«TROISIÈME», «QUATRIÈME», Nième INTERNATIONALE ? OU PARTI COMMUNISTE MONDIAL ? STÉNOGRAMME DU CONGRÈS PUBLIC EXTRAORDINAIRE DU KAPD, TENU À BERLIN DU 11 AU 14 SEPTEMBRE 1921, DRESDNER GARTEN Traduction : Jean-Pierre Laffitte Révision, édition et notes : Philippe Bourrinet Edition moto proprio, février 2017. 1 En hommage à Serge BRICIANER (1923-1997), communiste internationaliste, traducteur et éditeur d’Anton PANNEKOEK En souvenir de Jan APPEL (1890-1945) et Henk CANNE MEIJER (1890-1962) 2 Avant-propos Le manuscrit dactylographié du IVe Congrès du KAPD, qui est essentiellement consacré à la nécessité de fonder une IVe Internationale (KAI) se trouve aux Archives d’État de Brême (Clemens Klockner (Hrsg): Protokoll des aussenordentlichen Parteitages der KAPD vom 11. bis 14.9.1921 in Berlin, Darmstadt, 1986). Un autre manuscrit se trouve en possession de la BDIC (Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine, Nanterre, France), anciennement «Musée et Bibliothèque de la Guerre», qui fut fondé en juillet 1917. Plus tard le jeune historien Pierre Renouvin, grand mutilé, amputé d’un bras et de plusieurs doigts, en prend la direction. Le manuscrit de ce congrès du KAPD fut saisi en 1921 par les Services secrets de l’armée de terre française et remis par la suite au «Musée et Bibliothèque de la guerre». C’est sur ce manuscrit que travailla Serge BRICIANER, militant communiste des conseils, dans ses recherches pour exhumer tout un pan du communisme de gauche internationaliste (Linkskommunismus). Des militants comme Jan Appel (Arndt), et le délégué hollandais Henk Canne-Meijer (Maer) interviennent à plusieurs reprises dans le congrès du KAPD, où Herman Gorter fait une longue intervention paradoxale. Soulignant le recul de la révolution mondiale, il pousse à la formation d’une Internationale communiste-ouvrière. Ce sont finalement Jan Appel et Henk Canne Meijer qui reprendront dès 1924-27 le flambeau du communisme des conseils, alors que le KAPD se décomposait. Tous deux joueront dans les années 30 un rôle essentiel dans la formation et l’élaboration théorique du GIK (Groupe des communistes internationalistes). On notera enfin la brève intervention du jeune camarade Paul, sans doute Paul Mattick, installé à Cologne, qui fait ici une romantique apologie de l’illégalisme et initie son long itinéraire communiste des conseils. Ce sténogramme très brut a été vraisemblablement élaboré par un éditeur parlementaire professionnel, étranger au KAPD, sans qu’il y ait eu la moindre révision d’un texte de fait historique, par la rupture avec le Komintern et la fondation d’une Internationale communiste-ouvrière. D’où les fréquentes coquilles relevées dans le sténogramme et souvent la transcription grossièrement phonétique des intervenants. P. B., 31 janvier 2017. 3 Ordre du jour DISCOURS DE BIENVENUE 1. LA SITUATION POLITIQUE 2. RAPPORT DE LA DÉLÉGATION AU IIIE CONGRÈS MONDIAL 3. L’ÉVOLUTION ET LES PERSPECTIVES DE LA RÉVOLUTION RUSSE 4. LA IIIE INTERNATIONALE ET LA NÉCESSITÉ DE LA CRÉATION D’UNE INTERNATIONALE COMMUNISTE OUVRIÈRE (KAI) 5. RAPPORT DU CONGRÈS DE L’INTERNATIONALE SYNDICALE ROUGE 6. KAPD ET AAU, LE CARTEL DES UNIONS EN ALLEMAGNE, L’INTERNATIONALE DES UNIONS 7. LA QUESTION DES CHÔMEURS 8. LA QUESTION DES JEUNES 9. LA QUESTION AGRAIRE 10. L’ORGANISATION (RÉUNION INTERNE) 11. LES ÉLECTIONS 4 Discours de salutations du cam. Erdmann (Emil Sach)1 : Au nom du Comité directeur du Parti Communiste Ouvrier d’Allemagne, je salue les invités des partis frères étrangers, les invités venant du Reich qui n’ont pas regardé à la dépense et à la peine pour être présents ici à notre Congrès, et je salue l’ensemble des délégués en espérant et en souhaitant que ce Congrès du KAPD soit une étape décisive de la révolution prolétarienne, de la révolution mondiale. C'est dans ce sens que nous pensons que ce Congrès produira un travail fructueux. Cam. Mühle2 : Camarades, Au nom du District économique (Wirtschaftsbezirk) du Grand Berlin nous vous souhaitons une cordiale bienvenue. Tout d’abord, nous voulons rendre hommage aux victimes tombées en combattant pour la révolution prolétarienne. Tant de camarades, que nous avons eus jusqu’à présent dans nos rangs, ne le sont plus en raison du déchaînement de la réaction ; aussi voulons-nous rendre particulièrement hommage aux camarades qui se sont montrés à la hauteur, et nous nous réjouissons que certains camarades qui se sont montrés particulièrement engagés dans ce combat soient aujourd'hui parmi nous. Camarades, le KAPD a, en tant que jeune parti, un difficile combat derrière lui. Lors du putsch de Kapp, alors que nous n’étions pas encore un parti solidement structuré, nous avons essayé de profiter de notre base politique pour déboucher sur la révolution prolétarienne. Cela n’a pas été possible à cause de la trahison des autres partis politiques. Nous devons toujours avoir conscience - et nous aurons toujours conscience - que le KAPD n’existe pour rien d’autre que l’accomplissement de la révolution prolétarienne en Allemagne afin d’atteindre son grand but. Nous avons aussi un dur combat à mener à l’intérieur du parti, dans nos propres rangs. Nous avons mené le combat contre WOLFFHEIM et LAUFENBERG, ainsi que contre les théories de RÜHLE. Notre parti est venu à bout de ces problèmes épineux, et il viendra aussi, à l’avenir, à bout de tout ce genre d’affaires s’il reste ferme et uni. La 1 Emil Erdmann Sach (alias Erdmann ou Erd) (1890-1959), originaire de Prusse orientale, voyageur de commerce, membre fondateur du KAPD, l’un des promoteurs de la KAI ; après 1924, il quitta le KAPD d’Essen et fut actif dans des groupuscules dissidents (Vulkan, Brand) de la KAI jusqu’en 1927. Il survécut au nazisme et resta fidèle à ses idéaux de jeunesse. À partir de 1952, il publia son propre périodique à Leverkusen (Cologne), Stirn und Faust, Vervielfältigte Manuskripte Werktätiger Menschen, n° 1 (mai) et n° 2 (juin) [“la tête et les poings, Manuscrits ronéotés de travailleurs]. Voir : IISG, Archiv Cajo Brendel. 2 Mühle, ou Müller (pseudonyme), parfois Miller, Berlin-Neukölln, membre du GHA [Comité directeur du district économique de Berlin. 5 situation économique commence à se dessiner de façon plus concrète. Une grève suit l’autre, tandis qu’un lock-out suit l’autre. Dans nos propos préliminaires, nous n’avons pas non plus le droit d’oublier la Russie soviétique. Elle se trouve dans une situation très difficile. La Russie soviétique ne peut trouver une aide que dans la révolution prolétarienne en Allemagne. C'est là notre premier devoir. Le Congrès du Parti est appelé à donner un souffle nouveau à la révolution prolétarienne en Allemagne, il est destiné à donner de nouvelles armes à la révolution prolétarienne et à lui forger de nouvelles armes. Le Congrès travaillera et nous souhaitons qu’il y travaille, ce qui a été le cas jusqu’à présent, dans le sens que, dans ce combat, une volonté unitaire électrise le Parti. Si vous considérez l’ordre du jour, vous reconnaîtrez que nous avons un dur travail devant nous et aussi que ce travail a été effectué. Nos camarades nous demandent de mettre en œuvre ce travail. Nous sommes tous conscients de notre volonté d’accomplir un tel travail : nous l’effectuerons. La Kommunistische Arbeiter-Zeitung (KAZ), notre organe de presse prolétarien, a lui aussi été victime du déchaînement de la réaction. Il a plu à un petit ministre social-démocrate d’interdire3 notre KAZ. Nous ne cédons pas à la colère, car, quand le combat devient difficile, nos camarades restent sur leur garde. Cette pression déclenchera aussi une contre-pression dont le ministre social-démocrate devra vraiment commencer à s’inquiéter. (L’orateur donne lecture de la lettre du ministre [de l’intérieur Georg Gradnauer]) Camarades, le coup dur qui nous est asséné a été suscité par l’offensive du jeune prolétariat et je crois, nous pouvons le dire : nous sommes fiers que ce jeune prolétariat qui veuille agir ainsi. Camarades, je voudrais dire en conclusion que, si nous voulons être conscients de toutes ces choses que nous avons à effectuer, alors nous contribuerons aussi pour beaucoup à l’exigence de la révolution en Allemagne et dans le monde ! Cam. Gorter (Hollande) : Je voudrais tout d’abord vous saluer au nom du Parti Communiste-Ouvrier hollandais4. Vous avez probablement lu que nous avons réussi à fonder un 3 Le 29 août 1921, en réaction à l’assassinat de Mathias Erzberger (1875-1921), ministre des finances du Reich, par l’extrême-droite (en particulier l’Organisation Consul), le président de l’Empire, Friedrich Ebert, décrète l’état d’urgence. Par application de l’article 48 de la Constitution de l’Empire, la liberté de la presse et la liberté de réunion sont restreintes. Cela concerna particulièrement la presse communiste. Le ministre de l’intérieur Georg Gradnauer (1866-1946), SPD, fut membre du Reichstag (MdR) et pour peu de temps ministre du Reich en 1921. Gradnauer avait été successivement ministre de la justice, ministre de l'intérieur et chef du gouvernement de Saxe en mars 1919. Contre-révolutionnaire totalement décomplexé, il s’était appuyé en mai 1919 sur l'armée et les corps francs pour briser par la force à Leipzig l'opposition des communistes et Indépendants stimulés par les insurrections de janvier et mars 1919 à Berlin. 4 Le KAPN venait juste d’être fondé par Gorter début septembre. 6 KAP. Nous sommes quatre délégués présents. Nous vous saluons très chaleureusement. Nous avons tout appris de vous, non seulement les simples membres, les combattants, mais aussi les théoriciens hollandais. Il est vrai que l’on dit que les théoriciens enseignent au prolétariat, mais l’inverse est encore plus vrai. Le prolétariat lutte, trouve ses propres voies, et ensuite le théoricien n’a pratiquement rien d’autre à faire que de couler cela dans une formule générale.
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