BIGOT * Jouventin * * 1973

BIGOT * Jouventin * * 1973

CORE Metadata, citation and similar papers at core.ac.uk Provided by I-Revues QUELQUES EXPERIENCES DE COMESTIBILITE DE LEPIDOPTERES GABONAIS FAITES AVEC LE MANDRILL, LE CERCOCEBE A JOUES GRISES ET LE GARDE-BŒUFS par Louis BIGOT * et Pierre JouvENTIN * * Ce travail a été effectué pendant le deuxième trimestre 1973, au Laboratoire de Primatologie et d'Ecologie Equatoriale du Centre National de la Recherche Scientifique situé à Makokou (Gabon). Il s'agit d'un travail d'équipe entre un entomologiste - plus précisément un lépidoptérologiste - et un éthologiste s'intéressant aux oiseaux et aux primates. La R.C.P. 317 «Polymorphisme, spéciation et mimétisme chez les insectes », est à l'origine de cette étude. L'idée de base était de tester la comestibilité des insectes de la région sur des espèces différentes de prédateurs. Il s'agissait donc d'une investigation préliminaire en vue de travaux plus axés sur les problèmes du mimétisme. L'un d'entre nous qui menait parallèlement une étude de terrain sur l'éco-éthologie du Mandrill (Mandrillus sphinx) avait pu constater en forêt la part importante d'insectes qui entre dans le régime alimentaire de ces animaux. Nous avons donc pensé à centrer cet essai sur ce primate et à envisager une comparaison avec des hérons garde-bœufs (Bubulcus ibis) qui, eux aussi, chassent les insectes à vue lorsqu'ils fuient devant eux ou devant les Bovidés qu'ils accompagnent. Cette recherche, sans plan préétabli, et qui n'a donc rien de systématique, à la différence de celle de Janin (1972-1973), pré­ sente les avantages et les limitations de ce type d'étude. Nous avons utilisé les insectes que nous avons pu trouver sur place. Certaines espèces de proies ont donc été offertes en trop petit nombre pour que les résultats soient utilisables. Notamment, il ne nous est pas possible d'envisager un traitement statistique efficace des données obtenues. Autre difficulté, nombre de familles (') Faculté des Sciences et Techniques de Saint-Jérôme. Université Aix­ Marseille III, rue Henri-Poincaré, 13397 Marseille, Cédex 4. (.. ) Laboratoire de Primatologie et d'Ecologie Equatoriale, B.P. 18, Makokou. Gabon. - 521 - 3 de Lépidoptères de cette région d'Afrique sont encore mal connues. Nous avons pu identifier certains spécimens grâce à la collection de référence de la Mission Biologique au Gabon apportée de France au Laboratoire de Primatologie. Cette col­ lection, déterminée par les spécialistes, comprenait les familles des Attacides (Rougeot det.), des Noctuides (Laporte det.), des Sphingides (Bernardi det.), des Synthomides (Mlle Nguyen det.) et des Thyritides (Kiriakoff det.). Les trois espèces de Noctuides, Eligma duplicata, Achaea catocaloides et Dermaleipa rubricata, ainsi que le Pyralide Margaronia sericea, ont été déterminés d'après la collection de référence des Lépidoptères ivoiriens constituée par l'un de nous et déterminée par E. Berio (Noctuid'='s) et par M. Shaffer (Pyralides). L'utilisation d'individus appartenant à des espèces de familles qui ne sont pas actuellement susceptibles d'être déterminées par des spécialistes a été limitée, voire évitée, dans notre expérimen­ tation. Nous n'en avons pas moins testé environ 1 300 Lépidoptères appartenant à 16 familles et à plus de 60 espèces (1). Nous avons dû aussi utiliser comme prédateurs les animaux en captivité qui se trouvaient à la station. On peut critiquer le fait d'·expérimenter sur des animaux en cage, mais il faut bien admet­ tre que toute expérience de comestibilité, même avec des animaux en liberté, est par essence artificielle puisque les proies ne se trouvent pas dans leur environnement habituel et que les préda­ teurs savent où les trouver à coup sûr. Le nombre d'individus testés par certains prédateurs est parfois manifestement insuffisant (un seul Cercocebus albigena par exemple) et nous avons dû en tenir compte dans l'interprétation des résultats. En outre, ce qui est plus grave, l'origine des quatre mandrills dont nous disposions était hétérogène. L'un d'entre eux avait été élevé complètement en captivité, ce qui en faisait un animal «naïf» qui n'avait jamais mangé d'insectes, alors qu'un autre venait d'être piégé à l'état adulte dans la nature. Pour tourner la diffi­ culté à notre avantage, nous avons mis l'accent au cours de notre expérience sur la variabilité individuelle qui résultait de cet état de fait. Nous avons suivi de près l'évolution des animaux naïfs en la comparant à celle des animaux sauvages. Les recherches de nos devanciers ont surtout utilisé les oiseaux comme préda- (1) Les noms complets des genres et des espèces, ainsi que leur classement par familles, sont donnés dans le tableau I. Dans ce même tableau, certains chif­ fres sont accompagnés d'un exposant ; cela signifie que le chiffre en question est à répéter autant de fois que l'exprime l'exposant : ainsi l2°, correspondant à la consommation du Sphingide N. comma par le Mandrill mâle n° 1, signifie que ce singe a mangé directement vingt-cinq N. comma ; la notation 213 pour le même sphinx consommé par le Mandrill mâle n° 2 signifie que ce singe a mangé treize N. comma après les avoir manipulés ou gofttés. - 522 -- teurs, plus rarement les batraciens (Brower and Brower, 1965) et les primates (Carpenter, 1921), mais ces animaux ont toujours été considérés en tant qu'espèces. Nous nous sommes au contraire délibérément intéressés aux réactions des individus, en fonction de leur histoire antérieure. Autre avantage de ce mode d'investigation, nous avons été amenés à découvrir au passage certains problèmes insoupçonnés, dont certains ont un intérêt pour l'étude du mimétisme. Ainsi, sans chercher à prouver une thèse quekonque, certaines évidences sont apparues peu à peu, ce qui nous paraît justifier cette publi­ cation préliminaire. Notre matériel de travail était constitué par des Lépidoptères diurnes capturés au filet (en nombre d'ailleurs très limité dans le secteur en cette saison) et par des Lépidoptères nocturnes récoltés au cours de chasses de nuit. Ces dernières ont été effectuées sur les bords de l'Ivindo, à l'aide de lampes à vapeur de mercure. La composition, comme la quantité, de la faune attirée variait de façon assez considérable d'une nuit à l'autre. Une étude de terrain préalable aurait évidemment été utile pour déterminer avec quelle fréquence ces espèces sont rencontrées réellement dans la nature par les prédateurs choisis, mais elle aurait modifié du tout au tout la dimension de notre projet. Nous avons dû nous contenter de supposer que les papillons diurnes et nocturnes qui se posent au sol ou sur les troncs sont certaine­ ment dérangés par les bandes de mandrills ou les troupeaux de bovidés avec lesquels vivent les hérons. Les prédateurs utilisés consistent en cinq singes et deux ois.eaux : quatre mandrilb (Mandrillus sphinx) dont une femelle complètement sauvage, une femelle et un mâle ayant vécu depuis plusieurs mois en captivité et un mâle ayant toujours vécu en captivité (mâle «naïf»). un Cerbocèbe à joues grises (Cercocebus albigena), adulte de sexe mâle, ayant vécu plusieurs mois en captivité, deux hérons garde-boeufs adultes (Bubulcus ibis) capturés pour les besoins de l'expérience. Lors de leur récolte, les insectes étaient placés vivants dans des papillotes qui les immobilisaient et les gardaient frais jus­ qu'au moment des expériences qui avaient lieu chaque jour. Ils étaient présentés aux animaux de deux manières différentes au cours de chaque séance et certains insectes refusés étaient réutilisés. Un premier groupe d'expériences portant sur 800 papillons a été effectué avec des insectes vivants donnés à la main à travers le grillage des cages. Pour quantifier l'intérêt que porte le préda- - 523 - A B \ c 01 Figure 1. - Séquence comportementale habituelle d'un Mandrill mangeant un papillon : A, il le flaire puis ; B, le gotlte ; C, il le frotte ensuite entre les paumes de ses mains, puis le dilacère ; D, il le frotte enfin sur le sol, avant de le croquer. Dans des conditions apparemment identiques, la séquence comportementale n'a pas toujours lieu dans l'ordre décrit et certains éléments en sont parfois absents. Il y a aussi parfois des variations en fonction de la proie et du prédateur teur à la proie, nous avons établi après quelques tâtonnements une échelle graduée des réactions de l'animal d'après son compor­ tement, comme suit : 1°) prend immédiatement et manage, 2°) manipule et/ou goûte puis mange, 3°) manipule et/ou goûte puis rejette, 4°) prend et rejette immédiatement, 5°) ne vient pas prendre. Pour éviter de conditionner les animaux à une séquence de présentation des insectes, nous avons évité de suivre un ordre précis et alterné ou non les proies considérées par nous comme non-comestibles et comestibles. Le deuxième groupe d'expériences portant sur 117 plateaux de 4 à 5 papillons chacun a été effectué avec des insectes qui venaient d'être tués par pression au niveau du thorax avant d'être disposés sur un plateau, afin de déterminer l'ordre de préférence. Le plateau une fois placé dans la cage, l'animal était observé par les deux auteurs sous deux angles différents et souvent à quelques mètres de distance pour ne pas effaroucher les animaux. Il n'y eut pratiquement jamais doute ou divergence sur les résultats observés. LA COMESTIBILITE DES PROIES Par suite de divers aléas, ncus n'avons pu expérimenter en nombre égal avec tous les Lépidoptères capturés (Tableau 1). La qualité et la quantité de nos récoltes variaient en fonction des cycles biolog:ques des espèces, ou plus simplement même, selon la présence ou l'absence de lune, et aucune prévision n'était possible. Certains papillons ont été collectés en abondance telle Nephele comma qui a été utilisé plus de 200 fois.

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