :

“Vimy has the opportunity to become a place where the histories of all the combatants are recognized, honored and commemorated in ways that honor their defendant’s social memories of the Great War [...]. This is accomplished by acknowledging past omissions, incorporating the formerly excluded and recognizing the memory of all combatants through the management and interpretation of these battlefield sites2.”

B) La politique éditoriale et audiovisuelle entre deuil et nation 1) « L’inflation éditoriale » canadienne Le tournant historiographique amorcé dans les années 1980 – notamment sous l’égide de l’École de Péronne –, a eu pour effet de participer au retour de la Grande Guerre dans les espaces publics occidentaux. Loin de se réduire à la stricte sphère universitaire, ce renouveau participe à la création de ce que Nicolas Offenstadt appelle un « mouvement culturel d’envergure3 », caractérisé par une hausse du nombre de publications universitaires et grand public. Le Canada, tout comme les pays européens, n’échappe pas à ce phénomène.

Ce phénomène d’inflation n’est cependant pas propre aux années 1980 et 1990. En effet, nombre de publications concernant la Grande Guerre furent publiés dans les années 1920-1930. C’est le cas notamment des romans canadiens-anglais de F.G. Scott (The Great War As I Saw It) ou de Charles G. D. Roberts (New Poems, The Vagrant of Time). Bien que ces romans évoquent les thèmes de la souffrance et de la mort, ils mettent néanmoins tous

1 LEMELIN (Raynald H.) et JOHANSEN (Kelsey), « The Canadian National Vimy Memorial [...]», op. cit., p. 213. 2 Idem, p. 214. 3 OFFENSTADT (Nicolas), cité dans HERTZOG (Anne), « Tourisme de mémoire et imaginaire touristique des champs de bataille », dans Via@. Revue internationale interdisciplinaire de tourisme, n°1, 2012.

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l’accent sur le fait que le Canada s’est construit en tant que nation à Vimy1. Il est intéressant de constater que cette thématique semble être toujours présente dans la littérature canadienne, au détriment du deuil et de la souffrance, bien qu’aucune analyse universitaire n’ait été effectuée concernant les publications récentes. Tandis que le roman The Stone Carvers de Jane Urquhart met l’accent sur la victoire de Vimy et son mémorial, nombre de fictions se déroulent autour d’intrigues militaires mettant en avant le courage des soldats (The Brother Keepers de John E. MacNintch, etc.). Cependant, certains romans développent une rhétorique plus centrée autour du pacifisme et de la question des morts, comme celui de Joseph Boyden, Three Day Road, dont l’intrigue se déroule aussi en partie à Vimy. Même au Québec où il existe un désintérêt fort pour la Grande Guerre, les publications qui dominent le marché – comme les récits-témoignages de Canadiens-français édités par la maison Athéna2 – sont le plus souvent orientées vers l’aspect militaire du conflit.

2) Le cas des productions cinématographiques au Canada L’exemple du film Passchendaele, premier film canadien à gros budget traitant du premier conflit mondial et réalisé en 2008 par Paul Gross, est révélateur de l’occultation des thèmes de la mort et du deuil par la grande majorité des réalisateurs anglophones. Jack Mitchell, historien et professeur à la Dalhousie University, souligne cet aspect :

“The effect [of using a religious parallel] is to allegorize the film’s conclusion, transforming a stark portrait of the blood and grit and hypocrisy of war into a vague tale of personal redemption: David is crucified [by a shell fire] as the prototypical young victim of war; or something. One can’t help feeling that, through such symbolism, the filmmaker backs away from the meaninglessness of the slaughter. Perhaps that is the only way to make a movie about the Great War that will have an uplifting ending3.”

Si Passchendaele n’est cependant pas un film à proprement parler patriotique – il cherche en effet à mettre en lumière le chauvinisme qui régnait au Canada durant le conflit –, la vision des batailles de Passchendaele – et dans une moindre mesure de celle de Vimy – que présente le réalisateur reste teintée d’héroïsme. Il se révèle en tous cas loin d’être un film pacifiste :

1 CLOUTIER (Stephen), “The First World War in Canadian Literature”, dans L’Encyclopédie Canadienne, Toronto, Historica Canada, 2012 [en ligne]. http://www.thecanadianencyclopedia.ca/en/article/the-first-world-war-in-canadian-literature/ (consulté le 1er mai 2015). 2 DJEBABLA (Mourad), « Un centenaire pas si paisible. Le Canada face à la Grande Guerre », op. cit., p. 127. 3 MITCHELL (Jack), “Dying in Hell. Canada’s Great War comes alive on film and in print.”, dans Literary Review of Canada [en ligne]. http://reviewcanada.ca/magazine/2009/03/dying-in-hell/ (consulté le 30 avril 2015).

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ainsi, quand elles sont traitées, les questions de la mort de masse et du deuil ne servent qu’à souligner le douloureux sacrifice de la nation canadienne. Cette visée promotion de la fierté canadienne est perceptible dans les déclarations de Paul Gross, qui souligne son intention de « re-ignite interest and pride in Canada’s distinguished military history1 » au travers de sa filmographie.

Du côté de la Belle Province, cette question du deuil ou du traumatisme n’est également pas travaillée, mais pour une autre raison : aucune fiction sur le thème de la Grande

Guerre n’a à ce jour été tourné par les réalisateurs Figure 26 – Affiche du film Passchendaele québécois. Les raisons qui justifient ce vide sont © Allociné.com multiples : coûts de production élevés, notamment pour les films historiques – mais dans ce cas comment expliquer le nombre important de films québécois portant sur la Seconde Guerre mondiale ? –, désintérêt des Canadiens-français pour la Grande Guerre, absence de traitement de cette dernière dans les programmes scolaires, etc.2.Même la question de la conscription, événement pourtant vécu comme un véritable traumatisme au Québec, n’est pas traitée, ce que déplorent certains cinéastes ou auteurs comme Louis Brosseau3 qui estiment que les Québécois se doivent de mettre en avant leur propre mémoire de la Grande Guerre et leur propre devise « Je me souviens » face au récit national et nationaliste anglophone4.

Ainsi, la crête de Vimy peut être véritablement considérée comme un lieu de mémoire autour duquel vient se cristalliser le fait national. Complètement absent de la mémoire collective française et au contraire victime d’une instrumentalisation par les politiciens canadiens, surtout depuis 2006, le mémorial canadien se retrouve clairement pris au sein des enjeux politiques de la mémoire. Outre l’échelon national, la crête de Vimy est également un lieu de mémoire local, dans la mesure où le tourisme mémoriel qu’il génère est réutilisé aussi bien par les collectivités territoriales françaises que par les entreprises privées de la région dans le cadre de la mise en tourisme de l’ancien champ de bataille.

1 Idem. 2 LEVER (Yves), cité dans « Le cinéma québécois boude la Grande Guerre », La Presse, 10 novembre 2014. 3 BROSSEAU (Louis), Le cinéma d'une guerre oubliée, Montréal, vlb éditeur, 1998, 205 p. 4 « Le cinéma québécois boude la Grande Guerre », La Presse, 10 novembre 2014.

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PARTIE 3. ENTRE TOURISME DE MEMOIRE ET USAGES DU PASSE. VIMY, UN LIEU DE MEMOIRE LOCAL AU CŒUR DE DIFFERENTES POLITIQUES MEMORIELLES

“ [Les Canadiens] ont la volonté de venir sur les traces [de leurs] soldats : nous devons faire en sorte qu’ils puissent venir passer un peu de temps dans l’Artois. C’est une économie qui se développe, donc des dépenses, donc un bon moyen pour faire vivre nos commerces.1ˮ – Frédéric Leturque, Maire d’Arras (2014)

Au-delà de ses dimensions nationale et transnationale – qui sont parfois amenées à rentrer en conflit –, le mémorial de Vimy est avant tout un lieu de mémoire ancré dans un territoire local donné : le pays d’Artois et l’ancien bassin minier lensois. Il convient en effet de ne pas oublier cette dernière dimension, d’autant que celle-ci a tendance à devenir de plus en plus importante depuis le début des années 2000 avec l’appropriation de la thématique de la mémoire par les différents acteurs locaux.

Si Vimy a toujours comporté cette double dimension pacifiste et nationale, cela est moins vrai pour son ancrage dans le territoire local, qui ne s’est véritablement affirmé que depuis une quinzaine d’années avec l’utilisation de l’image du monument par les collectivités territoriales et les entreprises touristiques du secteur. Ce phénomène d’appropriation a atteint son paroxysme à l’approche du Centenaire, qui, en venant donner un nouveau souffle au tourisme mémoriel de masse apparu dans les années 1980, a conduit les acteurs locaux à se saisir véritablement de la thématique de la mémoire. Ces différents acteurs tentent ainsi d’exploiter les bénéfices de Vimy dans une optique de retombées économiques, de marketing territorial ou encore de construction d’un imaginaire régional.

Cependant, si le lieu de mémoire canadien a tendance à être de plus en plus intégré au territoire local depuis l’arrivée de ces nouveaux acteurs sur la scène mémorielle – arrivée qui a été permise par la « dénationalisation des mémoires locales2 », celui-ci reste avant tout prisonnier des usages qu’en font les élites étatiques canadiennes et françaises.

1 « Interview dans l’Avenir de l’Artois du 12/11/2014 », Frédéric Leturque. Le blog, 12 novembre 2014 [en ligne]. http://fleturque.fr/page/3/ (consulté le 13 avril 2015). 2 MICHEL (Johann), Gouverner les mémoires […], op. cit., p. 66.

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I. Un capital économique et symbolique à exploiter : Vimy à l’ère du tourisme de mémoire et du marketing territorial

Dans un contexte de concurrence accrue entre les différents territoires, les collectivités cherchent à s’affirmer face à leurs rivales. Tout élément local potentiellement transformable en ressource attractive pour le territoire est donc exploité au maximum1. Dans une région telle que l’Artois, c’est le patrimoine de la Grande Guerre qui fait office d’une telle ressource et fait donc l’objet d’une utilisation par les différents collectivités. Cependant, contrairement à la Belgique ou à la Picardie, cette mise en tourisme est plutôt récente et s’est surtout accélérée avec l’arrivée du Centenaire.

A) War tourism, grief tourism: le tourisme du souvenir à Vimy, une réalité ancienne 1) Après la bataille : la naissance d’un tourisme de guerre et du deuil Avant même la fin de la Grande Guerre, les sources attestent de l’émergence de deux formes distinctes de tourisme : le tourisme de guerre (en anglais war tourism) et le tourisme du souvenir (grief ou remembrance tourism)2. Tandis que le premier terme réunit les curieux désireux de visiter les restants des tranchées, souterrains et autres cathédrales détruites, le second regroupe les endeuillés – le plus souvent des membres de la famille ou des proches – qui se rendent sur la tombe de l’être cher afin d’effectuer leur travail de deuil (d’où l’appellation grief tourism).

Les Canadiens, en dépit du coût du voyage et du temps de trajet, furent tout de même nombreux à traverser l’Atlantique pour se recueillir sur les tombes des soldats décédés au combat3. Ces pèlerinages étaient souvent le fait d’un individu ou d’une famille. Le but était aussi de visiter les anciens champs de bataille canadiens, notamment la crête de Vimy. Les autorités canadiennes, après s’être vues accorder la gestion des cent hectares du la « côte 145 », aménagèrent d’ailleurs rapidement le lieu afin que ces pèlerins puissent le visiter dans les meilleurs conditions possibles. Les souterrains creusés par les troupes canadiennes en

1 LE BART (Christian), « Marketing territorial », dans PASQUIER (Romain), GUIGNER (Sébastien) et COLE (Alistair) (sous la direction de), Paris, Presses de Sciences Po, 2011, p. 324. 2 Le terme de « tourisme » n’est pas à entendre ici au sens de « voyage d’agrément » (touring) mais bien au sens que lui donnaient les Britanniques à la fin du XIXe siècle (tourism), à savoir le fait d’effectuer un séjour quelconque dans une autre région que celle de résidence. 3 LLOYD (David W.), Battlefield Tourism: Pilgrimage and the Commemoration of the Great War in Britain, Australia and Canada, 1919-1939, Oxford et New York, Berg, 1998, p. 194.

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amont de la bataille furent préservés, restaurés et ouverts au public, tout comme une partie des tranchées 1. Alors qu’il commençait à s’essouffler en France, le tourisme du souvenir des Canadiens continua d’augmenter dans les années 1930, surtout après l’inauguration du mémorial2. Les flux s’arrêtèrent brutalement en 1940 lorsque les Allemands occupèrent la région.

En 1927, les autorités canadiennes se virent suggérer par les associations d’anciens combattants de créer un pèlerinage collectif pour l’inauguration du mémorial. Il eut lieu en 1936 et fut le plus gros pèlerinage jamais organisé par un Dominion. 8 000 Canadiens, dont le séjour fut entièrement pris en charge par le gouvernement fédéral, participèrent à la cérémonie3. Ce groupe de pèlerins était composé pour moitié de familles endeuillées, tandis que le reste du contingent était formé par des vétérans. Ce pèlerinage avait pour but de recréer le parcours des anciens combattants qui avaient entamé le processus d’indépendance de la nation canadienne.

2) Du tourisme du souvenir au tourisme mémoriel de masse : le tournant des années 1980 Après la Seconde Guerre mondiale, cette pratique du pèlerinage individuel et collectif – organisé de nouveau lors du 50e anniversaire de la bataille – reprend chez les Canadiens. En France au contraire, les anciens champs de bataille sont progressivement désertés à mesure que la mémoire de la Grande Guerre s’estompe et que certains lieux tombent dans l’oubli. Cependant, comme le souligne Anne Hertzog, « après des décennies d’effacement des traces, d’occultation ou d’oubli, le cinquantenaire de la guerre 1914-1918 suscite une volonté de préserver une mémoire combattante recouverte par celle de la Seconde Guerre mondiale4. » Certaines associations d’anciens combattants décident d’aménager certains d’anciens champs de bataille : c’est ainsi qu’un musée est créé sur le Chemin des Dames dans les années 1960. Pour autant, les flux touristiques ne retrouvent pas leur niveau d’avant-guerre.

À la fin des années 1970, la disparition d’un nombre croissants de vétérans de la Grande Guerre entraîne une mutation radicale des pratiques et des comportements touristiques, ainsi qu’une intensification des flux. Côté français, « l’histoire prend le relais de

1 HAYES (Geoffrey), IAROCCI (Andrew) et BECHTHOLD (Mike) (sous la direction de), Vimy Ridge: a Canadian reassessment, op. cit., chapitre 1. 2 Idem, chapitre 2. 3 LLOYD (David W.), Battlefield Tourism [...], op. cit., p. 198. 4 HERTZOG (Anne), « Quand le tourisme de mémoire bouleverse le travail de mémoire », dans Espaces, n°313, juillet-août 2013, p. 55.

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la ferveur1 ». Les touristes, animés par une faim d’histoire et par un regain d’intérêt pour la Grande Guerre – lui-même nourri par le renouveau des publications grand public et historiographiques – se rendent massivement sur les anciens champs de bataille. On assiste ainsi à l’émergence d’un « tourisme de mémoire », centré non plus sur le deuil ou le pèlerinage, mais sur la « vocation pédagogique des champs de bataille2. »

Vimy, tout comme les autres lieux de mémoire de la Grande Guerre, n’échappe pas à ce phénomène. En dépit de chiffres concernant la fréquentation touristique du lieu de mémoire dans les années 1980 et 1990, les autorités canadiennes constatent tout de même une augmentation des flux de touristes à Vimy3. Ceux-ci ne sont plus seulement canadiens ou britanniques, mais aussi français. Leur volonté de pédagogie conduit Anciens Combattants Canada à augmenter le nombre de guides étudiants sur place ainsi qu’à construire un premier centre d’interprétation en 1997.

Cependant, il convient de nuancer ce phénomène, car l’on n’assiste pas totalement à une disparition de la pratique du pèlerinage. Celle-ci persiste ainsi chez les Anglo-Saxons – et notamment chez les Canadiens –, qui continuent de se déplacer sur leurs territoires sacrés de la Grande Guerre afin de continuer le travail de deuil et de souvenir. Les pratiques propres au pèlerinage sont maintenues, voire recréées : la Fondation Vimy créée ainsi une « médaille du pèlerinage » décernée aux jeunes Canadiens qui visitent les champs de bataille4. » Plus qu’une succession des régimes mémoriels, il conviendrait alors de parler davantage de coexistence, comme le souligne Anne Hertzog5.

3) La mise en valeur du territoire par la mémoire : la lente conscientisation des acteurs publics locaux Les lois de décentralisation successives, en permettant aux collectivités locales de se saisir de la compétence culturelle, ont ainsi engendré une « reterritorialisation des politiques patrimoniales, culturelles et touristiques à de nouvelles échelles territoriales6. » Dans un contexte de mise en concurrence des territoires, le patrimoine mémoriel devient donc une

1 PROST (Antoine), Verdun, dans Les lieux de mémoire, tome 3, volume 3 : La Nation, sous la direction de Pierre NORA, Paris, Gallimard, 1986, cité dans HERTZOG (Anne), « Tourisme de mémoire et imaginaire touristique des champs de bataille », art. cit., p. 6. 2 HERTZOG (Anne), « Tourisme de mémoire et imaginaire touristique des champs de bataille », art. cit., p. 6. 3 TURPIN (Guy), op. cit. 4 « Médaille de pèlerinage à Vimy », La Fondation Vimy [en ligne]. https://www.fondationvimy.ca/Medaille (consulté le 21 avril 2015). 5 HERTZOG (Anne), « Quand le tourisme de mémoire bouleverse le travail de mémoire », art. cit., p. 60. 6 Idem, p. 55.

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véritable carte à jouer. Le Conseil général de la Somme est l’un des premiers à s’en servir, avec la création d’un « circuit du souvenir » au début des années 1980.

Pourtant, « ce nouvel imaginaire touristique s’impose selon des temporalités et des spatialités variées1. » Si les départements de la Somme et de l’Aisne mettent en œuvre assez rapidement une politique d’aménagement du territoire centrée autour de l’imaginaire de la Grande Guerre, les collectivités locales du Nord – Pas-de-Calais ne cherchent pas à valoriser leurs lieux de mémoire de la Grande Guerre, perçus par les populations comme un « patrimoine négatif », renvoyant à une image de deuil, de souffrance, de mort de masse, voire de barbarie. Les élus du Nord – Pas-de-Calais essaient ainsi « d’ancrer [le territoire] dans d’autres imaginaires » jugés plus porteurs que celui de la guerre2, en essayant de l’identifier à un espace culturel dynamique (Lille), flamand (les beffrois) et maritime (la côte d’Opale). Dans ce contexte, Vimy, tout comme les autres lieux de mémoire de la Grande Guerre, est donc rejeté de l’imaginaire touristique régional. Avant le milieu des années 2000, très peu d’actions sont mises en place localement afin de valoriser le lieu de mémoire canadien. Les rares mesures qui vont dans ce sens sont le fruit d’initiatives esseulées, qui ne visent pas vraiment à toucher un public touristique intéressé par l’histoire3.

Cependant, la crête de Vimy étant considérée par les élus locaux comme un haut-lieu de mémoire régional, celle-ci fait l’objet d’un traitement plus favorable. Le mémorial canadien apparaît ainsi sur les brochures touristiques de quelques collectivités, comme par exemple celles de l’Office de Tourisme de Lens-Liévin. Les brochures ne mettent néanmoins jamais l’accent en premier lieu sur le patrimoine mémoriel, privilégiant à la place la valorisation du patrimoine naturel, rural ou monumental de la région4.

1 HERTZOG (Anne), « Tourisme de mémoire et imaginaire touristique des champs de bataille », art. cit., p. 2. 2 Idem. 3 On assiste ainsi à la création du « sentier de la Vignette » en 1997 par l’Association départementale de randonnée et le district de Lens-Liévin dans la Gohelle. Ce circuit pédestre sillonne le pays de la Gohelle en passant par la crête de Vimy. Voir « Vimy, territoire canadien. Le sentier de la Vignette », dans Pays du Nord, n°16, mars-avril 1997, pp. 90-91. Archives départementales du Pas-de-Calais, Publications périodiques, Dainville, PC 1309/1. 4 La brochure touristique éditée par l’OT de Lens-Liévin en 2002 présente ainsi Vimy sous deux angles différents : le site canadien y est à la fois décrit comme un « Haut-lieu du souvenir », mais se voit aussi rangé dans la catégorie des « Petites et grandes évasions ». La crête de Vimy est au final moins mise en avant pour son côté « mémoire » que pour son côté « nature et paysages », comme en témoigne la phrase suivante : « Au-delà de l’histoire, Vimy offre un magnifique panorama sur un site redevenu vert. » Office de tourisme de Lens-Liévin, Communauté d'Agglomération Lens-Liévin. Bienvenue au cœur des collines d'Artois et de la Gohelle, Lens, Office de tourisme de Lens-Liévin, 2002, p. 34.

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Le mémorial canadien entretient en outre des relations très étroites avec les communes limitrophes de Givenchy-en-Gohelle, Neuville-Saint-Vaast et Vimy. Ces relations de forte proximité, voire même de complicité1, se caractérisent par des contacts réguliers. Avant d’entreprendre tout projet d’envergure, les parties se consultent ainsi mutuellement. Elles se tiennent aussi au courant de l’avancée des grands projets2. Cependant, en dehors de ces trois communes avec qui Vimy partage l’histoire du 9 avril 1917, les relations avec les autres collectivités ne sont pas aussi étroites. Avant le milieu des années 2000, Vimy ne possède ainsi qu’un ancrage micro local au territoire et ne fait Figure 27 – Plaquette de l’OT de Lens 3 l’objet d’une véritable tentative de valorisation que par la ville d’Arras . (2002) © Archives 62 B) « L’effet Centenaire » comme catalyseur du marketing territorial : vers un renouveau du tourisme mémoriel ? 1) Les Chemins de la mémoire : l’itinéraire mémoriel du Nord – Pas-de-Calais À partir des années 2000, les hommes politiques de la région s’aperçoivent qu’aucune cohérence ne règne dans les rares politiques mémorielles mises en œuvre par les collectivités locales depuis les années 1980 et 1990. Le succès de l’aménagement mémoriel des territoires de la Somme au Sud et de la Flandre belge au Nord4 font prendre conscience du potentiel économique et symbolique que du patrimoine de la Grande Guerre.

Afin de rattraper le très grand retard du Nord – Pas-de-Calais, Daniel Percheron, président de région, et Catherine Génisson, vice-présidente chargée de la culture5, décident de mettre fin à plus de deux décennies d’absence d’action politique en mettant à l’agenda régional la question de la mise en tourisme du patrimoine de la Grande Guerre. Cette volonté

Archives départementales du Pas-de-Calais, Bibliothèque historique, Dainville, BHB 6582/13. 1 Guy Turpin, responsable du mémorial canadien, parle ainsi de ces trois communes en utilisant l’expression « nos amis ». TURPIN (Guy), entretien téléphonique réalisé le 11 février 2015, op. cit. 2 Le conseil municipal de Givenchy-en-Gohelle a par exemple été invité par les responsables du mémorial à visiter le chantier de restauration du monument canadien le 23 novembre 2005. Commune de Givenchy-en-Gohelle, Notre commune. Bulletin municipal de la commune de Givenchy-en- Gohelle, décembre 2005, p. 6. 3 Il n’a cependant pas été possible d’accéder à des brochures touristiques éditées par l’OT d’Arras dans les années 1990 afin de confirmer ceci. 4 Création de l’Historial de Péronne en 1992 et du In Flanders Field Museum à Ypres en 1998. 5 Catherine Génisson a été également conseillère municipale d’Arras chargée des affaires culturelles de 1989 à 1995, période à partir de laquelle la municipalité à commencé à intégrer le patrimoine mémoriel de l’Artois dans sa politique de marketing territorial.

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politique forte permet d’impulser un véritable renouveau de la politique touristique régionale. Le conseil régional crée ainsi en 2005 un comité piloté par Yves Le Maner, président de La Coupole1, chargé de réaliser « un état des lieux de la mémoire de la Grande Guerre sur son territoire2. » Tous les monuments commémoratifs, les cimetières militaires et les ouvrages bétonnés de 1914-1918 sont recensés et regroupés selon des thématiques différentes. Quatre « chemins de la mémoire » sont ainsi créés.

En 2008, le Comité Régional de Tourisme du Nord – Pas-de-Calais se voit confier la mise en tourisme des Chemins de la mémoire. Un logo permettant de clairement identifier les quatre itinéraires touristiques est créé et une signalisation routière est mise en place. Une brochure grand public est éditée et un site Internet est créé en complément3. Cette démarche permet de donner une cohérence globale et une vraie dimension régionale aux projets de promotion isolés des grands sites de mémoire. On assiste ainsi à une réelle volonté des élus régionaux de faire du Nord – Pas-de-Calais la nouvelle destination touristique de la mémoire.

En tant que haut-lieu de mémoire régional, Vimy se voit accorder une place importante au sein des Chemins de la mémoire. Des relations plus étroites se développent entre les responsables du mémorial canadien et le CRT : un partenariat est notamment mis en place en 2007 afin de mesurer la fréquentation du site. Le CRT organise également des accueils presse sur le site, ainsi que des visites avec des tour-opérateurs. Les contacts plus fréquents qui s’établissent permettent « d’échanger sur la perception des visiteurs canadiens et de saisir la dimension interculturelle du tourisme [mémoriel sur le site]4. » La crête de Vimy est enfin incorporée à l’imaginaire touristique régional.

2) Des touristes de plus en plus nombreux : l’expérience du lieu de mémoire à l’ère de la « mémoire culturelle » À l’approche du Centenaire, les lieux de mémoire de la Grande Guerre, visités avec intérêt par de nombreux touristes depuis les années 1980, connaissent de nouveaux records de fréquentation. Cette hausse est concomitante avec le passage d’une « mémoire

1 La Coupole est le Centre d’histoire et de mémoire du Nord – Pas-de-Calais. Il est créé en 1997. 2 LE MANER (Yves), « La Coupole […] », op. cit., p. 78. 3 ROOSE (Édouard), Chargé des Grands Projets culturels pour le Comité Régional de Tourisme du Nord – Pas- de-Calais, entretien téléphonique réalisé le 16 février 2015, durée de 45 minutes. Retranscrit par écrit. Malgré les demandes, le CRT n’a pas été en mesure de fournir le budget de cette opération. Seule certitude concernant le financement, le projet a reçu l’appui de l’État et de l’Union européenne par le biais de subventions. 4 ROOSE (Édouard), entretien téléphonique réalisé le 16 février 2015, op. cit.

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communicationnelle » à une « mémoire culturelle », qui se caractérise par la mort des derniers Poilus1. Le nombre de pèlerins canadiens et britanniques connaît lui aussi une hausse.

Plusieurs études attestent du nombre croissant de touristes sur les cinq dernières années. L’État français, qui a décidé de « bâtir une véritable filière touristique de la mémoire2 » a confié à l’agence Atout France, par le biais d’une convention signée en 2010 entre le ministère de la Défense et celui du tourisme, le soin de comptabiliser ces flux au niveau national. L’organisme a ainsi publié une étude sur le tourisme de mémoire en 2012 qui estime qu’en 2010, 6,2 millions de visiteurs ont été comptabilisés sur l’ensemble des sites mémoriels français payants, dont 45% de visiteurs internationaux3. Le Nord de la France, de par ses lieux de mémoire de la Grande Guerre, capte 15 % du total de ces visites. Si l’on inclut les sites non payants, ce sont au total plus de 20 millions de visiteurs qui ont fréquenté les lieux de mémoire français. Atout France s’attend à trois millions de visiteurs en plus chaque année d’ici à fin 2018, rien que pour les seuls départements du Nord et de l’Est de la France, avec un pic en 2016 et 2017, en raison des commémorations des batailles de la Somme et de l’Artois.4

Au niveau local, tous les acteurs confirment percevoir cette hausse des flux. Édouard Roose, du CRT Nord – Pas-de-Calais, estime que l’année 2014 constitue un « pic de fréquentation » sans précédent5. Les statistiques de fréquentation du centre d’accueil du mémorial canadien montrent d’ailleurs clairement une hausse des flux entre 2013 et 2014. Alors que les visiteurs n’étaient qu’environ 100 000 à pousser la porte du centre d’interprétation chaque année entre 2008 et 2013, ils furent 160 000 en 2014. Le CRT estime que si l’on ajoute les visiteurs qui ne passent pas par le centre d’accueil, environ 226 000 personnes ont visité le monument entre juillet 2013 et juin 2014, ce qui en fait le deuxième site non payant de la région le plus visité, derrière Notre-Dame de Lorette6. Les visites dans le Nord – Pas-de-Calais et la Somme ont en outre généré 57 millions d’euros de retombées indirectes sur la même période, une somme conséquente. Sans compter que ces chiffres seront en hausse pour les années à suivre.

1 Lazare Ponticelli, le dernier Poilu français, disparaît en 2008, tandis que côté canadien, John Babcock décède en 2010. 2 Ministères de la Défense et du Tourisme, Le tourisme de mémoire en France, Paris, Atout France, 2012, p. 5. 3 Idem., pp. 30-32. 4 « 14-18, les lieux de mémoire sont entrés dans l’Histoire », La Croix, 15-16 mars 2014, p. 4. 5 ROOSE (Édouard), entretien téléphonique réalisé le 16 février 2015, op. cit. 6 « Tourisme de mémoire : la victoire du mémorial de Vimy », La Voix du Nord, 12 octobre 2014. Cependant, l’étude reste imparfaite, étant donné que de nombreux sites mémoriels de la région ne comptabilisent toujours pas les visiteurs.

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Figure 28 – Fréquentation du centre d’accueil du mémorial de Vimy (2009 – 2014) © Anciens Combattants Canada

3) Brochures, guides et publications touristiques : quand les collectivités vantent les mérites de Vimy Ces prévisions de hausse de la fréquentation due à « l’effet Centenaire » ont véritablement engendré une mise en tourisme des lieux de mémoire de la Grande Guerre depuis 2010. Pour la première fois dans la région, on a assisté à une réelle appropriation de ces lieux par un nombre incalculable de collectivités à des fins de marketing territorial. Il s’agit alors pour les élus de présenter leur territoire comme une destination incontournable du tourisme de mémoire, afin d’en capter les retombées économiques en augmentation constante. Les départements, qui avaient jusqu’alors délégué les politiques mémorielles à la région, ont rapatrié cette compétence dans leur giron. Le Pas-de-Calais a ainsi créé un site Internet dédié à la mémoire de la Grande Guerre et en a confié la gestion à son ARDT1.

Cette mise en tourisme s’est accompagnée de ce qu’Anne Hertzog appelle une « construction sociale de la désirabilité2 » des lieux de mémoire de la Grande Guerre. Les collectivités ont cherché à transformer un patrimoine perçu comme négatif et rattaché à l’idée de mort en un patrimoine « désirable » et « séduisant ». Les élus locaux ont à ce titre mis l’accent sur le thème de la « mémoire partagée [i.e. sur] la fonction pacificatrice de la mémoire3 » ce qui permet de communiquer une image d’un tourisme tourné vers l’avenir et non plus centré sur la guerre. Ceci s’illustre ainsi dans la brochure des Chemins de la mémoire

1 Tourisme de mémoire Pas-de-Calais [en ligne]. http://memoire.pas-de-calais.com/ (consulté le 5 mai 2015). 2 HERTZOG (Anne), « Tourisme de mémoire et imaginaire touristique des champs de bataille », art. cit., p. 8. 3 Idem, p. 7.

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du Nord – Pas-de-Calais : l’éditorial de la brochure, écrit par le président de la région, décrit l’entreprise des Chemins de la mémoire ainsi :

« Ce vaste travail de mémoire vise à souligner les acquis de la paix, de la liberté et de la fraternité […]. Loin d’être une démarche passéiste et nostalgique, cette initiative est une preuve de notre attention portée au monde d’aujourd’hui et constitue un support pour nos réflexions sur l’avenir1. »

Suite à cette entreprise de « positivisation », les collectivités n’hésitent plus à utiliser les lieux de mémoire comme un moyen de construire une nouvelle identité visuelle du territoire. Ceci se perçoit au travers des brochures éditées par les différents OT.

Figure 31 – Guide touristique Figure 30 – Brochure Les Chemins de Figure 29 – Brochure Lens-Liévin (Pas-de-Calais) mémoire (Nord – Pas-de-Calais) © OT Lens-Liévin © ARDT Pas-de-Calais © CRT Nord – Pas-de-Calais

Cependant, ces politiques actives de marketing territorial et d’aménagement touristique trouvent leurs limites. Premièrement, elles ne réussissent pas à irriguer le territoire, puisque la plupart des touristes – surtout les Anglo-Saxons – ne viennent dans la région que pour voir certains lieux de mémoire – dont Vimy – et n’y séjournent pas. De surcroît, dans un contexte de concurrence entre les territoires, les collectivités ont parfois du mal à s’entendre afin de mener à bien des projets de valorisation. Ainsi, la question de la desserte de Vimy par les transports en commun n’a toujours pas été résolue, car les deux villes rivales de Lens- Liévin et Arras n’ont jamais réussi à s’entendre sur la question2.

1 Idem, p. 2. 2 Le mémorial canadien, situé à plus de trois kilomètres de la gare de Vimy, n’est accessible qu’aux visiteurs munis d’un véhicule. Les deux OT d’Arras et de Lens-Liévin proposent toutefois chacun des services de navette – plutôt onéreux – en saison estivale.

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II. Un filon prospère : la constitution d’une filière touristique de la mémoire pour répondre au boom des visiteurs

Conseil régional, général, communes… Si le mémorial de Vimy a suscité depuis une quinzaine d’années l’intérêt des acteurs publics locaux, ceci vaut également pour les acteurs privés. Face à l’accroissement du nombre de touristes sur les sites mémoriels du Nord de la France et dans le but d’en exploiter les bénéfices, on a assisté à la structuration d’un véritable secteur privé du tourisme de mémoire qui s’est structuré autour de deux principaux pôles : les guides et publications touristiques1 et les tour-opérateurs de la mémoire.

A) Vimy au cœur du nouveau « fleuve de papier2 » 1) Dès les années 1920, l’apparition d’une offre éditoriale touristique Le conflit n’est pas encore terminé que des éditeurs font déjà imprimer les premiers guides touristiques des champs de bataille. C’est le cas notamment de l’entreprise de pneumatiques Michelin, dont le premier guide paraît en 19173. Au total, les éditions Michelin sont à l’origine de 29 guides illustrés des champs de bataille4, disponibles en français comme en anglais. Ce phénomène éditorial ne fait que s’adapter à la réalité du tourisme de guerre et du deuil abordée plus haut. Dans l’ensemble, ces publications touristiques connaissent un réel succès, surtout la collection Michelin, dont les guides se vendent à plus de deux millions d’exemplaires5.

Nombre de ces publications incluent la crête de Vimy, notamment le guide Michelin portant sur Arras, Lens, Douai et Figure 32 – Guide Souvenir 6 édité par le Syndicat la bataille d’Artois qui consacre une double page à la bataille . d’initiative d’Arras (1919) On assiste également à la parution de nombreux guides à © Archives 62

1 Bien que les éditeurs de ces publications ne soient pas des acteurs locaux, ils participent tout de même à ancrer la crête de Vimy au sein de l’imaginaire touristique régional, via la manière dont ils traitent du lieu dans leurs guides. 2 Seules seront étudiées ici les publications touristiques commerciales telles que les guides, le phénomène d’inflation éditoriale dans son ensemble ayant quant à lui été abordé dans la deuxième partie. 3 « Les guides des champs de bataille 1914-1918 de Michelin », La Mission Centenaire [en ligne]. http://centenaire.org/fr/en-france/les-guides-des-champs-de-bataille-1914-1918-de-michelin 4 Il faut rajouter à cela les 26 guides parus en anglais, en allemand et en italien. Idem. 5 Ibid. 6 Collectif Michelin, Arras. Lens. Douai and the Battles of Artois. Illustrated Michelin guides of the battlefields, 1914-1918, Clermont-Ferrand, Michelin, 1919, pp. 90-91.

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caractère nettement plus local, dont le but est de promouvoir l’héritage arrageois de la Grande Guerre. Émile Davrinche, un éditeur d’Arras, fait ainsi paraître en 1919 un Guide du Souvenir de l’Artois1, dans lequel il présente Vimy. L’ancien champ de bataille est le seul lieu de mémoire, avec Notre-Dame de Lorette, dont le descriptif s’accompagne de deux photographies, ce qui souligne l’importance de la bataille aux yeux de l’auteur.

Le Syndicat d’initiative d’Arras, organisme associatif soutenu par les collectivités locales et qui se donne pour mission « d’attirer les étrangers à Arras par une publicité intéressante […]2 », a quant à lui publié un Guide illustré d’Arras en 1934, dans lequel il propose un circuit des champs de bataille. Ce guide bilingue s’adresse tout particulièrement aux « pèlerins estivaux3 », notamment Britanniques et Canadiens. Vimy y figure en bonne place, tout comme le mémorial terre-neuvien de Beaumont-Hamel, malgré le fait que le monument de Allward n’ait alors pas encore été inauguré. On assiste ainsi à l’émergence de toute une nouvelle littérature touristique après la Grande Guerre, un premier « fleuve de papier », qui vient déjà vanter les mérites de Vimy.

2) L’accroissement du nombre de publications face à l’intensification des flux Avec l’accélération du phénomène de tourisme mémoriel à partir des années 1980, on observe l’émergence d’un second « fleuve de papier », qui reste cependant modeste. En effet, malgré l’intensification des flux de visiteurs, l’accroissement du nombre de publications ne survient qu’avec qu’une vingtaine d’années de décalage. Peu de guides traitant des lieux de mémoire paraissent avant les années 2000. Une publication mérite néanmoins d’être soulignée, comme tenu du fait qu’elle se concentre principalement sur Vimy. Il s’agit d’un petit guide illustré d’une trentaine de pages édité par La Voix du Nord4, qui n’a cependant été vendu qu’au niveau régional. Figure 33 – Guide édité par La Voix du Nord (1995) © Victor Vendries

Archives départementales du Pas-de-Calais, Bibliothèque historique, Dainville, BHB 1324/6. 1 Arras, Roeux, Wancourt, Beaurains, Monchy-le-Preux, Vimy, Carency, Souchez, Neuville-Saint-Vaast, etc. Guide souvenir, guerre 1914-1918, Arras, E. Davrinche, 1919, 64 p. Archives départementales du Pas-de-Calais, Bibliothèque historique, Dainville, BHA 1003/4. 2 Syndicat d’initiative d’Arras, Arras. Guide illustré suivi d'itinéraires vers Vimy et Lorette et vers les champs de bataille des environs d'Arras, Arras, Impr. de la Nouvelle Société anonyme du Pas-de-Calais, 1934, 96 p. Archives départementales du Pas-de-Calais, Bibliothèque historique, Dainville, BHA 1030/18. 3 Idem, p. 5. 4 DHERENT (Catherine), Vimy – Lorette, Lille, La Voix du Nord, 1995, 31 p.

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C’est surtout à l’approche du Centenaire– et pour répondre au flux de visiteurs qu’il suscite – que l’on assiste à un véritable flot de guides touristiques en tous genres, s’adressant à tous les types de publics. Certaines collectivités locales s’associent à des éditeurs et les subventionnent afin de donner naissance à des guides spécifiques mettant en valeur leur patrimoine mémoriel1. Fait intéressant, les éditeurs français ont souvent cherché à incorporer les lieux de mémoire étrangers et plus spécifiquement la crête de Vimy dans leurs publications, et ce en dépit de la méconnaissance des Français pour ces lieux. Les maisons d’éditions ne font ainsi qu’épouser la tendance des Français à visiter davantage les sites de mémoire, y compris Vimy et les sites étrangers2.

Vimy occupe ainsi une place significative au sein de l’opus sur l’Artois et les Flandres de la nouvelle collection Michelin sur les champs de bataille, rééditée et actualisée à l’occasion du Centenaire. Pas moins de huit pages traitent du mémorial canadien, ce qui représente 12,5% du chapitre sur l’Artois3. Il est intéressant de voir que même pour les éditions Michelin, Vimy est utilisé comme un visuel permettant d’identifier aisément et de symboliser la région de l’Artois, et même plus largement celle du Nord – Pas-de-Calais. La double page qui introduit les itinéraires des champs de bataille représente ainsi la pleureuse de Vimy4.

Les guides anglophones à destination des visiteurs étrangers qui se rendent en France se sont aussi saisis de cette thématique de la mémoire et du lieu canadien de Vimy. Dans son France’s Best trips paru en 2013, Lonely Planet présente Vimy comme un « Don’t miss5 », que tout visiteur allant dans le Nord de la France se doit d’aller voir. Vimy sert donc une fois de plus à identifier le Nord de la France, au détriment d’autres lieux tels que le Louvre-Lens ou la Côte d’Opale, ce qui souligne le succès des politiques mémorielles entreprises par les collectivités.

Archives départementales du Pas-de-Calais, Bibliothèque historique, Dainville, BHB 5229/6. 1 Un partenariat a ainsi été créé entre la Région Picardie et les éditions Hachette dans le but de combler l’absence de guides touristiques portant spécifiquement sur les lieux de mémoire régionaux. Le Routard. Picardie 14-18. Centenaire d’un conflit mondial, Paris, Hachette Tourisme, 2013, 144 p. 2 Les statistiques fournies par les responsables du mémorial de Vimy ne permettent pas de comparer les visiteurs par typologie avant 2013. À défaut, il est toutefois possible de se baser sur une comparaison de la fréquentation de Vimy par les visiteurs de nationalité française entre 2013 et 2014, bien que cette courte période ne permette pas de confirmer une quelconque tendance. Ainsi, de 2013 à 2014, le nombre de visiteurs français à Vimy est passé de 30 300 à 54 900. Lieu historique national de la crête de Vimy, « Données statistiques portant sur la fréquentation du site avec typologie des visiteurs (2013 et 2014) », 2014. 3 Collectif Michelin, Les champs de bataille (France et Belgique). Flandres, Artois, Ypres, Nord, Pas-de-Calais, Paris, Michelin, 2013, 360 p. 4 Ibid., pp. 50-51. 5 France’s best trips. 37 amazing road trips, (s.l.), Lonely Planet, mars 2013, pp.36-37.

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B) « Des tours opérateurs sur les traces de la mémoire1 » 1) De l’armistice aux années 1980 : la multiplication des entreprises touristiques locales Là encore, le phénomène des entreprises touristiques de mémoire n’est pas récent. Dès la fin du conflit, une offre à destination des pèlerins ou des amateurs du thanatourism – le tourisme noir – s’étoffe dans les anciennes régions du front et notamment dans l’Artois. Cette offre s’adresse surtout aux Anglo-Saxons, qui se déplacent nombreux sur les lieux de mémoire de la Grande Guerre car les familles n’ont pas été autorisées à rapatrier les corps des soldats tombés au front2.

Cependant, comme les pèlerinages demeurèrent principalement des projets entrepris à l’échelle d’une famille ou d’un seul individu – le plus souvent la veuve du mari décédé –, ceci ne conduisit pas à l’émergence d’un véritable secteur touristique privé. Au Canada et en Australie, des organismes privés émergèrent afin d’aider ces individus à effectuer, voir à financer, leur pèlerinage, afin de compenser l’absence d’aide des gouvernements fédéraux. Dans l’Artois, comme dans la Somme, des particuliers proposèrent aux touristes de partir à la recherche de la tombe des soldats contre rémunération3. De même, le Syndicat d’initiatives d’Arras offrit ses services aux touristes désireux de trouver de l’aide afin d’organiser leur pèlerinage autour des sites mémoriels de l’Artois4.

2) Le tournant du XXIe siècle : un milieu touristique entre continuité et mutation Il faut attendre le tournant mémoriel des années 1980 afin d’assister à l’émergence d’une véritable « filière touristique » de la mémoire dans l’Artois. Suite à l’augmentation des flux touristiques, des tour-opérateurs spécialisés font leur apparition pour répondre à la demande. Cependant, comme pour le secteur des publications touristiques, on n’assiste à un réel boom de l’offre qu’à partir des années 2000. La prise de conscience est donc là encore postérieure à la hausse du nombre de touristes en quête de mémoire.

1 D’après le titre d’un article paru dans La Voix du Nord (21 mai 2013). 2 « bereaved relatives had no choice but to travel overseas to visit the graves of the dead. » LLOYD (David W.), Battlefield Tourism: Pilgrimage and the Commemoration of the Great War in Britain, Australia and Canada, 1919-1939, Oxford et New York, Berg, 1998, p. 182. 3 BRESSON (Sylvestre), Guide touristique et chef de l’entreprise Terres de mémoire (Péronne), entretien de visu réalisé le 24 février 2015 suivi d’une visite de différents lieux mémoriels dans la Somme (Thiepval, Beaumont- Hamel…), durée de 3 heures. Retranscrit par écrit. 4 Syndicat d’initiative d’Arras, Arras. Guide illustré […], op. cit. p. 3.

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Le cas de l’entreprise Terres de mémoire, créée en 2005 à Péronne par Sylvestre Bresson, témoigne de l’accélération de ce phénomène. Ces organismes privés disposent d’une double relation au territoire : à la fois solidement ancrés au niveau local – Terres de mémoire travaille par exemple en étroite collaboration avec les CRT de la Picardie et du Nord – Pas- de-Calais, ainsi qu’avec l’Historial de Péronne –, elles sont également branchées sur le circuit du tourisme mémoriel mondialisé. Sylvestre Bresson affirme ainsi que près de 95 % de sa clientèle est étrangère1.

Ces entreprises locales, du fait de leurs clients, sont surtout ancrées dans une logique de tourisme de pèlerinage, plutôt que dans une dynamique « de tourisme historique uniquement préoccupé de pédagogie2. » La quasi-totalité des touristes canadiens ayant recours à Terres de mémoire ont ainsi pour but la visite de Vimy et des cimetières canadiens des alentours afin d’accomplir leur « Vimy pilgrimage ». Nombreux sont ceux qui demandent à Sylvestre Bresson de chercher en amont de la visite la tombe de l’arrière-grand-père mort sur le front. Comme dans les années qui suivirent la guerre, les visites organisées par ces organismes privés de la mémoire répondent ainsi à des projets de visite individuels ou en famille. Terres de mémoire, qui offrait à ses débuts des visites à destination des scolaires, a d’ailleurs délaissé ce type d’activités pour se concentrer uniquement sur une offre plus personnalisée3. Ces entreprises mémorielles, afin de souligner leur ancrage au territoire local et de s’identifier à celui-ci, utilisent souvent les lieux de mémoire locaux dans leur charte graphique. Le site Internet de Terres de mémoire réutilise ainsi le mémorial de Vimy à ces fins4.

Fait nouveau, cet imaginaire du pèlerinage est en outre récupéré depuis les Figure 34 – Site Internet de l’entreprise Terres années 2010 par les tour-opérateurs généralistes, de mémoire © Terres de mémoire

1 Majoritairement des Britanniques et des Australiens. BRESSON (Sylvestre), op. cit. 2 HERTZOG (Anne), « Tourisme de mémoire et imaginaire touristique des champs de bataille », art. cit., p. 8. 3 BRESSON (Sylvestre), op. cit. 4 Terres de mémoire [en ligne]. http://www.terresdememoire.com/

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qui incluent dorénavant des excursions vers les lieux de mémoire1. Certains, comme EF Educationnal Tours sont davantage tournés vers une clientèle scolaire. Le site Internet de l’entreprise propose ainsi une dizaine de formules permettant aux jeunes Canadiens d’effectuer leur pèlerinage à Vimy. L’entreprise travaille en partenariat avec le gouvernement du Canada, qui a notamment fait appel à elle afin de faire venir 4 000 jeunes Canadiens lors de la cérémonie du 95e anniversaire de la bataille de Vimy2. Elle a également conclu un partenariat avec la Fondation Vimy et a participé au financement du futur centre d’interprétation qui verra le jour en 2017 à hauteur de 100 000 dollars. L’entreprise s’attend à transporter environ 30 000 à 45 000 jeunes Canadiens sur le site de Vimy entre 2014 et 20183.

Figure 35 – Exemple de séjour propose par EF Educationnal Tours Canada © EF Educationnal Tours

III. Local ou (trans)national ? La crête de Vimy : un lieu dominé par les usages du passé

Cependant, comme le souligne Anne Hertzog, « l’inscription de la guerre dans l’imaginaire touristique régional est aussi à relier au contexte […] des “courants de mémoireˮ (Maurice Halbwachs), qui selon l’historien Patrick Garcia, traversent la plupart des sociétés contemporaines […]4. » En effet, bien que Vimy soit un lieu qui tend à s’intégrer de manière croissante au territoire local, il reste tributaire des politiques mémorielles nationales du Canada et de la France. Celles-ci ont en effet tendance à prendre le dessus sur les politiques mémorielles locales, qui malgré leur influence croissante sur la gestion des lieux de mémoire et leur intégration dans un troisième rapport au territoire, ont un retentissement limité face aux actions mémorielles des États.

1 BRESSON (Sylvestre), op. cit. 2 « The Vimy Foundation and EF Educationnal Tours announce investment in new Vimy Education Centre », Canada News Wire, 5 novembre 2013. 3 « Des milliers de jeunes Canadiens attendus dans l’Arrageois en 2017 », La Voix du Nord, 31 janvier 2015, p. 17. 4 HERTZOG (Anne), « Tourisme de mémoire et imaginaire touristique des champs de bataille », art. cit., p. 4.

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A) Mémoire et bilinguisme : Vimy au centre de la bataille entre Québec et Ottawa 1) Des « mémoires inversées1 » et un rapport au passé différent Contrairement aux États-nations européens, le Canada est un État multinational au sein duquel cohabitent des Canadiens-anglais et des Canadiens-français. Or, ces deux groupes n’ont pas du tout la même conception de l’histoire canadienne ni le même rapport au passé, ce qui suscite encore à l’heure actuelle de nombreuses tensions2. Valérie Lapointe-Gagnon souligne ainsi :

« Tandis que les [Canadiens-anglais] portent leur regard davantage vers l’avenir, les [Canadiens-français] semblent posséder une mémoire écorchée vive et ils ramènent fréquemment sur les tribunes les événements et les moments où ils se sont sentis trahis et bafoués par le groupe majoritaire3. »

Si les Québécois mettent ainsi en avant le passé, c’est à la fois pour souligner les souffrances que leur ont infligées les Canadiens-anglais, mais aussi pour légitimer leur demande d’un statut particulier au sein de la fédération. Le passé des Francophones leur sert ainsi à souligner qu’ils étaient là avant les Anglophones et qu’ils méritent donc en tant que « premier peuple fondateur du Canada » d’être respectés et considérés. Le Québec a de fait surtout tendance à insister sur l’histoire française antérieure à la Conquête de 1763 – toujours perçue dans le Belle-Province comme un réel traumatisme –, ainsi qu’à déconsidérer les événements qui ont tendance à glorifier les Canadiens-anglais. La figure de « l’Anglais dominateur4 » est toujours solidement ancrée dans la mémoire collective des Francophones et est encore utilisée pour souligner les souffrances que les Anglophones leur ont fait subir.

Les Canadiens-anglais ont quant à eux une analyse de l’histoire complètement opposée à celle des Québécois, ce qui conduit le sociologue Guy Rocher à parler de « mémoires inversées5 ». Les deux groupes interprètent ainsi l’histoire de manière distincte, ils ne se reconnaissent pas dans les mêmes figures historiques, les mêmes événements ou encore les mêmes mythes. Chacun s’enferme dans sa propre vision de l’histoire canadienne,

1 ROCHER (Guy), cité dans LAPOINTE-GAGNON (Valérie), « Un Canada et un Québec qui conjuguent le passé différemment : le poids du passé dans le rapport préliminaire de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme », dans Conserveries mémorielles, 9/2011 [en ligne]. http://cm.revues.org/838 (consulté le 17 avril 2015). 2 De nombreux auteurs parlent ainsi de « conflit de basse intensité » ou de « mal canadien ». 3 LAPOINTE-GAGNON (Valérie), « Un Canada et un Québec qui conjuguent le passé différemment […], art. cit., p. 7. 4 Idem, p. 9. 5 Ibid., p. 10.

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visions qui ne parviennent pas à se recouper, car la profonde méconnaissance de l’autre amplifie l’incompréhension mutuelle. La Confédération, événement majeur de l’histoire du Canada moderne, est l’un de ces épisodes historiques qui divisent le plus les deux peuples. Alors que les Anglophones ont tendance à y voir une formidable réussite, qui a permis à la fois au Canada de s’affirmer en tant que nation indépendante face au Royaume-Uni et de bâtir un modèle fédéral territorial idéal qui fait aujourd’hui leur fierté, les Québécois la perçoivent en revanche comme une sorte de « pacte fondateur raté » qui, même si elle leur a offert leur liberté politique, n’a pas su tenir compte de leurs spécificités de nation fondatrice.

La Grande Guerre est le deuxième épisode de l’histoire canadienne qui fait le plus controverse entre les deux groupes. Pour les Canadiens-anglais, le premier conflit mondial est encore perçu comme le moment fondateur de la nation canadienne, qui aurait naturellement débouché sur le statut de Westminster de 1931. Pour les Canadiens-français, la Première guerre mondiale – appréhendée uniquement au travers du prisme de la conscription qui leur a été imposée de force – n’est au contraire qu’un exemple parmi tant d’autres des nombreux coups durs que leur ont infligés les Anglophones tout au long du XXe siècle1.

2) Vimy : point de discorde entre Canadiens-anglais et Canadiens-français Dans ce contexte, il n’est pas étonnant de voir que le lieu de la crête de Vimy constitue lui aussi un sujet de tensions, puisqu’il cristallise autour de lui à la fois les mémoires divergentes des deux communautés, mais aussi leurs deux conceptions du fédéralisme2. La mise en avant de Vimy par les Anglophones ainsi que le rejet de cette politique par les Francophones trouve donc son explication dans ces divergences.

Dans la mesure où ce sont les Canadiens-anglais3 et les Conservateurs4 – deux groupes qui ont une conception pancanadienne de la nationalité – qui dominent l’échelon fédéral depuis 2006, il semble donc normal de voir que le gouvernement Harper a cherché à mettre l’accent sur Vimy.

1 Ibid. 2 Tandis que les Québécois revendiquent la mise en place d’un « fédéralisme multinational » asymétrique qui permettrait à leur province d’obtenir plus de compétences afin de protéger leurs intérêts nationaux propres, les Canadiens-anglais rejettent cette conception qui ne correspond pas à leur vision de la nationalité pancanadienne (ils ne reconnaissent pas en effet les Québécois comme une nation distincte), où toutes les provinces doivent être dotées de compétences égales. KYMLICKA (Will), La voie canadienne. Repenser le multiculturalisme, Montréal, Boréal, 2003, p. 210. 3 Les députés québécois n’étant que 75 pour un total de 308 députés à la Chambre des communes. Voir Chambres des communes du Canada [en ligne]. http://www.parl.gc.ca/Parliamentarians/fr/members (consulté le 1er mai 2015). 4 Les Canadiens ont envoyé 160 députés conservateurs à la Chambre aux dernières élections de 2011. Idem.

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Le lieu de mémoire étant perçu par ces deux groupes comme le symbole par excellence de l’indépendance canadienne, ceux-ci ont naturellement cherché à l’utiliser afin de promouvoir leur vision de la nation pancanadienne. Il convient donc de ne pas voir en Vimy un lieu de promotion du nationalisme anglo-canadien, puisque que comme l’affirme le philosophe Will Kymlicka, les Canadiens-Anglais ne se perçoivent pas comme une nation1. Dans l’ensemble, les mesures de valorisation de la crête de Vimy sont perçues par de nombreux Canadiens-anglais comme une bonne chose, d’autant plus qu’elles ne nuisent pas selon eux à l’identité québécoise puisqu’elles soulignent le sacrifice du pays tout entier. Cette situation explique pourquoi les Canadiens-anglais sont si nombreux à effectuer leur pèlerinage à Vimy et pourquoi ils soutiennent pleinement les politiques mémorielles de leurs dirigeants fédéraux.

Alors que le lieu historique national de la crête de Vimy avait jusqu’alors surtout suscité pour les Québécois de l’indifférence, le nouveau paradigme mémoriel du gouvernement Harper et l’instrumentalisation de Vimy à des fins de justification de la guerre d’Afghanistan ont déclenché un vague de critiques sans précédent du côté de la Belle-Province, comme en témoignent les nombreux articles parus dans La Presse ou Le Devoir. Même du côté des Anglophones, ce nouveau paradigme qui hypertrophie le côté militaire de Vimy et rejette en même temps la tradition onusienne du Canada met mal à l’aise, surtout dans les milieux intellectuels – mais aussi auprès des membres de l’opposition. La politique de Stephen Harper contribue ainsi à accentuer le fossé d’incompréhension qui sépare les communautés anglophone et québécoise, renforçant par là le phénomène de dualité de la mémoire collective.

Tant que la mémoire québécoise de la Grande Guerre et l’épisode douloureux de la conscription ne seront pas intégrés à Vimy – « which has largely been excluded [for too long] from discussions pertaining to battlefield tourism2 » comme le soulignent Lemelin et Johansen –, entretenant la confusion et le phénomène des « mémoires inversées », « toute réconciliation ne sera pas possible3. » La reconnaissance de Vimy par les deux communautés ne peut se faire que si le mémorial sert à promouvoir les valeurs pacifistes qui leur sont communes, dans le cadre d’une relation apaisée. En dépit de cela, le mémorial ne pourra jamais être un véritable lieu de médiation du pacifisme, et ce malgré les efforts des acteurs locaux en France, tels que les associations du souvenir ou encore les collectivités territoriales.

1 KYMLICKA (Will), La voie canadienne. […], op. cit., p. 210. 2 LEMELIN (Raynald H.) et JOHANSEN (Kelsey), « The Canadian National Vimy Memorial: remembrance, dissonance and resonance », op. cit., p. 214. 3 LAPOINTE-GAGNON (Valérie), « Un Canada et un Québec qui conjuguent le passé différemment […], op. cit., p. 15.

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B) « Verdun, cœur de la France1 » 1) Entre Verdun et « lieux d’amnésie nationale2 » Comme le souligne Mireille Gueissaz, pendant l’entre-deux guerres, « l’imaginaire français de la guerre [s’est focalisé] sur Verdun3. » Verdun a ainsi pendant de nombreuses années dominé dans la mémoire collective de la Grande Guerre en France, occultant les autres lieux de mémoire. Ceci se perçoit notamment au travers des programmes scolaires du secondaire, comme cela a été évoqué dans la deuxième partie, ou encore au travers du fait que tous les présidents de la Cinquième République aient présidé une cérémonie commémorative sur le lieu4.

Si le regain d’intérêt pour la Grande Guerre survenu à partir des années 1980 a permis de reconsidérer certaines batailles, notamment celle de la Somme déjà édifiée en complexe de deuil par les Britanniques, d’autres comme celle du Chemin des Dames demeurèrent dans l’oubli. L’historien Frédéric Rousseau qualifie ainsi la bataille axonnaise de « lieu d’amnésie nationale. » L’exemple du Chemin des Dames est particulièrement intéressant puisqu’il recoupe par certains aspects celui de la crête de Vimy. Grande bataille française de la Grande Guerre, le Chemin des Dames fut chargé dès l’après-guerre d’une symbolique négative : il fut non seulement associé à l’un des plus importants échecs militaires de la République, mais aussi au déclenchement des mutineries de 19175. L’historiographie de la bataille n’a fait que renforcer cette aura négative, puisqu’elle a pendant longtemps traité l’événement sous cet angle négatif6. Le sondage réalisé auprès des étudiants de l’IEP de Rennes est révélateur de l’oubli qui entoure encore le Chemin des Dames à l’heure actuelle : alors que 75 % des répondants affirment connaître la bataille de Verdun et être « capable de la situer et d’en parler», ce taux tombe à 48 % pour le Chemin des Dames7.

1 Guillaume II, empereur d’Allemagne, 14 février 1916. Cité dans JOLLIVET (Gaston), L’Épopée de Verdun, 1916, Paris, Hachette, 1917, 272 p. 2 ROUSSEAU (Frédéric), cité dans HERTZOG (Anne), « Tourisme de mémoire et imaginaire touristique des champs de bataille », art. cit., p. 2. 3 Citée dans HERTZOG (Anne), « Tourisme de mémoire et imaginaire touristique des champs de bataille », art. cit., p. 2. 4 Nicolas Sarkozy a même présidé en 2008 pour la première fois la cérémonie du 11 novembre à l’ossuaire de Douaumont. 5 Pour une analyse synthétique de la mémoire et de l’historiographie de la bataille, voir notamment OFFENSTADT (Nicolas), « Une mémoire à distances », dans Temporalités, 5/2006 [en ligne]. http://temporalites.revues.org/295 (consulté le 2 mai 2015). 6 REINER (Bendick), « Compte rendu de Nicolas Offenstadt (dir.), Le Chemin des Dames. De l’événement à la mémoire, 2004 », dans Le Mouvement Social, n° 222, janvier-mars 2008, pp. 190-194 [en ligne]. http://mouvement-social.univ-paris1.fr/document.php?id=820 (consulté le 25 avril 2015). 7 VENDRIES (Victor), « Les lieux de mémoire en France », op. cit.

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Pourtant, les collectivités locales – et notamment le Conseil général de l’Aisne – déploient de nombreux efforts afin de promouvoir ce lieu de mémoire depuis plus de deux décennies, via des aménagements visant à mettre en tourisme l’ancien champ de bataille1. Ces efforts ne semblent pas avoir été couronnés de succès : malgré la valorisation touristique du lieu de mémoire à partir de 1995, les flux de touristes sur le site sont toujours limités et le Chemin des Dames fait toujours aujourd'hui l’objet d’une sorte « d’oubli-refoulement2. » Ceci souligne clairement l’impact limité que peuvent avoir les politiques mémorielles des collectivités territoriales face à celles de l’État. Si les sites de l’ancien champ de bataille sont davantage visités depuis le début des années 2000, c’est certes parce que « l’effet Centenaire » se fait ressentir, mais surtout car l’État a enfin réintégré le Chemin des Dames au sein de l’espace mémoriel français, suite au discours que Lionel Jospin a prononcé sur le site en 1998.

Figure 36 – Extrait de l’analyse des réponses au sondage réalisé auprès des étudiants de l’IEP de Rennes © Victor Vendries

2) Vimy à l’approche du Centenaire : vers une intégration dans la mémoire collective française ? L’exemple du Chemin des Dames montre à quel point la mise en valeur de certains lieux de mémoire par les collectivités locales demeure limitée si elle ne va pas dans le même sens que les politiques mémorielles de la République. Le cas de Vimy ne diffère pas tant de celui du Chemin des Dames : véritable « lieu d’amnésie » nationale il n’a jamais été réellement inclus dans l’agenda mémoriel des gouvernements français successifs, et ce malgré son caractère indéniablement « français ». Vimy est tout simplement oublié des politiques mémorielles en France.

1 HERTZOG (Anne), « Tourisme de mémoire et imaginaire touristique des champs de bataille », art. cit., p. 2. 2 MICHEL (Johann), Gouverner les mémoires […], op. cit., pp. 179-180.

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Mais s’il y a bien oubli, de quel oubli s’agit-il ? Il semble que tout comme le Chemin des Dames, la crête de Vimy fasse plutôt l’objet d’un « oubli-refoulement [i.e.] une forme en partie involontaire d’oubli1 » qui permet d’évacuer de la mémoire publique officielle un épisode douloureux de la Grande Guerre : celui de l’échec de la prise de la côte 145 en 19152. La présentation par la France de la crête de Vimy comme un lieu uniquement canadien permet alors de mettre l’accent sur le 9 avril 1917, une sorte de « “souvenir-écranˮ qui [rend] la réalité plus apaisante ou acceptable3. » Ce refoulement permet ainsi de mettre l’accent sur l’unité nationale au travers d’autres lieux de mémoire jugés plus consensuels, comme Verdun.

Peut-on parler pour autant dans le cas de la crête de Vimy d’une forme « d’oubli- dissimulation », i.e. d’occultation volontaire de cette « trahison » de l’État français à l’encontre des soldats de la Division marocaine ? La ligne qui sépare ces deux dernières formes d’oubli est floue, et dans le cas présent, il semble difficile, voire impossible, de savoir si les hommes politiques français cherchent sciemment à occulter cette mémoire honteuse4 ou bien s’ils ne la commémorent pas du fait qu’ils n’ont pas connaissance de cet épisode. Face à la montée des revendications victimaires depuis les années 1980, il est possible que les gouvernants hexagonaux cherchent à ne pas remuer l’épisode de la « Marocaine » afin en de ne pas avoir à décréter un nouveau pardon qui viendrait nourrir ce phénomène de la multiplication de ces revendications. Ou bien encore cette politique d’oubli est peut être adoptée afin de ne pas entrer en conflit avec la Figure 37 – Mémorial à la Division marocaine, crête vision canadienne de la bataille. de Vimy © Labattblueboy – Travail personnel

1 Idem, p. 179. 2 En 1915, la France se fixe pour objectif de prendre la crête de Vimy, dont les Allemands se sont emparés en 1914. La Division marocaine, composée de soldats de la Légion étrangère dont Blaise Cendrars, se voit confier cet objectif. Les troupes de la « Marocaine » passent à l’offensive le 9 mai et s’emparent de la fameuse « côte 145 », à la grande surprise de l’état-major. Cependant, aucun renfort n’avait été prévu par les officiers militaires français, qui ne croyaient pas à la réussite de l’offensive. Les soldats de la Division marocaine sont abandonnés sur la crête et deviennent des proies faciles pour les Allemands qui les abattent en nombre. Les soldats français reçoivent l’ordre de se replier. Après la bataille, l’état-major fait tout son possible pour minimiser l’événement et la victoire tombe dans l’oubli. Pour un récit de la prise de la crête de Vimy en 1915, voir CENDRARS (Blaise), La main coupée, Paris, Gallimard, 1975, 447 p. 3 MICHEL (Johann), Gouverner les mémoires [...], op. cit., p. 179. 4 Idem, p. 180.

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Face à cet oubli de reconnaissance de cet épisode honteux encore entretenu – sciemment ou non – à l’heure actuelle par l’État français1, les tentatives de promotion de la crête de Vimy par les collectivités locales françaises ne font que conserver qu’un impact relativement local. La mise en tourisme récente du mémorial canadien par ces collectivités, qui inclut souvent celle du monument à la Division canadienne2 trouve un écho limité et n’a pas conduit à une plus grande intégration de la crête de Vimy dans l’espace mémoriel français. En l’absence de reconnaissance de la mémoire française du lieu par l’État, Vimy ne restera perçu – côté français et côté canadien – que comme un lieu strictement canadien, limitant d’autant son aura transnationale. Même si le Centenaire a montré la volonté du chef de l’État de s’intéresser à la dimension internationale du conflit et de sa mémoire3 – comme le montrent la création de la Mission Centenaire ainsi que la cérémonie dédiée à la mémoire de tous les combattants organisée à Notre-Dame de Lorette le 11 novembre 2014 –, l’intégration de la crête de Vimy au sein de la mémoire nationale reste encore à faire.

Outre ses rapports au national et au transnational, Vimy possède donc bien une troisième relation à l’espace : la dimension locale. Celle-ci se perçoit au travers de la mise en tourisme du lieu de mémoire canadien par les collectivités françaises, qui y voient par là un moyen d’exploiter un tourisme de mémoire qui se massifie de plus en plus. En outre, Vimy est aussi utilisé par ces-mêmes collectivités afin de se créer une identité régionale propre. Cette mise en tourisme a aussi suscité la création d’une filière touristique locale de la mémoire qui s’est fortement développée depuis ces quinze dernières années. Cependant, malgré l’inscription du mémorial de Vimy au cœur de l’espace local, le lieu de mémoire canadien demeure tributaire des usages politiques du passé de la France et du Canada, ce qui conduit à nuancer cette logique de territorialisation.

1 Aucun chef d’État ou de gouvernement français n’a jamais participé à une cérémonie commémorative au mémorial de la Division canadienne situé sur la crête de Vimy. Même pour le 90e anniversaire de la bataille, aucun représentant de l’État français n’était présent. En revanche, le vice-président de la région Nord – Pas-de- Calais a assisté à la cérémonie, accompagné d’autres élus locaux. En outre, Le monument à la Division marocaine, également situé sur la crête de Vimy, est en attente de restauration depuis plusieurs années, car l’État français refuse d’assumer les 10 000 € de travaux. Voir « Givenchy-en-Gohelle: une lettre du roi du Maroc pour renforcer les liens avec la commune », Nord Éclair, 31 mars 2015. Pour une localisation du mémorial sur le site de la crête de Vimy, voir Annexe 4 (n°4). 2 Sur la page du Lieu historique national du Canada de la crête de Vimy du site Chemins de mémoire du CRT Nord – Pas-de-Calais, un lien renvoie ainsi à un article qui traite du mémorial à la Division marocaine. http://www.cheminsdememoire-nordpasdecalais.fr/les-chemins/le-front/lieu-historique-national-du-canada-de- la-crete-de-vimy.html (consulté le 30 avril 2015). 3 Voir notamment Ministère de la Défense et des Anciens combattants, « Commémorer la Grande Guerre (2014-2020) : propositions pour un Centenaire international », rapport de Joseph Zimet au Président de la République, septembre 2011.

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CONCLUSION

Vimy : lieu transnational, national ou local ? Si certains lieux de mémoire de la Grande Guerre ne possèdent que deux – voire qu’un seul – de ces rapports au territoire, le mémorial de la crête de Vimy est au contraire bel et bien inclus dans ces trois espaces, soulignant ainsi la multiplicité des liens au territoire que peuvent entretenir les lieux de mémoire.

Tout d’abord lieu transnational depuis ses débuts, Vimy demeure à l’heure actuelle un haut-lieu de mémoire qui est utilisé par les autorités canadiennes – et dans une moindre mesure françaises – afin de promouvoir les valeurs de réconciliation, d’amitié franco- canadienne ou encore de devoir de mémoire face à l’horreur du premier conflit mondial. Ceci se perçoit notamment dans la politique managériale du mémorial, qui fait la part belle à ces valeurs au travers des commémorations, de l’aménagement du site ou encore des politiques orientées vers la jeunesse. Cette dernière occupe une place centrale au sein du management du monument canadien, qui mérite d’être soulignée. Outre les autorités canadiennes, les associations mémorielles du pays d’Artois jouent également un rôle crucial dans cette entreprise de promotion des valeurs universelles. En dépit de leurs effectifs déclinants et de leur budget limité, elles mènent de nombreuses actions de nature diverse, qui contribuent grandement à faire de Vimy le lieu de mémoire transnational qu’il est aujourd'hui. Certaines d’entre-elles, comme les Amis du Monument canadien de Vimy ou la Fondation Vimy bénéficient d’une forme d’institutionnalisation plus poussée, ce qui confère un écho plus important à leurs actions.

Cependant, malgré cette promotion des valeurs universelles, la crête Vimy ne doit pas être perçue comme un lieu transnational absolu. Nombre d’acteurs, à commencer par la Fondation Vimy, ont ainsi un comportement ambigu, qui oscille tour à tour entre promotion du pacifisme et du patriotisme. Les hommes politiques français font aussi partie de ceux qui ont une attitude ambivalente à l’égard du mémorial. S’ils participent certes à l’entreprise de renforcement de l’amitié franco-canadienne, leurs actions sont néanmoins limitées par le fait qu’ils ne perçoivent Vimy que comme un lieu de mémoire canadien. À leurs yeux, la crête de Vimy ne nécessite pas d’être incluse dans les politiques mémorielles de la République, ce qui se traduit dans les faits par l’absence de contribution de l’État français au financement du mémorial. Les cérémonies révèlent elles aussi ce désintérêt des politiciens hexagonaux pour Vimy, puisque ceux-ci ne les incluent pas dans leur agenda commémoratif. Tout comme ses dirigeants, le public français ne se reconnaît pas dans le lieu de mémoire canadien, d’où son faible engouement pour ces commémorations. 91

Enfin, la presse française joue ici son rôle de véritable miroir des représentations collectives des Français, ce qui explique le traitement quasi inexistant qu’elle réserve à Vimy. Côté canadien, le mémorial fait en revanche l’objet d’une exacerbation patriotique depuis le tournant mémoriel des années 1980 et 1990. Ceci s’est traduit en premier lieu par une lente « patriotisation » de la crête, notamment au travers d’une politique de patrimonialisation entamée par les gouvernements libéraux. On a par la suite assisté à une véritable instrumentalisation du lieu canadien par le gouvernement de Stephen Harper arrivé au pouvoir en 2006, qui y a vu un moyen de soutenir sa politique ambitieuse de création d’une Grande Puissance canadienne basée sur le hard power, i.e. la force militaire. Le Centenaire de la Grande Guerre, constitue le point d’orgue de la politique nationaliste des Conservateurs, puisqu’il n’est pensé et utilisé que dans le but de célébrer le centenaire de la bataille de Vimy, événement coïncidant avec le 150e anniversaire de la Confédération. Toujours outre-Atlantique, on observe enfin que la question du deuil est travaillée par les historiens, les politiciens, les éditeurs et les cinéastes d’une manière qui vise à promouvoir l’idée d’un nationalisme pancanadien.

La crête de Vimy est enfin en train d’acquérir depuis une quinzaine d’années une troisième dimension spatiale, à savoir le local. Ce phénomène de « territorialisation » du mémorial canadien est concomitant au développement du tourisme mémoriel de masse depuis les années 1980. Cependant, à la différence des territoires voisins de la Somme et de la Flandre belge, les collectivités territoriales du Nord – Pas-de-Calais ne s’intéressent pas tout de suite au patrimoine mémoriel de la Grande Guerre, qu’elles ne perçoivent pas dans un premier temps comme un potentiel levier économique. Il faut ainsi attendre les années 2000 et la manifestation d’une volonté politique forte au niveau du Conseil régional pour que Vimy fasse véritablement l’objet d’une mise en tourisme par les collectivités et soit ainsi inclus dans l’imaginaire touristique renouvelé de la région. L’approche du Centenaire est venue conforter cet ancrage du lieu de mémoire canadien au territoire local, puisque face à l’intensification des flux touristiques provoqués par l’événement, on a assisté à une réelle utilisation de « l’image de marque » du mémorial par les collectivités dans une optique de marketing territorial. Ce phénomène d’enracinement de Vimy s’est en outre traduit par son intégration au cœur de la filière touristique de la mémoire – elle aussi en plein renouvellement depuis le début des années 2000 –, centrée sur le nouveau fleuve des publications touristiques et sur la multiplication des entreprises du secteur tournées vers la mémoire. En revanche, malgré sa « territorialisation » croissante, Vimy reste dominé par les usages qu’en font les États canadien et français, usages qui ont pour conséquence de le « renationaliser » et de parfois le déraciner du territoire local.

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Une fois considéré ce phénomène de triple ancrage au territoire, est-il possible d’affirmer qu’un de ces trois rapports à l’espace domine sur la période étudiée ? La réponse n’est pas simple, mais on peut cependant tenter d’apporter quelques éléments d’éclairage. Si Vimy peut effectivement être considéré comme un lieu « pluriterritorial », il semble néanmoins que l’on assiste à deux tendances, la première étant la diminution de son caractère transnational au profit de l’affirmation de sa dimension nationale. Alors que Vimy a toujours fait l’objet d’un culte patriotique par les politiciens fédéraux canadiens, ce culte a cependant conservé une ampleur modeste jusqu’au début des années 2000, notamment car le mémorial canadien était utilisé afin de souligner la tradition pacifiste du Canada. La première tendance s’est plutôt véritablement accélérée avec l’arrivée au pouvoir en 2006 du gouvernement conservateur de Stephen Harper, qui est venu inclure Vimy dans sa rhétorique belliciste – chose qui a conduit à accentuer le rejet des Canadiens-français pour ce lieu. L’année 2016, date du Centenaire de la bataille, sera très certainement l’occasion pour le gouvernement Harper – s’il est reconduit en octobre 2015 – de confirmer son ambition. Il conviendra de s’intéresser de près à l’usage qui sera fait des commémorations par le futur premier ministre canadien, mais aussi à l’importance que donneront les gouvernants français à l’événement afin de voir s’il l’on assiste ou non à un infléchissement de cette tendance.

La deuxième tendance a déjà été abordée dans le développement : il s’agit de l’enracinement croissant du lieu de mémoire canadien dans le territoire local. Cet ancrage, comme vu précédemment, s’est renforcé grâce au boom récent des flux touristiques et l’on a assisté depuis les cinq dernières années à une appropriation inédite de la crête de Vimy par les différents acteurs locaux. Là encore, il conviendra d’attendre quelque peu afin de voir si l’on a affaire à un simple effet de conjoncture dû au fameux « effet Centenaire », ou bien au contraire à une véritable tendance de long-terme révélatrice de la montée en puissance du tourisme mémoriel mais aussi des territoires.

Ce triple rapport au territoire qui caractérise la crête de Vimy vient la distinguer d’autres lieux de mémoire de la Grande Guerre. Le cas des sites des Vosges est sans doute l’un des plus parlants. En effet, bien que la région ait été le théâtre de nombreux combats importants – comme la bataille des Cols de 1915 –, ses anciens champs de bataille ne sont pas entrés dans le récit national français, Verdun ayant écarté de la mémoire collective les combats qui se déroulèrent plus à l’Est. De surcroît, l’histoire de la Grande Guerre n’a pas été

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intégrée par les collectivités vosgiennes au sein de l’imaginaire touristique local, ce qui n’a pas permis le développement d’un tourisme mémoriel de masse sur ces sites1.

Il convient cependant de souligner que le mémorial canadien ne fait pas figure d’originalité, puisque de nombreux autres lieux de mémoire de la Grande Guerre entretiennent également cette triple relation à l’espace. Le mémorial australien de Villers-Bretonneux, situé dans la Somme, en est un exemple révélateur. Lieu de promotion de l’amitié franco- australienne, il fait l’objet d’un véritable culte pacifiste, qui se perçoit notamment au travers des cérémonies du souvenir qui y sont organisées chaque année. Le mémorial fait également l’objet d’une attention particulière de Canberra, qui y voit – comme pour le Canada à Vimy – un lieu symbolisant la naissance de la nation australienne. Chaque année, de nombreux pèlerins venus de l’hémisphère Sud se déplacent sur le site2. Véritable « mythe » australien, Villers-Bretonneux semble faire l’objet d’un culte patriotique de la part du gouvernement fédéral, qui a d’ailleurs décidé récemment de créer un « Chemin de mémoire australien » pour le mettre en valeur et le relier aux autres lieux de mémoire australiens de la Grande Guerre3. Enfin, le mémorial s’avère être aussi un maillon du territoire samarien et de sa mise en tourisme amorcée dans les années 1980. Les collectivités locales et notamment le Conseil général de la Somme, ont ainsi mis en valeur de manière très précoce ce haut-lieu de mémoire et l’ont inclus depuis une trentaine d’années au cœur de l’imaginaire touristique régional.

Le cas du mémorial australien de Villers-Bretonneux semble être un modèle de lieu de mémoire qui a « mieux réussi » que Vimy. Il semble tout d’abord être moins instrumentalisé par les hommes politiques australiens, qui cherchent à le préserver des dérives mémorielles, ce que souligne Anne Hertzog. Lors d’un discours prononcé en 2011 au mémorial, le ministre australien des Anciens combattants mit ainsi en garde l’assemblée face au développement touristique des champs de bataille : « nous devons nous souvenir que notre but ultime est de commémorer les services rendus et les sacrifices, pas de créer une attraction touristique4. » De la même manière, le programme australien du Centenaire semble être fidèlement attaché à ces principes. Le mémorial est en outre un véritable lieu de promotion de l’amitié franco- australienne, puisque tous les projets d’aménagement qui le concernent sont décidés en lien

1 HERTZOG (Anne), « Quand le tourisme de mémoire bouleverse le travail de mémoire », op. cit., p. 55. 2 Sylvestre Bresson, de l’entreprise Terres de mémoire, estime ainsi que 50 % de sa clientèle est australienne. BRESSON (Sylvestre), entretien de visu réalisé le 24 février 2015, op. cit. 3 MARCOTTE (Pascale), « Un chemin de mémoire canadien […] », op. cit., p. 63. 4 HERTZOG (Anne), « Tourisme de mémoire et imaginaire touristique des champs de bataille », op. cit., p. 8.

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avec l’État français et les collectivités locales. C’est notamment le cas de l’aménagement des routes départementales financées par le Conseil général de la Somme1. Le musée franco- australien de Villers-Bretonneux est quant à lui financé pour moitié par la France. Malgré le fait que tous ces projets mettent l’accent sur la dimension franco-australienne, ceux-ci ne semblent pourtant pas nuire à la juste reconnaissance du sacrifice des diggers ou encore dénigrer leur mémoire.

Au vu des similitudes qui semblent rapprocher Vimy et Villers-Bretonneux, mais aussi des différences qui semblent les séparer, il aurait été intéressant de pouvoir étudier le mémorial canadien de la crête de Vimy en parallèle du mémorial australien. En effet, ces lieux de mémoire, tous deux nés d’une bataille importante dans l’histoire des deux nations et tous deux matérialisés par un monument construit sur un lopin de terre confié par la France, auraient mérité d’être étudiés au travers d’un prisme comparatiste. Une telle approche aurait été d’autant plus pertinente qu’elle aurait même pu s’élargir aux hauts-lieux de mémoire d’autres nations – comme la Nouvelle-Zélande ou le Royaume-Uni. De surcroît, si cette piste est parfois dessinée par certains auteurs2, aucun historien ne semble pour l’instant s’être intéressé à la question de la mise en comparaison de ces mémoriaux étrangers.

Plus qu’un modèle original de rapport à l’espace, le lieu historique national de la crête de Vimy se révèle donc être plutôt un exemple parmi d’autres de la multiplicité – mais aussi de la conflictualité – de ces rapports qui caractérisent les lieux de mémoire de la Grande Guerre.

1 Conseil Général de la Somme, « Communiqué de presse. Le Premier Ministre australien en visite dans la Somme : inauguration des travaux d’aménagement des abords du mémorial de Villers-Bretonneux », 5 juin 2014. 2 MARCOTTE (Pascale), « Un chemin de mémoire canadien […] », op. cit. Voir aussi LEMELIN (Raynald H.) et JOHANSEN (Kelsey), « The Canadian National Vimy Memorial [...]», op. cit.

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TABLE DES ANNEXES

ANNEXE 1 – Table des illustrations

ANNEXE 2 – Accord entre le Canada et la France portant concession au Canada de l'usage d'un terrain sur le plateau de Vimy […]

ANNEXE 3 – Cartes des batailles canadiennes de la Grande Guerre et de la bataille de Vimy (9 Avril 1917)

ANNEXE 4 – Plan du lieu historique national de la crête de Vimy

ANNEXE 5 – Photographies du lieu historique national de la crête de Vimy

ANNEXE 6 – Questionnaire sur les lieux de mémoire en France

ANNEXE 7 – Loi sur le jour de la bataille de Vimy

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ANNEXE 1 – TABLE DES ILLUSTRATIONS

Figure 1 – Mémorial canadien de Vimy (Pas-de-Calais) ...... 1 Figure 2 – Richard Jack, The Battle of Vimy Ridge, 1918 ...... 18 Figure 3 – The Brooding Soldier, Ypres ...... 19 Figure 4 – Inauguration de 1936 ...... 21 Figure 5 – The Male Mourner ...... 22 Figure 6 – The Canadian Bereft ...... 22 Figure 7 – La Paix ...... 22 Figure 8 – Carte du Front Ouest avec répartition des différents belligérants ...... 23 Figure 9 – Mémorial de Thieval ...... 25 Figure 10 – Carte du Circuit du Souvenir (Somme) ...... 25 Figure 11 – Droit de cite à Arras (8 avril 2007) ...... 28 Figure 12 – Jeunes canadiens lors du 95e anniversaire de la bataille de Vimy ...... 30 Figure 13 – Panneau du centre d’interprétation de Vimy ...... 33 Figure 14 – Extrait de l’analyse des réponses au sondage réalisé auprès des étudiants de l’IEP de Rennes ...... 45 Figure 15 – Extrait du Guide touristique 2014, édité par le Conseil général du Pas-de-Calais, p. 11 ...... 46 Figure 16 – Nombre d’articles traitant de Vimy (2004-2014) ...... 49 Figure 17 – La Voix du Nord, 10 avril 2015, pp. 2-3 ...... 50 Figure 18 – Délégation canadienne. Cérémonie du 11 avril 2011 ...... 51 Figure 19 – Officiels français et canadiens (90e anniversaire de la bataille de Vimy) ...... 52 Figure 20 – Poster édité à l’occasion de « l’Année de l’ancien combattant » ...... 56 Figure 21 – Reconstitution historique lors du bicentenaire de la guerre de 1812 ...... 58 Figure 22 – Visuel du site Internet « Vimy 2017 » ...... 61 Figure 23 – Nouveau billet de $20 ...... 61 Figure 24 – Tombe du soldat inconnu à Ottawa ...... 63 Figure 25 – Panneau mettant en avant la victoire canadienne (Centre d’interprétation provisoire) ...... 64 Figure 26 – Affiche du film Passchendaele ...... 67 Figure 27 – Plaquette de l’OT de Lens (2002) ...... 73 Figure 28 – Fréquentation du centre d’accueil du mémorial de Vimy (2009 – 2014) ...... 76 Figure 29 – Brochure Lens-Liévin...... 77 Figure 30 – Brochure Les Chemins de mémoire (Nord – Pas-de-Calais) ...... 77 Figure 31 – Guide touristique (Pas-de-Calais) ...... 77 Figure 32 – Guide Souvenir édité par le Syndicat d’initiative d’Arras (1919) ...... 78 Figure 33 – Guide édité par La Voix du Nord (1995)...... 79 Figure 34 – Site Internet de l’entreprise Terres de mémoire ...... 82 Figure 35 – Exemple de séjour propose par EF Educationnal Tours Canada ...... 83 Figure 36 – Extrait de l’analyse des réponses au sondage réalisé auprès des étudiants de l’IEP de Rennes ...... 88 Figure 37 – Mémorial à la Division marocaine, crête de Vimy ...... 89 Figure 38 – Centre d’interprétation provisoire ...... 101 Figure 39 – Tranchées restaurées (n°7) ...... 101 Figure 40 – Cimetière canadien du chemin de Givenchy (n°6) ...... 101 Figure 41 – Cimetière canadien n°2 (n°5) ...... 101 Figure 42 – Mémorial national du Canada (n°1) ...... 101 Figure 43 – Cratères d’obus ...... 101 97

ANNEXE 2 – ACCORD ENTRE LE CANADA ET LA FRANCE PORTANT CONCESSION AU CANADA DE L'USAGE D'UN TERRAIN SUR LE PLATEAU DE VIMY […]

Accord entre le Canada et la France portant concession au Canada de l'usage d'un terrain sur le plateau de Vimy destiné à l'érection d'un monument à la mémoire des soldats canadiens tombés au champ d'honneur en France (guerre 1914-1918)

F102661

Cet accord, rédigé le 5 décembre 1922, a été établi par et entre le Gouvernement français, représenté par M. Charles Reibel, Ministre des Régions Libérées, d'une part, et le Gouvernement du Canada, représenté par Monsieur Rodolphe Lemieux, Président de la Chambre des Communes du Canada, d'autre part. Étant donné que le Gouvernement du Canada désire ériger sur le plateau de Vimy (Pas-de-Calais), au centre d'un parc de 100 hectares qu'il se propose d'aménager et dont il assumera l'entretien, un monument à la mémoire des soldats Canadiens tombés au champ d'honneur en France, au cours de la guerre 1914-1918, le Gouvernement français met à sa disposition le terrain nécessaire dont la propriété restera à l'État français. Étant donné, d'autre part, que la France désire s'associer à l'hommage que le Canada se propose de rendre à ses morts de la grande guerre et que, par ailleurs, le terrain dont il s'agit, compris dans la zone rouge, doit être acquis par l'État français, conformément aux prescriptions de l'article 46, paragraphe 7, de la loi du 17 avril 1919 :

I. Article premier Le Gouvernement français concède, gratuitement et à perpétuité, au Gouvernement du Canada l'usage et la libre disposition d'un terrain de 100 hectares sis sur le plateau de Vimy dans le département du Pas-de-Calais et dont les limites sont définies par le plan annexé au présent accord.

II. Article II Le Gouvernement du Canada s'engage à aménager ce terrain en parc et à y ériger un monument à la mémoire des soldats Canadiens tombés au Champ d'honneur en France au cours de la guerre 1914-1918. Il s'engage, en outre, à assurer l'entretien du parc et du monument, à défaut de quoi, le Gouvernement français reprendrait la libre disposition du parc, à l'exclusion toutefois du terrain où sera élevé le monument commémoratif.

III. Article III Le terrain concédé au Gouvernement du Canada par le présent accord sera exonéré de toutes taxes et impositions. Le Gouvernement français fera son affaire de toutes les difficultés pouvant s'élever avec les riverains autres que celles qui résulteraient de dommages causés par du personnel ou du matériel appartenant au Gouvernement du Canada et maintenu en France pour l'entretien et la garde du parc et du monument.

IV. Article IV Seront obligatoirement mentionnées sur le monument toutes les unités de même ordre de l'armée canadienne ayant combattu sur le plateau de Vimy dans une même période de temps.

V. Article V Le présent accord ne deviendra définitif que par le vote, par le Parlement, du projet de loi portant approbation de ses dispositions que le Gouvernement français a déposé sur le bureau de la Chambre. En foi de quoi, le jour et l'année au début précités, cet accord a été rédigé en quatre exemplaires, chacun d'eux ayant la même valeur et effet qu'un original, par le Gouvernement français, représenté par M. Charles Reibel, Ministre des Régions Libérées, et le Gouvernement du Canada, représenté par M. Rodolphe Lemieux, Président de la Chambre des Communes du Canada.

Charles Reibel ; Rodolphe Lemieux

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ANNEXE 3 – CARTES DES BATAILLES CANADIENNES DE LA GRANDE GUERRE ET DE LA BATAILLE DE VIMY (9 AVRIL 1917)

© The Canadian Encyclopedia

© kingandempire.com

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ANNEXE 4 – PLAN DU LIEU HISTORIQUE NATIONAL DE LA CRETE DE VIMY

© Anciens Combattants Canada

Légende

1. Mémorial national du Canada à Vimy 2. Toilettes publiques 3. Bureau administratif 4. Monument à la Division marocaine 5. Cimetière canadien n°2 6. Cimetière canadien du chemin de Givenchy 7. Souterrains et tranchées restaurées 8. Centre d’accueil P. Stationnement

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ANNEXE 5 – PHOTOGRAPHIES DU LIEU HISTORIQUE NATIONAL DE LA CRETE DE VIMY

NB : les numéros indiqués en légende des photographies correspondent à la localisation des éléments du site sur le plan situé en annexe 3. © Victor Vendries

Figure 38 – Centre d’interprétation provisoire (construit en 2005) (n°8) Figure 39 – Tranchées restaurées (n°7)

Figure 40 – Cimetière canadien du chemin de Givenchy (n°6) Figure 41 – Cimetière canadien n°2 (n°5)

Figure 42 – Mémorial national du Canada (n°1) Figure 43 – Cratères d’obus

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ANNEXE 6 – QUESTIONNAIRE SUR LES LIEUX DE MEMOIRE EN FRANCE

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ANNEXE 7 – LOI SUR LE JOUR DE LA BATAILLE DE VIMY

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SOURCES

1. Sources tapuscrites 1.1. Statistiques Lieu historique national de la crête de Vimy, « Données statistiques portant sur la fréquentation du site sur la période 2009-2014 », 2014.

Lieu historique national de la crête de Vimy, « Données statistiques portant sur la fréquentation du site avec typologie des visiteurs (2013 et 2014) », 2014.

1.2. Sondages L’Institut du Dominion/The Dominion Institute et Innovative Research Group Inc., « Vimy Ridge 2007 Survey », 9 avril 2007 [en ligne]. https://www.historicacanada.ca/sites/default/files/PDF/polls/dominioninstitute_vimypoll_april 9_en.pdf (consulté le 7 avril 2015).

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2.4. Presse quotidienne nationale1 Le Monde, Paris, du 1er janvier 2004 au 1er mars 2015, 6 articles étudiés.

La Croix, Paris, du 1er janvier 2004 au 1er mars 2015, 3 articles étudiés.

Le Figaro, Paris, du 1er janvier 2004 au 1er mars 2015, 1 article étudié.

Les Échos, Paris, du 1er janvier 2004 au 1er mars 2015, 1 article étudié.

Libération, Paris, du 1er janvier 2004 au 1er mars 2015, 1 article étudié.

L’Humanité, Paris, du 1er janvier 2004 au 1er mars 2015. Aucun article n’a été étudié dans ce quotidien, celui-ci n’ayant jamais traité de Vimy sur la période étudiée.

Le Devoir, Montréal, du 1er janvier 2003 au 1er mars 2015, 45 articles étudiés. « Henri Bourassa publie en 1910 le premier numéro du Devoir, en promettant d'en faire un journal "d'opinion" et "d'échange d'idées" pour raviver la fibre nationaliste des Canadiens français. Aujourd'hui, le dernier quotidien indépendant du Québec jouit d'une solide réputation, même si sa diffusion est restreinte. Plutôt souverainiste.2 » 26 000 tirages (2014).

La Presse, Montréal, 5 articles étudiés. « Fondé en 1884, le journal montréalais se targue d'être "le plus grand quotidien français d'Amérique". Détenu par le groupe de presse Gesca, il se montre favorable au maintien d'un Canada uni.3 » 210 000 tirages (2014).

The Globe and Mail, Toronto, 21 avril 2014. Repris dans 14-18. La guerre des autres. Courrier International hors-série, été 2014, 1 article étudié. « Fondé en 1844, lu d'un océan à l'autre, sérieux et non engagé, le titre de Toronto est le quotidien de référence au Canada et exerce une forte influence auprès des milieux politiques fédéraux. [… ]Le journal ne prendra le titre de Globe and Mail qu'en 1936 après sa fusion avec le journal conservateur The Mail and Empire, dont il n'a pas conservé la ligne éditoriale. En 2001, le quotidien de Toronto a rejoint le groupe Bell Globe Media Publishing, une société regroupant plusieurs chaînes de télévision.4 » 321 000 tirages (2014).

1 Les quotidiens sont d’abord classés par ville d’édition, puis par ordre décroissant du nombre d’articles étudiés et enfin par ordre alphabétique. 2 « Le Devoir », Courrier international [en ligne]. http://www.courrierinternational.com/notule-source/le-devoir (consulté le 9 avril 2015). 3 « La Presse », Courrier international [en ligne]. http://www.courrierinternational.com/notule-source/la-presse-1 (consulté le 9 avril 2015). 4 « The Globe and Mail », Courrier international [en ligne]. http://www.courrierinternational.com/notule-source/the-globe-and-mail (consulté le 6 mai 2015).

108

The National Post, Toronto, 5 septembre 2002, 1 article étudié. « En dépit des pertes qu’il continue d’essuyer, le National Post a réussi à s’imposer dans le paysage médiatique canadien. Il est résolument conservateur, tout en couvrant des angles originaux et mordants. Fondé en 1998, le quotidien est aujourd’hui le navire amiral du groupe CanWest, qui possède plusieurs journaux à travers le pays et une chaîne de télévision.1 » 203 000 tirages (2014).

Canada News Wire, 5 novembre 2013, 1 article étudié. Créée en 1960, Canada News Wire est une société de diffusion de communiqués canadienne qui distribue aux médias des communiqués de presse.

CTV News Canada, 1 article étudié.

2.5. Presse quotidienne régionale La Voix du Nord, Lille, du 4 février 2007 au 1er mars 2015, 74 articles étudiés. Fondé en 1941, La Voix du Nord est un journal associé à un groupe de Résistants du même nom. À la Libération, le quotidien se structure et crée différentes éditions locales. Dans les années 1990, La Voix du Nord s’organise en conglomérat de la presse régionale (Flandre et Nord). En 1998, le journal est racheté par le groupe belge Rossel (filiale d’Hersant). Fort de ses 231 000 tirages (2014), le quotidien se place à la 3e place des ventes de journaux locaux en France. Il n’a malheureusement pas été possible d’accéder aux archives du journal antérieures à 2007, celles-ci n’étant pas numérisées sur la base de données Europresse. De surcroît, les articles antérieurs à octobre 2010 n’ont pu être consultés qu’en texte brut. Il n’a donc parfois pas été possible d’obtenir certaines informations (comme la page des articles, leurs auteurs ou encore les rubriques dans lesquelles ils s’inscrivaient), ni de savoir si des illustrations accompagnaient les articles. La base Europresse ne contient pas en outre les éventuels suppléments édités par le journal. Il n’a ainsi pas été possible de consulter le supplément de 8 pages édité pour le 95e anniversaire de la bataille de Vimy, ni celui édité – partiellement en anglais – pour le 90e anniversaire.

Nord Éclair, Lille, 31 mars 2015, 1 article étudié.

2.6. Bulletins municipaux, départementaux et associatifs Commune de Givenchy-en-Gohelle, Notre commune. Bulletin municipal de la commune de Givenchy-en-Gohelle, de 2004 à 2015. 13 bulletins en version PDF étudiés.

Commune de Thélus, « Spécial commémorations du 90e anniversaire de la bataille de Vimy », Thélus Info. Bulletin d’information municipale et locale, n°20, juin 2007.

Commune de Vimy, « Délibération du conseil municipal. Compte rendu de la réunion du 18 juin 2014 », 18 juin 2014.

Conseil Général du Pas-de-Calais, « 1917-2007. Arras-Vimy », L'Écho du Pas-de-Calais, n°83, avril 2007.

1 « National Post », Courrier international [en ligne]. http://www.courrierinternational.com/notule-source/national-post (consulté le 9 avril 2015).

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Fondation Vimy/Vimy Foundation, Nous nous souvenons de Vimy. Bulletin officiel de la Fondation Vimy/Official newsletter of the Vimy Foundation, de 2010 à 2012, [en ligne]. https://www.fondationvimy.ca/bulletin (consulté du 29 janvier au 30 mars 2015).

2.7. Documents cartographiques Conseil Général du Nord et Union Européenne, Mémoire de la Grande Guerre. 14-18. Carte touristique, 2010.

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2.9. Brochures touristiques Anciens Combattants Canada/Veterans Affairs Canada, Vimy. Lieu historique national du Canada de la Crête-de-Vimy, 2008.

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3. Sources iconographiques et audiovisuelles 2.1. Sources iconographiques Anciens Combattants Canada/Veterans Affairs Canada, « Le monument. Concours de conception », « Le monument. Construction » et « Le monument. Inauguration de 1936 » [photographies], dans Collection de capsules historiques [en ligne]. http://www.veterans.gc.ca/fra/remembrance/memorials/overseas/first-world- war/france/vimy/story-galleries/04_monument (consulté du 20 février au 1er avril).

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Office National des Anciens Combattants, « La mémoire combattante ». http://www.onac-vg.fr/fr/missions/memoire-combattante/

Rectorat de Lille. 2014-2018 : les commémorations du Centenaire dans l'académie de Lille. http://www1.ac-lille.fr/pid31575/commemoration-centenaire.html

Tourisme de mémoire Pas-de-Calais. http://memoire.pas-de-calais.com/

Sites de fondations et d’associations Association canadienne des professeures et professeurs d’université. Veillons sur la Mémoire du Canada. http://www.memoireducanada.ca/ Campagne de défense du patrimoine culturel et historique national canadien regroupant notamment des universitaires, bibliothécaires, archivistes, archéologues, conservateurs, historiens, étudiants afin de lutter contre les politiques de compression budgétaire fédérales.

Association Les Pas de Souchez. http://lespasdesouchez.voila.net/ Souchez est une ville qui se situe dans la plaine d’Arras, non loin de la crête de Vimy. L’association Les Pas de Souchez est un club de randonnée qui propose plusieurs fois par an des randonnées sur le thème de la Grande Guerre et sur la crête de Vimy.

The Vimy Foundation/La Fondation Vimy. https://www.fondationvimy.ca/

113

Sites d’entreprises EF Educationnal Tours, « Voyages histoire canadienne ». http://www.efvoyages.ca/educational-tours/tours-by-region/canada-history-tours.aspx

Terres de mémoire. http://www.terresdememoire.com/ Terres de mémoire est une entreprise spécialisée dans la visite des anciens champs de bataille de la Grande Guerre. Basée à Péronne (Somme), elle est dirigée par Sylvestre Bresson, qui l’a fondée en 2005.

Blogs Blog de Frédéric Leturque, maire d’Arras. http://fleturque.fr/

GrandQuebec.com (site de vulgarisation de l’histoire et de la culture québécoises). http://grandquebec.com

4.2. Applications mobile Victoria Cross : le Parcours des Héros, 2014. « Le parcours des héros […] prend la forme de 6 itinéraires sur les lieux des principales batailles impliquant les forces britanniques de 1914 à 1918, [et notamment] la bataille de la crête de Vimy. Cette nouvelle application mobile permet de découvrir le portrait de 50 valeureux soldats britanniques, qui pendant la Grande Guerre, ont marqué l’Histoire. Cette application est disponible gratuitement, en français et en anglais […]. Elle a été créée dans le cadre du projet Interreg IVA Great War between the Lines. »1

5. Sources orales 3.1. Entretiens réalisés BRESSON (Sylvestre), Guide touristique et chef de l’entreprise Terres de mémoire (Péronne), entretien de visu réalisé le 24 février 2015 suivi d’une visite de différents lieux mémoriels dans la Somme (Thiepval, Beaumont-Hamel…), durée de 3 heures. Retranscrit par écrit.

DUFOUR (Delphine), Coordinatrice DAAC (Délégation Académique aux Arts et à la Culture) chargée de mission Mémoire, Patrimoine et Arts du goût pour le Rectorat de Lille, entretien téléphonique réalisé le 13 mars 2015, durée de 30 minutes.

ROOSE (Édouard), Chargé des Grands Projets culturels pour le Comité Régional de Tourisme du Nord – Pas-de-Calais, entretien téléphonique réalisé le 16 février 2015, durée de 45 minutes. Retranscrit par écrit.

1 Agence de Développement et de Réservation Touristiques du Nord [en ligne]. http://www.pro-cdt-nord.com/ADRT-Nord-Tourisme2/Listes-des-actus-bon-plan/Lettres-pro-2014/Lettre-pro- 11-2014/Nouvelle-application-mobile-Victoria-Cross-Le-Parcours-des-Heros (consulté le 15 mars 2015).

114

TURPIN (Guy), Responsable en France du Lieu national canadien de la crête de Vimy, entretien téléphonique réalisé le 11 février 2015, durée de 1 heure. Retranscrit par écrit.

Entretiens informels réalisés avec deux guides étudiants canadiens – l’une de l’Ontario, l’autre de l’Alberta –, lors de la visite du site de Vimy le 25 février 2015.

3.2. Demandes d’entretien non satisfaites LARIVIÈRE (Jacques), Maire de la commune de Vimy (Pas-de-Calais). Demande d’entretien par courriel en date du 24 février 2015, demeurée sans réponse.

MARTIN (Philippe), Président de l’Association des Amis du monument canadien de Vimy. Demande d’entretien par l’intermédiaire du Directeur du Mémorial de Vimy, demeurée sans réponse.

SERIEYS (Christophe), Directeur de l’Office de Tourisme d’Arras. Entretien de visu prévu le 26 février 2015 et annulé par l’Office de Tourisme. Entretien téléphonique prévu le 23 mars 2015 et annulé par l’étudiant.

115

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INDEX

A M Allemagne · 28 Martin (Philippe) · 37 Angleterre · 40, 52 Montréal · 40, 67 Arras · 2, 3, 19, 23, 27, 28, 35, 39, 40, 43, 44, 46, 52, 53, 64, 68 N Australie · 23, 24, 26, 81 Nord – Pas-de-Calais · 25, 47, 80 Notre-Dame de Lorette · 24, 36, 40 B Nouvelle-Zélande · 23, 95 Beaumont-Hamel · 31, 54, 60 O C Ontario · 55 Cambrai · 18 Ottawa · 19, 20, 21, 38, 51, 52, 58, 63 Canada · 17, 18, 19, 20, 21, 22, 27, 28, 29, 30, 32, 33, 34, 36, 40, 41, 43, 44, 46, 48, 49, 51, 52, 53, 54, 55, 56, P 57, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 96, 98, 100 Paris · 22, 24, 27, 51, 55, 62, 64 Chemin des Dames · 18, 24, 26, 35 Passchendaele · 18, 19, 66 Chrétien (Jean) · 63 Percheron (Daniel) · 73 D Q De Villepin (Dominique) · 16, 29, 51, 52 Québec · 17, 20, 56, 58, 59, 60, 66, 67 (ville de) · 20 E Elizabeth II · 28, 49, 51, 53 R Royaume-Uni · 17, 23, 25, 40, 54, 64 F France · 17, 20, 21, 22, 23, 24, 27, 28, 29, 31, 32, 33, 39, S 40, 41, 43, 44, 46, 47, 48, 49, 51, 52, 55, 57, 59, 62, Somme · 18, 24, 25, 32, 34, 40, 54, 95 87, 96, 98, 102 Souchez · 36, 63 G T Génisson (Catherine) · 73 Thiepval · 24, 25 Givenchy-en-Gohelle (commune de) · 35, 36, 37, 48, 73, Turpin (Guy) · 47 90 V Gross (Paul) · 66, 67 Valcartier (camp de) · 17 H Verdun · 16, 24, 26, 35, 44, 45 Harper (Stephen) · 30, 51, 53, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, Villers-Bretonneux · 24, 26, 34, 95 63 Vimy · 1, 3, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 25, 26, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 43, 44, L 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, Laffineur (Marc) · 29, 52 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 76, 83, 90, Lens · 35, 51 95, 96, 98, 100, 101, 104 Lille · 31 Y Ypres · 18, 19, 23

121

TABLE DES MATIERES

REMERCIEMENTS ...... 2 RÉSUMÉ ...... 3 SOMMAIRE ...... 4 TABLE DES SIGLES ...... 5

INTRODUCTION ...... 6

PARTIE 1. PAR-DELÀ LES FRONTIÈRES : ENTRE PROMOTION DES VALEURS PACIFISTES ET DEVOIR DE MÉMOIRE. VIMY, UN LIEU DE MÉMOIRE À CARACTÈRE TRANSNATIONAL ...... 16 I. Aux origines du lieu de mémoire : la bataille meurtrière de la « côte 145 » ...... 17 A) 9 avril 1917. La bataille de la crête de Vimy ou l’événement fondateur du Canada ...... 17 1) Août 1914 : l’entrée ipso facto du Canada dans la Grande Guerre...... 17 2) Vimy : une victoire canadienne au prix de lourdes pertes ...... 18 3) Controverses historiographiques : le Canada est-il vraiment né à Vimy ? ...... 19 B) 5 décembre 1922. Du champ de bataille au lieu de souvenir ...... 20 1) Et Vimy devint canadien : la cession de la crête à Ottawa ...... 20 2) L’érection du mémorial : un monument aux couleurs pacifistes ? ...... 21 C) Et les autres ? Petite géographie de la mémoire du Front Ouest des années 1920 à nos jours .23 1) Des batailles aux sépultures : la gestion des morts de l’après-guerre ...... 23 2) Les Poilus à Verdun, les Tommies à Thiepval : vers une « sacralisation » des champs de bataille ...... 24 II. Un management du site au service de la promotion des valeurs pacifistes et du devoir de mémoire ...... 26 A) 9 avril et 11 novembre : le rôle des cérémonies du souvenir ...... 26 1) Organisateurs et acteurs des cérémonies : le choix du pluri-nationalisme ...... 26 2) Le déroulement des cérémonies : l’utilisation affirmée d’une symbolique pacifiste ...... 28 B) La transmission des valeurs pacifistes : les jeunes générations au cœur du processus mémoriel ...... 29 1) Acteurs : la place centrale accordée à la jeunesse lors des commémorations ...... 29 2) Visiteurs : l’importance des visites scolaires sur le site ...... 30 3) Médiateurs : le programme des guides étudiants canadiens ...... 31 C) Par-delà les commémorations : l’aménagement et la gestion du site comme outils de médiation des valeurs universelles ...... 32 1) Les centres d’interprétation : un emplacement et un discours muséographique pour comprendre et se souvenir ? ...... 32 2) La politique de gratuité : permettre l’accès à tous tout en rendant hommage à la France...... 33 III. A l’ombre du mémorial : le rôle des « passeurs de mémoire » du pays d’Artois ...... 35 A) Une myriade d’associations pour des objectifs communs : l’amitié franco-canadienne et le devoir de mémoire ...... 35 1) Le pays d’Artois : « pépinière associative » de la mémoire ...... 35 2) Une portée limitée par la faiblesse des effectifs et des ressources financières ...... 36

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B) L’Association des Amis du monument canadien de Vimy : un statut et une place privilégiés dans le processus mémoriel ...... 37 1) Des liens étroits avec les autorités canadiennes ...... 37 2) Des actions essentiellement tournées vers l’aménagement du site et la médiation des faits historiques ...... 38 C) De part et d’autre de la crête : la Fondation Vimy, un acteur transnational à visée transnationale ? ...... 40 1) Un organisme canadien ancré des deux côtés de l’Atlantique ...... 40 2) Pacifisme ou patriotisme ? Les ambiguïtés de la fondation ...... 41

PARTIE 2. ENTRE DÉSINTÉRÊT DES UNS ET GLORIFICATION PAR LES AUTRES. VIMY, UN LIEU DE MÉMOIRE PORTEUR DU FAIT NATIONAL ...... 43 I. La désaffection française pour un lieu perçu comme canadien ...... 44 A) Vimy dans l’imaginaire collectif français : méconnaissance, extraterritorialité et extranéité ...... 44 1) « Vimy, Dieppe ? Connais pas ! » : un lieu inconnu des Français ...... 44 2) La crête de Vimy dans la communication officielle des autorités françaises : l’assimilation à un lieu canadien ...... 46 3) L’absence de contribution de la France au budget de Vimy ...... 47 B) Le silence révélateur de la presse française ...... 48 1) Vimy, le grand oublié de la presse quotidienne nationale française ...... 48 2) Une presse locale plus évocatrice ? ...... 50 C) L’ambiguïté des cérémonies du souvenir : commémorer avec les Canadiens ou commémorer aux côtés des Canadiens ? ...... 51 1) Hauts-dignitaires ou officiels de second rang ? Les représentants de la France lors des cérémonies à Vimy ...... 51 2) Le public français : un public animé par des considérations non mémorielles ? ...... 52 II. Le tournant nationaliste de Stephen Harper ou la mise en place d’un nouveau paradigme mémoriel (2006) ? ...... 53 A) Un phénomène antérieur aux Conservateurs : le rôle des Libéraux dans la lente « patriotisation » de Vimy (1997 – 2006)...... 54 1) La patrimonialisation de Vimy ou la labellisation en « Lieu historique national » (1997) ...... 54 2) Le vote de la loi Vimy ou la nationalisation forcée de la bataille (2003) ...... 55 B) Le Grand Dessein patriotique de Stephen Harper ...... 56 1) En route pour 2017 : le nouveau programme mémoriel d’un Canada belliciste ...... 56 2) « Une mémoire collective, mais sélective » : l’ingérence fédérale dans les programmes scolaires provinciaux ...... 58 C) Célébrer le Centenaire ou célébrer Vimy ? Un calendrier commémoratif aux couleurs nationalistes (2014 – 2018) ...... 59 1) Ni budget, ni projets : la désaffection du gouvernement Harper pour le Centenaire de la Grande Guerre ...... 59 2) Vimy 2017 : un unique projet fédéral pour promouvoir la « Grande nation canadienne » ...... 60 III. « Entre deuil et mémoire » : construire la nation canadienne par le traumatisme ? ...... 62 A) Le récit canadien de la Grande Guerre : « action, dynamisme, héroïsme »...... 62 1) Le deuil : grand oublié des historiens canadiens ...... 62 2) De Vimy à Ottawa : un soldat inconnu pour un Canada indépendant (2000) ...... 63 3) Le centre d’interprétation provisoire : reflet du discours historiographique canadien (2005) 64

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B) La politique éditoriale et audiovisuelle entre deuil et nation ...... 65 1) « L’inflation éditoriale » canadienne ...... 65 2) Le cas des productions cinématographiques au Canada ...... 66

PARTIE 3. ENTRE TOURISME DE MÉMOIRE ET USAGES DU PASSÉ. VIMY, UN LIEU DE MÉMOIRE LOCAL AU CŒUR DE DIFFÉRENTES POLITIQUES MÉMORIELLES .... 68 I. Un capital économique et symbolique à exploiter : Vimy à l’ère du tourisme de mémoire et du marketing territorial ...... 69 A) War tourism, grief tourism: le tourisme du souvenir à Vimy, une réalité ancienne ...... 69 1) Après la bataille : la naissance d’un tourisme de guerre et du deuil ...... 69 2) Du tourisme du souvenir au tourisme mémoriel de masse : le tournant des années 1980 70 3) La mise en valeur du territoire par la mémoire : la lente conscientisation des acteurs publics locaux ...... 71 B) « L’effet Centenaire » comme catalyseur du marketing territorial : vers un renouveau du tourisme mémoriel ? ...... 73 1) Les Chemins de la mémoire : l’itinéraire mémoriel du Nord – Pas-de-Calais...... 73 2) Des touristes de plus en plus nombreux : l’expérience du lieu de mémoire à l’ère de la « mémoire culturelle » ...... 74 3) Brochures, guides et publications touristiques : quand les collectivités vantent les mérites de Vimy 76 II. Un filon prospère : la constitution d’une filière touristique de la mémoire pour répondre au boom des visiteurs ...... 78 A) Vimy au cœur du nouveau « fleuve de papier » ...... 78 1) Dès les années 1920, l’apparition d’une offre éditoriale touristique ...... 78 2) L’accroissement du nombre de publications face à l’intensification des flux ...... 79 B) « Des tours opérateurs sur les traces de la mémoire » ...... 81 1) De l’armistice aux années 1980 : la multiplication des entreprises touristiques locales ...... 81 2) Le tournant du XXIe siècle : un milieu touristique entre continuité et mutation ...... 81 III. Local ou (trans)national ? La crête de Vimy : un lieu dominé par les usages du passé ..... 83 A) Mémoire et bilinguisme : Vimy au centre de la bataille entre Québec et Ottawa ...... 84 1) Des « mémoires inversées » et un rapport au passé différent ...... 84 2) Vimy : point de discorde entre Canadiens-anglais et Canadiens-français ...... 85 B) « Verdun, cœur de la France » ...... 87 1) Entre Verdun et « lieux d’amnésie nationale »...... 87 2) Vimy à l’approche du Centenaire : vers une intégration dans la mémoire collective française ? 88

CONCLUSION ...... 91

TABLE DES ANNEXES...... 96 SOURCES ...... 105 BIBLIOGRAPHIE ...... 116 INDEX ...... 121 TABLE DES MATIÈRES ...... 122

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