Epiiv^ LE SIÈCLE

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DES CHRÉTIENS DEVANT epiiV^ LE SIÈCLE 117 REVUE MENSUELLE JUIN-JUILLET 1960 Roland Weyl La démocratie assumée ................. DES CHRÉTIENS DEVANT LE SIÈCLE Michel Verret Les intellectuels catholiques et ta politique ............................................... 11 Jacques Milhau La science et le mystère ............. 22 Gilbert Mury Solitude et salut personnel ......... 41 Jean-Marie Marzio Itinéraire d'un prêtre ..................... 54 Guy B es se Chercher ensemble............................. 69 « l'affaire durand » Armand Salacrou « Boulevard Durand » ..................... 84 L. Eudier et R. Le Marée Jules Durand........................................ 93 Documents ........................................... 97 Y. Robert, D. Delorme Deux interprètes et leurs person­ nages ...................................................... 103 Emile Tersen Rouget de Liste et la « Marseil­ laise » ................................................... 109 ACTUALITÉS Notes d ’audience 123 Jean-Marc Aucuy « Les Bonnes Femmes », « La Dolce Vita »...................................................... 127 Jacqueline Autrusseau Jeunes compagnies............................. 135 Georges Beauquier Le Musée de Biot ............................. 137 Les livres ............................................. 140 Chronique du C.E. R. M..................... 152 QUATRE DESSINS DE FERNAND LÉGER Couverture : d ’après la maquette d'Alexandre Chem. Dessin de Boris Taslitzky. Nous ne nous présentons pas au monde en doctrinaires avec un principe nouveau : voici la vérité, c’est ici qu’il faut tomber à genoux. Mais nous rattachons notre critique à la critique de la politique. à la prise de parti en politi- que, donc à des luttes réelles et Fy identifions.. Karl MAKX. COMITÉ DE RÉDACTION Jacques Arnault Jean-Marie Auzias Guy Besse Jacques Chambaz Henri Claude Francis Cohen Pierre Daix Roland Desné Marcel Egretaud Jean Fréville Louis Fruhling André Gisselbrecht François Hincker Jésus Ibarola Jean Kanapa Jean-Marc Leblond Jeanne Lévy François Lurçat Jean Marcenac Jacques Milhau Antoine Pelletier André Radiguet J ean Rollin Alain Roux Lucien Sève Jean Suret-Canalb Boris Taslitzky Guy Tissier Michel V erret Roland Weyl Directeur politique : Guy Besse Rédacteur en chef : Jacques Arnault Rédacteur en chef adjoint : André Gisselbrecht Secrétaire de rédaction : Jean Rollin RÉDACTION, ADMINISTRATION, SERVICE D'ABONNEMENTS 95-97, BOULEVARD DE SEBASTOPOL, PARIS (2q. GUT: 51-95 Roland Weyl La démocratie assumée Au cours de l’été 1958, nous nous étions attachés ici même à démonter le mécanisme de la mystification qui, sous les formu­ lations de la démocratie parlementaire, allait fournir les alibis idéologiques du pouvoir personnel; nous nous attachions à situer ce mécanisme dans l’évolution de la façade démocratique de la dictature du capitalisme. Dans le passé, les idéologues de la démocratie bourgeoise avaient été amenés, dans une première période (révolutionnaire et ascendante), à donner à leurs aspirations de liberté une formulation universelle qui leur assurait le soutien indispensable des forces populaires. Par la suite et une fois au pouvoir, la bour­ geoisie s’était empressée de confisquer à son profit ces idées de liberté. Pour ce faire, il lui avait fallu opposer à la notion de « Représentants du peuple » celle de « Représentants de la nation», la nation étant présentée comme une entité distincte. Ce glissement lui avait permis de s’instituer interprète des volon­ tés de cette nation, une et nécessairement unanime ; et aussi d’opposer cette volonté prétendue à celle, clairement exprimée, des forces populaires; d’interprête, elle ne tardait pas à s’insti­ tuer « protectrice » de ces intérêts pour s’opposer en fait à la véritable expression des intérêts et des volontés du peuple au nom des intérêts généraux de la nation. Tout au long de la démocratie bourgeoise, cela s’est traduit par la prétention, une fois qu’il fût devenu impossible de repren­ dre au peuple le suffrage universel, de cantonner ses droits au droit de vote, et de le réduire au silence entre les élections, au motif qu’il avait chargé des représentants de s’exprimer à sa place; c’est ce que Ton avait appelé la « souveraineté déléguée ». ' Mais à mesure que l’Histoire avait multiplié les occasions pour le peuple de constater à la fois l’efficacité et aussi la nécessité de ses propres interventions dans la vie politique de 3 son pays (et aussi à mesure que, dans les faits, le divorce s’ag­ gravait entre la bourgeoisie et la nation), la mystification s’usait, craquait, et il fallait la changer. La chose n’était pas si facile, précisément parce que l’expé­ rience des forces populaires, et notamment de la classe ouvrière, les poussait à se contenter de moins en moins des fictions. La difficulté venait notamment de ce que le peuple entendait de moins en moins abdiquer entre les élections, et de plus en plus considérer le député comme son mandataire effectif; il deve­ nait de plus en plus inconfortable à celui-ci de ne pas en tenir compte. Le problème consistait donc non plus seulement, comme par le passé, à maintenir les distances entre le peuple et les élus, mais, également — et faute de pouvoir être certain que les bar­ rières ne craqueraient pas sous la poussée du public — à garan­ tir le pouvoir contre une trop grande sensibilité des oreilles parlementaires, en doublant les distances entre peuple et Parle­ ment de distances nouvelles entre Parlement et gouvernement, ou entre Parlement et chef de l’Etat... Et pour que la façade ne souffre pas, il suffisait de trans­ poser aux rapports entre Parlement et chef de l’Etat les fictions qui avaient si souvent servi dans les rapports entre peuple et Parlement. Autrefois, le peuple n’avait plus rien à dire, une fois élus « ses » députés, parce que, élus par lui, « ses » députés le représentaient valablement. Aujourd’hui, ce sont à leur tour les députés qui n’ont plus rien à dire, puisque le chef de l’Etat, élu de son côté, représente le peuple. On passe de la souveraineté déléguée par le peuple au Par­ lement, à la souveraineté du peuple assumée par le chef de l’Etat... « Que le pays puisse être effectivement dirigé par ceux qu’il mandate (...) Qu’il existe un Parlement destiné à représenter la volonté politique de la nation, à voter les lois, à contrôler l’exécutif... », la déclaration du 4 septembre 1958, placée ensuite en tête de la nouvelle Constitution, n’apportait-elle pas l’apaise­ ment à ceux qui, non juristes, ne se risquaient pas à l’étude de la Constitution elle-même avant de voter par oui ou par non ? Pourtant le texte précisait : « ...sans prétendre sortir de son rôle ». « Représenter la volonté politique de la nation... sans sor­ tir de son rôle » : Quand donc et comment donc, et par qui donc le Parlement pourrait-il donc être considéré comme sortant d’un tel rôle ? « Le reste (déjà !), ajoutait le texte, dépendra des hommes. » Voici aujourd’hui les hommes confrontés, confrontés entre O s eux, mais parce qu’ils sont confrontés avec les réalités. Ces réa­ lités veulent que même les mal élus soient aujourd’hui acculés à l’obligation de ne plus ignorer les exigences de ceux qu’ils pré­ tendent représenter. Ils y sont acculés non pas seulement par la préoccupation personnelle d’échapper à l’inconfort de toute autre attitude, mais aussi parce qu’il faut maintenir le plus longtemps possible l’illusion de la démocratie représentative. Cependant une réunion extraordinaire du Parlement est-elle demandée ? Le régime ne l’accepte pas, car il ne peut pas l’ac­ cepter sans renier ce qu’il est réellement. Ou plus exactement il peut provoquer les réunions dont il a besoin pour sa politique. Mais il n’a pas le recul nécessaire qui lui permette de subir une intervention parlejnentaire lorsque celle-ci est elle-même le pro­ duit d’une exigence populaire. Accepter la convocation du Parlement sur demande de victi­ mes numériquement importantes de la politique présente, serait laisser se rouvrir, dans les institutions elles-mêmes, la voie de l’intervention effective du peuple et de sa volonté, c'est-à-dire ce à quoi, en fait, la bourgeoisie a voulu parer à la faveur du 13 mai. Voici donc le pouvoir acculé à son tour à se montrer tel qu’il est. Il fait alors de sa nécessité théorie : « Il ne me semble pas contestable que leurs demandes (des députés) résultent dans leur ensemble des démarches pressantes dont ils ont été l’objet... »i. Or si la Constitution est ce qu’elle est, c’est « pour dégager les parlementaires de pressions de cet ordre »i. Autre­ ment dit, si la réunion du Parlement n’est pas acceptable, c’est parce qu’elle a été demandée... Autrefois, les savantes combinaisons constitutionnelles de la démocratie bourgeoise faisaient du Parlement le protecteur de la liberté d'entreprise contre les aspirations populaires. Aujourd’hui, le chef de l’Etat s’institue le protecteur des libertés du parle­ mentaire à l’égard de l’électeur qu’il a mission de représenter... Le détenteur personnel du pouvoir assume la démocratie. Certes, pour faire passer le sophisme, s’en prend-il au carac- 1. Déclaration du 18 mars refusant de convo­ quer V Assemblée. tère particulier des intérêts en cause et du groupement profes­ sionnel qui les exprime. C’est le procès des « groupes de pres­ sion » « dépourvus de toute quaiification et de toute responsa­ bilité politique »i dit le chef de l’Etat. Est-ce-à-dire que seuls les rouages constitutionnels de l’Etat sont admis à s’instituer les interprètes de l’opinion (et encore, si l’on se réfère au cas des députés, d’une opinion dont ils ne seraient admis à traduire les vœux qu’à la condition de ne pas les avoir entendus) ? C'est revenir à la vieille nostalgie des alibis égalitaires de la domination bourgeoise : chaéiue homme réduit, en tant que citoyen, à l’isolement de son individualité, tandis que, dans la coulisse, d’autres « groupes de pression », ceux qui détiennent les moyens du pouvoir, gouvernent librement en la personne de leurs commis.

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