Géomorphologie : relief, processus, environnement, 2009, n° 1, p. ??? Estimate of aeolian dust thickness in Arabia Terra, Mars: Implications of a thick mantle (>20 m) for hydrogen detection Estimation des épaisseurs de poussières éoliennes dans la région d’Arabia Terra, Mars : conséquences d’une couverture épaisse (> 20 m) sur la détection d’hydrogène Nicolas Mangold*, Véronique Ansan*, Philippe Masson** and Cédric Vincendon** Abstract This study describes a method for estimating dust thickness on the surface of Mars using the distribution of small impact craters (< 1 km in diameter), obtained from high resolution Mars Orbiter Camera (MOC) images on the Mars Global Surveyor (MGS) space probe. The distribution of actual impact craters is different from the theoretical distribution of meteoritic impact flux due to the progressive bury- ing of impact craters by dust deposits. The rim height for the largest buried impact crater was found to provide an approximate minimum thickness for dust blanketing the surface. This method was applied to the region of Arabia Terra, found to be covered by a dust mantle with a minimum thickness of 20 meters. The presented results indicate that Arabia Terra was a regional sink for dust during most of the Amazonian epoch (> 3 Ga). Results also suggest that hydrogen, detected by the Neutron Spectrometer within this region in the top meter, is present in the dust and not in the underlying bedrock. Keywords: Mars, eolian, dust, neutron. Résumé Notre étude présente une méthode d’estimation de l’épaisseur de poussière à la surface de Mars en utilisant les petits cratères d’im- pact (< 1 km de diamètre) observés à haute résolution avec l’imagerie de l’instrument Mars Observer Camera de la sonde Mars Global Surveyor. La distribution des petits cratères est différente de celle prédite par le flux météoritique car les cratères sont progressivement recouverts de dépôts éoliens. La hauteur des remparts des plus gros cratères non enfouis permet d’obtenir une estimation approxima- tive de l’épaisseur de ces dépôts éoliens. Cette méthode est appliquée à la région d’Arabia Terra. Les résultats montrent une couverture de poussière d’environ 20 m au minimum. Ceci indique que cette région est une zone de dépôt durant la période Amazonienne (<3 Ga). Notre étude suggère également que l’hydrogène, qui est détecté par le spectromètre Neutron de Mars Odyssey dans cette région, se localise dans les dépôts éoliens et non pas dans le socle sous-jacent. Mot clés : Mars, éolien, loess, neutron. Version française abrégée recouvert de vastes zones pendant les périodes glaciaires sur Terre. Ces poussières progressivement indurées forment La planète Mars est le lieu d’une forte activité éolienne en une couverture sédimentaire plus ou moins épaisse selon les milieu périglaciaire. L’activité éolienne la plus fréquente endroits. Des estimations d’épaisseurs métriques ont été ef- correspond à des tempêtes de poussières, un phénomène fectuées à la suite des observations des sondes Viking (Ar- connu depuis les observations astronomiques effectuées de- vidson et al., 1989 ; Greeley et al., 1992). puis la Terre. Ces tempêtes affectent parfois toute la planè- Le dépôt progressif de poussières provoque l’effacement te en modifiant et homogénéisant son albedo. Cette activité des petits cratères d’impact qui criblent la surface de la pla- a pour conséquence la retombée de poussières sur toute la nète. Des surfaces apparemment très anciennes, car cou- planète en plus ou moins grande quantité, et, notamment vertes de cratères importants (>20 km) et nombreux sur les son accumulation dans des régions dépourvues de déflation images à basse résolution, peuvent ne présenter, à haute ré- éolienne efficace. On peut assimiler ce dépôt au loess ayant solution, que quelques petits cratères en raison de ce re-sur- * LPGN, UMR6112 CNRS et université de Nantes, 2, rue de la Houssinière, 44322 NANTES. Courriel : [email protected] ** IDES, UMR8148 CNRS et université Paris Sud, Bat 509, 91405 Orsay, France Nicolas Mangold, Véronique Ansan, Philippe Masson et Cédric Vincendon façage progressif. Ce processus peut empêcher une datation re. Or, des lois empiriques permettent de déterminer cette précise de ces terrains ainsi que l’étude de la surface ro- hauteur. Nous en déduisons pour cette image qu’une épais- cheuse proprement dite, entièrement voilée par la couvertu- seur minimale de 26 m recouvre le socle rocheux, expliquant re éolienne. L’exemple de la figure 1 montre une surface très l’oblitération progressive des petits cratères. L’absence de lisse caractéristique d’un recouvrement éolien continu. Les données autour du diamètre d’un kilomètre résulte d’un saut cratères sont frais pour les plus petits (f) et donc très ré- d’échelle fréquent dans les données. Les récentes images à cents, et on observe une dégradation graduelle, qui aug- moyenne résolution acquises par HRSC de Mars Express et mente pour les cratères (ld), puis (sd) jusqu’au cratère (g) THEMIS de Mars Odyssey permettent progressivement de qui est quasiment comblé en totalité. Cependant, nous pou- combler cette lacune. vons tirer parti de cette dégradation et de cet effacement En généralisant cette méthode à toutes les images étu- progressif des petits cratères pour estimer l’épaisseur de la diées, on peut réaliser une carte de distribution de cette couverture éolienne. En effet, les cratères d’impact suivent épaisseur sur toute la zone d’Arabia Terra (fig. 5). Bien que des lois bien établies quant à leur taille (paramètres de l’on observe localement des variations importantes d’une forme bien connus) et à la distribution de leur taille (aug- image à l’autre, la carte d’interpolation des épaisseurs de mentation du nombre de petits cratères suivant une loi de terrain suggère un recouvrement très épais à proximité du puissance), qui permet de donner l’âge d’une surface. Nous cratère Cassini, atteignant 80 m, ainsi qu’un recouvrement renvoyons aux publications de Hartmann (1999) pour une moyen des surfaces de l’ordre de 50 m. Ces épaisseurs res- explication détaillée du calcul de ces distributions et des tent des ordres de grandeur. Des études plus détaillées isochrones. fondées sur les images les plus récentes permettront d’ap- La méthode de datation par les cratères d’impact utilise pliquer cette méthode de manière plus précise. Les résultats des isochrones dont les pentes correspondent à l’augmenta- montrent d’ores et déjà que les terrains représentant des tion du nombre de météores dans l’espace en fonction de la puits de poussières atmosphériques sont très épais, relative- décroissance de leur taille. La distribution en diamètre des ment aux méthodes spectrales qui ne peuvent sonder impacts d’un terrain d’âge homogène suivra un des iso- au-delà de quelques centimètres de profondeur. Cette chrones (fig. 2) qui nous donnera un âge précis à un facteur méthode est applicable sur les planètes où les processus trois près (Hartmann, 1999). Si la distribution des cratères morphologiques s’effectuent à des vitesses de même ordre ne suit pas un isochrone, cela signifie qu’une modification que le criblage par les impacts météoritiques. Enfin, la est survenue postérieurement à la formation de la surface. région d’étude Arabia Terra a été analysée par le spectro- Cette modification a lieu soit à cause de l’érosion des ter- mètre neutron à bord de Mars Odyssey dont les données rains, qui oblitère progressivement des cratères, soit par suggèrent des proportions d’hydrogène non expliquées à ce l’intermédiaire d’un recouvrement sédimentaire ou volca- jour. En effet, des proportions équivalentes de 10-12 % nique qui ennoie les petits cratères. Dans les deux cas, ceux- maximum d’eau (en poids) sont mesurées (Feldman et al., ci sont les premiers à être effacés. On utilise la morphologie 2004), avec un maximum dans les zones équatoriales, et observée sur les images à haute résolution pour distinguer interprétées fréquemment comme la présence d’un socle un processus d’érosion ou au contraire de dépôt. Notre rocheux hydraté. La détection des neutrons se limite à une étude est consacrée à la région d’Arabia fréquemment dé- profondeur d’environ un mètre (par ex. Feldman et al., crite comme étant recouverte d’une couverture éolienne im- 2004). Nos résultats suggèrent donc que cet hydrogène se portante (Zimbelman et Greeley, 1982 ; McEwen et al., trouve dans le dépôt éolien, en relation avec la présence 1988 ; Edgett et Malin, 2000 ; Edgett, 2002). d’eau adsorbée ou de minéraux hydratés enfouis dans la Sur cette région, nous avons utilisé 94 images à haute ré- poussière. solution, et les images de contexte qui leur correspondent, pour déterminer la courbe de distribution des cratères d’im- Introduction pact. L’exemple en figure 2 est typique d’un résultat de la zone d’Arabia soumise à un recouvrement progressif de The surface of Mars is covered by aeolian dust that forms poussières. Les gros cratères, de plus d’1 km de diamètre, thick and widespread deposits that are consolidated over suggèrent que les terrains ont un âge supérieur à 3 Ga ; il time by weathering and diagenesis (Kahn et al., 1992; s’agit de l’âge du socle rocheux dont l’affleurement n’est Christensen et al., 1992). Dust on Mars is transported by pas visible sur l’image haute résolution. En effet, les cra- regional and/or global dust storms. The grain size of Martian tères de plusieurs kilomètres ne sont pas enfouis complète- dust, measured by photometric data, is less than 1 µ diame- ment sous la poussière. Les petits cratères, en revanche, se ter (Kahn et al., 1992). Therefore, dust on Mars is a very regroupent autour d’isochrones de quelques millions d’an- thin material, even thinner than the loess on Earth. At pre- nées seulement, mais surtout, leur distribution ne suit pas un sent, dust accumulates preferentially at the polar ice caps isochrone en totalité, montrant qu’il s’agit d’une surface en and at high elevations where saltation is reduced, likely for- évolution.