Femmes Parlementaires Dans La Belgique De La Question Royale

Femmes Parlementaires Dans La Belgique De La Question Royale

Université catholique de Louvain Faculté de philosophie et lettres Département d’histoire Femmes parlementaires dans la Belgique de la question royale Leurs itinéraires et leur rôle dans la vie politique de juin 1949 à novembre 1950 Mémoire présenté en vue de l’obtention du grade de Licenciée en histoire par Natacha WITTORSKI Promoteur : M. DUMOULIN Louvain-la-Neuve 2003 2 Parmi les personnes qui nous ont aidée à la réalisation de ce mémoire, nous tenons à remercier tout particulièrement Monsieur le Professeur M. Dumoulin, qui en a accepté la direction, et Monsieur J.-R. Kupper, pour le soin qu’il a mis à la relecture de ces pages. 3 UCL Université catholique de Louvain Faculté de philosophie et lettres Département d’histoire ANNÉE ACADÉMIQUE : 2002-2003 SESSION : JUIN 2003 NOM : WITTORSKI PRÉNOM : Natacha TITRE DU MÉMOIRE : Femmes parlementaires dans la Belgique de la question royale. Leurs itinéraires et leur rôle dans la vie politique de juin 1949 à novembre 1950 PROMOTEUR : M. DUMOULIN Résumé : Il s’agit de porter un éclairage sur le rôle des femmes parlementaires belges, autour d’une tranche de notre histoire politique, entre les premières élections au suffrage masculin et féminin et la fin de la question royale. Outre des aspects biographiques, ce travail contient un parcours de l’actualité (élections de 1949 et 1950, et consultation populaire) et un examen de l’activité de ces seize parlementaires au sein même du Parlement. Les quelques fonds d’archives existants ont été complétés par une consultation de la presse, quotidienne ainsi que féminine, en plus de la lecture des Annales parlementaires. Beaucoup de ces parlementaires sont engagées dans l’associatif féminin. Elles ont participé activement, même si de manière cloisonnée, aux campagnes électorales, en conscientisant les femmes à la politique. Elles se sont impliquées dans les luttes autour de la question royale. Au Parlement, elles ont peu pris la parole en séance plénière, il s’agissait souvent de questions socio-économiques, avec un point de vue féminin, mais pas exclusivement. Signe que la division classique des rôles se reproduit au sein des assemblées ? 4 INTRODUCTION 5 18 mai 2003. Les Belges ont été appelés aux urnes. La problématique de la présence des femmes en politique n’a pas été absente de la campagne électorale, notamment parce que, pour la première fois, les partis devaient présenter des listes paritaires1. A la clé, un renforcement de la présence féminine au Parlement, puisque, vraisemblablement, 35%2 des députés seront, en réalité, des députées. Le chemin est long qui a mené à cette représentation, encore imparfaite. Plus de quatre-vingts ans se sont en effet écoulés depuis l’entrée de Marie Spaak, première sénatrice belge, au Parlement. Ce temps n’est que le reflet de la difficulté des démocraties à rendre effectifs certains de leurs principes. Il ne saurait en effet y avoir de démocratie sans un véritable partenariat entre hommes et femmes dans la conduite des affaires publiques où hommes et femmes agissent dans l'égalité et la complémentarité, s'enrichissant mutuellement de leurs différences3. Si une telle affirmation apparaît aujourd’hui comme une évidence et interpelle, on ne peut oublier que cette perspective sexuée est récente. Qu’elle soit actuelle ne lui interdit cependant pas d’être le point de départ d’une interrogation du passé, si l’on reste conscient qu’il s’agit d’un questionnement récent. Si quelques femmes ont fait leur entrée au Parlement dès les années vingt, ce n’est qu’en 1948 qu’elles ont acquis le droit de vote, droit immédiatement effectif puisqu’en Belgique le vote est obligatoire. C’est alors seulement le début de l’égalité formelle. C’est ce moment qui a été choisi comme point de départ de cette approche, avec la première législature pour laquelle les femmes parlementaires sont issues du suffrage universel pur et simple (après les élections du 26 juin 1949). Il s’agit d’une période agitée puisqu’elle coïncide avec le dénouement de la question royale. L’analyse se prolonge jusqu’au mois de novembre 1950, qui correspond à la fin de la session législative au cours de laquelle s’est terminée la question royale. Sélectionner une période assez courte de l’histoire politique de la Belgique nous permettra de faire le lien avec l’actualité, en se demandant quelle y a été l’implication des femmes parlementaires et quels arguments elles ont développé face à celle-ci. Ce choix ne rendra donc pas 1 Quotas qui étaient auparavant d’un tiers (loi Smet - Tobback du 24 mai 1994). Autre nouveauté, peut- être plus déterminante encore : l’obligation de présenter des candidats des deux sexes aux trois premières places. 2 Il s’agit de la proportion d’élues à la Chambre des Représentants, il est encore actuellement impossible de déterminer qui siègera vraiment, en raison des nombreux jeux de chaises musicales entre gouvernements et assemblées qui peuvent se produire. 3 Extrait de la déclaration universelle sur la démocratie adoptée par le Conseil interparlementaire (de l’Union interparlementaire à Genève) en septembre 1997 au Caire (voir http://www.ipu.org/wmn- f/approach.htm). 6 possible l’étude d’une une évolution, il s’agira plutôt d’une photographie de ce que les choses furent à un moment donné. Classiquement, l’intérêt de l’historien s’est d’abord porté vers les institutions elles-mêmes, vers les évènements à l’origine desquels elles sont. Aujourd’hui il ne peut oublier ceux qui font ces institutions. C’est ce point de vue que nous privilégierons ici, en nous intéressant d’abord aux personnes, dans notre cas des femmes. Le Parlement est, au moment de notre analyse, le niveau de pouvoir le plus élevé où elles sont présentes. Dans le cadre d’une étude de genre, il conviendrait d’aborder les hommes et les femmes en parallèle. Nous nous sommes ici limitée aux seules femmes parlementaires, tout en essayant de comparer les données lorsque cela était possible ; il ne s’agit en effet pas vraiment de deux groupes, mais d’une minorité au sein d’un ensemble4. Leur petit nombre permet en outre une étude plus approfondie que celle qui aurait eu pour objet l’ensemble des parlementaires. Les interrogations auxquelles nous tenterons de répondre sont multiples. La place des femmes dans la politique ne pouvant être dissociée de leur place dans la société, il nous faudra examiner le contexte qui entoure leur entrée en politique. De même, il n’existe pas de frontière aussi nette qu’elle ne l’est pour les hommes entre leur vie publique et leur vie privée ; c’est pourquoi nous aborderons aussi certains aspects tels que leur situation familiale, entre autres éléments d’ordre biographique. Peu nombreuses à exercer un tel mandat, il sera intéressant de savoir comment elles sont arrivées là. Et avec quelle vision de la place des femmes en politique ? Surtout, comment ont-elles exercé leur mandat, à quoi se sont-elles intéressées ? Ou encore comment se sont-elles impliquées dans les évènements de l’actualité ? Quels arguments ont-elles mis en avant ? Ce sont là autant d’éléments qui nous guideront dans notre analyse. La problématique de la présence des femmes en politique, est, comme on l’a dit, relativement récente comme interrogation historique5. Les histoires des partis, ou les synthèses d’histoire politique, ne l’abordent que peu, quand elles l’abordent. Pourtant le sujet suscite l’intérêt, et a donné lieu à différents travaux spécifiques, notamment des 4 Ensemble qui a déjà été étudié par ailleurs, du moins partiellement. Voir par exemple Fr. DEBUYST, La fonction parlementaire en Belgique : mécanismes d’accès et images, Bruxelles, CRISP, 1967. 5 Ce qui paraît logique si on estime nécessaire un certain décalage entre les faits et leur analyse. 7 mémoires de licence. Pour baliser le domaine est parue une synthèse sur le thème « Femmes et politique », sous la direction d’Éliane Gubin et Leen Van Molle6, qui nous a servi d’instrument de travail. D’autres ouvrages de référence sont à signaler, comme les récentes histoires du Sénat7 (1999) et de la Chambre8 (2003), qui intègrent la question. Quant aux sources utilisées, nous nous sommes d’abord dirigée vers les archives personnelles des parlementaires concernées, qui sont malheureusement assez limitées. Les plus intéressantes sont celles d’Isabelle Blume9, conservées par l’Institut Émile Vandervelde [I.E.V.]. Elles comprennent notamment des informations sur l’organisation des différentes campagnes électorales, ainsi que sur le mouvement féminin socialiste, dont elle est la présidente. Le fonds Jeanne-Émile Vandervelde10, à l’I.E.V. également, ne concerne que les années 1931 à 1938. L’Institut liégeois d’histoire sociale dispose quant à lui d’un volumineux fonds Alex Fontaine-Borguet11, qui comprend une importante documentation sur ses activités et les thèmes qui l’intéressent, mais qui concerne peu son activité politique au sens strict. Enfin, il existe des Papiers Maria Baers dans les archives des Christelijke Sociale Vrouwenwerken [C.S.V.W.], au KADOC. La partie ayant trait à son activité parlementaire consiste essentiellement en documentation imprimée (Annales et Documents du Sénat), et présente donc peu d’intérêt. Ce qui est exploitable est donc assez réduit, probablement parce que peu d’intérêt était porté à ces documents au moment où ils auraient pu être conservés, mais aussi en raison de l’attitude des producteurs d’archives eux-mêmes. Mathilde Schroyens explique ainsi à un journaliste qui l’interroge à ce sujet qu’elle a liquidé ses archives personnelles comme un « fatras inutile » : Ik vond dat die dingen 6 É. GUBIN et L. VAN MOLLE, Femmes et politique en Belgique, Bruxelles, Racine, 1998.

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