Gouverner Les Populations Laborieuses Dans Le Japon Impérial: Vulnérabilité, Biopolitique Et Citoyenneté (1868-1945)
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Gouverner les populations laborieuses dans le Japon impérial : vulnérabilité, biopolitique et citoyenneté (1868-1945) Bernard Thomann To cite this version: Bernard Thomann. Gouverner les populations laborieuses dans le Japon impérial : vulnérabilité, biopolitique et citoyenneté (1868-1945). Histoire. Institut des Etudes Politiques de Paris, 2012. tel- 03222520 HAL Id: tel-03222520 https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-03222520 Submitted on 10 May 2021 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. 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Gouverner les populations laborieuses dans le Japon impérial : vulnérabilité, biopolitique et citoyenneté (1868-1945) Bernard Thomann Manuscrit présenté pour l’Habilitation à Diriger des Recherches Le 26 novembre 2012 Institut des Etudes Politiques de Paris Jury composé de : Marie-Emmanuelle Chessel, CNRS Patrick Fridenson, EHESS (Rapporteur) Isao Hirota, Université Teikyô Emmanuel Lozerand, INaLCO Pierre Rosanvallon, Collège de France Paul-André Rosental, Sciences Po (Référent) Pierre-François Souyri, Université de Genève (Rapporteur) 1 2 3 Sommaire Introduction p.7 Première Partie Assistance aux populations, bouleversements sociaux et impératifs biopolitiques jusqu’à la première guerre mondiale (1868-1912) p.32 Chapitre 1 L’assistance aux populations pendant la période d’Edo p.40 Chapitre 2 La restauration Meiji, les bouleversements de l’ordre social et les mutations de l’assistance p.50 Chapitre 3 Les statistiques et l’hygiène : de nouvelles technologies au service d’une gestion de la population, facteur de puissance nationale p.60 Chapitre 4 Le développement des savoirs sur la santé au travail et l’hygiène nationale p.73 Chapitre 5 La Société pour l’étude de la politique sociale et les premiers pas du droit du travail p.91 Chapitre 6 Subsidiarité familiale et locale, charité privée, enquêtes sociales et centralisation étatique dans les mécanismes d’assistance p.108 Deuxième partie Internationalisme, mouvement social, production savante et citoyenneté sociale pendant la « démocratie Taishô » (1918-1929) p.129 Chapitre 7 Le mouvement social et le développement d’une problématique de citoyenneté sociale après la première guerre mondiale p.134 Chapitre 8 Le Japon et l’Organisation internationale du travail p.149 Chapitre 9 Le voyage d’Albert Thomas au Japon p.162 Chapitre 10 La diversification des sources intellectuelles de la réforme sociale dans l’entre-deux-guerres p.178 Chapitre 11 Le développement d’une expertise scientifique et professionnelle sur la question sociale et du travail p.189 Chapitre 12 Les progrès de la politique de l’emploi et la difficile avancée des assurances sociales p.208 Chapitre 13 Réguler les conflits dans les campagnes et les villes p.231 4 Chapitre 14 La question urbaine et la réinvention des solidarités p.242 Chapitre 15 La question de la surpopulation japonaise p.265 Troisième partie Crise économique, rationalisation et remise en cause de l’internationalisme dans la réforme sociale (1929-1937) p.284 Chapitre 16 Les crises de 1927 et 1929 et leurs conséquences politiques, sociales et idéologiques p.288 Chapitre 17 Les « nouveaux bureaucrates » et les classes prolétaires p.304 Chapitre 18 Vieilles recettes et nouvelles expertises: chômage et politiques sociales dans les années 1930 p.314 Chapitre 19 Le mouvement pour la rationalisation de l’industrie, la question de la modernisation des relations de travail et le « familialisme » des entreprises p.329 Chapitre 20 Le maintien des relations avec l’Organisation internationale du travail après le retrait de la Société des Nations et la question du dumping social p.344 Chapitre 21 Le délitement des liens avec l’OIT et la fin de l’internationalisme au Japon p.367 Chapitre 22 La question sociale dans les campagnes et l’influence grandissante de l’armée dans le gouvernement sanitaire et social des populations p.379 Quatrième partie Guerre totale et politique sanitaire et sociale (1937-1945) p.397 Chapitre 23 Mobilisation générale et nouvel ordre social p.402 Chapitre 24 Elever le niveau de vie et normaliser l’existence des ouvriers : le salaire minimum standard et l’assurance retraite des travailleurs p.433 Chapitre 25 Elévation de la qualité de la population et politique démographique pendant la guerre p.464 Conclusion p.494 Bibliographie p.501 5 6 Introduction « Orientalisme » et entreprise de « re-historicisation » de la société japonaise Dans le récit fait en Occident du développement économique et social du Japon, ont souvent été mis en exergue une politique industrielle particulièrement efficace, un système de gestion « à la japonaise » capable de tirer le meilleur parti des ressources humaines disponibles, mais beaucoup plus rarement une politique sociale, sorte d’angle mort du processus de modernisation du pays au cours du vingtième siècle. Ce constat est d’autant plus paradoxal que, dans le même temps, de nombreuses études sociologiques ou anthropologiques, ou même des observateurs ordinaires, ont décrit une cohésion sociale très forte, au prix même d’un contrôle social très poussé, qui aurait résisté à la violence du processus d’industrialisation et à ses conséquences. Ce paradoxe a sans doute été largement entretenu par un recours, essentiellement dans la sphère médiatique mais aussi parfois dans les milieux académiques, à des explications culturalistes simplistes, mettant en exergue des facteurs anhistoriques, évidemment favorisés par l’éloignement géographique et par une inclinaison qu’on peut qualifier d’ « orientaliste » à voir dans l’autre éloigné, peu connu et donc prêt à accueillir nos projections, le miroir inversé de nos propres questionnements. Le discours des médias sur la discipline et le civisme de la population japonaise face à l’épreuve que l’on a pu entendre après le Tsunami de mars 2011 procède bien évidemment d’observations réelles, mais a bien sûr aussi une fonction interne alimentant un certain discours sur le supposé délitement de nos propres sociétés. La production en sciences humaines et sociales sur le Japon est sans aucun doute restée trop confidentielle pour peser sur ces représentations collectives. Or, face à cette résilience étonnante de l’ «orientalisme » à notre époque, nos sociétés de plus en plus interdépendantes avec les systèmes économiques et sociaux de l’Asie orientale, dont il faut rappeler que le Japon est avec la Chine l’acteur majeur, ont bien évidemment plus que jamais besoin de tels travaux. Et le meilleur service que l’historien d’aujourd’hui puisse rendre, à son modeste niveau, à la progression de cette connaissance, est sans doute de participer à une entreprise de « re-historisation » de l’histoire de ce pays. Le Japon lui-même possède bien évidemment une historiographie très riche, mais elle est mal connue en France. Et si re-historicisation il doit y avoir, c’est non seulement aux yeux de nos collègues historiens de la France, mais également d’un public plus large pour contribuer à dépasser les 7 conceptions essentialistes que nous cultivons sur les différences sociales et culturelles entre les nations géographiquement très éloignées. Cette entreprise peut être justement inspirée par l’émergence d’une nouvelle génération d’historiens japonais qui tend à montrer, comme l’a bien souligné Pierre-François Souyri dans un numéro récent de la revue Le Débat, la grammaire commune de la modernité qu‘il y a pu avoir entre les pays occidentaux et le Japon1. Nous allons ainsi tenter de montrer dans cet ouvrage que le processus de modernisation et d’industrialisation japonais jusqu’en 1945 a été le lieu d’un développement des politiques sanitaires et sociales qui n’eut finalement rien à envier aux Etats providences occidentaux. Gouvernance, biopolitique et citoyenneté Notre approche ne souhaite pas seulement corriger une perception française sur la société du Japon, mais également ce qui peut être une perception japonaise de sa propre réalité. Le Parti libéral démocrate au pouvoir publia en effet, en 1979, un document programme dans lequel il affirmait que le Japon ne pouvait pas être qualifié d’ « Etat providence » (fukushi kokka), mais était en réalité une « société de bien-être à la japonaise » (Nihon gata fukushi shakai) où la solidarité était prioritairement assurée par la famille, l’entreprise, puis le marché avec les assurances privées, l’Etat n’intervenant qu’en tout dernier recours2. Ce discours doit être bien sûr replacé dans des circonstances historiques précises, celle de la correction, à cause des économies budgétaires provoquées par la crise pétrolière de 1973, d’un autre slogan du gouvernement du même Parti libéral démocrate, utilisé au début des années 1970 et qui décrétait l’ « an 1 du bien-être » (fukushi gannen). Il doit être aussi être compris dans le cadre de la pénétration au Japon du néolibéralisme naissant valorisant la « gouvernance » et décrétant l'obsolescence du gouvernement, le déni de son rôle interventionniste dans les mécanismes de la solidarité sociale. Cependant, les mécanismes de solidarité, loin d’être des manifestations anhistoriques de la société japonaise, ont été au contraire construits