
GEORGES JOUBERT LES JEUX D'HIVER DE SAPPORO C'est avec quelque étonnement hommage à l'esprit des Jeux que les skieurs Européens appri­ olympiques pourrait être apporté rent la nouvelle en 1968 : après par un peuple que la décision prise Cortina d'Ampezzo, Squaw Valley, de démolir au lendemain des Jeux Innsbrück, Grenoble, Sapporo, le plus beau téléphérique jamais ville japonaise, était chargée construit dans ce pays pour rendre d'organiser les jeux olympiques à un site « protégé » une virginité d'hiver ! qu'on entend lui voir assurée de Cette surprise prouve combien le façon définitive ! Quelle merveil­ retentissement accordé, parfois leuse réponse également apportée un peu abusivement, â l'événe­ aux nombreux occidentaux qui ne ment sportif que constituent les voient dans la réussite japonaise jeux, se révèle utile pour éclairer qu'un sacrifice outrancier aux lois l'opinion, élargir ses connais­ de l'économie ! sances et contribuer peut-être à On avait pu craindre qu'une fois abaisser les barrières qu'incons­ encore les Jeux ne soient utilisés ciemment toutes les collectivités pour étayer une politique de pres­ humaines élèvent autour d'elles. tige. Il n'en fut rien et Sapporo Quoi de plus naturel que la grande restera, dans le souvenir de ceux fête du ski soit enfin organisée par qui « vivent » les jeux Olympiques ce pays qui compte plus de 9 mil­ d'hiver, comme un pas fait vers la lions de skieurs, plus de 400 sta­ désescalade. L'organisation fut tions; qui produit annuellement rationnelle, suffisante mais sans près de 2 millions de paires de ski plus. Pour ma part je m'en félicite et qui en exporte environ la moitié. car s'il y avait eu surenchère par Par un pays dont toute la moitié rapport aux Jeux de Grenoble je septentrionale est parsemée de me demande si une seule candida­ stations de ski, les unes presque ture valable aurait pu être trouvée au niveau de la mer à une latitude dans l'avenir. Je précise « vala­ pourtant voisine de celle de ble » car je sais qu'il y aura tou­ Lyon, les autres à 1.000 m d'alti­ jours des candidatures motivées tude, à la latitude de Casablanca ! par des puissances privées, plus Pays dont les habitants aiment le intéressées par une formule de sport, les activités physiques, la publicité peu onéreuse que par la nature. Quelle meilleure preuve réussite finale des épreuves ! Hor­ de cet amour, et quel plus grand mis le téléphérique précédemment 83 Revue EP.S n°115 Mai-Juin 1972. ©Editions EP&S. Tous droits de reproduction réservés cité, je suis certain que toutes les diques, ils profitent des mêmes Le skieur japonais, bien qu'il soit installations sportives et même possibilités de neige et de terrain rarement intéressé par la compé­ toutes les infrastructures mises que les Scandinaves et les Russes, tition, est cependant un vrai spor­ en place pourront être rentabi­ avec l'avantage non négligeable tif. La majorité des pratiquants se lisées dans l'avenir. d'une journée beaucoup plus lon­ déplace en groupe dans des condi­ Il est en effet impossible de con­ gue durant l'hiver en raison de la tions assez difficiles. Générale­ cevoir une ville de plus d'un million latitude. ment en train, pour la journée lors­ d'habitants aussi bien placée pour Pour l'instant, en ce qui concerne que la station est proche, plus la pratique du ski. La neige tombe les sports d'hiver, Sapporo est une souvent en voyage d'une nuit pour en novembre et reste générale­ ville de sauteurs. Sur toutes les l'aller et d'une nuit pour le retour, ment jusqu'à fin mars. De petites buttes neigeuses on voit une lon­ afin d'économiser le prix d'une buttes facilement transformables gue chenille de gamins remontant chambre d'hôtel. Ce type de en stades de neige se rencontrent un « bout de pente » pour accéder voyage, pour un déplacement de dans les quartiers périphériques. au départ d'un tremplin de fortune. 400 km, avec petit déjeuner, A 4 ou 5 km du centre de la cité, C'est là que se sont formés les déjeuner et dîner coûte 2.000 yens plusieurs collines offrent des déni­ Kasaya, Konno, Aochi qui assu­ environ auxquels s'ajoute le prix velés de 200 à 300 m. Une piste rèrent son moment de gloire à la des remontées mécaniques (500 à éclairée, de plus de 1 km, fonc­ nation japonaise en s'octroyant les 1.000 yens). Par journée supplé­ tionne à Makomanaï, ville satellite trois premières places au saut de mentaire dans un petit hôtel, il de Sapporo où aboutit l'unique 70 m. Hélas ! l'exploit n'était pas faut compter de 1.000 à 1.500 ligne de métro construite à l'occa­ attendu ce jour là. Une fête natio­ yens. Si l'on considère qu'un sion des Jeux. Cette piste généra­ nale japonaise avait été déplacée ouvrier ou un employé peu payé lement en neige poudreuse fait la de deux jours pour coïncider avec reçoit mensuellement 30 à 40.000 joie des ouvriers et employés cita­ le saut de 90 m et ce jour là, yens, on peut penser que la pra­ dins qui s'y précipitent après leur 30 millions de Japonais connurent tique du ski est moins onéreuse travail (son chiffre d'affaire noc­ la défaite !... mais on ne parla pas au Japon qu'en France. Il est vrai turne est dix fois supérieur à celui de catastrophe nationale, on ne que le standing des stations est de la journée). A 10 ou 20 km de chercha pas de responsables, on très inférieur à celui des stations là, une multitude de montagnes s'inclina très poliment et l'on européennes. Les Japonais for­ boisées au relief assez arrondi, vanta les mérites du Polonais, du tunés ne trouvent pas au Japon pour la plupart d'origine volcani­ Suisse et de l'Allemand qui avaient l'équivalent de ce qu'ils peuvent que, peuvent permettre de multi­ fait mieux que les champions s'offrir en Europe et l'on chiffre plier par 100 les possibilités nationaux sur un tremplin qu'ils à 200.000 le nombre des skieurs actuellement offertes aux skieurs connaissaient pourtant moins nippons venant chaque année alpins. Quant aux skieurs nor­ bien. skier dans les Alpes. 84 Revue EP.S n°115 Mai-Juin 1972. ©Editions EP&S. Tous droits de reproduction réservés QUE PENSER LES NEIGES DE SAPPORO LES PISTES DE SAPPORO. DU COMPORTEMENT DES FRANÇAIS ? Elles étaient en tout point différentes On a parfois critiqué les pistes de des neiges françaises et italiennes et descente de Sapporo ; on a eu tort Il n'y a eu ni débacle, ni effondrement ; si elles présentaient quelques carac­ à mon avis. Plusieurs considérations tout au plus une méforme collective tères communs avec certaines neiges étayent mon jugement. En premier passagère, une mauvaise adaptation d'Europe centrale, elles s'en différen­ lieu je citerai quelques chiffres : sur à la neige et surtout une malchance ciaient aussi totalement sur d'autres une dénivellation de 772 m, au flanc considérable à la veille des Jeux. points. d'une montagne imposant une ving­ Cette malcance fut en premier lieu la La neige tombait à gros flocons taine de virages très bouclés, tracer fracture de Patrick Russel qui était comme une neige légèrement humide une piste de 2.640 m permettant une avec J.-N. Augert notre meilleur chez nous, à des températures variant vitesse moyenne de 86 km/h, n'est homme, et même le meilleur si l'on de —5 à —10 °C. Elle se tassait très pas un problème facile. Il faut aussi prend en considération le caractère facilement mais alors qu'une neige que cette piste, malgré ses virages, particulier de la neige et le type des française de ce type, une fois tassée, reste une véritable piste de descente tracés qu'imposait la nature des pistes prend et garde une consistance ferme, et ne devienne pas un slalom géant ! de Sapporo. Chez les dames ce sont celle-ci restait friable. Si je n'avais Ce risque était maximum dans la par­ les accidents de Françoise Macchi, pas vu à plusieurs reprises une compa­ tie haute de la piste où 7 ou 8 virages Ingrid Lafforgue et Jacqueline Rouvier. gnie de militaires japonais tasser la très fermés s'enchaînaient. Par curio­ On peut prétendre que la valeur poten­ piste « aux pieds », c'est-à-dire sans sité, des chronométrages très sérieux tielle de notre équipe féminine était skis et en tapant du talon, j'aurais furent effectués pendant les entraî­ diminué de 50 %. accusé les organisateurs de négli­ nements et... c'est dans ces virages gence dans la préparation des épreu­ que l'écart entre spécialistes du slalom Cette malchance, antérieure aux Jeux, ves. Quelques instants avant les cour­ géant et spécialistes de descente se a-t-elle pesé sur le moral de l'équipe ses on voyait encore les contrôleurs creusait le plus, au bénéfice des et peut-elle expliquer la méforme pas­ déraper dans les portes en évacuant seconds ! Nous reparlerons de ce pro­ sagère de l'ensemble de ses membres. des kilos de neige alors qu'à Val blème en traitant de la technique de En partie oui, car une ou plusieurs d'Isère ou St-Gervais, sur une piste descente des skieurs suisses. médailles en descente féminine, pre­ préparée de la même façon, ils mière épreuve des jeux, aurait pu n'auraient déplacé qu'une maigre améliorer un climat qui dès l'arrivée A mon avis, la piste de descente de poussière de glace.
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