Université de Lyon Université Lumière Lyon II Institut d’Etudes Politiques de Lyon Du cynisme comique au pessimisme révolté : essai d’analyse sur les rapports de domination dans les œuvres de jeunesse d’Ingmar Bergman (1945-1950) Jacques de Chauvelin Mémoire de Master Récits, médias, fiction : comprendre et analyser 2016-2017 Sous la direction de Jean-Michel Rampon Membres du jury Jean-Michel Rampon, Maître de Conférences à l’Institut d’Études Politiques de Lyon Max Sanier, Maître de Conférences à l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon Soutenance le 4 septembre 2017 2 3 Sommaire Remerciements ........................................................................................................................... 6 Avant-propos ............................................................................................................................... 7 Introduction .................................................................................................................................. 9 La critique de la société traditionnelle suédoise dans les premiers films d’Ingmar Bergman : Un tableau cynique des clivages et des rapports de domination. ................. 18 Chapitre 1 : Une société construite autour de clivages : analyse des rapports de domination dans les premiers films d’Ingmar Bergman. ........................................................................... 20 a. Le conflit générationnel dans Crise et Ville Portuaire. ................................. 21 b. Tranquillité villageoise contre perversion de la ville, interprétation d’une opposition assumée et dépassée. ............................................................................. 24 c. Les oppositions de classes chez Bergman : .................................................. 27 Chapitre 2 : Les femmes, figures de la rébellion viscérale ...................................................... 32 d. Quel statut pour l’héroïne bergmanienne ? Du quasi objet à la femme en révolte contre son destin. ............................................................................................ 32 e. L’exploitation de la femme par la femme. ........................................................ 35 f. Ingmar Bergman, un féministe ? ........................................................................ 37 Deuxième Partie : Une représentation brutale du monde : la « caméra-bistouri » au service d’une philosophie pessimiste. ................................................................................... 44 Chapitre 3 : La codification de la violence dans l’art de filmer ............................................... 46 a. Les formes de violence dans les films de jeunesse de Bergman : l’omniprésence du symbolisme ................................................................................. 46 b. Le conflit entre Ingeborg et Jenny dans Crise, illustration du langage filmique au service de la représentation des rapports de domination. ........... 49 c. Le gros plan, procédé en voie de devenir une marque de fabrique du cinéaste............................................................................................................................. 52 Chapitre 4 : Tragique, théâtralité et standards du cinéma : désamorcer et exagérer la violence. .................................................................................................................................. 56 d. Fiction dans la fiction et Captatio benevolentiae .......................................... 57 e. La résolution : pessimisme contre nécessité du happy ending. ............... 61 Chapitre 5 : Le cheminement philosophique d’Ingmar Bergman – s’affranchir du nihilisme par l’art .................................................................................................................................... 64 f. Nihilisme et existentialisme chez Bergman .................................................... 65 g. L’incommunicabilité et la faillite des rapports humains .............................. 67 4 h. Vers la Joie, film étape dans le cheminement philosophique de Bergman ? ........................................................................................................................ 68 Conclusion ................................................................................................................................. 71 Bibliographie.............................................................................................................................. 74 Filmographie d’Ingmar Bergman ............................................................................................ 78 ANNEXES.................................................................................................................................. 80 A- Biographie d’Ingmar Bergman ................................................................................ 80 B- Résumé des films étudiés : ..................................................................................... 87 Déclaration anti-plagiat ............................................................................................................... 95 Résumé ...................................................................................................................................... 96 5 Remerciements Pour ce mémoire, Je tiens tout d’abord à remercier Jean-Michel Rampon, maître de conférence à l’IEP de Lyon et directeur du séminaire « Récits, médias, fiction: comprendre et analyser ». Son aide m’a été précieuse pour redéfinir mon sujet d’étude, tandis qu’il m’a également permis de le traiter avec une grande liberté. Je souhaite ensuite adresser mes remerciements les plus vifs à Jacqueline Lanteri et Jean-Louis Renault sans qui je n’aurais pas pu avoir accès à tant de ressources documentaires et de films du « magicien du nord ». Enfin, j’exprime ma plus profonde gratitude envers mes relectrices, Laure et Dorine, pour leur patience ainsi que pour leur soutien moral. 6 Avant-propos Je ne connais les films d’Ingmar Bergman que depuis peu. C’est dans le cadre d’un cours sur l’Histoire de la mort au Moyen-âge que j’ai vu pour la première fois Le Septième Sceau (1957). J’ai immédiatement été saisi par la force de ce film et sa virtuosité stylistique. Quelques temps après je découvrais Les Fraises sauvages, film tourné quasiment à la même époque mais totalement différent, à la fois beau et triste, naïf aussi tout en ayant une dimension métaphysique vertigineuse. En explorant peu à peu ses films, je m’apercevais de la portée sociale, psychologique et philosophique de son œuvre. Finalement je décidais d’écrire mon mémoire sur le « magicien du nord » en me focalisant sur une partie quelque peu oubliée, parfois décriée, de sa filmographie : ses premiers films. Le réalisateur aux cinquante long-métrages, soixante-et-onze années de carrière, n’est célébré que pour une partie de son œuvre tandis que nombre de ses films tombent dans l’oubli, deviennent presque introuvables. Il m’a semblé qu’écrire ce mémoire permettrait, outre le fait d’apporter une interprétation sur les premières productions de Bergman, de rendre un hommage à l’ensemble de son travail. Qui a vu plus d’un film de Bergman reconnaîtra certains éléments d’intrigue communs, des visages d’acteurs de prédilection et des lieux favoris. Peu de cinéastes ont créé leur propre univers individuel comme Bergman a su le faire à travers l’usage de thèmes récurrents, d’outils stylistiques qu’il s’est approprié au fil du temps comme autant de marques de fabrique. Travailler sur son œuvre immense demande à la fois une posture d’humilité et un recul nécessaire, tant le génie lui-même semble s’affranchir de ce qui définit l’essence de ses productions. Ainsi dans une interview à la télévision suédoise en 19881 sur son film Fanny et Alexandre (1982) il répond au journaliste Nils Petter Sundgren : « N. Sundgren : Tu es devenu célèbre dans le monde entier pour ton pessimisme et connu comme un des réalisateurs les plus lugubres. Et puis tu sors ton dernier film qui est si sensuel et heureux… I. Bergman : En fait, je suis un joyeux luron. Durant toutes ces années il m’est arrivé de faire les quatre cent coups et je me suis beaucoup amusé. Comme le dit Strindberg dans Le Chemin de Damas : « En dépit de ma mélancolie bien compréhensible, je n’ai jamais rien pris au sérieux » […] Même si on décrit et on ressent toute la saloperie du monde, déjà du seul fait qu’on 1 Interview du 18 décembre 1988, retransmise en France dans l’émission Cinémas, cinémas. http://www.ina.fr/video/CPB89012045 7 s’assied pour la décrire, qu’on pose sa plume sur du papier ou installe sa caméra il y a déjà dans cela une jouissance qui fait qu’au fond on éprouve de la joie même à décrire des choses effrayantes. » Cette réponse surprenante mais pleine de sens du cinéaste distille la substance même de ce qui fait l’originalité du cinéma bergmanien. 8 Introduction Si certaines œuvres d’Ingmar Bergman sont connues comme des chefs- d’œuvre, à l’instar des Fraises Sauvages (1956), de Persona (1966), ou encore de Cris et Chuchotement (1972), les films de ses débuts en tant que réalisateur et/ou scénariste sont pour le moins méconnus. Ainsi les films qu’il a réalisés entre 1945 et 1952 sont dans un premier temps diffusés seulement à l’échelle nationale, ne faisant l’objet d’aucune adaptation en français avant les années 70 et son installation durable dans le paysage du cinéma international. C’est son film Monika (1952) qui a en premier attiré l’attention des critiques étrangers qui y voient une forme d’exotisme
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