Rapport Général

Rapport Général

RAPPORT GÉNÉRAL Mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France , La documentation Française : Mission d étude sur la spoliation des Juifs de France : Rapport général / présidée par Jean Mattéoli ; Premier ministre Ouvrages de la Mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France, Paris, 2000 La persécution des Juifs de France 1940-1944 et le rétablissement de la légalité républicaine. Recueil des textes officiels 1940-1999 (ouvrage et cédérom). Guide des recherches dans les archives des spoliations et des restitutions. Rapport général. La spoliation financière. Aryanisation économique et restitutions. Le pillage des appartements et son indemnisation. La SACEM et les droits des auteurs et compositeurs juifs sous l’Occupation. Les biens des internés des camps de Drancy, Pithiviers et Beaune-la-Rolande. Le pillage de l’art en France pendant l’Occupation et la situation des 2 000 oeuvres confiées aux Musées nationaux. La spoliation dans les camps deprovince. En application de la loi du 11 mars 1957 (article 41) et du code de la propriété intellec- tuelle du 1er juillet 1992, toute reproduction partielle ou totale à usage collectif de la pré- sente publication est strictement interdite sans l’autorisation expresse de l’éditeur. Il est rappelé à cet égard que l’usage abusif et collectif de la photocopie met en danger l’équi- libre économique des circuits clu livre. © La Documentation française, Paris 2000. ISBN : 2-11-004589-2. , La documentation Française : Mission d étude sur la spoliation des Juifs de France : Rapport général / présidée par Jean Mattéoli ; Premier ministr Avant-propos La Mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France a plus de trois années d’existence. Elle présente aujourd’hui un nouveau rapport de synthèse, sept rapports sectoriels, le guide des recherches dans les archiveset le recueil des textes officiels de spoliationet de restitution, qui témoignent de sa détermination à continuer à mettre au jour des faits mal connus de l’histoire de France. J’aimerais pouvoir citer à l’ordre du jour le nom de tous ses membres sans exception en conservant pourtant au fond du coeur celui de celles et de ceux d’entre eux qui ont accepté de prendre les plus lour- des charges. Au nom des neuf membres de la Mission comme au nom de ceux qui nous ont aidés dans cette entreprise, je veux saluer le professeur Ady Steg, sans lequel la Mission et les résultats de son action n’auraient pas été ce qu’ils ont été. L’usage a voulu qu’on nomme la Mission du nom de son président, mais elle aurait pu tout aussibien s’appeler du nom du professeur Steg. C’est aussi le moment d’inscrire dans l’histoire de la Mission la multitude des participations volontaires qu’elle a suscitées, le souvenir du travail lourd et en partie ingrat que des fantassins déterminés ont accompli pour une cause simplement juste, et la contribution des admi- nistrations dont la charge de travail quotidienne s’est trouvée augmentée de recherches inhabituelles. Ces engagements sont d’autant plus remar- quables que la Mission a aussi rencontré, bien sûr, de faux amis, des adversaires et des obstacles posés à son action. Pour la plupart, ces réti- cences et ces résistances ont été surmontées. Le texte fondateur de la Mission ne lui donnait pas ce but, mais l’un des résultats de son activité a été de contribuer à une prise de conscience, à l’éveil d’un questionne- ment dans le plus grand respect des individualités et des groupesprofes- sionnels concernés. Jamais la menace n’a été notre méthode. Nous n’allions pas reproduire un système de contrainte alors que nous étions en train d’en étudier un, et d’en constater les ravages. Lorsque nos efforts sont restés vains, nous avons contourné la difficulté grâce à l’abondance des archives publiques. Espérons que la lecture de ces rapports convain- cra le dernier carré des hésitants. Qu’avons-nous appris durant ces trois années ? L’ampleur de la spoliation et l’infinitude de ses ramifications ont été un premier sujet d’étonnement. En cumulant le statut des personnes et celui des biens, en combinant les interdits professionnels et la confiscation de tous les types de biens mobiliers et immobiliers, les autorités nazies et le gouvernement , La documentation Française : Mission d étude sur la spoliation des Juifs de France : Rapport général / présidée par Jean Mattéoli ; Premier ministr de Vichy ont enserré les Juifs dans un enchevêtrement inextricable d’atteintes au droit de l’homme. Comme la population considérée comme juive était répartie dans toutes les professions, ces dernières se sont trouvées impliquées par contrecoup, volontairement ou non, dans la spoliation. Au Commissariat général aux questions juives, les différen- tes sections en charge de « l’aryanisation économique » ont couvert l’éventail des activités économiques. Il ne manque à l’appel, si l’on ose dire, que le secteur primaire, l’agriculture, la pêche et les industries extractives. Encore faut-il en retirer l’exploitation des forêts qui faisait l’objet d’un interdit professionnel spécifique. Ces quelques absences ne sont pas le reflet d’une politique encline à l’exemption, mais la consé- quence du petit nombre de Juifs dans les professions ainsi laissées hors du champ. Toutes les branches de la fonction publique, de l’industrie, du commerce et des services, du secteur public ou du secteur privé, ont eu à connaître de la spoliation. Soit que les « administrateurs provisoires » nommés auprès des entreprises juives fussent eux-mêmes issus des activités « aryanisées », soit que par le biais de l’éviction des dirigeants et des actionnaires juifs, les entreprises « aryennes » aient participé à la spo- liation, soit qu’elles en aient bénéficié, de même que les professions libé- rales en particulier, à travers la suppression de la concurrence. Il faut souligner ici que l’étude réalisée par la Mission n’a pas été exhaustive. Non seulement les conséquences économiques des interdits professionnels n’ont pas été examinées, mais la totalité des secteurs d’activité économique n’a pas été impliquée dans les travaux de recherche. Si les industries, le commerce des marchandises ou des servi- ces comme les transports, n’ont pas été associés à l’entreprise d’élucida- tion des faits, ce n’est pas faute d’avoir reconnu leur implication dans le réseau de la spoliation. La Mission souhaite que la mobilisation qu’elle a suscitée, pour être partielle, n’en constitue pas moins un signal à réso- nance nationale, qui, de proche en proche, gagnera l’ensemble des pro- fessions des secteurs publics et privés. La seconde surprise, heureuse celle-là, a été de constater le volume et la diversité des mesures de restitution. Annoncée dans l’été 1940 par le chef de la France libre, l’annulation des actes de spoliation a été entreprise dès la Libération. Les ordonnances du gouvernement pro- visoire de la République française, puis les lois votées par le peuple fran- çais, ont mis en oeuvre les principes posés, et rétabli dans leurs droits les victimes des persécutions. Dans son étude de la déshérence des biens, la Mission ne partait donc pas d’une table rase. Son travail a consisté à reprendre l’analyse de la restitution là où les organismes de restitution l’avaient laissée, dans les années cinquante pour la France et dans les années soixante-dix pour l’Allemagne. En effet, malgré l’ampleur de l’oeuvre de justice accomplie par les deux Républiques désormais soeurs, des victimes n’ont pas retrouvé tous leurs biens, ni bénéficié de l’ensemble des indemnisations qu’elles pouvaient attendre. D’autres, qui ont pu faire appliquer les textes prévus à leur endroit, ont souffert de la , La documentation Française : Mission d étude sur la spoliation des Juifs de France : Rapport général / présidée par Jean Mattéoli ; Premier ministr longueur et de la complexité des procédures. Il incombait à la Mission de mettre à jour ces insuffisances de la politique de restitution, et de per- mettre la réparation des manques par des mesures concrètes. Un premier pas a été franchi lorsqu’au mois de septembre 1999, sur la proposition de la Mission, le gouvernement a installé la Commis- sion chargée de l’indemnisation des victimes des lois antisémites, dont la tâche consiste à combler les lacunes des restitutions d’après-guerre. La seconde étape consiste à créer une Fondation nationale pourla mémoire, chargée de diffuser les connaissances relatives aux persécutions antisé- mites et aux atteintesaux droits de l’homme commises durant la seconde guerre mondiale. La dotation de cette Fondation d’intérêt collectif sera alimentée par une dotation correspondant aux spoliations dont on peut estimer qu’elles n’ont pas été réparées. L’État et certains établissements publics et privés se sont déjà engagés à participer à cette entreprise d’intérêt général. D’autres donateurs, convaincus par la qualité de notre étude, ne manqueront pas de se manifester aussi. Pour terminer, qu’il soit permis à un ancien déporté de la Résis- tance de rappeler que la part sombre de l’histoire de France n’a pas engagé toute la France. Les quelque 10000 volontaires des Forces fran- çaises libres morts au combat, et les 70 000 hommes et femmes de la Résistance qui ont connu l’internement et la déportation, ont aussi leur place dans l’histoire de France. Notre Mission a fouillé pendant trois ans dans la face d’ombre et d’encre, mais la face de lumière, celle des Justes notamment, qui ont caché les persécutés, fait aussi partie de l’histoire nationale. C’est à la mémoire des persécutés et à celle des personnes qui leur sont venues en aide,que je voudrais aujourd’hui dédier notre travail.

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