Revue D'histoire Des Chemins De Fer, 35

Revue D'histoire Des Chemins De Fer, 35

Revue d’histoire des chemins de fer 35 | 2006 Les chemins de fer. De l’histoire diplomatique à l’histoire de l’art Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/rhcf/413 DOI : 10.4000/rhcf.413 Éditeur Association pour l’histoire des chemins de fer Édition imprimée Date de publication : 1 novembre 2006 ISSN : 0996-9403 Référence électronique Revue d’histoire des chemins de fer, 35 | 2006, « Les chemins de fer. De l’histoire diplomatique à l’histoire de l’art » [En ligne], mis en ligne le , consulté le 29 mars 2020. URL : http:// journals.openedition.org/rhcf/413 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rhcf.413 Ce document a été généré automatiquement le 29 mars 2020. Tous droits réservés 1 Cette livraison de la RHCF invite le lecteur à un parcours thématique à travers les disciplines et les domaines de l’histoire : les articles réunis ici nous emmènent « de l’histoire diplomatique à l’histoire de l’art » en passant par l’histoire de l’aménagement du territoire, l’histoire urbaine et militaire, l’histoire des techniques et de l’électricité, celle des entreprises et de la première occupation, l’histoire des mœurs, de la culture, du sport, de la communication et de la publicité, pour nous ramener aux sources et à leur préservation : ce n’est pas pour nous distraire, ou nous engager à nous complaire dans la variété des paysages que permet de découvrir le chemin de fer en cent soixante-dix ans d’histoire. Le panorama se révèle ici système, c’est un réseau de fls et d’images qui démontrent, au-delà de la richesse du thème ferroviaire, son caractère dynamique et la cohérence de ses articulations. Enfin, à l’heure où l’AHICF s’apprête à célébrer son vingtième anniversaire on voit comment tel article se réclame explicitement d’une étude antérieurement publiée par la revue, comment d’autres sont issus de travaux universitaires soutenus par l’association, d’une conférence donnée à ses membres ou de rencontres permises par des colloques en France ou à l’étranger. Un réseau de partenaires s’est constitué et ces études inédites sont le fruit de leur dialogue. Revue d’histoire des chemins de fer, 35 | 2006 2 SOMMAIRE L’établissement de la première voie ferrée entre l’Europe et la Turquie. Chemins de fer et diplomatie dans les Balkans Henry Jacolin Les chemins de fer et l’heure légale Lucien Baillaud « La civilisation suit la locomotive » : le credo ferroviaire de Paul Doumer, gouverneur général de l’Indochine (1897-1902) Amaury Lorin Une entreprise en territoire occupé : Arbel à Douai (1914-1919) Anne Callite L’électrification de la manutention dans les gares au XIXe siècle Aurélien Prévot La structuration de la desserte militaire sur le réseau PLM (1862-1936) Thomas Bourelly Le Train bleu : la couleur et le mouvement d’un voyage Rocío Robles Tardio Villégiature, loisirs sportifs et chemins de fer : L’image du sport dans les affiches ferroviaires (1919-1939) Jean-Yves Guillain Les archives des constructeurs de matériel roulant du Nord de la France Anne Callite Revue d’histoire des chemins de fer, 35 | 2006 3 L’établissement de la première voie ferrée entre l’Europe et la Turquie. Chemins de fer et diplomatie dans les Balkans Henry Jacolin 1 À la fin de la guerre de Crimée, l’Empire ottoman, qui occupe tous les Balkans à l’exception de la Serbie et du Monténégro, ne compte pas une seule ligne de chemin de fer (carte n° 1). Entre 1860 et 1874, il met péniblement en place un embryon de réseau. Mais il a fallu attendre pratiquement la fin du siècle, 1888, pour que soit mise en service la première voie ferrée directe entre l’Europe et la Turquie. La lenteur de la construction de cette liaison capitale tient à l’échec de toutes les tentatives entreprises jusqu’à 1878. Sa réalisation n’est due qu’à la décision des grandes puissances, réunies en congrès à Berlin en 1878, d’achever ce projet au plus vite. Revue d’histoire des chemins de fer, 35 | 2006 4 Carte n°1 - 1860-1869 Dessin de Henry Jacolin De la guerre de Crimée au congrès de Berlin Les obstacles à la création de la liaison Europe-Turquie 2 Les tentatives entreprises pour établir une liaison ferrée entre l’Europe et la Turquie se sont heurtées jusqu’à 1878 à de nombreux obstacles. L’incapacité technique et financière de la Turquie 3 Pendant longtemps, l’Empire ottoman a été incapable de se passer du concours de l’étranger et « les finances turques ne pouvaient avancer les dépenses de la construction de voies ferrées », ce qui ne laissait à ce pays d’autre choix que « le recours au système des concessions »1. Les réticences de la Turquie à la construction de chemins de fer 4 Deux camps s’affrontaient en Turquie : le parti vieux turc « considérait l’introduction de chemins de fer dans la Turquie d’Europe comme un cheval de Troie, comme une voie ouverte aux idées et bientôt aux armées de l’Occident »2. Les militaires toutefois estimaient que des chemins de fer pouvaient être utiles pour acheminer des troupes plus rapidement afin de mater les rébellions dans les régions éloignées, mais à condition que ces voies ferrées ne soient pas reliées au réseau occidental. En fait, « tant que la Turquie eut à craindre la poussée moscovite, elle feignit de se prêter aux projets autrichiens visant à relier Vienne à Constantinople. Mais, après la paix de Paris concluant la guerre de Crimée, tranquille du côté de la Russie, la Porte écarta alors toutes les combinaisons destinées à réaliser ce désir »3. Revue d’histoire des chemins de fer, 35 | 2006 5 5 Dans le même temps, « la Turquie sentait qu’il lui fallait céder à l’insistance de la diplomatie européenne qui réclamait une voie d’accès vers le Bosphore »4, compte tenu du fait qu’il n’existait aucune communication entre l’Europe centrale et la capitale ottomane par chemin de fer et que « les deux seules routes accessibles au trafic d’orient étaient constituées par le Danube, avec le double obstacle des Portes de fer et des glaces en hiver, et par la mer, par Trieste, avec les longs détours que comporte une côte très découpée »5. « La Turquie observait avec une grande défiance ce jeu de la politique internationale. Aussi s’opposait-elle à tout ce qui pouvait contribuer au développement de la Serbie »6 émancipée en 1832 de son joug et qu’elle considérait comme le principal foyer d’agitation anti-turc dans les Balkans. « C’est d’abord pour cette raison qu’elle s’opposait à la construction de chemins de fer, couteau à double tranchant qui faciliterait le mouvement des troupes serbes vers la frontière turque et servirait à l’affranchissement du peuple chrétien7. » 6 La Turquie mettait en avant deux autres tracés : l’un par Vidin, Calafat et Orsova (sur le Danube à la frontière hongroise, mais où n’aboutissait encore aucune voie ferrée)(carte n° 1), l’autre par Mitrovica et Sarajevo en Bosnie-Herzégovine (pour que la liaison en question reste le plus longtemps possible sur le territoire de la Turquie) (carte n° 2). En fait, la Turquie n’était prête à donner son accord à une liaison à travers la Serbie qu’à la condition d’en avoir le contrôle8. Carte n° 2 - 1869 Dessin de Henry Jacolin Les ambitions des grandes puissances 7 La Grande-Bretagne « sut exploiter après la guerre de Crimée les résultats de la victoire commune en tirant parti de la clause du traité de Paris qui ouvrait et neutralisait les Bouches du Danube »9 pour capturer le trafic des Balkans. « Pour avoir soutenu la Porte pendant cette guerre, sa diplomatie était à même de dicter ses volontés à Revue d’histoire des chemins de fer, 35 | 2006 6 Constantinople10. » Le jeu de l’Angleterre a principalement consisté « à empêcher l’établissement d’une ligne directe de Vienne à Constantinople »11. Elle a ainsi proposé la construction de voies ferrées de pénétration dans la péninsule balkanique à partir de la Méditerranée (projet d’une voie ferrée Scutari-mer Noire)12, de la mer Égée (projet de construction d’un port à Salonique et de creusement du cours du Vardar) et de la mer Noire. 8 Les puissances germaniques avaient un objectif, le Drang nach Osten, la liaison Berlin- Vienne-Salonique-Constantinople-Bagdad, et une obsession, la Serbie, dont elles craignaient le nationalisme pan-slave, susceptible de déstabiliser la Double Monarchie et les Balkans. C’est la raison pour laquelle l’Autriche-Hongrie soutenait, elle aussi, les tracés alternatifs par Vidin et par la Bosnie-Herzégovine. Elle avait en effet des visées sur cette province turque extrême-occidentale, qui s’enfonçait comme un coin entre ses possessions de Croatie et de Dalmatie. Toutefois, les milieux d’affaires préconisaient le tracé par Belgrade, le plus direct, pour libérer le commerce des Balkans de l’influence britannique. Progressivement, en tout cas depuis le Compromis austro-hongrois de 1867, sont apparues des divergences entre l’Autriche et la Hongrie, la première soutenant le tracé par la Bosnie-Herzégovine, qui conduisait à Vienne, la seconde le tracé par la Serbie, qui conduisait à Budapest. 9 La Russie s’affirmait toujours comme la protectrice des peuples chrétiens des Balkans, mais la défaite de Crimée, qui avait provoqué une nouvelle délimitation des intérêts de Vienne et de Saint-Pétersbourg, limitait ses ambitions à une ligne située à la hauteur de Constantza. Les tergiversations de la Serbie 10 La Serbie qui demeurait, nominalement du moins, vassale de la Turquie, » était prise entre ses intérêts économiques et ses craintes stratégiques »13.

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