Une femme dans la tourmente (1964). L’aDrC Les aCaCIas présentent ongtemps ignoré, le nom Lde Mikio Naruse a fini par s’imposer parmi les plus impor- tants du cinéma japonais. La rareté de son œuvre sur nos écrans occidentaux nous invite à nous réjouir de la possibi- lité aujourd’hui offerte de s’en approcher à travers cinq films majeurs. Cinéaste de studio, formé à la Shochiku, Naruse les a tournés dans la seconde moitié de sa carrière au sein de la Toho où il travailla, à de rares excep- tions près, comme réalisateur de 1937 à 1967. Jérôme Baron et aisha rahim Mikio Naruse HoMMAGE EN 5 FiLMS LE GRoNDEMENT DE LA MoNTAGNE AU GRÉ DU CoURANT YAMA NO OTO armi les titres qui mettent au premier plan la réalité NAGARERU ette année 1956, kenji Mizoguchi réalisait La rue de Japon, 1954, 94 mn, Noir & Pde drames familiaux des “petites gens”, Le Gronde- Japon, 1956, 118 mn, Noir & Cla honte, son ultime film, dont toute l’action se dé- Blanc, filmé en TohoScope, ment de la montagne est l’unique film du réalisateur Blanc, filmé en TohoScope, roule dans un bordel de Tokyo, au moment où le gouver- d’après un roman de à tracer une ligne oblique dans l’habituel cadre des d’après un roman de nement délibère sur un projet de loi visant à interdire la Yasunari Kawabata relations entre hommes et femmes, parents et enfants. Aya Koda prostitution. Le principal décor d’a u gré du courant est, Scénario : Yoko Mizuki insistant cette fois sur la singularité d’un lien entre un Scénario : Sumie Tanaka lui, une maison traditionnelle de geishas au bord de la Directeur de la beau-père et sa bru. Naruse ne laisse même pas à kukiko et Toshiro Ide disparition. on imagine qu’elle pourrait se trouver dans photographie : Masao Tamai (Setsuko Hara, actrice fétiche d’ozu) la possibilité de Directeur de la un quartier voisin de la maison close mizoguchienne. Musique : Ichiro Saito partager l’espace d’un plan avec son mari. infidèle, ce photographie : Masao Tamai Mais ce ne sont pas là les seules lignes de partage entre Produit par la TOHO dernier la trouve “sembable à un lac”, image constrastant Décors: Satoshi Chuko ces deux grands films. kinuyo Tanaka, icône et colla- avec celle de sa maîtresse, elle torrentielle. Les réfé- Musique : Ichiro Saito boratrice sans égal de Mizoguchi, tient dans le film de Avec Setsuko Hara (kikuko ogata), rences aquatiques et météorologiques, fréquentes chez Produit par la TOHO Naruse le rôle de Rika, servante surnommée oharu. Les Sô Yamamura Naruse, sont ici discrètement redoublées par des motifs Avec Kinuyo Tanaka relations entre otsuta, la tenancière et sa fille katsuyo (Shingo ogata), saisonniers et un glissement grâcieux du printemps vers (Rika oharu, la bonne), (Hideko Takamine) ne sont pas sans rappeler celles Ken Uehara (Suichi otto), l’automne, où la scène finale prouve à elle seule le génie Isuzu Yamada ( T s u t a y a k o d’Atsuko (encore kinyuo Tanaka) et sa fille, Akiko dans Shingo, vieil homme d’affaires, ressent une profonde Dans le Tokyo des années 1950, Otsuta est la tenan- Teruko Nagaoka du cinéaste. il restera à chacun d’entre nous à lire dans otsuta, la tenancière de la u ne femme dont on parle (1954) fréquemment oublié affection pour sa belle-fille Kikuko qui vit sous son toit cière endettée d’une maison réputée de geishas. Sa fille (Yasuko Nagaoka), les vides et les suspens la nature équi- maison de geishas), parmi les derniers chefs-d’œuvre de Mizoguchi. Dans et se consacre à son mari et à ses beaux-parents. Mais Katsuyo ne voit aucun avenir dans ce commerce dont les Yoko Sugi (Eiko Tanizaki) voque et sublime de ce lien d’amour Hideko Takamine un cas comme dans l’autre, mais dans Suichi, son époux, la néglige et leur relation devient (katsyuo, sa fille), pensionnaires affrontent comme elles le peuvent l’irré- - l’un des plus ambigus de son des gestes de cinéma qu’on distin- instable. Le jour où la jeune femme tombe enceinte, elle Mariko Okada (Nakako), médiable destitution qui les menace. Sous le regard de oeuvre - entre un vieil homme guera plutôt que de les vouloir décide de ne pas garder le bébé, remettant son mariage Haruko Sugimura (Someka), Rika, veuve dévouée et intègre, venant de trouver une rangé au crépuscule de sa vie comparer, pèse sur la fratrie en question. Sumiko Kurishima (ohama) place de bonne dans la maison, la vie s’écoule alors et une jeune femme enfin féminine une menace mettant qu’Otsuta s’acharne à trouver une issue favorable à la résolue à prendre en main à l’épreuve l’espoir de pro- pérennité de son activité et au maintien de la tradition la sienne. L’économie de visoires réconciliations qu’elle incarne. la mise en scène a pour ou complicités, et effet paradoxal de révéler l’endurance NARUSE PAR KurOsaWa l’amplitude émancipa- de chacune trice du regard que le à chercher a méthode de Naruse consiste en un agencement par plans très courts com- cinéaste veut porter UNE ŒUVRE rÉaLIsTe une issue à Lparables les uns aux autres, mais lorsque vous observez leur enchaînement à sur eux. Adapté d’un une vie de ucun humanisme dans ce cinéma, car Naruse ne croit pas à la perfectibilité de l’échelle du film entier, ils donnent l’impression d’une unique et longue prise. Le roman de l’immense peine. l’homme ; aucun naturalisme, car Naruse n’attribue pas la souffrance humaine flux est si limpide que les coupes en deviennent invisibles. Cet écoulement de plans kawabata, un des A à des causes externes ; aucun idéalisme non plus. Son œuvre présente un réalisme courts au premier regard paisibles et ordinaires révèle par la suite le lit d’un fleuve films de Naruse les sévère, exigeant et sans compensation. Naruse a brossé le portrait de cette blessure plus profond où sous une surface calme se dissimule un courant plus vif et tourmen- plus dépouillés mais inguérissable qu’on appelle la vie. té. incomparable était, dans cette manière de faire, la sûreté de son métier. aussi un de ceux qu’il akira Kurosawa. préférait. audie e. Bock, Editions du Festival de Locarno, 1983 QUAND UNE FEMME MoNTE L’ESCALiER UNE FEMME DANS LA ToURMENTE ONNA GA KAIDAN e bonheur est le meilleur des cosmétiques”. La MIDARERU hez Naruse, nombreux sont les films où l’impos- WO AGARU TOKI “Lphrase d’Ernest Hemingway semble résonner de Japon, 1964, 96 mn, Noir & Csibilité de construire le couple signe celle de son Japon, 1960, 112 mn, Noir & manière appropriée dès lors qu’on observe la façon dont Blanc, filmé en TohoScope. déclin inéluctable érodé par un quotidien destructeur. ils Blanc, filmé en TohoScope les personnages négocient avec la réalité qui les enserre. Scénario : constituent presque à eux seuls un sous-genre par- Scénario : La tristesse de ses héroïnes dépend ainsi autant de causes Zenzo Matsuyama fois qualifié de “fufu mono”. Dansu ne femme dans la Ryuzo Kikushima extérieures que d’un conflit entre leurs sentiments et la Directeur de la tourmente, cet amour attire l’un vers l’autre une veuve Directeur de la raison qui les pousse souvent à se parer d’un masque de photographie : Jun Yasumoto de guerre et son jeune beau-frère. Le titre japonais photographie : Masao Tamai circonstance (déjà dans Le Grondement de la montagne, la Décors: Satoshi Chuko Midareru signifie littéralement «être troublé». C’est Montage: H. Ito posture infantile de kikuko dissimule le dégoût amer que Musique : Ichiro Saito. dans cet état que Reiko et koji évoluent l’un près de lui inspire son mariage). «L’après-midi à Ginza, les rues et l’autre, lorsque ce dernier lui dévoile des sentiments Costumes : Hideko Takamine Produit par la TOHO Musique : Toshirô Mayuzumi les bars sont comme des femmes démaquillées» nous dit qu’il réprimait secrètement depuis de longues années. la voix off de keiko lorsque nous découvrons les ruelles de Avec Hideko Takamine Confronté à cette révélation, le monde intérieur de Produit par la TOHO (Reiko Morita), Ginza où elle travaille la nuit, esseulée dans un milieu où Reiko se fissure parallèlement aux menaces extérieures Yuzo Kayama Avec Hideko Takamine son refus de l’alcool et des relations tarifées relèveraient, pesant sur la pérennité de l’épicerie à laquelle elle s’est (keiko Yashiro), (koji, le beau-frère), entre autres signes, de sceaux préservés de son dévouée, pour subvenir aux besoins de sa belle-famille, Masayuki Mori Keiko Yashiro est hôtesse de bar dans le quartier chic de Mitsuko Kusabue Reiko Morita, jeune veuve, s’occupe d’un petit commerce indépendance. Vieillissante, elle doit malgré (Hisako, la belle-sœur), à la mort de son époux. Cinéaste de son temps, Naruse (Fujisaki, le banquier), Ginza, à Tokyo. Elle reste fidèle au souvenir de son mari qui a permis à sa belle-famille de survivre après la tout assurer son avenir. Deux solutions se Yumi Shirakawa imprègne subtilement son film d’une observation des Daisuke Kato (Sekine), décédé cinq ans plutôt. Ainsi, malgré son métier, elle se guerre. L’ouverture d’un supermarché dans le même Tatsuya Nakadai marier ou emprunter l’argent nécessaire (Takako, l’autre belle-sœur), changements en cours dans la société japonaise des refuse aux hommes qui la courtisent quotidiennement. quartier bouleverse sa vie tranquille et l’interroge sur (komatsu, le gérant), pour acheter son propre bar. Dans un cas Aiko Mimasu années 1960. Mais c’est une fois encore dans la peinture Un jour pourtant, elle s’éprend d’un des habitués de son avenir.
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