Le grand critique Antonio Candido raconte une anecdote significative de ses années universitaires, celle d’un examen oral administré par le grand géogra- phe Pierre Monbeig, alors enseignant à l’université de São Paulo. Celui-ci lui pose la question suivante : « Comment s’appelle le petit vent qui souffle sur le littoral au sud de São Paulo ? » Aucune réponse. « Regardez par la fenêtre et dites-moi à quel système hydrographique appartient la colline que vous voyez là. » Devant le silence de son étudiant, Monbeig lui demanda de parler du Massif Central. L’étudiant fournit alors des explications détaillées. Monbeig le fixa, puis déclara : « N’avez-vous pas honte de connaître si bien des choses qui ne vous serviront à rien et d’ignorer à ce point votre pays ? » Cette anecdote pourrait résumer un des rôles éminents reconnus à la France, celui d’attirer les intellectuels brésiliens vers le Brésil. C’est ce rôle en effet que les intellectuels brésiliens se sont plu et se plaisent encore à reconnaître à la France. Pour mesurer l’importance de ces regards croisés, rien de mieux que de par- courir la grande bibliothèque de ces échanges du xvie siècle jusqu’à nos jours. Il faut savoir gré à l’Adpf d’avoir saisi l’occasion de « Brésil, Brésils », année du Brésil en France, pour rappeler cette proximité intellectuelle, cette latinité commune qui continue chaque jour de s’enrichir de nouveaux chapitres. Jean Gautier André Midani Président du Commissariat français Commissaire général brésilien de l’année du Brésil en France de l’année du Brésil en France Traduit en portugais (Brésil) par Amilcar Bettega Ministère des A{aires étrangères « Brésil, Brésils » : l’Année du Brésil en France Direction générale de la Coopération internationale (mars–décembre 2005) est organisée : et du Développement Direction de la Coopération culturelle et du Français Au Brésil : Division de l’Écrit et des Médiathèques par le Commissariat général brésilien, le ministère de la Culture et le ministère des Relations extérieures. En France : isbn 2-914935-60-9 par le Commissariat général français, le ministère des Affaires étrangères, le ministère de la Culture adpf association pour la di{usion de la pensée française • et de la Communication et l’Association française 6, rue Ferrus 75683 Paris cedex 14 d’action artistique. © octobre 2005 adpf ministère des A{aires étrangères • O grande crítico Antonio Candido costuma contar uma anedota que é signifi- cativa de seu período universitário: a de um exame oral conduzido pelo grande geógrafo Pierre Monbeig, então professor na Universidade de São Paulo. Este lhe faz a seguinte pergunta: “Como se chama a brisa que sopra no litoral ao sul de São Paulo?”. Nenhuma resposta. “Olhe pela janela e diga-me a qual sistema hidrográfico pertence aquela colina que você vê logo ali”. Diante do silêncio do seu aluno, Monbeig pede para ele falar sobre o Maciço Central. O aluno fornece, então, explicações detalhadas. Monbeig o encarou, e em se- guida disse: “Você não tem vergonha de conhecer assim tão bem coisas que não lhe servirão para nada e de ignorar tanto o seu país?”. Essa anedota poderia resumir um dos papéis eminentes atribuídos à França: o de chamar a atenção dos intelectuais brasileiros para o Brasil. É esse papel, de fato, que os intelectuais brasileiros sempre gostaram e ainda gostam de re- conhecer à França. Para medir a importância desses olhares cruzados, nada melhor do que per- correr a grande biblioteca dessas trocas, do século xvi até hoje. É necessário agradecer a Adpf por ter aproveitado a ocasião do « Brasil, Brasis », o Ano do Brasil na França para lembrar essa proximidade intelectual, essa latinidade comum que continua, todos os dias, a se enriquecer com novos capítulos. Jean Gautier André Midani Presidente do Comissariado francês Comissário geral brasileiro para o ano do Brasil na França do ano do Brasil na França 5 8 32 66 132 182 194 Le Brésil par la voie des livres Michel Riaudel ’Année du Brésil en France a fourni à maintes reprises l’occa- sion de rappeler la longue et riche histoire qui relie la France Laux terres brésiliennes, histoire qui se noue dès le xvie siècle, dans des rapports féconds où le livre a déjà sa place : André Thevet, et plus encore Jean de Léry et Michel de Montaigne… Elle sera relancée à partir du XIXe siècle, pour ne cesser jusqu’à nos jours de s’intensifier, s’approfondir, s’équilibrer. Le lieu n’est pas ici de réécrire l’histoire détaillée de ces liens, mais de suggérer qu’une telle bibliographie du Brésil en langue française n’est pas seulement un catalogue de titres. Qu’elle est cela, bien sûr, et un peu autre chose, si l’on veut bien mettre sa consultation en perspective. Essayons ici d’en ouvrir les usages. Un guide pratique La première vocation de cette publication, dont l’initiative et le méri- te reviennent à l’Association pour la diffusion de la pensée française, est d’être un outil, pour les bibliothécaires, les documentalistes, les chercheurs, les curieux, lecteurs et acteurs intéressés à titres divers par le Brésil des livres… En tant que « guide », ce volume assume son caractère sélectif, retenant les références que ses divers auteurs ont jugées les plus significatives, écartant certains doublons, renonçant à l’exhaustivité. Avoir pu choisir ainsi dans un ensemble vaste est en soi un signe de vitalité éditoriale. Toutefois, loin d’adopter un parti pris restrictif, cette sélection répertorie au total plusieurs centaines, près du millier d’ouvrages, livres, compact-disques et films confon- dus – puisqu’il était légitime qu’une telle entreprise inclue l’excep- tionnelle production musicale et cinématographique brésilienne. Le commentaire des auteurs, aussi précis que possible et recadré par les introductions intermédiaires, aidera le néophyte à cerner le contenu de chaque référence et à fournir quelques repères aidant à la situer. Pratique, le catalogue fournit les informations techniques élémen- taires indispensables, limitant son recensement à ce qui est actuelle- ment disponible. Nous n’avons ainsi renvoyé qu’à l’ultime édition, dans le cas d’ouvrages plusieurs fois réédités ou passés d’une collec- tion à une autre. Une entorse à la règle de la disponibilité a été faite pour quelques rares références majeures, dont la consultation sur le 9 sujet est apparue incontournable. Pour le reste, c’est souvent à regret 89 du domaine germanique, 58 de l’espagnol, 14 pour le portugais. qu’il a fallu renoncer à signaler telle traduction, telle recherche, dont En outre, sur le terrain des chiffres, il faudrait pouvoir comptabiliser la mention n’aurait, de toute façon, débouché que sur une autre frus- les tirages, les ventes, autrement dit savoir dans quelle mesure le livre tration, celle, pour nos lecteurs, de ne pouvoir se procurer l’ouvrage. « brésilien », traduit du Brésil ou lui étant consacré, trouve un public. Il existe pour ces « oubliés » de l’édition d’autres outils, comme le ré- Et relativiser encore en rappelant que le système français de l’office pertoire des Ouvrages brésiliens traduits en France, régulièrement actua- encourage en amont l’inflation de titres, sans garantir à l’arrivée un lisé par Estela dos Santos Abreu, ou les catalogues des bibliothèques seuil viable de lecteurs pour les nouveautés mises en place. spécialisées. En fait, l’ordre quantifiable ne permet de décrire que très partiel- Au bout du compte, c’est une sorte d’état présent des lieux qui se lement la situation. Il donne l’illusion d’absolus quand l’image saisie dessine. Non pas restitution objective d’une réalité extérieure : celle n’est le plus souvent que relative. Il dit un peu du comment, rien du du Brésil, de la situation de sa littérature, de sa recherche ou de la pourquoi. Aussi son éclairage ne peut-il suffire, pas plus qu’une ap- recherche française qui lui est consacrée, des études brésiliennes…, proche trop bipolaire, manichéenne ou positiviste, dans laquelle la mais image engagée des regards qu’elle engage. À ce titre, elle mérite qu’on formulation de la question finit par voiler une partie de l’objet qu’elle prenne le temps de s’y arrêter, de la commenter et d’en tirer, le cas prétend atteindre. Ainsi, se demander si le portrait du Brésil qui se échéant, quelques leçons. dégage de l’édition en langue française est fidèle à l’original suppose qu’on parte d’une réalité donnée, objective, mesurable, qu’auraient à Des chiffres charge d’exprimer le livre, le cinéma, le disque, les moyens d’informa- tions… C’est occulter un jeu complexe de valeurs et de désirs pesant Quelles (bonnes) questions poser à ce catalogue ? Les premières vien- autant sur le choix de l’image « source » que sur celle obtenue au final. nent en vrac à l’esprit : l’édition en langue française sur le Brésil se C’est oublier que tout média construit la réalité dans le même temps porte-t-elle bien ? Rend-elle fidèlement compte de la diversité, de la qu’il la restitue, mieux : qu’il en est lui-même une des composantes. réalité brésilienne ? Permet-elle de sortir des clichés qui seraient le lot Au Brésil vécu, voire aux « Brésils » – le pluriel choisi par les commis- de la presse, de l’audiovisuel, des gens mal informés ou trop pressés ? saires de l’Année du Brésil dit autant la richesse que la prudence –, Le Brésil peut-il s’estimer bien représenté dans l’édition française ? s’ajoutent la conscience que la nation a d’elle-même, ses stratégies Ces interrogations sont fondées, légitimes, même si leur formulation d’images (la séduction de la différence ? l’efficacité du moderne ?), peut être discutée.
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