Formation Des Choses Et Des Gens Fondée Sur L’Héritage

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LA BELGIQUE ET SES DÉMONS Luc Beyer de Ryke LA BELGIQUE ET SES DÉMONS Mythes fondateurs et destructeurs édition mols François-Xavier de Guibert Ces pages ne sont pas disponibles à la pré- visualisation. de Versailles. Jusqu’en 1925, ils dépendirent du Ministère des Colonies tout comme le Ruanda-Urundi. C’est le lieutenant- général Baltia qui en exerça la tutelle militaire. Il y eut un plébiscite censé consulter les populations. Rares furent ceux qui osèrent se prononcer en faveur de l’Allemagne. 271 électeurs contre 33 726 le firent. En Belgique, seul le P.O.B. (Parti ouvrier belge) marque ses réserves et même son hostilité. Les grandes voix du socialisme belge, celle d’Émile Vandervelde, familièrement appelé par les siens le « Patron », celle de Louis De Brouckère se firent entendre. Après l’adhésion forcée apportée par le plébiscite, Louis De Brouckère dit ne pas voir « l’intérêt véritable de [son] pays de créer une petite Alsace à sa frontière ». Entre les deux guerres, l’irrédentisme pro-allemand fut important. Ainsi, lors des élections de 1936, le Heimattreue Front (le Front patriotique) prôna le vote blanc. Il fut majoritaire. Sans compter que les rexistes d’un Léon Degrelle, dont la collaboration avec le Reich se profilait, obtenaient plus de 26 % des suffrages. Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclata, les cantons redevinrent allemands. D’autorité. Là, comme en Alsace, il y eut les « malgré nous ». Sur 8 000 hommes enrôlés, 3 400 ne revinrent pas. Ici aussi l’épuration eut la main dure. On soupçonna et accusa de collaboration un quart de la population. La moyenne nationale, elle, n’était que de 4,15 %. Les cantons redevenus belges acquirent une autonomie en 1963 dans le cadre des lois de régionalisation. Et l’on peut dire qu’ils s’en portent bien. Au point que dans le processus de dislocation du pays, ils se montrent les plus pondérés des Belges. Avec un sourire, nous dirons même qu’ils s’affichent plus belges que les autres… Ce qui n’empêche que, si le pays achève de « s’évaporer », la question de regroupements se posera. On pourrait assister à une ébauche de reconstruction de la Lotharingie. Déjà sous les auspices de la Commission européenne, existe ce qu’on nomme « la Grande Région d’Europe ». On peut y voir les fondements, qu’on se réjouisse ou non, d’une future Europe des régions. Le prologue pourrait s’inscrire dans une déclaration des chanoines du chapitre de la cathédrale de Liège au Xe siècle : « La Gaule nous compte parmi ses habitant les plus proches. Quant à nous, nous ne sommes ni de l’une ni de l’autre mais nous sommes à la fois l’une et l’autre. » Le 14 juin 1985 marquera la signature des accords de Schengen. Ils ont pour objectif de mettre en œuvre la libre circulation des marchandises et des personnes. Schengen se situe au Grand-Duché, à la jonction des trois frontières allemande, française et luxembourgeoise. Depuis, la coopération n’a cessé de se renforcer. Elle a pris un nom plus proche d’une marque de lessive que d’un rêve européen, « Saar-Lor-Lux ». Mais l’emballage recouvre de vastes projets et déjà des réalisations importantes. Qu’il s’agisse d’économie, de liaisons ferroviaires, de télécommunications, de transferts technologiques, de tourisme, la « Grande Région » est devenue réalité. Elle connaît ses « sommets ». Ils réunissent les autorités régionales, premier ministre luxembourgeois, présidents des conseils régionaux ou généraux de Lorraine et de Moselle, ministre-président de la Région wallonne et de la Communauté germanophone de Belgique. Les voilà, les nouveaux « Lotharingiens ». Pas exactement comme l’eut imaginé et souhaité Pierre Nothomb. Chez lui, le verbe prend son envol. Il se pare, se drape de lyrisme. Il chevauche les nuées et s’accorde un destin. Les chiffres et les lettres ? Les lettres au poète. Les chiffres aux politiques et aux économistes, aux techniciens et aux banquiers. La Grande Région d’Europe leur appartient. Pierre Nothomb, lui, repose sous les ombrages du Pont d’Oye. Lorsqu’au crépuscule les brumes s’étirent sur l’étang et enveloppent la tombe, on pourrait deviner la silhouette du Prince d’Olzheim sorti de l’imaginaire barrésien du poète… Godefroi de Bouillon, l’improbable héros Nous n’avons pas terminé avec la Lotharingie. Mais nous laisserons le monde contemporain et l’Europe en gestation pour un Moyen Âge où se confondent l’histoire et la légende. C’est un duc de Basse-Lotharingie qui est l’improbable héros de cette histoire. Qu’il fût duc de Basse-Lotharingie, en vertu de la volonté de l’empereur du Saint Empire romain germanique Henri IV, sera moins retenu que son titre d’avoué du Saint-Sépulcre. « Que le héros se montre ! » proclame le ministre de l’Intérieur belge Charles Rogier, place Royale à Bruxelles, dans l’après-midi du 15 août 1848. Et le voile qui recouvre l’imposante statue de bronze s’abat. Brandissant sa bannière, le bras tendu, le chef couronné bien qu’il eût refusé de ceindre la couronne de roi de Jérusalem, Godefroi de Bouillon, statufié, entrait dans le « Panthéon national ». Le méritait-il ? Le premier titre est la naissance. Malchance, le lieu est sujet à caution. Les uns le voient naître à Boulogne-sur-Mer. Châteaubriand en était. Dans ses Carnets de voyage, il s’émeut d’avoir été fait chevalier du Saint-Sépulcre : « Cette cérémonie Ces pages ne sont pas disponibles à la pré- visualisation. Flamands, rien. ») D’autres noms viennent enrichir le florilège du nationalisme flamand. Filip De Pillecyn, un écrivain, et Hendrik Borginon rédigent le Manifeste du frontisme. De plus en plus de soldats désertent. Au conseil des ministres, on en appelle à la fermeté. Même le socialiste Émile Vandervelde prône l’exécution de mesures disciplinaires. Y compris la peine de mort. Cyriel Verschaeve est poète. Il chante les morts. Les morts pour la Flandre : Hier liggen hun lÿken als zaden in het zand, hoop op den oogst O Vaderland. (« Ici gisent leurs corps comme des graines dans le sable, espoir de la récolte O Flandre. ») Verschaeve écrit un catéchisme du mouvement flamand. Entre frontistes et activistes, il y a l’Yser… mais un même sentiment les unit. Il se traduit par un slogan et un sigle : Alles voor Vlaanderen, Vlaanderen voor Kristus. (« Tout pour la Flandre, la Flandre pour le Christ. ») Flamingantisme, pierre d’angle de la germanité Au lendemain de la guerre est érigée dans la plaine de Dixmude une tour, la Tour de l’Yser, Yzertoren. Elle n’est inaugurée qu’en 1930. Au premier degré, on pourrait rapprocher l’intention des bâtisseurs du lyrisme d’Aristide Briand et de son illusion pacifiste : « Arrière les canons, arrière les mitrailleuses ! » Plus jamais de guerre proclament les inspirateurs. Mais ils ajoutent : « Gouvernement autonome et paix de Dieu. » Ils s’inscrivent dans le dessein et le destin d’une Flandre indépendante et catholique. Autour de la tour se constitue un comité investi de l’organisation annuelle d’un pèlerinage, l’Yzerbedevaart. Il va devenir le haut-lieu des exigences nationalistes d’une partie de la Flandre. Tout un pan du clergé s’y associe. Pas seulement des vicaires radicaux, tel Cyriel Verschaeve. Le haut clergé est sans doute plus réservé, attaché à la monarchie. Même s’il n’est plus, en Flandre, comme au XIXe siècle, composé de prélats francophones. Entre les deux guerres, le mouvement flamand grandit, s’affirme. Un parti, le V.N.V. (Vlaams Nationaal Verbond), acquiert de l’influence. La toile de fond est, selon la formule heureuse de Pol Vandromme, « l’Europe en chemise ». Partout, « le fascisme immense et rouge conquiert la jeunesse et fait arriver au pouvoir ceux qui la manipulent ». La guerre va ravager la Belgique. Non seulement les biens et les personnes, mais également les âmes et les esprits. La Flamenpolitik va être poursuivie efficacement. Hitler se coiffera du casque de Guillaume II et chaussera ses bottes. Il renverra les soldats flamands dans leurs foyers et gardera, toute la durée de la guerre, les Wallons. Du côté flamand, l’occupant avivera les tentations auto-nomistes. Dans les réseaux tissés par l’occupant, la collaboration militaire occupera une place importante. À des degrés divers. Les bidasses de la collaboration furent les gardes de fabriques (Fabriekswacht). Ce sont des auxiliaires déchargeant la Wehrmacht de l’intendance. Il y a aussi des organisations paramilitaires rattachées aux partis politiques de l’Ordre Nouveau. Celles-là ne sont pas sous les ordres directs des Allemands. Mais surtout à l’Est, il y a la SS-Freiwilligen Sturmbrigade Langemarck. Beaucoup de Flamands y sont arrivés recrutés par le V.N.V. D’autres par De Vlag. Le V.N.V. est allié des Allemands par nationalisme flamand. Il espère que la victoire du Reich réservera à la Flandre une indépendance et une structure d’état. Beaucoup plus minoritaire dans la constellation collaborationniste est De Vlag. Le mouvement est résolument national-socialiste. Un éclairage particulièrement intéressant a été donné par André Leysen, dans ses mémoires parus en 1995. L’homme n’était pas n’importe qui. Président d’Agfa-Gevaert et de la société éditrice du Standaard, un des principaux titres de la presse flamande, André Leysen devint également le patron des patrons, soit l’équivalent en France du Medef. Cinquante ans après la guerre, dans un livre intitulé Derrière le miroir, il raconte sa jeunesse anversoise, flamande et nazie. « Après la fusion de la Jeunesse hitlérienne et de la Jeunesse flamande, je devins dirigeant dans le mouvement. » À 17 ans, on lui confie la fonction et le grade de Gefolgschafts-führer, c’est-à-dire la responsabilité de cent cinquante jeunes.

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