www.lemonde.fr 58 ANNÉE – Nº 17816 – 1,20 ¤ – FRANCE MÉTROPOLITAINE --- MERCREDI 8 MAI 2002 FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE COLOMBANI Ce qui attend l’équipe Raffarin La formation du gouvernement est gérée par Chirac et Juppé. L’ouverture au centre et à la société civile s’avère difficile L’équipe Raffarin. Après la nomi- fDouste-Blazy nation rapide du président (DL) de la région Poitou-Charentes à Mati- refuse d’entrer . / gnon, la composition du nouveau gouvernement s’est heurtée à des au gouvernement difficultés. Prévue lundi, l’annonce a Le meurtre été reportée à mardi. L’ouverture au f Sarkozy à la centre et à la société civile est limi- qui stupéfie tée. Philippe Douste-Blazy (UDF) a sécurité, Alliot-Marie refusé d’entrer au gouvernement. à la défense, Villepin les Pays-Bas Trois certitudes : Nicolas Sarkozy (RPR) à la tête d’un grand ministère au Quai d’Orsay PIM FORTUYN, chef d’une droi- de la sécurité intérieure ; Michèle te populiste et xénophobe, favori Alliot-Marie (RPR) au ministère de la f des élections législatives qui de- défense ; Dominique de Villepin, Les treize dossiers vaient se tenir le 15 mai, a été tué secrétaire général de l’Elysée depuis prioritaires de plusieurs balles, lundi 6 mai. Ce 1995, au Quai d’Orsay. p. 2 et 3 meurtre traumatise les Pays-Bas. qui attendent Les dossiers. Notre inventaire de Lire page 19 ce qui attend le nouveau gouverne- le premier ministre ment. Secteur par secteur, thème EUTHANASIE par thème, ce qui a été fait, ce qui f Portrait : reste à faire, ce qu’avait promis le Soupçons sur le CHU candidat Jacques Chirac. Dans l’or- Raffarin le discret, dre des pages : sécurité, justice, san- Gauche. Les négociations en vue Syndicats. FO et la CGT résolues à Débats. Les points de vue de six de VGE à Chirac de Besançon p. 22 té, éducation, emploi, immigration, des législatives. p. 8 maintenir la mobilisation. p. 12 cinéastes et de Nicolas Baverez, exclusion, fiscalité, retraites, servi- Azouz Begag, Michel Guénaire et PROCHE-ORIENT ces publics, dialogue social, Corse et Front national. Des accords de Portrait. Jean-Pierre Raffarin, le dis- Jean-Louis Quermonne. p. 16 et 17 f Reportages dans décentralisation, réforme des insti- désistement avec la droite ? Cinq cret, de VGE à Chirac. Extraits de La rencontre tutions, agriculture. p. 4 à 7 reportages sur le vote FN. p. 10 et 11 son livre sur la « gouvernance ». p. 13 Editorial. « Restauration ? » p. 18 les fiefs de Le Pen Bush-Sharon p. 21 ENVIRONNEMENT Les craintes et les espoirs des salariés Comment l’animal AU LENDEMAIN du second Et la plupart des personnes interro- la retraite, la santé, la formation et Chirac-Jospin, cinq années s’adapte à des milieux tour de l’élection présidentielle, les gées sont inquiètes. Les agents les services publics doivent consti- correspondants du Monde ont son- d’EDF que nous avons rencontrés tuer les principales priorités socia- changeants p. 32 dé le monde du travail pour connaî- s’attendent à une évolution du sta- les du gouvernement. Revenant d’un combat sans merci tre les attentes des salariés à tut de l’entreprise, mais refusent sur le succès de l’extrême droite PORTRAIT l’égard du gouvernement de Jean- une remise en question de certains auprès des salariés et en particu- Pierre Raffarin. Entendent-ils faire avantages. Dans le privé, les lier des ouvriers, il estime que les John Trudell, le blues bénéficier le gouvernement d’un 35 heures sont contestées, même syndicats doivent obtenir satisfac- des Sioux p. 40 certain « état de grâce » ? Envisa- par ceux qui en bénéficient et qui tion si on ne veut pas faire le lit du gent-ils au contraire un « troisiè- craignent que, dans un monde Front national. France ......................... 2 Aujourd’hui.............. 32 me tour social » ? Licenciés de concurrentiel, cette avancée ne se Par ailleurs, dans les jours qui ont Horizons.................... 13 Météorologie-Jeux... 36 Moulinex, employés de commer- retourne contre eux. précédé son départ, le gouverne- International............ 19 Culture...................... 37 ce, cadres de banque, ingénieurs Dans un entretien au Monde, ment Jospin a publié des décrets éco- Société ...................... 22 Radio-Télévision...... 41 en informatique, traminots mar- Jean-Christophe Le Duigou, numé- nomiques et sociaux importants. Entreprises............... 26 Carnet....................... 42 Communication...... 29 Abonnements.......... 42 seillais, contrôleurs à la SNCF… ro deux de la CGT, n’envisage pas Marchés ................... 30 Emploi-Annonces.... 43 leurs revendications sont diverses. de troisième tour social. Selon lui, Lire pages 26 et 27 Un dernier baiser envoyé de la main, et Jospin quitte « Matignon rive gauche » IL Y A cinq ans, il avait annon- L’entretien avec le président de autour du tapis écarlate. Beaucoup tiennent LE MONDE raconte les cinq années d’affrontement entre Jacques cé tout seul sa nomination au la République dure à peine un une rose rouge à la main. Chirac et Lionel Jospin. Courtoise en 1997, cette coexistence s’est poste de premier ministre sur le quart d’heure. Cette fois – peut- Lionel Jospin accueille son successeur, sur le peu à peu transformée en un combat sans merci. Les deux hommes perron de l’Elysée. On avait vu être parce que son ex-premier perron, d’un « Bonjour, monsieur le Premier ont été dévorés par le jeu de rôle auquel la plus longue cohabita- du régalien là où il y avait de la ministre « se retire » de la vie ministre ! » sonore. Pourtant, la passation de tion institutionnelle de la Ve République les a contraints. « Il se plan- spontanéité. A la fin de son politique –, Jacques Chirac rac- pouvoirs n’est pas encore faite. Le tête-à-tête tera », avait prédit Jacques Chirac. Lire notre récit pages 14 et 15 entretien avec Jacques Chirac, le compagne Lionel Jospin. Un ne dure, là encore, qu’un quart d’heure. « Bra- -/ nouveau chef du gouvernement premier ministre qui remet sa vo ! Merci, merci ! » Lorsque Lionel Jospin des- lui avait demandé : « Je vais sor- démission à un président réélu, cend les marches du perron, vers 16 h 20, ses tir, il va y avoir des journalistes. chacun pense à 1988. À l’épo- conseillers l’acclament. Beaucoup pleurent. Lio- Qu’est-ce que je leur dis ? » que, le chef de l’Etat s’appelait nel Jospin envoie un baiser de la main, ému, « Vous leur annoncez votre nomi- Mitterrand, et le premier minis- et, dans sa voiture, salue d’un dernier geste de nation », avait répondu le prési- / tre Chirac. la main. Avant de s’en aller, il a fait savoir qu’il dent de la République. Lundi Cameramen et photogra- versait au Trésor public – comme promis – le 6 mai, la démission a été plus protocolaire. phes sont tenus à l’écart. De la poignée de solde des fonds spéciaux qui étaient à la dispo- Peu après 9 heures, le premier ministre est main entre les deux adversaires, on ne voit sition de Matignon, soit 2,76 millions d’euros. sorti de son appartement de la rue du Regard, donc que quelques images furtives, entre les Olivier Schrameck, qui vient de recevoir Pierre dans le 6e arrondissement de Paris, avec un grilles du palais présidentiel. Deux sourires. Steinmetz qui va diriger le cabinet de M. Raffa- petit cartable en cuir, et s’est engouffré dans La passation Jospin-Raffarin a lieu plus tard, rin, quitte, à pied, seul, par la petite porte réser- sa voiture, direction Matignon. Quelques dans l’après-midi. Un peu avant 16 heures, vée aux visiteurs, ce Matignon, rive gauche affaires courantes, et la voiture a pris le che- avec quelques minutes d’avance, Jean-Pierre (Seuil), dont il avait fait un succès, de librairie. min de l’Elysée. A 10 h 30, il est accueilli par le Raffarin arrive à Matignon. Le personnel et secrétaire général, Dominique de Villepin. les conseillers se sont massés dans la cour, Ariane Chemin a Fantômes Pédagogie de la peur de la guerre par Pascal Bruckner d’Espagne IL Y A DEUX SORTES de peur : çais qui veulent accéder au titre de re incriminer des coupables, elle l’une qui paralyse, l’autre qui ins- victimes officielles comme les nous incitera aux douleurs de la truit, l’une qui égare, l’autre qui autres –, il leur désigne les boucs remise en cause. dégrise, l’une qui infantilise, émissaires à abattre, en premier Depuis quelques semaines, un l’autre qui fait mûrir. lieu les juifs, ses ennemis de tou- gigantesque chantier s’est ouvert Le Front national éveille cons- jours. dans notre pays, libérant un flot tamment la première : en décri- Mais une autre peur, plus cons- de paroles, d’initiatives désordon- vant une France au bord du gouf- tructive, est apparue depuis le nées où l’accablement le dispute à fre, menacée par l’immigration, 21 avril : peur de l’extrémisme, la lucidité, comme si Le Pen, symp- l’Europe, le mondialisme et l’empi- bien sûr, mais aussi prise de tôme de nos fractures, avait re yankee, il taquine l’Apocalypse, conscience de la gangrène qui enclenché malgré lui un boulever- il vise à tétaniser ses électeurs, à nous rongeait sans que nous le sement qui devrait, à terme, le mar- les plonger dans l’effroi pour qu’ils sachions. Cette inquiétude, pour- ginaliser. L’ÉCHINE du diable,de se blottissent mieux dans les bras vu qu’on la canalise à bon escient, Guillermo Del Toro, mêle de l’homme providentiel. En flat- peut être féconde : au lieu de nous Lire la suite page 17 l’horreur de la guerre d’Espa- tant leur sentiment de persécution faire attribuer notre mal à une cau- gne et la peur des revenants.
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