Le Canton De Villers-Bocage Pendant La Révolution Française (1789 -1799 ) Gravure De La Couverture : «Refrains Patriotiques : La Carmagnole» Eau-Forte Anonyme, Bibl

Le Canton De Villers-Bocage Pendant La Révolution Française (1789 -1799 ) Gravure De La Couverture : «Refrains Patriotiques : La Carmagnole» Eau-Forte Anonyme, Bibl

CHRISTIAN MANABLE LA RÉVOLUTION TRANQUILLE Le canton de Villers-Bocage pendant la Révolution française (1789 -1799 ) Gravure de la couverture : «Refrains patriotiques : la Carmagnole» Eau-forte anonyme, Bibl. Nat. Paris ISBN 2-8661 5-026-0 Dépôt légal - 1 ère édition : décembre 1988 Ê C.R.D.P. - Amiens, 1988 45, rue Saint-Leu - 80000 AMIENS A tous les Hommes de la Liberté PRÉFACE «La réalité du social, la réalité foncière de l'homme se découvre nouvelle à nos yeux et, qu'on le veuille ou non, notre vieux métier d'histo- rien ne cesse de bourgeonner et de refleurir dans nos mains». Cette cita- tion extraite des «Ecrits sur l'histoire» de Fernand BRAUDEL illustre à souhaits le travail d'historien réalisé par Christian MANABLE. Nous voici plongés dans l'Amiénois de 1789 au début du Consulat. Cette publication que j'ai le plaisir de présenter est née de la plume de Christian MANABLE qui n'a pas enfermé l'histoire de son canton dans l'anecdote, mais l'a, au contraire, ouverte sur l'histoire nationale. Les ondes de choc parisiennes ont-elles bousculé traditions et cou- tumes d'une société rurale installée dans ses habitudes depuis des siècles ? Comme le chiendent tient à la terre malgré la pugnacité du paysan à vou- loir l'extirper, les habitudes de la population paysanne ont résisté aux coups de butoir de la révolution parisienne. «La Révolution tranquille» évalue avec finesse la rupture qui s'est opérée, dans ses grandeurs et ses bassesses, au cœur d'une société villageoise incapable d'apprécier la hau- teur du mur idéologique qui, d'un coup, se dressait devant elle. Les ruraux ont senti la forte aspiration libératrice sans comprendre la violence des événements qui la portait. La précision que Christian MANABLE met à rapporter les événe- ments, à présenter les choses et les gens, nous introduit dans l'intimité des communautés de village sur lesquelles il porte un regard attendri mais lucide. Cet ouvrage procède d'une investigation minutieuse des sources que chacun peut consulter pour satisfaire une curiosité que sa lecture aura fait naître. Les professeurs d'histoire, en quête de documents originaux ou d anecdotes significatives trouveront dans cet ouvrage une excellente illus- tration à leurs cours sur la Révolution Française. Août 1988 Pierre DESPLANQUES Inspecteur Pédagogique d'Histoire et de Géographie INTRODUCTION Je nourris le regret de ne pas avoir eu 20 ans en 1 789. J'aurais pu ainsi participer à l'épopée révolutionnaire des Hommes de la Liberté et assister à l'éclosion des valeurs républicaines. Peu de moments de l'His- toire de France sont aussi chargés d'événements que la période révolution- naire allant du 5 mai 1 789 - ouverture des Etats Généraux - au 3 Novembre 1 799 - coup d'Etat du 1 8 brumaire. Dans cette décennie pleine de bruit et de fureur, il y a, en germe, tous les éléments politiques du monde d'aujourd'hui. Oui, l'héritage de la Révolution française est riche, multiple et durable : Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, abolition des priviléges et égalité de tous devant la loi, souveraineté populaire, régime républicain et constitutionnel respectant la séparation des pouvoirs, décen- tralisation administrative, séparation de l'Eglise et de l'Etat, système métri- que, limitation de l'autorité paternelle, institution du divorce, partage égali- taire des héritages entre tous les enfants... Certes la mise en place de la liberté et de l'égalité est incomplète ou parfois dévoyée, mais le cap est tracé et le temps achévera cette œuvre. La France moderne est bien la fille de 1 789. Mais les manuels d'histoire occultent l'émiettement du phénomène révolutionnaire en mettant l'accent sur les événements parisiens et en négligeant la complexité régionale. L'étude locale est indispensable pour montrer combien le mouvement révolutionnaire fut divers et diversement vécu et compris. L'analyse historique «à la loupe» d'un microcosme canto- nal - celui de Villers-Bocage - composé alors de neuf communes permet d'appréhender les mentalités rurales face au phénomène révolutionaire, et aussi de mesurer les concordances et les discordances idéologiques entre Paris et la campagne picarde. La rédaction des cahiers de doléances, les réformes administratives, les bouleversements sociaux, la vente des biens nationaux, les problèmes de la religion et du clergé, la guerre révolution- naire et ses conséquences humaines et économiques : tout atteste que la Révolution comme la Contre-Révolution dans le canton de Villers-Bocage, et d'ailleurs dans l'ensemble du département de la Somme, furent emprun- tes de modération. Notre canton ne fut ni le faubourg Saint-Antoine, ni la Vendée. On n'y a pas pris la Bastille, le froid couperet de la guillotine n'y a pas fait gicler le sang des ci-devants. Aucun homme originaire du canton n'a occupé un rôle politique national voire régional durant cette période tourmentée. Les manouvrhrs et les laboureurs adoptent une attitude d'attentisme prudent. C'est la Révolution tranquille. La population locale manifeste une grande force d'inertie ; néanmoins cette résistance passive n'est pas de nature idéologique mais porte sur les problèmes de subsistan- ces, de levées militaires et surtout sur les questions religieuses. PREMIÈRE PARTIE LA MONARCHIE CONSTITUTIONNELLE A LA VEILLE DE LA RÉVOLUTION ESPACE ET TEMPS LA CAMPAGNE PICARDE L'espace, qui deviendra en 1790 le canton de Villers-Bocage, s'étend au nord d'Amiens. Il fait partie d'une unité naturelle désignée sous l'appellation de Plateau picard. D'un relief calme, le plateau s'élève progres- sivement de 60 m au Sud, à Poulainville, à 1 30 m au nord, à Villers- Bocage. Les documents d'archives désignent cette partie de l'Amiénois comprise entre la ville d'Amiens et l'immense forêt de Vicogne : «Le Bocage». Au Moyen-Age, les moines bénédictins de Corbie, puis les moi- nes prémontrés de Saint-Jean d'Amiens ont défriché cette vaste forêt qui s'étendait du Nord au Sud, de l'Authie à la Somme, et d'Est en Ouest, de Corbie à l'Etoile. Les défrichements ont cessé au milieu du XIIIe siècle. Le paysage est devenu stable. Bien mieux, les grandes abbayes, principales propriétaires forestières, ont protégé les surfaces boisées. Le bois indispen- sable à la construction et au chauffage est devenu un produit rare et cher. Au XVIIIe siècle, l'ensemble des neuf communes du canton occupe une superficie de 8698 hectares dont 531 hectares de bois (soit 6 %). Les principaux espaces boisés se situent à l'ouest, 121 hectares à Bertangles et 273 à Flesselles. Leur étendue explique la présence de loups. Pour la période fin XVIIIe siècle - début XIXe siècle, le 24 pluviose an VI (1 4 février 1 798), Jean-Baptiste CANDAS tue une louve de 6 ans dans le bois de Ber- tangles ; le 29 septembre 1806, deux louveteaux sont abattus dans les bois des environs de Flesselles. En outre, Montonvillers est l'un des deux villages de la Somme (avec Licourt) à porter le blason populaire de : «chés leus d'Montonvillers», est-ce en raison de la présence de ces animaux ou par comparaison avec le caractère de ses habitants ? Aucune commune n'est située à plus de 4 lieues (environ 16 km) d 'Amiens. L'habitat est groupé. Les neuf villages construits autour de leur église paroissiale, Bertangles, Coisy, Flesselles, et ses hameaux, Olincourt (27 habitants en 1 772). Grislieu (100 maisons en 1 728) et Savières (44 habitants en 1725 avec sa chapelle Saint-Léger appartenant à l'abbaye Saint-Jean d 'Amiens), Molliens-au-Bois et Molliens-au-Val, deux quartiers d'un même village et son hameau le Bout-de-Molliens près de Pierregot, Montonvillers, Poulainville, Rainneville, Vaux-en-Amiénois ou Vaux-les- Amiens et son hameau Monchy-Frémont, et Villers-Bocage, apparaissent de loin comme des ilôts de verdure au milieu des espaces cultivés. Les mai- sons et les fermes sont construites à l'aide de matériaux locaux : bois, argile et paille. Chaque habitation s'accompagne d'un jardin, d'un pré, d'un plant séparés par des haies, en Piardie on désigne sous le nom de «masure» ces parcelles ordinairement encloses, on les dit «amasées» lorsqu elles comportent une maison ou un bâtiment. Un chemin bordé de haies et d'arbres ceinture le village, ce chemin dit «du tour de ville» constitue la limite matérielle entre la propriété individualisée et les champs, domaine de l'exploitation collective. Une seule grand'route traverse le futur canton, du Sud au Nord, c'est la route d'Amiens à Arras par Doullens qui dessert Poulainville et Villers- Bocage. A l'époque pré-révolutionnaire, bordée de grands arbres, elle est empruntée deux fois par semaine par les diligences. Les villages sont reliés entre eux par des chemins de terre mal entretenus par les propriétaires rive- rains. Cette défectuosité entrave les lisaisons au moment des saisons plu- vieuses. Les plaintes portant sur le mauvais état des chemins sont d ailleurs multiples dans les cahiers de doléances de 1 789 des villages de Bertangles, Flesselles, Molliens-au-Bois et Montonvillers. Plusieurs communautés villa- geoises se plaignent également des corvées d'entretien des grandes routes. Par un décret du 14-18 décembre 1 789, la Constituante charge les com- munes de l'entretien des chemins à la place des propriétaires riverains. Dans les villages, les seigneurs marquent la voirie de leur empreinte en créant, dans le courant du XVIIIe siècle, des «rues neuves» souvent ouver- tes pour faciliter l'accès de leur château et les communications avec leur domaine foncier. A Coisy, la rue neuve est le prolongement du chemin de Coisy à Cardonnette, construite en 1 725 par Philippe-François de MONT- MORENCY, elle est destinée à mettre en valeur le château.

View Full Text

Details

  • File Type
    pdf
  • Upload Time
    -
  • Content Languages
    English
  • Upload User
    Anonymous/Not logged-in
  • File Pages
    33 Page
  • File Size
    -

Download

Channel Download Status
Express Download Enable

Copyright

We respect the copyrights and intellectual property rights of all users. All uploaded documents are either original works of the uploader or authorized works of the rightful owners.

  • Not to be reproduced or distributed without explicit permission.
  • Not used for commercial purposes outside of approved use cases.
  • Not used to infringe on the rights of the original creators.
  • If you believe any content infringes your copyright, please contact us immediately.

Support

For help with questions, suggestions, or problems, please contact us