CULTURES DE CONSOMMATION MASTER 1 MC2 Mme Dabadie et Mr Welté 2019 - 2020 VEGANISME U N E C U L T U R E D E C O N S O M M A T I O N ? s n i t r a M a i d u a l C - e n n o R e D e n i l o r a C - e h c u o m r e D e n i r é S - r e n g i e t a h C e n i l u a P - c e n n a r a B e i n a l é M SITE WEB http://www.projetveganisme.sitew.fr/ Sommaire INTRODUCTION PARTIE 1 : VÉGANISME ET VÉGÉTARISME, NOUVELLES PRATIQUES DE CONSOMMATION A) Les principales motivations des interviewés B) Du changement alimentaire au mode de vie PARTIE 2 : LES FORMES DE L’ENGAGEMENT DU VÉGÉTALISME ET DU VÉGANISME A) Des pratiques individuelles aux pratiques collectives B) Un mouvement vegan international C) De la communauté à l’exclusion Internet et les réseaux sociaux, espaces de partage La pratique végane comme stigmate PARTIE 3 : L’ESSOR DU MARCHÉ DU VÉGANISME A) Le développement de nouvelles marques spécialisées B) Le marché vegan : une opportunité saisie par les grands groupes C) Les ambassadeurs du véganisme : les influenceurs CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE La consommation carnée occupe une place centrale dans l’alimentation et la culture occidentale. Cependant, depuis quelques années, les problématiques liées au réchauffement climatique, aux conditions d’élevage intensif et les divers scandales sanitaires remettent en question la grande importance sociale de la viande et laissent place à de nouveaux modes de consommation « alternatifs », à l’image du véganisme. En vue de définir le “véganisme” nous nous sommes appuyées sur la définition de Donald Watson, co-fondateur de la Vegan Society1 : “Une philosophie et façon de vivre qui cherchent à exclure – autant que faire se peut – toute forme d’exploitation et de cruauté envers les animaux, que ce soit pour se nourrir, s’habiller, ou pour tout autre but, et par extension, faire la promotion du développement et l’usage d’alternatives sans exploitation animale, pour le bénéfice des humains, des animaux et de l’environnement.“ En outre, le véganisme se distingue du végétalisme, parce qu'il va au-delà de l'alimentation et concerne l'habillement mais également le divertissement. Au cours de notre étude, nous emploierons le terme « végétalisme » au sens large, pour désigner tous les autres régimes alimentaires rejetant les produits d’origine animale (flexitarien, végétarien, végétalien…). En France, l’année 2015 est un moment décisif pour le mouvement. Le mot « véganisme » entre dans le dictionnaire et la première vidéo de l'association L214, tournée dans l’abattoir d'Alès est publiée sur internet. Les images, insoutenables, ont été vues plus de deux millions de fois sur YouTube. Brigitte Gothière, cofondatrice et porte-parole de l’association déclarait : « Il y a un avant et un après Alès ». Depuis, une commission d'enquête parlementaire a été créée et les abattoirs sont sous contrôle : 80% présentent des non-conformités, dont 12% des défauts d'étourdissement. La question de « la légitimité de continuer à faire tuer des animaux pour les manger s'installe dans le débat public », s'enthousiasme la militante. Par ailleurs, la consommation de viande a baissé de 12% ces dix dernières années dans l’hexagone, alors que le marché du véganisme s'est multiplié par quatre en l'espace de deux ans. Progressivement, nous assistons à une structuration du marché vegan. Les boutiques et restaurants 100% vegans se multiplient dans les grandes villes. De nombreuses gammes vegans font également leur apparition dans les rayons des supermarchés et hypermarchés. Le marché de l’alimentation 1 La Vegan Society est une association caritative fondée en Angleterre, le 1ᵉʳ novembre 1944, par Donald Watson et Elsie Shrigley. Site web de la Vegan Society : https://www.vegansociety.com 1 végane et végétarienne enregistre un chiffre d’affaires en hausse de 24% en 2019 dans les super et hypermarchés pour culminer à 380 millions d’euros. Selon les experts, cette croissance, devrait atteindre d’ici deux ans, les 600 millions de chiffre d’affaires (soit 17% d’augmentation). Enfin, sur internet, les comptes d’influenceurs vegans ou végétaliens proposant des recettes healthy ou encore des programmes d'initiation pour devenir vegan en trois semaines sont de plus en plus nombreux. Concernant notre méthodologie d’enquête, nous avons réalisé une dizaine d’entretiens d’une durée moyenne de trente minutes. Au vue des circonstances actuelles de crise sanitaire, ils ont tous été réalisés à distance à travers des outils de visioconférence tels que zoom, FaceTime… Nous avons employé un guide d’entretien faiblement directif, mais qui abordait systématiquement la dimension biographique de l’entrée dans le véganisme, avec pour objectif de mettre en lumière les différentes facettes de ce choix en lien avec les diverses instances de socialisation de l’individu : famille, amis, université, profession, pays, voyages… Il demandait également aux enquêtés de décrire en détail leurs pratiques de consommation actuelles, mais aussi de rendre compte de leur sociabilité et de leur degré d’engagement. Afin de recueillir des informations plus personnelles telles que les réactions et les opinions des individus face à une situation, les entretiens semi-directifs ont été privilégiés. L'entretien semi-directif comprend deux types de questions : des questions ouvertes, qui permettent au répondant de s’exprimer plus librement sur un sujet et des questions fermées (directes), utiles pour recueillir des informations factuelles, et ainsi accéder plus facilement aux pratiques. Ce type d’entretien nous a d’ailleurs permis d’accéder à des pistes de réflexion et de compréhension inconnues, tout en nous faisant prendre conscience de certains détails pertinents qui nous avaient échappés au moment de l’élaboration de notre guide d’entretien. Afin d’alimenter notre enquête, nous avons mobilisé différents concepts sociologiques, tels que la notion d’habitus de Pierre Bourdieu et sa remise en question par l’anthropologue Laurence Ossipow, la notion de stigmatisation de Erving Goffman ou encore de déviance de Howard Becker. Nous nous sommes également appuyées sur les travaux du sociologue américain Paul Lazarsfeld, et notamment sur l’influence des leaders d’opinion. En outre, de nombreux journalistes tels que Audrey Garric y ont consacré des articles de presse et des publications ont été mises en ligne sur Internet à ce sujet. 2 À travers cette étude, nous allons tenter de comprendre comment le véganisme se structure pour devenir une culture de consommation, à l’intérieur de laquelle, les individus échangent du sens au travers des biens qu’ils consomment. Nous nous attacherons à l’étude de ce mouvement en France, afin de comprendre l’origine et les changements que cela entraîne dans les habitudes de consommation des Français. Puis, nous étudierons les conditions qui déterminent l’engagement et les variations de pratiques auxquelles ce régime donne lieu. Enfin, nous analyserons comment les industriels tentent de s’adapter à cette nouvelle demande. 3 PARTIE 1 : VÉGANISME ET VÉGÉTARISME, NOUVELLES PRATIQUES DE CONSOMMATION A) Les principales motivations des interviewés « Demain, vous serez tous végétaliens », annonçait le philosophe Thomas Lepeltier dans La Révolution végétarienne (2013). D’après lui, l’exploitation animale finira par être abolie « comme l’a jadis été l’esclavage ». Aujourd’hui, 3 % des Français sont végétariens et 10 % des Français aspirent à le devenir, selon un sondage réalisé en janvier 2016 par Opinion Way pour « Terra eco », sur un échantillon représentatif de 1 052 personnes. Nous avons enquêté pour comprendre quelles étaient les motivations qui poussaient les consommateurs à adopter ce nouveau mode de consommation, le végétarisme ou le véganisme. Les motivations des végétariens sont multiples, s’additionnent et sont rarement univoques. D’après la même enquête pour « Terra eco », 75% des végétariens interrogés sont contre la souffrance animale, 67% veulent également « consommer de façon responsable et protéger l’environnement » et enfin 53% mettent en avant des questions de santé. Des résultats, que nous avons retrouvé au cours de nos interviews. En effet, une partie de nos interviewés fait référence à des raisons éthiques en lien avec le bien-être animal. C’est notamment le cas de Sonia Duryn, militante L214 et végane depuis près de quinze ans : « La raison principale c’est les animaux parce que j'adore les animaux et je ne me voyais pas les manger ». De même pour Florine Rolland, qui déclarait avoir « eu le déclic qu'on mangeait des êtres vivants ». La mise en place d'une alimentation excluant les produits d’origine animale, permettrait notamment aux individus de se sentir mieux moralement. En effet, Samy-Vicente Lacerda nous expliquait ne plus vouloir participer « à la souffrance que les hommes font subir aux animaux. [ … ] dans ma tête en tout cas, ça me permet de me distancier de cette souffrance et je me sens plus en accord avec mes convictions. » D’autres, ont déclaré avoir adopté ce type d'alimentation pour éviter d'éventuelles maladies ou encore pour diminuer un inconfort physique. C’est notamment le cas du coach sportif Mehdi el Mabrouk : « Alors moi, vraiment ma démarche première, c’était le côté santé qui m’intéressait dans cette alimentation végétale [ … ] Ce n’est 4 pas parce que tu es végétalien que tu vas pas tomber malade, tu sais c’est un peu comme un fumeur qui n’aura jamais un cancer du poumon, mais c’est mettre toutes les chances de son côté. » En effet, dès 2017, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) présentait le Programme National Nutrition Santé (PNNS), dans lequel elle recommandait fortement de réduire notre consommation de viande, augmentant le risque de cancer et maladies chroniques.
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