Document mis en distribution le 19 mai 2004 N° 1595 —— ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 mai 2004. RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE (N° 992) relatif à la Charte de l’environnement, PAR Mme Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, Députée. —— Voir le numéro : 1593. — 3 — SOMMAIRE ___ Pages INTRODUCTION I. — VERS UNE NOUVELLE DIMENSION ÉCOLOGIQUE : UN TEXTE NÉCESSAIRE A. LA PRISE DE CONSCIENCE DE LA GRAVITÉ ET DE LA GLOBALITÉ DES MENACES À L’ENVIRONNEMENT 1. Des menaces devenues planétaires 2. La conscience d’un devenir commun de l’humanité 3. Une forte demande sociale B. UN « DROIT MILLEFEUILLE » 1. Une « prolifération juridique » : grandes lois et politiques sectorielles 2. La « loi Barnier » : un texte précurseur devenu insuffisant 3. L’écologie saisie par le droit C. TRENTE ANS DE TENTATIVES DE CONSÉCRATION CONSTITUTIONNELLE 1. 1975-1977 : la proposition de loi constitutionnelle sur les libertés élaborée par la « commission Edgar Faure » 2. Une longue série d’initiatives parlementaires 3. Une lacune grave et persistante du « bloc de constitutionnalité » D. LE PARACHÈVEMENT EN DROIT FRANÇAIS D’UNE EVOLUTION DU DROIT INTERNATIONAL 1. Conférences et accords internationaux : un « droit faible » 2. Le développement des politiques communautaires 3. La primauté du droit européen sur la loi ordinaire II. — LA RÉVISION CONSTITUTIONNELLE : PROGRÈS DU DROIT ET SÉCURITÉ JURIDIQUE A. UNE RÉVISION CONSTITUTIONNELLE N’EST PAS UNE LOI COMME LES AUTRES 1. Les adaptations de la procédure législative de droit commun 2. La marge d’initiative très étendue du pouvoir constituant dérivé 3. Un impératif de clarté et de concision 4. Au sommet de la hiérarchie des normes 5. La conciliation entre normes de valeur constitutionnelle — 4 — B. 2004 : UNE RÉVISION PAS COMME LES AUTRES 1. La préparation : un exercice de démocratie participative 2. Les droits de l’homme de la troisième génération : droits, devoirs et responsabilités 3. La première proclamation de droits sciemment inscrite dans le « bloc de constitutionnalité » 4. Le législateur conforté 5. Les juges guidés 6. La recherche et l’éducation encouragées 7. Le rôle exemplaire de la France DISCUSSION GENERALE EXAMEN DES ARTICLES Avant l’article premier Article premier Modification du Préambule de la Constitution Après l’article premier Article 2 Charte de l’environnement 1. Une Charte, consécration solennelle d’un contrat de confiance 2. Les considérants : la partie déclaratoire de la Charte 3. L’expression d’une écologie humaniste Premier et deuxième considérants Troisième considérant Quatrième considérant Cinquième considérant Sixième et septième considérants Article premier de la Charte Droit à un environnement de qualité 1. Les titulaires du droit : les personnes physiques 2. Un « droit-créance » 3. Une extension de la compétence du législateur 4. La force normative du nouveau droit : un objectif de valeur constitutionnelle 5. Le contenu du droit : 1er volet : un environnement équilibré 6. Le contenu du droit : 2e volet : un environnement favorable à la santé 7. Un droit nouveau Article 2 de la Charte Devoir de préservation et d’amélioration de l’environnement 1. Une nouveauté relative : l’affirmation d’un devoir dans la Constitution 2. Un objectif assigné au législateur — 5 — 3. L’environnement est l’affaire de tous les sujets de droit 4. Un devoir d’action dynamique : préservation et amélioration 5. Un risque contentieux illusoire Article 3 de la Charte Devoir de prévention 1. Un objectif de portée générale 2. Une étendue réaliste Article 4 de la Charte Devoir de réparation 1. Les dommages couverts : un domaine plus large que le principe pollueur- payeur 2. L’étendue et les modalités de la réparation : un large pouvoir d’appréciation du législateur 3. Pas de régime spécifique de responsabilité Article 5 de la Charte Principe de précaution A. UN PRINCIPE D’ACTION 1. Une émergence progressive 2. À législation imparfaite, jurisprudence tâtonnante 3. Confusions et mauvaises interprétations B. L’ARTICLE 5 : UN RÉGIME STRICTEMENT DÉFINI 1. Une mise en œuvre exceptionnelle, soumise à trois conditions 2. Des règles de procédure strictement définies C. UN PRINCIPE CONSTITUTIONNEL DIRECTEMENT APPLICABLE, UN PRINCIPE D’ACTION 1. L’intervention facultative du législateur 2. L’application des règles usuelles du contentieux de la légalité et de la responsabilité Article additionnel après l’article 5 de la Charte Article 6 de la Charte Promotion d’un développement durable et intégration dans les politiques publiques 1. Consécration constitutionnelle du développement durable 2. Consécration de l’objectif d’intégration de l’environnement dans les politiques publiques 3. La question de la culture : un futur quatrième pilier pour le développement durable ? Article 7 de la Charte Droits d’information et de participation 1. Des sources internationales complexes 2. Un droit national foisonnant 3. Les bénéficiaires des droits reconnus par l’article 7 : une définition large 4. La distinction claire entre information et participation — 6 — 5. Des conditions et des limites établies par le législateur 6. La question du droit d’accès à la justice : un ajout superflu Article 8 de la Charte Éducation et formation à l’environnement Article 9 de la Charte Concours de la recherche et de l’innovation à l’environnement 1. Proclamer le rôle éminent de la recherche et de l’innovation 2. Tout le champ de la recherche 3. Un objectif de participation 4. La place de l’article n’est pas déterminante Article 10 de la Charte Action européenne et internationale de la France 1. Une lacune du droit français et des constitutions étrangères 2. Un objectif de fond, de portée étendue Article additionnel après l’article 2 Extension du champ de compétences du domaine de la loi fixé à l’article 34 de la Constitution TABLEAU COMPARATIF ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF AMENDEMENTS NON ADOPTES PAR LA COMMISSION AUDITIONS EN COMMISSION PERSONNES ET ORGANISATIONS ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR — 7 — INTRODUCTION Mesdames, Messieurs, La Charte pour quoi faire ? La Charte de l’environnement s’inscrit dans notre vie parlementaire à l’envers de la banalité. Les dispositions juridiques qui la composent sont autant de formules novatrices. Les objectifs constitutionnels et le principe qui figurent dans ce texte comblent des lacunes que le législateur a plusieurs fois souhaité supprimer depuis trente ans. Ils permettent à la France de reprendre l’initiative et de constituer de nouvelles références dans le monde face aux événements d’une dimension inattendue qui menacent aujourd’hui la nature. Nos sociétés ne peuvent ni ne doivent se résoudre à renoncer au progrès. Pourtant l’écologie a révélé ces dernières années les limites de notre modèle économique et social. L’aporie de certains modes de développement ne peut plus être ignorée. Le Président de la République a donné l’impulsion indispensable pour que le débat sur ces questions ait enfin lieu. A plusieurs reprises, en France et lors des négociations internationales les plus significatives, il a été le porte-parole dénonçant les risques et proposant les solutions. Le Premier ministre, en résonance avec les engagements présidentiels, a lancé les travaux de la commission Coppens qui ont permis de préciser le contenu et la portée de ce grand texte constitutionnel. Mais la complexité de ce sujet interdit d’imaginer que nous avons atteint le point d’aboutissement ou d’équilibre des extraordinaires bouleversements qui s’opèrent actuellement et qui mettent en jeu la relation profonde et quotidienne entre l’homme et la nature, qui engagent l’avenir même de nos conditions de vie et de celles des générations futures. C’est pourquoi la Charte, loin d’apporter une solution définitive, intégrale et préfabriquée, inaugure un vaste mouvement politique et lance un défi juridique. De cette nouvelle étape, le législateur sera le maître d’œuvre. La Charte, en fixant des objectifs constitutionnels aussi nouveaux, appelle le Parlement à décliner dans la loi cette ambition. Pour cette raison l’amendement introduit lors des discussions en Commission à l’article 34 de la Constitution, intégrant l’environnement dans le champ de compétences du législateur, est important. Mais la question environnementale sert aussi de révélateur et renvoie les débats à venir à une question essentielle : la réinvention de l’idée de progrès. C’est une vieille idée moderne. Paul Valéry écrivait en 1945 dans Regards sur le monde actuel : « À l’idole du Progrès répondit l’idole de la malédiction du Progrès ; ce qui fit deux lieux communs ». — 8 — De ces lieux communs, la Charte peut nous garder. Elle crée en effet une séquence nouvelle dans le droit contemporain par un principe et des objectifs constitutionnels qui, ici ou là, au Portugal, en Espagne, au Brésil, en Équateur, dans la jurisprudence des cours européennes, sont reconnus mais qui, nulle part, ne composent une telle architecture et ne bénéficient d’une telle cohérence. La Charte propose l’inscription d’une autre génération de droits de l’homme, dont le motif est le respect de l’autre par l’ouverture d’un chantier juridique qu’aucun gouvernement n’avait encore osé entreprendre, celui d’une requalification des responsabilités individuelles et collectives face aux drames écologiques en ce début de XXIe siècle. La Charte, par sa rédaction équilibrée, est encore plus un exercice de lucidité et marque fortement une intention essentielle : offrir à chacun, acteur économique ou social, autorité publique, une réelle capacité à prévoir. Or, la tentation ultime de notre monde organisé est d’écarter les paravents, de refuser les surprises, de dégager des rationalités alternatives. L’enjeu est considérable, la tâche paraît chaque jour impossible. Le principe de précaution, qui aura fait l’objet des discussions les plus aiguës, témoigne de cette démarche fondatrice pour animer notre pacte républicain face à ces impératifs dramatiques ou tragiques, inattendus.
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