Philosophie De La Torgnole

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Informateur du possible Déformateur du réel Amer #4 BOXE Philosophie de la torgnole MMX La photographie de couverture a été spécialement réalisée pour ce numéro par ELLENORE LEMATTRE avec le concours de GINGER. Qu’elles en soient vivement remerciées. Tout comme MONO à qui nous devons la photo du bandage sur ce� e page. ERROSO Ô PROPONITA Interventions Que disent ces vers ? par Ian Geay 5 Cravan par Noel Godin 115 Adolf-Gustav Mossa par Patrick Wald Lasowski 121 Saint-Pol-Roux, champion de savate idEorEaliste par Mikaël Lugan 127 Bruscambille, mud wrestler par Ian Geay 191 Shadow Boxeuse par Daniel Chéribibi 227 Entretiens Boxe de rue avec Taï Luc 37 Mille marmites avec Marianne Enckell 165 Essai Homo Porcus par David Perrache 69 Feuilleton journalistique La Dictature du néant, Strindberg, Artaud, Jarry et les autres 151 Textes L’éloge de la boxe par Maeterlinck 29 Ompdrailles par Léon Cladel 61 Boxe et police par Louis Léon-Martin 107 La rece�e de l’œil au beurre noir par Lolita M’Gouni 124 Au milieu des héros de Proust par Witold Gombrowicz 137 A corps défendant par Rima 185 Voyous de velour par Georges Eekhoud 215 Actualités Sur la toile 35 La revue des revues 34-160 Maisons amies 59-67-11-141-220 Expositions et pestacles 119 Lectures et Chapardage 145-207 Bande son 149 Chroniques d’Eric Dussert 221 Des nouvelles de Remy de Gourmont 222 à Parinya Kiatbusaba... Exécution d’un boxer Que disent ces vers ? Yi Ho Quan, Les Poings de la Justice et de la Concorde. par Ian Geay Les Boxeurs, qui nous sont un fléau, nous seront, peut-être, un jour, une leçon. Remy de Gourmont L’erreur des poètes novices est de croire qu’ils sont sublimes chaque fois qu’ils sont obscurs, parce que l’obscurité est une des sources du sublime ; ils confondent ainsi l’obscurité de l’expression avec l’expression de l’obscur. Edgar Allan Poe Comme c’est avec la main que l’on pèse la légèreté ou la lourdeur des choses, tout le corps humain du haut en bas est un quan en wushu. Maxime chinoise. Les 55 jours de Pékin La Révolte des Boxers est une révolte menée par une des nombreuses sociétés secrètes qui pullulent en Chine à la toute fin du dix-neuvième siècle, contre l’influence commerciale et politique occidentale au sein de l’Empire du Milieu. Probablement apparue à l’aube du dix-huitième siècle, la société dite des Boxers, Yi Ho Quan (les Poings de la Justice et de la concorde), s’expose au grand jour vers les années 1896-1897 dans la province du Shandong. Les Boxers se sont dressés en premier lieu contre la dynastie impériale Qing, puis se sont développés par la suite en réaction au prosélytisme et au comportement abusif des missionnaires occidentaux implantés sur le territoire chinois. 6 Ian Geay Que disent ces vers ? 7 Mais c’est surtout en réaction à la réforme des cents jours (11 juin - 21 septembre 1898) menée par les modernistes1, que ce mouvement insurrectionnel éclate et que la société des Boxers sort de l’ombre ; les tentatives de modernisation et d’occidentalisation menées par l’empereur Guangxu, à l’instar du Japon au début de l’ère Meiji, sont avortées par sa tante, l’impératrice douairière Ci Xi, soutenue par les forces conservatrices au sein de l’armée qui proclament des édits de légitimation des sociétés secrètes, et se débarrassent des généraux modernistes qui répriment la rébellion. Ces révoltes anti-occidentales, souvent qualifiées de xénophobes (« Renversons les Qing, détruisons les étrangers » qui devient après le soutien d’une partie de l’armée « Soutenons les Qing, détruisons les étrangers »), se traduisent par des a�aques contre les missions étrangères2, les convertis chinois (les « chrétiens du riz »), ainsi que par la destruction ou le sabotage des structures mises en places par les puissances européenne et japonaise sur le sol chinois, principalement les lignes de télégraphe et les voies de chemin de fer. A partir de juin 1899, les choses s’accélèrent : les puissances occidentales envoient 450 hommes pour protéger les délégations étrangères. Les insurgés les a�aquent dans les villes de Tianjin et Pékin. Le chancelier japonais Sugiyama est assassiné le 6 juin et le ministre allemand von Ke�eler le 20. Plusieurs dizaines de milliers de Boxers déferlent alors sur la capitale et assiègent le quartier des ambassades. En réaction, l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, les États-Unis, l’Italie, le Japon, le Royaume-Uni, la Russie et la France forment un corps expéditionnaire de 20000 hommes pour défendre les délégations assiégées. Le 14 juillet, ce�e force internationale prend Tianjin, puis un mois plus tard, libère la capitale célébrant la fin de ce qu’on a appelé les 55 jours de Pékin3. La cour impériale, en pleine débâcle, décide alors de partir en « inspection d’automne » et qui�e précipitamment la capitale pour Xi’an, abandonnant la ville aux puissances étrangères. S’abat alors sur l’ensemble du peuple chinois, sans distinction, une terrible répression aux allures de terreur conduite par l’empereur Guillaume qui désire, 6 Ian Geay Que disent ces vers ? 7 par ce déchaînement de violence, empêcher toute autre tentative de soulèvement et endiguer le « péril jaune ». Le 7 septembre 1901 est signé le Protocole des Boxers (qu’on a appelé les traités inégaux) contraignant le gouvernement impérial, entre autres humiliations, à payer aux puissances occupantes des réparations à la hauteur de 450 millions de taëls d’argent, à l’établissement d’une garde permanente chargée de la protection des légations internationales et à l’exécution d’une dizaine de hauts dignitaires impliqués dans le soutien à la rébellion. Au final, on dénombre près de 30 000 victimes chez les chrétiens chinois, 300 au sein des puissances étrangères et un nombre inconnu de Boxers au cours de l’insurrection et de sa répression. Une révolte de boxeurs La première question qui se pose est pourquoi avoir appelé ce mouvement d’insurrection anti-occidentale la révolte des Boxers. La société « Yi Ho Quan », qui signifie les Poings (Quan) de la Justice (Yi) et de la Concorde (Ho) est en réalité un succédané de l’antique et mystérieuse association révolutionnaire du «Nénuphar blanc» (Pai Lien Kiao) tant de fois condamnée par la dynastie mandchoue des Qing, et toujours renaissante. La traduction occidentale n’est donc pas aussi mauvaise qu’elle n’y paraît puisque le terme de Quan (Chuan, kiuan, Tchuan), qui est le même que celui utilisé en Taijiquan (la Boxe du Grand Faite) est traditionnellement traduit par « Boxe «. Aussi celui qui pratique un « art du poing « (Quan Shu) est-il considéré à juste titre comme un boxeur, a boxer en anglais4... Ce�e organisation secrète et populaire connue également sous le nom de Dadao Hui (Ta Tao Houei), Société du Grand Sabre, apparaît dans le Shandong et se réfère au fameux « Monastère de la Petite Forêt », Shaolin Shi, Shorinji en japonais, situé dans le Hunan. Comme de nombreuses autres sociétés (Kiao) ou associations (Hui) destinées originellement à chasser les mandchous considérés 8 Ian Geay Que disent ces vers ? 9 comme des envahisseurs étrangers, pour rendre la Chine aux chinois, ‒ nous citerons le « Lotus Blanc » (Pai Lien Kiao), les « Poignards de Justice » (Siao Tao Hui), les « Végétariens » (Tchai Kiao), la « Raison Céleste » (Tien Li Kiao), les « Lanternes Rouges » (Hong Teng Kiao), les « Lanternes Bleues » (Lan Teng Kiao), les « Sourcils blancs » (Pai Mei Kiao), le « Grand Faite » (Tai Ji Kiao), les « Huit Trigrammes » (Ba Gua Kiao) ou le « Grand Achèvement » (Da Cheng Kiao)‒, la société « Yi Ho Quan » est essentiellement fondée sur la pratique de la « Boxe ». Le docteur Matignon précise, en 1901, dans Dix ans au Pays du Dragon que ces sociétés se réunissaient sur un « Quan Zhang » (Kiuan Tchang) ou « terrain de Boxe » afin de pratiquer d’étranges exercices gymniques particuliers chaque secte, ce�e « Boxe Sacrée « qui doit leur procurer une harmonie totale du corps et de l’esprit...5 Mais plutôt que de s’appesantir sur ces techniques de boxe considérées le plus souvent comme d’inoffensifs mouvements de gymnastique, la plupart des écrivains et commentateurs occidentaux de l’époque ont préféré pérorer sur la supposée sauvagerie des « Jaunes », ou pour certains d’entre eux, beaucoup plus rares, comme Léon Charpentier, s’intéresser à d’autres caractéristiques communes à toutes ces sociétés secrètes, notamment leurs mœurs en termes d’organisation et d’initiations ésotériques et exotériques. 8 Ian Geay Que disent ces vers ? 9 Symbolisme et initiation dans la Société secrète des Boxers Léon Charpentier a d’abord écrit un article intitulé « L’initiation dans la société des Boxers », paru dans la Revue Blanche d’août 1900, qu’il a par la suite repris pour le compléter dans le 148ème numéro du Mercure de France d’avril 1902 sous le titre, ce�e fois, de « Rituels et Codes ésotériques de la société secrète des Boxers ». Charpentier qui, par ailleurs, enseigne à la Sorbonne et qui est un spécialiste reconnu des coutumes des pays lointains, notamment de l’Asie, exploite ce qu’il nous dit être des documents découverts par la police secrète dans un bouge chinois. Ils lui perme�ent de décrire avec précision les cérémonies de l’initiation au sein de l’Yi Ho Quan et de montrer le code intérieur qui les régit. Mais avant cela, il nous expose ce qui motive la xénophobie de ces Boxers (le rêve de voir renaître un gouvernement de la Chine conduit par les fils des anciens maîtres), et les raisons pour lesquelles ils se sont développés avec une telle vigueur pendant les cinq dernières années du dix-neuvième siècle.

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