Stephen Frears Par Eithne O'neill

Stephen Frears Par Eithne O'neill

STEPHEN FREARS PAR EITHNE O'NEILL Collection dirigée par Francis Bordat RIVAGES Du même auteur: Lubitsch ou la satire romanesque, en collaboration avec Jean-Loup Bourget, Stock, 1987; rééd. Flammarion, coll. «Champs Contre-Champs », 1990. Crédits photographiques : British Film Institute (pages 15, 17, 26, 28, 29, 35, 37, 39, 41, 43, 77, 79, 81, 84, 87, 90, 92, 103 haut, 105, 109, 135), archives Cahiers du cinéma (couverture, pages 47, 50, 101, 129), collection Michel Ciment (pages 12, 14, 16, 18, 20, 21, 23, 25, 31, 44, 45, 52, 55, 57, 58, 59, 60, 62, 64, 65, 66, 67, 69, 70, 71, 72, 97, 99, 102, 103 bas, 104, 106, 107, 108 bas, 111, 116, 126, 128, 131, 134, 136, 137, 164, 166, 167, 178, 182, 184, 187, 190, 191, 199, 204, 208, 209, 211), ITC Entertainment (pages 82, 83), Neville Smith (pages 108 haut, 143). © Éditions Payot & Rivages, 1994 106, bd Saint-Germain 75006 PARIS ISBN: 2 - 86930 - 844 - 2 ISSN: 0298 - 0088 A Joëlle Pour leur aide et leur collaboration, je tiens à remercier les personnes suivantes: Neville Smith, romancier, scénariste, acteur et musicien ; Hanif Kureishi, qui m'a autorisée à reproduire son «Intro- duction à My Beautiful Laundrette » ; Christian Bourgois, qui m'a autorisée à reproduire le texte de Hanif Kureishi dans sa traduction française; Patrick O'Byrne, sans qui ce livre n'aurait pas pu être écrit; Reinbert Tabbert; Michael Dwyer, critique de cinéma, The Irish Times ; Michel Ciment ; Hubert Niogret ; Jon Keeble (ITC), qui a organisé pour moi une projection de Bloody Kids ; Maria Stuff, independent film resear- cher, Londres ; Kathleen Norrie ; Maeve Murphy ; Kate Lenehan; Jacques Bover; et Neville Smith, qui a bien voulu me prêter les photos prises par lui. Je tiens également à remercier le personnel de BBC TV, notamment Vanessa Lambert, et tous mes correspondants à London Weekend Television, Thames International, ITV, Channel 4 et Central TV pour la courtoisie de leur collaboration. Et surtout : Albertine Una et Gilberte Niamh. Les chapitres sur Héros malgré lui et sur The Snapper sont des versions légèrement modifiées d'ar- ticles parus dans la revue Positif en février et en novembre 1993, respectivement. AVANT-PROPOS En 1985, au Festival du film d'Edimbourg, une dramatique réalisée pour Channel 4 remporta un tel succès que ses produc- teurs décidèrent de la sortir en salles : My Beautiful Laundrette, trois mots qui, grâce à la réussite internationale du film, sont devenus indissociables des trois syllabes du nom du cinéaste, Stephen Frears. Le public fut séduit par l'audace et la fraîcheur d'une œuvre qui semblait aussi répondre à un besoin culturel profond. Pour son auteur, ce succès marqua un tournant décisif. Une nouvelle énergie et de nouveaux moyens allaient servir son talent, dans des productions de plus en plus ambitieuses. Étoile montante, il pouvait désormais compter sur la collaboration des stars. Daniel Day-Lewis avait incarné un des rôles principaux de My Beautiful Laundrette. Le jeu étincelant de John Malkovich, de Glenn Close, de Michelle Pfeiffer et d'Uma Thurman a grandement contribué à l'éclat des Liaisons dangereuses. Anjelica Huston et Annette Bening ont brillé dans Les Arnaqueurs. Inversement, pour The Snapper, produit par la BBC et accueilli avec enthousiasme des deux côtés de l'Atlantique, Frears a tra- vaillé avec une équipe de comédiens irlandais pour la plupart inconnus. A l'éventail des genres pratiqués par Stephen Frears, films criminels, portraits de société et comédies, correspond une tona- lité riche, où l'humour est entremêlé au sens de la fatalité. Quels liens pourrait-il y avoir entre le triptyque sur l'Angleterre, embrassant la génération qui va des années cinquante jusqu'aux années quatre-vingt, et une version cinématographique d'un des plus grands romans français du XVIII siècle ? Le cinéaste qui a récemment porté à l'écran le roman comique de l'auteur irlan- dais Roddy Doyle, lauréat du Booker Prize (le prix littéraire le plus prestigieux de l'Angleterre), est-il le même qui réalisa, il y a plus de vingt ans, un pastiche magistral du film criminel holly- woodien, Gumshoe ? Or, avant son entrée sur la scène internationale, Frears avait derrière lui une carrière impressionnante de réalisateur. Trente et un films, dont certains de long métrage, ont été tournés par lui pour les différentes chaînes de la télévision britannique. Parmi ses collaborateurs à cette époque, scénaristes, directeurs de la photographie et musiciens, on compte des professionnels de renom. Alan Bennett, Neville Smith, Tom Stoppard, Stephen Poliakoff, Christopher Hampton et David Hare, tous des auteurs connus, ont signé les scénarios de ses dramatiques. La qualité for- melle de l'œuvre de cette période est due aussi aux talents de Nat Crosby, de Brian Tufano, de Chris Menges et d'Oliver Stapleton. George Fenton a écrit la musique pour un nombre important de ces films. A l'instar de Ken Loach, de Peter Greenaway et de Mike Leigh, le cinéaste a été formé à l'école de la télévision anglaise, dont le monde entier peut envier l'excellence. Mais c'est au théâtre, et déjà dans le cinéma proprement dit, que Frears a fait son apprentissage. Dans les années soixante, il a travaillé pour le Royal Court Theatre, notamment avec Lindsay Anderson, dont la personnalité brillante avait attiré le jeune diplômé de Cambridge. Grâce à Anderson, Frears a fait la connaissance de Karel Reisz qui lui a demandé de collaborer à son film Morgan : A Suitable Case for Treatment en 1966. L'année d'après, le grand acteur Albert Finney, qui réalisait son propre film Charlie Bubbles, l'a embauché comme assistant. Sa troisième expérience, avec Anderson, sur le plateau d'If... (1968), marqua la fin de cet apprentissage. Par conséquent, deux questions peuvent être posées. Premièrement, comment Stephen Frears se situe-t-il à l'égard de la « tradition » cinématographique de la Grande-Bretagne? Ensuite, y a-t-il une réelle parenté entre son œuvre télévisée (peu connue des cinéphiles) et les longs métrages vus aujourd'hui dans le monde entier ? Pour ce qui est de l'appartenance à une tradition - si tant est qu'elle existe -, la réponse semble, au premier abord, relativement claire. Frears, pour qui Lindsay Anderson, Karel Reisz et Ken Loach ont tous été, à leur façon, comme il le dit lui-même, des « figures de père », s'identifie peu, que ce soit par son œuvre ou par son discours, au cinéma « britannique ». Tout en reconnais- sant l'importance du « Free Cinema » et des mouvements socio-réalistes, ainsi que l'influence du film documentaire, par exemple, Frears considère que le cinéma anglais d'après les années soixante n'a pas été particulièrement fertile ni novateur. Ses films ne s'insèrent pas non plus dans la lignée des comédies et des satires des époques précédentes. Ses maîtres sont les grands praticiens du cinéma narratif américain : Ford, Hawks, Welles et Rossen sont parmi ses metteurs en scène préférés. A cet égard, son premier long métrage, et un de ses tout premiers films, Gumshoe, réalisé en 1971, n'est rien de moins que son manifeste. Le parallèle s'impose entre ce qui était autrefois la formation d'un réalisateur dans le système des studios à Hollywood et l'ex- périence de metteur en scène de Frears pour les studios de télévision. De 1975 à 1982, son rythme de production était de trois films par an : aucune appréciation de son art ne peut se dispenser d'une connaissance de ce travail. Nous partageons ici le point de vue de Stéphane Brisset : « L'œuvre de Frears, que l'on doit consi- dérer globalement, nous apparaît d'une continuité et d'une concision thématique sans faille.» Malheureusement, l'œuvre télévisuelle de Frears n'est que très partiellement accessible. Nous n'avons pu nous-même la consulter dans sa totalité (vingt-deux films sur trente et un). Certains films sont commercialisés sous forme de vidéocassettes. En 1988, quatre téléfilms ont été pré- sentés au festival de La Rochelle. Deux productions majeures, Bloody Kids et Loving Walter, ont été diffusées à la télévision alle- mande. Au printemps de 1994, lors d'un hommage rendu à Frears par la BAFTA, une sélection de ses dramatiques a été diffusée par Channel 4. Enfin, ses films réalisés dans le cadre des Comic Strip Productions sont aussi disponibles en cassettes. Saigon, Year of the Cat, tourné pour Thames TV et sorti en salles en 1983, est dis- tribué en vidéo depuis juin 1994. Pour Frears, la distinction entre téléfilm et film de cinéma n'a plus cours. Le réalisateur fait remarquer que My Beautiful Laundrette, qui « n'appartenait à aucun genre préexistant, et qui avait été, à l'origine, destiné au petit écran, a eu moins de succès à la télévision que dans les salles ». The Snapper, sélectionné pour ouvrir la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en 1993, a été cou- ronné meilleure comédie télévisée de l'année lors d'une cérémonie qui s'est déroulée en décembre 1993 dans l'immeuble de London Weekend Television. Mais le film remplissait déjà les salles ; et il était disponible en cassettes avant le nouvel an. Chez Frears, la coexistence d'un désir d'indépendance et du souci de plaire paraît primordiale. C'est dans ce sens qu'on peut comprendre son admiration pour quelqu'un comme Derek Jarman, par exemple, dont le cinéma a pourtant peu en commun avec le sien. Car malgré son individualisme, Frears se considère comme un cinéaste grand public, mainstream. L'œuvre manifeste sans nul doute une sensibilité iconoclaste; mais Frears ne la reconnaît pas comme « à thèse », et il va jusqu'à récuser l'appel- lation d'« auteur ».

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