ALDE ALDE Corresppondance Élie Faure Correspondance Élie Faure lundi 30 octobre 2017 alde.fr 168 Que les peintres soient glorifiés. Ils ont le pouvoir d’animer ce qui semble inerte. Ils ont l’orgueil de rendre l’étendue plus large et d’intensifier la lumière alors que l’ombre du passé s’accumule et que la distance décroît entre l’heure actuelle et la mort. Et la joie qu’ils nous donnent se répand comme une eau plus calme à mesure qu’ils pénètrent plus avant dans la douleur. Élie Faure. Préface du catalogue de l’exposition Van Dongen. Paris, Bernheim Jeune & Cie, 1911. Correspondance Élie Faure Élie Faure était un magnifique esprit du temps où la France avait encore une magnifique élite – Je l’ai bien connu, je l’aimais beaucoup et puis nous nous sommes séparés stupidement et je l’ai regretté sur des questions idiotes de politique. Il était très communisant, sionisant, etc… Il se défendait rageusement d’être critique d’art. Il se voyait philosophe, messianique, inspiré, etc… tout mais pas critique d’art. Louis-Ferdinand Céline : Lettres à Milton Hindus, Les Cahiers de la NRF, Gallimard, 2012. Il est à la fois exalté et maîtrisé, c’est une anomalie, un Beethoven des Gaules, un grand médecin de l’âme, un éclair zébrant la nuit. Il suit le soleil comme le tournesol, absorbant la lumière, éclatant et débordant de vitalité. Ni optimiste ni pessimiste, pas plus que l’océan ne peut être considéré comme bienveillant ou malveillant. Un fidèle croyant en la race humaine, qu’il augmente d’une coudée, en lui conférant sa dignité, sa force, son besoin de création. Henry Miller, Tropic of capricorn, 1939 (td. J.H.) Élie Faure avait pris la place d’un clairvoyant. Tension violente ici, perte de voltage là, sommeil ou mort ailleurs (…) L’Art n’était pas qu’un jeu de couleurs et de formes. Derrière les réalités plastiques immobilisées sur une génération coulait l’histoire – ses faits annonciateurs et ses destins irrémissibles. Le Corbusier, « Élie Faure », Europe n° 180, 1937 87 Experts Alain Nicolas Pierre Gheno Expert près la Cour d’Appel de Paris Archiviste Paléographe Librairie Les Neuf Muses 41 quai des Grands Augustins 75006 Paris Tél. 01 43 26 38 71 - [email protected] Exposition à la Librairie Giraud-Badin 22 rue Guynemer 75006 Paris Tél. 01 43 26 38 71 [email protected] - www.giraud-badin.com du lundi 23 octobre au samedi 28 octobre tous les jours de 9 h à 13 h et de 14 h à 18 h (jusqu’à 16 h uniquement le samedi 28 octobre) Exposition publique à l’Hôtel Ambassador le lundi 30 octobre de 10 h à 12 h Conditions de vente consultables sur www.alde.fr En couverture, Pablo Picasso : Monsieur Élie Faure, 14 juin 1922, collection particulière. © Bridgeman Images. © Succession Picasso 2017. Ne figure pas dans la vente. ALDE Maison de ventes spécialisée Livres-Autographes-Monnaies Correspondance Élie Faure Vente aux enchères publiques Lundi 30 octobre 2017 à 14 h 30 Hôtel Ambassador Salon Mogador 16, boulevard Haussmann 75009 Paris Tél. : 01 44 83 40 40 Commissaire-priseur Jérôme Delcamp ALDE Belgique ALDE Philippe Beneut Maison de ventes aux enchères Boulevard Brand Withlock, 149 1, rue de Fleurus 75006 Paris 1200 Woluwe-Saint-Lambert Tél. 01 45 49 09 24 - Fax 01 45 49 09 30 [email protected] - www.alde.be contact@alde. fr - www.alde.fr Tél. +32 (0) 479 50 99 50 Agrément 2006-587 4 Le démiurge transparent J’ai découvert Élie Faure à l’âge de 17 ans. J’ai dû lire son beau chapitre sur Chardin, et je me suis dit qu’un grand homme avait déjà fait ce que je voulais faire dans la vie. Je me suis alors arrêté de lire Élie Faure, pour me lancer au bout de ma tentative illusoire de m’attaquer, moi aussi, à toute l’histoire de l’art. Bref, je ne suis pas un grand connaisseur d’Élie Faure — qui est mon Dieu. J’ai vite compris qu’il n’était pas historien d’art mais critique d’art, au sens de juge et de poète où j’emploie ce mot, même s’il fait le plus souvent de la critique d’art à l’intérieur de l’histoire de l’art. Sa prose fabuleuse ne sert pas à nous faire comprendre un tableau, mais à nous le faire aimer, ce qui est bien plus difficile. Alors que l’historien nous apprend des choses qu’on ignorait, le critique d’art nous rend sensible à l’art de tel ou tel artiste, ce qui est fort différent. Et Élie Faure est de loin le plus grand de tous. Quand je dis « rendre sensible », je veux dire définir l’esthétique particulière d’un grand artiste. Non pas dire pourquoi c’est beau, mais en quoi ça l’est, où ça se passe, qu’est-ce qu’il faut regarder, et ce qui fait que Rubens et Vélasquez sont uniques alors que leurs sujets sont tellement rebattus... Contre les iconographes qui vont chercher le « sens caché » des images, Élie Faure fait voir l’évidence des œuvres, dont la singularité est si délicate à circonscrire avec des mots. À ceux qui pensent qu’il y a, d’un côté, le style, et de l’autre, la signification des images, Élie Faure donne du sens au style — car là est la critique d’art. Sa meilleure prose n’est pas philosophique, ni anthropologique, ce n’est pas celle qui jongle avec l’histoire des civilisations pour en faire le grand récit spirituel que je peux trouver parfois grandiloquent. Sa meilleure prose est esthétique : être au plus près des œuvres à partir desquelles il s’agit de reconstruire la totalité d’un monde, et qu’on appelle banalement « l’univers de l’artiste ». Élie Faure travaille cet univers dont les sujets ne font qu’un avec la manière de les peindre, et dont chaque œuvre picturale, ou sculpturale, n’est plus qu’un détail de l’œuvre peint ou sculpté, au masculin singulier cette fois. De chacune des propositions qui composent la longue phrase élifaurienne, les détails perçus par le critique finissent par composer un seul tableau synthétique dont Élie Faure reconstruit l’autonomie, et dans laquelle une pomme, un toit, une action d’éclat, un moment intime, la nuit ou l’existence de Dieu participent d’un même tout — qui devient familier au lecteur. Sa prose magistrale couvre d’innombrables champs esthétiques qui n’ont rien à voir entre eux, comme si chacun était la seule passion de sa vie — et c’est en cela qu’Élie Faure est un génie. Il lui a suffi de regarder tout ce que les musées de son époque donnaient à voir de l’œuvre de Van Eyck, ou de celle de Titien, pour nous livrer quelques pages définitives sur chacun comme s’il avait vu le monde avec les yeux de Van Eyck, ou de Titien, ou de cinquante autres... Et quelle n’a pas été ma surprise de retrouver cet Élie Faure, celui en qui je salue le reconstructeur démiurge et transparent des œuvres d’autrui, en lisant les lettres que ses contemporains lui adressaient et dont le présent ouvrage publie un inestimable choix. « Michelet est partout présent dans les pages lyriques que vous lui consacrez, votre style est animé de sa vie propre, et l’on vous aime de si bien l’aimer » lui écrivait Joachim Gasquet, l’ami et confident de Cézanne. Ou Georges Duhamel : « Vous parlez magnifiquement des grands hommes. Vous avez une façon de les voir par le dedans, de vous mêler à leur substance et de jeter sur leurs pensées secrètes une lueur chaude, une façon, dis-je, qui m’enchante et m’exalte. […] Savant ou poète ? Vous êtes heureusement l’un et l’autre, et c’est nécessaire. » (26 février 1926). Ou la poétesse Anna de Noailles qui lui écrivait le 19 juin 1918 : « Ce sont non seulement des faits et des lieux pathétiques, mais tous les aspects de la vie et de la mort qui s’éclairent à ce grand incendie de votre vision lucide et lyrique. » Par ailleurs, il est remarquable qu’Élie Faure ait souvent dépassé le stade du goût personnel qu’il laisse aux simples amateurs, et qu’on appelle la “tasse de thé”. Car son devoir est d’aimer et de faire aimer tout ce qui est bon, et tout ce qui est bon est toujours singulier. Il est protestant avec les protestants, japonais avec les Japonais, libertin avec les libertins. Bref, Élie Faure c’est Zelig, le héros du film de Woody Allen qui se métamorphose avec son environnement... Et même Céline, admirateur de la première heure, allait presque jusqu’à mieux se reconnaître dans la prose qu’Élie Faure avait écrite à son sujet que dans sa propre prose : « Cherami, j’ai lu Germinal ! [Élie Faure venait de publier son éloge du Voyage dans ce périodique anarchiste]. Quel article ! Quelle leçon aussi ! Vous allez bien plus loin que moi dans la vérité. Je traîne empêtré dans toutes espèces d’émotions. Mais tant pis… » (24 juillet 1933) Le voilà, le grand sport de la critique d’art, s’oublier dans l’incarnation des esthétiques les plus contradictoires, et en faire son miel. Hector Obalk octobre 2010 + septembre 2017 Au temps de l’Aurore, ca 1902. Photographie Nadar, montage François Faure. 5 6 13 Correspondance Élie Faure 1. AJALBERT (Jean). Lettre autographe signée à Élie Faure. Beauvais, 11 avril 1919. 2 pp. in-16 oblong, en-tête gravé de l’Académie Goncourt, enveloppe.
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