Etre architecte Hommage à André Wogenscky Photo : JM Besacier 14 avril - 25 juin 2005 Etre architecte, d’abord c’est voir. exposition, propose une lecture origi- La place donnée par l’architecte à la forme (...) L’ nale de l’œuvre d’André Wogenscky : de l’œuvre après son achèvement est plus loin d’être exhaustive, elle s’intéresse à la forte que le plaisir qui accompagne la C’est être pénétré par la vision d’une démarche de l’architecte, au sens qu’il phase d’élaboration du projet : le rôle du étendue qui nous enveloppe, nous les donnait à sa mission, “être architecte”, dessin n’est pas de communiquer des hommes, qui nous baigne, qui est faite elle présente quelques exemples de sa émotions ou des interprétations mais de de matière mais surtout d’énergie, de collaboration avec Le Corbusier et des élé- fonctionner, de servir le but ultime de la champs, de flux actifs dans lesquels ments de ses projets majeurs dont il est construction : c’est précisément là sa nous somme plongés. l’auteur à part entière. force expressive, sa beauté cachée. C’est voir que ce milieu est actif, qu’il agit sur nous de mille actions, La clé de lecture de l’œuvre architecturale Pierre Lagard, qui a été son associé à partir sur notre santé, sur nos activités et et théorique d’André Wogenscky est l’or- de 1971, insiste sur le choix des modes sur notre pensée, d’homme social ganisation des formes architecturales de représentation et d’interprétation des et d’homme seul. autour de la vie humaine qu’il conduit bien projets les plus employés dans l’atelier au-delà de la seule notion de “bien être” Wogenscky : “(...) C’est un aspect très (...) en plaçant l’usager dans une condition intéressant de la façon de travailler de L’architecte vit l’état esthétique de la psychologique dynamique et positive Wogenscky, il se méfie de tous les moyens pensée qui voit les lignes, les unions (“Architecture Active”). Cette exposition de représenter le futur édifice : pour lui, possibles, les champs d’énergie et qui pourra contribuer à mieux comprendre son l’architecte doit “voir” son bâtiment gran- de formes séparées, indépendantes, travail de réflexion sur les formes archi- deur nature, dans la vie, avec des gens à désordonnées et compliquées, fait des tecturales fondé sur les “véritables rai- l’intérieur, avec des arbres à leur vraie formes unies, dépendantes, organi- sons profondes humaines et universelles”. taille ; (...) lorsqu’il conçoit un projet, au plus fort moment de concentration, sées, simplifiées et crée une forme : Cette démarche caractéristique de tous Wogenscky a besoin d’un dessin au fond la forme active. les projets de Wogenscky - de la ville jus- le plus abstrait possible : il ne faut pas que L’état où la pensée ne cherche plus. qu’à l’équipement intérieur - a conduit à le dessin “mange” l’architecture, que la Elle trouve. privilégier certaines typologies (institu- qualité de la représentation prenne le pas (...) tions publiques, universités, hôpitaux, lieux sur ce que sera le bâtiment. Je pense qu’il Alors l’architecte dessine de culture, habitations collectives et indivi- s’est toujours méfié du “joli dessin”, pour Sur une feuille blanche, il trace duelles) qui faute d’être présentées de éviter d’avoir une vision figée, qui ne tra- manière systématique (de la première duise qu’un seul angle de vue.” des signes. esquisse jusqu’au plan d’exécution) en De ces signes naîtra une forme bâtie, illustrent les grands principes. Une chose crée. Une forme active. Les œuvres présentées sont principale- Parcours Une forme agissant sur le hommes, ment des dessins au trait et des croquis Déployée sur les quatre espaces dispo- qui va les pétrir, les transformer, (signés de Wogenscky ou de Le Corbusier nibles de la Maison La Roche (hall d’en- les manier. avec Wogenscky), qui illustrent de manière trée, salle à manger, galerie, bibliothèque), L’architecte suractive la forme. évidente le processus de création ; il peut l’exposition propose au visiteur de suivre Il dessine un signe qui déclenche s’agir de dessins préparatoires ou de des- la “promenade architecturale” imaginée des énergies. sins définitifs. Ils ont été sélectionnés selon par Le Corbusier et Pierre Jeanneret dans le programme du bâtiment. (...) deux critères : dessins inconnus ou inédits ; dessins qui mettent en évidence que le Au fond, être architecte n’est qu’un dessin pour Wogenscky est plus l’instru- instant exceptionnel, l’instant où se ment d’une démarche qu’un objet esthé- rencontrent dans une même pensée tique. un créateur et une créature. On constate qu’il a le souci permanent de soumettre les dimensions aux règles du (André Wogenscky, “Etre architecte” Modulor afin de ne jamais perdre le rapport document inédit - Paris 1969) à la mesure de l’homme. Exposition réalisée avec le concours de la Cité de l’Architecture et du Patrimoine et de l’École d’Architecture de Nancy Commissariat : Paola Misino, Nicoletta Trasi Éveux- Eugène Claudius-Petit, alors maire de de Berlin et il m’a demandé de m’occuper sur-Arbresle, Firminy confie à Wogenscky le projet d’une des plans et de l’exécution de ce projet. Je France (1953-1960) seconde Unité, à élever en face de la pre- devais aller souvent à Berlin et j’ai engagé Couvent Sainte- mière, qui ne sera jamais réalisée ; la pis- un jeune architecte qui savait bien l’alle- Marie de-la- cine couverte, en revanche, sera construite mand qui m’a beaucoup aidé et qui venait Tourette en 1968 selon un projet totalement personnel avec moi faire l’interprète. Ca a été difficile Le Corbusier, de Wogenscky : elle s’intègre dans le com- parce que le maire de Berlin était encore A.Wogenscky, plexe sportif et culturel dessiné par Le au début de sa carrière politique et c’est I. Xénakis, Corbusier en 1955. “(...) J’ai cherché à faire lui qui avait voulu que Le Corbusier fasse F. Gardien un projet très modeste et silencieux à côté cette Unité d’Habitation ; il avait malheu- 1 - Plan de l’aile est, de ceux de Le Corbusier.” (1) reusement confié le chantier à un promo- 19 mai 1957 “(...) J’ai vu des architectes qui ont tra- teur, qui, comme tous les promoteurs, ne (FLC 1111) vaillé sur Le Corbusier et qui ont essayé de s’intéressait pas du tout à l’architecture, 2 - Croquis AW des l’imiter, de produire quasiment un plagiat mais aux bénéfices. Alors il y eut un conflit bancs en bois de de Le Corbusier. Comme cela arrive pour entre l’architecte et le promoteur (...) l’église, 20 février les produits industriels, on risque la parce que celui-ci a donné des ordres à 1957 (FLC 31751) contrefaçon. C’est presque pareil : on l’entreprise, qu’il décidait du prix du trans- change quelques petites choses afin qu’on port, etc., et on a dû beaucoup batailler. Le “(...) En 1956 j’ai fait mon atelier personnel ne puisse pas parler vraiment de copie. Corbusier était très timide. C’est drôle : cet et je continuais à travailler avec Le Mais l’imitation est une dégradation. (...) Il homme de génie, célèbre dans le monde Corbusier : je l’ai aidé à terminer aussi le m’est difficile de dire dans quelle mesure j’ai entier, était très timide, il n’aimait pas Couvent de la Tourette.” (1) André Wogenscy échappé à ce problème, mais je peux affir- beaucoup discuter ; et il a timidement réalisa une partie des plans d’exécution mer que, quand j’ai travaillé sur mes projets, accepté des changements que j’estimais dans son nouvel atelier du boulevard j’ai toujours refoulé toutes ces influences qu’il n’aurait pas dû accepter ; je me Flandrin, il suivit surtout la phase finale du dans mon inconscient et puis je me suis dit : retrouvais alors dans une position un petit projet, et géra les questions techniques et “Bon, maintenant c’est moi, pas Le Corbusier. peu difficile !” (1) économiques, comme en témoigne la cor- Je dois le faire, maintenant je travaille.” (1) respondance entre lui, Xenakis et Le Recherche sur les Unités d’habitation Corbusier en 1956 : “(...) Si le projet actuel (1945) n’est “pas cher”, il fallait dire plus tôt aux Le Corbusier, A. Wogenscky Pères qu’il ne s’agissait pas de 170 mais de 5 - Croquis d’étude de A.W. (FLC 20549) 230 à 240 millions. (...) J’ai donné moi- 6 - Croquis d’étude de A.W. (FLC 20539) même aux Pères une assurance si catégo- rique que je refuse quant à moi d’aller leur “(...) Dans la lumière, dans l’air, avec les dire maintenant qu’il faut 238 millions pour plantes et les êtres vivants, la maison n’est réaliser le projet. Notre attitude envers les pas unique. Il en faut d’autres pour hommes qui nous font confiance doit res- d’autres hommes et femmes et enfants, ter si droite, aussi rigoureuse et aussi belle beaucoup d’autres. Et la main qui dessine, que l’architecture que nous voulons leur la main conduite par la tête qui pense, se faire. (...) Je fais un effort colossal pour lance dans le dessin d’enveloppes succes- diminuer vos frais d’étude. Je reste per- sives qui s’intègrent les unes les autres et suadé qu’on travaille trop lentement dans Berlin-Charlottenburg, Allemagne (1957) qui tracent sur le sol et dans l’espace votre équipe et sans s’occuper suffisam- Unité d’habitation l’image de la société, les unités sociolo- ment en cours d’étude du prix de la Le Corbusier, A.
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