Grands Projets Et Démocratie : Un Guide Pour L’Action
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Décembre 2020 Rapport Grands projets et démocratie : un guide pour l’action Marie Baléo 01 SOM- A Aménagement du territoire p.09 B Bulles informationnelles p.13 -MAIRE C Compensations écologiques p.17 Étude de cas - Contournement p.19 ouest de Strasbourg (COS) Avant-propos p.04 Convention citoyenne pour le p.22 climat Pourquoi un abécédaire p.07 des grands projets et de la COVID-19 p.25 démocratie ? Croissance verte ou p.27 décroissance ? Groupe de travail « Grands p.142 projets et démocratie » D Démobilité p.31 Auditions menées par le groupe p.142 de travail « Grands projets et Démocratie participative p.33 démocratie » Démocratie représentative p.39 E Entreprise p.41 Étude de cas - Europacity p.43 Expert p.47 Étude de cas - Le tunnel de p.51 F Femern Finance verte p.53 G Générations futures p.57 Géopolitique p.59 Gilets jaunes p.60 Grand Hamster d’Alsace p.63 Étude de cas - Le Grand Paris p.65 Express Grands projets inutiles et p.69 imposés H Histoire p.73 02 SOM- I Intérêt général p.77 Internationale Bauaustellungen p.79 -MAIRE Internet p.81 L Étude de cas - LGV Lyon/Turin p.85 M Métropolisation p.89 Mondialisation p.90 N Nature p.93 «Not in my backyard» (NIMBY) p.96 Étude de cas - Notre-Dame-Des- p.97 Landes P Progrès p.101 Q Étude de cas - Quayside p.103 R Raison d’être p.107 Résilience des infrastructures p.109 S Étude de cas - Saint-Sauveur p.113 Étude de cas - Le stockage p.117 géologique profond en France et en Suède Étude de cas - Stuttgart 21 p.120 T Temps p.123 Transitions démographique, p.125 urbaine et écologique U Utilité économique et sociale p.129 W WTF p.131 Z Zéro artificialisation nette p.135 Zone à défendre (ZAD) p.138 03 AVANT PROPOS Les raisons d’un abécédaire L’erreur serait d’être surpris du choix de Marie Baléo de rédiger un abécédaire – celui-ci, qui se veut pragmatique, porte sur dix exemples concrets de grands projets et sur trente-sept notions faisant écho à la démocratie – pour rendre compte des réflexions d’un groupe de travail qui s’est réuni en 2019 et 2020 sur les liens entre grands projets urbains et démocratie. Dès lors que la thématique porte sur la dimension urbaine, il n’est pas inutile de rappeler qu’aussi bien Ildefonso Cerda (à qui on doit le premier traité d’urbanisme en 1867) que des architectes/urbanistes contemporains ont fait suivre leurs ouvrages d’un abécédaire 1. Ce n’est pas un hasard : un abécédaire témoigne avant tout de la difficulté de pouvoir (et de vouloir) recourir à un langage commun, à des mots ayant à peu près le même sens pour l’entrepreneur, le politique, le citoyen, l’expert, l’urbaniste, l’ingénieur, le chercheur. Cette absence de « commun » (un mot qui est sur toutes les langues et part désormais dans tous les sens) est d’autant plus dommageable que la démocratie – qu’elle soit participative, représentative, procédurale – ne peut être conflictuelle sans un langage commun minimal. La démocratie implique un langage pouvant faire consensus pour permettre des dissensus et des désaccords qui ne donnent pas seulement lieu à des blocages ou à des débordements violents. Les exemples (dont certains sont évoqués ici) ne manquent pas de ces projets mal engagés, mal négociés, qui tournent court parce qu’ils n‘ont pas fait l’objet d’une publicité et d’un accord minimal passant en l’occurrence par un minimum de langage commun. La crise de la « représentation politique » engage aussi nos « représentations » langagières à l’heure des réseaux sociaux et des fake news, d’une surmédiatisation qui renforce le poids de la démocratie d’opinion et d’une révolution numérique qui trouble en profondeur le rapport au temps à l’espace en démultipliant à l’infini le champ imaginaire des possibles. Dès lors, cet abécédaire, qui a le mérite de reprendre les éléments d’une discussion au long cours entre des participants et des acteurs de terrain divers, de ne pas proposer une « dogmatique », et de rendre, au-delà des différends sémantiques, les débats clairs, précis et rigoureux, est précieux. Il oblige en effet à prendre un peu de distance et à cadrer une réflexion à venir sur les grands projets, réflexion qui sera plus indispensable encore lorsque nous serons sortis des confinements successifs et d’une stratégie qualifiée de stop et go, qui trouble nécessairement la capacité d’action à moyen et long termes. Prenant donc un peu de distance avec cet abécédaire, je me permets quelques remarques développées ailleurs et destinées à rebondir dans les esprits et les escarcelles de chacun. Bien des mots sont en effet en train de bouger très vite. À commencer par celui de mondialisation, longtemps resté monomaniaque : alors que la mondialisation a été appréhendée mécaniquement et idéologiquement sous le seul angle économique (l’ouverture du marché, le libre échange …destinés à activer la démocratie !), l’affaissement économique brutal (et particulièrement sensible en Europe) provoqué par le coronavirus oblige à saisir la multi- dimensionnalité de ladite mondialisation. L’économiste Robert Boyer, qui ne prêche pas pour sa paroisse, vient de le montrer avec force 2 : l’économie doit laisser toute sa place au politique 04 AVANT PROPOS « La démocratie – qu’elle soit participative, représentative, procédurale – ne peut être conflictuelle sans un langage commun minimal. La démocratie implique un langage pouvant faire consensus pour permettre des dissensus et des désaccords qui ne donnent pas seulement lieu à des blocages ou à des débordements violents. » (entendu doublement par la pression « par le haut » de l’État et par les mouvements « par le bas » des sociétés), et la mondialisation est indissociable d’une dynamique d’urbanisation 3 qui, au cours du siècle écoulé, a transformé le monde et le rapport ville/campagne. En dépit des regains souverainistes et populistes, le devenir politique de la Planète passe simultanément par une interdépendance accrue et par un fossé croissant entre une perception globale (la Terre finie de l’écologie) et la revalorisation du local entendue dans des sens multiples (ce qui ne justifie pas l’opposition de principe à la métropolisation). C’est donc d’une revalorisation des médiations (encore un mot décisif) entre le local, le national et le global (alors même que le Covid-19 accélère le mouvement de « désintermédiation » indissociable de la révolution numérique 4) que nous avons besoin. Et cela sur tous les plans : médiation langagière bien sûr (à quels mots avons- nous recours et de quoi parlons-nous ensemble ?), médiation politique à l’heure où les territoires se rappellent à l’ordre du jour politique, médiations citoyennes aussi alors que se multiplient le désir de délibération et les projets de convention citoyenne. Encore ne faut-il pas céder à l’idée que la démocratie passe uniquement par des actions d’ordre juridique ou procédural désancrées d’une représentation historique et anthropologique liées à un contrat social impliquant le vivre- ensemble. Quoi qu’il en soit, Les grands projets, loin d’être de bons ou de mauvais souvenirs, sont (devraient être) l’occasion de repenser le rôle crucial des médiations dans une société numérique où la connectivité urbaine fait loi (la « connexion » ayant pris le relais de la « fonction » chère à la haute fonction publique). Mais surtout, elle est l’occasion de repenser, au-delà des remarques essentielles sur la privatisation du « public » et la crise de l’intérêt général, ce que le sociologue Jacques Donzelot nomme la citoyenneté urbaine. Celle qui serait susceptible de relayer une citoyenneté entendue sur les seuls plan civil et social. Alors que l’urbanisation souffre d’un manque croissant et dramatique d’urbanité, si l’on ne croit pas que le devenir urbain se réinvente en Chine, force est de poursuivre le travail inauguré par cet abécédaire démocratique que l’on doit à sa rédactrice Marie Baléo. — Olivier Mongin 5, philosophe, ancien directeur de la revue Esprit, membre du groupe de travail « Grands projets et démocratie » de La Fabrique de la Cité 05 INTRODUCTION Entre appels à la décroissance, dénonciation des « grands projets inutiles et imposés » et injonctions à la démobilité, les projets d’infrastructure et d’aménagement urbain apparaissent aujourd’hui plus contestés que jamais. Qu’elle soit le fruit d’un rejet de la mondialisation et de la métropolisation ou d’une inquiétude sincère pour le sort du Grand Hamster d’Alsace et de la nature, qu’elle se manifeste par le credo du Zéro artificialisation nette ou par le cri du cœur des « NIMBY », cette contestation prend aujourd’hui une ampleur telle qu’il est permis de se demander si les grands projets sont condamnés. 06 INTRODUCTION Comment en sommes-nous arrivés là ? Cette conflictualité, empreinte d’une dimension presque géopolitique, est avant tout le reflet d’une crise de la démocratie représentative. Cette dernière est aujourd’hui menacée de toutes parts : affaiblie par une défiance croissante vis-à-vis de la décision politique, des institutions publiques et de la figure de l’expert, elle souffre également de la polarisation de nos sociétés (sur laquelle la crise des gilets jaunes a jeté une lumière crue) et de la radicalisation du débat public que promeuvent Internet et ses bulles informationnelles. La conflictualité qui entoure aujourd’hui les grands projets en viendrait presque à faire oublier qu’ils furent toujours l’un des instruments du progrès, et qu’ils le demeureront assurément. Car comment répondre à la transition démographique et à la métropolisation, comment relever les défis de la transition numérique et de la lutte contre le changement climatique sans concevoir et construire, pour les générations futures, de nouvelles infrastructures, de nouveaux projets d’aménagement ? Le constat est donc clair : l’avenir est, encore et toujours, aux grands projets.