2019 20:00 16.03.Grand Auditorium Samedi / Samstag / Saturday Autour du monde / iPhil (13–17 ans) Rokia Traoré «Dream Mandé Bamanan Djourou» Rokia Traoré vocals Michèle Kaniba Traoré, Kadiatou Sangaré, Naba Aminata Traoré, Bintou Soumbounou, Aliou Kouyaté, Virginie Dembélé backing vocals Adama Koné guitar Habib Sangaré bolon Alou Coulibaly calabash Mamah Diabaté n’goni Mamadyba Camara kora iPhil Action 18:00 Salle de Répétition I «African Cooking Workshop» Workshop with the team of African Gourmet (F) Den Handysgeck Le célèbre caricaturiste allemand Der renommierte deutsche Karika- Martin Fengel (connu notamment turist Martin Fengel (bekannt u. a. pour ses contributions dans le aus dem Zeit-Magazin) begleitet Zeit-Magazin) ponctue les pro- die Abendprogramme der Saison grammes du soir de la saison 2018/19 mit Momentaufnahmen 2018/19 d’instantanés sur le thème zum Thema geräuschvollen Stö- des nuisances sonores dans les rens im Konzertsaal. Lassen Sie salles de concert. Laissez-vous sich durch die vergnügliche Dar- inspirer par cette présentation stellung zu rücksichtsvollem Musik- ludique, pour savourer la musique genuss inspirieren. en toute tranquillité. Rokia Traoré, le Mali et l’espoir Vincent Zanetti Naturellement mélomane Aussi loin qu’elle s’en souvienne, la musique a toujours fait partie de la vie de Rokia Traoré. Tantôt jeu d’enfant, passe-temps, tantôt moyen d’oublier les petits chagrins d’une enfance nomade ballotée par les migrations professionnelles d’un père diplomate, elle était son antidote à la solitude, une invitation au rêve. Une mélomanie précoce, presque inconsciente et à coup sûr sans projection pro- fessionnelle : dans la famille Traoré, on se glorifie d’ancêtres chasseurs, guerriers et cultivateurs, mais surtout pas de griots et de toute façon, les créations guitare-voix aux couleurs folk de la jeune bachelière détonnent dans le paysage malien de l’époque. Mais elle trouve son public, des gens la connaissent à Bamako et les projets musicaux s’enchaînent naturellement. Si naturellement même que Rokia est presque surprise lorsqu’elle se rend compte que son engagement artistique et public relève bel et bien d’une carrière musicale. Elle n’y croit d’ailleurs pas vraiment, elle hésite, pense d’abord renoncer à ce qu’elle prend pour un rêve et se consacrer à ses études. Puis elle opte pour un compromis : plutôt qu’à Bruxelles où son père est en poste, elle choisit d’étudier à Bamako et là, on verra bien. Une démarche novatrice Un an plus tard, la musique a pris toute la place. Rokia a rencontré un producteur, l’avenir lui sourit, mais elle sait qu’elle a encore beaucoup à apprendre et qu’elle doit le faire sur le tas. Ces voies privilégiées qui ont servi de rampes de départ à la plupart des musiciens maliens qui l’entourent, la tradition des griots, celle des chanteuses du Wassoulou, les orchestres nationaux, l’INA ou 5 les biennales du Mali, elle ne connaît rien de tout ça. Son atout, c’est son aptitude naturelle à comprendre, composer et arranger des mélodies. Elle va donc affermir ce don, l’enrichir en prenant des cours de chant et de composition, mais surtout en discutant avec les instrumentistes qui l’accompagnent dans son premier véritable projet professionnel. Une démarche de longue haleine qui durera sept ans et qui l’amène paradoxalement à délaisser un peu la guitare : pour percer, elle sait qu’au-delà du caractère novateur de ses chansons, elle doit créer un son original. Dans cette première phase de sa carrière, Rokia se concentre sur la compréhension du grand balafon bambara du Bélédougou, qui a bercé le passé de sa famille, et sur celle du luth n’goni des griots. Pour remplacer la guitare basse, elle demande à un griot, Andra Kouyaté, de créer un n’goni basse avec une caisse plus grande et des cordes plus grosses que tout ce qu’on trouve à l’époque. L’expérience est si concluante que le musicien en fera plus tard une des bases de Ngoniba, le futur groupe de son grand frère Bassékou Kouyaté. Les concerts se multiplient et les voyages se succèdent de plus en plus rapidement, rythmés bientôt par la publication de trois albums enregistrés par l’excellent Philippe Teissier du Cros. À partir de « Mouneïssa » (1998), la voix de Rokia se pose, jouant avec beaucoup de sensibilité sur les nuances de volume, l’art d’un trémolo mieux contrôlé et une maîtrise toujours plus audacieuse des chœurs. Sa démarche est plus sûre, marquée par la collaboration de quelques invités prestigieux dont la présence a valeur d’adou- bement : Boubacar « Kar Kar » Traoré sur « Wanita » (2000), puis le Kronos Quartet et, surtout, l’inoubliable et incandescent Ousmane Sacko sur « Bowmboï » (2003), un disque de maturité, conclusion magistrale du premier cycle de la carrière de Rokia Traoré. L’ouverture rock Après les années d’apprentissage et d’arrangement des couleurs instrumentales bambara, Rokia Traoré a conscience qu’elle est arrivée au bout de quelque chose. Elle sent qu’il est temps pour elle de revenir à des musiques qui lui sont paradoxalement plus proches et naturelles, le blues, le rock, qui lui ont donné l’envie 6 Vous visez la d’apprendre la guitare quand elle était enfant ; temps de reprendre cette guitare-confidente, de se recentrer sur elle et de la travailler perfection ? assidûment. En 2005, Rokia est invitée aux États-Unis pour participer à un spectacle musical consacré à la vie de Billie Holiday. L’inoubliable Lady Day fait partie du panthéon musical de la chanteuse malienne, avant même les grandes cantatrices traditionnelles de son pays d’origine. Là encore, il y a quelque chose comme un retour à la maison, à l’essentiel de la musique. Rokia y gagne en connaissance d’elle-même. Plus tard, quand il lui arrivera de reprendre des chansons de Billie, ce ne sera pas pour l’imiter, mais pour jouer avec subtilité et sensualité sur les contrastes de sa propre voix. Sa version de « The Man I Love », bonus caché comme un trésor à la fin de la dernière plage de « Tchamantché », son qua- trième album, représente à cet égard bien plus qu’un hommage à la diva du jazz. Il faut dire que dès les premières notes du disque, le virage artis- tique est évident : le luth n’goni est toujours là, mais l’orchestration fait la part belle aux guitares électriques et à la batterie, et la voix joue avec la lumière, tantôt fragile et presque murmurée, tantôt rauque et forte. Rokia a trouvé l’esthétique qui lui convient : plus qu’un changement de direction musicale, elle vit ce nouveau chapitre comme un retour aux sources, à des couleurs qu’elle a connues avant les musiques maliennes. Elle se sent bien dans sa peau et le chante : « je suis zen, je laisse le ciel se poser sur mes cils… » La critique internationale encense ce nouvel opus et personne ne s’étonne de le voir récompensé par une Victoire de la Musique. L’héritage mandingue Pourtant le Mali est toujours là, il résonne dans la langue bambara, Nous aussi ! il danse dans les rythmes des refrains, dans les arabesques n’goni, mais aussi, pour la première fois, dans quelques nouvelles com- positions inspirées par la culture mandingue. « Kounandi », par exemple, plonge ses racines dans un classique des griots du Manden, l’hymne au vautour Douga, pour mieux développer ensuite sa propre ligne mélodique. Pour Rokia, c’est un exercice nouveau : jusque-là, ses chansons faisaient la part belle à la Banque et Caisse d'Epargne de l'Etat, Luxembourg, établissement public autonome, 1, Place de Metz, L-2954 Luxembourg, R.C.S. Luxembourg B 30775 9 www.bcee.lu tél. (+352) 4015 -1 Guitare_phil_115x175.indd 1 24/10/2017 17:13 Rokia Traoré photo: Danny Willems gamme pentatonique de son héritage bambara. Or la musique mandingue, elle, se décline sur des modes différents, que la chanteuse est bien décidée à s’approprier. Un nouveau projet lui en donne l’occasion, un conte musical qu’elle écrit sur l’épopée du Mandé. Dans ce spectacle, Rokia s’adresse en français (ou en anglais, selon la version) à un public occidental qui n’a pas les outils culturels pour comprendre les subtilités de la langue et de la culture mandingues. Rokia a appris le français en même temps que le bambara dès sa plus tendre enfance, les mots justes lui viennent naturellement, mais il n’en va pas de même des gammes mandingues qui requièrent un nouvel apprentissage. Rokia se rapproche alors d’une griotte (jeli muso) fameuse, la regrettée Bako Dagnon (1953–2015), unanimement appréciée par ses pairs : issue d’une famille de jeliw dont la tradi- tion héréditaire remonte jusqu’à l’époque de Sunjata Keïta, le créateur de l’empire du Mali, elle en a appris les récits épiques auprès du légendaire Kela Monson Diabaté, de Kita. Pendant plus de vingt ans, elle a chanté au sein de l’Ensemble Instrumental National du Mali. Lorsque le producteur sénégalais Ibrahima Sylla décide de rassembler les griots les plus prestigieux pour enregistrer une sorte d’anthologie des grands classiques de la Jeliya, c’est à son expertise qu’il fait appel pour interpréter les hymnes les plus anciens. C’est dire si Rokia est à bonne école auprès d’elle pour s’initier non seulement aux subtilités des mélodies mandingues, mais aussi à l’immense et séculaire culture qui sous-tend l’histoire de son pays. Femme africaine Au bambara, c’est pourtant l’anglais que Rokia préfère pour le titre de son cinquième album, « Beautiful Africa » (2013). La chanson éponyme, la plus rock du disque, s’y décline en trois langues pour pleurer un « grand Mali qui chavire », dénoncer ses « combines fratricides » et y opposer sa foi d’« afro-progressiste ».
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