Ecriture chinoise, écriture occidentale : variantes de l’appréhension du monde Jui-Chu Tung To cite this version: Jui-Chu Tung. Ecriture chinoise, écriture occidentale : variantes de l’appréhension du monde. Philoso- phie. Université de Franche-Comté, 2012. Français. NNT : 2012BESA1029. tel-01371921 HAL Id: tel-01371921 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01371921 Submitted on 26 Sep 2016 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. UNIVERSITE DE FRANCHE-COMTE ECOLE DOCTORALE « LANGAGES, ESPACES, TEMPS, SOCIETES » Thèse en vue de l’obtention du titre de docteur en Philosophie ECRITURE CHINOISE, ECRITURE OCCIDENTALE VARIANTES DE L’APPRÉHENSION DU MONDE Présentée et soutenue publiquement par Jui Chu TUNG Le 3 décembre 2012 Sous la direction de M. le Professeur Louis UCCIANI Membres du jury : Louis UCCIANI, Professeur à l’université de Franche-Comté Françoise QUILLET, Professeur à l’université de Franche Comté Jean-Michel Le LANNOU, Professeur à l’université Paris III, Rapporteur Pierre-Henry DE BRUYN, Professeur à l’université de La Rochelle. Stéphane HABER, Professeur à l’université de Paris X, Rapporteur 1 2 REMERCIEMENTS Monsieur le Professeur Louis UCCIANI : mes remerciements pour m’avoir permis de mener cette recherche, originale et particulière, de m’avoir fait confiance et guidée vers l’essentiel dans mon travail et dans les démarches administratives. Monsieur Pierre-Henry DE BRUYN, professeur à l’Université de La Rochelle, remerciements pour sa spontanéité, pour avoir pu trouver la possibilité de participer à mon jury malgré ses obligations professionnelles à l’étranger. Le Père BOSCO, Jésuite, mon professeur de Philosophie à Taiwan, pour ses encouragements, me persuadant de mener cette recherche. Madame Françoise QUILLET, professeur à l’Université de Franche-Comté, pour ses conseils, son professionnalisme, sa disponibilité dans le suivi de cette recherche. Monsieur Jean Marc QUILLET, son époux, professeur au Conservatoire de Région, pour ses conseils et ses encouragements renouvelés. Monsieur Michel LU, Représentant de TAiWAN en France pour son encouragement moral et son aide administrative Monsieur Remy TSAI, professeur à l’Université de TungHai, Taiwan, pour son soutien moral et ses suggestions méthodologiques Monsieur Robert PEPIN, professeur d’anglais et interprète (Défense), remerciements pour son travail d’accompagnement, de traduction et ses commentaires de documents de source étrangère ainsi que la relecture de l’ensemble Madame Frédérique MARTIN, mes vifs remerciements pour l’aide apportée au traitement de la documentation. Mademoiselle Céline LAMBERT, grands remerciements pour son aide technique, depuis le bout du monde (Chine, Alliance française). Madame Nadine EYBERT-BAUD pour ses conseils professionnels dans le travail de présentation et structure Monsieur Pierre MIDOL pour son aide à la relecture. Sans oublier ma fille Sarah et mes parents : sans leur soutien matériel et spirituel, ce long travail n’aurait pu être accompli. Sans oublier aussi toutes les personnes proches qui ont pu contribuer à leur manière à ce que le résultat de cette recherche voit le jour. 3 4 Quand je parle de la pensée chinoise, je ne présuppose en elle aucune essence particulière, mais désigne seulement la pensée qui s’est exprimée en chinois (et de même la pensée grecque est celle qui s’est exprimée en grec). D’autre part, quand je m’arrête à la question de la langue, je ne considère pas que la langue prédétermine la pensée mais que, d’une certaine façon, elle la prédispose. Je tiens notamment cette attention de Nietzsche. François Jullien Dès qu’il y a parenté linguistique en effet il est inévitable que, en vertu d’une commune philosophie grammaticale, les mêmes fonctions grammaticales exercent dans l’inconscient leur empire et leur direction, tout se trouve préparé pour un développement et un déroulement analogues des systèmes philosophiques, tandis que la route semble barrée à certaines autres possibilités d’interprétation de l’univers. Nietzsche 5 6 7 TRANSCRIPTION Les termes chinois sont transcrits en pinyin, ou Wade selon les documents d’origine. NOTE DE L’AUTEUR 8 ECRITURE CHINOISE, ECRITURE OCCIDENTALE VARIANTES DE L’APPREHENSION DU MONDE Résumé L’idée générale serait que les langues à alphabets, la plupart des langues occidentales, tendent à nous éloigner de la Nature, non seulement par leurs caractéristiques graphiques (celles des lettres de leurs alphabets) mais aussi en structurant la pensée, les modes de pensée. Les étapes de cette étude partiraient de 8000 av. J.C., passeraient par Platon, Aristote, les Stoïciens et arriveraient aux 19ème et 20ème siècles avec la démarche de Mallarmé, de Segalen, de Michaux et d’Ezra Pound. Ces derniers n’étaient pas satisfaits quand ils avaient à s’exprimer sur la Nature avec le registre du symbolisme ; ils se tournèrent vers l’idéographie parce que les codes symbolistes n’éclairaient pas suffisamment et de façon authentique la pensée. L’idéographie, plus précisément la sinographie pouvait être une solution. Le sinogramme partait de la divination, il avait partiellement perdu son caractère pictographique (sous la dynastie Han) pour se tourner vers l’idéogramme, structurant la pensée chinoise à sa manière, la rendant plus proche de la Nature à travers ses composants et parce qu’il n’était pas basé sur le discours ou les effets de rhétorique de l’Occident. Les Grecs s’affrontaient dans des jeux de rhétorique et montraient que le langage pouvait trahir, puisqu’un bon orateur pouvait prouver n’importe quoi – et bien entendu son contraire- par une utilisation habile du langage. Au contraire, Taoïsme et Confucianisme mettaient en évidence qu’il y avait d’autres moyens de s’exprimer, même différents du langage, et qu’un message riche de signification pouvait tout aussi bien être transmis. En effet, « Est-ce que le Ciel parle ? » En Chine, il n’y a pas vraiment de barrière entre les différentes disciplines à la manière de l’Occident. En effet, la Nature inspirant auteurs ou artistes doit être considérée comme un tout : c’est l’esprit de l’homme qui essaie arbitrairement de dresser des barrières. Comment des limites peuvent-elles être perçues dans la Nature ‘au travail’ ? C’est totalement inconcevable : les Arts auraient remplacé le langage s’il n’avait pas existé, mais les hommes ont inventé le langage… 9 Quand nous abordons les Arts, nous savons que l’esthétique est attachée aux territoires et il faut fabriquer des concepts qui seront des outils pour rendre les Arts possibles, que ce soit le dessin, la calligraphie, la peinture, la sculpture, les mathématiques, la musique… La pensée, la philosophie, les Arts se nourrissent de l’idéogramme, indivisible, puissant, d’origine divinatoire. L’idéogramme influence la pensée et les Arts, ils en sont dérivés, et il nourrit aussi la poésie. La poésie connaît le dissyllabisme et le parallélisme, c’est aussi le cas du Théâtre capturant les composants des sinogrammes et les utilisant comme modèles dans les paroles, dans la chorégraphie ; l’intuition et les événements fortuits peuvent composer le ‘récit’, le procès permanent des changements de la Nature est partout. Ma recherche se divise en trois parties : d’abord, j’ai souhaité rappeler ce qu’était l’Ecriture, en Occident et en Chine, pourquoi les langues étaient différentes et comment elles fonctionnaient. Dans une seconde partie, l’évolution de la pensée est décrite dans chaque cas, ce qui est sous-jacent en fait et les philosophies qui en dérivent. La question demeure la même : sommes-nous plus proches de la Nature avec l’idéographie, dans la poésie en particulier, plutôt qu’avec les langues à alphabets ? La dernière partie est consacrée à quelques auteurs occidentaux qui ont montré leur intérêt pour les langues (Mallarmé, Segalen, Michaux, Ezra Pound) … l’idéogramme et la poésie chinoise. Les auteurs que j’ai choisis pouvaient percevoir qu’avec un usage différent de la langue, par les expériences menées sur les langues, une autre approche de la Nature était possible. Les symboles à disposition dans les langues à alphabets avaient leurs limites et touchaient difficilement le cœur. Ils se tournèrent donc vers l’idéogramme, avec plus ou moins de succès (ils devaient appréhender, à leur époque, la nature réelle de celui-ci) et ils sont partis à la recherche d’une autre rationalité, venant d’une autre partie du monde. Le symbolisme n’était pas la solution pour ces écrivains : le message poétique pouvait se justifier d’une autre façon, pas avec les alphabets, les lettres, les mots, mais avec les sinogrammes montrant la Nature plus concrètement, les traces (traits) de celle-ci, cachés quelque part au sein des éléments. Pouvons-nous avancer une signification de l’univers grâce à eux ? Les scribes et les devins, pendant des siècles, ont trouvé des méthodes pour rassembler les composants sémantiques, phonétiques et pictographiques des sinogrammes, ils devenaient de puissantes entités, synthétisées. 10 Ce qui demeure fondamental, c’est que les lettres ou groupes de lettres des alphabets ont une signification qui leur vient de ‘l’extérieur’, du discours, de la pensée discursive et de règles spécifiques (notamment grammaticales), alors que le sinogramme évolue de ‘ l’intérieur’, avec sa propre histoire, son étymologie, avec les devins, les scribes, leur rationalité, imagination, et créativité. Le philosophe François Jullien a montré ce qui sous-tendait la philosophie chinoise, très concrète, les images des transformations permanentes de l’Univers et les accumulations d’idées bâties à partir du sinogramme, de ‘l’intérieur’.
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