Octave Mirbeau (1848(1848----1917)1917) L’imprécateur au cœur fidèle Il y a plusieurs années, des amis cultivés (tous mes amis sont cultivés !) m’ont fait découvrir la vie et l’œuvre de Mirbeau. J’ai lu avec grand plaisir ses romans et ses nouvelles, mais surtout sa biographie par Jean-François Nivet et Pierre Michel, qui m’a enthousiasmé. A mi-chemin du naturalisme et du post-romantisme d’un Barbey d’Aurévilly, Mirbeau fut-il un grand romancier ? Disons plutôt un bon romancier, ce qui n’est déjà pas mal. Mais il fut avant tout un grand journaliste, un polémiste et un pamphlétaire, un homme d’engagements et d’enthousiasmes. De 1880 à 1910, au centre de la vie intellectuelle de son temps, Mirbeau a mené tous les bons combats dans les domaines politique, littéraire et artistique. En littérature et en art, il fait preuve d’un goût très sûr. Ami de Rodin, il découvre et encourage Maillol. Ami de Monet, il soutient Pissarro, et s’entiche de deux pauvres hères, Cézanne et van Gogh, dont il est le premier à acheter deux insignes croûtes : les Iris et les Tournesols ! Agacé par les préciosités du Symbolisme, il fait deux exceptions : Mallarmé et Maeterlinck, excusez du peu ! Adversaire de la littérature catholique, il découvre le génie du jeune Claudel.. En politique, l’esprit de contradiction lui sert d’infaillible boussole. Plumitif d’extrême droite, pourfendeur du parlementarisme, il avait tout, absolument tout, pour se rallier au boulangisme ; eh bien non ! il lui suffit d’une rencontre avec le général Du Balai pour se rallier à la IIIème République ! Dès lors, il évolue vers un anarchisme d’extrême gauche. Il devient avec Clemenceau l’un des premiers adversaires du lobby colonial. Anticlérical et rousseauiste, l’ancien élève des jésuites dénonce la main-mise du clergé sur l’ensei- gnement, et (c’est une première ) la pédophilie de certains prêtres. Antimilitariste et antisémite, il est indifférent au sort d’un officier juif et riche accusé de trahison, mais le J’accuse le bouleverse et le retourne : en une seconde il se réconcilie avec Zola et se met au service de sa cause. Homophobe, il brocarde les préraphaélites anglais efféminés, mais il prend la défense de Georges Eeckhoud et est le premier à accueillir Oscar Wilde en exil. Enfin, lorsque éclate la guerre de 14, voilà déjà longtemps qu’il dénonce la bêtise nationaliste, et les dangers d’une guerre de revanche avec l’Allemagne, mais hélas il est alors trop vieux et malade pour réagir. Bref, chaque fois qu’il est confronté à une situation concrète , Mirbeau prend parti contre ses préjugés premiers. Peu d’intellectuels peuvent en dire autant. Pierre-Jean Hormière Une enfance malheureuse 1840 . Naissances d’Emile Zola le 2 avril, d’Auguste Rodin le 12 novembre et de Claude Monet le 14. 1848 . 16 février, naissance à Trévières (Calvados) d’Octave-Marie-Henri Mirbeau. Son père, Ladislas, est officier de santé. Ses familles pater-nelle et maternelle sont des familles de notaires. 1849 . En septembre, la famille Mirbeau 1 s’installe à Regmalard (auj. Rémalard, Orne), recueillir la succession de Louis-Amable Mirbeau, notaire du lieu. 1859 . En octobre, il entre comme pensionnaire au collège Saint-François-Xavier de Vannes. Il y est fort malheureux, et a de mauvais résultats. « Au souvenir des années affreuses que je passai dans ce grand collège de Vannes, j’éprouve une haine que le temps ravive au lieu de l’éteindre, et je me demande, non sans effroi, comment il se fait que des pères de famille soient assez imprudents, assez fous, pour confier leurs enfants à ces déformateurs d’intelligence, à ces pourrisseurs d’âmes que sont les jésuites. », écrira-t-il dans L’Aurore en 1898. 1862 . Amitié avec Alfred Bansard des Bois 1, avec lequel il restera lié pendant toute son adolescence. 1863 . Renvoyé brusquement du collège le 9 juin, peu avant la fin de l’année scolaire, dans des conditions suspectes : « Les maisons d’éducation religieuse, ce sont des maisons où se pratiquent des crimes de lèse-humanité. Elles sont une honte et un danger permanent. », écrira-t-il en 1902. Octave Mirbeau a-t-il été violé par un prêtre ? A la rentrée d’octobre, son père le place à la pension Saint-Vincent de Rennes. Premier essai littéraire : Le Meurtre des enfants d’Edouard . 1864 . Octobre-décembre : pension Bréchat à Rennes ou à Caen. 1865 . Prépare son baccalauréat à la pension Delangle à Caen. 28 août : échoue à l’oral. Novembre : nouvel échec. 1866 . En mars, il obtient son diplôme de bachelier-ès-lettres à la troisième tentative. S’inscrit le 14 novembre à la faculté de droit de Paris. 1867 . Travaille dans l’étude de Me Robbe, notaire à Regmalard. Effectue quelques séjours à Paris. En août, échoue à son examen de droit. Novembre : escapade parisienne. Commence un roman sur les tortures de l’amour : Une Page de ma vie , dont il n’écrit que deux chapitres. 1868 . Novembre : s’installe à Paris, où il mène une vie de plaisirs et fréquente la bohème. 1869 . Janvier : tire un mauvais numéro à la conscription ; son père lui achète un remplaçant. Retour à Paris, où il s’endette. Avril : doit rentrer à Rémalard. En novembre, regrette la trahison des républicains qui n’ont pas saisi l’occasion de renverser l’Empire le 26 octobre. 8 décembre : opte pour le notariat, la mort dans l’âme. 1870 . 19 janvier : réintègre l’étude de Me Robbe. 8 juillet : mort de sa mère. 19 juillet : déclaration de guerre à la Prusse. Affecté au 49 e régiment des mobiles de l’Orne, Mirbeau est nommé lieutenant. « Mirbeau − il a vingt-deux ans − voit un jeune soldat allemand, venu se rendre à l’armée française, se faire ligoter à un arbre, puis fusiller par un sergent français. » (Mona Ozouf). 14 décembre : malade, il va se faire soigner au Mans, puis à Alençon. 1871 . 2 janvier : hospitalisé à Alençon, puis évacué sur Flers. 28 janvier : armistice franco- prussien. 21 mars : quitte l’ambulance de Bagnoles-de-l’Orne pour Tours. 31 mars : retour à Rémalard. Il est accusé de désertion, et cette accusation va empoisonner les deux années suivantes. 21-28 mai : semaine sanglante à Paris. 1872 . En janvier, témoin au mariage de sa sœur Berthe. Innocenté par son commandant en septembre, il reprend probablement sa place chez Me Robbe. 1 Alfred Bansard des Bois (1848-1920) fera carrière dans les contributions directes, avant de devenir député pendant un quart de siècle. 2 Plumitif d’extrême droite . 1873 . S’évade de l’ennui mortifère de Rémalard en devenant le secrétaire de Dugué de la Fauconnerie, député bonapartiste de l’Orne, et nouveau directeur de L’Ordre de Paris . C’est le début d’une longue période de prostitution politique, qui lui sera longtemps reprochée. « Le journaliste se vend à qui le paie », dira-t-il. Après tout, aujourd’hui encore, combien de journalistes de gauche travaillent dans la presse ou des médias de droite ? 1874 . Publie anonymement des comptes rendus dramatiques dans L’Ordre . Vie frénétique. 1875 . 19 avril : joue le rôle du mari dans la pochade de Maupassant, A la feuille de rose, maison turque , en présence de Flaubert et Tourgueniev. 19 octobre : premier article signé de son nom à L’Ordre de Paris . En devient le chroniqueur dramatique attitré. Correspond avec Valtesse de la Bigne. Se lie à Alexis, Maupassant, Henry Laujol, Paul Bourget surtout. Rencontre Villiers, Dierx. Fréquente le milieu de La République des Lettres de Mendès ; possible collaboration sous les pseudonymes de Gérin et Péradon. 1876 . Vie parisienne intense. En janvier, sa signature disparaît de L’Ordre . Accompagne Dugué à Mortagne pour y préparer l’élection législative. 20 février : Dugué est élu au premier tour. Reprend sa collaboration à L’Ordre du 4 avril au 11 juillet. 10 octobre : inaugure la rubrique Chronique de Paris dans L’Ordre : publie un article sur L’Assommoir , défend Wagner, ridiculise les peintres académiques. 1877 . 8 février : dernière intervention à L’Ordre de Paris . 16 avril : présent chez Trapp aux côtés de Maupassant, Alexis, Céard, Huysmans, Hennique, Zola, Flaubert, Edmond de Goncourt. Après le coup de force de Mac Mahon, le 16 mai, Saint-Paul le fait nommer chef de cabinet du préfet de l’Ariège, Lasserre. 27 mai : il est investi officiellement. A Foix, il collabore anonymement au journal conservateur local, L’Ariégeois . 14 octobre : Saint-Paul, à Saint-Girons, est le seul élu bonapartiste en Ariège. 15 décembre : après l’échec de la politique de Mac Mahon, nouvelle valse des préfets. Mirbeau est limogé. Probable voyage en Espagne. 1878 . Mars : retour à Foix ; devient rédacteur en chef de L’Ariégeois ; se retrouve au centre de nombreuses polémiques. Mai : poursuivi pour diffamation envers un professeur. 7 juillet : Saint-Paul perd son siège de député. Polémique avec Jules Grégoire du Journal de l’Ariège ; 2 octobre : les deux hommes se donnent rendez-vous sur le terrain, en Andorre ; les douaniers empêchent le duel, qui est reporté, mais Grégoire se débine. 29 novembre : assiste aux obsèques de Gaston de Saint-Paul à Fabas. 1879 . 21 janvier : fin de sa collaboration à L’Ariégeois . Juin : secrétaire d’Arthur Meyer, qui prend possession du Gaulois . Est introduit dans le monde. A partir du 15 octobre, il fait partie de l’équipe qui signe Tout-Paris des articles intitulés La Journée parisienne . Fin novembre : est l’envoyé spécial du journal à Madrid pour le mariage d’Alphonse XII. 6 décembre : se rend à Murcie, ville dévastée par une inondation deux mois plus tôt. 1880 . 22 mars : publie sa première chronique sous son nom dans Le Gaulois .
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