Proscrits Ibériques À Paris Au Temps Des Monarchies Constitutionnelles (1814-1848) Anne Leblay
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
Proscrits ibériques à Paris au temps des monarchies constitutionnelles (1814-1848) Anne Leblay To cite this version: Anne Leblay. Proscrits ibériques à Paris au temps des monarchies constitutionnelles (1814-1848). Histoire. Ecole des hautes études en sciences sociales, Paris, 2013. Français. tel-01419419 HAL Id: tel-01419419 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01419419 Submitted on 22 Dec 2016 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. Distributed under a Creative Commons Attribution - NonCommercial - NoDerivatives| 4.0 International License ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SCIENCES SOCIALES Centre de recherches historiques Thèse de doctorat Histoire et civilisations Anne LEBLAY Proscrits ibériques à Paris au temps des monarchies constitutionnelles (1814-1848) Volume I Sous la direction de M. Bernard VINCENT Soutenance publique le 24 juin 2013 Membres du jury : Mme Caroline DOUKI, maître de conférences à l’université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis M. Jean-Philippe LUIS, professeur à l’université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand M. Paul-André ROSENTAL, professeur à Sciences Po Paris Mme Maria Manuela TAVARES RIBEIRO, professeure à l’université de Coimbra (Portugal) « A morte sabes dar com fogo e ferro, Sabe também dar vicia com clemência A quem para perdê-la não fez erro. Mas se to assim merece esta inocência, Põe-me em perpétuo e mísero desterro, Na Cítia fria, ou lá na Líbia ardente, Onde em lágrimas viva eternamente ». Luís Vaz de Camões, Os Lusíadas, Canto III. « Abrid camino, señores míos, y dejadme volver a mi antigua libertad ; dejadme que vaya a buscar la vida pasada, para que me resucite de esta muerte presente ». Miguel de Cervantes, Don Quijote de la Mancha II, Cap. LIII. Introduction Les invasions napoléoniennes à partir de 1807 dans la péninsule ibérique ouvrent une période de forte instabilité politique au Portugal et en Espagne. Au Portugal, la situation économique difficile, la tutelle britannique, la répression antilibérale, et l’éloignement de la monarchie sont mal supportés. Une révolution se produit en août 1820 qui aboutit à la formation de cortès, à la proclamation d’une constitution et au retour du roi João en 1821 alors que la cour portugaise était installée à Rio de Janeiro depuis 1807. L’opposition antilibérale gagne du terrain, ainsi que le désir d’indépendance du Brésil où le fils du roi, Dom Pedro, est resté comme régent. En mai 1823, la première expérience libérale portugaise s’achève avec le soulèvement de Vila Franca. L’année suivante, les antilibéraux, encadrés par le prince Dom Miguel tentent d’enlever João VI. Leur tentative échoue. Dom Miguel est exilé et le Brésil accède officiellement à son indépendance. La mort de João VI en 1826 entraîne une grave crise de succession au Portugal. Dom Pedro, devenu empereur du Brésil, abdique la couronne portugaise en faveur de sa fille Maria II, après avoir octroyé une charte constitutionnelle aux Portugais. Dom Miguel revient d’exil en février 1828 et s’empare du pouvoir. Les libéraux ne parviennent pas à résister aux troupes miguélistes et une grande partie s’exile à l’été 1828. Environ 14.000 Portugais s’embarquent, parfois en famille, pour le Royaume-Uni, le Brésil, l’Espagne ou la France. En 1831, Dom Pedro abdique la couronne impériale et arrive en Europe pour rétablir sa fille, Maria da Glória, dans ses droits de reine. Une expédition est lancée début 1832 depuis Belle-Île vers les Açores. La guerre civile entre les libéraux et les miguélistes prend fin en mai 1834. Le Portugal inaugure alors une période de monarchie constitutionnelle autoritaire. Une nouvelle révolution éclate en septembre 1836, qui crée une division entre deux tendances libérales, les « septembristes » et les « chartistes », alternativement au pouvoir. En 1846-1847, plusieurs révoltes, celle de Maria da Fonte ou la Patuleia plongent de nouveau le Portugal dans la guerre civile. L’instabilité politique, les difficultés économiques que le pays traverse et l’autoritarisme des gouvernements qui se succèdent conduisent de nombreux Portugais à s’exiler, vers le Royaume-Uni et, dans une moindre mesure, vers la France. L’Espagne, après la restauration de Ferdinand VII en 1814, traverse également une période de répression antilibérale et de chasse aux anciens partisans du régime de Joseph 1 Bonaparte. Environ 12.000 familles « afrancesadas » fuient en France à partir de 1813. Une révolution éclate le 1er janvier 1820 qui conduit à la formation de cortès et à la proclamation d’une constitution. L’expérience prend fin en 1823, avec l’intervention française. L’« expédition des cent mille fils de Saint Louis » provoque par contrecoup l’expatriation d’environ 20.000 Espagnols. Pendant une dizaine d’années (la « década ominosa »), les libéraux sont impitoyablement pourchassés. A partir de 1832, alors que la monarchie espagnole doit faire face à l’opposition des contre-révolutionnaires réunis autour de don Carlos, frère du roi, les libéraux rentrent en Espagne grâce à une série d’amnisties. Toutefois dès 1833, l’Espagne sombre également dans la guerre civile jusqu’à la victoire des troupes royales en 1830, avec le traité de Vergara. La défaite des carlistes conduit près de 40.000 d’entre eux en France au début de 1840. A ceux-ci viennent bientôt s’ajouter la régente et ses partisans, les « christinos », chassés par les progressistes qui ont pris le pouvoir avec la nomination de Baldomero Espartero comme régent. Celui-ci est toutefois chassé du pouvoir en 1843 et l’année suivante, les « christinos » peuvent rentrer en Espagne. La politique autoritaire des libéraux modérés au gouvernement entraîne l’exil des Espagnols de tendance progressiste, radicale ou républicaine en France. L’opposition carliste ne désarme pas et les combattants, désormais réunis autour du comte de Montemolín, prennent de nouveau les armes entre 1846 et 1849, jusqu’à leur défaite. Dans la première moitié du XIXe siècle la France voit ainsi arriver sur son sol, pour des motifs politiques, des milliers de Portugais et d’Espagnols, en plus des Italiens, des Allemands et des Polonais. Même si la France connaît alors plusieurs changements de régime, elle représente avec le Royaume-Uni, un des pays les plus libéraux d’Europe. Sous la Restauration, une charte constitutionnelle octroyée par Louis XVIII en 1814 garantit en effet des libertés minimales. Celles-ci sont toutefois remises en cause dès que le régime se sent menacé. Le régime issu de la révolution de Juillet 1830 offre un visage encore plus libéral et le « le pays devient véritablement un refuge pour des milliers de proscrits des mouvements de révolutions nationales et démocratiques, vaincus dans leurs tentatives de renverser l’ordre établi par le traité de Vienne de 18151 ». Ces proscrits ont déjà attiré l’attention des historiens, même si l’histoire de l’immigration en France, et celle de l’asile et des réfugiés politiques, naît tardivement. À la fin des années 1980, Gérard Noiriel estime qu’en matière d’immigration, on fait face à un 1 Cécile Mondonico-Torri, L’Asile sous la monarchie de Juillet : les réfugiés étrangers en France de 1830 à 1848, thèse de doctorat de l’EHESS, 1995, p. 6. 2 vide historiographique et à un « non-lieu de mémoire2 ». La situation vaut alors pour la France et l’Espagne3. Au carrefour de plusieurs disciplines (sociologie, histoires politique, sociale, etc.)4, l’« immigration » est un concept difficile à appréhender en raison de son caractère comparatif. Pour les sciences sociales, les chassés-croisés de population peuvent en effet suggérer des comparaisons à plusieurs niveaux : l’immigrant ou son groupe au croisement du passé et du présent (cultures et traditions importés, transformées, délaissées) ; les immigrés et l’État (l’histoire comparée des politiques d’immigration) ; les immigrés devant la société (où la question de l’intégration laisse entendre la comparaison du nouvel arrivant avec la société d’accueil) ; enfin les immigrés entre eux (la mobilité sociale comparée dans toutes ses variables)5. Le « décollage » historiographique se situe dans les années 1980 et 1990 en France. Depuis, guide des sources6, colloques ou ouvrages collectifs se succèdent7. La cité nationale de l’histoire de l’immigration (CINHI), annoncée dans le programme présidentiel de Jacques Chirac en 2002, ouvre ses portes en 2007 dans le Palais de la Porte dorée à Paris. L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ouvre ses archives à la recherche historique en 2010. Les historiens se sont plutôt intéressés aux étrangers arrivés en France à partir de la fin du XIXe siècle8. Le nombre croissant d’immigrés en France, notamment pour des motifs économiques, l’évolution de la législation et des pratiques administratives qui entraîne une identification plus nette entre « citoyens » français et étrangers, ainsi que la nature et la 2 Gérard Noiriel, Le Creuset français. Histoire de l’immigration XIXe –XXe siècle. Paris, Seuil, 1988, p. 13-17. 3 Pilar González Bernaldo, Fernando Devoto, éditorial dans Exils et migrations ibériques au XXe siècle. Vers l’Amérique latine, n°5, 1998, p. 7. 4 G. Noiriel, op.cit., p. 13-17. 5 Nancy L. Green, « L’histoire comparative et le champ des études migratoires », dans Annales, n°45, 1990, p. 1335. 6 Par exemple : Jean-François Dubost, Les Étrangers en France : XVIe siècle-1789 : guide des recherches aux Archives nationales, Paris, Archives nationales, 1993, 315 p.