La Tordeuse De La Pivoine, Joyau De Notre Faune (Lep

La Tordeuse De La Pivoine, Joyau De Notre Faune (Lep

4 ACTUALITÉ oreina n° 17 – mars 2012 Pelatea klugiana (Freyer, 1834), la tordeuse de la pivoine, joyau de notre faune (Lep. Tortricidae) ALAIN CAMA Résumé : Pelatea klu- sions fondamentales de notre magazine ; l’entreprise semble giana n’a pas défrayé en bonne voie. les chroniques entomo- logiques depuis près de ► LA TORDEUSE, MODÈLE D’ÉLÉGANCE quatre-vingts ans. Sont Bien entendu, les tordeuses ne sont pas en reste pour l’orne- exposées ici quinze an- mentation. Il en est une à laquelle je suis très attaché ; voilà nées de l’observation bientôt quinze ans que je fréquente Pelatea klugiana, superbe de l’insecte dans le Tortricidae, de surcroît de grande taille – 20 à 23 millimètres Sud-Est français, agré- d’envergure environ –. L’insecte offre, dans ses couleurs un mentées de notions sur assemblage et panachage osés d’ocracé verdâtre au contact la plante-hôte, les pa- de fuchsia vieilli sur lequel se détachent de petites guillo- rasites occasionnels de chures grises réfléchissantes. Les franges sont terre de Sienne cette même plante et les dorée, la tête et le thorax surmontés d’une houppette lie-de- parasites du papillon. vin retouchée du même ocre. Le tout s’effile vers l’avant en un « museau » de velours noir. Summary: Pelatea klu- giana has not been ► LA PIVOINE OFFICINALE, TABLEAU VÉGÉTAL 1 talked about in entomo- Beauté discrète pour le papillon, beauté éclatante pour la logical journals for al- plante ! Le spectacle de la Pivoine officinale dans la nature Fig. 1, paysage karstique du most eighty years. Here ne peut laisser indifférent, avec une fleur grosse comme le plateau de Caussols (06), à 1100 m details are presented poing, d’un pourpre violacé au cœur de laquelle explose une d’altitude. La pivoine s’y plait, of fi fteen years of observations in the south-east of France, gerbe jaune orangé. Les horticulteurs proposent d’ailleurs un sur des replats en lisière des pins, made more attractive by details of its parasites, the host plant cultivar très proche de cette Paeonia officinalis L., alterna- non loin des touffes de buis. and sporadic pests of this plant. tive aux prélèvements pour qui veut tenter l’élevage. Sur ses © M. MOULIN. pierriers de moyenne altitude, elle séduit tant le randonneur Mots-clés/key-words: Lepidoptera, Torticidae, Pelatea klu- qu’elle en paie un lourd tribut, finissant en reine d’un bou- Fig. 2, étiquette placée sous un giana, Paeonia offi cinalis, Provence-Alpes-Côte d’Azur quet champêtre. Cela ne concerne pas, et c’est heureux, celle exemplaire capturé par un certain région. qui se réfugie sur des zones très pentues, peu accessibles. Boulay (?). Cet insecte est déposé Rappelons ici que toutes les pivoines sauvages en France dans la collection de systématique sont protégées et que leur récolte est strictement interdite INRA Montpellier, extrait lui-même (protection nationale, annexe 2). de la collection Lhomme. L’année ► PRÉAMBULE : HAUTE COUTURE Sa répartition générale concerne l’Europe du Sud, le Cau- de capture n’apparaît pas pour ce Lépidoptéristes de la faune paléarctique, je sais votre convic- case et l’Asie mineure. En France, elle est présente dans le papillon du 30 mai, mais côtoie des tion établie depuis longue date, que la plupart de nos pa- quart Sud-Est, pourvu que l’altitude ne soit pas trop pro- exemplaires libellés de la même pillons, même les plus petits, rivalisent en esthétique avec noncée (CRUON). Ainsi, on ne la trouve pas dans les deux écriture « 31 mai 1933 », sur les bijoux ailés exotiques très prisés du grand public. Pour départements de la Savoie, ni au sud de l’Auvergne. Elle le même site. © CHR. COCQUEMPOT. convaincre les plus réticents, il suffit de chausser une simple n’a cependant pas été répertoriée dans le département des loupe – ou de quitter les lunettes pour les myopes – afin Bouches-du-Rhône, ni de l’Aude, serait disparue du Vau- d’aborder un monde merveilleux. Jugez-en : lignes argentées cluse, mais pousse une « corne » dans le Lot. On aura le ou de plomb, enchevêtrées sur les fonds colorés les plus inat- plus de chance de la rencontrer en Région PACA, au sud des tendus ; points et tirets sur des dégradés nuageux et audaces Hautes-Alpes, dans les Alpes-de-Haute-Provence, le haut- d’alliances chromatiques dignes de nos impressionnistes. Var et les Alpes-Maritimes. Toute la palette est là, débordante, généreuse, variée. Cette Mes terrains d’observation privilégiés sont alors les chemins fantaisie atteint son apogée chez les Oecophoridés. N’omet- creux d’Andon, de Saint-Barnabé, du plateau de Caussols et tons pas d’admirer, en dehors des dessins alaires, les touffes, de Gréolières-les-Neiges. Tous se trouvent dans les Alpes- verrucules, palpes, androconies et franges qui, par l’agence- Maritimes. Malgré mes fréquentations assidues, je n’ai pas ment des écailles participent à la prestance du papillon. On ne eu la fortune de trouver la fleur dans le haut-Var où elle est soulignera jamais assez auprès du public l’importance qu’il réputée se cacher. y a de mettre en évidence la beauté de notre nature, fut-elle ordinaire, en communiquant sur nos espèces chéries à l’aide ► LES AVENTURES SUCCESSIVES AUTOUR d’articles, d’affichettes, d’expositions et de grandes images. DE LA TORDEUSE Souvenez-vous du succès populaire du film « Le peuple de Bien avant la parution en 2003 de l’ouvrage de J. RAZOWSKI l’herbe ». L’essor de l’appareil photographique numérique, – dont les exemplaires sont légendés « Cannes, 1892 » ! – 2 ses progrès fulgurants, ont grandement mis à la portée de j’en avais cherché les représentations, fort éparses dans la chacun la réalisation d’excellents clichés. Voilà une des mis- littérature (KENNEL ; PARENTI ; SPULER), puis l’avais entraper- oreina n° 17 – mars 2012 ACTUALITÉ 5 çue dans une fraction de la collection Léon Lhomme, alors très ténue, mais en 1999 déposée au sein de l’INRA de Versailles, où officiait Jean- la chance avait permis une Pierre Chambon. Le choc fut tel à l’époque que je m’étais ponte, suivie, peu après, de promis de retrouver l’insecte. Jean-Pierre me confiait alors la sortie des chenillettes. n’avoir jamais vu la Tordeuse in natura. Cet honneur me Malheureusement, je suis fut donné en 1997, après bien des tâtonnements quant à la très souvent en dépla- période idoine. La trouvaille me valut la dégustation d’un cement et mon rempla- champagne tiède acheté à la hâte afin de trinquer avec mes çant ès élevage, pourtant accompagnateurs entomologistes et botanistes ; il fallait fêter confirmé, fut obligé de dignement la découverte ! Depuis, de loin en loin, je vais à replacer sans cesse sur la la rencontre de Pelatea klugiana lorsque la conjonction des plante-hôte les petites che- dates et des sites est favorable. J’ajoute ainsi de nouveaux nilles qui se laissaient tom- lieux pour la plante, mais le papillon n’est pas toujours au ber. Il s’agit là, sans doute, rendez-vous. Parfois, sa présence est attestée par une seule d’une stratégie d’enfouis- 3 exuvie nymphale. C’est ce qu’il m’est advenu sur la com- sement, soit au collet de mune d’Andon (Alpes-Maritimes), après l’inspection de plus la plante, soit en terre ; je de deux cents pieds de pivoine ! n’en sais pas plus. Quoi Il y a peu – six années –, la lecture de la revue de la SEL qu’il en soit le couvain a m’apprit que sur les bords de la Volga volait une sous-es- périclité rapidement. pèce de Pelatea klugiana. Il me pressait de contacter l’auteur, L’abondance des émer- afin qu’il me fasse parvenir un de ces fameux paratypes. Le gences de 2010 m’a donné docteur Vadim Zolotuhin ne se fit pas prier et j’ai pu dépo- l’opportunité de tenter un ser dans ma collection un couple de la sous-espèce Pelatea nouvel élevage mais ces klugiana verucha pourvu de l’étiquette rouge. Le chercheur messieurs-dames, vrai- ne voulut en échange que les clichés d’un type précis de la semblablement tous frères collection Duponchel, en lieu et place d’un couple d’élevage et sœurs, ont refusé la pa- de mon Sud-Est. Afin de ne pas décevoir cet obligeant cor- riade. Toutefois, un seul respondant de Saint-Pétersbourg, je pris le TGV pour Paris couple incestueux a dérogé 4 et, grâce à l’aimable équipe du Muséum national d’Histoire à la règle, mais aucune naturelle, où tout à la fois j’ai rencontré messieurs Leraut, ponte n’en a résulté. Luquet et Minet – mes idoles –, j’ai pu réaliser les vues ! Ces personnalités m’ont grandement facilité la tâche, mais ► PIQUE-ASSIETTE ont eu maintes difficultés à dénicher les bons cartons parmi SUR LA PIVOINE des centaines de milliers éparpillés au sein du Laboratoire Deux autres tordeuses d’entomologie. Un fax aller-retour à Londres et le tour fut partagent cette table hos- joué. Ô merveilles des communications modernes pour re- pitalière ; il en existe sans monter le temps ! doute bien d’autres, tant la Tout dernièrement, je parle du mois de juillet 2010, Christian plasticité de cette famille Cocquempot en mission sur les hauteurs des Alpes-de-Haute- est grande. Les attaques de Provence m’a apporté du matériel (quel vilain mot pour une ces imposteurs ne sont de telle splendeur), sous forme d’un grand nombre de larves. toute façon pas semblables Vous verrez d’ailleurs sur l’un des clichés, l’abondance des à celles de notre vedette, 5 chrysalides pour un même bouton floral colonisé.

View Full Text

Details

  • File Type
    pdf
  • Upload Time
    -
  • Content Languages
    English
  • Upload User
    Anonymous/Not logged-in
  • File Pages
    4 Page
  • File Size
    -

Download

Channel Download Status
Express Download Enable

Copyright

We respect the copyrights and intellectual property rights of all users. All uploaded documents are either original works of the uploader or authorized works of the rightful owners.

  • Not to be reproduced or distributed without explicit permission.
  • Not used for commercial purposes outside of approved use cases.
  • Not used to infringe on the rights of the original creators.
  • If you believe any content infringes your copyright, please contact us immediately.

Support

For help with questions, suggestions, or problems, please contact us