Document généré le 29 sept. 2021 08:22 Recherches amérindiennes au Québec Présentation Les Atikamekw Nehirowisiwok : territorialités et savoirs Sylvie Poirier, Laurent Jérôme et la Société d’histoire atikamekw (Nehirowisiw Kitci Atisokan) Les Atikamekw Nehirowisiwok : territorialités et savoirs Volume 44, numéro 1, 2014 URI : https://id.erudit.org/iderudit/1027875ar DOI : https://doi.org/10.7202/1027875ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Recherches amérindiennes au Québec ISSN 0318-4137 (imprimé) 1923-5151 (numérique) Découvrir la revue Citer ce document Poirier, S., Jérôme, L. & la Société d’histoire atikamekw (Nehirowisiw Kitci Atisokan) (2014). Présentation : les Atikamekw Nehirowisiwok : territorialités et savoirs. Recherches amérindiennes au Québec, 44(1), 3–10. https://doi.org/10.7202/1027875ar Tous droits réservés © Recherches amérindiennes au Québec, 2014 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ PRÉSENTATION Les Atikamekw Nehirowisiwok Territorialités et savoirs Sylvie Poirier, Nous dédions ce numéro à Gilles Ottawa études archéologiques, anthropologi­ qui nous a quittés le 19 janvier 2013. Laurent ques et ethnohistoriques des XIXe et Jérôme Chercheur autodidacte et originaire de e Manawan, Gilles a consacré sa vie à XX siècles (voir la bibliographie com­ et documenter la langue, l’histoire, la tradi- plémentaire ci­dessous). Le lecteur tion orale et les savoirs de sa nation. Son la Société pourra regretter l’absence d’un tel legs est d’une valeur inestimable pour bilan ou état des lieux, mais nos d’histoire les générations actuelles et futures. atikamekw objectifs sont plus circonscrits. En ne (Nehirowisiw E NUMÉRO EST LE RÉSULTAT d’un tra­ perdant pas de vue leur tradition de Kitci Atisokan) vail et d’un processus de collabo­ chasseurs, nous présentons certaines ration entre les Services culturels facettes de la relation contemporaine C que les Atikamekw Nehirowisiwok du Conseil de la Nation atikamekw (CNA), la Société d’histoire atikamekw entretiennent et engagent avec leur et une équipe de chercheurs univer­ territoire ancestral, le Nitaskinan/ 2 sitaires1. Depuis le début des années Kitaskino , en termes à la fois de 2000, cette collaboration s’est déve­ continuité et de transformations, de loppée sur la base de relations de résis tance et de compromis, d’adapta­ confiance et d’échange, ainsi que sur tions et de tensions. Un des objectifs des relations d’équité entre des exper­ de ce numéro est aussi de rendre compte tises et des perspectives autochtones de certains des défis et des préoccu­ et non autochtones. Les objectifs de pations de la Nation atikamekw dans ce travail de collaboration, que nous la poursuite et la reconnaissance de situons dans une optique de décolo­ son propre projet de société, un nisation de la recherche (Smith 1999), projet au sein duquel toutes les géné­ consistent notamment à appuyer les rations pourront se reconnaître, un efforts et les démarches de chercheurs projet de société ancré au sein et à autodidactes et d’experts atikamekw partir du Nitaskinan/Kistaskino. dans la documentation de leur tradi­ tion orale et de leurs savoirs ; dans * Contrairement à sa politique habituelle, la réappropriation de leur histoire et la qui est de se conformer aux règles de légitimation de leurs voix et de la parole l’Office québécois de la langue fran­ de leurs aînés; et enfin, dans la valo­ çaise (OQLF) concernant l’ortho­ graphe des noms amérindiens, RAQ a risation et la transmission de cette accepté ici, dans ce numéro sur les tradition et de ces savoirs auprès des Atikamekw Nehirowisiwok, d’utiliser jeunes générations. Notre intention leur graphie. Tous les articles ont d’abord été revus par les services de n’est pas de présenter ici un bilan traduction atikamekw et ont ensuite 1, 2014 O et un état des lieux des écrits et recher­ fait l’objet d’une attention particulière , N de notre part pour la révision linguis­ V ches « sur » la Nation atikamekw* tique du français. Un lexique donnant depuis les Relations des jésuites l’orthographe des principaux termes . XLI jusqu’à aujourd’hui, en passant par les utilisés est joint à la fin de cette pré­ Vol sentation. [NDLR] 3 RECHERCHES AMÉRINDIENNES AU QUÉBEC, XLIV, NO 1, 2014 LA NATION ATIKAMEKW appartenance communes face à la société majoritaire. La Les Atikamekw Nehirowisiwok, traditionnellement première mention connue du nom « Atikamekw » chasseurs­pêcheurs­cueilleurs semi­nomades de la forêt (Attikamegouckhi ou Attikamègues) dans les archives boréale, s’inscrivent dans la famille linguistique et cultu­ coloniales remonterait à 1636 dans les écrits du père relle algonquienne. Leur territoire, le Nitaskinan, est sis jésuite Le Jeune (Gélinas 2000 : 32). À l’époque, l’appella­ dans le bassin versant de la Tapiskwan sipi (rivière Saint­ tion Atikamekw, traduite par « le peuple du poisson 5 Maurice) dans le centre­nord du Québec (voir le texte de blanc » , n’était ni un ethnonyme, ni ne désignait un la Société d’histoire Tapiskwan Sipi, dans ce numéro). groupe de chasse particulier, mais semblait être utilisée Durant la première moitié du siècle dernier, devant l’enva­ par les groupes voisins, notamment les Anichinabés (ou hissement graduel de leur milieu de vie et de leurs terri­ Algonquins), afin de désigner l’ensemble des groupes de toires familiaux par les Emitcikociwicak (les Blancs) 3, et à chasse occupant les territoires dans le bassin versant de la l’instar des nations autochtones voisines, les Atikamekw Tapiskwan sipi. Au siècle suivant, les incursions des Nehirowisiwok se sont graduellement établis dans trois Emitcikociwicak dans la région furent assez rares, et ainsi lieux « réservés » à leur intention, soit Wemotaci, Manawan les écrits de l’époque perdirent en quelque sorte la trace de e et Opitciwan. Tout en se reconnaissant une appartenance ceux que l’on appelait alors les Atikamekw. Aux XVIII et e commune au sein de la Nation atikamekw, chacune des XIX siècles, ces derniers réapparaissent à nouveau dans les trois communautés n’en conserve pas moins des éléments écrits des Emitcikociwicak, mais sous l’appellation cette fois 6 linguistiques, culturels, historiques et identitaires spéci­ de « Gens des terres » ou « Têtes de boule » . Quant à fiques. La Nation atikamekw compte aujourd’hui près de l’appellation « Atikamekw », elle a refait surface et a été 7000 membres qui vivent dans ces trois communautés mais officialisée à partir des années 1970 alors que la Nation aussi dans des villes comme Capetciwotakanik (La Tuque), atikamekw et les trois communautés de Wemotaci, Metaperotin (Trois­Rivières), Cawinikan (Shawinigan) et Manawan et Opitciwan entamaient les processus de reven­ Opictikweak (Québec). Le Conseil de la Nation atika­ dications politiques et territoriales avec les deux paliers de mekw (Atikamekw Sipi), dont le siège social est situé à gouvernements (voir plus loin). Il n’empêche que l’absence Capetciwotakanik, fut fondé au début des années 1980 et du nom « Atikamekw » dans les écrits coloniaux des e e est l’organisme responsable de représenter et de défendre XVIII et XIX siècles a incité certains chercheurs à suggérer les intérêts et les droits des trois communautés et des que les Atikamekw avaient été décimés dès la fin du e membres de la Nation atikamekw. XVII siècle, par les épidémies et les raids iroquois, et rem­ placés par un autre groupe venu de l’ouest. En 2006, le Conseil de la Nation atikamekw a officiellement associé au terme « Atikamekw » le terme Une telle hypothèse, qui s’appuie sur l’incomplétude et « Nehirowisiw » (pluriel : Nehirowisiwok). Ainsi, celle que l’amnésie des documents d’archives, ou cette « erreur l’on avait désignée jusqu’ici comme la Nation atikamekw tenace » comme dira le Conseil de la Nation atikamekw devient la Nation atikamekw. Bien qu’officialisé récem­ (2004), a donné lieu à un débat entre chercheurs non ment, l’ethnonyme Nehirowisiw n’en est pas moins une autochtones qui ont tour à tour interprété les traces des 7 appellation beaucoup plus ancienne : « Le terme atikamekw écrits coloniaux . Or, aucun n’a jamais pris la peine ou nous a été proposé dans les années 1970 par les anthropo­ jugé utile d’interroger la tradition orale des Nehirowisiwok logues. Et nous l’avons pris. Mais les aînés n’étaient pas qui raconte pourtant un autre récit, dont certains éléments d’accord. Nous avons toujours été des Nehirowisiwok » sont présentés dans le texte « Tapiskwan Sipi » (dans ce (Société d’histoire atikamekw et Jérôme 2009 : 23­24). Il numéro). Afin de se soustraire à la menace que représen­ est d’ailleurs pertinent de mentionner que, dans les entre­ taient les épidémies et les raids iroquois, la tradition orale tiens conduits en 1980 et 1981 auprès de dizaines d’aînés nehirowisiw retient que ses gens ont cessé de fréquenter le des trois communautés dans le cadre de la Recherche sur site de Metaperotin (Trois­Rivières) et les environs pour se l’occupation et l’utilisation du territoire (ROUT), les aînés retirer à l’intérieur des terres, sur les territoires en amont qui témoignent, dont la majorité était unilingue, n’utilisent de la rivière Tapiskwan. Une tradition orale d’ailleurs réso­ jamais l’appellation « Atikamekw » pour se désigner, mais lument ancrée dans le Nitaskinan/Kitaskino. bien celle de « Nehirowisiw »4. Nehirowisiw signifie « un Il n’est certes pas anodin de rappeler que les études être autonome », un être qui entretient des relations équi­ conduites dans les années 1980 et 1990 qui ont conclu à librées et respectueuses avec son milieu et son environne­ la « disparition » des Atikamekw (et de leurs voisins les ment (ibid.
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