Ouanary : Commune Ou Communauté

Ouanary : Commune Ou Communauté

OFFICE DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE Cote ET TECHNIQUE OUTRE-MER CENTR~ ORSTOM DE CAYENNE OUA NARY 1 COr.qMUHE OU COmTUN AUTE , par M-J. JOLIVET / COPYRIGH~ O.R.S.T.O.M. - AVRIL 1972 / AVANT-PROPOS Le rapport qui suit porte sur un petit ,~ village de Guyane française, mais n'en veut pas cependant présenter l'étude exhaustive: l'analyse du bourg d'Ouanary .~ '-~' s'inscrit dans le cadre d'une recherche sur l'ensemble de la société rurale guyanaise, et ne pren~ sa véritable signi­ -fication qu'en fonction de ce contexte. S'il convient, avant tout, de faire le point sur nos travaux préalables, il n'est, toutefois, pas question d'entrer ici, dans le détail de nos observations précéden~es, lesquelles ont fait l'objet de publication~ séparées. Nous nous contenterons donc, au cours de notr~ introduction, de résumer, aussi brièvement que possible, les donnéeG générales gui nous ont servi de point d y départ, et les conclusions auxquelles nous avons abouti (1). Seul ce rappel peut en effet nous permettre de montrer que le cas d'Ouanary, que nous concevions a priori comme une exception, est venu à la fois confirmer et nuancer nos hypothèses, de sorte qu'il ne se présente, finalement, que comme une illustration supplémentaire, sous forme de 1 variation, du thème que nous avons précédemment développé. (1) On trouvera quelques précisions supplémentaires quant à notre vision générale des problèmes guyanais, dans un article ayant pour titre "Une approche sociologique de la Guyane françatse : crise et niveau d'unité de la société créole". LES GUYANES Sl'N. /, .'80go ta 1 o~ S2 S. BRE51L Echelle: , o _---'--_----l__ JI 300 km' ~I 3 INTRODUCTION LE MILIEU RURAL GUYANAIS~ Située sur la bordure atlantique du conti­ -nent Sud-américain, à quelques deGrés au Nord de l'équateur, la Guyane française se caractérise par une double opposition géographique entre l'Intérieur et la bande littorale d'une 1 part, la côte Est et la côte Ouest d'autre part. L'Intérieur qui s'étend sur un socle pré­ -cambrien pénéplané dès le début de l'~re primaire, est le . domaine de la Grande forêt équatorialeo Souvent parcouru par des missions d'exploration dur~nt ces trois ,derniers siècles; il est rela~ivement bien connu, mais pratiquement vide de population: 2.500 perso~nes se disséminent, par petits grou­ -pes, su~ ses 80.000 km2. Il s'agit surtout de populations tribales : Indiens Emerillon et Oyampi sur le bassin de l'Oyapock, à la frontière brésilienne; Indiens Wayana et Noirs Réfugi~s Boni sur le fleuve Maroni, à la frontière surinamienne. Ces groupes ont conservé une organisation so­ -ciale et un mode de vie traditionnels, dont l'étude relève de l'ethnologie (1). Par ailleurs, ils sont restés marginaux par rapport à la population guyanaise proprement dite, laquelle s'est constituée avec la colo~isation esclavagiste, et réside en majeure partie sur la côte. Les 10~000 km2 du littoral comporte~t la quasi totalité dys habitants du pays, soit un peu plu~ de 40.000 personnes. L'Ile de Cayen~e, ville et banlieue, en réunit à elle-seule plus de 60 %. Les campagnes guyanaises . connaissent donc une densité ~e population extrêmement faible, plus particulièrement à l'Est. Et ceci n'est qu'un élément de la différenciation qui s'opère entre la côte située à 1 l'Est de Cayenne et la côte située à l'Ouest. , 1 Cf. J. HURAULT qui a publié diverses études sur les (1) 1 Indiens et les Noirs Réfugiés de Guyane. , 1 (références en bibliographie)c 4--- La reglon de l!Est; qui va du ~ahury à l'Oyapock, offre des conditions de vie très particulières les bourgs y sont installés au bord,des rivières, et ne sont accessibles que par avion QU bateau. AU9une route n'est ja­ -mais venue les relier au ~este du pays. Et les villages de . Régina, - Guisanbourg et Kaw, sur le bassin de l' Approuague, ceux de Saint-Georges et Ouanary, sur le bassin de l'OyaP9ck, sont demeurés, jusqu'à nos jours, dans un grand isolement. Pourtant, toute cette zone est rormée de terres basses rela­ -tivement f~rtiles, à condition d'y effectuer certains amé- -nagements : au XVIIIèlne si~cle~·. prenant JIi6(r~i.ê sur les tra- -vaux hollandais au Surinam, l'ingénieu~ Guis~ avait en~re- -pris la constructiQn de polders, près du. hameau qui por~e aujourd'hui son nom~ Mais son enseignement a été négligé, et ses assèchements sont peu à peu tombés dans l'abandon. Ce qui fait que les terres basses n'ont finalement jamais été exploit~es; et que cette partie du littoral n'a pas été le champ d'~utres activités que celles d'une agriculture de subsista~ce, perpétuée à l'aide des techniques rudimentai- '-res du ~r~lis sur les collines boisées surplombant les rivières. En revanche; à l'Ouest de qayenne, de l~ Pointe Macouria jusqu'à l'est~aire,du Maroni, une route s~it le cordon sableux qui longe la mer. Quoique moins fertile, cette région a fait l'objet d'un plus grand intérêt de la part du colonisateur qui y a entrepris ~iverses tentatives d'imPtantation ~umaine : c'est tout d'a~ord, à la fin du XVIIIeme siècle, l'expédition de Kourou~ oà la moitié des quelques 10.0001 colons blancs debarques,, , est venue mourir des suites d'une hygiène lamentable engendrée par l'absence totale d'organisation; peu après; c'est l'envoi des "fructi­ -dorisés", à la "guillo~ine verte", sur les plages dl? Sinna- -mary; au début du XIXe~~ c'est la création de l'ét~blisse- . -ment de Mana, qui, avec ses 50Q esclaves libérables, a ~u des débuts très prospères, et f~it figure d'exception; ênfin, c'est l'installation, à Cayenne, Kourou et Saint-La~rent, des camps pénitenciers dont on connait tout le scandale. Quel que soit l'échec par lequel se sont soldés les essais de grande envergure, il n'en demeure pas moins qu1ils ont abouti à rom-_ -pre l'isolement des bourgs de l'Ouest, lesquels sont ~eliés entre-eux et au chef-lfueu, par une route en grande partie gou- , 1 '-dronnee. A pr~ori, l'opposition entre les zones '(fô-ti-èr-<Ts Est et Ouest, paraît mettre en relief une 0~posi­ -tion plus fondamentale entre tradition et changement. Dans une étude antérieure (1); nous avons montré que Régina a gardé un certain nombre de coutumes qui étaient au centre de la vie des bourgs du siècle dernier : le fleuve y est demeuré l'élément dominant; on se déplace 1 (1 ) M-J. JOLIVET Une Commun'e tradition,nelte de Guyane ~rançaise : llApprouague. LEGENDE , . Piste ca ......ossable _._._ Route: 90ud ... on~;~ .... ~. ~'.~ r--....... o c ,~- É -4 ~.~ r· ...... 1. - r , 1 '- . , 1': ' / :; , " - <. s' : :<1 . ! - . Ilt: de Cayenne '. ' .. .. : l . ~ \ . , - N' E Echelle: 1/1.500 OOO.~ , - / r· . 1- . 6 en canot; les défrichements s'effectuent le long des rives~ suivant les principes de la culture itinérante sur brûlis; les abattis et les carbets s'échelonnent tout au long de la 1 rivière et des criques ~ffluentes, sur une vingtaine de km. en amont du villageo La culture principale est celle du ma­ ~nioc amer dont on obtient le couac, après extraction du jus toxique et cuisson. Les activités de chasse et de pêche tiennent également une part importante dans la vie du p~yson de l'Approuague qui reste ainsi isolé dans un complexe rela- 1 -tivement proche de l'autosubsistance familiale. A l'inverse, la con~truction d'une route, à l'Ouest de Cayenne, sem?le avoir véhiculé un certain chan­ -gement vers la modernité~ A Mana (1), les agriculteurs ten~ -dent de plus en plus à abandonner les abattis de rivière pour venir s'installer au bord de la route; les espaces dé­ ufrichables et fertiles y étant plus réduits, la fixation des champs se substitue peu à peu à l'ancien système de l'itiné­ ~rance ; la notion de propriété du sol fait parallèlement son apparition, tandis que le manioc régresse au profit des cultures maraîchères et surtout des vergers dont l'implanta­ -tion., permet, la mise en vnleur des terres nouvellement appro- -pr~e es Q Occupé à une agriculture plus intensive, . le paysan de Mana ne peut plus exer~er les activités complé­ -mentaires de chasse et de pêche,' et laisse ces tâches à des spécialistes; d'ailleurs,les lisur où il travaille actuelle­ -ment nl~ sont plus propices comme l'étaient les abords des rivièreso Il s'agit donc, pour lui, de tirer de la terre non,. seuleillent une partie de sa subsistance, mais aussi ,un revenu. Le problème des débouchés devient alors primordial. Cependant, il y a, à Mana, un Syndicat agricole qui fonctionne comme coopérative de vente dans le cadre d'un marché passé avec le Centre Hospitalier du département. Et cette innovation, . toute moderniste, para1t être une solution harmonieuse à cette question vitale de l'écoulement des denrées agricoles~ les­ -quelles représentent la production essentielle" Sinon unique 1 de la régionQ -------------~-----':...---.,-----~-----_........_--------------- l ' Cf~ M-J. JOLIVET Etude de la société rurale-, guyanaise : le cas de Mana. 7 Néanmoins, les choses ne sont pas aussi simples ~ue pourrait le faire croire cette opposition sché­ -matique. A y regarder de plus près, la tradition à Régina, et le changement à Mana sont des phénomènes plus apparents que réels: l'un et l'autre n'èxpriment en fait, s~us des manifestations particulières qurune" seule et mame crise .

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