L'évolution Sémantique Des Prépositions Dans Les Langues

L'évolution Sémantique Des Prépositions Dans Les Langues

Espace et grammaticalisation - L'´evolution s´emantique des pr´epositions dans les langues romanes. Benjamin Fagard To cite this version: Benjamin Fagard. Espace et grammaticalisation - L'´evolution s´emantique des pr´epositions dans les langues romanes.. EUE - Editions Universitaires Europ´eennes,pp.442, 2010. <halshs- 00637449> HAL Id: halshs-00637449 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00637449 Submitted on 2 Nov 2011 HAL is a multi-disciplinary open access L'archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destin´eeau d´ep^otet `ala diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publi´esou non, lished or not. The documents may come from ´emanant des ´etablissements d'enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche fran¸caisou ´etrangers,des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou priv´es. Benjamin Fagard Espace et grammaticalisation – L’évolution sémantique des prépositions dans les langues romanes. EUE – 2010. à Marie. Les langues sont comme la mer, elles oscillent sans cesse. (…) C’est en vain que nos Josué littéraires crient à la langue de s’arrêter ; les langues ni le soleil ne s’arrêtent plus. Le jour où elles se fixent , c’est qu’elles meurent. Victor Hugo, préface de Cromwell , 1827. Remerciements Cet ouvrage est une version corrigée, remaniée et réactualisée de ma thèse. Je tiens à remercier tous ceux qui m’ont aidé durant les quelques années de travail dont ce livre représente l’aboutissement, et d’abord mes directeurs de thèse, Christiane Marchello- Nizia et Raffaele Simone, ainsi que les membres du Jury et rapporteurs : Walter De Mulder, Colette Grinevald, Edoardo Lombardi Vallauri, Alain Rouveret. Je voudrais également remercier tous les relecteurs ; bien entendu, s’il reste des incorrections, elles sont de mon fait : Gentil Puig i Moreno, Xavier Luna i Batlle, José Carlos de Hoyos, María Belén Villar, Fabio Zinelli, Maria de Lourdes Crispim mais aussi Jacotte, Remi, Eloïse et Mathilde, Alexandru, François, Sophie, Walter, Olivier, Bernard, Pierre, Anetta, Mélanie, Hana, Marta, Jean-Michel, Marie, Anna et Thierry. Je tiens également à remercier ici ceux qui ont eu leur part dans ma formation, et ont contribué à me donner le goût des langues et de la linguistique : mes parents avant tout, mais aussi Miss Thompson et Mesdames Kessler, Fruyt et Skoda, Monsieur de Lamberterie (et d’autres) pour le latin, le grec et un avant-goût de sanscrit ; Madame Thiollier-Méjean pour l’occitan médiéval; Bernard Victorri pour la sémantique ; Alain Rouveret et Liliane Tasmowski pour les langues romanes ; Maya Hickmann et Liliane Sprenger-Charolles pour la psycholinguistique ; Colette Grinevald pour la typologie ; Peter Balogh et Rita Gárdosi pour le hongrois ; mon oncle pour toutes les langues de Babel (gey zay a khokhem !) et enfin les membres du laboratoire Lattice pour la stimulation intellectuelle. Sommaire Introduction page 7 Chapitre 1 – Définition de la préposition, dans les langues du monde et page 17 dans les langues romanes Chapitre 2 – Questions de méthode – analyse(s) du sens page 135 Chapitre 3 – Primauté du spatial – illustrations et contre-exemples page 197 prépositionnels Chapitre 4 – Evolution sémantique de quelques prépositions éphémères, page 307 apparues et disparues entre l’ancien français et le français classique Chapitre 5 – Evolution sémantique des prépositions issues de post(-ea) , page 341 de l’ancien français au français moderne Chapitre 6 – Evolution sémantique des prépositions issues de versus , de page 361 l’ancien français au français moderne ainsi qu’en italien, catalan et occitan anciens et modernes Chapitre 7 – Bilan : L’évolution sémantique, règles et contraintes page 395 Bibliographie page 423 Table des matières page 441 5 6 Introduction 0.1 Sujet de l’ouvrage Notre question de départ est la suivante : l’évolution des langues est-elle partiellement ou complètement arbitraire, ou répond-elle au contraire à des contraintes spécifiques ? Ces contraintes sont-elles liées à un domaine de la langue en particulier, ou bien valent-elles pour tous les domaines de la langue – morphologie, syntaxe, sémantique, phonologie ? Nous partons ici du présupposé qu’il doit y avoir des contraintes, et qu’il faut avant tout déterminer leur importance, leur portée, la part d’arbitraire qu’elles laissent aux langues – part nécessairement importante –, et leur caractère universel ou non. Afin d’avoir des éléments de réponse à ces questions, nous avons décidé d’étudier un cas précis d’évolution linguistique : l’évolution sémantique des prépositions dans les langues romanes. Nous avons restreint notre champ de recherche à la sémantique, pour deux raisons : a) cet aspect, en diachronie, représente un domaine d’étude en pleine expansion – à la différence de la morphosyntaxe et de la phonétique, pour lesquelles il existe déjà, nous semble-t-il, de nombreuses études et des théories solides ; b) les études de typologie sémantique, qui permettent des observations très fines sur les mécanismes de l’évolution sémantique, ne pourraient, selon nous, que bénéficier d’un ‘complément diachronique’, dont ce travail se voudrait un élément. 1 C’est ce même intérêt pour les études en typologie sémantique, avec tous les problèmes qu’elles posent sur les rapports entre langue et cognition, qui explique le choix, à l’intérieur du domaine de la sémantique, de notre cadre de recherche : celui de la mise à l’épreuve de la théorie dite du ‘localisme’, qui est latente dans la plupart 1 Cette approche – même sans oublier tous les théoriciens de la sémantique et de son évolution, de Bréal à Wierzbicka ou Traugott & Dasher – a pour l’instant donné lieu à bien moins de publications que les domaines de la morphologie et de la syntaxe. Cela pourrait être lié entre autres à la difficulté particulière de la sémantique comme champ de recherche, reconnue par les sémanticiens eux-mêmes : « Non sono affatti pochi gli autori che, pur occupandosi di semantica, denunciano esplicitamente la difficoltà del loro studio, e riconoscono che la ricerca sul significato è sostanzialmente diversa dagli altri ambiti di indagine linguistica, fino a dar l’impressione di essere una sorta di ‘caccia a un fantasma’ » (Simone 1990 : 461). Cette difficulté s’explique en partie par le fait que le sémanticien « ha a che fare con un universo estremamente vasto, il lessico, che per sua stessa natura si sottrae alla stretta dell’analisi strutturale, e che è anche sul piano diacronico estremamente mutevole quanto a dimensioni ed a impianto » (Simone, 1972 : 133). des travaux de linguistique cognitive par exemple. Cette théorie est à nos yeux une des théories sémantiques les plus robustes, actuellement : l’idée que pour un grand nombre d’unités de la langue, il s’est passé une évolution sémantique partant de l’espace et ayant abouti à d’autres domaines sémantiques, par extension ou projection d’un axe spatial sur un axe différent (temporel, notionnel, etc.), avec pour aboutissement possible la création d’un nouveau lexème ou morphème grammatical. C’est une théorie ancienne, dont on trouve plusieurs expressions, plus ou moins radicales. Anderson (1971 : 6) considère que le premier a avoir proposé une théorie localiste claire des cas est Maxime Planude, grammairien byzantin (1260-1330). Nous adoptons pour notre part la formulation de Vandeloise (2006 : 152-3) : In keeping with localism , I believe that space, the host of our daily experience, is an important provider of logical impetus from which ideal models of language develop. (…) I believe that localism may be true and that space plays an important role in the evolution of ‘spatial prepositions’, as it does in the evolution of thought (Cassirer 1953). Le lien très clair avec l’ expérience nous ramène à une théorie proche du localisme, celle de l’ embodiment , qui remonte à Kant (1968 [1768]) et est elle aussi liée à la linguistique cognitive (Zlatev 2007). Cette double orientation de départ, essentiellement sémantique et diachronique , a guidé le choix du champ de recherche et du sujet de ce travail. Quant à la démarche, celle de l’étude sur corpus, elle est due principalement à un double constat : d’abord, la réflexion sur la démarche nommée ‘linguistique de corpus’ a d’ores et déjà atteint un stade de maturité qui en valide la portée (voir tout récemment Habert & Fuchs 2004, et le chapitre 6 du présent travail). Ensuite, les études typologiques sont faites principalement sur des langues sans tradition littéraire, ce qui nous a donné l’idée d’en proposer un contrepoint diachronique ; or ce contrepoint n’a de sens que s’il met à profit les textes disponibles – ce qui implique, de plus, de ne pas se limiter aux outils traditionnels de la philologie, à savoir l’étude des textes et leur comparaison, mais de leur allier une recherche statistique sur les textes. Il fallait donc travailler sur des langues à longue tradition écrite, afin d’avoir un contrepoint diachronique solide. Au sein de ces langues, nous avons choisi le groupe 8 Introduction des langues romanes, qui ont en outre un ancêtre ayant lui-même une longue tradition littéraire – le latin classique. On a, du latin aux langues romanes modernes, vingt-cinq siècles de tradition écrite, non totalement ininterrompue mais relativement continue. Le choix des prépositions comme objet d’étude s’explique en partie par notre crainte que l’étude de l’évolution sémantique ne soit perturbée par des facteurs liés aux locuteurs, et à l’emploi conscient de la langue : il fallait trouver une partie du discours que nous employons sans intervention majeure des facteurs informationnel et pragmatique (contrairement à l’ordre des mots par exemple), et où la syntaxe et le sens sont le moins possible sujets à variation en fonction de facteurs ‘subjectifs’, argumentatifs, etc. Il s’agissait donc de préférence d’un élément de la grammaire ; il fallait en même temps que ce soit un élément qui ait du sens : les prépositions combinent parfaitement ces deux caractéristiques, et ont l’intérêt supplémentaire de présenter de nombreux phénomènes de grammaticalisation.

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