![P3-4 EDITO Et Preface 125-126 Sommaire Edito](https://data.docslib.org/img/3a60ab92a6e30910dab9bd827208bcff-1.webp)
Petite histoire de la restauration du château de Pierrefonds d’après le journal inédit de Lucjan Wyganowski Laurent KOKANOSKY « Le château de Pierrefonds est vier 1858 au 31 décembre 1885, Le démantèlement du châ- son œuvre (…) Tant que le châ- est crucial pour l’analyse ar- teau, puis le rattachement de la teau de Pierrefonds existera, le chitecturale de la restauration, prévôté au siège présidial de nom de Mr Viollet-le-Duc sera il fourmille également de men- Crépy-en-Valois en 1638 et la attaché à ses murs, comme le plus tions relatives à la vie quoti- création du bailliage de Villers- bel œuvre de sa vie laborieuse et dienne du chantier 3. C’est à Cotterêts en 1703, avaient con- pleine de gloire ». cette petite histoire de la res- duit Pierrefonds, chef-lieu d’une tauration du château ainsi qu’à des cinq châtellenies du Valois, Lucjan Wyganowski la personne de Lucjan Wyga- à un lent déclin au cours des Journal des Travaux nowski que va s’intéresser cet XVIIe et XVIIIe siècles. C’est à article. cette époque que la petite com- munauté des gens de justice disparaît, ainsi que celle des Les Archives Départemen- Un château demantelé petits seigneurs locaux, main- tales de l’Oise conservent trois tenant que les fiefs appartien- fonds provenant du château L’actuel château de Pierre- nent à des notables qui ne de Pierrefonds 1. Parmi les très fonds a été construit à partir résident pas en permanence à nombreux documents relatifs de 1396 par Louis, duc d’Or- Pierrefonds. Dans les premiè- à la reconstruction du château, léans et de Valois 4, sur l’em- res pages de son Histoire du décidée en 1857 par l’empe- placement ou à proximité de Duché de Valois, publiée en 1764, reur Napoléon III, figure le l’emplacement d’un premier Carlier témoigne de ce déclin : journal des travaux 2 tenu par château datant des puissants « la châtellenie de Pierrefonds Lucjan Wyganowski, qui en seigneurs de Pierrefonds (XIe diffère des autres, en ce que son supervisa la restauration quo- et XIIe siècles). Place stratégi- chef-lieu n’est plus, pour ainsi tidiennement, pendant 27 ans, que, notamment pendant les dire, qu’un désert ». Alexandre comme inspecteur des travaux, guerres de religion qui embra- Dumas ne dit pas autre chose, sous les ordres des architec- sèrent la région à la fin du lorsqu’il écrit en 1857 5: « Pier- tes Eugène Viollet-le-Duc (de XVIe siècle, le château fit l’ob- refonds (…), il y a trente ans, 1858 à 1879), Maurice Oura- jet d’un dernier siège par les était encore une solitude dans dou (de 1879 à 1884) et enfin armées du roi en 1616, alors le genre de celle des Pampas Juste Lisch (1884 et 1885). Si qu’il était tenu par le marquis ou des montagnes rocheuses ». ce journal, formé de quatre de Cœuvres, qui s’opposait au Un village « triste, pauvre, pres- tomes totalisant 606 pages et roi. Le château est démantelé que abandonné, avec des ma- couvrant la période du 15 jan- l’année suivante. sures en chaume », ajoute un 29 C’est justement à cette épo- que, entre 1810 et 1812, que Dumas découvrit Pierrefonds : on accédait au village en ve- nant de Villers-Cotterêts « par un chemin à peu près imprati- cable [et] il fallait monter aux ruines par un sentier à peu près impossible [car] à cette époque, il n’y avait pas d’esca- lier pratique au sommet des tours, pas de harpe éolienne vibrant au son des donjons ». Bref, conclut-il, « c’était quel- que chose de rude, comme le spectre du Moyen-Age ». Dans la première moitié du XIXe siècle, la route de Villers- Cotterêts fut pavée, et la route de Compiègne fut recouverte de macadam. Au final Pierre- fonds « est donc aujourd’hui une colonie d’artistes, de voya- Aquarelle de Pierrefonds vers 1840 (Anonyme) geurs, de touristes et de mala- des ». Des artistes de plus en guide touristique de la même trèrent à Pierrefonds. Pierre- plus nombreux viennent en ef- époque 6. Ce n’est effectivement fonds était un village, il devint fet à Pierrefonds pour peindre que dans la première moitié du un bourg. Ce village avait un les ruines : outre Louis-Joseph XIXe siècle qu’un changement étang, cet étang devint un lac ». Deflubé et Corot, Dumas men- s’opéra, auquel un attrait nou- tionne ses amis : Jacques Au- veau pour les ruines du châ- guste Régnier, Louis Godefroy teau n’est pas étranger. Cet at- L’époque des ruines Jadin, Alexandre Gabriel De- trait s’exerce notamment auprès et les débuts du tourisme camps et Camille Flers. Parmi d’artistes peintres : Jacques les autres peintres paysagistes Auguste Régnier, représentant Les ruines de Pierrefonds dont on connait des représen- d’un style troubadour, présen- avaient été vendues à la Ré- tations du château en ruine te au Salon de 1817 une repré- volution comme bien national figurent Jean-Jacques Cham- sentation des ruines, qui inspi- à un marchand de Crépy-en- pin, Jean-Baptiste Langlace, Eu- re également quelques années Valois, Longuet. Elles passè- gène Isabey, Auguste Xavier plus tard Camille Corot 7. En rent ensuite de main en main Leprince, Jean-Pierre Baraquin... 1825, la duchesse d’Angoulême pendant deux décennies, en fait placer des harpes éolien- particulier dans celles de l’hom- Au milieu du XIXe siècle, lors- nes au milieu des ruines. En me d’affaires parisien Maximi- que Pierrefonds prit son essor, 1832, Louis-Philippe utilise les lien Radix de Sainte Foix. Spé- le village n’était pas desservi ruines comme décor lors d’une culateur sur les biens natio- par le train : la gare, située sur réception consécutive au ma- naux, il possédait également la ligne entre Compiègne et riage de sa fille Louise avec dans la région les ruines de Villers-Cotterêts n’ouvrit qu’en Léopold Ier, roi des Belges. Béhéricourt, le domaine de l’ab- 1884. À partir de Compiègne, baye du Mont-Saint-Martin, ou accessible depuis Paris par les Ce renouveau fut accéléré par encore les ruines de l’abbaye chemins de fer du Nord, c’est la transformation du village en d’Ourscamp. À sa mort, son donc en voiture qu’il fallait se station thermale suite à la dé- notaire parisien, du nom de Gil- rendre à Pierrefonds. Les gui- couverte d’eaux sulfureuses let, parvint à racheter les rui- des touristiques de l’époque 10 et ferrugineuses par le peintre nes dans un souci de conser- mentionnent deux trajets aller- paysagiste Louis-Joseph Deflubé vation 8 et dans l’espoir de les retour par jour pendant la en 1845, puis par les travaux de revendre à l’État. La vente fut belle saison, au tarif de 2 F. la restauration du château, ce que conclue en février 1813, Napo- place, depuis « l’embarcadère Dumas résume ainsi : « Peu à léon Ier y était venu quelques du chemin de fer » (départ peu la lumière et la vie péné- années plus tôt 9. 11H30, retour à 15H00) et le 30 Café des Messageries, situé sur du château avant qu’elles ne ski est chargé de coordonner la place de l’hôtel de Ville (dé- soient vendues comme bien les travaux de l’ensemble des part 14H30, retour à 19H00). national à la Révolution. Il y corps de métiers (maçonnerie, La voiture quotidienne entre avait trois autres hôtels à charpente, serrurerie, menui- Compiègne et Villers-Cotterêts Pierrefonds ouverts avant les serie, couverture/plomberie, passe également par Pierre- débuts de travaux de restau- peinture/vitrerie, fumisterie, fonds tous les matins à 09H00. ration du château : l’hôtel des sculpture) et de rendre comp- Les voyageurs souhaitant y Bains, l’hôtel des Étrangers (si- te à Viollet-le-Duc, qui se dé- passer la nuit avaient le choix tué au Baudon) et le Grand place à Pierrefonds plusieurs entre de petites maisons meu- Hôtel de Pierrefonds 11. fois par mois, en fonction de blées et plusieurs hôtels. À l’avancement des travaux. Les commencer par l’hôtel des entrepreneurs intervenant sur Ruines, plus ancien établisse- La vie sur le chantier le chantier sont des entrepre- ment de Pierrefonds, et le seul neurs parisiens, excepté les tra- à exister avant la transforma- Lorsque le chantier de res- vaux de charpente, confiés au tion du village en station ther- tauration du château est dé- Pétrifontain Demazures. En male. Il était tenu dans la cidé par Napoléon III en 1857 revanche les ouvriers sont re- seconde moitié du XIXe siècle (il n’est alors question que de crutés en très grande majorité par Louise Terju et son mari restaurer la tour Nord-Est et la dans la population locale, com- Gabriel Connétable, qui était à tour Carrée), Viollet-le-Duc me le montrent deux listes d’ou- l’époque le « gardien des rui- embauche au poste d’inspec- vriers consignées dans les car- nes du château », tout comme teur des travaux Lucjan Wyga- nets de Wyganowski. l’avait été son beau-père Jean- nowski, qui avait auparavant Pierre Terju, dont le propre travaillé à Paris avec l’architec- Les ouvriers travaillent tous beau-père, le « maître de pen- te Jean-Baptiste Lassus jusqu’à les jours, sauf le dimanche et sion » Nicolas Athénas, n’était la mort de ce dernier, en juillet les jours de grande fête, c’est- autre que le locataire des ruines 1857. Sur le chantier, Wyganow- à-dire le jour de l’Ascension Le château en reconstruction : on distingue des échaffaudages. Presqu’au centre, la maison avec une tourelle était celle de Wyganowski (Photo Dupré, Compiègne) 31 (qui est aussi la fête des ma- çons et des tailleurs de pierre), la Toussaint, Noël et le 1er jan- vier.
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